ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2019-03-04
Abritat : 307259-2
ENTRE :
ÉRIC DESROCHERS CONSTRUCTION INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET
CHANTAL PROVOST
(ci-après le « Bénéficiaire »)
ET
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC., ès qualité d’administrateur provisoire du plan La Garantie Abritat inc.
(ci-après l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Karine Poulin
Pour l’Entrepreneur : Me Manon Cloutier
Pour la Bénéficiaire : Me Patrick Brunelle
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date d’audience : 13,14,15, 27 octobre 2020
Date de la sentence : 10 décembre 2020
SENTENCE ARBITRALE
I
LES FAITS
[1] La Bénéficiaire est une ressource d’hébergement.
[2] Le 29 avril 2008, elle fait l’acquisition d’un terrain sur le rang Chutes Saint-Laurent à Sainte-Béatrix et sur lequel est éventuellement construite la résidence faisant l’objet du présent arbitrage (ci-après la « Résidence » ou le « Bâtiment »).
[3] Le contrat d’entreprise pour la construction de la Résidence en l’instance est signé par la Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 8 novembre 2011. Il s’agit d’un contrat décrit par les parties comme étant un « projet d’auto-construction ». En effet, la Bénéficiaire a confié à l’Entrepreneur l’exécution d’un nombre important de travaux, mais pas tous les travaux. Sont exclus notamment les travaux d’excavation, de plomberie, d’électricité, de finition des planchers, etc. De plus, plusieurs matériaux sont fournis par la Bénéficiaire, notamment les portes et fenêtres ainsi que le revêtement extérieur.
[4] La livraison et réception du Bâtiment est initialement prévue pour le 15 janvier 2012. Toutefois, ce n’est que le 22 novembre 2013 que la réception aura lieu. Néanmoins, la Bénéficiaire emménage dans sa Résidence avant la fin des travaux en raison d’un incendie survenu à son ancienne résidence de Montréal.
[5] De fait, la Bénéficiaire emménage dans sa Résidence au printemps 2012.
[6] Le 24 mars 2015, l’Administrateur reçoit une dénonciation de la Bénéficiaire à la suite de laquelle une décision est rendue le 1er septembre 2015. Le 23 du même mois, la Bénéficiaire demande l’arbitrage de cette décision. Six (6) jours plus tard, soit le 29 septembre 2015, la Bénéficiaire se désiste de sa demande d’arbitrage.
[7] Le 27 janvier 2016, l’Administrateur reçoit une nouvelle dénonciation de la Bénéficiaire. Le formulaire de réclamation ainsi que le paiement des frais est toutefois reçu le ou vers le 15 février 2016. L’Administrateur reçoit, par la suite, une autre dénonciation de la Bénéficiaire le 17 mai 2018. Ce sont ces deux (2) dénonciations qui font l’objet de la décision de l’Administrateur rendue le 18 février 2019 et dont l’Entrepreneur en appel en arbitrage.
[8] Avant de rendre sa décision, l’Administrateur a procédé à une visite des lieux le 16 août 2018 pour constater que les travaux étaient en grande partie exécutés. La demande de la Bénéficiaire consiste désormais à demander le remboursement des frais encourus.
II
LE RECOURS
[9] L’Entrepreneur conteste en vertu de l’article 106 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »)[1] la décision de l’Administrateur rendue le 18 février 2019 lui ordonnant de rembourser à la Bénéficiaire la somme de 122 731 $, plus les taxes applicables.
Position de l’Entrepreneur
[10] Lors de l’audience, l’Entrepreneur a fait valoir, d’une part, qu’il y a chose jugée. Selon lui, la dénonciation de la Bénéficiaire en janvier 2016, puis en mai 2018 est au même effet que celle reçue par l’Administrateur le 24 mars 2015 et qui a donné lieu à la décision du 1er septembre 2015.
[11] D’autre part, l’Entrepreneur allègue que les travaux exécutés par la Bénéficiaire et dont elle lui réclame remboursement ne sont pas limités à ceux qui étaient nécessaires, urgents et conservatoires. D’abondant, il ajoute que même s’il s’agissait de travaux nécessaires, urgents et conservatoires, sa responsabilité ne saurait être engagée au-delà des travaux qui étaient sous sa responsabilité en vertu du contrat signé entre les parties le 8 novembre 2011.
[12] Finalement, l’Entrepreneur allègue qu’il y a apparence de conflit d’intérêts en ce qui concerne l’inspectrice-conciliatrice au dossier, Anne Delage, et que de ce fait, la décision rendue est partisane. Il demande donc au Tribunal de statuer en équité en ce qui a trait au partage des frais d’arbitrage.
Position de l’Administrateur
[13] L’Administrateur est d’avis qu’il n’y a pas chose jugée et que sa décision est bien fondée. Également, il soutient que madame Delage n’était pas en conflit d’intérêts au moment de rendre sa décision et qu’il n’y avait pas non plus apparence de conflit d’intérêts. Les frais d’arbitrage doivent donc être établis en conformité du Règlement.
[14] Quant aux travaux exécutés, l’Administrateur allègue être en présence de vices cachés dénoncés dans le délai prévu au Règlement et que tous les travaux étaient nécessaires et urgents.
Position de la Bénéficiaire
[15] La Bénéficiaire, quant à elle, soutient, pour l’essentiel, la position de l’Administrateur.
Questions en litige
[16] Les questions suivantes doivent être tranchées par le Tribunal :
A. Y a-t-il chose jugée?
B. Le cas échéant, les travaux exécutés étaient-ils tous nécessaires, urgents et conservatoires?
C. Quels sont les travaux nécessaires, urgents et conservatoires qui relèvent de la responsabilité de l’Entrepreneur en vertu du contrat signé le 8 novembre 2011?
D. Y a-t-il, en l’instance, conflit d’intérêts?
E. Le cas échéant, l’Entrepreneur est-il justifié de demander au Tribunal de déroger au partage des frais d’arbitrage énoncé au Règlement en vertu de son pouvoir de décider en équité?
III
LA PREUVE
Entrepreneur
[17] Monsieur Desrochers est un entrepreneur accrédité depuis mai 2000. Il se spécialise en projets particuliers, tel celui de la Bénéficiaire. Il construit en moyenne 2 à 3 maisons par année. Il affirme qu’il s’agit ici de sa première réclamation.
[18] Dans la présente affaire, il dit avoir obtenu le contrat de construction par l’intermédiaire de Bruno Longpré, dessinateur de la Résidence et conjoint d’Anne Delage, l’inspectrice-conciliatrice au dossier. En effet, à l’automne 2011, Bruno Longpré lui transmet les plans de la Résidence afin qu’il puisse soumissionner sur le projet de la Bénéficiaire. C’est Bruno Longpré qui lui confirme que sa soumission est acceptée par la Bénéficiaire et il se déplace sur le chantier pour la rencontrer le matin même. Lors de son arrivée, l’excavation est déjà en cours.
[19] En l’espèce, il explique que la Bénéficiaire le mandate pour exécuter plusieurs travaux, mais pas tous. À titre d’exemple, il n’a pas exécuté les travaux suivants : excavation, fondation, électricité, plomberie, etc.
[20] Il indique avoir monté la charpente, fait les planchers et les murs (le rough - il s’est arrêté au gyproc et aux joints), fait les divisions, l’isolation, installé les portes et fenêtres extérieures fournies par la Bénéficiaire, posé les portes intérieures prémontées au sous-sol (mais pas au rez-de-chaussée) et posé le revêtement extérieur fourni par la Bénéficiaire. Il n’a pas touché à la ventilation ni à la plomberie, entre autres choses. Bref, il fait les travaux à la pièce et ne s’occupe aucunement de la finition intérieure.
[21] Il débute ses travaux en novembre 2011 et ceux-ci se terminent au printemps 2012 (avril-mai). À titre indicatif, il précise que les fenêtres ont été installées en partie en décembre 2011, et en partie en janvier 2012.
[22] Il affirme néanmoins que la Bénéficiaire a emménagé dans la Résidence au printemps 2012 à la suite d’un incendie survenu à sa résidence de Montréal.
[23] Il précise que les travaux étaient en fait presque terminés au printemps 2012, mais qu’il restait une petite balance à faire, d’où la réception du Bâtiment en novembre 2013. Il précise que la Bénéficiaire a retenu les services d’un professionnel du bâtiment pour procéder à l’inspection préréception. Il affirme avoir fait les réparations demandées par ce professionnel.
[24] Sa première communication avec la Bénéficiaire après la réception du Bâtiment a lieu au printemps 2014 à la suite d’une infiltration d’eau à 2 endroits.
[25] Il fait alors un test d’eau et découvre un problème majeur : l’eau pénètre à l’intérieur du Bâtiment par le battant fixe de la fenêtre. Il s’agit d’un problème de coupe-froid (dans la structure même de la fenêtre). Il pose alors un scellant temporaire (un zip) pour éviter que d’autres infiltrations aient lieu d’ici à ce que le fournisseur change les thermos défectueux.
[26] Il reçoit ensuite une mise en demeure de la Bénéficiaire le 23 mars 2015 et il se rend sur place le 7 avril suivant pour constater la situation. Il voit que le scellant temporaire (zip) est toujours en place. Il semble que le remplacement du thermos par le fournisseur a été fait de l’intérieur, mais qu’aucun correctif n’a été apporté au coupe-froid et aucun ajustement n’a été fait. Il note aussi que le thermos est désormais bombé. L’Entrepreneur transmet à la Bénéficiaire le 13 avril 2015 une lettre en guise de réponse à sa mise en demeure dans laquelle il résume ses constatations du 7 avril.
[27] Le 5 mai 2015, la Bénéficiaire fait une réclamation auprès de l’Administrateur et une inspection s’ensuit par monsieur Roberge, inspecteur-conciliateur, le 4 août suivant. Dans sa décision du 1er septembre 2015, il rejette l’ensemble des points faisant l’objet de la réclamation. La Bénéficiaire demande l’arbitrage de cette décision, puis se désiste quelques jours plus tard.
[28] Il reçoit ensuite une lettre de la Bénéficiaire le 23 janvier 2016. Puisque l’Administrateur est en copie sur cette correspondance, il le copie également dans sa réponse du 29 du même mois dans laquelle il nie responsabilité. Il renvoie la Bénéficiaire vers son fournisseur. Il fait néanmoins quelques démarches afin d’essayer de l’aider à résoudre son problème.
[29] La Bénéficiaire formule une nouvelle réclamation auprès de l’Administrateur le ou vers le 15 février 2016. La réclamation se lit comme suit :
Une demande de réclamation a déjà été déposé en août 2015 mais de nouveaux dommages ont survenus (sic).
[30] Par la suite, il reçoit un courriel de la Bénéficiaire le 14 septembre 2016 et une réponse de l’Administrateur, par l’entremise de Maria Rizzo, agente administrative au service de la conciliation, le 27 septembre 2016. Cette réponse se lit comme suit :
Madame,
La présente fait suite à votre correspondance datée le 14 septembre 2016, adressée à Éric Desrochers construction inc. et reçue à nos bureaux ce même jour.
En effet, les points dénoncés sont les mêmes points en référence à la décision rendue le 1er septembre 2015, à l’égard des points 2 à 4, qui n’étaient pas reconnus par l’administrateur.
Ces points portent sur des travaux qui ont été réalisés par l’entrepreneur à l’aide de matériaux fournis par vous et l'administrateur a constaté que la cause du problème serait en lien avec la fabrication des fenêtres et non de l’installation effectuée par l’entrepreneur.
Les fenêtres ont été installées dans les règles de l’art et les normes établies dans l’industrie de la construction.
L’article 12.1 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, stipule que, sont exclus de la garantie, la réparation des défauts dans les matériaux et l'équipement fournis par le bénéficiaire.
À moins que votre expertise ne prouve le contraire, nous ne pouvons pas donner suite à votre demande.
La présente vous est adressée sans aucune admission de responsabilité et dans l’unique but de permettre une compréhension complète de votre demande.
Espérant le tout à votre satisfaction, nous vous prions d'agréer, Madame, l'expression de nos sentiments distingues.
[31] Monsieur Desrochers explique qu’il comprend que la réclamation de la Bénéficiaire est rejetée, sauf à charge par elle de prouver par une expertise que la situation est autre que ce qui a été déterminé dans la décision rendue le 1er septembre 2015. Pour lui, il s’agit toujours des mêmes points qui sont réclamés par la Bénéficiaire et pour lesquels il n’est pas responsable.
[32] Il informe le Tribunal des différentes démarches qui s’ensuivent, notamment avec monsieur Gravel de RL Gravel inc. À la suite de l’échange de correspondance entre lui et monsieur Gravel le 24 novembre 2016, il n’a plus de nouvelles de ce dernier ni de la Bénéficiaire.
[33] Ce n’est que le 3 mai 2017 qu’il recevra une mise en demeure de Me Hamon, procureur de la Bénéficiaire. Cette lettre est remise à son assureur. Il affirme qu’il n’a aucune idée des vices dont il est question alors, celle-ci étant rédigée en des termes généraux. La soumission jointe à la mise en demeure n’est pas plus équivoque en ce qu’elle énumère les travaux à faire sans référer à des vices spécifiques.
[34] Quoi qu’il en soit, son assureur mandate Technorm, qui produit une expertise datée du 13 septembre 2017, et un complément le 2 mars 2018. L’expert Marc-André Ducharme (de Technorm) ne témoigne pas à l’audience et son rapport vaut témoignage.
[35] Monsieur Desrochers expose brièvement les conclusions du rapport de monsieur Ducharme.
[36] Il reçoit ensuite une nouvelle lettre de la Bénéficiaire le 23 mars 2018 à laquelle il répond par la voix de sa procureure, Me Manon Cloutier. Une copie de cette lettre est également transmise à son assureur. Il est alors question de problèmes en lien avec l’installation des fenêtres et autres déficiences et vices de construction.
[37] Monsieur Desrochers mandate alors Alexandre Fortier pour procéder à une inspection du bâtiment. Il indique avoir choisi monsieur Fortier parce qu’il sait qu’il était déjà dans le domaine en 2012, qu’il connaît les normes qui étaient alors applicables et qu’il a déjà été inspecteur pour Abritat, puis chez GCR. Son mandat donne lieu aux expertises déposées sous E-18, E-19, E-20 et E-21.
[38] L’Entrepreneur témoigne ensuite sur la visite d’inspection de l’Administrateur. Il dit avoir été informé, lors de la prise du rendez-vous, du fait que c’était madame Delage qui serait chargée du dossier. Il témoigne avoir alors informé l’Administrateur de son malaise à ce qu’elle soit responsable du dossier pour diverses raisons qu’il indique au préposé aux rendez-vous. Vu les informations transmises, il s’attendait à ce qu’un autre inspecteur soit assigné au dossier.
[39] Le jour de l’inspection, c’est toutefois madame Delage qui se présente sur les lieux. Elle l’informe avoir discuté de la situation avec son supérieur et que pour l’Administrateur, elle n’est pas en conflit d’intérêts. Il n’a donc d’autre choix que d’accepter la situation.
[40] Lors de la visite d’inspection, madame Delage demande à la Bénéficiaire ce qu’il y a de nouveau. La Bénéficiaire récite alors les mêmes informations au sujet des infiltrations d’eau, de l’humidité, etc. Madame Delage réitère sa demande de lui indiquer ce qu’il y avait de nouveau. La Bénéficiaire précise alors qu’il y a de l’humidité partout.
[41] Face à cette déclaration, madame Delage demande à voir l’extérieur du Bâtiment. Elle constate alors, comme l’Entrepreneur d’ailleurs, que tout a été arraché, refait et refermé. Bref, tout a été réparé et il ne manque que le revêtement extérieur à poser. Monsieur Desrochers dit toutefois avoir constaté que le 16 août 2018, les fenêtres n’avaient pas été remplacées.
[42] Madame Delage informe la Bénéficiaire qu’elle ne peut inspecter si les travaux sont déjà faits. Elle lui demande de préciser sa nouvelle réclamation et de lui indiquer les preuves au soutien. La Bénéficiaire dit avoir des photos. Madame Delage demande une copie des plans de Toiture Mauricienne. La visite d’inspection dure tout au plus 15 minutes. Au moment où il quitte, madame Delage l’informe que sa décision devrait leur parvenir d’ici 4 à 5 semaines, soit vers le début du mois d’octobre. Or, la décision n’est rendue que le 18 février 2019.
[43] L’Entrepreneur commente ensuite la décision de l’Administrateur, un paragraphe à la fois, et souligne au Tribunal les erreurs qu’il note. Il attire notamment l’attention du Tribunal sur le fait que l’Administrateur semble indiquer qu’il aurait fait des travaux sur le Bâtiment en 2015-2016. Or, il n’a fait aucun travaux, outre ceux faits en 2013-2014 et certainement qu’il n’a fait aucun travaux à la suite de la décision de l’Administrateur du 1er septembre 2015 qui établit qu’il n’a aucune responsabilité eu égard aux dommages subis par la Bénéficiaire.
[44] Il expose au Tribunal qu’il s’attendait, d’une part, à ce que la réclamation soit carrément rejetée, vu la demande de madame Delage de lui indiquer ce qu’il y avait de nouveau.
[45] D’autre part, il s’attendait à ce que l’Administrateur lui indique les travaux à effectuer, si toutefois sa responsabilité est engagée, et à les exécuter. Il ne s’attendait certainement pas à ce qu’on lui demande de payer des travaux de l’ordre de 140 000 $ et encore moins en l’absence de factures justificatives détaillées. Il affirme qu’il a toujours été de son intention d’exécuter les travaux correctifs découlant de sa responsabilité, s’il en est.
[46] En contre-interrogatoire, monsieur Desrochers réitère qu’il n’a pas eu la responsabilité de l’électricité ni de la plomberie. Sauf pour l’électricien qu’il connaît bien et qu’il contacte lorsque c’est son tour de faire des travaux, il admet que c’est lui qui indiquait à la Bénéficiaire quel quart de métier était le suivant afin qu’elle fasse la coordination.
[47] En ce qui concerne le revêtement extérieur, il explique que la Bénéficiaire a changé d’idée en cours de route, ce qui a requis certains ajouts. Aucun manuel n’était fourni pour l’installation. Toutefois, le représentant du fournisseur était sur place, il lui fournit les clous et lui indique quoi faire et comment. Pour le reste, il s’en remet aux règles de l’art de l’époque.
[48] Quant aux portes et fenêtres, il n’a fait aucune coordination. Quant à lui, il n’a besoin que des dimensions afin que les ouvertures soient de la bonne grandeur.
[49] Il passe en revue avec le procureur de la Bénéficiaire les différentes photos contenues aux différents rapports et indique en quoi les normes de l’époque sont différentes des normes actuelles.
[50] Il réitère avoir installé un scellant temporaire (zip) en 2013-2014 et qu’il n’a fait aucun travaux suivant la décision de l’Administrateur du 1er septembre 2015.
[51] Il admet avoir fait différentes tentatives avant septembre 2015 dans l’espoir de remédier aux récriminations de la Bénéficiaire. Mais une fois déterminée qu’il n’a aucune responsabilité, il ne fait plus rien.
[52] L’Entrepreneur fait ensuite témoigner Martin Papineau. Ce dernier a travaillé pour l’Entrepreneur pour une brève période, d’août 2016 à décembre de la même année. Il confirme avoir également travaillé pour l’APCHQ de même que pour Fenêtres St-Ambroise. Il affirme avoir noté la présence d’eau au contour des fenêtres (côté intérieur) ainsi que beaucoup de pourriture au pourtour des fenêtres (côté extérieur) chez la Bénéficiaire en raison de la présence d’humidité.
[53] Il affirme également avoir noté que le coupe-froid est visible de l’extérieur et cette situation est anormale. Il s’agit d’un problème de confection des fenêtres. Cette situation, il l’a notée à au moins 3-4 fenêtres du rez-de-chaussée. Il ne peut dire si cette situation était visible lors de l’installation ou s’il s’agit d’un cas où le dormant a travaillé. Quoi qu’il en soit, le témoin affirme n’avoir noté aucun problème en lien avec l’installation des fenêtres.
[54] Amené à préciser sa dernière affirmation, le témoin indique qu’au moment de sa visite, il y avait 1 ou 2 ouvertures qui étaient dégarnies au pourtour, ce qui lui a permis de voir l’installation, d’où son affirmation que celle-ci est conforme.
[55] Alexandre Fortier témoigne ensuite. Il est inspecteur en bâtiment et a travaillé chez Abritat, puis chez GCR. Il est formateur Novoclimat et donne de la formation dans divers domaines de la construction. Il effectue également des mandats d’inspection à son propre compte. Le témoin n’est pas spécialisé en portes et fenêtres, mais ses connaissances et son expérience sont suffisantes pour lui reconnaître le statut d’expert en l’instance.
[56] Il explique que son premier mandat consistait à faire une vérification de l’installation du revêtement extérieur, en fonction des normes et règles de l’art en vigueur en 2011-2012. L’Entrepreneur lui demande de déterminer l’étendue de sa responsabilité, s’il en est, et de lui indiquer ce qui doit être fait le cas échéant.
[57] Lors de sa visite le 30 mai 2018, il affirme qu’environ 50% du revêtement extérieur était retiré. Son inspection était de type visuel, mais il avait en sa possession le matériel nécessaire pour faire des ouvertures exploratoires, si tel avait été requis.
[58] Monsieur Fortier témoigne avoir été en mesure de constater le travail de l’Entrepreneur là où le Bâtiment était dégarni. Il note des dommages causés par l’eau, surtout au pourtour des fenêtres du 2e étage. Il précise qu’il s’agit de bois noirci et de cernes d’eau.
[59] Au moment de retirer une section de membrane autocollante, il note que le revêtement intermédiaire (bois aggloméré communément appelé aspenite) est gonflé d’eau. Il constate qu’ailleurs, le revêtement est sain, sauf au bas de quelques ouvertures. Il précise qu’en dégarnissant, il voit que des montants de bois sont noircis, ou du moins, qu’il y a des traces d’humidité ou d’eau.
[60] Au rez-de-chaussée, il ne constate aucune anomalie, sauf au balcon avant où 2 poutres sont affectées. Il confirme avoir soulevé la membrane pare-intempérie (Tyvek) et n’avoir rien vu d’anormal.
[61] Il est d’avis, à la suite de ses constats, que rien ne justifiait le retrait de la quasi-totalité du revêtement extérieur. Selon lui, les travaux correctifs auraient pu être faits en retirant quelques planches au pourtour des ouvertures.
[62] Il indique au Tribunal qu’il n’a rien vu lors de son inspection qui lui laisse croire à des infiltrations d’eau en provenance de l’extérieur. Selon lui, le Bâtiment est affecté d’un problème d’humidité. Il explique avoir vu quelques anomalies au revêtement extérieur à quelques coins de fenêtres seulement. Il est possible que les fenêtres aient un problème de fabrication, mais il n’a pas été mandaté pour vérifier cette possibilité.
[63] Pour lui, le problème d’humidité tire sa source de la condensation importante présente chez la Bénéficiaire. De fait, il indique que la Résidence est munie de plusieurs fenêtres pleine hauteur et qu’il ne retrouve aucune bouche de chaleur au plancher. La présence de bouche de chaleur aurait notamment pour effet de réchauffer le vitrage et de limiter la condensation de surface.
[64] Monsieur Fortier explique également que le Code prévoit des mécanismes de gestion de l’humidité dans des conditions normales d’utilisation. En revanche, lorsqu’on augmente le nombre d’occupants, il faut s’assurer de faire une bonne gestion de l’humidité.
[65] De plus, un problème d’exfiltration d’air chaud au pourtour des ouvertures du 2e étage est également en cause. Il affirme que le mur du 2e étage est mitoyen et s’appuie sur le vide sous-toit d’une section plus basse de la Résidence, ce qui laisse croire que l’humidité en provenance de l’entretoit de cette section peut pénétrer à l’intérieur du Bâtiment.
[66] En ce qui concerne plus particulièrement le revêtement extérieur, il explique qu’avant 2012, il n’y avait, à sa connaissance, aucune norme sur l’installation des fenêtres et du revêtement. Selon les règles de l’art de l’époque, il ne voit aucun problème avec le fait que les fourrures soient posées à l’horizontale, et ce, dans la mesure où l’air circule bien derrière le revêtement, comme c’est le cas en l’espèce.
[67] Il n’a vu aucun dommage lié à la mise en place du revêtement extérieur. Seul un problème de rejet d’eau aux coins de quelques ouvertures est présent. Il indique que si aucune intervention n’est faite à ce niveau, après 7 ans, c’est certain que ça va pourrir un jour.
[68] Il précise que tous les experts en l’instance s’appuient sur la norme CAN/CSA-A440.4-07 (ci-après la « norme A440 »). Or, il indique que cette norme n’était pas en vigueur au moment de la construction en 2011-2012, bien qu’elle fût discutée. C’est d’ailleurs en 2012 que des fiches techniques commencent à être produites au sujet du solinage et cette norme est devenue obligatoire, par renvoi, à compter du 31 août 2012. Ce n’est qu’en 2015-2016 que cette norme A440 est maîtrisée dans l’industrie.
[69] De plus, à l’époque de la construction du Bâtiment, la municipalité de Sainte-Béatrix n’avait adopté aucune norme. Puisque le Code national du bâtiment 2010 (ci-après le « CNB 2010 ») réfère aux dispositions administratives du Code de 1985, il affirme qu’on peut se référer à ce Code en l’absence d’autre norme adoptée par une municipalité. Par ailleurs, les règles de l’art sont également applicables.
[70] Selon le Code de 1985, il est prévu que des solins soient posés au-dessus des fenêtres, et que l’entrepreneur s’assure de l’étanchéité. Chez la Bénéficiaire, il note la présence de solin en partie supérieure, bien installé.
[71] Il ajoute qu’à l’époque de la construction du Bâtiment, plusieurs formations ont été données sur la norme A440, malgré qu’elle ne fût pas encore en vigueur. On enseignait alors aux entrepreneurs de coller une membrane d’étanchéité directement sur chaque fenêtre. Il était l’un des formateurs de l’époque.
[72] La norme actuelle diffère puisqu’il a été établi depuis que la membrane collée sur la fenêtre plutôt que sur l’assise empêche l’assèchement des matériaux, mais quoi qu’il en soit, ce qu’il a vu chez la Bénéficiaire est conforme à ce qui était enseigné au moment de la construction en cause.
[73] Le respect de la norme A440 au moment où les fenêtres ont été installées, soit en décembre 2011 et en janvier 2012, n’était pas obligatoire. Néanmoins, l’Entrepreneur s’y est conformée, même si on sait aujourd’hui qu’il s’est conformé aux premiers enseignements et qu’il s’avère que ceux-ci étaient erronés. Selon lui, il s’agit d’une malfaçon, selon les standards qui ont été adoptés par la suite, mais pas selon ceux en vigueur en décembre 2011 et en janvier 2012.
[74] Par ailleurs, il affirme que si la membrane collée sur les fenêtres était le problème, il y aurait beaucoup plus de dommages que ce qu’il a vu lors de son inspection. Il réaffirme qu’il aurait été possible de retirer 4 pouces de revêtement au pourtour des ouvertures pour faire les travaux correctifs.
[75] Ceci étant, son rapport E-21 indique que les travaux suivants auraient pu être exécutés à titre de mesure urgente et conservatoire[2] :
Nous considérons que les seuls travaux conservatoires se limitent aux constats effectués, soit :
- La réparation et l’étanchéisation de la jonction des poutres du balcon et du mur extérieur endommagés suite à l’infiltration d’eau;
- La réparation des sections de déclin endommagées par l’eau aux coins supérieurs des ouvertures au 2e étage endommagés par le rejet d’eau des moulures d’égouttements de chaque côté des ouvertures; et
- Le retrait de la membrane d’étanchéité à la base des ouvertures (27 fenêtres et 1 porte) et la mise en place d’une membrane sur l’appui de la fenêtre en retirant l’isolant en place, jusqu’à la limite du vitrage, incluant la réparation des matériaux affectés par l’eau nécessitant le retrait de petites sections de revêtement.
Au cours de la réalisation de ces travaux correctifs, il aurait été possible pour l’entrepreneur d’identifier les endroits nécessitant des travaux plus importants comme le retrait d’une section de revêtement pour réparer le revêtement intermédiaire ou le retrait du gypse et de l’isolant pour réparer la charpente par l’intérieur du bâtiment. Deux (2) fenêtres auraient nécessité d’être complètement retirées afin de réparer l’appui à la base de l’ouverture et la charpente au dessous. Le coût de ces travaux spécifiques n’a pas été estimé.
Nous sommes d’avis que les dommages résultent de la condensation se produisant à la surface intérieure des fenêtres et ne relèvent pas de la responsabilité d’Éric Desrochers Construction Inc. mais de l’usage du bâtiment et de la gestion de l’humidité effectuée par les occupants.
L’infiltration d’eau dans les matériaux de la poutre du balcon à la jonction du mur doit être corrigée. Les dommages au revêtement extérieur relèvent davantage d’un manque d’entretien et de l’absence d’intervention préalable. Et la mise en place d’une membrane d’étanchéité à la base des ouvertures qui aurait pour effet d’empêcher l’évacuation de l’eau à la base des ouvertures relève de la malfaçon mais rien n’indique que des dommages en résultent. Il faut aussi prendre en considération que les membranes d’étanchéité au pourtour des ouvertures n’étaient pas une exigence ni une pratique courante au moment de la construction du bâtiment.
[76] Selon son témoignage, ces réparations étaient réalisables de l’intérieur du Bâtiment. En outre, la réparation par l’intérieur du Bâtiment est moins dispendieuse que par l’extérieur. Il admet que la pratique veut que tout arraché pour remettre des matériaux neufs soit plus facile, mais cela ne se justifie pas en l’espèce.
[77] Par ailleurs, vue la responsabilité limitée de l’Entrepreneur en l’instance, il estime que les quelques réparations urgentes et conservatoires pouvaient se faire de l’extérieur en retirant 4 pouces de revêtement sous les fenêtres.
[78] Le témoin commente ensuite la facture relative aux travaux exécutés et dont il est exigé de l’Entrepreneur le remboursement à la Bénéficiaire. En somme, son témoignage peut se résumer à dire que 1) les frais sont non justifiés eu égards aux constats faits et plus amplement détaillés dans ses quatre (4) rapports (E-18, E-19, E-20 et E-21), 2) la facture de l’entrepreneur Battisti n’est pas détaillée et n’est pas supportée par des pièces justificatives et contient des travaux qui ne relèvent pas de la responsabilité de l’Entrepreneur, et 3) les frais réclamés sont grossièrement exagérés.
[79] D’ailleurs, il indique qu’il s’explique mal la décontamination fongique faite chez la Bénéficiaire alors qu’il n’en est pas question dans le dossier. Rien n’est dénoncé à l’Entrepreneur ni à l’Administrateur au sujet d’un quelconque problème de contamination, et aucun rapport d’analyse n’a été produit.
[80] En contre-interrogatoire, il précise les éléments suivants :
[81] Il commente les différentes photos de ses rapports ainsi que celles qui se trouvent au rapport d’Expertbâtiment.ca (pièce A-8). Il n’est pas nécessaire ici de rapporter ses propos précisément.
[82] Il réitère que les règles de l’art sont applicables en tout temps même si aucun code n’est adopté par la municipalité. Il réaffirme son opinion voulant que l’Entrepreneur a été avant-gardiste en se conformant à la norme A440 dès décembre 2011 et janvier 2012, selon les enseignements dispensés à cette époque, et qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon, si l’on considère les normes et règles en vigueur du moment.
[83] En ce qui concerne la pose du revêtement extérieur, il admet qu’il est préférable de ne pas superposer 2 fonds de clouage. Cependant, la Bénéficiaire a changé d’idée en cours de chantier et modifié le type de revêtement extérieur. Le fond de clouage horizontal convenait au précédent type de revêtement choisi, mais pas au second. La superposition des fonds de clouage n’est pas problématique dans le présent cas puisque l’air circule et permet l’assèchement des matériaux.
[84] Confronté aux plans et devis, il admet que la soumission prévoit que la construction doit être conforme aux plans. Il reconnaît qu’un larmier (et non un solin) est requis sous les fenêtres. Il indique néanmoins que sur le Bâtiment, il a noté la présence d’une moulure en L, ce qui est conforme, selon lui.
[85] Par ailleurs, vu l’absence de dommages, il considère que les travaux de l’Entrepreneur sont corrects, même s’ils ne sont pas parfaitement conformes aux plans.
[86] Commentant certaines photos, il admet que certains matériaux doivent être remplacés. Il ajoute toutefois que sans le problème de la condensation, il n’en serait rien. Il ajoute aussi que selon les informations qu’il a obtenues, une (1) section du Bâtiment aurait été dégarnie et laissée sur le Tyvek pendant environ 2 ans avant d’être recouverte d’une membrane de plastique.
Bénéficiaire
[87] La Bénéficiaire fait d’abord entendre monsieur Patrick Ratelle. Ce dernier témoigne à distance. Au début de son témoignage, le témoin a démontré à la satisfaction du Tribunal qu’il était seul dans la pièce et il a prêté serment de dire la vérité.
[88] Il est le président de Fongix Décontamination inc., une entreprise spécialisée en décontamination de bâtiment.
[89] Il affirme être intervenu à la suite d’une expertise ayant démontré la présence de contaminant. Il explique la nature et l’étendue des travaux réalisés. Les travaux se sont échelonnés sur au moins un (1) mois, sinon deux (2). De mémoire, presque tous les matériaux étaient affectés. C’est le chef d’équipe qui décide ceux qui peuvent être nettoyés et ceux qui doivent être remplacés. À la fin des travaux, une nouvelle analyse d’air a été faite et un certificat de conformité a été émis par Expertbâtiment.ca.
[90] En contre-interrogatoire, il confirme avoir reçu son mandat de la Bénéficiaire, suite à la recommandation d’Expertbâtiment.ca. Il s’est déplacé personnellement sur les lieux à 2 ou 3 reprises. Les travaux de décontamination ont lieu avant ceux de l’entrepreneur Battisti.
[91] Sa soumission date de mars 2018 et les travaux ont été réalisés à l’été 2018, probablement au cours des mois de juin et juillet. Confronté à sa facture datée du 16 mai 2018, il dit qu’il ne sait plus si les travaux ont été réalisés avant ou après le 16 mai. Normalement, il facture à la fin des travaux. Par contre, il note qu’il a reçu un dépôt le 15 mai 2018, puis un autre le 18 mai 2018. Le paiement final est reçu le 18 septembre 2018. Il croit donc que les travaux ont effectivement été réalisés en juin-juillet, comme il l’a dit un peu plus tôt.
[92] Il dit que c’est une firme indépendante qui fait le test de qualité de l’air à la fin de ses travaux. Ce test est fait à l’intérieur de la Résidence. Il ignore si le test précédent le début de ses travaux a été fait à l’intérieur du Bâtiment. Il ne voit aucun test d’air (antérieur) dans son dossier, mais il dit qu’il arrive souvent qu’il ne reçoive pas la totalité du rapport de l’expert, ce dernier appartenant à la cliente. Il affirme qu’il se peut que le test de qualité de l’air se trouve dans un rapport indépendant.
[93] Quoi qu’il en soit, pour lui, le type de moisissure en cause n’a aucune incidence sur le type de travaux qu’il effectue. Il indique que le test d’air est une mesure de protection prise par les experts lorsqu’ils voient de la moisissure. Il confirme avoir fait des zones de confinement à l’intérieur de la Résidence à deux (2) endroits pour l’entrepreneur Battisti.
[94] Enfin, il confirme que Fongix retire toutes les portes et fenêtres (ou presque), mais ne les réinstalle pas. Il ignore ce qu’il advient des portes et fenêtres par la suite.
[95] C’est ensuite au tour de Samuel Battisti de témoigner. Il est un entrepreneur spécialisé en enveloppe du bâtiment. Il a été contacté par Fongix, qui le réfère à la Bénéficiaire.
[96] Son mandat consiste à reconstruire, tel que sur les plans, par suite de la décontamination. Il explique le déroulement de ses travaux et confirme que c’est Fongix qui a fait la démolition, sauf en ce qui a trait aux éléments structuraux, auquel cas c’est lui qui intervient.
[97] Il indique que les travaux se sont échelonnés sur une période d’environ une (1) année.
[98] Lorsqu’il prépare sa soumission, puis sa facture, il ne fournit aucun détail dans le cas des mandats privés, contrairement au commercial. Il fait un prix forfaitaire de 122 000 $ (plus taxes) et il maintient ce prix malgré les surprises trouvées en cours d’exécution.
[99] Lorsqu’on lui demande une facture détaillée dans le cadre du présent litige, il ressort son dossier, ses factures et fait une approximation pour chaque poste budgétaire.
[100] En contre-interrogatoire, il indique que lors de son arrivée, l’état du Bâtiment était correct, quoiqu’il y ait eu quelques manquements autour des fenêtres puisque l’eau s’infiltre. Il n’a pas pu constater l’état des fourrures et du pare-vapeur, ces derniers ayant déjà été retirés et remplacés.
[101] Il explique l’étendue des travaux, bien que les manquements se situent au niveau des fenêtres, par le fait ce n’est pas une construction standard. Il faut tout protéger, en tout temps en raison des conditions climatiques variables.
[102] Pour sa part, il doit tout reconstruire puisque tout a été démoli. Il confirme que la Bénéficiaire lui a demandé quelques ajouts, mais affirme que ces extras ont été facturés séparément.
[103] Il confirme que c’est Fongix qui l’a référé à la Bénéficiaire. Au moment de soumissionner, la démolition n’a pas encore eu lieu. Il dit avoir fait sa soumission sur la foi des informations transmises par Fongix qui lui dit, à la suite des ouvertures exploratoires faites, qu’il faut tout refaire. C’est donc ce qu’il prévoit dans sa soumission.
[104] Il admet avoir prévu certains travaux qui n’ont pas été faits, vu l’état des lieux (ex. toiture au-dessus de la cuisine). Toutefois, d’autres travaux non prévus ont été nécessaires, d’où le maintien de son prix d’origine. Il dit qu’il a réparti son prix sur divers éléments.
[105] Il décline ensuite la liste des travaux supplémentaires réalisés et qui ont été facturés séparément à la Bénéficiaire.
[106] Le témoin est surpris qu’on lui reproche aujourd’hui de ne pas avoir fourni toutes les factures au soutien de sa facturation. Il ne s’attendait pas à cela. Il explique qu’à l’époque, il ne fonctionnait pas de la même façon dans sa comptabilité. Il fonctionnait surtout avec des feuilles de temps. Il dit avoir d’autres factures au soutien de sa propre facture, mais elles ne sont pas toutes disponibles facilement en version papier.
[107] Il explique ensuite les modalités de paiement. Il confirme que le versement du 22 août 2018, qui est le deuxième, correspond à l’époque où la moitié des travaux ont été exécutés. Ses travaux ont débuté vers la mi-juin 2018 et ont arrêté vers la mi-novembre. Ils reprennent ensuite au printemps 2019, notamment pour compléter les travaux à la galerie arrière.
[108] Le 22 août 2018, il estime que les travaux devaient être rendus environ au pare-vapeur. Ensuite, il pose le revêtement extérieur et les fenêtres. Il indique avoir remplacé 6 fenêtres en tout. Le coût de ces fenêtres est inclus dans sa facture, la Bénéficiaire lui ayant indiqué de mettre dans cette facture tout ce qui est fait « pour que ce soit comme avant ».
[109] Confronté à l’affirmation de Patrick Ratelle de Fongix voulant que toutes les portes et fenêtres avaient été retirées, il indique que c’est faux.
[110] Il explique chacun des travaux qu’il a effectués. Il dit que Fongix a enlevé les 5 fenêtres qui étaient clairement pourries et que lui n’en a retiré qu’une (1) seule, soit une grande fenêtre à l’étage, qui n’ouvrait plus ou ouvrait mal, et avoir posé un LVL pour éviter que l’affaissement ne continue. Il ne se souvient pas s’il a constaté le problème d’ouverture lui-même ou si on le lui a dit.
[111] Monsieur Normand Duchesne témoigne ensuite. Il expose son expérience en matière de construction. Il possède une expérience plus importante en enveloppe du bâtiment, mais est familier avec les questions relatives à l’installation de fenêtres. Tout comme Alexandre Fortier, le Tribunal lui reconnaît le statut d’expert.
[112] Il est l’auteur du rapport déposé sous A-8 et identifié plus haut comme étant le rapport d’Expertbâtiemnt.ca. Il explique que son mandat consistait à vérifier la conformité de l’installation des fenêtres et déterminer la source des infiltrations d’eau.
[113] Il débute par commenter le fond de clouage sous-jacent au revêtement extérieur. Il affirme que la pose des fourrures à l’horizontale nuit au bon assèchement des matériaux. Au soutien de son opinion, il prend appui sur le Code de 2005 qui, selon lui, s’applique à Sainte-Béatrix. Il exprime l’avis que cette lacune est la cause principale de la condensation et notamment lorsqu’on voit une fourrure horizontale apposée sur un solin, ce qui emprisonne l’humidité. Il explique que le pare-intempérie est étanche à l’eau, mais pas à la vapeur. Il s’agit-là, selon lui, d’une malfaçon évidente.
[114] Il reconnaît que l’Entrepreneur a suivi les plans à cet égard. Toutefois, il se devait de respecter le Code et les règles de l’art. Si des fourrures horizontales étaient requises, il devait d’abord en poser des verticales, puis superposer des fourrures horizontales par-dessus celles verticales afin de permettre une lame drainante continue. Selon lui, il s’agit d’une exigence prévue au Code de construction 2005 qui s’applique partout au Québec. C’est également une règle de l’art. Selon lui, en 2011-2012, tous les fabricants exigent une lame d’air drainante.
[115] De plus, se référant aux plans de construction, il pointe le dessin du solin qui apparaît sous la fenêtre. Même si le solin n’est pas nommé, c’est un symbole connu dans l’industrie.
[116] Au sujet des fenêtres, il commente la figure 4 de son rapport déposé sous A-8. Il soulève un certain nombre de questions. En définitive, il affirme que si la fenêtre a été livrée dans cet état, l’Entrepreneur devait refuser de la poser puisque c’est lui le responsable de la mise en œuvre. C’est lui l’expert en construction.
[117] Aux figures 8 et 9 du même rapport, il affirme que les cadrages de fenêtres sont endommagés par la condensation. Même chose à la figure 17. Il pointe l’absence de circulation d’air et l’absence de chauffage devant les fenêtres comme source principale des dommages aux fenêtres. Dans son rapport, il indique toutefois d’autres facteurs contributifs et notamment l’excès d’humidité dans l’air ambiant auquel s’ajoute la défaillance des thermos, le manque d’étanchéité du coin ainsi que l’isolation déficiente du cadrage de fenêtre.
[118] Il expose ensuite ses différentes mesures thermographiques et en explique les résultats.
[119] En contre-interrogatoire, le témoin nie avoir fait une inspection visuelle seulement. Il affirme avoir fait des percées exploratoires, bien que son rapport n’en fasse pas mention. Il confirme néanmoins n’avoir fait aucun test d’arrosage.
[120] Il affirme avoir vu des taches qui s’apparentent à de la moisissure. Il dit cependant que des tests sont nécessaires pour confirmer s’il s’agit de moisissure. Il reconnaît qu’un entretien est requis par le propriétaire lorsqu’il y a des taches de la sorte.
[121] Il reconnaît ne pas avoir fait certains constats directement. Il admet ne pas savoir si la fenêtre qui n’est pas d’équerre était comme ça à l’origine. Il reconnaît également l’absence de dommages à plusieurs endroits, malgré les non-conformités pointées.
[122] Monsieur Duchesne confirme que certains éléments, tels les scellants, nécessitent un entretien. Il dit toutefois que ceux-ci ne doivent pas être refaits pour souvent qu’aux 5 à 10 ans. À ce titre, il refuse de reconnaître que plus de 5 ans se sont écoulés depuis la construction et que le scellant à la fenêtre de la figure 6 de son rapport était dû pour être changé. Il affirme que dans ce cas, « ça fait longtemps que ça a explosé ».
[123] De façon générale, il admet que le Bâtiment ne soit pas très endommagé. La principale cause des dommages est la condensation. À certains endroits, il dit ne pas voir de dommages, mais bien des symptômes de début de détérioration. Il n’a constaté aucun dommage à l’intérieur de la Résidence, hormis les cadrages de fenêtres.
[124] Monsieur Duchesne était présent lors du témoignage de l’Entrepreneur. Il a bien entendu ce dernier dire que la Bénéficiaire avait retenu les services d’un professionnel au moment de l’inspection préréception en 2013. Il affirme néanmoins que la situation que l’on voit à la figure 33 de son rapport ne résulte pas d’une détérioration ou d’un manque d’entretien, mais qu’il s’agit plutôt d’un travail à l’origine mal fait. Il est forcé d’admettre que cela aurait dû être vu lors de l’inspection préréception en 2013 de même que lors de l’inspection par l’Administrateur en 2015 si tel était le cas.
[125] Il confirme que le revêtement extérieur est dans un état général normal pour une construction de 7 ans, abstraction faite des vices détectés à la suite d’une inspection minutieuse.
[126] Au sujet de la règlementation applicable, il affirme que le Code de construction de 2005 s’applique partout au Québec, pour les petits bâtiments. La Résidence en l’instance fait partie des petits bâtiments, tels que décrits au Code. Il réitère que ce Code s’applique à Sainte-Béatrix, même s’il n’a pas vérifié. De plus, il dit que s’il ne s’applique pas, alors c’est le Code national du bâtiment qui s’applique.
[127] Il a utilisé le Code de construction de 2005 parce qu’il ne se souvient pas à quel moment le Code de 2010 a été adopté. Dans les 2 Codes il est question de fond de clouage. Il n’a pas vérifié toutefois si la version antérieure à 2005 traite de fond de clouage. Il dit que ce n’était pas nécessaire parce qu’il se base sur l’année de construction.
Entrepreneur - contre-preuve
[128] L’Entrepreneur est autorisé à administrer une contre-preuve. Il fait entendre de nouveau son expert, Alexandre Fortier.
[129] Sur la question de la norme applicable, il transmet au Tribunal et aux parties un lien pointant au site de la Régie du bâtiment du Québec. Il explique que la construction résidentielle au Québec, pour les bâtiments de 2 étages et moins, et de 8 logements et moins, est sous la juridiction des municipalités. Il réitère avoir vérifié ce qui est applicable à Sante-Béatrix et affirme de nouveau que cette municipalité n’a pas adopté de Code ou quoi que ce soit.
[130] Il s’est référé au Code de construction en vigueur en 1985, le premier applicable au Québec. Il prévoit les normes minimales de construction. Il est vrai qu’en 2005 le Code de construction intègre la notion du double plan de protection et ce Code s’applique partout au Québec. Cependant, la municipalité de Sainte-Béatrix ne l’ayant pas adopté, ce serait une erreur de s’y référer. Son rapport fait état de la règlementation en vigueur.
[131] Il indique au Tribunal que malgré ce qui précède, certaines dispositions législatives issues de la règlementation en vigueur imposent, par renvoi, des normes en matière de revêtement extérieur depuis 2012, sauf si la municipalité a adopté autre chose. Ici, au moment de la construction, aucune norme n’était prévue en ce qui concerne le revêtement extérieur, mais l’APCHQ dispensait tout de même des formations, en prévision de la règlementation à venir.
[132] En préparation de l’audition de la présente affaire, il affirme avoir communiqué avec l’APCHQ et demandé à recevoir la documentation relative aux formations qu’il a données aux entrepreneurs à cette époque. Cela fait, il est en mesure d’affirmer, sous serment, qu’au moment des événements, ce qui était enseigné aux entrepreneurs c’était que la pose de fourrures à l’horizontale était correcte et acceptable. Ce n’est que plus tard qu’on arrive avec une exigence de lame drainante continue, soit en 2017. Il met en garde de conclure hâtivement que les fourrures horizontales nuisent au Bâtiment.
[133] Sur la question du solinage et des larmiers, il indique qu’aucune formation n’était dispensée aux entrepreneurs avant la mi-2011, l’entrée en vigueur des nouvelles exigences étant prévue en 2012.
[134] Il commente amplement les figures du rapport de monsieur Duchesne, pièce A-8. Par ailleurs, et sur la question des linteaux, il affirme que seul un ingénieur peut se prononcer sur la structure en présence d’une construction dont la valeur est supérieure à 100 000 $. Aucun ingénieur n’est intervenu en l’espèce.
Bénéficiaire - suite
[135] Madame Chantal Provost témoigne ensuite. Elle confirme, pour l’essentiel, le témoignage de l’Entrepreneur en ce qui concerne l’octroi du mandat à celui-ci. Elle confirme avoir fourni les fenêtres, de même que leur installation en décembre 2011 et janvier 2012. Elle confirme également que l’Entrepreneur l’informe du déroulement de la construction et des prochaines étapes au fur et à mesure afin qu’elle puisse coordonner les autres entrepreneurs mandatés par elle (plomberie, électricité, etc.).
[136] Elle indique que sa résidence à Montréal a été incendiée vers le 10-11 mars 2013 et c’est à ce moment qu’elle serait déménagée dans sa Résidence, bien que la construction ne fût pas complètement terminée. Elle précise que l’Entrepreneur, à cette époque, a décroché un gros contrat et qu’elle a accepté qu’il termine la construction un peu plus tard, d’où le délai à recevoir le Bâtiment. Elle ajoute qu’au moment de l’inspection préréception, il restait des petites choses à compléter.
[137] La Bénéficiaire explique s’être installée avec précipitation suite à l’incendie de sa précédente maison et avoir entreposé ses boîtes dans sa chambre et dans le bureau au 2e étage.
[138] Elle ne remarque rien de particulier au cours de l’hiver 2013-2014. En revanche, l’hiver suivant, il y a de la neige qui pénètre dans la maison par la fenêtre. Cette situation se produit à 2 ou 3 reprises au cours de cet hiver-là. Elle remarque également que le bas du mur au sous-sol, près de la porte, est très froid. Elle informe l’Entrepreneur de ces événements et ce dernier vient voir et fait quelques réparations.
[139] Il informe le Tribunal des autres péripéties qui surviennent et des actions de l’Entrepreneur. Néanmoins, elle dit en avoir assez de se faire dire que tout est normal et qu’il faut juste une petite réparation, de là ses démarches auprès d’autres professionnels du bâtiment.
[140] Elle confirme que le fabricant de fenêtres est venu remplacer tous les thermos, car ceux-ci étaient affectés d’un vice de fabrication. Le fabricant a également fait des ajustements, car certaines fenêtres ouvrent et ferment mal.
[141] Elle affirme qu’au total, seules quatre (4) fenêtres n’ont pas subi d’infiltrations d’eau.
[142] Madame Provost explique ensuite le contexte de sa première réclamation à l’Administrateur qui donne lieu à la décision de monsieur Roberge en date du 1er septembre 2015. Elle affirme notamment qu’au cours de la visite d’inspection, monsieur Roberge pose des questions à l’Entrepreneur et que c’est à la suite de cela qu’il conclut qu’il n’y a aucun problème en lien avec l’installation des fenêtres. À cette époque, aucune ouverture exploratoire n’a été faite, que ce soit par elle, par l’Entrepreneur ou par l’Administrateur. Elle demeure perplexe face aux problèmes qui affectent sa Résidence et fait une demande d’arbitrage le 23 septembre 2015.
[143] Par suite de la nomination de l’arbitre, elle dit avoir été informée par lui qu’il entendra sa demande, mais que si elle perd en arbitrage, elle ne pourra plus jamais aller à la Cour. Apeurée, elle trouve que ça va trop vite. Elle ne connaît rien à cela, et elle se désiste de sa demande le 29 septembre 2015, pensant alors qu’elle ira devant les tribunaux de droit commun si nécessaire. Elle cherche un professionnel pour l’aider.
[144] Dans l’intervalle, elle entreprend elle-même de faire des ouvertures par l’intérieur pour « voir comment c’est fait derrière ». Elle écrit à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur, le 23 janvier 2016 et transmet son chèque à l’Administrateur en février pour l’ouverture de sa réclamation. Elle reçoit la réponse de l’Entrepreneur en date du 29 janvier 2016.
[145] En mars 2016, elle rencontre monsieur Gravel et le mandate pour qu’il procède à une expertise. Son inspection a lieu le 30 juin 2016 et son rapport est produit le 30 août suivant.
[146] Elle informe ensuite le Tribunal d’une rencontre entre elle, l’Entrepreneur et monsieur Gravel et le constat de monsieur Gravel voulant « qu’ils sont aux antipodes ». C’est à ce moment qu’elle contacte Me Hamon.
[147] Elle contacte également monsieur Préville de Thermospec lequel procède à une thermographie en date du 18 mars 2017. Par suite de la réception de ce rapport, la Bénéficiaire contacte ensuite monsieur Duchesne d’Expertbâtiment.ca. Ce dernier procède à une inspection visuelle le 4 décembre 2017 et son rapport porte la date du 20 de ce mois.
[148] Me Hamon transmet ensuite une mise en demeure à l’Entrepreneur le 3 mai 2017, à la suite de quoi ce dernier procède à une inspection avec monsieur Ducharme (mandaté par son assureur) ainsi qu’avec Martin Papineau, un employé de l’Entrepreneur.
[149] Le 6 mars 2018, elle institue un recours devant la Cour supérieure contre l’Entrepreneur. Puisque rien n’avance et que la situation va de mal en pis, elle obtient trois (3) soumissions pour faire procéder aux travaux après s’être fait dire qu’elle serait responsable si elle laisse la situation s’aggraver.
[150] Elle rencontre l’entrepreneur Battisti et lui expose la situation et ce qu’elle pense avoir comme problème. Elle lui remet ensuite les plans d’architecte et lui demande de reconstruire « pour que ce soit fait pareil ». Elle précise qu’elle veut que tout soit réparé pour être conforme aux plans, mais que par ailleurs, pour les ajouts ou modifications, elle veut une facturation distincte. Elle fournit le détail des modifications un peu plus loin dans son témoignage.
[151] Elle explique aussi avoir rencontré Fongix puisqu’elle a vu du noir lorsqu’elle a ouvert le mur dans son bureau au 2e étage. Elle veut savoir s’il s’agit de moisissure.
[152] L’histoire ne dit pas ce qui se passe par la suite sauf de savoir que Fongix procède à des travaux extensifs de décontamination. Ces travaux durent environ un (1) mois selon le souvenir de la Bénéficiaire. Elle affirme que Fongix a tout arraché, tout gratté, nettoyé et remplacé lorsque nécessaire. Elle demande aux employés de Fongix de prendre des photos de toutes les interventions et de tout documenter.
[153] En ce qui concerne la facture de l’entrepreneur Battisti, elle explique que la soumission reçue n’était pas détaillée, non plus que la facture. D’ailleurs, les autres soumissions reçues étaient également non détaillées. Ce n’est que dans le cadre du présent litige qu’elle a demandé une facture détaillée à son entrepreneur, d’où la facture produite sous E-16.
[154] Elle affirme que depuis l’exécution des travaux par l’entrepreneur Battisti, tout va bien. Elle n’a plus subi d’infiltrations d’eau.
[155] En contre-interrogatoire, elle admet ne plus se souvenir si elle a emménagé en 2012, comme le prétend l’Entrepreneur, ou en 2013, comme elle l’a affirmé plus tôt.
[156] Elle confirme que la Résidence est occupée, en moyenne, par quatre (4) ou cinq (5) personnes en tout temps. La Résidence comporte deux (2) salles de bain complètes et une (1) salle d’eau. C’est elle qui fait le lavage. Elle fait de six (6) à dix (10) brassées par semaine et utilise la sécheuse. Elle étend aussi régulièrement des vêtements dans la cuisine. Jusqu’en 2018, il n’y a pas de hotte au-dessus de la cuisinière.
[157] Elle confirme que monsieur Longpré a dessiné les plans du Bâtiment. Elle l’a rencontré environ huit (8) fois et a été lui remettre un document chez lui à une seule occasion.
[158] Elle dira ensuite avoir perdu le numéro de téléphone de ce dernier et donc qu’elle y serait retournée une seconde fois, probablement en 2016, pour une question technique en lien avec sa toiture, et puis peut-être aussi lors de l’émission du permis de construction, mais elle n’est pas certaine. Lors de ses visites, elle voit quelqu’un à l’intérieur de la maison, mais elle ne peut dire s’il s’agit de madame Delage. Elle ne se souvient pas de lui avoir parlé, sauf peut-être l’avoir salué, sans plus. D’ailleurs, elle affirme ne pas l’avoir reconnue lors de la visite d’inspection par cette dernière en août 2018.
[159] Un peu plus loin, elle est confrontée au fait que monsieur Gravel indique, dans son rapport, que monsieur Longpré était présent lors de sa visite le 30 juin 2016. Elle réitère qu’il n’était pas présent et ajoute qu’il est possible que monsieur Gravel l’ait appelé par la suite. Elle admet aussi qu’il est vrai que monsieur Longpré a fait des visites de chantier ponctuelles lors de la construction. Elle affirme qu’il n’avait pas de mandat de vérifier les travaux. Seulement, ce dernier y allait de son propre chef parce qu’il avait hâte de voir de quoi ça aurait l’air.
[160] Elle indique que la visite d’inspection a duré tout au plus 30 minutes. À cette occasion, elle ne remet aucun document à madame Delage, mais elle se souvient avoir reçu un courriel lui demandant des documents. Elle transmet à madame Delage les rapports de messieurs Préville et Duchesne. Elle se souvient que ça lui a pris quelques semaines, voire des mois pour les lui transmettre puisqu’elle a besoin d’aide pour la transmission par courriel. Elle dit d’ailleurs avoir reçu quelques courriels de l’Administrateur à ce sujet.
[161] Ensuite, elle ne se souvient pas si elle a transmis autre chose à madame Delage, sauf peut-être des plans. Elle se souvient, lorsque dirigée, avoir aussi transmis des photos quelques mois après la visite d’inspection. Elle ne se souvient pas cependant si c’est elle qui a proposé d’envoyer des photos ou si c’est madame Delage qui les lui a demandées. Elle dit qu’il est possible qu’elle ait fait mention de photos lors de la visite d’inspection, mais son souvenir est vague.
[162] Elle indique que les travaux étaient entamés lors de la visite d’inspection, mais qu’ils n’étaient pas terminés. Elle ne se souvient pas si madame Delage a dit quelque chose au sujet des travaux en cours.
[163] Elle remet la facture de l’entrepreneur Battisti à madame Delage quelques mois après la visite d’inspection, lorsqu’elle lui en fait la demande.
[164] La Bénéficiaire confirme avoir reçu une indemnisation d’un peu plus de 3 000 $ de son assureur pour les dommages subis.
[165] Elle ne se souvient pas qui lui a référé l’entrepreneur Battisti. Il est possible que ce soit monsieur Duchesne, tout comme il est possible qu’elle ait trouvé le numéro dans le bottin téléphonique. Elle n’a pas dit à Fongix quoi faire comme travaux puisqu’elle ignorait ce qui devait être fait exactement et elle confirme avoir fait affaires personnellement avec monsieur Ratelle.
[166] Sur la question du chauffage de la Résidence, la Bénéficiaire confirme qu’il y a du plancher radiant au sous-sol et aucun autre appareil de chauffage. Elle soutient que c’est meilleur pour la respiration et que ça prend moins d’espace. Au rez-de-chaussée, elle a des convectairs partout, du plancher radiant dans la salle de bain et un poêle à combustion lente. Au 2e étage, il y a un convectair.
[167] Elle confirme s’être coordonnée avec l’Entrepreneur pour faire venir les sous-traitants qui étaient de sa propre responsabilité, tel que le plombier et l’électricien.
[168] Quant à l’inspection préréception, elle confirme avoir mandaté un voisin, monsieur Denis Loyer, pour l’assister. Elle ignore quelles sont ses qualifications en la matière. Elle dit toutefois qu’il est retraité et qu’il a construit sa propre maison. Lors de la visite, elle l’a suivi et n’a pas demandé ce qu’il vérifiait au juste. Elle regardait ce qu’il lui disait de regarder. Elle affirme que monsieur Loyer a produit un rapport. Ce dernier n’est toutefois pas versé au dossier d’arbitrage.
[169] Elle admet que l’Entrepreneur a préparé le boîtier pour la cheminée, mais que la cheminée et le foyer étaient exclus du contrat.
[170] Sur son désistement relatif à sa demande d’arbitrage antérieure, elle confirme avoir parlé avec l’arbitre Brossoit, alors désigné. Elle a réalisé que ça allait trop vite et qu’elle ne connaissait rien. Elle admet ne pas avoir consulté d’avocat à cette époque. En somme, elle ignore ce qu’elle pourrait dire de plus que ce qu’elle a déjà dit à l’Entrepreneur. Elle est allée en arbitrage parce que c’est ce qui est écrit de faire dans la décision. Elle était en désaccord avec la décision de l’Administrateur qui, selon elle, « prend pour du cash » tout ce que l’Entrepreneur dit.
[171] Contre-interrogée par le procureur de l’Administrateur, elle confirme que les photos produites sous A-12 ont été prises par elle et par Fongix. Elle ne peut distinguer les siennes de celles de Fongix.
[172] Elle indique avoir commencé à dégarnir le Bâtiment elle-même à compter de janvier 2016, en commençant par l’intérieur, pour voir ce qui se passe derrière.
[173] Elle estime à une (1) année la période pendant laquelle le Bâtiment a été dégarni à l’extérieur avant d’être protégé par un polythène.
Administrateur
[174] Madame Delage témoigne. Elle était, au moment des événements, inspectrice-conciliatrice chez l’Administrateur. Elle travaille maintenant pour GCR. C’est elle qui a rendu la décision dans le présent dossier.
[175] Elle souhaite d’abord clarifier la situation par rapport à son conjoint. Elle indique que ce dernier est aujourd’hui retraité. Au moment des événements, il faisait des plans de constructions, mais surtout des plans préliminaires. Il ne faisait pas les plans d’exécution. En somme, les plans montrent de quoi la maison aura l’air, mais ils ne contiennent aucune information technique. La responsabilité de son conjoint ne sera pas engagée, quelle que soit la décision du Tribunal. Advenant un problème en lien avec les plans, la responsabilité incombera à monsieur Sylvain Bastien, technologue en architecture.
[176] Monsieur Longpré n’a jamais été mêlé à aucun autre dossier chez l’Administrateur. Elle affirme ne pas avoir travaillé avec lui dans le présent dossier et n’avoir obtenu de lui aucune information. La seule information utilisée est celle fournie par les parties en l’instance.
[177] Elle affirme, pour sa part, avoir déjà rencontré la Bénéficiaire et l’avoir saluée. Elle n’a pas souvenir d’avoir rencontré l’Entrepreneur par le passé alors qu’elle travaillait pour une municipalité à l’émission des permis.
[178] Elle indique avoir hérité de ce dossier puisque monsieur Roberge est tombé malade et qu’il ne pouvait pas s’en occuper lui-même. Madame Delage informe le Tribunal qu’elle s’est questionnée sur la question du possible confit d’intérêt et en avoir discuté avec son supérieur. Chez l’Administrateur, ils sont d’avis qu’elle n’est pas en conflit d’intérêts puisque ni elle ni son conjoint n’ont d’intérêt financier dans le projet. De plus, le mandat de son conjoint est terminé depuis longtemps.
[179] Elle confirme avoir eu cette discussion avec l’Entrepreneur lors de la visite d’inspection.
[180] Au moment de l’inspection, les travaux sont faits et le Bâtiment est sur le pare-intempérie (Tyvek). La Bénéficiaire lui affirme qu’il n’y a rien à voir qui soit en lien avec les infiltrations d’eau puisque les travaux sont déjà exécutés. La Bénéficiaire lui explique brièvement ce qui a été fait et il est question des expertises. Elle demande à en recevoir copie.
[181] La Bénéficiaire fait allusion à des photos prises lors des travaux correctifs. Elle demande d’en recevoir copie également.
[182] Au cours de la visite d’inspection, elle confirme avoir expliqué aux parties, mais plus particulièrement à la Bénéficiaire, qu’elle doit analyser si les travaux exécutés étaient nécessaires, urgents et conservatoires et qu’elle doit avoir une bonne raison de les avoir exécutés pour que la réclamation soit acceptée.
[183] Au moment de son analyse, elle a en sa possession les documents produits sous A-3, A-4, A-5, A-6, A-7, A-8, A-9, A-10, A-12, A-14,A-15, E-18 et E-19. Elle avait également demandé à la Bénéficiaire une copie du rapport de décontamination. Elle ne l’a jamais reçu.
[184] Elle confirme le délai inhabituellement long pour rendre sa décision. Elle précise que c’est en raison du fait qu’elle attendait des documents de la Bénéficiaire et que l’Entrepreneur, pour sa part, attendait un complément d’expertise.
[185] Elle n’a pas souvenir d’avoir discuté des photos avec la Bénéficiaire et dit que les photos sont un complément aux expertises en sa possession.
[186] Elle a pris connaissance des différentes expertises et même si les fenêtres sont de piètre qualité, elle est d’avis que les infiltrations découlent de la mauvaise installation. Elle comprend qu’il y a des travaux majeurs à effectuer et que les seules interventions de l’Entrepreneur se sont limitées à poser du calfeutrant temporaire et de l’isolant.
[187] Elle commente les différents rapports d’expertise et les conclusions qu’elle en tire. Selon elle, le Bâtiment est gravement affecté. Elle indique au Tribunal que la majorité des fenêtres, la porte principale ainsi qu’un coin du Bâtiment sont endommagés. Il y a des dommages sur toutes les façades et ceux-ci ne peuvent être qualifiés de petits dommages. Elle ajoute que si aucune intervention n’est faite, il y aura éventuellement perte du Bâtiment.
[188] À savoir à quel moment les travaux devaient être faits, elle indique qu’il s’agit de dommages extensifs et qu’il est impossible de limiter le dégarnissage aux seuls pourtours des fenêtres. Le bois du revêtement est irrécupérable. Selon elle, il n’est pas question ici d’un problème limité aux fenêtres, mais bien d’un problème d’enveloppe et d’étanchéité et les travaux de Fongix et de Battisti étaient urgents. Elle ne voit pas comment il aurait été possible de procéder autrement qu’en dégarnissant le Bâtiment.
[189] À la question du Tribunal à savoir s’il n’aurait pas été nécessaire d’aviser l’Administrateur lors du dégarnissage et du constat de l’ampleur du problème, elle répond que tout le monde avait été informé du problème en temps opportun et que personne ne faisait rien. Elle indique que les travaux ont duré assez longtemps et que « monsieur et madame tout l’monde » ne savent pas ce qui doit être fait. En l’instance, elle estime que la Bénéficiaire a fait ce qu’elle avait à faire.
[190] Ensuite, toujours en réponse aux questions du Tribunal, elle indique que les plans de construction sont censés avoir été préparés selon les normes en vigueur à l’époque. Elle n’avait pas en sa possession de document qui établissait les travaux qui étaient de la responsabilité de l’Entrepreneur et ceux qui incombaient à la Bénéficiaire, mais elle était informée que les fenêtres avaient été fournies par la Bénéficiaire et installées par l’Entrepreneur. Elle indique, de plus, qu’il n’y avait pas, en l’espèce, de réelle possibilité d’exécuter des travaux conservatoires temporaires, sauf peut-être mettre un dôme au-dessus de la Résidence. Elle revient à la charge en précisant que la Bénéficiaire avait informé tout le monde en temps utile.
[191] Elle explique que la conception du Bâtiment fait en sorte qu’il est impossible que les dommages extérieurs aient été causés par l’usage du Bâtiment, à moins d’un problème dans l’entretoit.
[192] Elle affirme qu’elle ne pouvait rendre une décision autre que celle-là avec les photos et les expertises qu’elle avait en sa possession. Elle estime que le coût des travaux de 122 000 $ plus les taxes applicables est raisonnable. Selon sa propre estimation, si l’Administrateur avait procédé aux travaux correctifs, il y en avait pour plus de 100 000 $.
[193] Au niveau de l’urgence, elle affirme qu’il fallait que les travaux se fassent et il n’est pas surprenant que la Bénéficiaire en soit venue à la conclusion qu’une fois dégarni le Bâtiment, il faut réparer et reconstruire. Laisser le Bâtiment sur son revêtement pare-intempérie ne peut constituer une solution à long terme, car il en vient à perdre ses propriétés. Questionnée sur le délai maximal au cours duquel le pare-intempérie peut être exposé aux intempéries avant de perdre ses propriétés, elle indique : moins d’un (1) an.
[194] En contre-interrogatoire, elle explique qu’en 2015, le dossier lui avait été assigné et qu’elle s’était alors immédiatement retirée puisque la Bénéficiaire avait été une cliente de son conjoint. Elle ne s’est alors même pas posé la question du conflit d’intérêts et n’a tout simplement pas pris le dossier. Cependant, en 2018, lorsque le dossier revient sur son bureau, elle en discute avec son supérieur.
[195] Au cours de leur discussion, il est établi que ni elle ni son conjoint n’ont d’intérêt dans le dossier et que la responsabilité de ce dernier ne peut être engagée. Elle ne nie pas qu’il est possible que son conjoint ait remis ses plans préliminaires à monsieur Bastien. De fait, son conjoint est à son compte et il remet généralement les plans préliminaires au client, qui lui les remet au professionnel qu’il mandate pour la préparation des plans d’exécution. En l’instance, il est possible que son conjoint ait référé la Bénéficiaire à monsieur Bastien et qu’il ait lui-même transmis ses plans. Elle sait qu’ils se connaissent.
[196] Elle réitère qu’elle n’a eu aucune discussion avec son conjoint au sujet du présent dossier. Elle admet avoir rencontré la Bénéficiaire puisque son conjoint a son bureau à domicile, mais elle ne se souvient pas à quand remonte cette rencontre.
[197] En ce qui concerne le malaise ressenti par l’Entrepreneur face à cette situation, Me Cloutier lui demande s’il n’existe pas chez l’Administrateur des politiques au sujet des conflits d’intérêts et/ou apparences de conflits d’intérêts. Elle indique qu’il y en avait effectivement à l’époque chez l’Administrateur, mais qu’elle n’y a plus accès. À tout événement, elle affirme savoir qu’elle ne rencontre pas les critères et qu’elle n’est pas en conflit d’intérêts. Pour sa part, elle n’a pas consulté ladite politique et elle ignore si son supérieur l’a fait.
[198] Entre le moment de la visite d’inspection et sa décision, elle admet avoir certainement eu des contacts avec la Bénéficiaire qu’elle dit avoir contactée soit par téléphone, soit par courriel, afin de recevoir les documents demandés.
[199] Elle dira ensuite qu’il lui semble bien lui avoir parlé à quelques reprises, mais elle ne se souvient plus quand, ni à quel sujet.
[200] Elle ne se souvient pas si à l’époque elle envoyait à l’autre partie les documents reçus de la première, comme elle le fait aujourd’hui.
[201] Sur le déroulement de la visite d’inspection, elle dit avoir fait le tour rapidement, mais qu’il n’y avait rien à voir puisque les travaux étaient déjà exécutés. Elle se souvient de ne pas avoir voulu rester proche du thermos gonflé, de peur qu’il éclate. Devant l’apparente contradiction voulant que tous les travaux soient alors exécutés, elle affirme que c’est la Bénéficiaire qui lui a dit que tout était fait. Il est vrai qu’elle n’a pas vérifié par elle-même si cela était le cas, ajoutant toutefois que tout n’était pas si clair. En effet, la Bénéficiaire a dit que les travaux relatifs aux infiltrations d’eau étaient faits.
[202] Elle ignore ce qui s’est passé entre janvier 2016, moment de la dénonciation, et août 2018, jour de sa visite. Elle voit bien la dénonciation de janvier 2016 et le chèque de février 2016 dans son dossier. Elle voit aussi une autre dénonciation en mai 2018. Elle dit que c’est en voyant la dénonciation de mai 2018 qu’elle s’aperçoit qu’il n’y a eu aucune réponse à celle de janvier 2016. Elle décide alors de tout traiter dans sa décision.
[203] Confrontée à la réponse de Maria Rizzo du 27 septembre 2016, pièce B-2, elle confirme avoir pris connaissance du premier dossier dans le cadre de la présente décision. Elle ne peut dire quelle était la position de l’Administrateur en 2015, n’ayant été saisie du dossier qu’en 2018.
[204] Elle admet que le mandat de monsieur Gravel était de vérifier un problème d’infiltration d’eau. Elle admet également que monsieur Gravel n’a fait qu’une inspection visuelle en lien avec lesdites infiltrations. Elle ne répond pas à la question de savoir si cela était l’objet de la décision de l’Administrateur en 2015.
[205] Elle confirme avoir été informée du fait que la Bénéficiaire avait porté cette décision en arbitrage, pour s’en désister quelques jours plus tard.
[206] Dans le cadre du présent dossier, elle reçoit l’expertise de monsieur Gravel datée du 30 août 2016, le 27 novembre 2018. Elle ne répond pas à la question de savoir si après plus de deux (2) ans que le rapport est produit, les travaux étaient réellement urgents.
[207] À savoir si pour l’Administrateur des travaux finaux constituent une mesure nécessaire, urgente et conservatoire, elle indique que ça dépend des cas. En l’espèce, le Bâtiment étant dégarni, il devenait urgent de réparer et reconstruire.
[208] À savoir depuis quand il y a des dommages, elle dit que c’est un problème d’enveloppe et donc qu’ils sont là depuis le début.
[209] Elle nie avoir écarté le rapport de Technorm. Au contraire, elle en traite, mais estime le rapport de monsieur Gravel comme plus probant. Pourtant, Technorm a fait des tests d’arrosage contrairement à monsieur Gravel qui n’en a fait aucun. Elle ajoute néanmoins que dans son 2e rapport, Technorm mentionne un problème d’installation.
[210] De nouveau questionnée sur sa visite d’inspection, elle est confrontée au fait que l’entrepreneur Battisti a indiqué qu’au 22 août 2018, environ 50% des travaux étaient faits. Pourtant, lors de sa visite le 16 août 2018, elle n’inspecte pas. Elle admet ne pas avoir informé la Bénéficiaire qu’elle devait suspendre les travaux dans l’attente de sa décision. Madame Delage dit s’en être remise à la Bénéficiaire qui affirme que tout est fait. Partant, il ne reste plus qu’à rédiger.
[211] Elle reçoit la facture de Battisti datée du 2 octobre 2018, le 5 novembre suivant. Elle ne pose aucune question sur ladite facture.
[212] Elle est ensuite interrogée sur les travaux exécutés par rapport à ce qui aurait pu être urgent, nécessaire et conservatoire. Il ressort de son témoignage que le système d’échafaudage est urgent pour faire les travaux, tout comme le conteneur à déchets et les coûts de gestion de l’espace. Quant à la toiture élastomère, il n’y a aucune dénonciation à ce sujet au dossier, mais elle affirme que c’est évident que ça devait être fait. Quant au plâtre, il ne s’agit pas de travaux urgents et conservatoires, mais il est clair, encore une fois, que ce sont des travaux qui devaient être faits.
IV
PLAIDOIRIES
Entrepreneur
[213] Me Cloutier rappelle les faits entourant la prise de possession du Bâtiment par la Bénéficiaire et son emménagement en 2012, avant la fin de la construction. Elle soumet que cette dernière a fait procéder à une inspection préréception par monsieur Loyer, un professionnel du bâtiment, bien que cette inspection n’ait pas été déposée au dossier d’arbitrage.
[214] Me Cloutier soumet au Tribunal que la première dénonciation de la Bénéficiaire à l’Administrateur a été transmise le 23 mars 2015, et fait état de plusieurs infiltrations d’eau. La décision de monsieur Roberge en dispose le 1er septembre 2015.
[215] Par la suite, la Bénéficiaire a porté cette décision en arbitrage et elle s’en est désistée sans même avoir consulté un avocat.
[216] En janvier 2016, la Bénéficiaire dénonce de nouveau la situation à l’Administrateur.
[217] Par la suite, elle écrit de nouveau à l’Administrateur et à l’Entrepreneur le 14 septembre au sujet d’infiltrations d’eau et d’air. Une réponse lui est alors transmise le 27 septembre 2016 l’informant que ces points ont déjà été traités par l’Administrateur et qu’ils n’ont pas été reconnus, la problématique émanant des matériaux fournis par elle et non d’une installation fautive. Elle est alors informée qu’à moins qu’une expertise ne démontre le contraire, qu'il ne peut être donné suite à sa demande.
[218] Or, à cette date, la Bénéficiaire a déjà en sa possession l’expertise de monsieur Gravel datée du 30 août 2016. Pourtant, ce n’est que le 27 novembre 2018 qu’il est transmis à l’Administrateur.
[219] Dans l’intervalle, la Bénéficiaire entreprend la reconstruction de sa Résidence en mai-juin 2018 et les coûts s’élèvent à 141 109,97 $ (taxes incluses).
[220] Quoi qu’il en soit, le 16 août 2018, l’Administrateur procède à une visite d’inspection et rend sa décision le 18 février 2019, soit six (6) mois plus tard.
[221] En outre, elle soumet que la décision de l’Administrateur relate que la première décision traitait d’une seule infiltration, ce qui est faux.
[222] Ensuite, elle indique que madame Delage a omis d’aviser la Bénéficiaire que seuls les travaux nécessaires, urgents et conservatoires peuvent être remboursés. En attendant la fin des travaux pour condamner l’Entrepreneur à la totalité des coûts, madame Delage n’a pas appliqué le Règlement. Qui plus est, l’Entrepreneur avait le droit de prendre en charge les autres travaux non urgents, à ses frais.
[223] Le remboursement du coût des réparations demeure une mesure exceptionnelle puisque la finalité du Règlement est de faire en sorte que l’entrepreneur répare ses travaux s’ils sont affectés de vices ou de malfaçons. Ce n’est qu’en cas de défaut de l’entrepreneur que l’Administrateur intervient et prend en charge les réparations[3]. Aussi, puisque le remboursement est une exception à la règle générale, elle ne vise que les travaux nécessaires, urgents et conservatoires[4].
[224] En l’espèce, l’Entrepreneur a toujours eu l’intention de procéder aux correctifs, si requis. Seulement, ses vérifications lui indiquent depuis les tout débuts que ses travaux ne sont pas en cause et sa position est confirmée par l’Administrateur dans la décision rendue le 1er septembre 2015. Les expertises obtenues de ses propres experts ne démontrent que des problématiques mineures en lien avec ses travaux.
[225] Vu la « nouvelle » réclamation de la Bénéficiaire, qui pour la majorité des points recoupe les items déjà traités par l’Administrateur et pour lesquels il y a chose jugée, l’Entrepreneur demeurait dans l’attente d’une décision de l’Administrateur qui lui indiquerait lesquels de ses travaux sont affectés et ce qui doit être réparé. Elle rappelle le mandat limité de l’Entrepreneur et que plusieurs travaux ne relèvent pas de lui.
[226] L’Entrepreneur soumet que les travaux exécutés par la Bénéficiaire ne constituent pas des travaux conservatoires. Il s’agit de travaux finaux. Au surplus, le délai écoulé entre janvier 2016 et la date d’exécution des travaux finaux démontre sans aucun doute qu’il ne s’agissait pas de travaux urgents.
[227] S’il est devenu urgent d’effectuer des travaux, c’est en raison de la négligence de la Bénéficiaire. D’ailleurs, lorsqu’elle écrit à l’Administrateur le 14 septembre 2016, elle a en sa possession l’expertise de monsieur Gravel, laquelle est datée du 30 août 2016. Selon cette expertise, l’installation déficiente des fenêtres est la principale cause des dommages subis. Et c’est d’ailleurs cette expertise qui est décisive dans la décision de l’Administrateur.
[228] Or, elle n’en dit rien et ne la transmet pas à l’Administrateur. Elle laisse s’écouler plus de deux (2) années avant d’en transmettre copie à ce dernier. On ne saurait maintenant qualifier d’urgents les travaux exécutés.
[229] Me Cloutier décortique chacune des expertises et met en évidence le manque de rigueur des experts et le fait que les infiltrations se produisent principalement par les thermos même. De tous les experts, un (1) seul a fait des tests d’infiltration d’eau et il s’agit de monsieur Ducharme de Technorm.
[230] En définitive, le principal problème à la source des dommages subis en est un de fabrication de fenêtres et de condensation, ce qui n’engage en rien la responsabilité de l’Entrepreneur vu son mandat limité.
[231] De plus, une mauvaise gestion de l’humidité peut être en cause. Par ailleurs, peu de dommages au Bâtiment ont été démontrés par les experts et encore, ce ne sont que des dommages localisés et non généralisés.
[232] D’ailleurs, elle soumet que les problèmes d’infiltration n’existent qu’en période hivernale. Aucune infiltration d’eau n’est notée en été ou au printemps, selon les informations au dossier.
[233] Me Cloutier ajoute, d’abondant, qu’il n’y a au dossier aucune dénonciation de quelque problème de contamination que ce soit, et aucun test de qualité de l’air n’a été produit au dossier. Comment, ainsi, justifier l’intervention de Fongix?
[234] Sur les normes applicables, elle affirme que c’est l’expert Fortier qui a raison et qu’il est le seul à avoir fait des vérifications à ce sujet.
[235] Sur les travaux exécutés, l’Entrepreneur a fait procéder à une analyse des coûts par son expert et ce dernier les commente dans son dernier rapport en date du 6 octobre 2020. Elle rappelle les difficultés rencontrées pour obtenir de l’entrepreneur Battisti une facture détaillée et les pièces justificatives à son soutien.
[236] D’ailleurs, à l’audience, le dossier est toujours incomplet à cet égard et elle réfère le Tribunal au procès-verbal de la Cour supérieure qui ordonnait la transmission de « tous les documents, toutes les factures, numéro de projet ainsi que le temps alloué par les employés de Entreprise Battisti relativement au projet en litige (…) le tout au soutien de la facture 0000-284 et tout autre document justifiant les coûts au [...] à Ste-Béatrix. »
[237] Conséquemment, vu l’ordonnance de la Cour supérieure, il y a lieu ici de considérer que ce qui est en preuve correspond à tout ce qui existe et les coûts allégués ne sont pas justifiés en plus de ne pas être limités aux travaux strictement nécessaires, urgents et conservatoires et qui relèvent de la responsabilité de l’Entrepreneur.
[238] Me Cloutier soumet au Tribunal d’arbitrage que la décision rendue doit être cassée au motif qu’il y a chose jugée, la Bénéficiaire tentant de faire de nouveau le débat sur des points réglés définitivement en 2015. Elle soumet de nombreuses autorités à ce sujet[5].
[239] De plus, l’Administrateur n’avait pas le pouvoir de réviser sa propre décision. Seul un arbitre peut réviser une décision rendue par l’Administrateur tel que l’édicte l’article 106 du Règlement et confirmé par la Cour d’appel dans l’affaire Desindes[6].
[240] Par ailleurs, l’Entrepreneur, par la voix de sa procureure, soumet au Tribunal que la problématique relative au fond de clouage, et qui est révélée pour la première fois en décembre 2017 dans le rapport d’Expertbâtiment.ca, est dénoncée en 4e année de garantie. Or, rien dans la preuve n’est venu étayer en quoi cela constitue un vice majeur au sens du Règlement.
[241] En revanche, monsieur Fortier a indiqué que cette construction est conforme aux normes et règles de l’art en vigueur à l’époque de la construction. D’ailleurs, Me Cloutier dépose de nombreuses autorités voulant que même si une norme n’a pas été suivie, ce qu’elle n’admet pas et nie vigoureusement, il n’y ait pas lieu de conclure à un vice de construction en l’absence de dommages à la structure du bâtiment[7].
[242] Qui plus est, la Bénéficiaire informée d’un problème affectant son Bâtiment ne peut le laisser s’aggraver de sorte qu’un vice mineur devienne majeur[8].
[243] Les travaux exécutés, en définitive, n’étaient ni nécessaires, ni urgents, ni conservatoires, sauf tel que l’indique monsieur Fortier.
[244] Madame Delage aurait dû, au moment de son inspection, aviser la Bénéficiaire du fonctionnement du Règlement et lui indiquer de suspendre ses travaux dans l’attente de la décision. Elle aurait également dû l’informer du droit de l’Entrepreneur de compléter lui-même les travaux. Elle ne l’a pas fait et elle ne peut aujourd’hui faire supporter les frais encourus par la Bénéficiaire à l’Entrepreneur.
[245] Elle reproche également le manque de rigueur de l’Administrateur dans l’analyse des coûts, ce dernier n’ayant exigé aucune pièce justificative. De plus, l’Administrateur n’a pas pris en compte l’indemnité d’assurance perçue par la Bénéficiaire, ni du fait que plusieurs travaux exécutés par Battisti ne concernent pas les travaux sous la responsabilité de l’Entrepreneur, ni le fait qu’il s’agit de travaux finaux.
[246] Finalement, Me Cloutier plaide que l’Administrateur, en assignant cette affaire à madame Delage, s’est placé en situation de conflit d’intérêts. Elle rappelle l’implication du conjoint de madame Delage dans le dossier et souligne notamment qu’il a fait plus que juste les plans préliminaires. Il s’est déplacé pour voir l’évolution de la construction. Par ailleurs, madame Delage s’était tenue à l’écart de ce dossier en 2015 en raison du fait qu’elle se sentait en conflit d’intérêts. Elle aurait dû écouter sa petite voix cette fois-ci également. D’ailleurs, son témoignage révèle qu’elle n’a pas vérifié les règles de régie interne et qu’elle s’en est remise à son supérieur uniquement. Pourtant, l’article 42 (9°) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs édicte ce qui suit :
« L’autorisation de la Régie est accordée à une personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
9° ses règles de régie interne portant notamment sur le conflit d’intérêts et s’appliquant aux personnes agissant au sein de sa structure organisationnelle sont équivalentes à celles édictées par les articles 1310 et suivants du Code civil. […] »
[247] Me Cloutier soumet au Tribunal la décision Lefrançois et Bouchard c. 9125-3575 Québec inc. / Gestion Immobilia[9] qui traite de la nécessaire distance qui doit exister entre l’Administrateur et l’Entrepreneur pour assurer au Bénéficiaire un traitement honnête et loyal, dans son meilleur intérêt, et elle soumet que rien dans le Règlement ne permet de conclure que l’Entrepreneur n’ait pas droit au même traitement. Elle conclut que le manque de distance entre l’Administrateur et la Bénéficiaire a nui au bon traitement du dossier et que l’Administrateur aurait dû confier cette affaire à un autre conciliateur.
[248] En conséquence du conflit d’intérêts qui est on ne peut plus manifeste dans cette affaire, elle soutient qu’il serait injuste et inéquitable que l’Entrepreneur soit tenu de payer la moitié des frais d’arbitrage tel que le prévoit l’article 123 du Règlement.
[249] Me Cloutier soumet à l’arbitre qu’elle a le pouvoir de décider en équité puisque les circonstances particulières de cette affaire le justifient. L’Entrepreneur n’a pas à faire les frais de tout cela. Elle soumet, au soutien de sa position, la décision Corporation immobilière domicil inc.[10] rendue par la soussignée de même que plusieurs autres décisions traitant de l’équité et des frais d’arbitrage[11].
[250] Elle réclame finalement le remboursement des frais d’expertise de monsieur Alexandre Fortier.
Bénéficiaire
[251] Me Brunelle procède d’abord à une révision des dénonciations de la Bénéficiaire, soit celle ayant donné lieu à la décision du 1er septembre 2015, et celles en lien avec la décision faisant l’objet du présent arbitrage.
[252] Analysant chaque point, il conclut que la décision de l’Administrateur en l’instance ne constitue pas la révision d’une décision antérieure. De fait, il soutient que le présent dossier fait état d’un problème d’enveloppe du bâtiment et non d’un problème de fenêtres comme le plaide l’Entrepreneur.
[253] Il plaide qu’au fil du temps, la Bénéficiaire a vu des petits signes qui permettaient de suspecter ce que l’on constate aujourd’hui. Cependant, ce n’est qu’en dégarnissant que l’on peut mesurer l’ampleur de la problématique.
[254] Il souligne, comme l’a mentionné madame Delage, que la décision rendue par l’Administrateur tient compte de toutes les expertises soumises et pas seulement de celle de monsieur Gravel comme l’a prétendu sa consœur. Il constate, à la lecture des divers rapports, que personne ne s’entend sur la nature de la problématique. Madame Delage pour sa part, a estimé que l’expertise de l’architecte Gravel était celle qui se rapprochait le plus de la réalité observée.
[255] Par ailleurs, il rappelle que les articles 2104 et 2118 C.c.Q. prévoient des présomptions qui favorisent la Bénéficiaire et il appartient à l’Entrepreneur de prouver que ces présomptions ne s’appliquent pas.
[256] Il est vrai qu’en principe, les matériaux fournis par la Bénéficiaire sont exclus, sauf s’ils sont manifestement impropres comme c’est le cas en l’espèce. De plus, la responsabilité de la perte du bâtiment qui survient dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux incombe à l’Entrepreneur, sauf s’il peut se dégager de sa responsabilité.
[257] En l’espèce, il soutient que le visionnement des photos (pièce A-12) démontre clairement la perte de l’ouvrage. De plus, l’Entrepreneur ne peut justifier sa mauvaise installation par le fait que les fenêtres étaient de piètre qualité.
[258] Les photos contenues aux divers rapports démontrent effectivement plusieurs anomalies qui peuvent possiblement être attribuées à un vice de conception des fenêtres. Cependant, l’Entrepreneur ne pouvait installer des matériaux impropres. Ce faisant, l’Entrepreneur a engagé sa responsabilité et il doit être tenu de la perte de l’ouvrage et de tous les dommages qui en découlent.
[259] Sur la question des normes applicables, il prétend que l’on doit se référer d’abord aux plans et à la soumission qui stipulent que la construction doit être conforme aux plans.
[260] Ensuite, l’Entrepreneur doit se conformer aux normes et aux règles de l’art en vigueur. Sur ce dernier aspect, Me Brunelle soutient que même si l'on admettait, pour fins de discussions, que le Code de 2005 ne s’appliquait pas, l’Entrepreneur devait tout de même en tenir compte pour se conformer aux règles de l’art[12]. En l’espèce, l’Entrepreneur ne s’est pas conformé aux normes et règles de l’art en vigueur, mais il s’est également écarté des plans.
[261] Me Brunelle commente plusieurs photos qui démontrent, selon lui, la présence de champignons et de pourriture. Il soutient qu’une fois dégarni, le Bâtiment ne pouvait demeurer plus de six (6) mois sur le papier pare-intempérie. Il devenait impératif de poser le revêtement extérieur qui constitue le 2e plan de protection.
[262] En septembre 2016, l’Administrateur a informé la Bénéficiaire du fait qu’elle devait « revenir avec autre chose » si elle voulait que sa réclamation soit traitée. Il soutient que bien qu’elle eût, à ce moment, l’expertise de monsieur Gravel, la Bénéficiaire a obtenu d’autres expertises afin de compléter son dossier.
[263] D’ailleurs, dès mai 2017, l’Entrepreneur est avisé que la Bénéficiaire a l’intention de procéder aux travaux correctifs s’il n’intervient pas pour corriger la situation. Copie de cette mise en demeure n’a pas été transmise à l’Administrateur, mais ce dernier a reçu copie de la demande introductive d’instance déposée au dossier de la Cour supérieure en mars 2018.
[264] L’Entrepreneur est dûment informé de la situation : il sait que le Bâtiment subit d’importantes infiltrations d’eau et que les matériaux se décomposent. La Bénéficiaire, quant à elle, a la responsabilité d’éviter que sa Résidence ne s’effondre.
[265] Dans le cadre des différentes correspondances échangées entre les parties, l’Entrepreneur indique qu’il a en main tout ce dont il a besoin pour se défendre. Au moment de la visite d’inspection par l’Administrateur, les travaux sont déjà exécutés. Dans sa décision, l’Administrateur émet l’avis que l’Entrepreneur est au courant de la situation et que la Bénéficiaire ne pouvait laisser le Bâtiment sans protection. En aucun temps, l’Entrepreneur n’a avisé la Bénéficiaire de cesser les travaux et personne n’est pris par surprise lorsque les travaux sont exécutés. En l’instance, personne n’a été lésé dans ses droits.
[266] Me Brunelle soutient, relativement à l’absence de dénonciation d’un quelconque problème de contamination, que l’Administrateur a refusé cette portion de la réclamation.
[267] Sur la question du droit de l’Entrepreneur d’exécuter les travaux ou du moins, ceux post urgence, Me Brunelle soutient que ce dernier a déjà indiqué qu’il ne ferait aucun travaux. À quoi bon attendre?
[268] Me Brunelle demande de maintenir la décision de l’Administrateur et de rejeter la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.
Administrateur
[269] Me Baillargeon, pour sa part, débute en invoquant à la fois la simplicité et la complexité de ce dossier.
[270] Il souligne le manque de connaissance de la Bénéficiaire en matière de construction de même que pour tout ce qui concerne la procédure. Il souligne néanmoins que le Tribunal a été clair en ce qui concerne le cadre du présent dossier : la décision doit reposer sur les règles prévues au Règlement.
[271] Il admet que la présente affaire constitue, à sa connaissance, la seule dans laquelle l’Administrateur ordonne purement et simplement à l’Entrepreneur de rembourser les travaux finaux à un bénéficiaire. Cependant, il plaide l’esprit du Règlement et s’en rapporte à l’affaire Thibodeau[13] qui énonce clairement que le Règlement a été adopté pour la protection du consommateur et qu’il doit être interprété en sa faveur.
[272] En l’instance, puisque la demande d’arbitrage émane de l’Entrepreneur, c’est à lui qu’incombe le fardeau de prouver que la décision de l’Administrateur est erronée. Le Tribunal, pour sa part, doit décider si cette décision est conforme au texte et à l’esprit du Règlement.
[273] Analysant l’historique du dossier, il indique que la 1re décision de l’Administrateur en 2015 a conclu, sur la foi des informations disponibles à l’époque, que les problèmes dénoncés résultaient de travaux ou de matériaux exclus du règlement. Il précise qu’il n’y a pas eu rejet de la réclamation, ce qui aurait pour effet d’avoir effectivement acquis la force de la chose jugée. En l’instance, tel n’est pas le cas.
[274] Il précise que contrairement aux prétentions de Me Cloutier, la réclamation de la Bénéficiaire en l’instance vise un problème d’étanchéité et non de fenêtres.
[275] Me Baillargeon admet bien humblement ne pas comprendre le délai de traitement de trois (3) ans suite à la dénonciation du 23 janvier 2016, d’autant plus que les parties sont représentées par avocat, le tout en parallèle du recours devant la Cour supérieure. Par ailleurs, il est particulier qu’il y ait déjà 5 expertises au moment où l’Administrateur intervient au dossier.
[276] Il commente ensuite chacune des expertises et conclut que chacune d’elle met en évidence des problèmes à des niveaux différents.
[277] En l’instance, Me Baillargeon indique que la question est celle de savoir s’il est justifié d’ordonner à l’Entrepreneur de rembourser la totalité des travaux correctifs puisque les problèmes perdurent depuis plusieurs années et que l’Entrepreneur refuse d’y retourner. Il rappelle que l’Entrepreneur soutient qu’il s’agit d’un problème de fenêtres alors qu’il s’agit en fait d’un problème d’étanchéité.
[278] Sur la question des travaux conservatoires, il ignore ce qui aurait pu être fait à titre de mesure temporaire et conservatoire. Une fois dégarni, que peut-on faire qui soit conservatoire et temporaire sans mettre en péril le Bâtiment?
[279] Me Baillargeon reconnaît que le présent Tribunal ne peut créer un précédent dangereux et indique qu’il est possible pour l’arbitre de couper la poire en deux (2) et de renvoyer ce débat en Cour supérieure.
[280] Il soutient que l’ampleur du problème n’était pas connue avant le printemps 2018. De plus, le Règlement est là pour protéger les bénéficiaires. Par ailleurs, il met en garde le Tribunal de pénaliser la Bénéficiaire qui a fait ce qu’elle devait faire en dégarnissant pour trouver la source du problème.
[281] Me Baillargeon souligne la longue expérience de madame Delage en matière de plan de garantie et ajoute que celle-ci n’ignore pas les conséquences de sa décision pour l’Administrateur. Ainsi, il plaide que c’est en s’inspirant de l’esprit du Règlement que celle-ci rend la décision ici contestée. Il demande donc au Tribunal de dire en quoi cette décision n’est pas conforme à cet esprit.
[282] En répondant plus spécifiquement au plan d’argumentation soumis par Me Cloutier, il souligne l’absence de conflit d’intérêts en l’instance, rappelant que monsieur Longpré n’a fait que les dessins préliminaires et que ceux-ci n’ont pas été utilisés dans le cadre de la construction de la Résidence.
[283] Il ignore en quoi les habitudes de vie de la Bénéficiaire ont un impact sur la problématique d’étanchéité du Bâtiment, ajoutant que la Bénéficiaire n’est pas la seule personne au Québec à faire de six (6) à dix (10) brassées de lavage par semaine. Par ailleurs, les problèmes dont il est question ici tirent leur source de l’extérieur du Bâtiment et non de l’intérieur. Ce n’est pas un problème de condensation comme l’a soutenu Me Cloutier. Si tel était le cas, des problèmes se seraient manifestés à l’intérieur du Bâtiment, ce qui n’est pas le cas.
[284] Quant à la chose jugée, il ne s’agit pas des mêmes faits ni des mêmes problèmes. D’ailleurs, le Tribunal ne peut ignorer qu’il existe plusieurs dossiers où il est question de problèmes qui se sont aggravés au fil du temps et il n’y a pas chose jugée pour autant.
[285] Sur l’argument de l’équité et plus précisément, en lien avec le mandat limité confié à l’Entrepreneur et le fait qu’il s’agit, en réalité, d’un projet d’autoconstruction, il indique que l’équité s’applique aux trois (3) parties et qu’il ne serait pas équitable de ne pas rembourser la Bénéficiaire qui est aux prises avec un véritable problème.
[286] Quant au remboursement des frais d’expertise réclamés par l’Entrepreneur, il soutient qu’il a toujours été de sa compréhension que les frais remboursables sont ceux engagés dans le cadre de la demande d’arbitrage. En l’instance, les frais ont tous été engagés avant cette demande. Selon lui, la date la plus hâtive à laquelle une expertise doit avoir été faite pour être sujette à remboursement est la date de la décision contestée. Il soumet deux (2) décisions arbitrales[14] desquelles le Tribunal peut s’inspirer pour trancher cette question.
[287] Concernant les frais de l’arbitrage, il indique que les décisions soumises par Me Cloutier sont des cas où ce sont les Bénéficiaires qui sont les demandeurs et que l’équité entre en jeu uniquement lorsqu’il y a une lacune dans le texte ou que le texte n’est pas clair. En l’instance, l’article 123 du Règlement est clair et il demande le partage des frais d’arbitrage en parts égales.
Réplique - Bénéficiaire
[288] En réplique, Me Cloutier insiste sur le fait que l’Administrateur avait cinq (5) rapports d’expert à analyser et que ceux-ci ne sont pas très volumineux. Elle reproche à madame Delage d’avoir pris plus de six (6) mois pour rendre sa décision.
[289] Plus particulièrement, elle reproche à madame Delage d’avoir considéré l’expertise de monsieur Gravel comme étant celle qui se rapproche le plus de la réalité. Pourtant, cette expertise fait suite à un mandat d’expertiser les infiltrations d’eau et ne traite aucunement du revêtement extérieur ni de l’enveloppe du bâtiment.
[290] De plus, ce rapport indique qu’il y a urgence à agir. Les travaux réalisés en 2018 sortent clairement du cadre de l’urgence évoquée dans ce rapport qui est en la possession de la Bénéficiaire dès le 30 août 2016.
[291] Quant au rapport de monsieur Ducharme, il traite des fourrures et de l’étanchéité et il survient en 4e année de garantie. Or, madame Delage traite cette question comme si c’en était une de garantie contre les vices cachés alors que c’est plutôt la garantie contre les vices majeurs qui doit s’appliquer.
[292] Quant à l’affirmation de ses collègues voulant que l’Entrepreneur refuse de retourner exécuter des travaux, elle soutient que c’est là une interprétation qui déborde largement les propos tenus dans les différentes correspondances auxquelles ils réfèrent.
[293] Procédant à recadrer le débat, elle indique que la réponse de l’Entrepreneur transmise par elle le 6 avril 2018, suivant la réception de la mise en demeure datée du 23 mars précédent, ne fait état d’aucun refus d’exécuter des travaux. Cette lettre indique ni plus ni moins que l’Entrepreneur a déjà fait ses expertises et qu’il n’entend pas procéder à une nouvelle inspection. Ce n’est pas là ce qu’on appelle un refus de faire les travaux.
[294] Quant à la mise en demeure du 3 mai 2017, elle fait état de problèmes dont on ignore la nature. Quoi qu’il en soit, l’Entrepreneur a remis cette mise en demeure à son assureur, qui a par la suite mandaté Technorm.
[295] Qui plus est, comment peut-on reprocher à l’Entrepreneur qui se fait dire par deux (2) ingénieurs que le Bâtiment est affecté de deux (2) problèmes : un (1) localisé et l’autre est un problème de condensation, de ne pas avoir donné suite à l’exigence de la Bénéficiaire de lui verser la somme de 205 950,58 $ dans ce contexte?
[296] Vu le recours devant l’Administrateur, l’Entrepreneur est demeuré dans l’attente d’une décision de l’Administrateur avant de faire quelques travaux que ce soit. Comment assimiler cela à un refus d’exécuter des travaux correctifs?
[297] Dans le présent dossier, contrairement à d’autres, l’Entrepreneur a toujours répondu à la Bénéficiaire et il ne cherche pas à se soustraire à ses obligations.
[298] Il a été dit en cours d’enquête qu’il était urgent de faire faire les travaux par Battisti avant la venue de l’hiver. Or, elle rappelle que les travaux ont débuté en mai-juin. On était alors bien loin de l’hiver et rien n’exigeait que les travaux finaux soient faits. La Bénéficiaire n’a pas demandé à l’entrepreneur Battisti de corriger les problèmes. Elle lui a demandé de reconstruire, comme avant.
[299] Madame Delage n’a vu que des photos. Étrangement, il a été dit qu’il y avait un problème avec le revêtement extérieur. Or, aucune photo du revêtement n’est soumise. En revanche, monsieur Fortier a affirmé avoir vu un morceau du revêtement dans le conteneur à déchets, l’avoir examiné et avoir constaté qu’il était en bon état.
[300] Finalement, au moment où le recours a été institué en Cour supérieure, il n’était pas question que la Bénéficiaire fasse les travaux. Les parties s’enlignaient pour attendre une décision. Il est vrai que le Bâtiment était dégarni, mais jamais il n’a été avancé que les travaux se feraient dans l’intervalle, jamais.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[301] Dans la présente affaire, l’enquête a duré trois (3) jours et les représentations se sont déroulées sur une (1) journée. Au terme des quatre (4) journées d’audition, il subsiste et subsistera, même après le prononcé de la présente sentence, un litige pendant entre les parties en Cour supérieure.
[302] Le contexte particulier dans lequel la décision de l’Administrateur a été rendue a incité le Tribunal à faire ici un résumé plutôt exhaustif de la preuve soumise alors que plusieurs pans auraient facilement pu être passés sous silence, vu les conclusions auxquelles j’en arrive.
[303] Néanmoins, sachant l’importance que revêt pour une partie, de savoir qu’elle a été véritablement entendue et le besoin de comprendre les motifs qui sou tendent la décision, il m’est apparu important de faire cet exercice, sachant que c’est là une bien piètre consolation, d’autant plus que la présente décision ne règle pas tous les points en litige entre l’Entrepreneur et la Bénéficiaire.
A. Y a-t-il chose jugée?
[304] La décision de l’Administrateur datée du 1er septembre 2015 traite des points suivants :
Point 1. Déformation du plancher du salon et du passage
Point 2 : Absence de calfeutrant à certaines fenêtres
Point 3 : Thermos des fenêtres bombés
Point 4 : Seuils de fenêtres pas de niveau
Point 5 : affaissement du plancher près de l’escalier
[305] La Bénéficiaire avait dénoncé, à l’époque, ce qui suit :
(…) Par ailleurs, certaines anomalies restent toujours à être corrigées.
En voici une liste: dans la chambre principale, le seuil d’une des fenêtres semble, après inspection, ne pas être à niveau, non correctement soutenue au sol. La cale ne semble pas être à la bonne hauteur, non installée d'aplomb. Est-ce la raison pourquoi l’eau s’infiltre?
Toujours les mêmes fenêtres mentionnées ci-haut; un manque de calfeutrage, coin extérieur. L’eau s’y infiltre.
Les fenêtres du salon ainsi que les thermos sont bombés. La fenêtre fait une courbe de +ou- 1pouce au centre. Les moulures de bois aux fenêtres sont courbées, tordues, déclouées. Je constate le même problème pour plusieurs autres fenêtres ainsi qu'une infiltration d'eau.
Là où les poutres du plancher sont installées, ont constate une déformation du plancher. Il semble y avoir un problème de concept au niveau de l’assemblage et des solives.
Là ou l'escalier a été installé, le plancher, qui le soutien, s'est enfoncé.
(…) (sic)
[306] L’inspecteur-conciliateur du moment est Robert Roberge. Ce dernier a rejeté la réclamation de la Bénéficiaire au motif qu’il s’agit d’un ajout par la Bénéficiaire (point 1), de défauts dans les matériaux fournis par la Bénéficiaire (points 2 à 4) et qu’il y a abandon de la réclamation au point 5, la Bénéficiaire reconnaissant que cet élément ne faisait pas partie du contrat de l’Entrepreneur.
[307] Le 23 janvier 2016, la Bénéficiaire dénonce qui suit :
Une nouvelle fois, je vous écris pour vous faire part qu’aux ouvertures de la maison, je constate des filtrations d’air, des murs trempés, du bois à l’intérieur des murs trempé et moisi, des fenêtres endommagées et des planchers trempés.
[308] Le 16 mai 2018, la Bénéficiaire transmet ceci à l’Entrepreneur, et copie est transmise à l’Administrateur le lendemain :
M. Desrochers,
Suite à la décision de l’expert, M. Robert Roberge, reçu le 1e septembre 2015, j’ai dû entreprendre des démarches additionnelles pour compléter le dossier.
J’ai eu recours aux services d’un technologue professionnel afin d’identifier d’autres vices de construction pouvant affecter la qualité de l’immeuble outre celles concernant l’isolation (Thermospec) et les défauts concernant l’installation des fenêtres (Gravel), documents ci-joints.
Conséquemment, je vous transmets l’expertise de M. Normand Duchesne, technologue professionnel, effectuée le 4 décembre 2017. Cette expertise s’ajoute à celles déjà effectuées par M. Gravel et Thermospec aux fins de contre-expertise.
Sans vouloir reprendre tous les commentaires de l’expert N. Duchesne, il constate une installation déficiente des fenêtres tout comme l’avait déjà remarqué l’architecte Gravel.
De plus, d’autres déficiences et vices de construction ont été détectés par M. Duchesne :
"Notre inspection des lieux et notre étude des conditions existantes nous a permis d’observer plusieurs désordres propices à des infiltrations d’eau derrière le parement de l’immeuble. En outre, la conception et la mise en oeuvre des composantes de l’enveloppe favorisent le maintien de zones humides dans les cavités intra-murales pouvant ainsi contribuer à la prolifération de moisissures et la détérioration prématurée de l’ouvrage. "
"Toutefois, outre l’installation déficiente des fenêtres, nous maintenons que la pose du parement n’a pas été effectuée selon les règles de l’art et les recommandations usuelles reconnues par l’industrie. "
En résumé, les infiltrations sont causées notamment par les déficiences suivantes :
• le fond de clouage n’est pas installé de façon conforme,
• installation non conforme des fenêtres,
• installation non conforme du parement extérieur,
• isolation et calfeutrage des ouvertures déficients,
• solinage et tôlerie défectueuse.
En conséquence, vous pourrez lire le rapport en entier avant de vous présenter chez moi dans le but de constater les vices de construction et les déficiences mentionnées audit rapport. Le rapport en entier de M. Duchesne vous sera tranmis par courriel et si toutefois ii vous faut les documents complets de M. Gravel et Thermospec, je me ferai un plaisir de vous les faire parvenir.
Dans l’attente d’une réponse dans les 10 jours suite a la réception de cette lettre.
Bien à vous.
(sic)
[309] Pour qu’il y ait chose jugée, la triple identité est nécessaire, soit l’identité de parties, de cause et d’objet :
Il est reconnu de longue date que le moyen préliminaire de litispendance est régi par les mêmes principes que ceux qui s'appliquent à celui de la chose jugée: Cloutier v. Traders Finance Corp., [1958] B.R. 274n; Cargill Grain Co., précité. (…)
Les trois conditions requises pour qu'il y ait litispendance au sens de l'al. 1 de l'art. 165 du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25, correspondent aux exigences de l'art. 1241 C.c.B.-C. qui traite de l'autorité de la chose jugée: il faut qu'il y ait identité de parties, d'objet (ou de chose) et de cause (voir l'arrêt de notre Cour dans l'affaire Cargill Grain Co., précité).
(…) Voyons d'abord ce que les auteurs nous disent sur la notion d'objet.
Nadeau et Ducharme, dans le Traité de Droit civil du Québec, t. 9, 1965, aux pp. 478 et 479, définissent comme suit l'"objet" d'une action en justice:
L'objet, dans une action, c'est le droit que le plaideur exerce; c'est le bénéfice juridique immédiat qu'il veut faire reconnaître par le tribunal.
...
Il n'est donc pas nécessaire que les deux demandes concluent à des condamnations identiques; il suffit que l'objet de la seconde action soit implicitement compris dans l'objet de la première ... [Les renvois sont omis.]
Dissertant dans son traité Le droit civil canadien, t. 6, 1902, sur les conditions requises pour qu'il y ait chose jugée, Mignault écrit sur l'objet d'une demande le commentaire suivant, à la p. 105:
C'est évidemment le bénéfice juridique immédiat qu'on recherche en la formant, soit le droit dont on poursuit l'exécution ...
. . . mais il importe de compléter la règle en disant qu'il n'est pas nécessaire que les deux demandes concluent identiquement à la même condamnation, mais qu'il y aura chose jugée dès que l'objet de la seconde action se trouve implicitement compris dans l'objet de la première.
(…)
Les définitions de la cause proposées par la doctrine s'inscrivent dans un spectre dont les faisceaux vont de l'ensemble factuel brut d'une part, à la règle de droit abstraite potentiellement applicable d'autre part. Les expressions "fait principal qui constitue le fondement direct" du droit, "fait juridique qui a donné naissance au droit réclamé", "origine ou [...] principe générateur du droit réclamé" ou "source juridique de l'obligation", sont des tentatives visant à capturer par le langage la notion fuyante de cause sur le pont reliant l'ensemble factuel à la règle de droit dans le raisonnement juridique.
D'une part, il est clair qu'un ensemble de faits ne saurait en soi constituer une cause d'action. C'est la qualification juridique qu'on lui donne qui le transforme, le cas échéant, en un fait générateur d'obligations. Le fait détaché du domaine des obligations juridiques n'est pas significatif en soi et ne saurait constituer une cause; il ne devient fait juridique qu'en vertu d'une qualification qu'on lui attribue à la lumière d'une règle de droit. Le même ensemble de faits peut très bien se voir attribuer plusieurs qualifications donnant lieu à des causes parfaitement distinctes. Par exemple, le même geste peut être qualifié de meurtre dans une affaire et de faute civile dans une autre. Daniel Tomasin, dans son ouvrage intitulé Essai sur l'autorité de la chose jugée en matière civile (1975), a fort bien cerné cette réalité. Il écrit, à la p. 201 (…) [15] (nos soulignements; références omises)
[310] En l’instance, l’identité de parties ne fait aucun doute de même que l’identité de la cause. Quant à l’identité de l’objet, le Tribunal est d’avis, après analyse des dénonciations, que cette démonstration n’a pas été faite. Certes, en 2015, il est question de problèmes avec les fenêtres et d’infiltrations d’eau. Par ailleurs, la dénonciation faite en 2016 est beaucoup plus large et dénonce une aggravation de la situation.
[311] Compte tenu de l’esprit du Règlement et notamment du fait qu’il a été adopté pour protéger le consommateur, auquel motif j’ajoute qu’en matière de plan de garantie, il est bien connu qu’une situation aggravée au point de ne plus être la même peut de nouveau être soumise à l’Administrateur pour décision, je suis d’avis qu’il n’y a pas chose jugée.
B. Le cas échéant, les travaux exécutés étaient-ils tous nécessaires, urgents et conservatoires?
[312] Comme l’a soutenu Me Cloutier, l’objectif du Règlement est de faire en sorte que l’Entrepreneur répare ses travaux lorsqu’ils sont affectés de vices ou de malfaçons. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’un remboursement de travaux peut être accordé. À cet égard, le Règlement stipule :
18. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10:
(…)
5° dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai raisonnable qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;
(…)(nos soulignements)
[313] Conséquemment, pour qu’un remboursement puisse être ordonné, il faut que les travaux exécutés soient limités à ce qui était nécessaire, urgent et conservatoire. Ces 3 critères sont cumulatifs.
[314] Qu’en est-il en l’espèce?
[315] La jurisprudence énonce ce qui suit :
[85] En vertu du Règlement, le droit au remboursement de ces factures par l’Entrepreneur ou à défaut, par l’Administrateur comme caution, est régi par l’article 34 al. 5° qui ne prévoit que les réparations conservatoires nécessaires et urgentes :
dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;
[86] Il s’agit d’une mesure qui doit être analysée au mérite de chaque cas.
[87] Les dépenses remboursables sont « le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes », qui sont les seules mentionnées dans le Règlement.
(…)
[90] De façon générale, dans l’affaire Vincenzo Pampena et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ et Habitations André Taillon[12], notre collègue Me Karine Poulain rappelle que l’arbitre peut déterminer que le bénéficiaire avait droit aux travaux correctifs, mais s’il a déjà effectué les réparations lui-même à ses frais, il n’a droit qu’au remboursement des coûts pour les réparations conservatoires, nécessaires et urgentes :
[83] Quant au dernier point, le Tribunal doit décider si les Bénéficiaires ont droit au remboursement de la dépense encourue pour le déplacement de la gouttière vers l’arrière. Pour donner suite à la demande des Bénéficiaires, le Tribunal doit décider si la dépense encourue a été faite dans un but conservatoire, nécessaire et urgent. Si la dépense encourue ne répond à ce critère, bien que les Bénéficiaires puissent par ailleurs avoir droit au correctif demandé, en vertu du plan de garantie, […] le Tribunal ne pourra faire droit à la demande.
[78] Dans l’affaire Francine Bélanger et Daniel Pelletier et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. et Réseau Viva International[13], notre collègue Me Johanne Despatis écrit :
[28] En effet, la seule disposition au Règlement traitant du remboursement de dépenses effectuées par un bénéficiaire pour des travaux réalisés par lui après la réception de son bâtiment se retrouve à l’alinéa 34(5) du Règlement. Ce dernier stipule que l’administrateur, et par conséquent l’arbitre, peut ordonner le remboursement à un bénéficiaire du coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes faites par lui.
[29] On peut certes concevoir que les travaux faits par monsieur Pelletier n’étaient pas superflus. Cela dit, la preuve n’a toutefois pas démontré qu’il s’agissait de réparations conservatoires nécessaires et urgentes au sens du Règlement.[16] (sic) (nos soulignements; emphase dans le texte d’origine; références omises)
[316] Dans la présente affaire, la preuve a démontré que les travaux effectués par la Bénéficiaire étaient probablement requis. Cependant, ce que la Bénéficiaire a demandé à l’entrepreneur Battisti c’est de reconstruire comme sur les plans. Elle n’a pas demandé des travaux de réparation, et encore moins des travaux conservatoires. Le remboursement des travaux finaux n’est pas ce que prévoit le Règlement. La mise en place de la solution définitive ne correspond pas aux réparations envisagées par le Règlement à titre de mesure conservatoire[17].
[317] Mais il y a plus. Voici la chronologie des événements pertinents :
a. Première décision de l’Administrateur le 1er septembre 2015 (dossier 307259-1);
b. Nouvelle dénonciation de la Bénéficiaire à l’Administrateur le 23 janvier 2016 et Réclamation auprès de l’Administrateur le 15 février 2016;
c. Refus de la réclamation par l’Administrateur le 27 septembre 2016 (dossier 307259-1);
d. Institution d’un recours en Cour supérieure par la Bénéficiaire le 6 mars 2018;
e. Soumission de Fongix en mars 2018;
f. Estimé d’Entreprise Battisti le 10 mai 2018;
g. Nouvelle dénonciation de la Bénéficiaire à l’Administrateur le 17 mai 2018;
h. Exécution des travaux par Fongix aux mois de juin et juillet 2018;
i. Exécution des travaux par Entreprise Battisti à compter de la mi-juin 2018;
j. Visite d’inspection par l’Administrateur le 16 août 2018;
k. Paiement du 2e versement à Entreprise Battisti au moment où les travaux sont exécutés à 50%, soit le 22 août 2018;
l. Décision de l’Administrateur le 18 février 2019 (dossier 307259-2)
[318] Le Tribunal a pris connaissance de l’ensemble des correspondances échangées entre les parties. Outre les courriels échangés entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur directement, il n’y a au dossier d’arbitrage qu’une seule mise en demeure des procureurs de la Bénéficiaire adressée à l’Entrepreneur en date du 3 mai 2017, ainsi qu’une lettre des procureurs de l’Entrepreneur aux procureurs de la Bénéficiaire en date du 6 avril 2018. Aucune des correspondances analysées ne fait état d’une quelconque urgence à exécuter des travaux, ni de l’intention de la Bénéficiaire à faire exécuter quelques travaux que ce soit avant que ne soit rendue a) la décision de l’Administrateur ou b) la décision de la Cour supérieure.
[319] Par ailleurs, dans sa demande introductive d’instance en Cour supérieure, la Bénéficiaire ne demande aucune ordonnance de sauvegarde qui aurait pu lui permettre d’exécuter certains travaux urgents. De fait, tout ce que la Bénéficiaire demande à la Cour supérieure c’est une diminution du prix de vente. Force m’est de constater que le seul recours impliquant l’exécution de travaux est celui pendant devant l’Administrateur du plan de garantie.
[320] En plus des correspondances mentionnées ci-devant, se trouvent au dossier d’arbitrage les rapports d’expertise suivants :
a. Rapport de RL Gravel inc. daté du 30 août 2016;
b. Rapport de Thermospec daté du 18 mai 2017;
c. Rapport (1er) de Technorm daté du 13 septembre 2017;
d. Rapport d’Expertbâtiment.ca daté du 20 décembre 2017;
e. Rapport (2e) de Technorm daté du 2 mars 2018;
f. Rapport (1er) de Fortier Expert-Conseil daté du 14 septembre 2018;
g. Rapport (2e) de Fortier Expert-Conseil daté du 14 septembre 2018 (autre aspect);
h. Rapport (3e) de Fortier Expert-Conseil daté du 8 juin 2020;
i. Rapport (4e) de Fortier Expert-Conseil daté du 6 octobre 2020;
[321] On se rappellera qu’une dénonciation a été faite le 23 janvier 2016 et une réclamation le 15 février 2016. Au moment où la Bénéficiaire communique de nouveau avec l’Administrateur le 14 septembre 2016, elle a en sa possession le rapport de RL Gravel inc. Ce rapport ne sera transmis à l’Administrateur que le 27 novembre 2018, soit deux (2) ans après que l’Administrateur l’aura eu informée du rejet de sa demande, à moins qu’une expertise ne démontre le contraire. C’est d’ailleurs cette expertise que madame Delage, dans sa décision du 18 février 2019, estime être la plus près de la réalité.
[322] De plus, la Bénéficiaire ne manifeste aucunement son empressement à ce qu’une visite d’inspection ait lieu à la suite de sa réclamation en 2016. Pourtant, elle connaît le processus pour y avoir eu recours par le passé. Également, le rapport du 30 août 2016 indique qu’il y a urgence d’agir pour éviter que l’enveloppe du Bâtiment se détériore davantage.
[323] Au moment de faire exécuter des travaux en 2018, le Bâtiment est dégarni à plusieurs endroits depuis deux (2) ans. Encore une fois, rien n’indique que l’Administrateur ait été informé de la situation. En 2017, au moment de transmettre la mise en demeure à l’Entrepreneur, les procureurs de la Bénéficiaire n’informent pas l’Administrateur de la situation.
[324] Le Tribunal note que l’Administrateur traite la dénonciation du 23 janvier 2016 (et la réclamation qui s’en suit) dans le même dossier que celui ouvert lors de la réclamation en 2015. La preuve est muette quant au sort du 100 $ payé par la Bénéficiaire en 2016, mais quoi qu’il en soit, lors de la dénonciation faite le 17 mai 2018, l’Administrateur ouvre un 2e dossier. À ce moment encore, la Bénéficiaire a en sa possession plusieurs rapports d’expertise. Toutefois, rien dans le dossier n’indique que la Bénéficiaire ait informé l’Administrateur de l’urgence d’agir ni qu’elle s’apprête à faire exécuter des travaux.
[325] Le Tribunal s’explique mal la raison pour laquelle l’Administrateur a considéré que la réclamation de 2016 n’avait pas été traitée, vu la réponse de l’agente administrative Rizzo en date du 27 septembre 2016. Quoi qu’il en soit, en 2018, le dossier semble suivre son cours et incorpore la dénonciation et la réclamation de 2016 comme en faisant partie intégrante.
[326] Lors de l’inspection par madame Delage le 16 août 2018, 50 % des travaux confiés à Entreprise Battisti sont exécutés. La preuve a révélé que le revêtement extérieur n’était pas encore posé. Madame Delage s’est fiée aux affirmations de la Bénéficiaire qui lui dit qu’il n’y a rien à inspecter et qu’elle ne verra rien puisque tous les travaux sont faits. La procureure de l’Entrepreneur en a fait longuement état. Cependant, le Tribunal comprend ici que ce à quoi référait la Bénéficiaire c’est au fait que tous les matériaux endommagés avaient été arrachés et remplacés et donc, que les dommages n’étaient plus « inspectables » (mot forgé). Dès lors, il est difficile de reprocher à madame Delage de ne pas avoir poussé plus loin son inspection.
[327] En revanche, cette dernière avait bel et bien expliqué à la Bénéficiaire qu’à compter du moment où les travaux ont été exécutés, son rôle doit se limiter à analyser si les travaux exécutés étaient nécessaires, urgents et conservatoires. Madame Delage a même affirmé, dans son témoignage, avoir indiqué à la Bénéficiaire qu’elle devait avoir une bonne raison de les avoir exécutés pour que la réclamation soit acceptée.
[328] Dans ces circonstances, le Tribunal ne comprend pas comment l’Administrateur en arrive à rendre la décision qui fait l’objet de la présente contestation.
[329] En aucun temps l’Administrateur ne traite le dossier sous cet aspect. Madame Delage n’a pas avisé la Bénéficiaire de suspendre ses travaux. Elle a même pris près de six (6) mois pour rendre sa décision afin de recevoir tous les documents. C’est dire que madame Delage a attendu de recevoir la facture finale relative à l’ensemble des travaux finaux pour rendre sa décision.
[330] Pire, elle ne pose aucune question à la Bénéficiaire, ni à Entreprise Battisti, afin de déterminer quels étaient les travaux urgents et conservatoires. Informée du mandat limité de l’Entrepreneur, elle ne conteste pas l’étendue de son mandat afin de déterminer quels sont les travaux qui sont sous sa responsabilité et ceux qui sont exclus.
[331] Dans la mesure où l’Administrateur est la caution des obligations légales et contractuelles de l’Entrepreneur, elle a, envers la Bénéficiaire, les mêmes obligations que l’Entrepreneur, à défaut par ce dernier de s’exécuter.
[332] Plus particulièrement, le Code civil du Québec prévoit ce qui suit au chapitre portant sur le cautionnement :
2333. Le cautionnement est le contrat par lequel une personne, la caution, s’oblige envers le créancier, gratuitement ou contre rémunération, à exécuter l’obligation du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas.
2341. Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté à des conditions plus onéreuses.
Le cautionnement qui ne respecte pas cette exigence n’est pas nul pour autant; il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale.
2342. Le cautionnement peut être contracté pour une partie de l’obligation principale seulement et à des conditions moins onéreuses.
2343. Le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
2346. La caution n’est tenue de satisfaire à l’obligation du débiteur qu’à défaut par celui-ci de l’exécuter.
2353. La caution, même qualifiée de solidaire, peut opposer au créancier tous les moyens que pouvait opposer le débiteur principal, sauf ceux qui sont purement personnels à ce dernier ou qui sont exclus par les termes de son engagement. (nos soulignements)
[333] Comment expliquer que l’Administrateur rende une ordonnance de remboursement de cette nature, en dehors du cadre du Règlement, sachant qu’il sera tenu de rembourser cette somme à la Bénéficiaire à défaut par l’Entrepreneur de s’exécuter?
[334] Le Règlement est clair en ce qui concerne le remboursement de travaux. Il ne peut s’agir que de travaux nécessaires, urgents et conservatoires.
[335] En l’instance, il est peut-être vrai qu’en 2018, certains travaux étaient devenus urgents. Or, ils l’étaient déjà en 2016. Dans ce cas, peut-on réellement prétendre qu’il y avait urgence d’agir? Urgence au point de ne pas aviser l’Administrateur et l’Entrepreneur de la situation?
[336] Étonnamment, la Bénéficiaire n’a pas dénoncé le problème de contamination, ce qui aurait peut-être pu constituer des travaux nécessaires, urgents et conservatoires. Cette absence de dénonciation explique néanmoins qu’elle n’en ait pas réclamé le remboursement. Bien que son procureur ait affirmé que ce soit un oubli de l’Administrateur de traiter cet aspect, la Bénéficiaire a, pour sa part, indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait pas réclamé lesdits frais à l’Administrateur.
[337] Dans un cas où un bénéficiaire avait fait exécuter des travaux finaux plutôt que conservatoires, il a été décidé ce qui suit :
[34] Toutefois, le plan de garantie prévoit, en deux circonstances, le remboursement des frais engagés par les bénéficiaires.
[35] En premier lieu, à l'article 9, le décret prévoit le remboursement des frais de relogement, déménagement et entreposage lorsqu'il y a retard dans la livraison du bâtiment; cette disposition ne trouve pas application dans le présent dossier.
[36] En second lieu, l'article 18.6° prévoit des remboursements pour des réparations conservatoires nécessaires et urgentes.
[37] Dans cette affaire, les bénéficiaires n'ont pas appliqué des mesures conservatoires; ils ont plutôt appliqué la solution qu'eux jugeaient comme finale.
[38] La preuve n'a pas démontré qu'il y avait urgence de procéder immédiatement dans le présent dossier.
[39] Les bénéficiaires craignaient qu'en attente de l'application de la décision arbitrale qui serait rendue en décembre 2006 ou janvier 2007, il puisse y avoir infiltration d'eau au printemps 2007.
[40] Or, la preuve a démontré qu'il n'y a jamais eu infiltration d'eau au cours des printemps antérieurs; les infiltrations se sont plutôt produites en été lors de pluies abondantes.
[41] D'autre part, sur le fond, la visite des lieux a clairement démontré que la pente du terrain arrière dirigeait les eaux de surface directement sur le bâtiment; on a pu constater de plus que les eaux de surface du terrain du voisin arrière étaient dirigées vers le terrain des bénéficiaires, augmentant ainsi le débit d'eau en direction de l'immeuble de ces derniers.
[42] Qui plus est, à l'approche du bâtiment, le terrain présente une pente raide et élevée, contribuant ainsi à accroître la vitesse d'écoulement de l'eau vers le système de drainage.
[43] Notons que l'administrateur avait dès septembre 2004 avisé les bénéficiaires de ces conditions anormales du terrain mais qu'aucune correction à cet égard n'a été apportée depuis.[18] (nos soulignements)
[338] En général, et bien que chaque cas soit un cas d’espèce, la règle veut que les travaux finaux ne constituent pas des travaux conservatoires.
[339] L’affaire précitée se distingue néanmoins de la nôtre en ce qu’il y a bel et bien eu, ici, des infiltrations d’eau dans le Bâtiment. Toutefois, il semble que lesdites infiltrations n’aient lieu qu’en hiver. De même, la condensation aux fenêtres ne semble se produire qu’en période froide.
[340] Par ailleurs, dès les premiers tests d’arrosage faits par l’Entrepreneur en 2014, ce dernier a constaté que l’eau s’infiltrait par les thermos mêmes, ce qui démontre un problème de conception ou de fabrication des fenêtres. L’Entrepreneur a alors posé un scellant temporaire (un zip). Ce scellant n’a jamais été retiré, ce qui porte à croire que les travaux correctifs aux fenêtres mêmes n’ont jamais été réalisés par le fournisseur, ce dernier ayant fourni les fenêtres directement à la Bénéficiaire.
[341] De plus, le rapport de RL Gravel inc. faisait état d’une urgence d’agir dès 2016. Or, rien n’a été fait avant 2018.
[342] Puisque les problèmes d’infiltration d’eau et de condensation ne semblent se produire qu’en période froide, y avait-il réellement urgence d’agir à l’été 2018? Je ne le crois pas.
[343] Quoi qu’il en soit, lors de l’audience, l’expert Fortier a admis que certains travaux étaient urgents et le Tribunal ne peut faire fi de cette admission.
[344] La preuve a traité abondamment des causes probables des dommages. Dans le contexte du présent dossier, je n’ai pas à décider de la conformité de l’ensemble des travaux de l’Entrepreneur, vu l’ordonnance recherchée par la Bénéficiaire.
[345] En l’instance, ce qui importe de déterminer, ce sont les travaux fautifs qui nécessitaient une intervention urgente et conservatoire, et qui relèvent de la responsabilité de l’Entrepreneur.
C. Quels sont les travaux nécessaires, urgents et conservatoires qui relèvent de la responsabilité de l’Entrepreneur en vertu du contrat signé le 8 novembre 2011?
[346] À l’audience, l’Administrateur a affirmé que tous les travaux étaient urgents, nécessaires et conservatoires. En réponse à une question du Tribunal, madame Delage a affirmé qu’il aurait fallu mettre un dôme au-dessus de la maison comme solution temporaire.
[347] Malgré cette affirmation, le Tribunal a aussi noté qu’un bâtiment peut demeurer sans revêtement extérieur pour une durée de moins d’une année, selon le témoignage même de madame Delage.
[348] De plus, s’il était possible de procéder à des réparations locales, avec un dégarnissage limité pour les travaux finaux, comme suggérés par monsieur Fortier, cela aurait certainement pu se faire également en mesure d’urgence. Bref, le Tribunal s’explique mal les réticences à fournir des indications sur des mesures conservatoires possibles.
[349] Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut que s’en remettre au témoignage et au rapport de monsieur Fortier qui indique ce qui suit eu égard aux travaux nécessaires, urgents et conservatoires :
Nous considérons que les seuls travaux conservatoires se limitent aux constats effectués, soit :
- La réparation et l’étanchéisation de la jonction des poutres du balcon et du mur extérieur endommagés suite à l’infiltration d’eau;
- La réparation des sections de déclin endommagées par l’eau aux coins supérieurs des ouvertures au 2e étage endommagés par le rejet d’eau des moulures d’égouttements de chaque côté des ouvertures; et
- Le retrait de la membrane d’étanchéité à la base des ouvertures (27 fenêtres et 1 porte) et la mise en place d’une membrane sur l’appui de la fenêtre en retirant l’isolant en place, jusqu’à la limite du vitrage, incluant la réparation des matériaux affectés par l’eau nécessitant le retrait de petites sections de revêtement.
[350] Sur le dernier point, soit le retrait de la membrane à la base des ouvertures, l’expert Fortier est le seul à avoir expliqué la norme A440 et son évolution dans le temps. Monsieur Fortier a enseigné cette norme à l’époque de la construction du Bâtiment en cause et son témoignage est fiable. Il a affirmé que l’Entrepreneur avait été avant-gardiste en suivant ladite norme dès le début. Malheureusement, il s’est avéré que les enseignements ont été modifiés au fil du temps.
[351] Ceci étant, il n’en demeure pas moins que la preuve a démontré que la construction a été faite selon ce qui était enseigné à l’époque. Monsieur Fortier a également affirmé que si la membrane collée aux fenêtres avait été la cause des dommages subis au Bâtiment, un nombre plus important d’ouvertures auraient été affectées. En l’instance, ce sont principalement les ouvertures du 2e étage qui sont endommagées.
[352] De l’avis du Tribunal, il n’y a pas lieu de considérer qu’il s’agit-là d’une malfaçon, ni d’un vice caché ou majeur, vu les enseignements de l’époque.
[353] Quant au coût des travaux nécessaires, urgents et conservatoires, monsieur Fortier indique ce qui suit dans son rapport :
Une estimation du coût des travaux conservatoires qui auraient été effectués par Éric Desrochers Construction Inc. a été réalisée selon les travaux conservatoires qui relèvent de sa responsabilité. Voir la soumission en page suivante.
Infiltration d’eau sous la solive du balcon : |
940,00 $ |
Réparation du déclin abîmé par l’eau : |
80,00 $ |
Remplacement de la membrane sous les fenêtres (27 fenêtres x 105,00$) : |
2 835,00 $ |
SOUS-TOTAL : |
3 855,00 $ |
TPS : |
192,75 $ |
TVQ : |
384,54 $ |
TOTAL : |
4432,29 $ |
[354] Le Tribunal ne doute pas de la bonne foi de l’Entrepreneur qui prépare sa soumission et la remet à son expert. Néanmoins, il est humain d’évaluer à la baisse le coût coûtant des travaux lorsque l’on sait qu’on s’expose à en faire soi-même les frais.
[355] Compte tenu de ce qui précède, et malgré la conclusion selon laquelle le remplacement de la membrane ne peut être considéré comme étant dû à une malfaçon, un vice caché ou un vice majeur; considérant que les travaux nécessaires, urgents et conservatoires auraient vraisemblablement été moindres, n’eût été du délai écoulé depuis la dénonciation en janvier 2016, et surtout depuis septembre 2016; considérant que le coût mentionné ci-dessus représente le coût coûtant de l’Entrepreneur s’il avait exécuté lesdits travaux lui-même; considérant que les travaux ont toutefois été exécutés par un tiers; et considérant que l’expert de l’Entrepreneur a inclus cette réparation dans celles qui étaient urgentes et conservatoires, j’estime juste et équitable d’ordonner à l’Entrepreneur de rembourser à la Bénéficiaire la somme de 4 432,29 $ (taxes incluses) dans la mesure où cette somme aurait dû être déboursée par lui eut-il fait lui-même lesdits travaux.
[356] L’arbitre soussignée est consciente que la présente décision impose un lourd fardeau à la Bénéficiaire. Cependant, celle-ci n’a pas mitigé ses dommages en procédant aux travaux finaux et en n’avisant personne de son intention d’exécuter lesdits travaux avant qu’une décision ne soit rendue. C’est d’ailleurs là, à mon sens, la philosophie derrière la disposition du Règlement qui prévoit qu’un remboursement peut être ordonné uniquement pour des travaux urgents et conservatoires. L’objectif du Règlement est de faire en sorte que les entrepreneurs réparent leurs travaux et d’assurer un parc immobilier sécuritaire. Ce n’est pas une législation à vocation compensatoire. Les ordonnances des arbitres sont habituellement des ordonnances de faire ou ne pas faire et une ordonnance de payer n’en est pas une de cette nature.
[357] Comme indiqué plus haut, un litige subsiste entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur en Cour supérieure. L’issue du présent dossier sera certainement prise en compte par le juge qui décidera de cette autre affaire au mérite.
D. Y a-t-il, en l’instance, conflit d’intérêts ?
[358] Voyons d’abord le droit applicable.
[359] L’article 42 du Règlement édicte ce qui suit :
42. L’autorisation de la Régie est accordée à une personne morale qui satisfait aux conditions suivantes:
9° ses règles de régie interne portant notamment sur le conflit d’intérêts et s’appliquant aux personnes agissant au sein de sa structure organisationnelle sont équivalentes à celles édictées par les articles 1310 et suivants du Code civil. Ces règles prévoient entre autres qu’aucun entrepreneur ne peut avoir accès, en aucun moment, aux renseignements personnels d’ordre financier ou autres contenus au dossier d’un pair ;
[360] Ce paragraphe est désormais abrogé. Le Règlement, tel qu’il se lit en 2020, prévoit désormais ce qui suit :
42.2. Le règlement intérieur adopté par cette personne morale sans but lucratif ainsi que toutes modifications ultérieures doivent être approuvés par la Régie. Le règlement intérieur doit comporter des dispositions sur les conflits d’intérêts équivalentes à celles édictées par les articles 1310 et suivants du Code civil, de même que les règles régissant le mandat et les fonctions des comités de gouvernance et d’éthique et de vérification. Ces règles prévoient entre autres qu’aucun entrepreneur ne peut avoir accès, en aucun moment, aux renseignements personnels d’ordre financier ou autres contenus au dossier d’un pair.
[361] Par ailleurs, les articles suivants du Code civil du Québec, en lien avec les dispositions précitées, sont pertinents :
1310. L’administrateur ne peut exercer ses pouvoirs dans son propre intérêt ni dans celui d’un tiers; il ne peut non plus se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations d’administrateur.
S’il est lui-même bénéficiaire, il doit exercer ses pouvoirs dans l’intérêt commun, en considérant son intérêt au même titre que celui des autres bénéficiaires.
1317. S’il y a plusieurs bénéficiaires de l’administration, simultanément ou successivement, l’administrateur est tenu d’agir avec impartialité à leur égard, compte tenu de leurs droits respectifs.
[362] Autre nouveauté du Règlement par rapport à la version applicable en l’instance, est la disposition suivante :
SECTION II
CONDITIONS À REMPLIR PAR L’ADMINISTRATEUR
Autres conditions
65.1. L’administrateur doit, pour assurer la mise en application du plan approuvé, respecter les politiques d’encadrement suivantes élaborées par la Régie:
1° politique sur l’inspection;
2° politique sur la tarification et la reconnaissance de la qualité de la construction;
3° politique sur l’éthique;
4° politique d’information aux bénéficiaires;
5° politique sur le traitement des réclamations et sur la constitution d’un comité des réclamations;
6° politique d’information sur l’entrepreneur;
7° politique de gestion du compte de réserves;
8° politique de gestion contractuelle entre l’administrateur et un tiers.
Ces politiques sont adoptées par le conseil d’administration de la Régie. Elles sont publiées sur le site Internet de la Régie.
[363] La Politique sur le traitement des réclamations et sur la constitution d’un comité des réclamations prévoit ce qui suit :
1. Contexte
(…)
La présente politique concerne la couverture de la garantie prévue au Règlement et s’adresse à l’administrateur qui a la responsabilité de procéder au traitement des réclamations des bénéficiaires, et ce, conformément aux mécanismes de réclamation prévus au Règlement.
2. Objectifs
La présente politique vise les objectifs suivants :
· encadrer le traitement des réclamations des bénéficiaires de la garantie effectué par l’administrateur;
· uniformiser la ligne de conduite à suivre lors de réclamations des bénéficiaires, et ce, que ce soit pour une analyse, une inspection ou une décision de l’administrateur.
4. Un traitement efficace des réclamations
Les réclamations des bénéficiaires de la garantie sont traitées de façon juste et équitable, en conformité avec la réglementation en vigueur ou avec les règles de l’art, pour corriger un problème à la source dans les cas de malfaçons, et ce, en suggérant les moyens au besoin.
4.2 Un traitement juste et équitable
Les relations entre l’administrateur, les entrepreneurs et les bénéficiaires demeurent en tout temps impartiales, objectives et neutres, sans familiarité ou connivence avec l’une ou l’autre des parties impliquées.
Les décisions sont claires et écrites dans un langage accessible. Les décisions concernant des cas similaires devraient être cohérentes.
[364] Et la Politique sur l’éthique, pour sa part, prévoit ce qui suit :
1. Contexte
(…)
La Politique sur l’éthique vise l’administrateur, de même que son conseil d’administration, ses dirigeants ainsi que tout son personnel.
Le code d’éthique destiné aux membres du conseil d’administration ainsi que les règles sur l’éthique des employés de l’administrateur doivent respecter les principes prévus à la présente politique.
2. Objectifs
La présente politique vise à établir les valeurs, les comportements et les principes fondamentaux qui permettront d’assurer que l’administrateur ait une conduite empreinte d’éthique. Elle vise aussi à guider les actions et les comportements de celui-ci et à orienter sa prise de décision dans l’exercice des fonctions qui lui sont dévolues, et ce, afin de renforcer le lien de confiance du grand public en général et particulièrement des bénéficiaires du Plan en ce qui a trait à son intégrité et son impartialité dans l’administration du Plan.
4. La conduite éthique
L’administrateur adhère pleinement aux valeurs suivantes : l’absence de conflit d’intérêts, la diligence, la confidentialité, l’impartialité, le respect des règles et des personnes et la transparence.
4.1 L’absence de conflit d’intérêts
L’administrateur, un de ses membres ou son personnel doivent éviter de se placer dans une situation de conflit d’intérêts notamment, mais sans limiter la généralité qui précède, une situation de conflit entre les intérêts de l’administrateur, leur intérêt propre et les devoirs et obligations reliés à leurs fonctions.
L’administrateur doit constituer un comité de gouvernance et d’éthique formé de membres ainsi que se doter d’un code d’éthique applicable aux membres. L’administrateur doit déposer à la RBQ, un an après son autorisation, ce code d’éthique.
4.2 La diligence
L’administrateur doit s’assurer que le traitement des demandes des bénéficiaires du Plan soit effectué avec diligence. Par ailleurs, il doit donner au bénéficiaire, qui fait une réclamation en vertu du Règlement, l’information qu’il demande et qui permet le plein exercice de ses droits, conformément à la Politique sur le traitement des réclamations et sur la constitution d’un comité des réclamations.
4.4 L’impartialité
L’administrateur, un de ses membres ou son personnel doivent prendre des décisions de façon à accorder à tous un traitement équitable, en évitant toute préférence ou en évitant d’avantager l’une ou l’autre des parties. Ces décisions doivent être basées sur une connaissance éclairée des faits et du droit applicable.
5.2 L’administrateur
L’administrateur a les obligations suivantes :
· élaborer le code d’éthique applicable aux membres du conseil d’administration ainsi que les règles d’éthique destinées au personnel de l’administrateur;
· former son personnel sur les règles d’éthique;
· traiter les plaintes relatives à un manquement à l’éthique de ses employés et des membres du conseil d’administration.
[365] Madame Delage est technologue professionnelle et membre en règle de l’Ordre des technologues professionnels du Québec. Le Code de déontologie des technologues professionnels[19] auquel elle est assujettie prévoit ceci en matière de conflit d’intérêts :
26. Le technologue professionnel sauvegarde en tout temps son indépendance professionnelle et évite toute situation où il serait en conflit d’intérêts. Il se trouve dans une situation de conflit d’intérêts lorsque, notamment, les intérêts en présence sont tels qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés.
[366] Dans son témoignage, madame Delage a expliqué avoir refusé de s’occuper du dossier de la Bénéficiaire lors de sa réclamation en 2015. Elle a eu raison.
[367] Il est vrai, comme elle en a témoigné, qu’elle n’a aucun intérêt financier dans le présent dossier. Son conjoint n’ayant pas préparé les plans de construction, l’issue du présent dossier n’aura aucun impact sur le plan de sa responsabilité.
[368] Cependant, il appert des dispositions reproduites plus haut que la notion de conflit d’intérêts est beaucoup plus englobante que la seule mesure de l’impact financier. D’ailleurs, l’article 26 du Code de déontologie applicable à madame Delage précise que le technologue « se trouve dans une situation de conflit d’intérêts lorsque, notamment, les intérêts en présence sont tels qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés ».
[369] Bien que la version du Règlement applicable en l’instance soit un peu différente de celle présentement en vigueur, il est intéressant de voir l’évolution de celui-ci. D’une part, le Règlement actuel est venu expliciter davantage des obligations qui, à mon sens, existaient déjà. De fait, l’article 42(9) se voulait général, mais indiquait, malgré tout, la nécessité pour l’Administrateur d’avoir des règles de régie interne visant à prévenir les conflits d’intérêts.
[370] Depuis le 1er janvier 2015, il n’y a plus qu’un (1) seul administrateur du plan de garantie. Par ailleurs, l’un des objectifs du législateur lors de la modification du Règlement était d’éliminer les risques de conflit d’intérêts, réels ou apparents, entre l’Administrateur et les entrepreneurs.
[371] Les articles 42.2 et 65.1 (dans la version actuelle), sont complémentaires et doivent être lus ensemble. Ils viennent préciser le cadre dans lequel l’Administrateur administre le plan de garantie. Les politiques auxquelles il réfère prévoient les lignes directrices des règles de régie interne que doit adopter l’Administrateur, notamment en matière de conflit d’intérêts.
[372] Par ailleurs, étant donné que les références aux articles 1310 et suivants du Code civil du Québec ont été maintenues, le législateur n’est pas venu nier ou réduire les obligations de l’Administrateur envers les entrepreneurs. Au contraire, l’Administrateur demeure tenu à une obligation d’impartialité et de traitement équitable de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de l’entrepreneur.
[373] Rappelons ici qu’en vertu du Règlement, la relation est tripartite. Si le bénéficiaire est celui que le législateur est venu protéger en raison du rapport de force inégal entre lui et son entrepreneur, l’on doit se garder d’oublier que le rapport de force entre l’Administrateur et les entrepreneurs est également inégal. L’Administrateur est la caution des obligations des entrepreneurs qu’il accrédite et c’est lui qui possède le pouvoir d’octroyer, de refuser ou de refuser de renouveler une accréditation à un entrepreneur[20]. L’Administrateur n’est pas libre de prendre des décisions comme bon lui chante.
[374] Les décisions de l’Administrateur doivent prendre appui sur le Règlement, et uniquement sur celui-ci. Une décision de l’Administrateur qui n’est pas conforme au Règlement peut, en outre, placer l’entrepreneur dans une position précaire, notamment en ordonnant de rembourser des sommes importantes comme en l’instance, d’autant plus que l’Administrateur peut retirer l’accréditation à un entrepreneur qui ne se conforme pas à l’une de ses décisions[21].
[375] Les parties ne m’ayant fourni que peu de matériel sur cette notion de conflit d’intérêts, voici comment Catherine Piché[22] traite cette question :
Le conflit d’intérêts a pour caractéristiques d’être à la fois imprécis, ambigu et omniprésent, tout en étant souple et malléable. Il est aussi contingent, d’une telle ampleur qu’il est difficile d’en cerner les contours en raison de la trop grande variété de ses manifestations et de leur relativité historique, géographique et temporelle.
(…)
L’étape de la caractérisation du conflit présuppose toutefois nécessairement celle de la détermination de la nature des intérêts qui pourraient être en conflit. On compte ceux de nature pécuniaire, touchant des enjeux économiques et financiers, mais également ceux de nature non pécuniaire, notamment en matières familiale, religieuse, politique, institutionnelle, ethnique ou sexuelle, lesquels sont plus difficiles à circonscrire.
Enfin, le conflit d’intérêts pourra être réel, potentiel ou apparent. Le conflit d’intérêts est réel lorsqu’une personne voit ses intérêts personnels existants entrer en conflit avec ceux dont elle a la charge. Le conflit d’intérêts potentiel tient à la notion de prévisibilité. Il y aura possibilité de conflit dès que la personne se rend compte qu’elle a un ou des intérêts susceptibles d’entrer éventuellement, et de manière raisonnablement prévisible, en conflit avec ceux dont elle a la charge. Quant au conflit d’intérêts apparent, il survient lorsqu’il y a de la part d’une personne bien informée, une crainte raisonnable de conflit entre le(s) intérêt(s) de l’agent et celui(ceux) qu’elle représente (sans égard au fait que cela soit le cas ou non en réalité). Il laisse craindre, par une personne honnête, que le jugement ou l’objectivité impartiale et professionnelle du fiduciaire ou de l’agent puisse être compromis. Ainsi, l’apparence d’un conflit d’intérêts aux yeux du public « raisonnable » constitue la caractéristique qui différencie le conflit d’intérêts apparent des autres types de conflits.
Ce type de conflit « apparent » revêt une importance capitale. En effet, le lien de confiance d’une personne ou de la société envers un mandataire, agent ou fiduciaire requiert non seulement que les actions soient prises loyalement et de bonne foi, ou encore avec impartialité pour les juges et les arbitres, mais qu’elles présentent une apparence de loyauté, de bonne foi, et d’impartialité, le cas échéant. Un simple doute pourra engendrer un climat de cynisme et ultimement, une perte de confiance des citoyens envers leurs institutions, l’intégrité de la justice, et envers ceux qui ont un devoir à leur endroit. (références omises)
[376] Le Tribunal comprend que la notion de conflit d’intérêts réfère aux prédispositions, volontaires ou non, conscientes ou inconscientes, de la personne en position d’autorité, à favoriser une partie, que celles-ci reposent sur des éléments tangibles ou non.
[377] En l’instance, l’Entrepreneur a manifesté, dès le début du dossier et non à la suite de la décision rendue, son inconfort à ce que madame Delage soit responsable de ce dossier pour les motifs exposés plus haut. Cette dernière ayant déjà refusé le dossier par le passé aurait dû en faire de même. Aucune preuve n’est venue démontrer qu’il n’y avait aucun autre conciliateur de disponible pour traiter cette réclamation. Par ailleurs, elle a admis ne pas avoir consulté les règles de régie interne concernant les conflits d’intérêts qui étaient alors en vigueur et elle ignore si son supérieur l’a fait.
[378] De l’avis du Tribunal, il y a, en l’instance, au moins une apparence de conflit d’intérêts, sinon un réel conflit d’intérêts pour les motifs qui suivent.
[379] Il s’agit d’une petite municipalité où habitent la Bénéficiaire et madame Delage. La Bénéficiaire a été la cliente de son conjoint. Ce dernier a été voir le chantier à quelques reprises, de son propre chef. La Bénéficiaire a rencontré monsieur Longpré à au moins une (1) reprise en 2016. Sans aucun doute, madame Delage et la Bénéficiaire se sont déjà rencontrées et le nombre de contacts qu’elles ont eu est indéterminé. De plus, madame Delage a affirmé avoir discuté avec la Bénéficiaire après sa visite d’inspection, mais ne se souvient plus quand ni à quel sujet.
[380] La décision n’est pas conforme au Règlement en ce qu’elle ne limite pas le remboursement aux travaux nécessaires, urgents et conservatoires. Madame Delage résiste à indiquer quels auraient pu être les travaux urgents normalement couverts par le Règlement.
[381] Elle prend six (6) mois pour rendre sa décision alors qu’elle avait indiqué qu’elle serait rendue dans un délai de quelques semaines. Vu la nature exceptionnelle d’une ordonnance de remboursement, le Tribunal estime que madame Delage n’avait pas besoin de tous les plans, de toutes les photos et de toutes les expertises pour déterminer les travaux nécessaires, urgents et conservatoires. Ce qu’elle devait déterminer c’était les travaux qui devaient impérativement être exécutés, sans délai, sans quoi le Bâtiment aurait été en péril ou gravement détériorés à très brève échéance.
[382] Elle a indiqué que sans la reconstruction, c’était clair qu’il y aurait éventuellement perte du Bâtiment. Or, ce n’est pas là ce que prévoit le Règlement en matière de remboursement des travaux urgents. Il faut qu’il y ait une perte imminente et les travaux doivent être limités à ce qui est nécessaire dans l’immédiat. Quand le plafond coule, on met une chaudière, on coupe l’entrée d’eau et on ramasse les dégâts.
[383] En revanche, elle aurait dû obtenir des détails pour déterminer les coûts des travaux strictement urgents et conservatoires à être remboursés par l’Entrepreneur, ce qu’elle n’a pas fait.
[384] Madame Delage a évalué le coût des travaux de reconstruction à plus de 100 000 $ si l’Administrateur les prenait en charge pour justifier le fait qu’elle n’a pas demandé de pièces justificatives au soutien de la facture d’Entreprise Battisti. Or, dans le contexte de ce dossier, cette information n’est pas pertinente. Le Règlement a pour objectif, je le rappelle, de faire en sorte que les entrepreneurs réparent leurs travaux. Ce n’est pas un règlement visant à indemniser une partie, sauf exception.
[385] Elle aurait également dû obtenir les détails pertinents quant au mandat limité de l’Entrepreneur afin d’identifier les travaux urgents et conservatoires qui relèvent de sa responsabilité. Elle a omis de le faire.
[386] Elle n’a pas non plus obtenu le rapport de qualité de l’air qui établissait présumément la contamination à l’origine de la décision de tout arracher.
[387] Sa réponse voulant que tous les travaux exécutés fussent tous requis et que tout le monde eût été dûment informé de la situation ne peut servir d’assise au raisonnement ayant mené à la décision contestée devant moi. Pas plus que l’argument voulant que « monsieur et madame tout l’monde ne savent pas quoi faire ». Cet argument est autrement valable dans tous les dossiers. De plus, la Bénéficiaire avait déjà mandaté Me Hamon depuis 2017. Elle était représentée par avocat.
[388] Madame Delage n’a pas remis en question le délai écoulé entre 2016 (dénonciation en janvier, suivi et réponse par courriel en septembre, et rapport de monsieur Gravel en août) et mai 2018, moment de la réception par l’Administrateur de la nouvelle dénonciation. Pourquoi? À mon sens, la réponse du 27 septembre répondait à la dénonciation de janvier et la Bénéficiaire a fait défaut de transmettre le rapport qu’elle possédait déjà, et qui est d’ailleurs celui retenu par madame Delage comme étant décisif. Madame Delage aurait dû en tenir compte.
[389] En près de dix (10) ans de plan de garantie, la soussignée n’a jamais vu une décision comme celle-ci et, de l’aveu même du procureur de l’Administrateur, il s’agit ici d’une première. Le Tribunal est d’avis que la décision rendue est empreinte du conflit d’intérêts bien réel.
E. Le cas échéant, l’Entrepreneur est-il justifié de demander au Tribunal de déroger au partage des frais d’arbitrage énoncé au Règlement en vertu de son pouvoir de décider en équité?
[390] L’Entrepreneur a soutenu qu’en raison des circonstances particulières entourant le présent dossier, il ne devrait pas être tenu de payer la moitié des frais d’arbitrage et réclame que ceux-ci soient à l’entière charge de l’Administrateur.
[391] Au soutien de la conclusion recherchée, la procureure de l’Entrepreneur a soumis un certain nombre d’autorités, admettant toutefois qu’aucune n’est un copié/collé du présent dossier.
[392] L’Administrateur, quant à lui, a souligné que les autorités soumises par Me Cloutier sont des cas où ce sont les Bénéficiaires qui sont les demandeurs. Selon lui, l’équité entre en jeu uniquement lorsqu’il y a une lacune dans le texte ou que le texte n’est pas clair. En l’instance, l’article 123 du Règlement est clair et il demande le partage des frais en parts égales.
[393] Le Tribunal a offert à Me Baillargeon l’opportunité de se prévaloir d’un délai pour soumettre des décisions pour faire contrepoids à celles soumises par Me Cloutier, mais il ne s’en est pas prévalu.
[394] Dans l’affaire Bergeron[23], l’Administrateur avait rendu une décision favorable aux bénéficiaires et octroyé un délai à l’entrepreneur pour exécuter des travaux correctifs, en conformité avec les indications de l’ingénieur Hosseini. À la suite de cette décision, des travaux partiels sont exécutés et le délai d’exécution octroyé à l’entrepreneur a été prorogé à quelques reprises par l’inspecteur-conciliateur au dossier.
[395] Au fil du temps, les bénéficiaires perdent confiance dans le processus et mandatent un avocat pour les représenter. Sur recommandation de leur procureur, ils refusent l’accès à leur domicile tant qu’un devis descriptif des travaux à exécuter ainsi qu’un échéancier n’aura pas été soumis à leur avocat. Ils mandatent également leur propre expert à qui ils demandent de vérifier les devis de travaux projetés.
[396] Le 20 décembre, soit plus d’une (1) année après que la décision de l’Administrateur a été rendue, les bénéficiaires déposent une demande auprès du GAMM portant sur le choix des travaux correctifs. Me Morissette doit donc décider de l’admissibilité de la réclamation faite hors délai. Il analyse l’affaire La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis[24] où la Cour s’exprime ainsi :
[…]
[45] L’article 116 du règlement précise que l’arbitre doit décider selon les règles de droit et mentionne qu’il peut faire appel aux règles de l’équité si les circonstances le justifient.
[46] C’est le cas, notamment, lorsque l’application littérale des dispositions du règlement ne permettent pas de remédier à une situation donnée ou lorsque les circonstances font en sorte que l’interprétation stricte du règlement est susceptible d’entraîner un déni de justice parce qu’elle ne permet pas d’en appliquer l’esprit et d’assurer la protection des droits des parties.
[…]
[66] La possibilité pour l’arbitre de faire appel aux règles de l’équité constitue en outre une marque de reconnaissance par le législateur qu’il a une certaine marge de manoeuvre pour disposer au mieux des différends qui surviennent entre les bénéficiaires de la garantie et l’administrateur du plan lorsque l’application stricte des dispositions du plan ne permettent pas de remédier à une injustice.
[…]
[75] Il est acquis au débat que l’arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu’il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l’équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu’il peut suppléer au silence du règlement ou l’interpréter de manière favorable à une partie.
[76] L’équité est un concept qui fait référence aux notions d’égalité, de justice et d’impartialité qui sont les fondements de la justice naturelle. Dans certains cas, l’application littérale des règles de droit peut entraîner une injustice. Le recours à l’équité permet, dans certains cas, de remédier à cette situation. (nos soulignements)
[397] Et il conclut ainsi :
[37] À la lecture de ces décisions, j’en conclus que la possibilité de faire appel à l’équité en vertu du Règlement doit être empreinte des principes de l’adoption et de l’esprit de ce texte de loi. Ce remède donné à l’arbitre est une manifestation d’une permission du législateur à examiner et contrôler la conduite des actes de l’Administrateur qui donnerait l’apparence de protéger une partie au détriment de l’autre;
[38] Lorsque monsieur Richard Berthiaume, signataire de la décision, constate à l’examen de la vidéo montrant les travaux effectués par l’Entrepreneur que cela n’est pas satisfaisant, ce sont les dispositions du sixième (6ième) paragraphe de l’article 18 qui devraient s’appliquer. L’Administrateur aurait dû alors prendre ses responsabilités et faire les travaux décrits au rapport Hosseini.
[39] Pourtant, son intervention permet alors de proroger le délai des travaux correctifs. Il donne ainsi une préférence à l’Entrepreneur pour reprendre des travaux qu’il a mal faits et à l’Administrateur de ne pas les exécuter alors que le règlement est à cet effet; (nos soulignements)
[398] Dans l’affaire Rioux[25], l’arbitre condamne les bénéficiaires au remboursement de la totalité des frais d’arbitrage à l’Administrateur, vu leur négligence. Dans l’affaire Corporation immobilière domicil[26], la soussignée a également condamner le bénéficiaire au remboursement de la totalité des frais d’arbitrage en lien avec sa demande en raison de l’usage abusif de la procédure d’arbitrage.
[399] Sur l’opportunité de recourir à l’équité, mon collègue Yves Fournier s’exprime ainsi :
[118] La jurisprudence sous l’article 116 du Règlement accorde l’application littérale de cette disposition, laquelle permet de remédier à une situation donnée qui entraîne un déni de justice. De là, la nécessité de recourir à l’équité. Cette induction fut retenue notamment par Me Michel A. Jeannot(sic) et Me Jeffrey Edwards.
[119] L’ancien juge en chef de notre plus haut tribunal, le juge Lamer, écrivait dans l’arrêt S. Schachter c. Canada (13), à la page 683 :
Lorsque l’on détermine s’il faut donner une interprétation large à un texte législatif, la question n’est pas de savoir si les tribunaux peuvent prendre des décisions qui entrainent des répercussions de nature financière, mais bien jusqu’à quel point il est de circonstance de le faire.
[120] L’équité introduit l’idée de proportion, d’équilibre entre la finalité d’une loi et les conséquences de l’acte pour la personne qu’il touche. On peut parler d’égalité de traitement. L’équité peut interpréter le droit à la lumière de la finalité d’une loi au lieu d’annihiler un droit pour une condition technique ou de forme.
[121] Je suis d’avis que le décideur qui joue un rôle d’interprète du droit ne peut créer des normes. Les interventions en équité doivent s’appuyer sur des balises qu’on pourrait regrouper ainsi. D’abord, il faut respecter l’intention du législateur, puis évaluer la gravité du préjudice et finalement déterminer s’il est opportun de déroger.
[122] Je le rappelle, le Règlement fut adopté pour protéger les consommateurs acheteurs de maisons neuves et le Tribunal reconnaît qu’il doit être interprété en sa faveur.
[123] Il m’apparaît que de ne pas reconnaître l’esprit du Règlement, le bon sens ou l’équité serait à toute fin pratique fermer les yeux sur le refus de livrer la bonne information de la part de l’administrateur en différentes occasions, du comportement plus que questionnable de l’entrepreneur, du défaut de remettre une copie du contrat aux bénéficiaires, de ne pas considérer le contrat de garantie comme un contrat de consommation et j’en passe. Ces faits ne peuvent être ignorés et ouvrent la porte au Tribunal à pouvoir considérer et retenir l’équité. Je me dois dans les circonstances d’accueillir sous cet angle l’appel des bénéficiaires. (nos soulignements; références omises)
[400] La soussignée fait siens les propos rapportés ci-devant.
[401] Enfin, les extraits suivants de la décision Caron c. Construction Drummond inc.[27] sont pertinents à la présente affaire :
[14] Dans les circonstances, force est de constater que l’Entrepreneur par son silence a déserté son recours en arbitrage et qu’il est en conséquence présumé s’en être désisté.
[…]
[17] Dans le cadre de l’application du Règlement, un désistement intentionnel ou présumé est relativement peu fréquent et peut être considéré plutôt exceptionnel.
[18] Or, cette situation exceptionnelle, dans le cas d’un Entrepreneur demandeur de l’arbitrage, cause un préjudice à l’Administrateur qui est tenu de payer la moitié des frais de l’arbitrage lorsque l’Entrepreneur est le demandeur3 et ce, sans égard à l’issue du recours.
« 123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
[…]» (Les caractères gras sont nôtres)
[19] Avec égard pour l’opinion contraire, le Tribunal arbitral est d’avis que dans les circonstances de l’espèce, obliger l’Administrateur à payer la moitié des frais du présent arbitrage constitue une injustice à son l’égard. Cette injustice doit être réduite le plus possible.
[20] En conséquence, comme l’a plaidé la procureure de l’Administrateur avec le soutien du procureur des Bénéficiaires, le Tribunal arbitral peut recourir aux règles d’équité tel que le Règlement l’autorise à le faire lorsque les circonstances le justifient.
« 116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[…]» (caractères gras dans le texte)
[21] S’autorisant de cette disposition, c’est ce que le Tribunal arbitral fera relativement aux frais de l’arbitrage.
[22] Tel que mentionné plus avant, les circonstances le justifiant amplement, le Tribunal arbitral considère qu’il serait pertinent de condamner l’Entrepreneur à payer la totalité de tous les frais de l’arbitrage.
[402] Après analyse des faits et de la preuve, Me Morissette condamne l’entrepreneur à la totalité des frais d’arbitrage, contrairement à ce qui est prévu à l’article 123 du Règlement.
[403] Le Tribunal estime que la situation actuelle mérite le même sort. Il serait injuste et inéquitable à l’endroit de l’Entrepreneur d’appliquer à la lettre l’article 123 du Règlement dans les circonstances de la présente affaire. Plus particulièrement, le Tribunal est convaincu que n’eût été du conflit d’intérêt dans lequel s’est trouvé l’Administrateur, que la décision aurait été différente. Par ailleurs, il est vrai que dans un tel cas, c’est peut-être la Bénéficiaire qui aurait porté la décision en arbitrage. Cependant, les frais de l’arbitrage auraient alors été départagés entre la Bénéficiaire et l’Administrateur, selon l’issue du recours.
[404] Par conséquent, la totalité des frais d’arbitrage sera à la charge de l’Administrateur qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la présente situation. Malgré les commentaires formulés plus tôt à l’endroit de madame Delage, le Tribunal tient à souligner que celle-ci a tout de même pris l’initiative d’en discuter avec son supérieur et n’a pas agi de son propre chef. L’Administrateur ne subit ici aucune injustice puisqu’il a été consulté et a permis que la présente situation se produise.
Frais d’expertise
[405] L’article 124 du Règlement prévoit ce qui suit :
124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
Il doit aussi statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.
Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur.
[406] L’Entrepreneur a réclamé le remboursement de la totalité de ses frais d’expertise, soit la somme de 5 686,47 $. À l’appui de sa demande, il soumet les factures 1079, 1080, 1081, 1084 et 1086.
[407] Le débat en l’instance a porté essentiellement sur deux (2) aspects : d’abord, déterminer s’il y avait chose jugée, ensuite, déterminer la nature et l’étendue des travaux nécessaires, urgents et conservatoires qui doivent être remboursées à la Bénéficiaire par l’Entrepreneur. La question de la qualité et de la conformité des travaux de l’Entrepreneur se trouve en périphérie du présent débat, bien que les parties y aient consacré beaucoup de temps et de ressources. Cette question sera vraisemblablement traitée par la Cour supérieure et il m’apparaît conséquent et cohérent de déférer au juge qui entendra ce litige, de décider de la question des frais d’expertise en temps opportun.
[408] Compte tenu de la portée du débat en l’instance, je suis d’avis que seuls les frais en lien avec la détermination des travaux nécessaires, urgents et conservatoires étaient réellement pertinents et utiles en l’instance. J’accorderai donc à l’Entrepreneur un remboursement de ses frais d’expertise à hauteur de 40 heures (12 heures : facture 1084 et 28 heures : facture 1086) au taux de l’expert, soit 75 $/heure, plus les frais de repas, soit un montant de 3 063,18 $.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE partiellement la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
ORDONNE à l’Entrepreneur de payer à la Bénéficiaire la somme de 4 432,29 $, représentant les frais encourus pour l’exécution de travaux nécessaires, urgents et conservatoires, et ce, dans les trente (30) jours suivant la réception de la présente décision et, à défaut par l’Entrepreneur de s’exécuter, ORDONNE à l’Administrateur de payer la somme susmentionnée à la Bénéficiaire dans un délai de quinze (15) jours suivant l’expiration du délai octroyé à l’Entrepreneur pour ce faire;
CONDAMNE l’Administrateur à payer à l’Entrepreneur la somme de 3 063,18 $, représentant les frais d’expertises pertinentes encourus dans le cadre du présent arbitrage, et ce, dans les trente (30) jours suivant la réception de la présente décision;
CONDAMNE l’Administrateur à payer la totalité des frais d’arbitrage.
Montréal, ce 10 décembre 2020
Me Karine Poulin
[1] Toute référence au Règlement dans la présente sentence, sauf indication contraire, réfère à la version antérieure, soit celle applicable au Bâtiment.
[2] E-21, p. 8/13.
[3] Consortium MR Canada Ltée c. Montréal (Office municipal d’habitation de), 2013 QCCA 1211; La Garantie Habitation du Québec inc. c. Lebire, 2002 CanLII 23777 (QC CS).
[4] Côté c. 9047-4131 Québec inc., 2012 QCCQ 7538; Cumberland Recyclers Ltd c. Machineries Rosaire Thériault inc., 2001 CanLII 24468 (QC CQ); Gidal Construction inc. et Lazaris, 2010 CanLII 29562 (QC OAGBRN); SDC 8105 De Londres, Brossard et Habitations Signature Brossard inc., 2017 CanLII 147989 (QC OAGBRN), 20 mai 2017, Me Alcide Fournier; Grenier et 9129-3704 Québec inc., 2017 CanLII 147990 (QC OAGBRN); Pampena et Habitations André Taillon inc. et al., GAMM, no 2013-13-001, 6 avril 2014, Me Karine Poulin.
[5] Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l., srl c. Lixo lnvestments Ltd., 2015 QCCA 513; Gauvin c. Les Entreprises Réjean Goyette inc., CCAC, 27 juillet 2012, Guy Pelletier ; Rénovation Michel Roberge inc. c. SDC du 325 et 327 Ovila-Rhéaume, CCAC, 23 mars 2017, Me Michel A. Jeanniot; Vézina c. Maison Pépin inc., CCAC 12 décembre 2013, Me Michel A. Jeanniot; SDC Place de KLA Falaise 556 c. Memora Construction inc., Soreconi, 1 octobre 2009, Me Michel A. Jeanniot; Constructions J. Gravel inc. et Iolanda Esposito, CCAC, 12 février 2008, Me Jean Philippe Ewart; Somico Construction inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., GAMM, 20 janvier 2005, Me Johanne Despatis.
[6] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes, 2004 CANLII 47872 (QC CA).
[7] Desrochers c. 2533-0838 Québec inc., 2016 QCCA 825; Paquet c. Construction Godin & Leclerc inc., 1998 CanLII 13145 (QC CA); Tremblay c. Kordek, 2010 QCCQ 6575; SDC 7570 Lautrec, Brossard et Les Habitations Signature inc., Soreconi, 10 février 2014, Me Alcide Fournier.
[8] Megantic c. Mignault, 1928 CanLII 502 (SCC); SDC 1884-1890 rue Poupart c. Lagacé et 9183-5702 Québec inc. et al., Soreconi, no 122009001, 23 mai 2013, Me Roland-Yves Gagné.
[9]Lefrançois et Bouchard c. 9125-3575 Québec inc., GAMM, 7 octobre 2010, Me Jean Morissette.
[10] Corporation Immobilière Domicil inc. c. Amégah, GAMM,12 septembre 2014, Me Karine Poulin.
[11] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701; Thibodeau et Gagnon c. Gemco construction inc., CCAC, 24 novembre 2017, Yves Fournier; Caron c. Construction Drummond inc., CCAC, 2 septembre 2015, Me Jean Robert LeBlanc; Sehn c. 9018-6321Québec inc. (Construction renaissance), CCAC, 14 août 2014, Me Jean Robert LeBlanc; Bergeron c. Les entreprises Michel Forest inc., GAMM, 19 juin 2013, Me Jean Morissette; Rioux et Bélanger c. Construction Réno Design (9066-5803 Québec inc.), CCAC, 6 octobre 2008, Me René Blanchet.
[12] Clouâtre c. Factory Mutual Insurance Company, 2011 QCCA 1690; Cyr c. Constructions Scandinaves inc., 2014 QCCQ 3827; Milzi c. Construction André Taillon inc., 2007 QCCQ 5573.
[13] Thibodeau c. Gemco, précitée note 11.
[14] Syndicat des copropriétaires du Domaine du Ruisseau 3100 c. Habitation Ste-Vac 2000 inc., CCAC, 27 février 2018, Alcide Fournier; Auclair et Lachance c. Les constructions Vaubec inc., CCAC, 25 avril 2018, Me Michel Jeanniot.
[15] Rocois Construction inc. c. Québec Ready Mix inc., 1990 CanLII 74 (CSC).
[16] Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3300 à 3334 Bénéficiaire c. Quartier Gareau inc., 2019 CanLII 62609 (QC OAGBRN).
[17] Grenier et Paulin, précitée note 4.
[18] Demers et Vézina c. Construction JPH inc. (en faillite), 2007 CanLII54579 (QC OAGBRN).
[19] Code de déontologie des technologues professionnels, RLRQ, chapitre C-26, r. 258.
[20] Règlement, art. 80, 81 et 93.
[21] Règlement, art. 93.
[22] Catherine Piché, Définir, prévenir et sanctionner le conflit d’intérêts, 2013 CanLIIDocs 532.
[23] Bergeron c. Les entreprises Michel Forest inc., précitée note 11.
[24] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, précitée note 11.
[25] Rioux et Bélanger c. Construction Réno Design (9066-5803 Québec inc.), précitée note 11.
[26] Corporation Immobilière Domicil inc. c. Amégah, précitée note 10.
[27] Caron c. Construction Drummond inc., précitée note 11.