ARBITRAGE
En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2,
Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)
Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD
ENTRE
JOHANNE GAUDREAU Bénéficiaire
Et
RÊVNOR Entrepreneur
Et
GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR) Administrateur
Nos dossiers / Garantie : 112465-2354
No dossier / GAJD : 20200806
No dossier / Arbitre : 35304-37
SENTENCE INTERLOCUTOIRE
Arbitre | : | Me Pierre Brossoit |
Pour le Bénéficiaire | : | Me Roseline Ouellette |
Pour l’Entrepreneur | : | Me Mélissa Dionne |
Pour l’Administrateur | : | Me Éric Provençal |
Date d’audience | : | Le 14 octobre 2021 |
Lieu | : | Par appel conférence |
Immeuble concerné | : | [...], La Conception, Qc |
Date de la décision | : | Le 22 octobre 2021 |
CONTEXTE
[1] Le 11 mai 2020, la conciliatrice Anne Delage, pour l’Administrateur, rend une décision (la « Décision ») qui rejette les trois (3) items de la réclamation de la Bénéficiaire.
[2] Mme Delage rejette l’item 1, Revêtement extérieur non ventilé, en raison que la situation dénoncée ne rencontre pas les critères du vice caché.
[3] Mme Delage rejette les deux (2) autres items, Gonflement du plancher de bois et Isolation des fenêtres déficientes, en raison qu’ils n’ont pas été dénoncés à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable (art. 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs « Règlement »).
[4] Vu la conclusion de tardivité à laquelle en arrive Mme Delage sur les items 2 et 3 de la Décision, elle ne statue pas sur l’existence de ces deux (2) vices de construction dénoncés par la Bénéficiaire et, le cas échéant, de la faute de l’Entrepreneur et des moyens pour corriger les vices.
[5] Par économie de justice, la Bénéficiaire demande que l’arbitrage puisse disposer de l’item 1 et des items 2 et 3 (tardiveté de la réclamation de la Bénéficiaire), mais également sur le bien-fondé de sa réclamation au sujet de l’existence des vices de construction dénoncés (items 2 et 3), de la faute de l’Entrepreneur et des moyens pour corriger les vices.
[6] L’Administrateur et l’Entrepreneur s’objectent à cette demande, plaidant que Mme Delage n’a pas décidé de l’existence des vices de construction dénoncés par la Bénéficiaire (items 2 et 3), la juridiction de l’arbitre soussigné se limitant ainsi à décider que de la tardiveté de la dénonciation des vices à l’Administrateur et à l’Entrepreneur.
MOTIFS DE LA SENTENCE INTERLOCUTOIRE
[7] Le droit à l’arbitrage de la Bénéficiaire prend source à l’article 19 du Règlement ci-après reproduit :
« V. Recours
19. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministère du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec totale ou partiel de la médiation. » (nos soulignés)
[8] Mme Delage conclut comme suit à la décision au sujet des items 2 et 3 :
« La bénéficiaire a déclaré avoir découvert la situation décrite au point 2 au cours de l’été 2016 et celle décrite au point 3 au cours de la période hivernale 2016-2017.
Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de ces situations pour la première fois le 13 mars 2019.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, les paragraphes 1, 2, 3, 4 ou 5 de l’article 10 ou 27 du règlement, selon le type de bâtiment, stipulent que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, devraient être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, de leur découverte ou survenance, en cas de vice ou de perte graduelle, de leur première manifestation.
Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable et par conséquent, l’administrateur rejette la réclamation de la bénéficiaire à l’égard de ces points. » (nos soulignés)
[9] L’article 106 du Règlement limite la compétence de l’arbitre en ces termes :
« 1- Demande d’arbitrage
106. Tout différent portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.
(…) » (nos soulignés)
[10] L’arbitre soussigné en conclut qu’il n’a pas juridiction pour statuer au-delà de la Décision rendue par Mme Delage, en l’occurrence au sujet de l’existence des vices dénoncés (Items 2 et 3) et, le cas échéant, de la responsabilité de l’Entrepreneur et de la méthode corrective.
[11] De plus, bien que cela ne soit pas un motif à la présente sentence interlocutoire, le Tribunal est d’avis que l’économie de justice milite pour que soit traitée au préalable la question de la tardiveté de la réclamation de la Bénéficiaire, pour les raisons suivantes :
• Débattre de la réclamation de la Bénéficiaire sans statuer au préalable sur la tardiveté ou non de sa réclamation, obligerait l’Administrateur et l’Entrepreneur à effectuer des expertises qui pourraient s’avérer coûteuses et inutiles;
• Les délais encourus pour de telles expertises auraient pour effet de retarder de plusieurs mois l’audition de la Bénéficiaire, alors que le dossier est prêt pour être entendu;
• Si le Tribunal décide que la réclamation de la Bénéficiaire a été dénoncée dans un délai raisonnable, il est possible que l’Administrateur conclut à la responsabilité de l’Entrepreneur et à l’application du plan de garanti, sans le recours à des expertises additionnelles et à une nouvelle demande d’arbitrage de la Bénéficiaire sur ces items, sous réserve toutefois des droits de l’Entrepreneur à recourir à l’arbitrage.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE l’objection préliminaire de l’Administrateur et de l’Entrepreneur;
DÉCLINE juridiction sur la réclamation de la Bénéficiaire portant sur l’existence des vices de construction allégués aux items 2 (Gonflement du plancher de bois) et 3 (Isolation des fenêtres déficientes) de la décision de l’Administrateur rendue le 11 mai 2020;
LIMITE l’audition de la réclamation de la Bénéficiaire sur l’item 1 (Revêtement extérieur non ventilé) et sur la tardiveté de la dénonciation des vices de construction concernant l’item 2 (Gonflement du plancher de bois) et l’item 3 (Isolation des fenêtres déficientes) de la décision de l’Administrateur rendue le 11 mai 2020.
LE TOUT frais à suivre le sort de l’arbitrage.
À Montréal, le 22 octobre 2021
Me Pierre Brossoit, arbitre
* * *
La jurisprudence citée par l’Administrateur :
1- Gadoury c. M.P. Dumais, GAJD-20210302;
2- SDC SO Condos Phase 1 c. Les Entreprises Chapma Ltée, Soreconi 1420020001.
La jurisprudence citée par la Bénéficiaire :
1- 8824371 Canada inc. c. Village de Senneville, 2021 QCCS3260;
2- Syndicat des copropriétaires du 70 Saint-Ferdinand c. 9158-4623 Québec inc., 2021 CanLII8798;
3- 9091-9572 Québec inc. c. Construction Module II inc., 2011 QCCS132.