TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide du CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC), organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N°: S05-0503-NP
MONTRÉAL, le 28 novembre 2005
ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.
GILLES SÉGUIN et JACINTHE RENAUD-SÉGUIN
Bénéficiaires
c.
G. LEMAY CONSTRUCTION (1998) INC.
Entrepreneur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.
Administrateur de la garantie
SENTENCE ARBITRALE
[1] Il s’agit d’un arbitrage institué en vertu du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) ci-après «Règlement».
[2] Les bénéficiaires ont passé contrat avec l’entrepreneur pour la construction d’une résidence à Gatineau.
[3] Alléguant que la construction comporte des malfaçons, et devant le refus de l’entrepreneur de les corriger, les bénéficiaires mettent en oeuvre le programme de garantie contractuelle fournie par l’entrepreneur : la «Garantie maisons neuves» administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (La Garantie).
[4] L’arbitre soussigné est mandaté par le Centre canadien d’arbitrage commercial (C.C.A.C.) conformément à son «Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs» (R.A.P.G.).
[5] La procédure d’arbitrage débute par une conférence préliminaire tenue le 29 août 2005. De nombreux délais sont survenus avant que ne débute l’audition de la présente demande d’arbitrage, le 5 octobre 2005, qui est suivie par une visite des lieux. Avant le début de l’audience, toutes les parties à l’instance signent un consentement aux prorogations de délais.
[6] Au début de l’audience, les parties ont confirmé avoir convenu ou accepté la nomination du soussigné comme arbitre. Elles ont aussi reconnu la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles ont enfin convenu que la décision de l’arbitre les liera et ont convenu de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2).
[7] Et l’arbitre rappelle aux parties que cet arbitrage est régi par les lois en vigueur dans la Province de Québec, par le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et par le Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Il est convenu que les règles de preuve et les règles de procédures sont celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour favoriser la meilleure et toute l’administration de la preuve.
[8] Les personnes suivantes sont présentes lors de l’audience et de la visite des lieux :
Gilles Séguin et Jacinthe Renaud-Séguin, bénéficiaires ;
Jean Lemay, représentant de l’entrepreneur ;
David Ferrera et François Beaulieu, représentants du sous-traitant ;
Marcel Lapierre, inspecteur-conciliateur.
La demande d’arbitrage
[9] La demande d’arbitrage du 26 mai 2005 porte sur le seul point du rapport de l’inspecteur-conciliateur : interstices entre les lattes des planchers de bois franc au salon, à la salle à manger, dans le passage et à la salle familiale.
Les faits
[10] La chronologie des événements tel que nous la révèle la preuve non contestée apportée lors de l’audience est la suivante :
(Note : = bénéficiaires ; = entrepreneur ; = administrateur de la garantie)
2 mai 2002 : entre et : contrat d’entreprise ;
23 octobre 2002 : de : déclaration de réception du bâtiment ;
30 mars 2004 : de à : listes des corrections à apporter demandée ;
15 avril 2004 : de à : liste des travaux de correction à apporter :
plancher de bois franc : fissures des lattes et interstices ;
10 juin 2004 : de à : non satisfaits de la décision de l’entrepreneur en plancher (rétrécissements anormaux) ;
6 octobre 2004 : Mercier : rejet de la réclamation ;
28 octobre 2004 : de à : suivi de la réclamation ;
17 janvier 2005 : de à : demande de réclamation à La Garantie ;
1 février 2005 : de à : avis de 15 jours ;
16 février 2005 : de à : refus de donner suite : retard de la dénonciation;
29 avril 2005 : de : inspection ;
10 mai 2005 : de : décision de l’inspecteur-conciliateur ;
26 mai 2005 : de : demande d’arbitrage.
[11] Le 2 mai 2002, les bénéficiaires signent avec l’entrepreneur un contrat d’entreprise pour la construction d’un bâtiment résidentiel selon plans et devis. Le 23 octobre 2002, les nouveaux propriétaires signent la déclaration de réception du bâtiment (étape 5) sous réserve de quelques éléments à corriger ou à parachever. La preuve démontre que tous les éléments indiqués à la déclaration de réception du bâtiment ont été corrigés ou parachevés par l’entrepreneur. La demande d’arbitrage porte sur la condition des planchers de bois franc dont il n’est aucunement question à la déclaration précitée.
[12] Le témoignage non contredit des bénéficiaires nous explique comment se sont déroulées les choses.
[13] Lors de la prise de possession du bâtiment, le 23 octobre 2002, le représentant de l’entrepreneur leur indique de prendre en note les travaux de correction à effectuer et de soumettre une liste de ces travaux uniquement lorsque l’entrepreneur en ferait la demande par écrit. Il indique également que cette demande sera faite après un cycle complet de 1 an, de toutes les saisons, pour identifier les déficiences. Cette demande de l’entrepreneur datée du 30 mars 2004 est reçue quelques jours après cette date, plus de 18 mois après la déclaration de réception du bâtiment. Le 15 avril 2004, les bénéficiaires transmettent par télécopieur la liste des travaux de correction à apporter. Cette liste est datée du 13 avril 2004. Au nombre des travaux de correction, on note la mention suivante :
“Planchers de bois en chêne :
· Fissures de plusieurs planches de chênes (sic)
· Trop grand espace entre certaines planches”
[14] Les travaux de corrections sont exécutés promptement par l’entrepreneur sauf en ce qui concerne les planchers de chêne. Entre le 15 avril 2004 et le 17 janvier 2005, date de la demande de réclamation, plusieurs échanges ont lieu entre les bénéficiaires, l’entrepreneur et le sous-traitant en plancher ; et plusieurs visites d’inspection des planchers sont faites. Devant la décision de l’entrepreneur de ne pas réparer le plancher, alléguant que la séparation des lames de bois a été causée par un contact avec de l’eau, les bénéficiaires mettent en oeuvre le programme de garantie contractuelle fournie par l’entrepreneur en vertu du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et présentent la demande de réclamation le 17 janvier 2005.
[15] L’inspecteur-conciliateur fait une inspection de la résidence le 29 avril 2005 et rend une décision concernant la demande des bénéficiaires dans un rapport daté du 10 mai 2005.
[16] Dans son rapport, l’inspecteur-conciliateur traite ainsi de la question des planchers de bois franc :
“La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut considérer le point 1 dans le cadre du contrat de garantie :
Nous constatons que la situation ci-après dénoncée le fut par écrit le 13 avril 2004, soit après l’échéance de la garantie portant sur les malfaçons non apparentes (article 3.2 du contrat de garantie), dont la durée est de douze (12) mois à partir de la réception du bâtiment, laquelle remonte au 23 octobre 2002.
Par conséquent nous devons statuer sur ce point uniquement dans le cadre des articles 3.3 et 3.4 du contrat de garantie concernant les vices cachés et les vices majeurs. Or nous sommes d’avis que la situation observée ne comporte pas le niveau de gravité d’un vice caché ou d’un vice majeur tel que défini au contrat de garantie. Conséquemment La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a pas à intervenir sur ce point, en fonction du contrat de garantie.
1. Planchers de bois franc
Les bénéficiaires dénoncent que des interstices sont présents entre les lattes de bois franc, plus spécialement au plancher du rez-de-chaussée.
Lors de notre visite, nous avons constaté leur présence à quelques endroits entre les lattes de bois franc, plus spécialement au passage, au salon, à la salle à manger tout comme à la salle familiale.
Les séparations les plus importantes sont d’environ 2,6 mm (3/32 po.)
Et à plusieurs autres endroits, ils (sic) sont de nature capillaire.”
[17] Non satisfaits de la décision de l’inspecteur-conciliateur contenue à son rapport, les bénéficiaires demandent l’arbitrage le 26 mai 2005.
[18] Le rapport de l’inspecteur-conciliateur ne fait aucunement état de la question des fissures de plusieurs planches de chêne. Les bénéficiaires n’abordent pas cette question dans leur demande d’arbitrage.
[19] La valeur de cette demande d’arbitrage telle qu’établie lors de l’audition se situe, entre 3,001 $ et 7,000 $.
[20] L’entrepreneur conteste la demande des bénéficiaires sur le fond même de cette réclamation. L’administrateur de la garantie conteste la demande à la fois sur le fond et au motif que cette demande est irrecevable, celle-ci ayant été déposée le 13 avril 2004, bien au-delà des délais prescrits au contrat pour s’en prévaloir.
Discussion
A) La loi des parties
[21] Le contrat de garantie fourni par l’entrepreneur est un contrat de type contrat de cautionnement par lequel La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. garantit l’exécution des travaux convenus par un entrepreneur en construction. Ce contrat est à la fois un cautionnement d’exécution, garantissant la complète exécution des travaux, et un cautionnement contre les malfaçons, garantissant la qualité des travaux exécutés.
[22] Ce contrat de cautionnement est aussi un contrat intervenu en marge d’un autre contrat, le contrat d’entreprise (le contrat de construction), et au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[23] C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties. On retrouve ces conditions à la section «B» du contrat de garantie :
“En cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., dans les limites et aux conditions décrites dans le présent contrat garantit au bénéficiaire l’exécution de ces obligations qui résultent d’un contrat conclu pour la vente ou la construction...” (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[24] Mais c’est aussi un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, mutatis mutandis, d’extraits du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs qui impose cette intégralité.
[25] À cet égard, il est utile de reproduire certaines des clauses du contrat de garantie qui régissent la présente affaire :
“3. Dans le cas de manquement de lentrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment... la garantie des bâtiments résidentiels neufs de lapchq inc. garantit ce qui suit :
3.1 Parachèvement des travaux
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. parachèvera les travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception...
3.2 Malfaçon
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil du Québec et dénoncés par écrit au moment de la réception...
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. réparera les malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, malfaçons qui sont visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec et qui sont dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons.
3.3 Vice caché
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. réparera les vices cachés qui sont découverts dans les trois (3) ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil du Québec.” (Les soulignements sont du Tribunal d’arbitrage).
[26] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs s’inscrit au chapitre les lois de protection du consommateur, qu’à ce titre il est d’ordre public et qu’on ne peut y déroger.
“3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie.
4 Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.
5 Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle.
...
140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.”
[27] Pour résumer, la garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. dans le cadre du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs est un contrat de cautionnement réglementé qui est d’ordre public.
B) Analyse
[28] Dans un premier temps, il y a lieu de décider sur la requête en irrecevabilité. Le Tribunal d’arbitrage se penchera ensuite sur la demande au fond, s’il y a lieu.
[29] L’administrateur de la garantie est ici représenté par l’inspecteur-conciliateur.
[30] L’inspecteur-conciliateur est d’opinion que la situation observée ne comporte pas le niveau de gravité d’un vice caché ou d’un vice majeur. Selon lui, il faut donc traiter la question comme en étant une de malfaçon existante mais non apparente au moment de la réception du bâtiment et découverte dans l’année qui suit la réception. Ce type de malfaçon doit être dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à la Garantie dans un délai raisonnable qui ne peut excéder 6 mois de la découverte.
[31] L’inspecteur-conciliateur constate ensuite que la déclaration de réception du bâtiment est datée du 23 octobre 2002 et que la dénonciation écrite de la malfaçon à l’entrepreneur date du 13 avril 2004. Il en conclut que cette date arrive “après l’échéance de la garantie portant sur les malfaçons non apparentes (article 3.2 du contrat de garantie), dont la durée est de douze (12) mois à partir de la réception du bâtiment, laquelle remonte au 23 octobre 2002.”
[32] Il en conclut que “La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a pas à intervenir sur ce point, en fonction du contrat de garantie.”
[33] La preuve ne permet pas de savoir à quel moment les bénéficiaires ont pris conscience des interstices entre les lames de bois. Les bénéficiaires n’en parlent pas et l’inspecteur-conciliateur ne situe pas cette prise de connaissance dans le temps.
[34] On peut cependant en conclure qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon apparente au moment de la réception : la déclaration de réception du bâtiment n’en fait pas état ; les bénéficiaires l’indiquent à la listes des travaux de correction datée du 13 avril 2004 ; l’inspecteur-conciliateur ne conteste pas que ce problème est apparu ultérieurement. Il y a donc lieu de considérer le problème comme étant une malfaçon existante et non apparente au moment de la réception du bâtiment et découverte ultérieurement.
[35] Pour les besoins de la cause, faisons l’exercice suivant. La “découverte” de la malfaçon pourrait avoir eu lieu dès le lendemain de la réception du bâtiment, le 24 octobre 2002, auquel cas la date ultime de dénonciation constituant un délai raisonnable aux termes du contrat de garantie serait le 23 avril 2003. Si par ailleurs la “découverte” avait eu lieu au dernier jour du délai de 1 an fixé à l’alinéa 2 de l’article 3.2 du contrat, soit le 23 octobre 2003, la date ultime de dénonciation serait alors le 23 avril 2004.
[36] Cette dénonciation, nous le savons, a été faite à l’entrepreneur le 15 avril 2004.
[37] À moins d’une circonstance exceptionnelle, le problème de la manifestation d’interstices entre des lattes de bois ne survient pas instantanément. Il se manifeste graduellement. De même, cette manifestation graduelle n’est généralement pas perçue dès le début de la manifestation. Ce n’est qu’après un certain temps, qui varie selon les personnes, qu’on le constate ; et ce n’est généralement pas au moment du constat qu’on y décèle un problème. C’est plutôt après avoir observé la manifestation pendant un certain temps encore qu’on l’identifie comme un problème.
[38] La preuve ne permet pas de fixer la date du constat du problème. Mais rien ne permet de fixer cette date au dernier jour du délai pour identifier un problème ; non plus que rien ne permet de fixer cette date au premier jour de la période de 1 an. Il se peut très bien que les bénéficiaires, ayant réalisé la formation d’interstices entre les lattes, aient déterminé vers la fin de la première année suivant la réception du bâtiment que cette manifestation était un problème. Auquel cas la dénonciation a été faite dans le délai raisonnable que pose le contrat de garantie.
[39] D’autre part, l’entrepreneur a lui-même allongé la période de dénonciation incluse au contrat en offrant aux bénéficiaires d’attendre sa lettre de rappel pour lui transmettre en une seule fois, la liste de tous les travaux à exécuter pour corriger les malfaçons à survenir.
[40] Or si “un bénéficiaire ne peut... renoncer aux droits qui lui confère le... règlement” (article 140 du Règlement), il peut certainement bénéficier de toute convention particulière que peut lui consentir un entrepreneur et qui ajoute aux droits déjà conférés par le Règlement.
[41] Et puisque nous sommes en présence d’un contrat de cautionnement réglementé et d’ordre public, la caution est liée par les engagements que prend l’entrepreneur, le cautionné, envers le bénéficiaire. Si des coûts additionnels en résultent, il s’agit alors d’un problème entre la caution et le cautionné ; mais le bénéficiaire ne doit certainement pas en faire les frais. Pas plus que la caution ne peut retirer au bénéficiaire un avantage à lui consenti par le cautionné.
[42] Pour tous ces motifs, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que le problème s’est manifesté dans la période de un an de la réception du bâtiment et que la dénonciation est survenue dans le délai imparti ; qu’il soit celui fixé par la loi ou celui consenti par l’entrepreneur. Le Tribunal est en conséquence d’opinion que la demande de réclamation des bénéficiaires est en conséquence recevable et que l’inspecteur-conciliateur aurait dû accepter de la prendre en considération.
[43] Nonobstant sa décision, l’inspecteur-conciliateur a décrit l’état des planchers, comme il est relaté plus haut.
[44] La visite des lieux a permis à l’arbitre de constater l’état des planchers. Il en ressort que sauf au rez-de-chaussée à un endroit du passage et du salon, les séparations des lattes de bois sont de nature capillaire qui répondent au degré de tolérance généralement acceptée par les règles de l’art et qui ne peuvent être qualifiées de malfaçons.
[45] Quant aux endroits du passage et du salon où les séparations sont plus importantes, madame Renaud-Séguin, questionnée par le sous-traitant en planchers, a admis, comme elle l’avait fait précédemment lors d’une visite d’inspection par l’entrepreneur et son sous-traitant, qu’un pot de fleur placé sur le plancher dans un coin du salon débordait au moment de l’arrosage et que cette situation a durée un certain temps avant qu’elle s’en aperçoive. La preuve démontre que les endroits où apparaissent les séparations constituent un rectangle qui s’étend sur presque toute la largeur du plancher du salon d’un côté et qui s’étend également au passage en passant sous le mur de division, de l’autre côté. La preuve démontre également que le rectangle dans le salon ne s’étend pas jusqu’au mur opposé qui est un mur extérieur. Il ne peut donc s’agir d’un problème causé par une infiltration d’eau.
[46] La balance des probabilités penche en faveur d’un dommage causé par les déversements d’eau successifs lors des arrosages de la plante en question et il est permis d’affirmer sans grand risque de se tromper que c’est cet écoulement d’eau qui est à l’origine de la séparation des lattes.
[47] Il ne s’agit donc pas d’un vice des matériaux utilisés ou d’une déficience dans la pose du plancher.
[48] Il ne s’agit pas d’une malfaçon et, en conséquence, il y a lieu de rejeter la réclamation des bénéficiaires et la demande d’arbitrage.
[49] La décision de l’inspecteur-conciliateur est donc maintenue, mais pour des motifs différents.
C) Les frais de l’arbitrage
[50] Quant aux frais d’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :
“(...)
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.”
[51] Si l’inspecteur-conciliateur avait accepté de considérer la réclamation des bénéficiaires, sa réponse aurait peut-être convaincu les bénéficiaires de la justesse de sa décision et ils l’auraient peut-être acceptée, évitant ainsi cette demande d’arbitrage.
[52] Les frais de l’arbitrage devront donc être supportés par l’administrateur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[53] REJETTE la demande d’arbitrage des bénéficiaires.
[54] MAINTIENT bien que pour des raisons différentes, la décision de l’inspecteur-conciliateur à l’égard des planchers de bois franc.
[55] LES FRAIS de l’arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
(S) Robert Masson
Me ROBERT MASSON, ing., arb.