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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Jacques Charlier

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

Les Constructions Tradition inc. (faillie)

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ : 068433

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour le bénéficiaire :

Me Jacques St-Louis

 

Pour l'administrateur :

Me Jacinthe Savoie

 

Date d’audience :

14 septembre 2005

 

Date finale de réception des notes :

11 octobre 2005

 

Lieu d'audience :

Anjou

 

Date de la sentence :

27 octobre 2005

 

 

I : INTRODUCTION

[1]    Dans la présente affaire, M. Jacques Charlier, par sa demande d'arbitrage datée du 19 février 2005, réclame le parachèvement des travaux des parties communes d'un édifice résidentiel comportant douze unités en copropriété divise, sis au 6275, chemin de Chambly, à Saint-Hubert.

[2]    Après avoir déposé un avis d'intention le 16 août 2004, l'entrepreneur, Les Constructions Tradition inc., a finalement fait cession de ses biens le 13 octobre 2004.

[3]    À ce moment-là, les travaux des parties communes n'étaient pas parachevés.

[4]    En faisant abstraction des éléments non couverts par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ à son article 29.9°, le coût estimé par une firme d'experts pour le parachèvement des travaux des parties communes est de l'ordre de 300 000 $ (ménage, maçonnerie, patio, crépi, cage d'escalier, garde-corps, etc.).

[5]    Au moment de la faillite de l'entrepreneur, il y avait cinq unités dont les acquéreurs étaient détenteurs de titres et sept unités pour lesquelles un contrat préliminaire avait été signé avec l'entrepreneur.

[6]    Les acomptes versés par les sept bénéficiaires détenant un contrat préliminaire leur ont depuis été remboursés par l'administrateur.

[7]    Dans le cas des cinq autres bénéficiaires détenteurs de titres, dont M. Charlier, après plusieurs communications verbales et écrites, l'administrateur, en date du 4 février 2005, émettait la décision suivante relativement au parachèvement des travaux des parties communes :

SOUS TOUTES RÉSERVES

CERTIFIÉE

Anjou, le 4 février 2005

M. Jacques Charlier

6275, chemin de Chambly# 6

St-Hubert (Québec)

J3Y 3R6

Objet:                          N/Dossier: 068433

Monsieur,

La présente vise à vous informer de la position de la Garantie des maisons neuves dans le dossier cité en rubrique.

En premier lieu, nous aimerions dresser le portrait actuel de la situation. L'entreprise «Les Constructions Tradition inc.» a été accréditée au plan de garantie de la Garantie des maisons neuves de l'APCHQ jusqu'en octobre 2004. L'entreprise s'est vue retirer son adhésion au plan de garantie suite à un jugement déclarant faillite.

Nos obligations en tant qu'administrateur du plan de garantie obligatoire sont indiquées au règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Actuellement, nous devons vous référer plus précisément à certaines modalités du contrat de garantie applicables à un bâtiment détenu en copropriété divise.

Dans un premier temps, nous voudrions préciser qu'en vertu de l'article 29, 11e paragraphe, les créances des personnes qui ont participé à la construction du bâtiment sont expressément exclues de la garantie. Il s'agit ici, entre autre des hypothèques légales qu'on nommait « les privilèges » avant 1994.

Deuxièmement, dans le cas qui nous occupe, le bâtiment sis au 6275 ch. Chambly comporte 12 unités en copropriété divise. Cinq unités dont les acquéreurs sont détenteurs des titres de propriété et sept unités où un contrat préliminaire a été signé avec « Les Constructions Tradition inc. » sans qu'il n'y ait de transfert de titres.

Dans ce dernier cas, les remboursements d'acompte ont été versés à 7 bénéficiaires qui en ont fait la demande. Pour les cinq bénéficiaires détenteurs des titres, la Garantie relative aux parties privatives s'applique puisqu'il y a eu transfert de titre avec «Les Constructions Tradition inc.» ainsi que réception de la partie privative pour chacun des copropriétaires en question.

Concernant la garantie applicable aux parties communes du bâtiment, en vertu du règlement, celle-ci débute à la réception du bâtiment. La réception des parties communes du bâtiment se définit comme « L'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriété déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires. » Or, nous constatons qu'il n'y a pas de fin des travaux déclarée ni de réception des parties communes pour ce bâtiment.

Par conséquent, nous ne pouvons donner suite à votre demande en regard des parties communes du bâtiment puisque la garantie à cet effet ne trouve pas d'application dans le cas présent.

Toutefois, nous avons appris que « Les Habitations Trigone 2000 inc. » et l'entreprise « 9033-2008 Québec inc » se présentaient comme acquéreurs du bâtiment. Or, ces entreprises ont des liens avec l'entreprise « Les Habitations Trigone 2000 inc. » qui est accréditée au plan de garantie Qualité Habitation. Considérant cet éventuel transfert, nous vous encourageons à poursuivre les discussions concernant notamment le parachèvement du bâtiment en communiquant directement avec le nouvel acquéreur et Qualité Habitation.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

(S) Marie-Claude Laberge

Marie-Claude Laberge, architecte

Inspecteur-conseil

Service d'inspection et de conciliation

c.c        Qualité Habitation

                         Les Habitations Trigone 2000 inc.

                         Régie du bâtiment du Québec

[sic]

[8]    Pour les fins de la présente enquête, une visite des lieux a été effectuée dans la matinée du 14 septembre 2005, et l'audience s'est poursuivie dans les bureaux de l'administrateur à Anjou.

[9]    Lors de l'audience, les personnes suivantes ont témoigné :

B       M. Jacques Charlier, bénéficiaire

B       M. Ronald Ouimet, directeur, Service d'inspection et de conciliation

II : LA PREUVE

Preuve des bénéficiaires

[10]            M. Charlier a témoigné à l'aide d'un document qu'il a lui-même rédigé.

[11]            Le témoin fait un bref historique des événements s'échelonnant de juin 2004 à avril 2005 : arrêt des travaux en juin 2004, période d'attente, ouverture du dossier par l'APCHQ en septembre 2004, faillite de l'entrepreneur en octobre 2004, démarches pour travaux de sécurisation, arrivée de Trigone Construction en décembre 2004, certains travaux conservatoires en janvier 2005, refus de l'APCHQ d'intervenir dans le parachèvement des travaux des parties communes en février 2005.

[12]            Dans sa lettre de demande de documents supplémentaires datée du 24 septembre 2004, l'administrateur, relativement aux parties communes, exigeait de M. Charlier que ce dernier lui fournisse certaines pièces, notamment :

B       copie de la déclaration de réception des parties communes étape 5 b

B       copie de l'avis de fin des travaux des parties communes étape 5 a

B       copie de la résolution du conseil d'administration du syndicat des copropriétaires nommant un représentant

[13]            À cet égard, je cite une partie du témoignage de M. Charlier :

-                       Pourquoi avoir fait ouvrir le dossier des communs (pièce D-1)? Lettre dans laquelle sont listés les documents demandés et que l'APCHQ sait très bien que nous ne pouvons pas fournir. Aucune communication ne m'a été adressée sur le sujet, nous laissant entrevoir pendant quatre mois que la garantie serait respectée; Que nous nous sentions protégé par cette dernière. L'évidence parlait d'elle même à savoir qu'il n'y aurait pas de « Fin des travaux » ni de « Réception des parties communes » à court terme... la complexité invoquée laissait prévoir le contraire.

-                       Pourquoi m'avoir laisser dresser des listes de travaux à exécuter dans les communs et, particulièrement celle des travaux de sécurisation appelés « conservatoires » par la suite, et que j'ai pris l'initiative de rédiger, et cela, si la Garantie des Maisons Neuves se dégage de toute responsabilités ?

[sic]

[14]            M. Charlier fait état des difficultés rencontrées au niveau de la réalisation des travaux de sécurisation, soit le transfert de responsabilité entre l'administrateur et le séquestre de Les Constructions Tradition inc., Raymond Chabot inc.

[15]            Le témoin fait la réflexion suivante : tandis que l'administrateur, Raymond Chabot et Trigone Construction se chamaillent, les résidants sont dans une insécurité totale.

[16]            Concernant le refus de l'administrateur de procéder au parachèvement des travaux des parties communes, M. Charlier commente comme suit, et je cite :

Ce refus de parachever les travaux est motivé par :

B        Le fait qu'il n'y a pas de « fin des travaux »

B        Le fait qu'il n'y a pas eu de « réception des travaux »

B        La présence de deux garanties, l'APCHQ et Qualité Habitation pour Trigone (qui n'a pas acheté le chantier) il n'y a donc PAS ENCORE deux plans de garantie et ceci demeure une éventualité.

            À propos, lorsqu'il est dit qu'il ne peut y avoir deux plans de garantie sur le même « bâtiment », nous sommes tout à fait en acccord avec ce principe. L'APCHQ nous dit que la « Garantie des maisons neuves » sera respectée et s'appliquera sur les parties privatives des couples possédant un titre de propriété (D-16). l'APCHQ reconnaît donc avoir un engagement envers Nous. Elle nous dira aussi que cela n'affectera pas le fait que « Qualité Habitation » couvre éventuellement le reste, C.-à-d. les communs et les 7 autres unités. C'est sur ce point que nous ne sommes pas d'accord, et ce, pour la raison suivante : Si nous nous référons à « La déclaration de copropriété du carré des coqs (6275) », à la Section 2.3 Page 8, intitulé « Parties communes à usage restreint » qui dit au paragraphe 2.3.1 « Définition et composition » Article 12. : Ces parties communes sont, de façon générale, situées à l'extérieur des bornes de chacune des parties privatives, mais doivent de par leur nature être destinées à la jouissance EXCLUSIVE des copropriétaires considérés individuellement et comprennent :

B        Les fenêtres... ;

B        Les portes d'entrée des parties privatives ;

B        Les balcon et Galeries ;

B        Les espaces de stationnement extérieurs.

[sic]

[17]            À cet égard, il conclut :

                         Ce qui m'amène à dire que, la « Garantie des maisons neuves » APCHQ, de par son engagement vis-à-vis les cinq (5) logements détenant des titres de propriété assumera ( ?) la dite garantie des parties privatives mais, dès que je mettrai le pied sur ma galerie, je serai sur un droit exclusif à ma partie privative mais sous la garantie de ... « Qualité Habitation » ! De même pour les fenêtres, les portes et les espaces de stationnement...

                         Comment devront nous gérer un problème affectant à la fois les communs et un privatif?...

...L'APCHQ a raison. Il ne peut pas y avoir deux plans de garantie. Seule l'APCHQ et sa « Garantie de Maisons neuves », si elle respecte son engagement pour les parties privatives vis-à-vis des cinq « notariés », se doit d'assumer sa responsabilité de l'ensemble du 6275 chemin Chambly.

[sic]

[18]            Le témoin soumet que le document de l'administrateur intitulé « Liste préétablie d'éléments à vérifier et réception du bâtiment » porte à confusion relativement à la distinction à apporter entre les parties privatives et les parties communes.

[19]            M. Charlier fait état du contrat de garantie applicable aux bâtiments détenus en copropriété divise, de même que des limites monétaires de la garantie; dans le présent dossier, il affirme que le montant réclamé est de loin inférieur au montant maximum de 2 000 000 $ prévu par le décret.

[20]            Il témoigne à l'effet que la section « Obligations du bénéficiaire » apparaissant au contrat de garantie ne peut être respectée, puisque tant les institutions financières que les notaires refusent d'appliquer une retenue financière.

[21]            Le témoin constate qu'il y a là une divergence avec l'article 2111 du Code civil du Québec.

[22]            M. Charlier conclut qu'il est ici question de la dégradation et de la détérioration d'un bien acquis de bonne foi sous la protection de l'APCHQ, et cette dernière veut transférer sa responsabilité à une autre partie.

[23]            Il se demande pourquoi l'on fait une distinction entre les parties privatives et communes.

[24]            Les bénéficiaires, poursuit-il, ne demandent pas un cadeau, car ils ont payé leurs primes.

[25]            M. Charlier dit s'être en dernier ressort adressé par écrit à M. Bruno Nantel, directeur général de La Garantie des maisons neuves; ce dernier, dans une lettre datée du 8 juillet 2005, admettait ce qui suit :

Ceci étant dit, il est certain qu'une forme de protection, lorsque de telles situations apparaissent, s'avère nécessaire et, en conséquence, le Règlement a certainement besoin d'être modifié.

Preuve de l'administrateur

[26]            M. Ouimet nous explique que La Garantie des maisons neuves administre le plan de garantie rédigé par la Régie du bâtiment du Québec. La Régie a convenu que ce plan de garantie était obligatoire pour les bâtiments résidentiels de quatre étages et moins; ce plan ne couvre pas toutes les obligations de l'entrepreneur; il comporte aussi des limites monétaires (article 30.4° du décret).

[27]            Les dates de début de garantie ne sont pas les mêmes pour les parties communes et les parties privatives.

[28]            Le témoin soutient que dans le plan de garantie, relativement aux parties communes, le bénéficiaire est le syndicat de copropriété.

[29]            À la suite de la réclamation des bénéficiaires, l'administrateur, en septembre 2004, a demandé les documents prévus à cet effet, notamment à l'article 33 du décret.

[30]            Cette réclamation des bénéficiaires exigeait, entre autres, l'exécution de travaux conservatoires, lesquels sont prévus à l'article 34.6° du décret.

[31]            Dans le contexte de la faillite, l'administrateur a décidé d'intervenir directement en ce qui concerne la réalisation des travaux conservatoires, procédure peu courante selon le témoin; il admet toutefois que le délai d'exécution de ces travaux a été causé par la faillite de l'entrepreneur, le syndic, les rumeurs, les discussions, les rencontres, etc.

[32]            Conformément à l'article 26.1° du décret, l'administrateur a remboursé les acomptes des sept promettants-acheteurs qui n'étaient pas propriétaires.

[33]            Les cinq autres propriétaires détenteurs de titres ne sont pas admissibles au remboursement des acomptes (il est question ici des acomptes versés pour les parties privatives).

[34]            L'article 25 du décret nous renseigne sur la définition de « réception des parties communes » :

«réception des parties communes»: l'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires.

[35]            Dans le présent dossier, puisque les travaux ne sont pas complétés, il n'y a pas eu de réception des parties communes.

[36]            Comme il s'agit ici d'un contrat de vente, c'est l'article 26.1° du décret qui trouve application :

26.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    dans le cas d'un contrat de vente:

  a)    soit les acomptes versés par le bénéficiaire;

  b)   soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

[37]            Les cinq détenteurs de titres ne sont pas éligibles en 26.1° a); c'est donc b) qui s'applique. Or, le syndicat n'est pas détenteur de titres; le syndicat bénéficie de la garantie, mais n'est pas détenteur de titres; il n'y a donc eu aucune entente avec l'administrateur.

[38]            Le témoin affirme que La Garantie des maisons neuves n'a jamais à date couvert le parachèvement des travaux des parties communes.

[39]            La garantie pour vices cachés débute à la réception des parties communes.

[40]            M. Ouimet déclare que le Règlement aurait peut-être besoin d'être modifié, mais que le rôle de l'administrateur consiste à l'appliquer tel qu'il est.

[41]            Relativement aux mesures conservatoires, le témoin avoue que seulement celles qui ont été considérées urgentes par l'administrateur ont été exécutées.

[42]            M. Ouimet nous informe que le document intitulé « Liste préétablie d'éléments à vérifier et réception du bâtiment » est un document universel (parties privatives d'unités en condominium et parties privatives d'unités non détenues en copropriété) émanant de l'administrateur.

III : ARGUMENTATION

Argumentation des bénéficiaires

[43]            Le procureur invoque les notions d'équité, de bonne foi et d'obligation implicite du contrat.

[44]            Même M. Ouimet, dit-il, a admis qu'il s'agissait d'un cas pathétique.

[45]            Les parties communes sont visées par la garantie, car elles font partie des obligations implicites de cette dernière.

[46]            Le procureur cite les articles 1046 et 1047 du Code civil.

[47]            Il ne peut y avoir de parties communes sans parties privatives et vice versa.

[48]            Si un citoyen vend sa partie privative, il vend en même temps sa part des parties communes.

[49]            Le syndicat n'a jamais conclu de contrat avec l'entrepreneur; vu que le syndicat détient un titre de propriété eu égard aux parties communes, c'est lui qui a droit aux bénéfices du Règlement prévus à l'article 26 du décret.

[50]            Si l'administrateur ne veut pas faire d'entente, qu'advient-il? On attend? D'où la notion de bonne foi. L'administrateur n'a qu'à dire « je ne veux pas faire d'entente ». Est - ce là la prétention du plan de garantie? D'où la notion d'obligation implicite. Toute décision contraire serait illégale et nulle.

[51]            Si la clause du Règlement était si claire, pourquoi l'administrateur a-t-il attendu quatre à cinq mois pour rendre sa décision?

[52]            Les bénéficiaires sont tous de simples travailleurs, des personnes ordinaires, qui ont acheté des unités neuves afin d'écouler une retraite paisible; ils se retrouvent tous dans un merdier. Une personne normale ne peut arriver à une autre conclusion que les parties communes sont couvertes, alors qu'en introduction, l'article 26 du décret l'indique clairement.

[53]            Le procureur se réfère à nouveau aux notions d'obligation implicite et de bon sens.

[54]            Vu qu'il s'agit de dispositions que les bénéficiaires ne pouvaient négocier, l'interprétation doit être libérale en leur faveur; c'est une question de droit et d'équité, d'autant plus que le décret prévoit cette dernière notion.

[55]            Les bénéficiaires veulent tout simplement leur dû, ce pour quoi ils ont payé.

[56]            Selon l'administrateur, l'article 26 du décret ne trouve pas application; l'on se retrouve donc devant une impossibilité d'application juridique; or, le législateur ne parle pas pour ne rien dire; il faut donc trouver un sens, sans quoi nous sommes en face d'un problème majeur d'équité.

[57]            Si l'application de l'article 26 du décret devient impossible, il est du pouvoir de l'arbitre d'introduire les notions l'équité; l'administrateur ne peut être à la fois la loi et l'ordre.

[58]            Les bénéficiaires sans titres de propriété ont récupéré leur acompte. Ainsi, selon l'administrateur, les bénéficiaires avec titres auraient moins de droits que ceux n'en ayant pas.

[59]            Le procureur cite les articles 1425 et 2111 du Code civil.

[60]            Il rappelle que le plan de garantie constitue une sûreté pour les bénéficiaires.

[61]            Au soutien de son argumentation, le procureur a soumis les autorités suivantes :

B       Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 5e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., p. 109-145, 346-349, 368-371.

B       La Garantie Habitation du Québec inc. c. Masson, C.S. Montréal 500‑05‑071027-021, juge Denis Durocher, 2002-06-12, REJB 2002-33076 .

B       Sévigny et Lavoie c. 9014-8792 Québec inc., T.A., arbitre Marcel Chartier (Soreconi), 2004-05-11.

Argumentation de l'administrateur

[62]            La procureure rappelle que le Règlement est d'ordre public, qu'il doit être respecté et qu'il ne peut être modifié.

[63]            L'administrateur est la caution de certaines des obligations de l'entrepreneur.

[64]            Ici, il n'est point question de bonne foi, d'interprétation ou d'équité; seul le Règlement s'applique.

[65]            C'est ainsi que la Cour d'appel a conclu dans l'arrêt Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes[1] : vu qu'il n'y a pas eu d'entente, il n'y aura pas de parachèvement des travaux.

[66]            Comme ces travaux ne sont pas expressément prévus, l'arbitre ne peut étirer le Règlement, ni par analogie, ni implicitement.

[67]            La procureure rappelle la définition de « bénéficiaire » à l'article 1 du Règlement.

[68]            Elle explique que la liste préétablie d'éléments à vérifier exclut les parties communes.

[69]            Relativement à l'article 28 du Règlement (retenue), la procureure déclare que s'il n'y a pas de sommes dues, il n'y a aucune difficulté.

[70]            Elle soutient que le délai de prise de décision finale par l'administrateur dans le présent dossier a été causé par des circonstances particulières.

[71]            Sur le fond, la procureure soumet que l'on se situe avant réception des parties communes et que c'est le syndicat qui est le bénéficiaire.

[72]            Elle cite l'article 1046 du Code civil et se réfère à la « Déclaration de copropriété du Carré des Coqs (6275) ».

[73]            Or, poursuit-elle, un syndicat ne détient jamais de titres de propriété; ainsi, l'article 26.1° b) du décret ne trouve jamais application dans les parties communes, avant réception de ces dernières.

[74]            Si l'on prenait pour acquis que le syndicat est détenteur de titres, il faudrait qu'il y ait une entente, ce qui n'est pas le cas.

[75]            Pour l'administrateur, il est clair que le parachèvement des travaux des parties communes n'existe pas.

[76]            Elle admet qu'il aurait été facile pour le législateur de l'énoncer plus clairement.

[77]            La procureure ajoute que même l'équité ne permet pas d'étendre la couverture du plan de garantie.

[78]            À l'appui de son argumentation, la procureure a soumis les autorités suivantes :

B       Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes, C.A. Montréal 500-09-013349-030, juges Rousseau-Houle, Morin et Rayle, 2004‑12‑15, AZ-50285725 , J.E. 2005-132 .

B       Collectif, L'édification du nouveau droit de la construction. Les Journées Maximilien-Caron 1999, dir. Guy Lefebvre, Montréal, Éditions Thémis, 2000, texte de Serge Crochetière sur le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, p. 129-134.

B       Tableau comparatif - Avant réception (extrait de l'article 26 du Règlement) et Après réception (extraits des articles 25 et 27 du Règlement).

B       Christine GAGNON, La copropriété divise, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., p. 298-300.

B       Gilles DOYON, Serge CROCHETIÈRE, Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1999, p. 94-96.

B       Martin St-Denis et Les Constructions Tradition inc. (faillie) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., T.A., arbitre Claude Dupuis (GAMM), 2005-05-19.

IV : DÉCISION ET MOTIFS

[79]            Les Constructions Tradition inc. a entrepris, en 2003 ou 2004 (la preuve est muette à cet égard), la construction d'un édifice résidentiel comportant douze unités en copropriété divise au 6275, chemin de Chambly à Saint‑Hubert.

[80]            Le 13 octobre 2004, l'entrepreneur a fait cession de ses biens. À ce moment‑là, il y avait cinq des douze unités dont les acquéreurs étaient détenteurs de titres et sept unités pour lesquelles un contrat préliminaire avait été signé avec l'entrepreneur.

[81]            À la suite de leur réclamation, l'administrateur a remboursé les acomptes aux sept bénéficiaires qui détenaient un contrat préliminaire.

[82]            Les cinq autres bénéficiaires détenteurs de titres ont présenté à l'administrateur une réclamation relativement au parachèvement des parties communes, représentant un montant de l'ordre de 300 000 $.

[83]            L'administrateur a refusé cette réclamation en se basant sur les dispositions de l'article 26 du décret.

[84]            Pour fins de compréhension globale, le tribunal reproduit ci-après les articles 26 et 27 du Règlement :

26.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    dans le cas d'un contrat de vente:

  a)    soit les acomptes versés par le bénéficiaire;

  b)    soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

  2°    dans le cas d'un contrat d'entreprise:

  a)    soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ce dernier;

  b)    soit le parachèvement des travaux lorsqu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

  3°    le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

  a)    le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

  b)    il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.

27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

  Le défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment notamment celles contenues au Code national du bâtiment du Canada, au Code canadien de l'électricité et au Code de plomberie constitue une malfaçon sauf s'il ne porte pas atteinte ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.

[85]            Dans le présent dossier, il a été prouvé et admis qu'il n'y a pas eu réception des parties communes au sens de l'article 25 du décret; il faut donc se référer à l'article 26 pour la solution de la présente demande.

[86]            La définition de « réception des parties communes » est la suivante à l'article 25 :

«réception des parties communes»: l'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires.

[87]            Cependant, la prétention de l'administrateur est que le parachèvement des travaux des parties communes n'est en aucune circonstance couvert par le plan, d'une part parce que l'article 27 ne prévoit que le parachèvement des travaux relatifs aux parties privatives[2], et d'autre part parce que l'article 26 ne peut trouver application pour les raisons exposées ci-après.

[88]            Rappelons que nous sommes ici dans le cas d'un contrat de vente.

[89]            L'administrateur, dans le présent dossier, estime que les cinq bénéficiaires détenteurs de titres ne sont pas admissibles au remboursement des acomptes (article 26.1° a), ceux-ci étant réservés aux parties privatives.

[90]            Il considère par ailleurs que l'article 26.1° b) ne peut trouver application, puisqu'un syndicat, bénéficiaire lorsqu'il s'agit des parties communes, ne détient jamais de titres de propriété et qu'en plus il n'y a pas eu, dans le présent dossier, d'entente avec l'administrateur.

[91]            En d'autres termes, selon l'administrateur, la caution n'engage jamais ce dernier en ce qui a trait au parachèvement des travaux des parties communes, que ce soit avant ou après réception de celles-ci; l'administrateur ajoute que toute autre interprétation pourrait affecter sa situation financière.

[92]            Cette interprétation de l'administrateur m'apparaît un peu imprudente et ne semble pas correspondre au cadre général du plan de garantie.

[93]            À cet égard, le tribunal cite partiellement l'article 2.2° du plan ainsi que l'intitulé de la rubrique §2 (Chapitre II, Section II) où l'on indique « bâtiments » et non pas parties privatives de ces bâtiments :

2.   Le présent règlement s'applique aux plans de garantie qui garantissent l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:

[...]

  2°    des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:

[...]

§ 2.  Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise

[...]

[94]            Le paragraphe introductif et le paragraphe 4° de l'article 30 du plan vont dans le même sens, indiquant les limites de la garantie pour le parachèvement d'un bâtiment et non de ses parties privatives :

30.   La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants:

[...]

  4°    pour le parachèvement et la réparation des vices et malfaçons à l'égard d'un bâtiment multifamilial, le moindre des 2 montants suivants:

  a)    le montant total du prix d'achat des fractions contenues dans le bâtiment ou le montant total inscrit au contrat d'entreprise;

  b)    un montant égal à 100 000 $ multiplié par le nombre de parties privatives contenues dans le bâtiment sans toutefois excéder 2 000 000 $ par bâtiment;

[95]            Le cadre général du plan ainsi que le cadre général du contrat n'excluent aucunement le parachèvement des travaux des parties communes.

[96]            Sous la rubrique §2, à l'article 29, le législateur a pris la peine de préciser les onze exclusions de la garantie dans le cas des bâtiments détenus en copropriété divise, et le parachèvement des travaux des parties communes n'en fait aucunement partie; si l'intention du législateur avait été d'exclure le parachèvement des travaux des parties communes de la garantie, il l'aurait alors clairement exprimé.

[97]            Le législateur se serait-il amusé à écrire une page complète de texte sur le parachèvement des travaux des parties communes (articles 26 et 27 du décret) pour nous laisser interpréter qu'il n'est pas couvert par la garantie?

[98]            L'article 116 du plan permet à l'arbitre de faire appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

[99]            Or, la décision de l'administrateur a créé les circonstances suivantes.

[100]       Dans la foulée de la faillite de l'entrepreneur, sept bénéficiaires ayant signé un contrat préliminaire ont été indemnisés; leur cauchemar prenait fin ou presque (ils n'avaient qu'à se trouver un autre logement). Quant aux cinq bénéficiaires détenteurs de titres de propriété, ils n'ont reçu aucune indemnisation, en plus d'hériter d'une dette importante pour le parachèvement des travaux des parties communes; pour eux débutait un calvaire qui allait durer quelques années.

[101]       Ce qui a fait dire au procureur des demandeurs que les bénéficiaires avec titres ont moins de droits que ceux qui n'en détiennent pas.

[102]       Selon M. Ouimet, directeur du Service d'inspection et de conciliation, l'administrateur a refusé de rembourser les acomptes des cinq propriétaires détenteurs de titres parce que ces derniers n'y sont pas admissibles.

[103]       Le tribunal est d'avis que cette dernière affirmation constitue un ajout à l'article 26.1° a) du plan, ci-devant cité, lequel stipule que « La garantie [...] doit couvrir [...] soit les acomptes versés par le bénéficiaire », sans faire de distinction entre un détenteur ou un non-détenteur de titres.

[104]       Le tribunal cite maintenant les articles 1046 et 1047 du Code civil du Québec :

1046.

  Chaque copropriétaire a sur les parties communes un droit de propriété indivis. Sa quote-part dans les parties communes est égale à la valeur relative de sa fraction.

1047.

  Chaque fraction constitue une entité distincte et peut faire l'objet d'une aliénation totale ou partielle; elle comprend, dans chaque cas, la quote-part des parties communes afférente à la fraction, ainsi que le droit d'usage des parties communes à usage restreint, le cas échéant.

[105]       En vertu de ces deux derniers articles du Code civil, l'acompte versé au contrat à l'entrepreneur constitue un acompte global pour la partie privative et les parties communes; il n'existe pas d'acompte spécifique pour les parties communes.

[106]       De plus, il est reconnu que cet acompte est constitué de l'acompte initial et des versements progressifs. Ainsi, à titre d'exemple, si un bénéficiaire débourse 125 000 $ pour son unité, une partie de ce montant représente sa quote-part des parties communes, le tout en conformité avec l'article 1046 du Code civil.

[107]       En toute équité et selon les termes de l'article 26.1° a) du décret, l'administrateur se devait de rembourser les acomptes versés par les douze bénéficiaires. Si l'article 26.1° b) ne s'applique pas vu qu'il n'y a pas eu entente, et ce, en admettant que le syndicat soit détenteur de titres, c'est l'article 26.1° a) qui s'applique; c'est l'un ou l'autre et non pas ni l'un ni l'autre.

[108]       Pour les acomptes, le montant de la garantie est limité à 30 000 $ par fraction, tel que stipulé à l'article 30 du plan.

[109]       Le rapport de la firme d'experts GLT inc., non contredit, en date d'avril 2005, estime à 429 668 $ les coûts pour le parachèvement des travaux des parties communes.

[110]       En soustrayant de cette estimation de GLT les éléments qui m'apparaissent clairement être exclus à l'article 29 du plan (nivellement du terrain 5 400 $, asphalte 14 000 $, pelouse 1 200 $), le tribunal arrive à un total de 403 604 $ pour le parachèvement des travaux des parties communes éligibles à la garantie, soit 33 634 $ par unité de logement.

[111]       Encore une fois, le tribunal fait intervenir la clause de l'équité, car les circonstances à nouveau le justifient.

[112]       Je cite à cet égard les propos du juge Denis Durocher, J.C.S.[3] :

[37]    Que l'on soit d'accord ou non avec sa décision de recourir aux règles de l'équité, il n'en demeure pas moins qu'il possédait le pouvoir, prévu explicitement, pour le faire.

[38]   Les motifs qu'il invoque par la suite s'appuient sur les circonstances établies, ainsi que sur des règles de droit, le Règlement et le contrat.  Sa décision est donc motivée et n'est pas déraisonnable.

[39]    La décision de l'arbitre est finale et sans appel.  Une telle disposition, à toute fin pratique, constitue l'équivalent d'une clause privative.  En présence de telles clauses, qui indiquent la volonté du législateur de confier à des tribunaux spécialisés la fonction de trancher certains litiges, les tribunaux de droit commun doivent faire preuve de retenue à l'égard de leurs décisions.  Ils n'interviendront que si la décision est déraisonnable, ou si son auteur n'avait aucune compétence pour la rendre.

[113]       L'article 30.1° du plan prévoit un remboursement maximum de 30 000 $ par fraction.

[114]       Dans le cas qui nous concerne, ce remboursement d'acomptes va fort probablement servir au parachèvement des travaux des parties communes; il ne s'agit pas de remboursement d'acomptes à des détenteurs de contrat qui quittent les lieux sans responsabilité ultérieure envers le bâtiment.

[115]       Or, pour le parachèvement des travaux des parties communes, le plan, à son article 30.4° b), prévoit un montant maximum de 100 000 $ par partie privative.

[116]       Il se peut que l'estimation de la firme GLT inclue une certaine somme pour des non-conformités ou des malfaçons; s'appuyant encore une fois sur la décision du juge Durocher, le tribunal incorpore cette somme dans le parachèvement.

[117]       Compte tenu que le rapport de la firme GLT est daté d'avril 2005 et qu'une certaine détérioration se poursuit depuis, compte tenu qu'il subsiste, selon la preuve recueillie, des travaux conservatoires à effectuer, compte tenu que certains travaux devront probablement être effectués en période hivernale, compte tenu que la provision de 10 % pour imprévus estimée par la firme GLT m'apparaît un peu faible dans les circonstances (arrêt des travaux depuis plus d'un an), le tribunal ajoute donc un montant de 3 866 $ par unité (3 866 $ par unité x 12 unités dégage une somme globale de 46 392 $ pour l'ensemble du bâtiment) pour une indemnité totale de 37 500 $ par fraction.

[118]       Les bénéficiaires des sept unités de logement qui ne détenaient pas de titres ont déjà été indemnisés par l'administrateur.

[119]       Dans une lettre datée du 23 décembre 2004, M. Christian Bourque de la firme Raymond Chabot inc., séquestre de Les Constructions Tradition inc. (en faillite), indiquait ce qui suit :

[...]

Comme vous le savez sans doute, Les Habitations Trigone 2000 inc. « Trigone » a procédé au rachat de la plupart des créances des détenteurs d'hypothèques légales de construction. De même, elle a conclu récemment un accord de rachat de la créance détenue par les Caisses populaires Desjardins des Berges de Roussillon, St-Hubert et St-Luc.

En résumé, Trigone ou ses compagnies affiliées sont désormais titulaires de la plupart des créances garanties prioritaires grevant les immeubles sous la garde du syndic.

Conséquemment, nous vous informons par la présente que le syndic est intervenu à un acte de délaissement volontaire en date du 17 décembre dernier, par lequel 9033-2008 Québec inc., compagnie affiliée à Trigone, deviendra, dès la publication de cet acte, propriétaire des immeubles suivants :

[...]

Ø    6275, chemin Chambly, à St-Hubert;

[...]

[120]       Dans une lettre datée du 23 février 2005, M. Patrice St-Pierre, président de Les Habitations Trigone 2000 inc., faisait la mise au point suivante :

[...]

Premièrement, vous faites fausse route avec toutes les insinuations que vous alléguez dans ce dossier. Comme vous le prétendez, Les Habitations Trigone 2000 inc., ne se sont jamais portés acquéreur du bâtiment mentionné en rubrique. Ce bâtiment est reconnu comme un « Syndicat de copropriété », dont vous êtes très bien au courant et ce à la lecture de toutes les lettres que j'ai pu prendre connaissance, dont certaines étaient écrites par Monsieur Jacques Charlier.

J'ai remarqué qu'il y a eu ouverture de dossier au plan de garantie concernant ce syndicat pour lequel vous ne faites jamais mention. Également, je suis très surpris de voir l'inaction de la garantie des maisons neuves, APCHQ, face à tous les préjudices que les bénéficiaires subissent et ce depuis juillet dernier. Pour votre information, j'ajouterais aussi que 9033-2008 Québec inc., sera bientôt propriétaire des lots des parties privatives de sept (7) unités de copropriété par « prise en paiement ».

[...]

[sic]

[121]       Tout d'abord, contrairement à ce qui était écrit dans la lettre de Raymond Chabot inc., Trigone Construction ne pouvait se porter acquéreur de l'immeuble sis au 6275, chemin de Chambly à Saint-Hubert, puisque la « Déclaration de copropriété du Carré des Coqs (6275) » a été signée le 19 mai 2004, soit à une date antérieure à celle de la lettre du séquestre.

[122]       D'ailleurs, dans sa lettre ci-haut citée, M. St‑Pierre a rectifié ce point.

[123]       Finalement, vers mai 2005, M. St-Pierre a acquis ces sept unités de copropriété par l'entremise de 9033-2008 Québec inc., dont il est le président.

[124]       En référence à l'article 2 du Règlement, il n'y a jamais eu de contrat conclu entre Tradition et M. St-Pierre ou une de ses entreprises pour la construction de ces unités de logement.

[125]       Et M. St-Pierre, lui-même entrepreneur en construction, donc un initié, est entré en scène au moment où la faillite est intervenue, avec les conséquences qui ordinairement en découlent; l'administrateur a déjà remboursé les acomptes aux sept détenteurs initiaux de contrat préliminaire.

[126]       Cependant, l'acquisition par la compagnie à numéros de ces sept unités d'habitation ne procure aucune obligation à Les Habitations Trigone 2000 inc. comme entrepreneur, ni à Qualité-Habitation comme caution, envers le parachèvement des travaux des parties communes, et ce, contrairement aux allégations contenues dans la décision du 4 février 2005 de La Garantie des maisons neuves.

[127]       Finalement, le tribunal souligne que la présente demande d'arbitrage a été adressée au Groupe d'Arbitrage et de Médiation sur Mesure (GAMM) uniquement au nom des cinq bénéficiaires ci-après identifiés et que le syndicat de copropriété du Carré des Coqs (6275) s'est désisté d'une demande d'intervention dans le présent dossier.

Conclusion

[128]       Pour les motifs ci-devant mentionnés, le tribunal

ORDONNE                à l'administrateur de verser, dans les quarante-cinq (45) jours de la présente, à chacun des cinq (5) bénéficiaires mentionnés ci‑dessous, une somme de trente‑sept mille cinq cents dollars (37 500 $) en guise de remboursement d'acomptes :

1.                    Norman Parsons et Marie-France Michaud, unité 3

2.                    Serge Ouellet et Lise Gravel, unité 4

3.                    Lise Morier et Jean-Paul Rodrigue, unité 5

4.                    Jacques Charlier et Denise Dombret, unité 6

5.                    Éric Voss et Claudia Dias, unité 11; et

RÉSERVE                 compétence pour trancher sur demande toute difficulté survenant dans l'application de la présente sentence.

[129]       Conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.

 

 

 

BELOEIL, le 27 octobre 2005.

 

 

 

 

__________________________________

Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]

 



[1]     Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes, C.A. Montréal 500‑09‑013349-030, juges Rousseau-Houle, Morin et Rayle, 2004 12 15, AZ-50285725 , J.E. 2005‑132.

[2]     Voir position de l'administrateur dans Martin St-Denis et Les Constructions Tradition inc. (faillie) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., T.A., arbitre Claude Dupuis (GAMM), 2005-05-19, paragr. 14.

[3]     La Garantie Habitation du Québec inc. c. Masson, C.S. Montréal 500-05-071027-021, juge Denis Durocher, 2002-06-12, REJB 2002-33076 .