En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
ENTRE
Monsieur Jalil Amor et madame Maha Bensouda
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET S.E.C. Prince of Wales Inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC (Qualité-Habitation)
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie: 47353
No dossier SORECONI : 0812170001
Décision rendue le 7 mai 2009
Arbitre : Guy Pelletier
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Jalil Amor
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Giovanni Migliara
Pour l’Administrateur : Me Avelino De Andrade, procureur
Monsieur Michel Labelle, responsable conciliation
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 18 décembre 2008.
Historique et pièces :
23 septembre 2007 : |
Contrat préliminaire de garantie |
31 décembre 2007 : |
Date prévue au contrat pour la livraison de l’unité d’habitation |
2 avril 2008 : |
Réclamation auprès de l’Entrepreneur |
15 mai 2008 : |
Livraison de l’unité d’habitation |
3 septembre 2008 : |
Acte de vente |
30 septembre 2008: |
Réclamation auprès de l’Administrateur |
18 novembre 2008 : |
Décision de l’Administrateur |
17 décembre 2008: |
Demande d’arbitrage |
Introduction :
[1] Le 23 septembre 2007, le Bénéficiaire signe le contrat préliminaire de vente et de garantie obligatoire de CONDOMINIUM comportant la clause de livraison suivante :
« 1.2 Possession : Le prometteur-acheteur prendra réception du bâtiment et deviendra propriétaire de l’immeuble le 31e jour du mois de décembre 2007. »
[2] Le 15 octobre 2007, le Bénéficiaire apprend par un courriel de madame Sylvie Cabana, agent immobilier, que la livraison de l’unité serait retardée à la fin de janvier 2008 à cause d’Hydro-Québec.
[3] Le Bénéficiaire apprend par la suite que la date est repoussée de nouveau, pour être fixée au 15 mai 2008.
[4] Jugeant qu’il a subi un préjudice financier, le Bénéficiaire fait une réclamation à l’Entrepreneur le 2 avril 2008 pour retard de livraison.
[5] Le 30 septembre 2008, le Bénéficiaire dépose une demande de réclamation auprès de l’Administrateur.
[6] Le 13 novembre 2008, l’Entrepreneur avise le Bénéficiaire qu’il refuse sa réclamation pour retard au motif qu’il n’a supporté aucun frais additionnel d’entreposage ou de déménagement étant donné qu’il a occupé son logement jusqu’à l’expiration du bail à la fin de mai 2008.
[7] Le 18 novembre 2008, l’Administrateur rend une décision qui se lit comme suit :
« … Suite à l’étude du dossier, nous constatons que vous n’avez pas encouru de frais supplémentaires tel que spécifié à l’article 6.6.1.2 du texte de garantie.
En effet, selon votre bail celui-ci se terminait le 30 mai 2008, date postérieure à la prise de possession soit le 15 mai 2008.
Par conséquent, nous devons vous informer que La garantie Qualité Habitation ne peut donner suite à votre demande de réclamation pour retard de livraison… »
[8] Insatisfait de la décision, le Bénéficiaire fait une demande d’arbitrage le 17 décembre 2008.
L’audition :
[9] L’audition se tient le 14 avril 2009 au domicile du Bénéficiaire.
[10] Monsieur Jalil Amor témoigne à l’effet que le motif du retard invoqué par l’Entrepreneur est erroné, tel qu’il est précisé dans une lettre d’Hydro-Québec qui rejette toute responsabilité.
[11] Monsieur Amor plaide qu’il a subi un préjudice financier de 4 mois et demi, soit le délai entre la date de livraison prévue au contrat, le 31 décembre 2007 et la date de prise de possession de l’unité d’habitation, le 15 mai 2008. Il estime le préjudice à 750.00$ par mois, soit un total de 3 375.00$
[12] Sans en estimer la valeur monétaire, monsieur Amor ajoute que, lui et sa famille, ont subi aussi beaucoup de stress et d’inconvénients causés par ce retard.
[13] Puisqu’il devait originalement prendre possession de sa nouvelle propriété avant l’expiration de son bail, monsieur Amor dit qu’il avait réussi à s’entendre avec son propriétaire pour que ce dernier trouve un autre locataire pour les 5 mois qui resteraient à courir sur la location.
[14] Suite à l’annonce répétée des retards de livraison, monsieur Amor témoigne à l’effet qu’il a dû convaincre à nouveau son propriétaire d’accepter un changement de situation pour qu’il puisse demeurer dans son logement.
[15] Me De Andrade, procureur de l’Administrateur, s’objecte à ce que cette déposition soit retenue en preuve car l’Administrateur ne peut interroger ni le propriétaire, ni l’éventuel locataire qui devait occuper le logement.
[16] Me De Andrade demande à monsieur Amor s’il possède une copie de l’annulation de son bail avant terme et lui demande aussi qui a trouvé le nouveau locataire.
[17] Monsieur Amor confirme qu’il n’a pas cette copie et que c’est le propriétaire qui a trouvé le nouveau locataire.
[18] Me De Andrade dit trouver inhabituelle cette façon de faire, puisqu’il appartient généralement au locataire qui veut mettre fin à son bail avant terme ou sous-louer le logement, de proposer à son propriétaire un candidat pour le remplacer.
[19] À la demande de Me De Andrade, monsieur Amor confirme que le bail qu’il a signé était d’une durée de 12 mois et qu’il se renouvelait ainsi d’année en année.
[20] Monsieur Migliara, représentant l’Entrepreneur, témoigne à l’effet qu’il y a eu retard et que le retard n’est pas dû directement à Hydro-Québec mais au délai qu’a pris la Commission électrique de Montréal à accorder une dérogation pour l’installation de fils aériens.
[21] Me De Andrade demande au conciliateur monsieur Michel Labelle d’expliquer la décision qui a été rendue.
[22] Ce dernier explique qu’il n’a pas constaté de frais supplémentaires et que le Bénéficiaire n’avait pas de pièces justificatives pour appuyer la réclamation.
[23] En argumentation, monsieur Amor rappelle qu’il a fourni les 5 chèques représentant les montants qu’il a dû payer inutilement suite au retard à la livraison du bâtiment et qu’il a dû se débattre afin de demeurer dans son logement après un revirement de situation dont la responsabilité incombe à l’Entrepreneur.
[24] Considérant que le Bénéficiaire avait droit au maintien dans les lieux, Me De Andrade plaide que le demandeur, qui a le fardeau de la preuve, n’a pas prouvé qu’il avait déboursé des frais additionnels pour le relogement.
[25] Me De Andrade argumente que le Bénéficiaire ne se qualifie pas au sens de l’article 6.6.1.2 du contrat de garantie car il n’a pas fourni de pièces justificatives et que la réclamation ne doit pas créer d’enrichissement. Me De Andrade conclut qu’il n’y a pas eu de préjudice monétaire.
[26] Me De Andrade rappelle aussi que la procédure prévue à l’article 17.1 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs n’a pas été respectée par le Bénéficiaire. Selon son interprétation, la réclamation devait être faite par courrier recommandé et transmise à l’entrepreneur « au plus tard dans les 90 jours qui suivent la réception du bâtiment ». Or, précise-t-il, selon la preuve au dossier, il appert qu’une première réclamation a été faite en avril 2008, avant la prise de possession, et une seconde réclamation en septembre 2008, soit plus de 90 jours après la réception des travaux.
[27] Monsieur Amor argumente finalement qu’il a suivi la procédure requise pour faire sa réclamation en présentant sa réclamation le plus tôt possible.
Analyse :
[28] Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si la réclamation du Bénéficiaire, pour retard de livraison du bâtiment, est recevable dans le cadre des exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[29] Il convient de rappeler le droit applicable en regard de la couverture de la garantie dans la situation où se produit un retard de livraison. L’article 26 du règlement se lit ainsi à:
I. Couverture de la garantie
26. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1° …
2° dans le cas d'un contrat d'entreprise:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ce dernier;
b) soit le parachèvement des travaux lorsqu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;
3° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:
a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;
b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.
(les soulignements sont de l’arbitre)
[30] Aux fins de l’application de cette couverture, les limites de la garantie sont précisées à l’article 30 :
III. Limites de la garantie
30. La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants:
1° …
2° pour la protection à l'égard du relogement, du déménagement et de l'entreposage des biens du bénéficiaire, sur présentation des pièces justificatives et à la condition qu'il n'y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire, 5 000 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété soit: (5 500 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
a) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le déménagement et l'entreposage;
b) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le relogement comprenant gîte et couvert sans toutefois dépasser, sur une base quotidienne:
- pour 1 personne: 75 $; (85 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
- pour 2 personnes: 100 $; (110 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
- pour 3 personnes: 125 $; (140 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
- pour 4 personnes et plus: 150 $; (170 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
[31] Quant au mécanisme de mise en œuvre de la garantie, la procédure décrite à l’article 33.1 s’applique de la façon suivante :
33.1. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 26 :
1° au plus tard dans les 90 jours qui suivent la réception du bâtiment, le bénéficiaire doit transmettre à l'entrepreneur, par courrier recommandé, une demande de remboursement des frais de relogement, de déménagement et d'entreposage de ses biens incluant les pièces justificatives. En l'absence de règlement, au moins 15 jours après l'expédition de la demande, le bénéficiaire en avise par écrit l'administrateur qui doit statuer sur la demande dans les 15 jours qui suivent la réception de cet avis ;
[32] Le règlement prévoit des indemnités pour le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens d’un bénéficiaire dans le cas d’un manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles et, dans ce cas-ci, lorsque le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur.
[33] En ce qui concerne la situation du Bénéficiaire dans cette cause, il fut admis par l’Entrepreneur qu’il y a eu retard.
[34] Dans les circonstances actuelles, le Bénéficiaire pourrait donc se qualifier pour réclamer des indemnités de relogement, de déménagement et d’entreposage des ses biens si les conditions prévues à l’article 30 du règlement étaient respectées.
[35] Me De Andrade a plaidé que le Bénéficiaire n’avait pas respecté les mécanismes prévus au règlement pour faire sa réclamation tel que le prévoit l’article 33.1 (l’article 17.1 étant pratiquement identique pour les unités non détenues en copropriété divise).
[36] Selon les dispositions de cet article, le Bénéficiaire doit transmettre sa réclamation à l’entrepreneur au plus tard dans les 90 jours qui suivent la réception des travaux.
[37] Le Bénéficiaire a transmis sa réclamation avant la réception des travaux, en avril 2008.
[38] Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal est d’avis que le texte de la réglementation n’est pas limitatif et, en ce sens, n’exclut pas le fait que la réclamation puisse être transmise avant la réception des travaux. Ainsi la réclamation du Bénéficiaire ne souffre pas d’un vice de procédure quant au délai de réclamation.
[39] Dans son témoignage, monsieur Amor confirme avoir choisi de demeurer dans son logement jusqu’à la date de réception du bâtiment plutôt que de mettre fin à son bail et de déménager.
[40] Selon l’argumentation de Me De Andrade, le Bénéficiaire avait droit au maintien dans les lieux et pouvait occuper son logement jusqu’à l’expiration du bail sans coût additionnel, ce qu’il a fait.
[41] Monsieur Amor a plaidé le fait qu’il a inutilement payé 4 mois et demi de loyer alors qu’il aurait dû occuper son unité d’habitation en décembre 2007.
[42] En choisissant cette solution, le Bénéficiaire devait prouver, avec des pièces justificatives à l’appui, qu’il a encouru des dépenses additionnelles et que sa réclamation ne constituait pas un enrichissement injustifié.
[43] Pour établir si le paiement de la réclamation peut créer enrichissement injustifié, il importe de considérer l’ensemble des frais que devait supporter le Bénéficiaire durant la période de retard à la livraison.
[44] La question suivante se pose : est-ce que le Bénéficiaire a dû payer d’autres frais que le coût de son loyer prévu au bail durant la période de retard?
[45] Le Bénéficiaire n’a pas démontré que le retard lui a occasionné des frais plus élevés que ce qu’il aurait payé en prenant possession son condominium à la date prévue au contrat.
[46] Selon les termes de l’acte de vente[1], le Bénéficiaire a effectué le 3 septembre 2008 devant le notaire, le versement final pour l’acquisition de son unité.
[47] Ce déboursé important plus de trois mois après la possession du 15 mai 2008, laisse croire que la situation a plutôt été à l’avantage du Bénéficiaire.
[48] Le Tribunal en vient à la conclusion que des frais additionnels d’hébergement n’ont pas été payés par le Bénéficiaire durant la période de retard entre le 1ier janvier et le 15 mai 2008 et que donner droit à cette réclamation pourrait constituer un enrichissement injustifié.
[49] L’arbitre reconnaît que le retard de livraison, suite à un manquement de l’Entrepreneur à ses obligations contractuelles, a causé malheureusement au Bénéficiaire un préjudice non monétaire qui n’est pas prévu à la couverture de la garantie tel que stipulé à l’article 26 du règlement.
DÉCISION :
[50] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»
[51] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[52] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que la réclamation du Bénéficiaire ne se qualifie pas selon les exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[53] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et comme le Bénéficiaire n’a pas obtenu gain de cause sur aucun point de sa réclamation, l’arbitre doit partager les coûts. Conséquemment, considérant que le présent règlement peut être assimilé aux autres règlements visant la protection des consommateurs, l’arbitre fixe à 68.00$ le montant des frais judiciaires à être payé par le Bénéficiaire, suivant la grille des frais de la Division des petites créances de la chambre civile de la Cour du Québec
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[54] REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
[55] MAINTIENT la décision de l’Administrateur en date du 18 novembre 2008;
[56] CONDAMNE le Bénéficiaire à payer 68.00$ à titre de frais d’arbitrage;
[57] CONDAMNE l’Administrateur à payer la balance des frais d’arbitrage;
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 7 mai 2009