Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c. B-1.1, r. 0.2)

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

DOSSIER N°:           S10-280501-NP

 

DATE                         :           17 février 2012

 

 


ARBITRE       :           Me PIERRE BOULANGER

 

 

 


DÉVELOPPEMENT MAGMA INC.,

 

Entrepreneur

 

c.

 

SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DU 670 MONTÉE MASSON, MASCOUCHE,

 

Bénéficiaire

 

et

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,

 

Administrateur de la garantie

 

 

 


DÉCISION ARBITRALE

 

 

 


[1]        L’immeuble concerné est situé au 670 Montée Masson à Mascouche. L’entrepreneur a requis un arbitrage au sujet de la décision de l’administrateur rendue le 29 avril 2010 qui est elle-même un addendum à une décision qu’il avait déjà rendue le 18 février 2009.

 

[2]        Entre ces deux dates, une décision arbitrale a été rendue, le 15 mars 2010, par l’arbitre Guy Pelletier qui a décidé et déclaré que la date de réception des travaux  des  parties  communes est  le 1er mai  2008. [1]   Ce  faisant,  l’arbitre a aussi

 


 

 

annulé la décision de l’administrateur quant aux points 2 à 22 tout en lui demandant de traiter la réclamation en tenant compte de cette nouvelle date du 1er mai 2008 pour la réception des parties communes (l’administrateur avait plutôt considéré la date du 28 septembre 2006).

 

[3]        Conformément à cette décision arbitrale, l’inspecteur-conciliateur Marc-André Savage, comme il lui a été demandé, a reconsidéré la réclamation du syndicat en se basant maintenant sur le critère des malfaçons plutôt que sur celui des vices cachés, puisque les avis de réclamation du syndicat de copropriété ont tous été donnés au cours de l’année 2008.

 

[4]        Comme il arrive régulièrement dans des cas semblables, le vent a tourné en faveur du syndicat puisque, en se basant sur le critère des malfaçons, l’inspecteur-conciliateur Marc-André Savage, dans son addendum du 29 avril 2010, a accueilli 12 des 20 points qu’il avait rejetés dans sa décision initiale du 18 février 2009.

 

[5]        C’est donc en fonction du critère des malfaçons que je dois trancher le litige devant moi, les parties étant maintenant d’accord sur ce point. Le critère des malfaçons prévues à l’article 10(2) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est moins sévère que le critère des vices cachés prévus à l’article 10(3), comme nous le verrons plus loin.

 

[6]        Des 12 points accueillis au sujet desquels l’entrepreneur a initialement requis l’arbitrage, seulement trois ont été maintenus jusqu’à l’audition par l’entrepreneur qui avait abandonné sa demande au sujet des autres. Les trois points qui demeuraient en litige étaient:

 

                        10.      PORTE D’ENTRÉE PRINCIPALE (présence de marques d’impact).

 

                        14.      SENS D’OUVERTURE DES FENÊTRES DES APPARTEMENTS 102 ET 202.

 

                        19.      DRAIN FRANÇAIS AU NIVEAU DU SOLAGE (situé à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur du solage).

 

 

POINT 10:   LA PORTE D’ENTRÉE PRINCIPALE

 

 

[7]        À la fin de l’audition, qui s’est tenue les 30 août et 3 novembre 2011, le syndicat et l’entrepreneur m’ont avisé qu’ils venaient d’en arriver à une entente à ce sujet et qu’il n’y avait plus lieu de trancher.

 


 

 

POINT 14:            SENS D’OUVERTURE DES FENÊTRES DES

APPARTEMENTS 102 ET 202

 

[8]        Pour ces deux logements, les fenêtres à manivelle qui s’ouvrent vers l’extérieur, ouvrent du mauvais côté (gauche ou droit selon le cas), de sorte que le garde-corps des balcons bloque leur ouverture, en grande partie. Il suffit simplement de changer leur côté d’ouverture. À l’audience, l’entrepreneur a déclaré qu’il n’a aucune preuve à offrir sur ce point et qu’il s’en remet à la discrétion de l’arbitre. Je ne vois qu’une raison sérieuse pour renverser la décision de l’administrateur sur ce point.

 

POINT 19:   DRAIN FRANÇAIS AU NIVEAU DU SOLAGE

 

 

[9]        Il s’agit du point majeur en litige. Il appert que le drain français est situé à l’intérieur du mur de fondation, sous la dalle de plancher du sous-sol. Pourtant, le plan d’architecture préparé par l’architecte Mireille Asselin et déposé à l’hôtel-de-ville de Mascouche (pièce A-19), montre un drain français situé à l’extérieur du mur de fondation, en périphérie du pied de celui-ci, comme on voit généralement. Ce plan est reproduit à l’annexe A de la présente décision.

 

[10]     À l’annexe B, je reproduis une partie de la pièce A-4, soit le croquis préparé par l’ingénieur Normand Gosselin montrant le drain tel qu’installé à l’intérieur du périmètre de la fondation, sous la dalle du plancher du sous-sol.

 

[11]     Dans sa décision initiale du 18 février 2009, l’inspecteur-conciliateur Marc-André Savage a rejeté cet item de la réclamation du bénéficiaire. Il m’apparaît utile que nous nous replacions dans le contexte de cette décision-là dont les extraits pertinents se lisent comme suit :

 

            À la page 6 :

 

                 « Le syndicat demande à l’entrepreneur une lettre signée de son ingénieur attestant la conformité de l’installation du drain français à l’intérieur du mur de fondation ainsi que l’original du plan fourni par celui-ci lors de la construction. »

 

            À la page 7 :

 

                 « Aucune infiltration d’eau ou autre conséquence directement attribuable à l’installation du drain n’a été constatée par les copropriétaires.

 

                    L’inspection n’a pas permis de vérifier l’absence du drain mais le détail de construction produit par l’ingénieur de l’entrepreneur a pu être étudié.


 

 

                    L’article 3 du contrat de garantie prévoit qu’en cas de manquements de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment, sont couverts le parachèvement des travaux ou la réparation de malfaçons, de vices ou de vices majeurs.

 

                    À la lumière des informations recueillies, il appert que la nature des demandes du syndicat, soit de fournir un produit, une information ou un document, ne correspondent pas à celles couvertes par le contrat de garantie.

 

                    De plus, on constate que les points 18 et 19 ont été dénoncés par écrit dans la deuxième année de la garantie laquelle porte sur les vices cachés.

 

                    Or, l’administrateur est d’avis que ces points ne rencontrent pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’ils ne sont pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

 

                    Par conséquent, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation du syndicat à l’égard de ces points.  »

 

 

Je tiens à rappeler que l’administrateur traitait alors cette réclamation en fonction du critère de gravité des vices cachés.

 

[12]     Puis, dans sa décision subséquente du 29 avril 2010, l’inspecteur-conciliateur Marc-André Savage, revoyant cet item à la lumière du critère des malfaçons, a décidé ce qui suit :

 

            À la page 4 :

 

                 «  Le syndicat dénonce l’absence de drain français au pied des murs de fondation.

 

                    Le syndicat aurait eu connaissance de cette situation à la suite de travaux effectués à un bâtiment voisin et à l’envoi d’une lettre par l’entrepreneur à tous les syndicats du projet des Manoir Masson.

 

                    Selon l’entrepreneur, un drain aurait été installé du côté intérieur des murs de fondation et cette installation aurait une efficacité équivalente à la méthode habituelle initialement prévue au plan.

 

                    Aucune infiltration d’eau ou autre conséquence directement attribuable à l’absence de drain n’a été constatée par les copropriétaires.

 

                    L’inspection n’a pas permis de vérifier l’absence du drain mais le détail de construction produit par l’ingénieur de l’entrepreneur a pu être étudié.


 

                    Dans une sentence arbitrale rendue le 29 décembre 2008 en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs,  l’arbitre Guy Pelletier analyse une réclamation semblable faite par le syndicat de copropriété du 680 Montée Masson et « en vient à la conclusion (…) que les travaux de drainage du bâtiment ne sont pas conformes aux normes et règles de l’art et constituent ainsi une malfaçon couverte par la garantie » .

 

                    ANALYSE ET DÉCISION (points 4, 6, 7, 8, 9. 10, 11, 13, 14, 16, 17 et 19) :

 

                            De l’avis de l’administrateur, les situations observées lors de l’inspection rencontrent tous les critères de la malfaçon.

 

                            Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ces points. »

 

 

[13]     Comme nous venons de le voir, cette décision du 29 avril 2010, en regard du drain français, est une importation d’une sentence arbitrale rendue le 29 décembre 2008 par l’arbitre Guy Pelletier en relation avec un autre bâtiment construit par le même entrepreneur, semblable à celui qui nous concerne, soit le 680 Montée Masson à Mascouche, et qui est situé à proximité du bâtiment qui nous occupe (670 Montée Masson).[2]

 

[14]     Il est important de regarder le contexte de cette affaire-là pour déterminer si la décision doit être la même dans ce cas-ci.

 

[15]     Dans cette affaire-là (qui concerne le bâtiment du 680 Montée Masson), l’arbitre Guy Pelletier a entendu le témoignage de l’architecte Michel Arcand qui a témoigné pour le compte du syndicat de copropriété. Il est à noter que l’entrepreneur n’a pas présenté la même preuve que celle qui a été faite devant moi dans cette cause-ci.

 

[16]     En se basant sur la preuve faite devant lui dans cette affaire-là, l’arbitre Guy Pelletier a décidé comme suit :

 

 

              [51]      L’architecte Michel Arcand a démontré, à l’appui d’une documentation importante, que l’installation du drain français devait se faire à l’extérieur des murs de fondation (sauf s’il peut être démontré que cela n’est pas nécessaire) et que les pentes de drainage ne devaient pas permettre un écoulement de l’eau vers le bâtiment comme il a pu l’observer.

 


 

 

              [55]      Le tribunal en vient à la conclusion, selon la preuve prépondérante faite par le Bénéficiaire, que les travaux de drainage du bâtiment ne sont pas conformes aux normes et règles de l’art et constituent ainsi une malfaçon couverte par la garantie.

 

[17]     Il est à noter que, dans cette affaire-là, l’entrepreneur avait fait témoigner l’architecte Mireille Asselin, qui avait préparé le plan du bâtiment, et l’ingénieur Normand Gosselin qui avait, une fois la construction terminée, préparé un croquis pour démontrer l’emplacement du drain français situé à l’intérieur du mur de fondation, sous la dalle de plancher (il s’agit de l’annexe B). À leur égard, l’arbitre Pelletier s’est exprimé comme suit :

 

 

              [36]      L’ingénieur Normand Gosselin est invité à présenter son rapport. Celui-ci dit qu’il n’y a pas de rehaussement de la nappe phréatique dans le secteur donc « qu’il n’y aura pas de problème si le drain est à l’intérieur même si c’est de pratique courante de le mettre à l’extérieur » .

 

              [38]      Quant au dessin qu’il a produit concernant la position du drain, l’ingénieur Gosselin affirme l’avoir réalisé à partir des informations qui lui ont été fournies par l’Entrepreneur. Il ne peut donc pas confirmer l’exactitude des informations reçues et ne sait pas si les travaux ont été bien réalisés. Suite à une question du Bénéficiaire, qui lui demande si les travaux sont conformes, l’ingénieur ajoute « je dis que c’est acceptable et non pas que c’est conforme » .

 

              [39]      Me Sawaya demande en contre-interrogatoire à l’ingénieur Gosselin, si le drain tel qu’installé accomplira bien son mandat. Ce dernier répond qu’il n’est pas inquiet s’il y a une bonne membrane sur la fondation. Il poursuit en disant qu’il ne peut témoigner de la présence d’une telle membrane.

 

              [53]      La preuve de l’Entrepreneur n’a réussi qu’à susciter un doute quant à la valeur des documents signés par l’architecte Asselin et l’ingénieur Gosselin. Rappelons que l’architecte Asselin n’a fait aucune  réserve écrite sur le  document de réception des travaux alors qu’elle avait remarqué qu’il restait des travaux à compléter et qu’il y avait un problème avec les pentes du terrain. D’autre part, l’ingénieur Gosselin a scellé un dessin qu’il a réalisé selon les instructions de l’Entrepreneur sans pouvoir en attester l’exactitude.

 

[18]     Pour terminer le récit de cette affaire-là, il m’apparaît utile de mentionner que l’arbitre, dans ses conclusions, a ordonné qu’une attestation de conformité signée par un professionnel soit remise au Bénéficiaire dès que les correctifs auront été apportés au système de drainage.


 

[19]     Dans cette affaire-ci (670 Montée Masson), l’entrepreneur, qui a requis l’arbitrage, a présenté une preuve d’expertise plus élaborée dans l’espoir d’obtenir une décision arbitrale différente de celle rendue par l’arbitre Guy Pelletier en relation avec le bâtiment du 680 Montée Masson. À cet égard, l’entrepreneur a fait entendre l’ingénieur Jamal Maarouf et l’ingénieur géologue Claude Leguy.

 

[20]     De son côté, le syndicat de copropriété du 670 Montée Masson a fait entendre le même architecte, Michel Arcand, en produisant le rapport écrit qu’il avait déjà préparé pour le bâtiment du 680.

 

[21]     À l’audience, les parties ont reconnu et convenu que c’est en fonction de cette nouvelle preuve, qui est sujette à mon appréciation, que je dois trancher.

 

[22]     Je suis d’accord avec l’arbitre Guy Pelletier qui, au paragraphe 49 de sa décision, pour définir une « malfaçon » se réfère à une publication de la Régie du Bâtiment du Québec où il est mentionné qu’il s’agit d’un travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Il y est aussi précisé que ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés par leur degré de gravité; il s’agit de défauts mineurs.

 

[23]     Cela dit, quelle est la norme ici applicable? Les parties en conviennent, la municipalité de Mascouche n’aurait pas adopté de normes de construction dans sa règlementation. Bien entendu, cela ne veut pas dire que les règles de l’art, en général, ne doivent pas être suivies.

 

[24]     Le Code National du Bâtiment peut être utile à titre de référence. Plus particulièrement, l’architecte Michel Arcand se réfère aux articles suivants de l’édition 1995 :

 

                   9.14.2.1   Murs de fondation

 

                   1)   Sauf s’il peut être démontré que cela n’est pas nécessaire, le pied des murs de fondation extérieurs doit être drainé au moyen de tuyaux ou de drains posés à l’extérieur des fondations conformément à la sous-section 9.14.3 ou d’une couche de gravier ou de pierres concassées conformément à la sous-section 9.14.4.

 

                    9.14.3.3   Pose

 

                    1)    Les tuyaux de drainage d’une dalle sur sol ou du sol d’un vide sanitaire doivent être posés sur un sol non remanié ou bien compacté de sorte que leur partie supérieure se trouve au-dessous de la sous-face de la dalle ou ne dépasse pas au-dessus du sol ou du vide sanitaire.

 

                                                                                              (mon souligné)


 

 

[25]     Je reviendrai plus loin sur l’opinion de l’architecte Arcand qui a témoigné en défense pour le syndicat. Examinons d’abord la preuve de la demande.

 

 

La preuve en demande

 

 

[26]     Témoignant devant moi, Benoit Monette, vice-président de l’entrepreneur, a expliqué que, compte tenu de la pente de l’entrée de garage du sous-sol et du phénomène de gel du sol, il a fait installer la fondation du solage à une profondeur de 8 pieds à partir du niveau du sol, et ce sur tout le pourtour du bâtiment. Ainsi, la semelle de la fondation est elle-même située environ 4 pieds plus bas que le niveau de la dalle de plancher du sous-sol (voir le croquis reproduit à l’annexe B). Ceci est différent du plan initial de construction (reproduit à l’annexe A) où la semelle de fondation est située immédiatement sous le niveau de la dalle de plancher du sous-sol. Ainsi, si de l’eau s’infiltrait par le joint de coulée entre la semelle et le mur de fondation lui-même, elle ne migrerait pas sur le plancher du sous-sol (voir l’annexe A) mais plutôt sous le plancher du sous-sol (voir annexe B).

 

[27]     Par contre, les explications de monsieur Monette sont beaucoup moins claires lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi le drain a été placé à l’intérieur du périmètre de la fondation plutôt qu’à extérieur.

 

[28]     Le 5 février 2008, l’entrepreneur, par l’intermédiaire de son président, Yan Le Houillier, écrivait ce qui suit aux présidents des sept syndicats de copropriété (670, 674, 676, 680, 684, 686 et 690 Montée Masson) :

 

                 « La présente a pour but de vous confirmé (sic) que nous avons bien procéder à la mise en place d’un français (sic) à l’intérieur des fondations de chacun des bâtiments mentionnés en titre.

 

                   Bien que la mise en place des drains français à l’intérieur des bâtiments ne soit pas la procédure standard dans la construction résidentielle, nous avons préféré cette méthode à la méthode traditionnelle afin d’éviter d’éventuel problème (sic) d’ocre ferreux présent sur le territoire de la ville de Mascouche.

 

                    Nous vous joignons à la présente la copie du détail de construction montrant l’emplacement du drain français intérieur dûment approuvé par un ingénieur.  »

 

                                                           (partie de la pièce A-4, mon souligné)

 

 

La copie du détail de construction dont il est question est le plan reproduit à l’annexe B de la présente décision.


 

 

[29]     Lors de son témoignage devant moi, monsieur Benoit Monette, vice-président, a admis que le motif invoqué dans cette lettre du 5 février 2008, savoir la présence d’ocre ferreux, est un prétexte. En bout de piste, l’entrepreneur ne peut tout simplement pas expliquer pourquoi le drain, à l’époque, a été installé à l’intérieur plutôt à qu’à l’extérieur du périmètre de la fondation.

 

[30]     De fait, toujours suivant le témoignage de monsieur Monette, il appert qu’après avoir livré les sept bâtiments faisant partie du projet, l’entrepreneur a oublié où étaient situés les drains français. Au début 2008, il y a eu une accumulation d’eau sur le terrain à l’arrière des bâtiments jumelés portant les numéros 684 et 686. Pour remédier à ce problème, l’entrepreneur a fait excaver dans le but d’installer un tuyau de captation afin de le raccorder au drain français qu’il croyait de l’extérieur du périmètre de la fondation, comme c’est le cas habituellement. C’est alors qu’il a réalisé que le drain français n’était pas à l’extérieur mais plutôt à l’intérieur du périmètre de la fondation. D’où la lettre du 5 février 2008 adressée aux présidents des sept syndicats de copropriété.

 

[31]     L’entrepreneur a produit le rapport conjoint de l’ingénieur Jamal Maarouf et de l’ingénieur géologue Claude Leguy (rapport daté du 25 juin 2003, pièce E-3). Ces deux ingénieurs sont à l’emploi de la firme Le Groupe Solroc.

 

[32]     Ce rapport porte essentiellement sur la percolation de l’eau dans le sol autour des bâtiments des 670 à 690 Montée Masson à Mascouche. Trois forages (respectivement situés derrière les 670, 674 et 690) leur ont permis de constater qu’un matériau de remblayage sablo silteux a été utilisé autour des fondations. Le remblai est donc constitué principalement de silt sablonneux à argileux provenant probablement d’un mélange de sable avec le terrain naturel excavé, ce dernier étant constitué d’argile silteuse. Ce mélange de sol a une perméabilité plus forte que le terrain naturel original.

 

[33]     Le rapport fait aussi état que des essais de perméabilité ont été effectués dans les trois puits d’observation. Les niveaux d’eau enregistrés se situent à environ 2.4 mètres de profondeur, soit environ à la profondeur de la semelle des fondations.

 

[34]     Cela dit, le rapport conclut à une faible perméabilité des sols. L’extrait pertinent, à la page 3, se lit comme suit :

 

 

                 « Donc, à notre avis, compte tenu de la faible perméabilité des sols et d’une possibilité de remontée du niveau statique suite à des événements pluvieux exceptionnels, quelque soit la position du drain, celui-ci ne sera pas sollicité énormément par les eaux profondes puisque les débits anticipés dans ces sols sont très faibles.


 

                    Conclusion

 

                    Toutes les observations et les données d’évaluation des débits de percolation confirment que les débits de percolation avant le sol sont faibles et ne solliciteront que très faiblement le système de drainage sous la dalle. En effet, les coefficients de perméabilité trouvés indiquent des similitudes entre les caractéristiques du remblai périphérique et le sol sous-jacent aux fondations. De cela, on peut déduire que la majeure partie de l’écoulement infiltrée sur les surfaces gazonnées s’écoulera directement en profondeur sans accumulation d’eau enclavée dans le remblai extérieur et donc sans sollicitation particulière des drains existants. Une position du drain à l’extérieur n’intercepterait qu’une infime partie de cet écoulement vertical dirigé vers le bas.   »

 

 

[35]     Témoignant devant moi, l’ingénieur Jamal Maarouf a déclaré que, lors de sa lecture du 30 août 2011 au forage du 670, le niveau de l’eau était à une profondeur de 2.19 mètres (soit 7 pi eds et 2 pouces).

 

[36]     D’autre part, se référant au témoignage de Benoit Monette à l’effet que le mur extérieur de la fondation était enduit d’une couche de goudron, monsieur Maarouf a mentionné qu’il s’agissait d’une protection suffisante contre les infiltrations d’eau.

 

[37]     L’ingénieur Maarouf a fait référence, lors de son témoignage, à l’article 2.5.1.3 du Code National du Bâtiment (1995) qui se lit comme suit :

 

 

                    2.5.1.3   Équivalence établie d’après des essais, des évaluations ou l’expérience :

 

                   1)    Il est permis d’utiliser des matériaux, appareils, systèmes, équipements, méthodes de calcul ou procédés de construction non décrits dans le CNB ou qui ne satisfont pas intégralement aux exigences du CNB s’il peut être démontré que cette solution de remplacement est pertinente d’après des résultats d’utilisations antérieures, d’essais ou d’évaluations.

 

[38]     L’ingénieur Maarouf a fait remarquer que, selon les circonstances particulières, on peut changer les exigences imposées par l’article 9.14.2.1 du CNB (cité au paragraphe 24 de la présente décision). Dans le présent cas, les circonstances particulières sont que la semelle est plus profonde que d’habitude, soit à une profondeur d’environ 8 pieds, ce qui fait que s’il y avait un drain français à l’extérieur de la fondation au niveau de la semelle, ce drain serait toujours inondé. Bref, l’ingénieur Maarouf s’est déclaré satisfait du drain tel qu’installé à l’intérieur du périmètre de la fondation.


 

[39]     L’ingénieur géologue Claude Leguy a supervisé le travail de l’ingénieur Maarouf et il s’est déclaré d’accord avec lui.

 

 

La preuve en défense

 

 

[40]     Dans son rapport écrit (pièce B-2) et lors de son témoignage devant moi, l’architecte Michel Arcand s’est dit d’opinion que le seul drain français placé à l’intérieur du périmètre de fondation (sous la dalle de béton du plancher du sous-sol) ne respecte pas les règles de l’art.

 

[41]     À la page 36 de son rapport, il mentionne qu’il n’a pas fait d’excavation pour vérifier le niveau de la nappe phréatique et qu’il présume, pour les fins de la discussion, que la nappe n’est pas élevée. Cette présomption est confirmée par les observations des experts en demande qui ont situé le niveau de l’eau environ 4 pieds plus bas que la dalle du plancher du sous-sol.

 

[42]     Cela dit, selon l’architecte Arcand, ce n’est pas une excuse pour ne pas installer un drain français à l’extérieur de la fondation. À la page 36, il s’exprime comme suit :

 

                 « Or, cette façon de faire, c’est-à-dire de mettre en place un drain français du côté intérieur seulement de la fondation, ne représente pas une solution qui est propre à contrer une problématique de nappe phréatique élevée étant donné l’absence du drain extérieur. En effet, une conception usuelle pour la mise en place du drain français pour contrer cette problématique, est l’installation d’un drain français tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.  »

 

 

[43]     À la page 37, citant de la doctrine émanant de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), l’architecte Arcand démontre qu’il est important d’installer le drain à l’extérieur du périmètre car il permet ainsi l’abaissement du niveau de l’eau.

 

[44]     Aux pages 38, 39 et 40 de son rapport, l’architecte Arcand s’exprime comme suit:

 

                 « Le drain français installé sous la dalle de béton ne peut pas remplacer celui qui est localisé à l’extérieur du bâtiment.

 

                    En effet, la fondation faisant office de barrage, le drain français installé sous la dalle du plancher du sous-sol permettrait de diminuer la pression hydrostatique réalisée sous la dalle de béton, mais ne permettrait pas un bon drainage de la nappe phréatique localisée à l’extérieur même de la fondation.


 

 

                   La fondation faisant office de barrage, il sera difficile à l’eau qui s’accumule à l’extérieur de l’édifice d’être drainée par celui localisé du côté intérieur de la fondation. Ledit drainage sera d’autant plus difficile que la fondation aurait été installée sur un sol silteux et argileux, lequel ne permet pas un bon drainage de l’eau et, par le fait même, une bonne percolation.

 

                   La difficulté d’évacuer l’eau par la mise en place d’un seul drain français localisé du côté intérieur de la fondation engendre une probabilité d’infiltrations d’eau à l’intérieur du sous-sol par pression hydrostatique. En effet, la semelle de la fondation faisant office de barrage, la pression hydrostatique de l’eau localisée à l’extérieur va créer une pression telle, que l’eau aura tendance à vouloir s’infiltrer à l’intérieur de l’édifice pour tout interstice situé au-dessus de la semelle de béton et cela, à partir du moment que le niveau de la nappe phréatique sera supérieure au-dessus de ladite semelle de béton.

 

                   (…)

 

                   Si on installe un drain français uniquement du côté intérieur de la fondation, la nappe phréatique se soulèvera du côté extérieur de la fondation, comme elle se soulève au cœur même du plancher du sous-sol.

 

                   C’est pourquoi il est nécessaire d’installer le drain français, lorsqu’il n’y en a qu’un, du côté extérieur de l’édifice, et ce tel qu’il apparaît à la figure 10 de la page 43.   »

 

 

[45]     Aux pages 48 et suivantes, l’architecte Arcand traite de la question du remblai de fondation qui est un sable silteux plutôt que des matériaux granulaires, ce qui contribue à augmenter le taux d’humidité dans le sous-sol. Il fait mention qu’il a procédé à un essai de percolation pour constater que le sol est silteux et ne favorise aucunement le drainage.[3]

 

[46]     Enfin, aux pages 56 à 60, l’architecte Arcand énonce que la mise en place du drain français à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur constitue un vice caché et qu’il y a un risque potentiel très élevé d’infiltrations d’eau à court terme.

 

[47]     À l’audience, l’architecte Arcand a témoigné après avoir entendu les témoignages des ingénieurs Maarouf et Leguy. Répliquant à l’argument que le drain serait  constamment  inondé  s’il  était  situé  à  l’extérieur  au  niveau  de  la  semelle

 


 

(puisque cette dernière est profonde), il a affirmé que le drain pourrait être placé plus haut que le niveau de la semelle, pourvu qu’il soit à l’extérieur du périmètre de la fondation. Il ne peut conclure, après avoir lu le rapport des ingénieurs Maarouf et Leguy, que le drain français à l’extérieur n’est pas « nécessaire » au sens de l’article 9.14.2.1 du CNB (cité au paragraphe 24 de la présente décision).

 

 

Contre-preuve de la demande

 

 

[48]     Après avoir entendu le témoignage de l’architecte Arcand, les ingénieurs Maarouf et Leguy sont revenus à la barre.

 

[49]     L’ingénieur Maarouf a témoigné que c’est à l’ingénieur (et non à l’architecte) de décider si le drain extérieur est nécessaire au sens du susdit article 9.14.2.1 du CNB. J’ai toutefois noté, à ce moment précis de son témoignage, que ses explications étaient peu convaincantes quant à savoir pourquoi un drain extérieur n’était pas nécessaire dans le cas sous étude.

 

[50]     L’ingénieur Maarouf a également produit, sous la cote E-6, neuf photographies montrant un lecteur d’humidité photographié dans le sous-sol, ceci afin de démontrer qu’il n’y avait pas de trace d’humidité le jour où la lecture a été faite.

 

[51]     De son côté, l’ingénieur géologue Leguy a apporté des explications supplémentaires au sujet de la percolation du sol.

 

[52]     Dernier témoin entendu, Benoit Monette est aussi revenu à la barre. Rappelant son expérience dans le domaine du coffrage, il a témoigné que cela est une pratique courante de placer le drain à l’intérieur lorsque la disposition des lieux empêche de le mettre à l’extérieur.

 

 

Discussion

 

[53]     Ce qu’il y a de particulier dans ce cas-ci, c’est que l’entrepreneur a présenté des explications conçues post facto quant à la décision de placer le drain à l’intérieur du périmètre concerné.

 

[54]     Je constate qu’il y a un trou dans la preuve de l’entrepreneur quant à la réflexion qui a été faite, au moment de la construction, pour décider de l’endroit de l’installation du drain français.


 

 

[55]     Il semble que le même phénomène se soit produit lors du témoignage de monsieur Monette devant l’arbitre Pelletier puisque ce dernier s’est exprimé comme suit :

 

              [34]      À une question de monsieur Graveline (président du syndicat du 680) sur les motifs qui ont justifié un changement aux plans, monsieur Monette reste évasif.

 

 

[56]     Bien plus, il semble que l’entrepreneur ne se rappelait plus, au début 2008, qu’il avait placé le drain à l’intérieur puisqu’il l’a d’abord cherché à l’extérieur de la fondation.

 

[57]     L’explication qu’il a alors donnée au syndicat des copropriétaires des sept bâtiments concernés, savoir la présence d’ocre ferreux, était un prétexte, comme l’a reconnu monsieur Monette lors de son témoignage devant moi. De fait, la présence d’ocre ferreux dans la région n’a pas été confirmée.

 

[58]     Je retiens également qu’aucun obstacle physique n’empêchait l’installation du drain français à l’extérieur de la fondation au moment de la construction du bâtiment. L’espace requis était disponible.

 

[59]     Au soutien de sa position, l’entrepreneur insiste beaucoup sur le fait qu’il n’y a pas eu d’infiltrations d’eau sur le plancher du sous-sol depuis que le bâtiment a été livré vers la fin 2006.

 

[60]     Par l’opinion de ses experts, l’entrepreneur tente de démontrer, a posteriori, que le drain français extérieur n’est pas « nécessaire » au sens de l’article 9.14.2.1 du CNB vu qu’il a été placé à l’intérieur.

 

[61]     Il y a certes des inconvénients à ce que le drain soit à l’intérieur, sous la dalle de béton du plancher du sous-sol. On peut se demander, par exemple, comment faire, éventuellement, pour nettoyer le drain, réparer une section qui se serait brisée ou encore remplacer le drain au complet.

 

[62]     Cela dit, la démonstration de l’entrepreneur me convainc que l’emplacement du drain n’est pas une anomalie suffisamment grave pour rencontrer le critère de gravité du vice caché.

 

[63]     Dans l’affaire ABB Inc. c. Domtar Inc. [4], citée en demande, la Cour Suprême du Canada s’est exprimée comme suit au sujet du vice caché :

 


 

 

              « (52) La simple présence d’un déficit d’usage ne suffit pas en elle-même pour justifier la qualification de vice caché. Encore faut-il que ce déficit d’usage soit grave, c’est-à-dire qu’il rende le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminue tellement l’utilité que son acheteur ne l’aurait pas acheté à ce prix. Ce deuxième critère, celui de la gravité du vice, découle du texte de l’article 1522 CCBC. Cela dit, il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien mais simplement qu’il en réduise l’utilité de façon importante, en regard des attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent.

 

              (88)     Un vice sera considéré grave s’il rend le bien impropre à l’usage auquel on le destine, ou en diminue tellement l’utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté à ce prix (articles 1522 CCBC et 1726 CCQ). Un exemple souvent repris par la doctrine est celui des fondations fissurées d’une maison, exposant l’immeuble à un risque d’inondation. Or, il n’est pas nécessaire pour que la maison soit inondée en raison de la fissure pour qu’il y ait un vice caché; il suffit que la fissure soit présente et qu’il soit probable qu’elle entraîne des dommages importants.  »

 

 

[64]     Je ne conclurais pas, comme le fait l’architecte Arcand lorsqu’il affirme, à la page 59, de son rapport (écrit pour le bâtiment du 680) qu’il y a un risque potentiel très élevé d’infiltrations d’eau et qu’il s’agit d’un vice caché. Du moins, pas pour l’immeuble du 670 où il n’y aurait jamais eu d’infiltrations d’eau dans le sous-sol.

 

[65]     Cela dit, ainsi que je l’ai déjà mentionné au paragraphe 5 de la présente décision, c’est en fonction du critère des malfaçons que je dois trancher. À cet égard, je partage l’avis de l’arbitre Pelletier qui s’exprimait comme suit :

 

 

              [46]      L’arbitre doit déterminer si les travaux réalisés par l’Entrepreneur sont conformes aux normes et aux règles de l’art et non pas statuer si le drain installé à l’intérieur des fondations est fonctionnel et assez performant pour atténuer les inquiétudes du Bénéficiaire.

 

 

[66]     Au paragraphe 49 de sa décision, l’arbitre Pelletier reproduit les définitions suivantes tirées de « publications grand public » de la Régie du bâtiment du Québec :

 

              [49]      La Régie du bâtiment fournit dans ses publications grand public une définition des termes règles de l’art ou malfaçons :


 

 

                          Règles de l’art :  Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

 

                          Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

 

·         Les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ;

 

·         Ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles ;

 

·         Les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation ;

 

·         Les lois ou règlements contenant des prescriptions obligations ;

 

·         Relativement à l’ouvrage à construire ;

 

·         Les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins

 

·         D’enseignement des professions ou des métiers, ou servant ;

 

·         A la diffusion du savoir le plus récents ;

 

                          Vices ou malfaçons :  Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs.

 

 

[67]     Je ne peux mettre de côté les nombreuses références citées par l’architecte Arcand militant pour l’installation de drains français à l’extérieur du périmètre de la fondation d’un bâtiment.

 

[68]     Dans les circonstances, je ne peux qu’en venir à la conclusion que le drainage de la fondation constitue une malfaçon même si, comme je l’ai déjà dit au paragraphe 62, cette anomalie n’est pas suffisamment sérieuse pour rencontrer le critère de gravité du vice caché.


 

[69]     Lors de sa plaidoirie, l’avocate de l’entrepreneur m’a soumis le jugement de l’Honorable Monique Fradette, j.c.q., dans l’affaire Ricci c. Pentium Construction. [5] Il s’agit d’une poursuite au civil intentée par des acheteurs d’un bâtiment contre l’entrepreneur qui a construit leur maison et la leur a vendue. Ils se plaignaient de l’absence de drain français, ce qui risquait de causer des infiltrations d’eau au sous-sol. Après avoir entendu des témoignages d’experts contradictoires, la juge Fradette a accepté la démonstration de l’entrepreneur à l’effet qu’un tel drain n’était pas nécessaire. Toutefois, dans cette affaire-là, à la différence de ce cas-ci, cette maison avait été construite hors sol encore que le terrain original avait été rehaussé de quelques pieds à l’arrière de la maison. De fait, le niveau de la dalle du sous-sol et du garage était à une élévation plus haute que celle de la rue (voir les paragraphes 57, 58 et 61 du jugement). De plus, dans cette affaire-là, la nappe phréatique se trouvait à une grande profondeur. Deux tranchées creusées jusqu’à une profondeur de 10 pieds n’avaient pas permis d’atteindre le niveau de l’eau. C’est en tenant compte des informations ci-haut décrites que l’entrepreneur avait décidé de ne pas installer de drain français.

 

[70]     Dans le présent cas, si le drain français n’avait pas été « nécessaire », on pourrait se demander pourquoi l’architecte Mireille Asselin, qui a préparé les plans de construction, a indiqué un tel drain extérieur sur le plan. Cette mention est un indice supplémentaire m’amenant à conclure à sa nécessité.

 

 

LES FRAIS D’EXPERTISE

 

 

[71]     Le bénéficiaire demande le remboursement des frais d’expertise suivants chargés par son expert Michel Arcand, architecte :

 

 

       a)      Facture 3385 datée du 17 mars 2011 notamment pour étude du rapport du Groupe Solroc       …………………………………………………………   284.11$

 

       b)      Facture 3507 datée du 7 septembre 2011 notamment pour préparation et audition du 30 août 2011            ……………………………………………………   2,207.73$

 

       c)      Facture 3559 datée du 8 novembre 2011 notamment pour l’audition du 3 novembre 2011   ………………………………………………………….   1,990.99$

 

                                                                               TOTAL………….   4,482.83$

 


 

 

[72]     L’article 124 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, se lit comme suit :

 

 

              124.     L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

                          Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur

 

                                                                                              (mon souligné)

 

 

 

[73]     En l’occurrence, c’est l’entrepreneur qui est le demandeur de sorte que la partie intimée (ici le bénéficiaire) n’a pas droit au remboursement des frais de son expert. Deux décisions soutiennent cette position.[6]

 

[74]     Une lecture attentive des articles 106 à 126 du règlement m’amène aussi à conclure que le terme « demandeur » dont il est question à l’article 124 désigne la partie qui demande l’arbitrage. En l’occurrence, il s’agit de l’entrepreneur, pas du bénéficiaire.

 

[75]     Le libellé de l’article 124 m’apparaît curieux; je me demande pourquoi la partie intimée ne pourrait avoir droit au remboursement des frais d’expertise si elle a gain de cause.

 

[76]     Placé devant cette situation, j’ai donc considéré l’article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui permet de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. Cet article se lit comme suit :

 

 

              116.     Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

 

 

 


 

 

[77]     Toutefois, suivant la jurisprudence, la notion d’équité ne peut autoriser un arbitre à créer un droit non prévu au règlement (qui est d’ordre public) en faisant fi de la rédaction de celui-ci. Le droit doit prendre souche dans le texte du règlement. [7]

 

[78]     La rédaction de l’article 124 est peut-être à revoir. Mais, pour le moment, je considère que cet article ne m’autorise malheureusement pas à ordonner le remboursement des frais d’expertise à la partie intimée, même si elle a gain de cause.

 

 

POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :

 

 

[79]     REJETTE la demande d’arbitrage de l’entrepreneur reliée à la décision de l’administrateur datée du 29 avril 2010.

 

[80]     Quant au point 14 de cette décision, ORDONNE à l’entrepreneur, au choix et à la discrétion du bénéficiaire, de changer le côté d’ouverture des fenêtres à l’avant des appartements 102 et 202 dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision.

 

[81]     Quant au point 19, ORDONNE à l’entrepreneur, au choix et à la discrétion du bénéficiaire, d’installer un drain français à l’extérieur du périmètre de la fondation dans un délai de 90 jours de la réception de la présente décision. Toutefois, si les conditions climatiques le requéraient, ce délai pourrait être prolongé pour une période additionnelle de six mois.

 

[82]     DÉCLARE, conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, que les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur.

 

 

 

 

                                                                                                                                            

                                                                                  Me PIERRE BOULANGER

                                                                                  Arbitre

 

 


 

 

Me Sonia Beauchamp

Beauchamp Brodeur

Pour l’entrepreneur

Développement Magma Inc.

 

 

Mme France Beauchamp

Mme Lorraine Caron

Pour le bénéficiaire

Syndicat de copropriété du 670 Montée Masson, Mascouche

 

 

Me Elie Sawaya

Savoie Fournier

Pour l’administrateur de la garantie

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

 

 

DATES D’AUDITION :         30 août et 3 novembre 2011

 


 




[1]        Syndicat en Copropriété 670 Manoir Masson c. Développement Magma Inc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue par l’arbitre Guy Pelletier le 15 mars 2010, Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) n° 090304001.

 

 

[2]        Syndicat de Copropriété 680 Montée Masson c. Développement Magma Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue par l’arbitre Guy Pelletier le 29 décembre 2008, Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) n° 080729001.

[3]        Bien entendu, il s’agit du sol entourant le bâtiment du 680 Montée Masson puisque le rapport écrit de l’architecte Arcand concerne ce bâtiment. Toutefois, les bâtiments du 670 et du 680 sont à proximité l’un de l’autre.

[4]        ABB Inc.  c. Domtar Inc., (2007) CSC 50.

[5]        Ricci et Hatzolopoulos c. 3395383 Canada Inc. (Pentium Construction), Cour du Québec de Laval, jugement du 20 mai 2004, dossier no. 540-22-006336-027.

[6]           T.B. Construction c. Pilalas et al., décision du 7 juillet 2006 de l’arbitre Jean Morissette, Groupe d’Arbitrage de Médiation sur Mesure (GAMM) n°2006-19-003.

 

             Les Condominiums Steve Hébert Inc. c. Lise Bilocq, décision du 3 février 2006 de l’arbitre Claude Dupuis, Groupe d’Arbitrage de Médiation sur Mesure (GAMM).

 

[7]           Syndicat de copropriété Les Habitations Mélatti c. Les Constructions G. Mélatti Inc., sentence arbitrale rendue le 11 août 2006 par l’arbitre Jeffrey Edwards, Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) n°051006001.

 

             Syndicat des copropriétaires Place de la Falaise 556 c. Memora Construction, sentence arbitrale rendue le 30 septembre 2009 par l’arbitre Michel A. Jeanniot, Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) n°090924001.