ARBITRAGE

EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

((L.R.Q., c. B-1.1, a. 185, par. 19.3o à 19.6o et 38 et 192))

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

(Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment)

 

 

Dossier no :   Plan de Garantie :    ABRITAT :  316286-1  / Accréditation :  211413                                                GAMM :      2016-06-005

                                                           NANTEL :   16-022NN

                                                           DOYLE :     1500-065

 

DATE :           16 juin 2016

 

DEVANT L’ARBITRE  JEAN DOYLE

 

 

 

ÉTIENNE PEDNEAULT ET

CHLOÉ PEDNEAULT                                Bénéficiaires

 

-et-

 

LE PORTE-HAUBAN INC.                        Entrepreneur

 

-et-                 

 

LA GARANTIE ABRITAT                                             Administrateur de La Garantie

 

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Pour les Bénéficiaires                       M. Étienne Pedneault et

                                                              Mme Chloé Pedneault 

Pour l’Entrepreneur                            Failli

Pour l’Administrateur                         Me Nancy Nantel

                                                              Monsieur Robert Roberge

 

 

MANDAT

 

 

 

a)     L’Arbitre a été désigné le 15 janvier 2016, suite à une demande d’arbitrage déposée auprès du Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure, le 11 janvier 2016 relativement aux points :

 

4  -       Fissures

5  -       Porte de douche mal installée

6  -       Unité de climatisation insuffisante

 

de la décision du conciliateur de l’Administrateur de la Garantie, monsieur Robert Roberge, datée du 1erdécembre 2015.

 

b)     Aucune objection préliminaire n’a été présentée quant à la juridiction de l’arbitre ni quant à quelqu’autre sujet.

 

c)     Les pièces déposées par l’Administrateur ont été admises.

 

 

 

 

LISTE DE PIÈCES DE L’ADMINISTRATEUR 

 

 

 

A-1 : Contrat préliminaire et contrat de garantie - bâtiment détenu en copropriété divise datés du 27 janvier 2012 et 28 mai 2013;

 

A-2 : Formulaire d’inspection pré-réception du bâtiment en date du 28 mai 2013;

 

A-3 : Acte de vente en date du 20 juin 2013;

 

A-4 : (en liasse) Avis de 15 jours en date du 2 octobre 2015 et preuve d’envoi;

 

A-5 : Demande de réclamation datée du 21 septembre 2015;

 

A-6 : (en liasse) Avis de 15 jours en date du 2 octobre 2015 et preuve d’envoi;

 

A-7 : (en liasse) Décision de l’administrateur et lettres en date du 1er décembre 2015 et preuves d’envoi et de réception;

 

A-8 : (en liasse)  Demande d’arbitrage.

 

 

 

DISCUSSION

 

 

 

·               DÉCISION DE L’ADMINISTRATEUR DE LA GARANTIE

 

1.         La décision du conciliateur de l’Administrateur de la Garantie Abritat se lit comme suit :

 

    4.      FISSURES AUX MURS INTÉRIEURS

          Les bénéficiaires indiquent avoir remarqué la présence de fissures aux joints de gypse à certains endroits, et ce, depuis le mois de mars 2015, lesquelles fissures nous sont apparues mineures et avoir été causées par le mouvement des matériaux.

ANALYSE ET DÉCISION (point 4)

En ce qui concerne le point 4, nous sommes en présence d’une situation qui a été découverte dans les trois (3) ans suivant la réception du bâtiment.

Bien que celle-ci ait été découverte et dénoncée par écrit conformément aux exigences de l’article 10.4 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’administrateur n’est pas en mesure d’établir que cette situation cause un déficit d’usage ou rendent le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

 

« 10.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

4o        La réparation des vices cachés au sens de l’article ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil; »

 

Bref, l’administrateur en vient à la conclusion que la situation dénoncée ne rencontre pas les critères du vice caché au sens de l’article 10.4 du Règlement.

 

Par conséquent, en l’absence de vice caché, l’administrateur ne  peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point.

 

5.      PORTE DE DOUCHE MAL INSTALLÉE

          Les bénéficiaires indiquent avoir remarqué de l’eau qui s’échappait de la douche et que la porte de ladite douche leur semblait mal installée, situation constatée dès la réception survenue le 28 mai 2013, sans toutefois qu’elle n’ait été dénoncée à ce moment.

 

         

          Ils ont par la suite dénoncé la situation, par écrit, à l’entrepreneur, le 25 août 2015 et, à l’administrateur, le  28 août 2015.

 

6.      UNITÉ DE CLIMATISATION INSUFFISANTE

 

          Les bénéficiaires indiquent que le climatiseur ne suffit pas à la tâche, situation constatée au cours du premier été d’occupation, soit au mois de juillet 2013.  Ils ont dénoncé la situation, par écrit, à l’entrepreneur, le 25 août 2015 et à l’administrateur le 28 août 2015.

 

          ANALYSE ET DÉCISION (points 5 et 6)

          Les points 5 et 6 consistent en des malfaçons, lesquelles ont été découvertes à l’intérieur des délais prescrits à l’article 10.3 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

« 10.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

3o     La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. »

 

 

Or, l’historique du dossier nous permet de comprendre que les problèmes que dénoncent les bénéficiaires sont connus de leur part depuis le mois de mai 2013 pour le point 5 et depuis le mois de juillet 2013 pour le point 6.

 

Pour des raisons qui nous sont inconnues, ce n’est qu’en date du 25 août 2015 que les bénéficiaires dénonceront finalement ces problèmes par écrit pour la première fois à l’entrepreneur.   Quant à l’administrateur, ce n’est que le 28 août 2015 qu’il en sera informé par écrit pour la toute première fois.

 

Ainsi, on constate que les bénéficiaires auront mis environ vingt-sept (27) mois pour dénoncer la situation relative au point 5 et plus de vingt-cinq (25) mois pour celle mentionnée au point 6 par écrit à l’entrepreneur ainsi qu’à l’administrateur, délais que l’administrateur juge déraisonnable dans les circonstances.

 

Conséquemment, les bénéficiaires ayant fait défaut de dénoncer les malfaçons par écrit dans un délai raisonnable suivant leur découverte (6 mois), l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation à l’égard des points 5 et 6. »

 

 

2.            La visite des lieux a permis de constater que les déficiences dénoncées par les Bénéficiaires, sont réelles et bien fondées.

 

3.            Cependant la décision du conciliateur, rejetant chacun des trois (3) points soumis à l’arbitrage, doit être maintenue telle quelle, si Monsieur Roberge a rendu ladite décision sur la base de bon Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neuf (Le Règlement).

 

RÈGLEMENT APPLICABLE

 

4.            A la question posée par le tribunal à l’avocate de l’Administrateur de la garantie quant au Règlement applicable à une décision rendue en 2015, soit après l’entrée en vigueur du nouveau Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (Règlement), comme c’est le cas ici, celle-ci a répondu sans hésitation que le Règlement antérieur au 1er janvier 2015 s’appliquait à la présente instance.

 

5.            Les autorités déposées à l’appui de cette affirmation de Me Nantel semblent la confirmer.

 

6.            Dans la cause de Syndicat des copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin limitée et la Garantie Abritat Inc.1, l’arbitre Me Jean Morrissette commentait l’application du nouveau Règlement, aux délais de dénonciation, comme suit :

 

[15]          Le délai raisonnable édicté au Règlement actuel n’a plus à respecter le délai maintes fois examiné de 6 mois.  Depuis le 1er janvier 2015, le Règlement reprend le délai de dénonciation raisonnable du Code civil du Québec dans le cadre de la garantie de qualité (art. 1726 C.c.Q. et ss) alors qu’auparavant, il déterminait un délai dans le temps

 

[16]          Le règlement est d’application immédiate selon l’avocate du Bénéficiaire alors que les avocats de l’Entrepreneur et de l’Administrateur plaident que ma décision doit plutôt considérer que le délai de rigueur de 6 mois est écoulé et le droit à la demande d’arbitrage prescrit.

 

[17]          L’application immédiate du texte du Règlement en vigueur depuis le 1er janvier 2015 aurait comme effet d’appliquer rétroactivement ses dispositions à une situation préexistante.

 

[19]          La Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B1.1) institue la Régie du Bâtiment et lui délègue le pouvoir d’adopter des règlements.   Ce pouvoir réglementaire est défini à l’article 185 de la Loi sur le bâtiment.   La lecture de cet article et de la loi nous apprend qu’aucun pouvoir d’adoption avec effet rétroactif n’est dévolu à la Régie;

 

[21]          L’article 54 du Décret 156-2014 du 19 février 2014 est clair :  les modifications adoptées par la Régie du bâtiment et approuvées par le législateur entrent en vigueur le 1er janvier 2015.   Il n’y a pas d’indication d’urgence et ce n’est sûrement pas une disposition de nature fiscale qui est en jeu.   Peut-on conclure qu’il s’agisse d’une loi de procédure et que sa mise en vigueur puisse affecter les droits des parties?  Est-il possible que l’examen de la décision de l’Administrateur du 1er octobre 2013 prenne en considération un autre texte de loi que celui qui s’appliquait à l’époque,   je ne le crois pas.

 

[23]          En d’autres mots et j’abonde dans ce sens, le délai de dénonciation ne peut être interprété comme une règle de procédure ayant un effet immédiat, puisque cela aurait pour effet de priver une partie d’un moyen en défense qui lui était acquis, l’extinction de la demande d’arbitrage par prescription.

 

[24]          Je tiens à souligner que cet effet de non rétroactivité s’applique dans ce cas-ci puisque la décision de l’Administrateur sous examen a été rendue en vertu des dispositions d’avant les modifications du Règlement au 1er janvier 2015.

 

[25]          À la première question soulevée, je décide que l’effet du Règlement ne pouvant être rétroactif, je dois examiner l’irrecevabilité de la demande d’arbitrage en fonction du texte en vigueur à la date de cette décision.   Ainsi la disposition de la dénonciation dans un délai raisonnable, ne pouvant excéder 6 mois s’applique en l’espèce;

 

7.         Cette sentence arbitrale de Me Jean Morissette, qui fait une revue importante des auteurs et de la jurisprudence existante, encadre bien notre débat et jette les bases de notre discussion.

 

8.         Dans 3093-2313 Québec Inc. et Alexandra Létourneau et Louis Bouchard et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ,2 12 novembre 2015, l’arbitre Me Roland-Yves Gagné, appelé à décider du remboursement de frais d’expertises, nous soumet les propos suivants :

 

[459]        Le Tribunal d’arbitrage conclut qu’à défaut de dispositions transitoires exprimées par le Législateur, le nouvel article 124 du Règlement tel qu’amendé n’est pas applicable pour le contrat de construction objet du présent arbitrage, conclu entre deux particuliers, soit les Bénéficiaires et l’Entrepreneur, du contrat de garantie aussi entre particuliers, avant l’entrée en vigueur du nouvel article le 1er janvier 2015.

 

[460]        En 2009, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont conclu un contrat, l’Entrepreneur a accepté de leur construire un bâtiment résidentiel pour un prix précis, et les Bénéficiaires ont payé un montant précis à même le prix payé pour obtenir la couverture du Plan de garantie géré par l’Administrateur, selon le Règlement d’ordre public alors en vigueur.

 

[461]        Le Règlement alors en vigueur « gouvernait le contenu des plans de garantie et des contrats qu’offre l’entrepreneur ».

 

[462]        Il n’y a aucune disposition précise dans le Règlement amendé en vigueur depuis le 1er janvier 2015 qui stipule que l’article 124 amendé est applicable

 

[462,1]    aux contrats de construction conclus avant cette date;

 

[462.2]    aux réclamations pour la mise en œuvre du Plan de Garantie reçue par l’Administrateur avant cette date.

 

[463]        Le Tribunal d’arbitrage soussigné considère que, faute de disposition précise à ce sujet de la part du Législateur, il ne peut ajouter cette disposition.

 

9.         La preuve au dossier révèle les éléments de faits suivants :

 

- 27 janvier 2012 - contrat préliminaire

- 28 mai 2013 - date de réception des travaux

- 20 juin 2013 - contrat d’achat notarié

- 25 août 2015 - dénonciation de déficiences

- 10 novembre 2015 - inspection par M. Robert Roberge

- 1er décembre 2015 - décision de M. Robert Roberge par l’Administrateur de la Garantie;

 

10.      Le contrat d’entreprise liant les parties, en date du 27 janvier 2012, est donc intervenu pendant la période où le Règlement antérieur au 1er janvier 2015 était en vigueur;

 

11.      Et ce Règlement, à tout le moins quant aux éléments de droit substantif, doit trouver application.   C’est le cas ici.   Un amendement à la Loi ne peut brimer les droits des parties acquis avant ledit amendement, sauf en cas de disposition claire.   Ni le nouveau Règlement, ni le Décret 156-2014 n’édicte un effet rétroactif;

 

12.      Les Bénéficiaires, lors de l’audience, ont affirmé avoir constaté l’existence des déficiences aux points 5 et 6 de la décision dans les premiers temps de leur prise de possession en mai 2013.  Ils  n’ont cependant dénoncé ces malfaçons qu’en août 2015.

 

13.      La décision de l’Administrateur de la garantie quant aux points numéros 5 et 6 traitant de la porte de douche mal installée et de l’unité de climatisation insuffisante, reflète un manque de respect des délais apparaissant à l’article 10.3 du Règlement antérieur au 1er janvier 2015 :

 

« 10.        La garantie d’un plan dans le cas d’un manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment. »

« 3.          La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons; »

 

 

 

14.      Il est à noter que le conciliateur, M. Roberge, n’a pas ajouté « lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ».

 

15.      Il semble avoir été dans l’incertitude quant au Règlement applicable lors de sa visite et rédaction de son rapport.

 

16.      Il n’empêche que 27 mois s’étaient écoulés entre la découverte et la dénonciation des malfaçons et qu’un tel délai, limité à 6 mois ou non, était déraisonnable.

 

17.      Le tribunal retient que le Règlement antérieur au 1er janvier 2015 s’applique en l’instance.

 

18.      Le Tribunal REJETTE donc la demande d’arbitrage des Bénéficiaires et maintient la décision de l’Administrateur de la Garantie datée du 1er décembre 2015 quant aux points 5 et 6 de cette décision.

 

19.      Quant au point numéro 4 relatif aux fissures aux murs intérieurs, le tribunal retient, en l’absence de rapport d’expertise ou tout autre preuve contradictoire l’opinion du conciliateur de l’Administrateur de la garantie que ce sont des « fissures minimes et causées pour le mouvement des matériaux » dénoncés dans les trois ans qui suivent la prise de possession et ne répondant pas aux critères de vices cachés  au sens de l’article 1726 C.C.Q.

 

20.      La demande d’arbitrage des Bénéficiaires, quant au point 4 de la décision de l’Administrateur de la garantie datée du 1er décembre 2015 est REJETÉE et ladite décision MAINTENUE.

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

REJETTE en totalité la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

 

MAINTIENT   la décision de l’Administrateur de la garantie du 1er décembre 2015 quant aux points 4, 5 et 6.

 

CONDAMNE les Bénéficiaires à payer au Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure la somme de 50,00$ à titre de frais d’arbitrage.

 

CONDAMNE l’Administrateur du Plan de garantie à payer les frais d’arbitrage encourus dans le présent dossier moins la somme de 50,00$.

 

 

MONTRÉAL, le 16 juin 2016

 

 

                                                           _______________________________

                                                           Jean Doyle, avocat

                                                          Arbitre

 

 

Autorités citées :

 

Syndicat des copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin limitée et la Garantie Abritat Inc.1

 

3093-2313 Québec Inc. et Alexandra Létourneau et Louis Bouchard et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ,2

 

Félix Nazco et Anna Teresa Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.