ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT
SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossiers no : GAMM : 2015-16-010
APCHQ : 186588-1
ENTRE :
HABITAT-SOL INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET
MILENA KOROTINA ET VITALIY KOROVYANSKIY
(ci-après appelé les « Bénéficiaires »)
ET
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après appelé l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Karine Poulin
Pour l’Entrepreneur : M. Michel Chevrette
Pour les
Bénéficiaires : M. Vitaliy Korovyanskiy
Mme Milena Korotina
Pour l’Administrateur : Me Julie Parenteau
Dates d’audience : 11 et 12 juillet 2016
Date de la sentence : 1er octobre 2016
SENTENCE ARBITRALE
I
LE RECOURS
[1] L’Entrepreneur conteste en vertu des articles 106 et suivants du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 24 avril 2015 lui ordonnant d’effectuer un certain nombre de travaux. Les passages pertinents de la décision se lisent comme suit :
1. GEL À LA FONDATION
Les faits
Les bénéficiaires dénoncent avoir constaté au cours de la période hivernale 2010-2011, une fissure transversale sur le balcon d’entrée, situation qu’ils ont verbalement dénoncée à l’entrepreneur, lequel leur aurait indiqué que la situation était normale. Il appert toutefois qu’au cours des hivers suivants, la fissure s’est agrandie.
Les bénéficiaires ont également noté que le concassé situé à gauche de la porte de garage s’était affaissé, formant un creux, situation qui fut expliquée par l’entrepreneur comme ayant été causée par l’absence de gouttières.
(…)
Au cours de la période hivernale 2011-2012, ils ont remarqué l’apparition d’une fissure sur le plancher du garage, situation qui fut jugée normale par l’entrepreneur, qui l’a tout de même colmatée à l’aide de ciment au cours de l’été 2012. Ladite fissure s’est toutefois de nouveau ouverte au cours de la période hivernale 2012-2013, tandis que trois nouvelles fissures sont apparues dans les briques à côté de la porte du garage, lesquelles s’agrandissaient lorsque les températures se situaient à plus de moins 20 degrés Celsius, et se refermaient lors du dégel.
Au cours de la même période, une fissure transversale verticale a été remarquée sur le mur de fondation séparant le garage et le sous-sol, pour laquelle l’entrepreneur a refusé d’intervenir. Il fut de plus remarqué que la porte entre la maison et le garage s’était légèrement déplacée, laquelle a repris son emplacement au printemps.
(…)
En prévision de la période hivernale 2012-2013, les bénéficiaires se sont assurés d’éloigner toutes les sources d’eau du patio, en utilisant des rallonges pour les gouttières, intervention qui n’a pas donné les résultats escomptés puisque ledit patio s’est à nouveau soulevé de 1 pied, pour redescendre au cours du printemps.
Au cours du même été, deux marches de béton furent installées sous le balcon d’entrée, lesquelles furent attachées à la fondation du balcon et furent installées sur de l’isolant rigide (styromousse) d’une épaisseur de 4 pouces pour en permettre la flexibilité en période gel/dégel, installation qui fut effectuée par le sous-traitant de l’entrepreneur.
Bien que l’entrepreneur ait lié les problèmes constatés à l’installation des deux marches, il n’en demeure pas moins que la première fissure au balcon fut constatée au cours de l’hiver 2010-2011.
L’entrepreneur, en mai 2013, a excavé une partie de l’entrée du garage. Il fut constaté une grande fissure transversale sur le devant et le côté de la fondation du garage, en passant par le muret, tout comme une roche d’un diamètre approximatif de 2 pieds fut remarquée, laquelle était située près du muret.
L’entrepreneur a mandaté un sous-traitant pour que soient réparées les fissures, à la suite de quoi les lieux furent remis à leur état d’origine.
(…)
Entretemps, les bénéficiaires ont fait compléter le revêtement d’asphalte et de pavé uni, tout comme ils ont procédé à l’installation d’une clôture.
Au cours de la période hivernale 2013-2014, les fissures se sont réouvertes, tout comme il fut constaté l’apparition de deux nouvelles fissures verticales. Le pavé uni s’est détaché de la maison, s’est surélevé et le garage fut inondé.
Depuis, de nouvelles fissures sont apparues dans les briques des poteaux sur le balcon d’entrée et de la maison et le balcon d’entrée n’est plus de niveau avec le sol. L’entrepreneur a donc fait appel au service technique de l’APCHQ pour régler le problème une fois pour toute.
Selon l’expert de l’APCHQ, la source du problème résiderait dans l’installation de la clôture, du pavé uni et de la gouttière, ce que nient les bénéficiaires.
A (sic) la lumière de ce qui fut constaté, l’administrateur est d’avis que les situations constatées depuis 2010-2011 par les bénéficiaires résultent manifestement d’un soulèvement des fondations par le gel. De plus, l’intervention de l’entrepreneur en 2013 fut insuffisante pour résoudre la problématique.
Analyse et décision (point 1) :
(…)
Les périodes hivernales s’échelonnant de 2013 à 2015 ont été particulièrement rigoureuses, ce qui explique fort probablement la raison pour laquelle le problème ne s’est pas manifesté auparavant, excluant l’évènement au balcon de 2010-2011. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’entrepreneur est intervenu pour effectuer des correctifs en mai 2013.
Comme le mentionne l’expert de l’entrepreneur, il est évident qu’un apport d’eau significatif peut, dans certains cas, avoir pour effet d’accentuer les effets du gel dans le sol puis causer éventuellement des dommages au bâtiment. Toutefois, dans le cas qui nous concerne, nous sommes d’avis qu’il n’en est rien, nos deux inspections nous ayant clairement démontré des problèmes reliés au gel.
(…)
L’entrepreneur devra donc résoudre le problème à sa source, à la suite de quoi il devra réparer les dommages causés au bâtiment. Il devra également prendre toute (sic) les dispositions nécessaires afin que cette situation ne se répète dans l’avenir.
(…)
Sans s’y limiter, la dalle de béton du garage, fissure à la fondation au bas de la porte intérieure du garage, fissures au placoplâtre du garage, toiture du garage, porte d’entrée au bâtiment et tous autres dommages (sic) en lien avec le mouvement structural devront être corrigés, à la suite de quoi les lieux devront être remis à leur état d’origine.
II
LES FAITS
[2] Le 23 mai 2010, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur signent un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de maison neuve sur le formulaire prévu à cet effet.
[3] Le 15 octobre 2010, les parties signent le formulaire d’inspection préréception et l’acte de vente est signé le 1er novembre suivant.
[4] Au cours de l’hiver 2010-2011, les Bénéficiaires notent la présence d’une fissure au balcon et dénoncent ce fait à l’Entrepreneur qui intervient et procède au colmatage à l’été 2011.
[5] Au cours de l’hiver suivant, la fissure au balcon réouvre et une fissure apparaît alors à la dalle de béton du garage. La situation est corrigée par l’Entrepreneur l’été suivant par colmatage.
[6] Lorsque la situation réapparaît à l’hiver 2013 et qu’apparaissent d’autres fissures, notamment au mur de façade, l’Entrepreneur mandate un inspecteur technique afin de déterminer la cause des fissures et de proposer une méthode corrective permanente. Suite à la réception de l’opinion technique, il corrige la problématique. Cette intervention est de plus grande envergure et implique notamment d’excaver les fondations.
[7] En avril 2014, les Bénéficiaires dénoncent verbalement à l’Entrepreneur la réapparition des fissures. Suite à une visite d’un représentant de l’Entrepreneur, il est convenu d’attendre à l’été avant d’entreprendre toute démarche.
[8] Devant l’absence de suivi de la part de l’Entrepreneur à l’été 2014, les Bénéficiaires communiquent de nouveau avec lui en juillet 2014. Suivant une visite et un rapport d’un inspecteur mandaté par l’Entrepreneur, ce dernier nie alors toute responsabilité face à cette problématique considérant que la source du problème réside dans l’aménagement fait par les Bénéficiaires.
[9] Insatisfaits de cette réponse, les Bénéficiaires acheminent à l’Administrateur une copie d’un document intitulé « Réaction au rapport de Pierre-Marc Larochelle » daté du 17 juillet 2014. Ce document est reçu au bureau de l’Administrateur le 8 août 2014. Ils déposent ensuite une Demande de réclamation sur le formulaire prescrit le 14 août 2014.
[10] Les 28 janvier et 12 mars 2015, l’Administrateur procède à une inspection des lieux et rend sa décision le 24 avril suivant. C’est de cette décision dont l’Entrepreneur en appel.
III
LA PREUVE
Entrepreneur
[11] Monsieur Michel Chevrette, président de l’Entrepreneur fut le premier à témoigner dans le cadre de la preuve de l’Entrepreneur.
[12] À l’été 2013, il explique avoir reçu un appel de la part des Bénéficiaires en raison de l’apparition d’une fissure à la fondation, au mur de façade. Il s’agit d’une troisième (3e) demande au sujet de fissures par les Bénéficiaires.
[13] Par conséquent, il mandate un professionnel en bâtiment afin de découvrir la cause des fissures. Suivant l’opinion de ce professionnel, l’Entrepreneur a effectué les réparations nécessaires selon la méthode suggérée par ce dernier. Cette intervention a requis notamment d’excaver les fondations à l’avant du bâtiment, section garage et ailette. Selon son témoignage, la fissure aurait été causée par la présence de grosses roches lors du remblaiement.
[14] En juin 2014, il reçoit un appel des Bénéficiaires lui indiquant que le problème est réapparu.
[15] En conséquence, Monsieur Chevrette indique avoir contacté, par l’intermédiaire de l’un de ses employés, un inspecteur du service technique de l’APCHQ afin d’obtenir son assistance.
[16] Selon la compréhension du témoin, le problème identifié par cet inspecteur réside dans l’aménagement fait par les Bénéficiaires et non les travaux de l’Entrepreneur, d’où son refus de corriger les problèmes dénoncés par les Bénéficiaires.
[17] Par la suite, les Bénéficiaires font une demande de réclamation auprès de l’Administrateur à la suite de laquelle deux (2) inspections ont lieu et un rapport est émis.
[18] Monsieur Chevrette s’est dit surpris d’apprendre que selon l’Administrateur, la fissuration est causée par la présence d’un sol gélif et lui ordonne de procéder aux travaux correctifs.
[19] En conséquence, il conteste la décision rendue et il mandate un deuxième inspecteur du service technique de l’APCHQ afin d’évaluer la situation.
[20] Selon la compréhension du témoin, la cause des dommages telle qu’identifiée par cet inspecteur serait le mauvais drainage des eaux et l’ajout de marches.
[21] Toujours selon le témoin, les Bénéficiaires n’ont pas respecté le plan d’implantation qui leur a été remis au moment de la vente et ils n’ont pris aucune précaution pour éviter ce type de problématique.
[22] Quant à l’ajout de marches par les Bénéficiaires aux marches déjà existantes et construites par l’Entrepreneur, les Bénéficiaires n’ont pas consultés l’Entrepreneur sur les possibles répercussions de ces ajouts. Il ajoute d’ailleurs que les fondations des marches d’origine ne sont pas affectées, signe que le travail a été bien fait.
[23] Le témoin affirme qu’il ne peut résoudre un problème qui découle des actes et omissions des Bénéficiaires et qui sont sans lien avec ses travaux. Les fissures qui sont apparues à l’hiver 2013-2014 sont la résultante de l’accumulation d’eau due au manque de drainage, accumulation qui est attribuable au non-respect du plan de drainage et aux modifications apportées par les Bénéficiaires.
[24] En contre-interrogatoire, le témoin confirme avoir reçu une plainte au sujet des fissures à l’hiver 2011-2012. Il indique que c’est à ce moment qu’il a fait l’excavation dont il parlait plus tôt dans son témoignage. Il souligne que ce n’est pas lui personnellement qui est intervenu lors des premiers appels.
[25] Il confirme également avoir reçu, dans la même plainte, la dénonciation d’une fissure au balcon avant, alors même que les marches ajoutées par les Bénéficiaires n’étaient pas encore installées. Il ajoute toutefois qu’il s’agissait alors d’une fissure de retrait.
[26] Il indique au Tribunal que ce n’est pas lui qui a installé les gouttières que l’on voit chez les Bénéficiaires.
[27] Il confirme ne pas avoir fait mesurer les pentes du terrain, bien qu’il affirme que les pentes ne sont pas respectées. Il admet également que le rapport de son expert ne fait pas état d’un problème de pentes mais ajoute que le rapport indique la présence anormale d’une accumulation d’eau.
[28] Le témoin confirme ensuite que le drain français fonctionne.
[29] Interrogé sur les recommandations qu’il a donné aux Bénéficiaires relativement à la présence de sol gélif, il indique n’avoir donné aucune recommandation. Il ajoute qu’il appartient à chaque professionnel d’émettre les recommandations propres à son métier et, conséquemment, qu’il n’a pas à instruire les Bénéficiaires sur des travaux futurs qu’ils feront.
[30] En somme, le témoin indique que tout type de sol gèle en hiver mais qu’en présence d’un sol gélif, il faut d’autant plus s’assurer d’éloigner l’eau.
[31] Par la suite, l’Entrepreneur a fait entendre Monsieur Richard Gagné, menuisier et contremaître chez l’Entrepreneur.
[32] Monsieur Gagné témoigne avoir livré la maison en 2010. Par la suite, en 2011, alors qu’il est au service après-vente de l’Entrepreneur, il est informé de la présence de fissures dans le mur de brique du garage (en façade) ainsi qu’au niveau du balcon de la résidence des Bénéficiaires.
[33] Selon lui, les fissures au balcon étaient des fissures de retrait qui ne nécessitaient aucun correctif. Quant aux fissures au mur du garage, il indique les avoir fait réparer au printemps 2011.
[34] Au printemps 2012, les fissures au mur de brique du garage sont réapparues. Il indique avoir alors fait réparer le tout une seconde fois.
[35] Néanmoins, lorsqu’au printemps 2013 il est informé du fait que les fissures sont encore réapparues, il insiste pour que la cause soit trouvée avant d’effectuer une troisième (3e) réparation. C’est à ce moment que Monsieur Chevrette est impliqué.
[36] À l’instar de Monsieur Chevrette, il explique que l’Entrepreneur a procédé à l’excavation des fondations pour finalement apporter les correctifs nécessaires.
[37] Il indique que lorsque les Bénéficiaires informent l’Entrepreneur au printemps 2014 du fait que les fondations du garage sont soulevées et qu’il y a présence de fissures apparentes au mur de fondation, il en informe Monsieur Chevrette, d’où la décision de demander de l’aide au service technique de l’APCHQ.
[38] Il ajoute qu’au moment où les Bénéficiaires font cette dénonciation, il y a alors présence d’asphalte dans l’entrée de leur propriété, présence d’une clôture au pourtour de la cour et enfin, que des marches ont été ajoutées aux marches existantes au balcon avant.
[39] Le témoin réitère les propos de Monsieur Chevrette quant aux conclusions de l’inspecteur de l’APCHQ à l’effet que la cause des problèmes de fissuration n’est pas attribuable aux travaux effectués par l’Entrepreneur.
[40] Ce rapport est remis aux Bénéficiaires, lesquels en contestent le bien-fondé et dépose une demande de réclamation auprès de l’Administrateur.
[41] Suite à cette réclamation, l’Administrateur procède à deux (2) inspections de la propriété et conclut à un vice de construction dans sa décision du 24 avril 2015, ordonnant du même coup à l’Entrepreneur de procéder aux correctifs requis.
[42] Face aux opinions contradictoires, l’Entrepreneur conteste la décision de l’Administrateur. Il ajoute que les fissures au balcon avant ont eu l’apparence de fissures de retrait pendant deux (2) ans avant d’évoluer suite à l’ajout de marches par les Bénéficiaires.
[43] Par la suite, l’Entrepreneur fait entendre Monsieur Richard Landriault, ingénieur. Après avoir présenté ses qualifications, et notamment son expérience en matière de mécanique des sols, le Tribunal reconnaît le témoin à titre d’expert et lui permet de témoigner en ce sens.
[44] Le 22 septembre 2015, Monsieur Landriault a reçu mandat de l’assureur de l’Entrepreneur afin de déterminer la cause et l’origine des dommages causés à la propriété des Bénéficiaires.
[45] Il effectue une première visite le 30 septembre 2015 au cours de laquelle il y fait plusieurs constats et, plus précisément, il dit avoir noté des dommages au parement de brique au-dessus de la porte du garage et à l’ailette, des dommages au balcon et notamment la présence de fissures sur la dalle de surface et, enfin, l’ajout de deux (2) marches boulonnées au balcon. Sur ce dernier élément, il indique noté la présence de scellant entre la structure de béton d’origine et les marches ajoutées de même que de la rouille, signe que plusieurs boulons ont été utilisés lors de la pose des marches supplémentaires.
[46] Cette inspection s’est faite en présence des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur.
[47] Suite à son inspection, il recommande à l’assureur de procéder à des tranchées exploratoires afin de vérifier le mur de fondation de même que le solage du balcon.
[48] Les tranchées exploratoires ont été faites le 9 octobre 2015 tant chez les Bénéficiaires en l’instance que chez leurs voisins du [...].
[49] La tranchée pratiquée à l’avant de la propriété, devant le garage, est d’une profondeur d’environ cinq (5) pieds. Elle a démontré la présence d’une fissure longitudinale à la fondation, laquelle a été réparée antérieurement. Il note une quantité d’eau appréciable « en provenance de la fondation granulaire située sous le pavage de béton bitumineux situé le long de la propriété » sur une hauteur d’environ six (6) pouces et à une profondeur d’environ dix-huit (18) pouces de la surface du sol. Il indique que la présence d’eau a été notée sous la portion ailette et non sous le garage directement et que l’eau provient de l’arrière du bâtiment.
[50] Il note également « la présence d’une gouttière qui rejette l’eau de pluie vers l’arrière, soit près de la fondation granulaire de la section pavée le long du garage ».
[51] Quant à la tranchée pratiquée devant les marches, elle est d’une profondeur d’environ douze (12) pouces et elle permet de constater la présence d’un panneau de contreplaqué en OSB ainsi que celle d’un isolant rigide de deux (2) pouces sous les marches ajoutées par les Bénéficiaires. Le témoin indique que la méthode utilisée est inappropriée et notamment que les marches n’auraient pas dû être boulonnées aux marches existantes. Aucune gouttière ne rejette l’eau près des murs de fondation des marches d’origine.
[52] Le témoin dit avoir visité d’autres maisons du quartier afin de comparer les problématiques observées à la lumière du fait que tout le projet avait été construit par l’Entrepreneur.
[53] Il ajoute avoir également pris connaissance du rapport de l’expert des Bénéficiaires et du rapport de l’inspecteur du service technique de l’APCHQ. Il se dit en accord avec les conclusions de l’expert des Bénéficiaires quant à la nature des sols en présence, soit un sol gélif.
[54] Il consulte également le Code national du bâtiment[1]. Il réfère à l’article 9.14.6.1 dudit Code lequel énonce que le terrain doit être aménagé de manière à éloigner l’eau du bâtiment lorsqu’en « raison de l’emplacement d’un bâtiment, les eaux de surface peuvent s’accumuler à proximité » du bâtiment.
[55] Il ajoute que la présence de sol gélif n’est pas interdite au Québec selon l’article 9.12.3.3 du Code national du bâtiment mais qu’il y a lieu de prendre certaines précautions et notamment par l’ajout d’un plan de glissement lorsque les fondations sont en blocs de béton. Les fondations chez les Bénéficiaires sont en béton coulé sur place. En conséquence, aucune protection n’est prévue ni requise. Il ajoute par ailleurs que la pose d’un isolant rigide servant de plan de glissement peut contribuer à diminuer les risques d’adhérence au gel, mais que sa présence ne constitue pas une garantie qu’aucune adhérence ne se produira.
[56] Monsieur Landriault conclut ainsi sur la cause et l’origine des dommages au mur de fondation :
Nous sommes donc d’avis que les dommages au mur de fondation situé à l’extrémité gauche du bâtiment - qui est (sic) n’est pas chauffé - sont reliés au gel adhérent du sol qui a été provoqué par une des causes suivantes, ou encore une combinaison de ces dernières, à savoir :
Ø Évacuation de l’eau de surface inefficace sur le terrain de la propriété;
Ø Présence de sol gélif;
Ø Absence de couche séparatrice (isolant) entre le sol et le mur de fondation.
[57] Quant à la cause et l’origine des fissures au balcon, il conclut ainsi :
Nous sommes d’avis que la fissure dans le balcon et le soulèvement de celui-ci sont reliés à une des causes suivantes, ou encore une combinaison de ces dernières, à savoir :
Ø Construction de deux marches de béton boulonnées à la structure d’origine et non protégées adéquatement par un isolant rigide sous celles-ci.
Un prolongement d’environ 2 à 4 pieds est nécessaire au périmètre des marches installées pour les protéger contre le soulèvement du gel.
Ø Présence d’un panneau de bois de type OSB qui est sujet au gonflement/expansion lors de gel.
Puisqu’il n’y a pas de gouttière pour rejeter l’eau de pluie près des marches du balcon, l’adhérence due au gel est éliminée. Il est à noter que notre examen des deux propriétés comparatives ([...] et [...]) qui n’avaient pas de gouttière près des marches des balcons a révélé l’absence de dommages.
[58] En contre-interrogatoire, Monsieur Landriault indique que même en l’absence d’un sol gélif, l’adhérence au gel peut se produire si l’eau n’est pas éloignée des fondations. Il confirme que bien qu’il ne soit pas souhaitable d’avoir des gouttières qui rejettent l’eau près des fondations, cette situation est présente pour 20 % à 30 % des propriétés ayant des gouttières.
[59] Il admet qu’aux fins de son analyse comparative, c’est l’Entrepreneur qui lui a indiqué les maisons à utiliser comme point de référence vu la nature du sol en cause. Il ajoute toutefois qu’il est important pour lui de toujours obtenir l’autorisation des propriétaires pour pénétrer sur le terrain. Les propriétés utilisées aux fins comparatives sont celles pour lesquelles il a pu obtenir une autorisation.
[60] Interrogé sur les solutions possibles pour corriger la problématique, il indique que plusieurs solutions existent mais qu’il n’était pas dans son mandat d’émettre son opinion sur cet aspect. Par ailleurs, il indique, de façon générale, qu’il s’agit d’éloigner l’eau du bâtiment.
[61] Plusieurs questions lui sont posées sur les diverses fissures. Il indique que bien qu’il ait pu voir certaines fissures non mentionnées dans son rapport, il s’en est tenu à analyser et déterminer les causes probables et l’origine des problématiques pour lequel il est mandaté. Il ne peut se prononcer au-delà de son rapport dans le cadre de son mandat.
Bénéficiaires
[62] Monsieur Vitaliy Korovyanskiy témoigne le premier. Il dépose un résumé historique des événements et personne ne s’oppose au dépôt.
[63] Selon ledit résumé et son témoignage, une fissure au balcon serait apparue le premier hiver, soit à l’hiver 2010-2011 de même qu’un creux près de l’ailette, côté stationnement. Le printemps venu, la fissure se referme.
[64] Par la suite, à l’hiver 2011-2012, la fissure au balcon réouvre et une fissure apparaît au plancher du garage. Une fois le printemps venu, les fissures se ferment de nouveau.
[65] Il indique qu’à l’hiver suivant, les fissures réouvrent et qu’il y a alors apparition de trois (3) fissures au parement de brique au-dessus du garage et que la porte située entre la maison et le garage se déplace. Selon le même « pattern », les fissures se referment au printemps.
[66] Selon son témoignage, l’Entrepreneur a procédé à des réparations au cours de l’été 2013, soit l’excavation mentionnée par ce dernier lors de sa preuve et la réparation des fissures au parement de brique.
[67] Il indique que toutes les fissures mentionnées précédemment se sont réouvertes l’hiver suivant (2013-2014), la porte s’est de nouveau déplacée et il note l’apparition de deux (2) fissures verticales à la fondation de l’ailette. Il note aussi que le pavé de l’entrée se soulève.
[68] Au cours de l’été 2014, l’Entrepreneur mandate un inspecteur du service technique de l’APCHQ afin de déterminer la nature du problème en cause, tel que ce dernier en a témoigné.
[69] Il confirme les propos de l’Entrepreneur sur la suite des événements, à savoir qu’ils ont informés l’Administrateur de la situation suite au rapport de l’APCHQ que leur a transmis l’Entrepreneur et de la décision de l’Entrepreneur qui les informait que les nouveaux problème étaient sans lien avec sa construction et qu’en conséquence il ne lui appartenait pas de corriger la situation.
[70] L’hiver suivant, le même scénario que les hivers précédents se produit et de nouvelles fissures apparaissent à différents endroits dont il n’est pas pertinent de faire l’énumération ici.
[71] Le témoin indique ensuite que l’Administrateur a procédé à deux (2) inspections et rendu une décision selon laquelle les dommages sont causés par la présence de sol gélif. Les conclusions du rapport se limitent alors à l’ailette du garage et au balcon.
[72] Considérant les différentes opinions émises, d’une part par les inspecteurs de l’APCHQ et d’autre part par Monsieur Bérubé, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur et auteur de la décision du 24 avril 2015, et compte tenu qu’aucun ingénieur ne s’est prononcé sur la problématique, les Bénéficiaires décident de mandater un ingénieur pour déterminer la cause des problèmes et trouver une solution.
[73] Selon la compréhension du Bénéficiaire, son expert en vient à la conclusion que les dommages sont causés par la présence de sol gélif et que la solution consiste à retirer le sol gélif situé au pourtour de la maison, effectuer les réparations, puis remblayer avec un matériau non gélif.
[74] Il témoigne ensuite sur la pose des marches additionnelles. Il dit avoir payé pour faire poser lesdites marches. Il ajoute que lors de la visite de Monsieur Landriault, ce dernier a découvert deux (2) morceaux de styromousse sous les marches, chacun d’une épaisseur de deux (2) pouces. Il indique que les marches ont été posées à l’été 2012. Il ajoute que le styromousse est, encore aujourd’hui, intact et n’a pas brisé. Il s’explique mal que les marches aient pu faire fissurer le balcon mais non le styromousse.
[75] Contre-interrogé par la procureure de l’Administrateur, il précise qu’en hiver le balcon se soulève puisque la pente se dirige alors vers la maison alors qu’en saison estivale, le balcon revient en position normale. Il ignore si le balcon se soulevait déjà à l’hiver 2010-2011 mais indique avoir pris une mesure à l’aide d’un niveau par la suite. Il ignore à quel moment la mesure à l’aide du niveau a été prise et ne produit aucune preuve de cette mesure.
[76] Il indique que l’Entrepreneur ne lui a jamais mentionné qu’il devait éloigner l’eau des fondations mais que par contre l’entrepreneur de gouttières en a fait mention. D’ailleurs, il dit avoir posé une rallonge à la gouttière située derrière l’ailette pour éviter qu’il y ait formation de glace noire en hiver. Il souligne toutefois qu’il y a peu d’égouttement par les gouttières en hiver sauf lors de période de réchauffement.
[77] Il confirme qu’au moment de la réception du bâtiment, il n’y avait aucune fissure au balcon, ni même de fissure de retrait.
[78] Contre-interrogé ensuite par l’Entrepreneur, il indique ne pas se souvenir du moment auquel le parement de brique au-dessus du garage a été réparé. Il n’a aucune photo de la fissure du balcon en 2012. Il souligne toutefois l’échange de correspondances à cet effet à l’été 2011 et déposé sous A-4.
[79] Le contre-interrogatoire terminé, le témoin apporte quelques précisions.
[80] Au sujet des marches, il indique avoir payé un sous-traitant de l’Entrepreneur pour effectuer les travaux. Il dit les avoir « attachées » parce qu’il voyait que ce n’était pas solide et qu’il voulait installer une main-courante pour éviter tout accident.
[81] Il ajoute également que le sous-traitant lui aurait indiqué qu’il pouvait mettre deux (2) styromousses sous les marches et qu’en cas de mouvement dû au gel, ce sont les styromousses qui briseront et non les marches.
[82] Les Bénéficiaires font entendre Monsieur Michel Küntz, ingénieur spécialisé en géologie structurale chez GSP.
[83] Monsieur Küntz témoigne sur son expérience et sa formation et le statut d’expert lui est reconnu. C’est donc à ce titre qu’il témoigne devant le Tribunal.
[84] Il indique avoir été contacté relativement à un problème de fissure majeure à la fondation. Son mandat consiste à déterminer la cause des désordres et proposer une solution corrective permanente.
[85] Il indique avoir travaillé de concert avec son équipe chez GSP. À ce titre, il dit avoir excavé jusqu’à la semelle et pris des prélèvements du sol afin d’en déterminer la nature. L’excavation voulait également vérifier la présence d’un drain français et s’assurer, le cas échéant, de son bon fonctionnement.
[86] Lors de l’excavation, des photos ont été prises par Dany Brault, ingénieur et membre de son équipe. Monsieur Brault est présent à l’audience et personne ne conteste que ce soit lui qui ait pris les photos et supervisé les travaux. Il témoigne brièvement à l’audience.
[87] Quant à l’analyse des échantillons de sol, elle a été effectuée par un membre de son équipe et les résultats lui sont soumis pour approbation. En l’espèce, les résultats ont démontré la présence d’un sol argileux, et donc gélif, jusqu’à la surface.
[88] Quant au drain français, il est bien présent dans la tranchée. Cependant, il n’est pas recouvert de pierre et d’une membrane géotextile comme il se doit.
[89] Il a pris connaissance du rapport de Monsieur Landriault et de celui de l’APCHQ. Il dit constater que tous sont d’accord avec le fait que nous sommes en présence d’un sol gélif de même qu’en présence d’une problématique d’adhérence au gel au pourtour de la maison et à l’ailette.
[90] Il dépose ensuite un extrait du Manuel canadien d’ingénierie des fondations, 4e édition, 2013, p. 187 et il cite le passage suivant :
Une bonne pratique consiste à remblayer les fondations avec un sol non susceptible au gel. On doit s’assurer d’un bon drainage au pourtour de la fondation jusqu’à une profondeur supérieure à la profondeur maximale de pénétration du gel. Le remblai granulaire doit être recouvert d’une couche de sol moins perméable comportant une pente permettant d’éloigner l’eau de ruissellement du bâtiment avant qu’elle ne pénètre dans le remblai.
[91] Selon Monsieur Küntz, si l’Entrepreneur avait remblayé avec un matériau non gélif et selon les règles de l’art, il n’y aurait pas eu de problème d’adhérence au gel. Il souligne l’importance d’un bon drainage du remblai et la nécessité d’avoir une pente adéquate. Il confirme n’avoir pris aucune mesure des pentes chez les Bénéficiaires mais dit n’avoir rien vu d’anormal à ce niveau.
[92] Quant à l’article 9.12.3.3 du Code national du bâtiment[2] il l’interprète comme permettant la présence de matériau gélif au pourtour des fondations mais uniquement si un matériau, telle une membrane, servant de plan de glissement est utilisé. En l’espèce, il n’a rien vu qui s’apparentait à un plan de glissement chez les Bénéficiaires.
[93] Il admet ne pas avoir été présent lors de l’excavation mais précise qu’il n’a rien vu sur les photos qui lui permettrait de croire qu’il y a présence d’un plan de glissement. Il ajoute avoir déjà été sur place et avoir vu des tranchées faites par l’Entrepreneur au préalable et il dit n’avoir rien vu de semblable à ce moment.
[94] Selon son expérience, il est peu fréquent de voir une membrane formant un plan de glissement en présence d’un sol gélif. Règle générale, c’est du remblai non gélif qui est utilisé.
[95] En ce qui concerne le balcon, il affirme que ce dernier est appuyé sur une fondation périphérique indépendante de celle de la propriété. Il indique qu’à cet endroit, le sol gèle plus profondément puisqu’éloigné de la maison et donc, qu’aucun transfert de chaleur ne s’effectue. Il indique que le gel provoque un mouvement différentiel qui à son tour provoque le soulèvement de la fondation du balcon causant ainsi les fissures observées.
[96] Il indique qu’il ne peut exclure qu’il y ait présence de gel par adhérence à cet endroit mais que la cause la plus probable est le mouvement différentiel et le soulèvement de la fondation.
[97] Contre-interrogé par l’Administrateur, il rejette d’emblée l’hypothèse émise par l’Entrepreneur, à savoir que ce serait la mauvaise gestion des eaux, à laquelle contribue le mauvais emplacement ou la mauvaise installation des gouttières, qui serait la cause des dommages. Il indique que, si le remblai était non gélif, la problématique n’existerait pas chez les Bénéficiaires. Il ajoute que l’aménagement actuel ne serait pas problématique s’il n’y avait pas eu du sol gélif.
[98] Il indique que la seule solution est le remplacement du remblai au pourtour de la propriété et l’isolation de la fondation du balcon et de l’ailette.
[99] Il affirme avoir déjà travaillé sur la problématique des sols gélifs mais admet ensuite que dans les autres dossiers, c’était surtout des problèmes de soulèvement des fondations qui lui étaient soumis. Il ajoute toutefois que le mécanisme d’adhérence au gel et celui de soulèvement dû au gel sont les mêmes. Dans un cas, le gel colle à la fondation et la fondation lève avec le sol alors que dans l’autre cas, il n’y a qu’un soulèvement du sol.
[100] Il indique que les indices supportant la présence d’un phénomène d’adhérence au gel sont la présence de fissures horizontales. Il précise qu’en l’espèce, il y a des fissures horizontales chez les Bénéficiaires, signe clair d’un phénomène d’adhérence et non de soulèvement.
[101] Il réitère que la seule solution possible est le remplacement du remblai au pourtour de la fondation principale, insistant sur l’importance d’éliminer la cause. Il admet ensuite qu’il est possible de conserver le sol gélif si on installe une membrane formant un plan de glissement. Il revient toutefois à la charge en précisant que « tant qu’à excaver, vaut mieux remplacer le remblai que de poser une membrane ».
[102] Contre-interrogé ensuite par l’Entrepreneur, il affirme ne pas avoir vérifié la règlementation de la municipalité au sujet des inspections avant remblaiement. Il admet ne pas connaître les exigences de la municipalité en ce qui concerne le recouvrement du drain français, ajoutant toutefois que c’est le Code national du bâtiment et les règles de l’art qui exigent la présence d’une membrane géotextile autour du drain et de la pierre.
[103] Il indique ne pas avoir pris connaissance de la partie 9 dudit Code en ce qui concerne les matériaux de remblaiement dans le cadre de ce dossier, mais qu’il se sert du Code comme outil de travail.
[104] Il devient confus lorsqu’interrogé sur les exigences de sol de remblaiement en matière de petits bâtiments et bafouille avoir lu dans le rapport de Monsieur Landriault un extrait démontrant la nécessité d’un plan de glissement en présence d’un sol gélif.
[105] À la demande du Tribunal, il admet ne pas connaître spécifiquement les différences prévues en matière de remblaiement des petits et des gros bâtiments.
[106] Ensuite, il indique que la présence d’eau ou le mauvais drainage ne peut aggraver la situation. Selon le témoin, un sol gélif est plus ou moins imperméable et le ruissellement des eaux de pluie se fait en surface. De plus, selon les analyses effectuées, la teneur en eau du sol ne démontrait pas une présence excessive. Il dit qu’il est impossible d’établir un lien entre le ruissellement des eaux et l’adhérence puisqu’au moment du gel, le taux d’eau en surface est inférieur à 0% et donc qu’il ne peut y avoir de ruissellement lors du gel.
[107] Bien que son rapport indique que le mauvais drainage peut aggraver la problématique, il refuse de l’admettre lors de son témoignage.
[108] Questionné sur ses tentatives d’élucider le problème du mauvais drainage chez les Bénéficiaires, il insiste pour dire qu’un sol gélif est non drainant.
[109] En ce qui concerne la nature du sol près des marches du balcon, il indique qu’aucune excavation n’a été faite à cet endroit.
Administrateur
[110] Martin Bérubé, inspecteur conciliateur, témoigne pour l’Administrateur. Il est l’auteur de la décision contestée.
[111] Monsieur Bérubé explique avoir fait deux (2) visites avant de rendre sa décision puisqu’il devait constater tous les éléments dénoncés. De fait, sa deuxième (2e) visite découle de la dénonciation subséquente par les Bénéficiaires relative à un mouvement observé au niveau de garage, mouvement qui ne s’était pas manifesté au moment de sa première visite.
[112] Lors de sa première visite, il explique avoir observé un détachement entre la maison et le garage de même qu’une fissure importante à la dalle de béton située dans le garage.
[113] Lors de sa seconde visite, il indique avoir noté le déplacement visible des fissures au balcon ainsi que celle à la dalle de béton du garage, en sus de l’apparition d’une fissure au mur du garage. En tout, deux (2) mois séparent ses deux (2) visites d’inspection.
[114] Il informe le Tribunal du fait que les Bénéficiaires font état d’infiltration d’eau par le garage lors de températures plus chaudes en hiver provoquant la fonte des neiges. Il ajoute que l’infiltration se fait par le bas de la porte de garage laquelle est surélevée en raison des mouvements du sol et le fait que le caoutchouc au bas de la porte n’est pas parfaitement étanche.
[115] Il affirme qu’il était présent lors de l’excavation qui a eu lieu en octobre 2015. Il a entendu les témoignages des experts. Il constate que tous sont d’accord avec l’existence du phénomène de gel par adhérence chez les Bénéficiaires.
[116] Par ailleurs, dans le cadre de ses inspections il n’a pu évaluer l’état des pentes du terrain puisque ses visites ont eu lieu en hiver. Il ajoute néanmoins que l’ailette est très précaire au gel en raison de l’absence de dégagement de chaleur en provenance de la propriété, d’autant plus que le garage est moins chauffé que le reste de la maison.
[117] Il confirme avoir vu plusieurs cas de gel par adhérence au cours de sa carrière.
[118] Selon le témoin, puisque l’Entrepreneur a effectué une réparation à la fondation par le passé et que le problème persiste, il est d’avis que le problème lié à la présence de sol gélif est prédominant, bien qu’il indique que la présence d’eau contribue au problème.
[119] En ce qui concerne les marches boulonnées aux marches existantes, il indique que le fait qu’elles soient construites sur du sol gélif explique le soulèvement. Par ailleurs, il dit avoir observé le soulèvement du balcon de manière visuelle, sans prise de mesure à l’aide d’un niveau.
[120] Il termine en indiquant que selon lui, la problématique de sol gélif constitue en l’espèce un vice majeur au sens du Règlement.
[121] En contre-interrogatoire, il admet que ses conclusions sont basées en partie sur les conclusions du rapport de l’inspecteur du service technique de l’APCHQ ainsi que sur les dommages observés. Il admet qu’en ce qui concerne les marches, il n’avait aucune information concernant leur conception et installation mais il ajoute qu’il en avait une bonne idée, suite aux informations fournies par les Bénéficiaires. Il admet également qu’il n’avait aucune information lui permettant de déterminer la largeur de l’isolant rigide sous les marches au moment de son inspection.
[122] Par ailleurs, il est vrai de dire qu’au moment de rendre sa décision, il ne bénéficiait pas des rapports des experts mandatés par les Bénéficiaires et par l’Entrepreneur.
[123] Interrogé sur les tranchées effectuées lors de la première réparation en 2013, il confirme qu’il n’était pas présent à cette époque. Il indique toutefois avoir vu des photos des tranchées et s’être basé sur celles-ci et sur le rapport de l’inspecteur de l’APCHQ pour déterminer la nature du sol.
[124] En contre-preuve, il indique que les déplacements importants qu’il a observés, les fissures très apparentes et les conditions climatiques qui prévalent sont des indices que les dommages observés sont causés par du gel par adhérence.
[125] Il précise que lorsqu’il rend sa décision, il n’a pas à connaître la nature exacte de la problématique. Il doit simplement décider si le problème observé est recevable en vertu du Règlement. Il confirme qu’à la lecture des rapports des deux (2) experts, il maintient sa décision.
IV
PLAIDOIRIES
Entrepreneur
[126] Monsieur Chevrette plaide être intervenu à chaque fois que les Bénéficiaires l’ont contacté. Il comprend les Bénéficiaires de ne pas accepter d’avoir des fissures sur leur propriété et c’est la raison pour laquelle il a accepté de réparer à quelques reprises, allant jusqu’à excaver pour trouver la source du problème et le régler.
[127] Lorsqu’il constate que le problème réapparaît, il mandate un inspecteur afin d’obtenir l’assistance nécessaire pour régler définitivement la problématique. Malheureusement, les Bénéficiaires n’acceptent pas le rapport qui leur est transmis, lequel identifie leurs travaux comme étant la source du problème.
[128] Suite à une demande de réclamation, l’Administrateur inspecte et rend une décision. Il plaide que la décision n’est basée sur rien de concret, aucune expertise, aucun relevé de sol, aucune mesure de pentes. Condamné à réparer tous les dommages, à ses frais, il contacte son assureur qui estime la condamnation excessive et radicale.
[129] Il indique que tous ont parlé de sol gélif. Or, tout Châteauguay est bâti sur du sol gélif. Il serait déraisonnable d’exiger, tel que le propose l’expert des Bénéficiaires, de remblayer les fondations des bâtiments unifamiliaux de la même manière que celles des gros bâtiments. En construction résidentielle, il est courant de remblayer avec le même sol que celui qui a été excavé. Il souligne que la municipalité inspecte les constructions à trois (3) moments et qu’elle applique le Code.
[130] Il reproche aux Bénéficiaires d’avoir effectué des travaux sans le consulter. Il reconnaît que les Bénéficiaires sont de bonne foi, qu’ils sont ses clients et qu’ils l’ont fait vivre. Il ne leur en veut pas. Par contre, ils peuvent s’être fait avoir par d’autres professionnels.
[131] Il plaide ensuite que les marches sont flottantes et qu’elles ne reposent sur rien de solide. Les Bénéficiaires ne peuvent s’attendre à ce que des marches mal construites ne bougent pas. Il conclut que le problème n’est pas le sol gélif mais plutôt les travaux mal faits.
[132] Il rappelle que la fissuration au niveau du garage a été réparée correctement à l’été 2013 et que c’est à la suite des travaux de pavage et de terrassement que les autres problèmes sont apparus.
[133] Il précise que le projet immobilier compte entre 200 et 250 maisons, toutes construites sur le même type de sol et que seulement 4 propriétés ont eu des problèmes. Par hasard, ces 4 propriétés ont toutes soit des gouttières installées comme chez les Bénéficiaires ou présentent des problèmes liés aux travaux d’autres entrepreneurs et notamment la pose du pavé. Il trouve la coïncidence suspecte.
[134] Monsieur Chevrette est outré que tous veuillent mettre les problèmes des Bénéficiaires sur la présence de matériau de remblaiement gélifs alors que le remblaiement avec les matériaux excavés est la norme en résidence unifamiliale.
[135] Il ajoute que même s’il remblaie avec des matériaux non gélifs, il n’est pas certain que les problèmes seront réglés si les travaux d’aménagement ne sont pas corrigés et que les eaux continuent de s’écouler et de stagner aux abords de la propriété.
[136] Il s’en prend ensuite aux propos de Monsieur Küntz qui affirme, à demi-mot, que le Code national du bâtiment n’est pas bon et que la municipalité n’est pas mieux. Il estime que les Bénéficiaires n’ont pas droit au remboursement de leurs frais d’expertise, ni ceux de leurs frais de consultation d’un conseiller légal.
[137] Pour sa part, il se réserve le droit de déposer ses factures pour les coûts engagés tout en soulignant que là n’est pas le nœud de la guerre. Il demande à ce que tous « lâchent leur face de gars qui veut gagner, pour travailler ensemble à trouver une solution ». Il indique que les Bénéficiaires ne méritent pas ce qui leur arrive et qu’il est impératif de trouver une solution définitive à leur problème.
Bénéficiaires
[138] Les Bénéficiaires sont surpris d’entendre Monsieur Chevrette parler d’adhérence au gel et de pentes alors qu’il n’en a jamais été question auparavant.
[139] Ils mentionnent que dans le rapport du premier inspecteur de l’APCHQ mandaté par l’Entrepreneur, ce dernier ne lit que les mots « clôtures » et « paysagement » et omet de lire la portion qui traite de l’effet du gel.
[140] De plus, depuis la réception de ce rapport, ils indiquent que leur Entrepreneur les a « lâchés » et que si aujourd’hui il parle de trouver un consensus, il n’en a jamais été question jusqu’à ce jour.
[141] En ce qui concerne le poteau de la clôture, les photos prises lors de l’excavation démontrent que ce dernier ne touche pas, ou à peine, à la maison.
[142] Quant aux marches menant au balcon avant, aucune gouttière n’est présente près de cet endroit et pourtant, le balcon fissure et se soulève.
[143] Le pavé-uni, pour sa part, se soulève et s’éloigne de la maison en hiver. Comment peut-on prétendre qu’il exerce une pression sur les fondations?
[144] Ils reprochent à l’Entrepreneur de ne pas avoir donné suite à leur demande de mandater un ingénieur lorsque les problèmes reviennent suite aux réparations effectuées en 2013 et alors qu’il admet être dépassé et ne pas savoir quoi faire.
[145] Ils soulignent que leur expert identifie l’adhérence au gel comme cause des dommages en raison de la présence de sol gélif. L’expert Landriault émet également l’hypothèse que le sol gélif soit en cause. Au surplus, il ne mentionne rien au sujet des gouttières ou des pentes du terrain. D’ailleurs, personne sauf l’inspecteur de l’APCHQ ne mentionne les gouttières comme source du problème.
[146] Ils affirment que l’entrepreneur de pavé-uni a bien fait son travail et que le pavé est bien nivelé et compacté.
[147] Les Bénéficiaires sont soufflés d’apprendre que leur Entrepreneur prétend qu’ils ne peuvent altérer leur terrain et notamment faire faire leur entrée. Or, il s’avère qu’ils n’ont pas le choix de le faire faire dans un certain délai, selon la règlementation municipale. Ils ont d’ailleurs dû demander des extensions de délai à deux (2) reprises pour ce faire. Ils soutiennent qu’ils n’avaient pas le choix de poser des gouttières et qu’ils n’avaient également pas le choix d’ajouter deux (2) marches supplémentaires car au bas des marches originales, ce n’était qu’un tas de gravelle.
[148] Ils demandent le maintien de la décision de l’Administrateur de même que le remboursement de leurs frais d’expertise et frais d’avocat.
Administrateur
[149] Tous les experts s’entendent pour dire qu’il y a présence de sol gélif. Par ailleurs, seul l’expert des Bénéficiaires a procédé à des tests de sol.
[150] Plusieurs propriétés sur la rue des Bénéficiaires ont le même problème que celui vécu par ces derniers.
[151] L’expert Michel Küntz indique qu’une membrane est nécessaire en présence de sol gélif. Or, la preuve a démontré qu’aucune membrane n’a été posée chez les Bénéficiaires dont la maison est construite dans un sol gélif. Selon cet expert, qui est crédible, les fissures vont continuer à progresser si le sol gélif n’est pas remplacé par du sol non gélif. Au surplus, une telle situation permet de craindre que d’autres dommages surviendront dans le futur si le sol n’est pas remplacé. Toujours selon l’expert Küntz, le remblai n’est pas affecté par les eaux de surface.
[152] Elle souligne que la théorie de l’Entrepreneur relative aux pentes du terrain n’ont pas été mises en preuve. À cet égard, Monsieur Küntz, bien qu’il n’ait pris aucune mesure, a indiqué qu’il n’avait rien remarqué d’anormal lors de sa visite.
[153] Selon le rapport de Monsieur Landriault, la problématique rencontrée chez les Bénéficiaires peut avoir plusieurs causes, voire même une combinaison de celles-ci. Selon cet expert, la présence de sol gélif se situe au deuxième (2e) rang des causes probables. Selon ses propos, il s’agit d’une probabilité et non d’une certitude.
[154] Elle souligne qu’il est difficile de croire qu’autant de dommages aient pu être causés sans que le sol ne soit en cause. Elle souligne également que la majorité des maisons situées sur cette rue ont le même système de gouttières.
[155] Par ailleurs, la majorité des problèmes surviennent en hiver alors que le sol est gelé. Il est donc peu probable que l’eau soit en cause. Elle note cependant que les problèmes surviennent surtout aux endroits non chauffés de la maison, ce qui appuie la théorie du phénomène d’adhérence au gel.
[156] Quant à la théorie selon laquelle la mauvaise technique de pose des marches serait la cause des fissures au balcon, elle note que les fissures au balcon sont apparues dès l’hiver 2010-2011 alors que les marches supplémentaires n’étaient pas en place. Elle se dit peu convaincue que des fissures de retrait puissent soudainement se transformer en autre chose avec l’ajout de deux (2) marches. Par ailleurs, les fissures au garage sont apparues avant les marches et avant le terrassement.
[157] La procureure dépose ensuite un tableau comparatif des propriétés voisines et des problèmes qu’elles rencontrent. Elle admet que l’exercice ne soit pas scientifique mais indique que le tableau ne démontre aucun lien entre les problèmes vécus et l’emplacement des gouttières et indique que la théorie de Monsieur Landriault est peu probable.
[158] Aux fins d’argumentation et sans admission aucune, elle indique que l’on ne peut reprocher aux Bénéficiaires d’avoir été imprudents dans l’exécution de leurs travaux d’aménagement alors que, n’eût été la présence du sol gélif, leurs travaux n’auraient pas causés les dommages que l’on constate aujourd’hui. En revanche, l’Entrepreneur ne leur a fait aucune mise en garde au sujet du sol gélif.
[159] Comme dans l’affaire Construction Simon Cousineau inc.[3], elle demande au Tribunal de déclarer que le sol gélif est la cause des dommages causés chez les Bénéficiaires, de déclarer qu’il s’agit d’un vice de construction au sens du Règlement et de maintenir la décision rendue par Monsieur Bérubé. Elle demande également à l’Arbitre de déterminer la méthode corrective soulignant que le Tribunal a compétence en cette matière[4].
[160] Quant aux frais d’expertise, elle indique que seul l’Entrepreneur a droit au remboursement de ses frais d’expertise et qu’en l’occurrence, les frais de Monsieur Landriault sont payés par son assureur. Elle réserve ses droits à formuler des commentaires advenant que les factures des inspecteurs de l’APCHQ que l’Entrepreneur déposera sont déraisonnables.
[161] Quant aux frais d’avocat que réclament les Bénéficiaires, elle s’objecte au remboursement au motif qu’il ne s’agit pas de frais prévus au Règlement.
Entrepreneur - réplique
[162] Monsieur Chevrette souligne que la procureure de l’Administrateur remet en doute tout ce que les experts ont dit. Elle met également en doute les propos de Monsieur Gagné lorsqu’il affirme que les problèmes ont été réglés suite aux travaux effectués en 2013.
[163] Il note que personne ne parle de drainage adéquat. Personne n’a même porté attention au plan de drainage. Il n’existe aucune preuve à l’effet que le drainage soit adéquat. Le problème en l’espèce n’est pas tant les gouttières que le lieu d’égouttement des eaux.
[164] Quant à l’argument de la nécessité d’ajouter deux (2) marches, il n’est écrit nulle part que les marches supplémentaires doivent être attachées de manière permanente aux marches existantes.
[165] Monsieur Chevrette indique que le Code civil du Québec prévoit clairement que l’on doit éloigner les eaux des fondations. Ici, il soutient que les experts essaient de noyer le poisson en blâmant le sol pour les dommages causés par les travaux des Bénéficiaires.
[166] Personne ne remblai avec du nouveau sol en matière de propriété unifamiliale.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[167] Deux dossiers ont été réunis pour audition commune devant le Tribunal.
[168] Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
(…)
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;
(…)
7° la remise en état du bâtiment et la réparation des dommages matériels causés par les travaux correctifs.
12. Sont exclus de la garantie:
1° la réparation des défauts dans les matériaux et l’équipement fournis et installés par le bénéficiaire;
2° les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;
3° les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;
4° les dégradations résultant de l’usure normale du bâtiment;
(…)
9° les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvragé situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain à l’exception de la pente négative du terrain;
(…)
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.
Seul l’organisme d’arbitrage est habilité à dresser le compte des coûts de l’arbitrage en vue de leur paiement.
124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
Il doit aussi statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.
Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur.
125. Les dépenses effectuées par les parties intéressées et l’administrateur pour la tenue de l’arbitrage sont supportées par chacun d’eux.
[169] L’Entrepreneur étant le demandeur en l’instance, il lui appartient de convaincre le Tribunal que la décision de l’Administrateur est mal fondée et, sans que ce fardeau ne soit indu, il doit offrir au Tribunal une preuve prépondérante[5].
[170] En l’espèce, la preuve offerte démontre que le sol entourant l’immeuble des Bénéficiaires est gélif.
[171] Le Service technique de l’APCHQ défini le « sol gélif » comme suit :
Sol gélif est un terme de mécanique des sols utilisé pour désigner les sols susceptibles de présenter une augmentation appréciable de leur volume sous l’effet du gel[6].
[172] Ce document a été déposé en preuve par la procureure de l’Administrateur.
[173] Le Tribunal constate que toutes les parties admettent la présence d’un sol gélif chez les Bénéficiaires. Là où les opinions divergent, c’est quant à la cause réelle des dommages.
[174] De fait, l’expert Küntz identifie le sol gélif comme la seule cause des dommages. Devant le tribunal, il est apparu comme une personne expérimentée et possédant une expérience et des qualifications suffisantes pour être autorisée à témoigner comme témoin expert. Cependant, lors de son témoignage, le Tribunal note que ce dernier n’a pas une bonne compréhension de son rôle.
[175] En effet, Monsieur Küntz ne semble pas saisir que son devoir est d’éclairer le Tribunal et non de prendre fait et cause pour ses clients. Ainsi, lorsqu’interrogé sur les autres causes probables des dommages, il refuse de considérer quelques autres hypothèses que ce soit. Selon lui, le sol gélif explique tous les problèmes rencontrés et seul l’enlèvement du remblai gélif et son remplacement par du remblai non gélif pourra solutionner les problèmes rencontrés chez les Bénéficiaires.
[176] Bien qu’il souligne l’importance d’un bon drainage et celle d’avoir des pentes adéquates, son témoignage démontre clairement qu’il n’accorde aucune importance réelle à ces éléments.
[177] Il appert également que ce dernier n’a pas pris connaissance du Code national du bâtiment dans le cadre du présent dossier et qu’il ne connaît pas les exigences en matière de remblaiement selon qu’il s’agit d’un petit ou d’un gros bâtiment. Le Tribunal note aussi que le témoin n’a pas de réelle expérience en matière d’adhérence de gel au sol, ce dernier ayant surtout travaillé sur des dossiers dont le phénomène en cause est le soulèvement du sol en période de gel.
[178] Le Tribunal reconnaît donc que l’expert Küntz possède une expérience solide en ce qui concerne la détermination de la nature du sol en présence. Par contre, une lacune importante est notée dans son analyse des causes.
[179] Il est de la nature de l’expertise d’émettre des hypothèses pour ensuite se prononcer sur la cause la plus probable et de justifier le raisonnement. En l’espèce, le Tribunal ne trouve pas dans l’expertise déposée ce processus intellectuel. Cette lacune doit être prise en compte dans l’appréciation du témoignage rendu. Il est probable que celle-ci soit causée par sa méconnaissance du rôle de l’expert auprès du Tribunal, Monsieur Küntz ayant admis qu’il en était à sa première expérience comme témoin expert. Cependant, il n’en demeure pas moins que nous sommes en matière de preuve et que ces éléments diminuent la qualité de la preuve offerte et sa force probante.
[180] Quant à Monsieur Landriault, expert de l’Entrepreneur, il possède un baccalauréat en génie de la construction et complète une maîtrise en génie de l’environnement. Il est également directeur du groupe environnement chez Technorm inc.
[181] Lors de son témoignage, Monsieur Landriault est apparu comme possédant une solide expérience dans des dossiers similaires à ceux des Bénéficiaires. Il témoigne de manière posée et répond avec franchise aux questions, quelle que soit la partie qui pose la question. Il souligne les limites de son mandat et expose clairement les hypothèses retenues à titre de causes probables des dommages causés. Il reconnaît n’avoir procédé à aucune analyse des sols, justifiant toutefois sa décision par le fait que le rapport de Monsieur Küntz avait été mis à sa disposition, qu’il l’avait consulté et était en accord avec les conclusions quant à la nature des sols en présence.
[182] Le Tribunal est d’avis que l’expérience de Monsieur Landriault est supérieure à celle de Monsieur Küntz eu égard aux faits en litige. De plus, Monsieur Landriault ne rejette pas d’emblée la position de la partie adverse et reconnaît que la théorie de Monsieur Küntz pourrait être avérée. Il estime toutefois que la présence de sol gélif n’explique pas nécessairement les dommages constatés.
[183] Le Tribunal préfère le témoignage de Monsieur Landriault et estime celui-ci plus fiable dans les circonstances.
[184] Au surplus, le témoignage de Monsieur Landriault trouve écho dans le document déposé par l’Administrateur et émanant du Service technique de l’APCHQ[7] :
La cause à effet n’est pas si directe qu’il peut y paraître.
Il y a une combinaison de certains « facteurs contributifs » énumérés précédemment qui doivent faire partie de l’équation pour qu’il y ait de l’adhérence due au gel et provoquer un soulèvement par congélation adhérente (voir Le soulèvement par congélation adhérente déjà paru).
Donc, « sols gélifs » n’égale pas nécessairement soulèvement par congélation adhérente.
Notons d’ailleurs que certaines constructions remblayées avec un sol considéré gélif peuvent connaître un soulèvement par congélation adhérente à la suite de modifications des conditions aux abords de la fondation (ajout de pavé, pavage, etc.).
Bien que le remblai compacté de type 0-20 mm (0-3/4 po) et la poussière de pierre ne soient pas dans la liste des sols gélifs, il appert que la compaction de ces matériaux fait en sorte qu’ils sont moins drainants et retiennent ainsi plus l’eau. Ce phénomène est alors accentué si ce remblai compacté est superposé à un sol peu perméable ou imperméable.
En présence des conditions propices (eau et gel), ce remblai gèle et adhère aux surfaces de béton des fondations contigües.
Donc, attention aux pentes lors de l’aménagement d’un terrain et en particulier aux descentes de gouttières qui se déversent près des fondations. (nos soulignements)
[185] En conséquence, le Tribunal retient que nous sommes en présence d’un phénomène de gel adhérent du sol et que la présence de sol gélif est la deuxième (2e) cause probable des problèmes rencontrés chez les Bénéficiaires au niveau de la fondation de la propriété.
[186] Le Tribunal retient aussi que selon l’expert Landriault, le sol gélif n’explique pas les dommages au balcon. Il appert que les fissures au balcon étaient d’abord des fissures de retrait et qu’avec l’ajout des marches supplémentaires par les Bénéficiaires, celles-ci ont évoluées puisqu’une faiblesse existait déjà. À cet égard, la responsabilité de l’Entrepreneur n’est pas en cause.
[187] Les parties ont longuement discuté des propriétés voisines et tenté de démontrer la présence ou l’absence d’un lien entre la situation qui prévaut pour chacune de ces propriétés par rapport à celle prévalant chez les Bénéficiaires et la présence ou l’absence de gouttières de même que l’installation et/ou l’emplacement desdites gouttières.
[188] Le Tribunal n’estime pas pertinent de rapporter ici la preuve soumise et d’analyser la force probante de celle-ci.
[189] Le Tribunal retient que toutes les parties sont de bonne foi, qu’il y a présence de sol gélif pouvant expliquer les dommages, sans que cette présence à elle seule n’explique forcément les dommages rencontrés. D’autres causes plus probables existent.
[190] Le Tribunal retient également qu’il est important pour l’Entrepreneur que le problème des Bénéficiaires soit réglé définitivement, mais qu’il n’accepte pas de porter le blâme pour des travaux qui ne sont peut-être pas les siens.
[191] L’Entrepreneur a été proactif dans la gestion de la problématique et on ne peut lui reprocher, à la lumière des informations qu’il a obtenues de professionnels indépendants, d’avoir pris la décision que nous connaissons. Cependant, nous ne pouvons exclure complètement que la présence du sol gélif puisse être la cause déterminante des problèmes rencontrés.
[192] L’Entrepreneur avait le fardeau de convaincre le Tribunal que la décision de l’Administrateur est mal fondée et suite à la preuve administrée, le Tribunal a décidé que la preuve offerte par l’expert Landriault est de meilleure qualité, plus fiable, et partant que celle-ci doit prévaloir. En conséquence, en vertu des règles de droit, le Tribunal doit déclarer que l’Entrepreneur s’est acquitté de son fardeau de la preuve.
[193] Néanmoins, l’article 116 du Règlement prévoit que l’arbitre peut faire appel à l’équité, lorsque les circonstances le justifient. C’est le cas en l’espèce.
[194] Le recours à l’équité devient nécessaire lorsque le résultat, à la suite de l’application des règles de droit, mène à un résultat injuste ou inéquitable. L’équité ne peut être constitutive de droit, ni faire revivre des droits éteints. Elle peut cependant servir à moduler l’application stricte des règles de droits afin d’éviter qu’un résultat injuste, inéquitable et qui manifestement n’a pu être voulu par le législateur ne découle d’une application à la lettre de la règle de droit.
[195] Le professeur Pierre-Paul Côté citait un auteur inconnu qui un jour à dit que « Le droit et la morale ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs. Quand le résultat n’est pas bon, alors ce n’est pas du bon droit ».
[196] En l’espèce, il découle de la preuve soumise qu’il existe une possibilité réelle que le sol gélif soit en cause. Afin de déterminer précisément la causa causan, il faudrait procéder à davantage de tests sans certitude qu’une seule et unique cause pourra être identifiée au terme de ce processus. L’expert Landriault identifie plusieurs causes probables et les classifie selon leur ordre d’importance et de probabilité. Il indique toutefois qu’il se pourrait que la cause des dommages soit une combinaison des causes possibles.
[197] Accueillir la demande de l’Entrepreneur, purement et simplement, alors que ce dernier s’est acquitté de son fardeau de preuve conformément à la loi, mais sachant que son propre expert n’exclut pas que le sol gélif puisse être l’unique cause, même s’il la place au deuxième (2e) rang des probabilités ou qu’il s’agisse d’une cause contributive, sauf quant au balcon où le sol gélif ne peut expliquer les fissures, mènerait à un mauvais résultat et imposerait aux Bénéficiaires un fardeau financier indu en plus de retarder la résolution complète du problème advenant que le sol gélif soit véritablement en cause et que les parties doivent de nouveau se soumettre au processus de réclamation et possiblement d’arbitrage.
[198] Au contraire, rejeter la demande de l’Entrepreneur alors qu’il s’est acquitté de son fardeau de preuve et le condamner à corriger une situation pour laquelle il n’est peut-être pas entièrement responsable mènerait également à un mauvais résultat puisqu’il en résulterait pour les Bénéficiaires un enrichissement injustifié.
[199] Le Tribunal souligne au passage que lors de la visite des lieux, l’arbitre soussignée a remarqué et indiqué de son propre chef aux Bénéficiaires que la pente à l’arrière du bâtiment, près des fondations, est clairement négative. Monsieur Korovyanskiy, bien qu’il ne fut pas sous serment, répondit spontanément que la pente importait peu vu la présence du drain français qui est obligatoire.
[200] Le Tribunal voit mal comment il pourrait ordonner à l’Entrepreneur de remettre les lieux en état une fois les travaux terminés et donc refaire l’aménagement en installant une pente négative. Forcément, l’Entrepreneur serait tenu de mettre les pentes comme elles se doivent et il se trouverait ainsi à corriger une situation pour laquelle les Bénéficiaires sont responsables. Il en va de même en ce qui concerne les marches ajoutées qui ne peuvent clairement pas rester dans l’état actuel mais qui ne relèvent aucunement de la responsabilité de l’Entrepreneur. Ceci serait, de l’avis du Tribunal, un résultat inéquitable à l’endroit de l’Entrepreneur.
[201] Dans les circonstances, le Tribunal estime juste et raisonnable de rendre une décision qui tienne compte à la fois de l’expertise de Monsieur Landriault, des causes probables, voire peut-être même multiples, du désir de l’Entrepreneur que soit réglé définitivement le problème des Bénéficiaires, du droit des Bénéficiaires d’avoir une maison solide, sécuritaire et exempte de dommages, mais qui n’impose à aucune des parties d’assumer des coûts qui légitimement devraient être supportés par la partie adverse.
[202] Ainsi, considérant la responsabilité de l’Entrepreneur eu égard aux vices majeurs, dans les paramètres prévus à l’article 10 (5) du Règlement, de même que la remise en état du bâtiment et la réparation des dommages causés par les travaux correctifs conformément au paragraphe 7 de ce même article, considérant que les travaux rendus nécessaires par la faute des Bénéficiaires au sens du paragraphe 3 de l’article 12 du Règlement sont exclus de la garantie offerte et considérant également que, de l’avis du Tribunal après avoir entendu la preuve, les probabilités sont plus grandes que les travaux des Bénéficiaires soient en cause, dans une certaine mesure, que celles voulant que lesdits travaux ne soit aucunement en cause, le Tribunal décide ce qui suit.
[203] L’Entrepreneur aura le choix d’effectuer à ses frais, dans les trente (30) jours de la présente sentence, les travaux correctifs aux travaux d’aménagement effectués par les Bénéficiaires, en tenant compte des causes identifiées par Monsieur Landriault dans son rapport d’expertise et d’évaluer, conjointement avec les Bénéficiaires et l’Administrateur s’il le désire, la situation au cours de l’hiver 2016-2017. Il s’agit ici de corriger notamment les items suivants : direction des pentes, emplacement et installation des gouttières, installation du poteau de clôture et installation des marches. Cette liste n’est donnée qu’à titre indicatif et n’est pas limitative ni exhaustive. À cet égard, il est suggéré que Monsieur Landriault soit consulté quant aux méthodes correctives recommandées.
[204] Si lesdits travaux correctifs suffisent à régler la problématique, il faudra conclure que les travaux des Bénéficiaires étaient la cause des dommages constatés et ils seront alors tenus de payer à l’Entrepreneur au plus tard le 31 mai 2017 les frais engendrés par lesdites mesures correctives de sorte qu’aucun enrichissement injustifié n’en découlera pour ceux-ci.
[205] Par ailleurs, si au terme de l’hiver 2016-2017 les fissures réapparaissent, avec la même ampleur, ou pire, il faudra conclure que les travaux des Bénéficiaires ne sont pas en cause et alors, l’Entrepreneur sera tenu de corriger définitivement la situation à ses frais et sans pouvoir réclamer des Bénéficiaires le coût des travaux correctifs effectués au préalable. Il pourra choisir de corriger la problématique soit en insérant une membrane servant de plan de glissement, soit en retirant le remblai actuel et en le remplaçant par du remblai non gélif. Quelle que soit la méthode qu’il choisira, l’Entrepreneur demeure tenu de fournir un résultat. Quant aux fissures au balcon, il sera également responsable de régler définitivement le problème. Les travaux devront être complétés au plus tard le 31 mai 2017.
[206] Enfin, si les problèmes réapparaissent, mais sont tout de même améliorés par les travaux correctifs effectués par l’Entrepreneur, il faudra conclure que le sol gélif et les travaux d’aménagement des Bénéficiaires ont contribué à la problématique. L’Entrepreneur devra alors corriger définitivement la situation selon l’échéancier prévu au paragraphe précédent. Il conviendra alors de départager la responsabilité financière des travaux correctifs au prorata des coûts engendrés d’une part, par les travaux correctifs préalables et, d’autre part, ceux engendrés pour l’excavation et le remblaiement avec un matériau non gélif.
[207] Afin d’éviter que des frais exorbitants ne leur soient facturés, l’Entrepreneur devra fournir aux Bénéficiaires un devis des travaux qui seront effectués avec une ventilation des coûts avant d’engager les coûts. Il devra également fournir des devis supplémentaires en cours de travaux si des travaux supplémentaires non prévus s’avéraient nécessaires. Il sera loisible aux Bénéficiaires d’obtenir de tiers des soumissions pour l’exécution des mêmes travaux et ce, afin de s’assurer que les frais facturés sont justes et compétitifs. Advenant un écart de plus de 10 % entre le coût facturé par l’Entrepreneur et la soumission de tiers, les Bénéficiaires ne seront tenus de payer à l’Entrepreneur que le moindre de la facture de l’Entrepreneur ou le coût des travaux selon la plus basse soumission, plus 10 %. Il va de soi que les soumissionnaires devront détenir les licences appropriées de la Régie du bâtiment du Québec.
[208] Le sort du coût des réparations des dommages causés au bâtiment tel qu’énuméré de manière non limitative au dernier paragraphe de la décision de l’Administrateur ainsi que ceux engendrés pour la réparation des dommages causés par les travaux correctifs sera réglé de la même manière et selon les mêmes règles que celles relatives à la responsabilité des coûts pour régler le problème à sa source et énoncés ci-dessus. Par ailleurs, considérant que le Tribunal estime que la preuve a démontré qu’il est plus probable que les travaux des Bénéficiaires soient en cause, dans une certaine mesure, qu’ils ne le soient pas, l’Entrepreneur ne sera tenu que de procéder au nivellement brut.
[209] Alternativement, si l’Entrepreneur ne désire pas financer le coût des travaux correctifs tel qu’il en a l’option ci-dessus et prendre le risque de peut-être devoir assumer la totalité desdits frais en sus de ceux requis pour régler le problème de sol gélif le cas échéant, il pourra choisir de procéder à l’excavation et au remblaiement, selon la méthode de son choix, dans les trente (30) jours de la présente sentence, ce dernier demeurant assujettit à une obligation de résultat. Dans ce cas, il ne pourra réclamer quoi que ce soit des Bénéficiaires alors même qu’il pourrait devoir corriger des problèmes causés par les travaux d’aménagement des Bénéficiaires. Il ne devra toutefois corriger à ses frais que les travaux d’aménagement qui doivent nécessairement être corrigés de par la nature des travaux d’excavation et de remblaiement.
[210] Le Tribunal souligne aux Bénéficiaires l’importance de prendre au sérieux les déficiences identifiées par Monsieur Landriault et, sans leur en faire l’obligation, les incite à considérer fortement de faire corriger lesdites déficiences afin de régler définitivement le problème.
[211] Le Tribunal estime juste et raisonnable d’offrir ce choix à l’Entrepreneur bien qu’il ne soit pas usuel de rendre une telle ordonnance. Pour les mêmes motifs que ci-après énoncé, le tribunal estime également juste et raisonnable de laisser à l’Entrepreneur le choix de la méthode corrective s’il devait procéder à l’excavation et au remblaiement. Considérant que le Tribunal estime que la preuve a démontré qu’il est plus probable que les travaux des Bénéficiaires soient en cause plutôt qu’ils ne le soient pas, l’Entrepreneur ne sera tenu qu’au nivellement brut. Pareillement, il ne sera tenu de procéder qu’aux réparations brutes du bâtiment, c’est-à-dire que les travaux de finition telle la peinture par exemple, seront effectués par les Bénéficiaires. Ce sera là leur contribution économique à la résolution définitive de la problématique rencontrée.
[212] En effet, l’Entrepreneur s’est déchargé de son fardeau et il ne devrait pas, en principe, avoir à corriger quoi que ce soit. Cependant, à la lumière des circonstances particulières en l’instance et plutôt que d’ordonner que des tests additionnels soient effectués, prolongeant indûment le dossier, il apparaît approprié de trouver une solution qui d’une manière ou d’une autre, réglera définitivement la problématique. Ceci respecte à la fois le désir de l’Entrepreneur qui souhaite que le problème auquel font face les Bénéficiaires soit réglé, mais pas à son détriment si ses travaux ne sont pas en cause, et à la finalité de protection des Bénéficiaires prévu au Règlement. Bien que les Bénéficiaires aient eu à assumer les frais d’expertise jusqu’à ce jour et à subir les inconvénients des dommages, le Tribunal estime juste et équitable de partager entre les parties les coûts relatifs à la résolution complète des problèmes notamment eu égard au fait que le Tribunal aurait pu accueillir la demande de l’Entrepreneur et ne prévoir aucun mécanisme de résolution complète des problématiques auquel cas la situation aurait perduré plutôt que de trouver un dénouement.
[213] Par ailleurs, l’Entrepreneur étant économiquement dans une meilleure position que les Bénéficiaires, le Tribunal estime que le fardeau de financer les travaux correctifs préalables, si tel est le choix de l’Entrepreneur, n’est pas disproportionné comparativement à celui qui en découlerait pour les Bénéficiaires si l’on devait accueillir la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur. Une telle décision laisserait les Bénéficiaires aux prises avec le problème, à charge pour eux d’effectuer les travaux correctifs liés au drainage et déversement des eaux, notamment, et de devoir refaire une autre demande à l’Administrateur si lesdits travaux ne corrigent pas définitivement la problématique. Le coût pour l’Entrepreneur qui effectue lui-même des travaux est moindre que ce qu’il en coûtera aux Bénéficiaires s’ils doivent faire effectuer les travaux par un tiers.
Frais
[214] Considérant l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, en parts égales.
[215] Quant aux frais d’expertise, l’article 124 du Règlement prévoit que le Tribunal doit statuer sur la question du remboursement des frais d’expertise.
[216] En l’espèce, les frais d’expert de Monsieur Landriault sont assumés par l’assureur de l’Entrepreneur. En conséquence, l’Entrepreneur n’a pas droit aux frais puisqu’il ne les a pas assumés lui-même.
[217] Quant aux factures du Service technique de l’APCHQ, le Tribunal ne fait pas droit au remboursement desdits frais, ceux-ci ayant été engagés avant le début du litige et étant sans lien avec la preuve soumise à l’audience. Au mieux, lesdites expertises ont servi à étayer les démarches de l’Entrepreneur, bien que les parties aient acceptés que les rapports soient déposés à titre de pièce, malgré l’absence des témoins pertinents au dépôt. Elles n’auraient pas été déposées que le sort du présent dossier n’en aurait pas été différent.
[218] Par ailleurs, les frais d’expertise des Bénéficiaires sont réclamés par ces derniers.
[219] L’article 124 du Règlement permet au Tribunal de statuer sur l’octroi de ces frais quand bien même les Bénéficiaires ne sont pas les demandeurs en l’instance.
[220] En l’espèce, le Tribunal a indiqué avoir préféré l’expertise de Monsieur Landriault. Cependant, Monsieur Landriault n’a procédé à aucune analyse de la nature des sols suite à la consultation du rapport de Monsieur Küntz. Par conséquent, il apparaît opportun d’octroyer aux Bénéficiaires une partie des coûts de leur expertise puisque si l’analyse des sols n’avait pas été faite, Monsieur Landriault aurait dû lui-même procéder à ladite analyse engendrant, du coup, des frais supplémentaires, malgré que ceux-ci auraient été supportés par l’assureur.
[221] Conséquemment, le Tribunal octroie aux Bénéficiaires la somme de cinq cents dollars (500 $) à titre de remboursement des frais d’expertise. Cette somme est déterminée de manière arbitraire, faute d’avoir une facture détaillée. Considérant qu’une seule facture a été émise par Monsieur Küntz pour les deux (2) dossiers qui ont été réunis, et à défaut d’avoir la preuve de paiement des Bénéficiaires des deux (2) dossiers, le Tribunal présume que lesdits frais ont été payés en parts égales de sorte que les Bénéficiaires dans chacun des dossiers n’auront droit qu’à la moitié de cette somme, soit deux cent cinquante dollars (250 $) chacun.
[222] Quant aux frais d’avocat déboursés par les Bénéficiaires, ceux-ci n’y ont pas droit vu l’article 125 du Règlement.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
ORDONNE à l’Entrepreneur de se conformer aux instructions du Tribunal contenues aux paragraphes 203 à 209;
ORDONNE aux Bénéficiaires de se conformer aux instructions du Tribunal contenues aux paragraphes 203 à 209 quant aux ordonnances qui les concernent;
ORDONNE à l’Administrateur d’exécuter en place et lieu de l’Entrepreneur les obligations qui lui sont imposées aux paragraphes 203 à 209 à défaut par ce dernier de s’y conformer;
CONDAMNE l’Administrateur et l’Entrepreneur à payer les frais d’arbitrage liés à la demande de l’Entrepreneur, en parts égales, conformément à l’article 123 du Règlement;
CONDAMNE l’Administrateur et l’Entrepreneur, solidairement, à payer aux Bénéficiaires la somme de deux cent cinquante dollars (250,00 $) à titre de frais d’expertise et REJETTE la demande des Bénéficiaires quant au remboursement des autres frais d’expertise;
REJETTE la demande de l’Entrepreneur quant au remboursement des frais d’expertise;
REJETTE la demande des Bénéficiaires quant au remboursement des frais d’avocat.
Montréal, ce 1er octobre 2016.
Me Karine Poulin, arbitre
[1] Version 2005.
[2] Version 2005.
[3] Construction Simon Cousineau inc. et Éric Lavoie et al., GAMM, 2014-15-011, 2015-08-17, M. Claude Dupuis, arbitre.
[4] Lavoie c. Dupuis, 2016 QCCS 2881.
[5] Code civil du Québec, art. 2803 et 2804.
[6] Le remblai attention aux sols gélifs, Service technique de L’APCHQ, www.apchq.com, 7 août 2015.
[7] Le remblai attention aux sols gélifs, Service technique de L’APCHQ, www.apchq.com, 7 août 2015.