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CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

TRIBUNAL ARBITRAL DU CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL

 

No: S05-0305-NP

 

 

                                                           Anne-Marie Grenier

                                                           René Bistodeau

 

                                                                                  Requérants / bénéficiaires

 

                                                                       c.

 

La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'apchq inc.

 

                                                                                  Partie défenderesse / l'administrateur

 

                                                                       et

 

                                                           Les Constructions Levasseur Inc.

 

                                                                                  Entrepreneur

 

 

 

SENTENCE

 

 

LES FAITS

 

            Le 22 novembre 1999, l'Entrepreneur procéda, auprès de l'Administrateur, à l'enregistrement d'un immeuble résidentiel, situé au:

 

                                   […],

                                   Trois-Rivières Ouest

 

, ci-après appelé "le bâtiment", avec la mention "bâtiment spéculatif", tel qu'il appert du "certificat d'enregistrement" qui fut émis par l'Administrateur.

 

            Le bâtiment, au début, a servi de "maison modèle" pour l'Entrepreneur puis, fut loué, à compté du 1 décembre 2000 jusqu'au 30 novembre 2002.

 

            Le représentant de l'Entrepreneur, M. David Levasseur, a mentionné qu'il ne déclare jamais une maison finie à 100%, avant sa vente, pour éviter certaines taxations. Cependant, il a témoigné que lors de sa location, les travaux au bâtiment étaient entièrement finis sur les 2 étages.

 

Puis après sa location, le bâtiment a encore été utilisé comme "maison modèle" pour ensuite être vendu aux Requérants.

 

            À cet égard, un "contrat préliminaire" fut conclu entre les Requérants et l'Entrepreneur le 23 octobre 2003. Ce contrat était conditionnel à une inspection satisfaisante par un inspecteur des Requérants. Et, il y avait une mention à l'effet que les Requérants reconnaissaient que le bâtiment avait été déjà loué.

 

            Le même jour, il fut conclu un contrat de garantie de l'administrateur (ci-après appelé "Contrat de garantie") (étape 3), conforme aux normes et critères établis par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après appelé "Règlement") et, approuvé par la Régie du Bâtiments du Québec.

 

            Puis, le 27 novembre 2003, sont signés, par les Requérants, trois documents:

 

                        - La réception du bâtiment (étape 5) "sans réserve"

 

- Une "déclaration d'exécution finale des travaux" (étape 6) mentionnant que tous les travaux à parachever ayant fait l'objet d'une réserve ont été entièrement exécutés à ce jour

 

                        - Un contrat notarié confirmant la vente du bâtiment aux Requérants

 

            Un "certificat d'enregistrement" amendé fut émis par l'Administrateur pour y nommer spécifiquement les Requérants.

 

            Plus tard, sont apparues des fissures dans le béton du plancher du sous-sol et aux murs de fondation du garage du bâtiment, ce qui donna lieu, le 22 novembre 2004, à une dénonciation et demande de correction transmise par les Requérants à l'Entrepreneur.

 

            L'entrepreneur n'ayant pas obtempéré, les Requérants transmirent à l'Administrateur, le 19 janvier 2005, une "demande de réclamation".

 

            Le 14 mars 2005, une rapport fut produit par le directeur du service d'inspection de l'Administrateur, M. Ronald Ouimet, statuant que le contrat de garantie ne trouve pas application pour le présent cas, vu l'article 15 du Règlement, parce que, selon lui, plus de 2 ans se sont écoulés entre la fin des travaux et la réception du bâtiment.

 

            Les Requérants contestent cette décision, d'où le présent arbitrage.

 

DISCUSSION

 

            L'article 15 du Règlement est reproduit fidèlement au paragraphe 5.8 du contrat de garantie, lequel se lit comme suit:

 

            5. LIMITES DE LA GARANTIE

            5.8 Bâtiment sans bénéficiaires à la fin des travaux

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. s'applique à un bâtiment qui n'a pas de bénéficiaires à la fin des travaux pour autant que la réception du bâtiment ait lieu dans les vingt-quatre (24) mois qui suivent la fin des travaux

 

            Alors, pour le présent cas, il faut déterminer le délai entre la fin des travaux et, la réception du bâtiment.

 

Fin des travaux

 

            Le contrat de garantie défini la fin des travaux à son paragraphe 1 de la sous-section I, de la façon suivante:

 

Fin des travaux: la date à laquelle tous les travaux de l'entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs au bâtiment sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine;

 

            Quant au bénéficiaire, il s'agit, selon la section "A":

 

Bénéficiaire: une personne physique ou morale, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur:

   a) un contrat pour l'achat ou la construction d'un bâtiment résidentiel neuf;

   b) un contrat pour l'achat d'un bâtiment résidentiel neuf acquis par l'entrepreneur d'un syndic, d'une municipalité ou d'un prêteur hypothécaire;

 

            Cette définition s'applique aux présents Requérants.

 

            Alors, si on se limite aux deux définitions précédentes, la fin des travaux pourrait être interprétée comme étant la date du contrat préliminaire du 23 octobre 2003, ou postérieurement, car c'est la toute première convention par écrit entre l'Entrepreneur et les Requérants.

 

            Les Requérants invoquent la "déclaration d'exécution finale" du 27 novembre 2003 (étape 6) pour affirmer que les travaux se seraient terminés à cette date du 27 novembre 2003. Cependant, cette déclaration concerne les travaux mentionnés dans la "liste préétablie (étape 5)" mais, cette liste ne mentionne aucun travaux et, les Requérants y mentionne expressément qu'ils acceptent sans réserve le bâtiment.

 

            Par contre, il y a l'article 5.8 précité du Contrat de garantie qui fait référence à une fin de travaux en l'absence de bénéficiaire, soit donc lorsque les travaux sont complétés avant qu'il n'y ait eu de contrat d'achat ou de construction. C'est le cas ici puisque le certificat d'enregistrement de 22 novembre 1999 indique comme bénéficiaire; "Bâtiment spéculatif"

 

            Alors, il faut comprendre que dans la définition de la fin des travaux, les mots "sont exécutés" comprennent les termes "ont été exécutés".

 

            Ainsi donc, aux fins de l'article 15 du Règlement, comme de l'article 5.8 du Contrat de garantie, les travaux du bâtiment ont été complétés au plus tard le 1 décembre 2000, la date de l'occupation par un locataire. En effet, à ce moment le bâtiment était nécessairement en état de servir à l'usage auquel il était destiné (habitation) et, selon M. David Levasseur, les travaux étaient exécutés à 100% sur les 2 étages.

 

Réception du bâtiment

 

            Dans leur propre demande de réclamation, les Requérants ont indiqué la date de réception comme étant le 27 novembre 2003, ce qui correspond à la date de la signature de la "Déclaration d'exécution finale des travaux".

 

CONCLUSIONS

 

            Alors, puisque la réception du bâtiment (27 novembre 2003) eut lieu plus de 24 mois après la fin des travaux (1 décembre 2000), le contrat de garantie de l'Administrateur ne peut s'applique au bâtiment des Requérants.

 

            Les Requérants ont soumis un autre argument à l'effet que l'émission d'un certificat d'enregistrement amendé à leur faveur prouve que le contrat de garantie s'applique à eux, ou que l'Administrateur aurait renoncé à appliquer l'article 5.8 de son contrat de garantie.

 

            D'une part, il fut mis en preuve que l'émission d'un certificat amendé se fait sur simple indication, en application de l'article 16 du Règlement et, de l'article 14 de son annexe II, sans vérification ou enquête.

 


            D'autre part la Cour Suprême du Canada a déjà établi:

 

"No one can be presumed to abandon voluntarily his rights….Acquiesence and ratification must be founded on full knowledge of the facts….On ne peut renoncer à un droit dont on n'a aucune connaissance"

 

                                                                                              Davis c. Kerr, 1890, RCS, vol XVII

 

            Quant aux dépens, vu l'émission d'un certificat amendé ayant pu causer confusion, les coûts de l'arbitrage seront à la charge de l'Administrateur.

 

 

 

POUR CES MOTIFS,

 

JE REJETTE la requête des Requérants;

 

DÉCLARE que le bâtiment des Requérants, situé au:

 

                                   […],

                                   Trois-Rivières Ouest, Qc

 

ne peut bénéficier de la garantie de l'Administrateur;

 

LES COÛTS de l'arbitrage devront être supportés par l'administrateur.

 

 

                                               FAIT À QUÉBEC,  ce 18 août 2005

 

 

 

 

René Blanchet, ingénieur-avocat

Arbitre