TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
CCAC : S18-040901- NP
GCR: 326468-1 ENTRE:
SDC 7572 WILFRID-HAMEL,
« Bénéficiaire »
c.
CLAUDE DION ENTREPRISE INC.
« Entrepreneur »
Et
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ÈS QUALITÉ D’AMINISTRATEUR DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.
« Administrateur »
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 12 NOVEMBRE 2018
YVES FOURNIER ARBITRE
/2
HISTORIQUE DES PRINCIPAUX FAITS ET PROCÉDURES
[1] La réception des parties communes par le SDC 7572 Wilfrid-Hamel prit place le 6 mai 2013. L’administrateur soutient que la réception des réclamations écrites du bénéficiaire est en date du 18 janvier 2018. L’inspection faite par le conciliateur, Michel Hamel, et trois (3) membres du syndicat de copropriété se situe le 7 mars 2018. Déjà en faillite, l’entrepreneur était évidemment absent. La décision du conciliateur est du 19 mars 2018.
[2] Le 9 avril 2018, la trésorière du syndicat, madame Nancy Brassard, transmettait un courriel à madame Julie Houle du Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) l’avisant que le bénéficiaire demandait l’arbitrage quant à la décision de l’administrateur. Madame Brassard s’exprimait ainsi :
…
En effet, malgré nos démarches et la remise de 4 rapports d’expert, Abritat ne considère pas la situation comme étant problématique.
Nous désirons porter en arbitrage l’ensemble des demandes incluses dans la réclamation qui se résume dans la décision en trois points : Condensation à l’entre-toit, absence de trappe d’accès et construction différente des plans d’architecture.
…
DÉCISION DU CONCILIATEUR
1- Condensation à l’entre-toit
[3] La situation constatée par monsieur Hamel se résume ainsi :
· Gypse noirci à la surface de la séparation coupe-feu en face de la trappe d’accès sur une surface d’environ trois mètres de largeur par moins d’un mètre de hauteur.
· Cernes et noircissement sur 5 à 6 membrures sur une longueur de plus ou moins 2 mètres des fermes de toitures près du mur de séparation coupe-feu en face de la trappe d’accès.
/3
· Cernes et noircissement au pontage de la toiture près de la séparation coupe-feu en face de la trappe d’accès.
[4] Pour le conciliateur ces constations laissent croire à une perte de chaleur et d’humidité par le pourtour de la trappe d’accès et un manque de ventilation.
[5] Il note les remarques et constats apportés par Jean-Philippe Dubé de Protectoit, compagnie retenue par le bénéficiaire. La ventilation est insuffisante et inadéquate, le pontage de la toiture est en aggloméré et non en contreplaqué, tout en ajoutant qu’il y a présence de moisissure aux fermes du toit et à la séparation du coupe-feu.
[6] La décision fait état d’une « dénonciation » (terme utilisé par le conciliateur) de l’avocat du syndicat en date du 10 juillet 2015 qui souligne les points suivants :
· Formation de glace sur la toiture.
· Écoulement d’eau par la trappe d’accès.
· Apparition de moisissure.
· Dégradation des structures boisées sur l’entretoit sous forme de noircissement.
· Accumulation de rouille sur les structures métalliques de l’entretoit.
L’avocat précise que les dommages sont susceptibles d’occasionner d’autres problématiques majeures à l’immeuble, notamment, en affectant sa structure.
[7] Pour donner suite à cette lettre l’entrepreneur n’aurait procédé qu’au remplacement de la trappe d’accès et aurait appliqué une peinture sur les surfaces finies entourant la trappe d’accès.
[8] Il est noté dans la décision que « le syndicat n’a pas jugé opportun d’ouvrir un dossier de réclamation » auprès de la garantie lors du constat des problématiques.
1- Absence de trappe d’accès au jumelé adjacent
/4
[9] Monsieur Dubé a soutenu que l’absence de trappe dans l’autre condo situé à l’étage laisserait présumer que la situation serait la même que pour la partie munie d’une trappe. Le conciliateur réplique au rapport que les conditions pourraient être différentes.
2- Construction différente des plans d’architecture
[10] Le syndicat indique que la construction diffère des plans soumis. L’arbitre indiquera lors de son témoignage que la garantie ne permet pas un recours sur une telle base.
- Décision
[11] L’administrateur n’est pas en mesure d’établir que les situations observées sont de nature à causer la perte de l’ouvrage et qu’elles ne rencontrent pas les critères de vice majeur de construction au sens de l’article 10.5 du Règlement.
[12] De plus, l’historique du dossier permet de comprendre que les problèmes que dénonce le syndicat sont connus de sa part depuis le 10 juillet 2015 quant au premier point. Le syndicat aura mis plus de deux ans pour ouvrir un dossier de réclamation, délai qui est déraisonnable.
PREUVE DU BÉNÉFICIAIRE
NANCY BRASSARD
[13] Madame Nancy Brassard décrit ainsi l’immeuble : 2 copropriétés au rez-de-chaussée et 2 autres à l’étage. Pour ces 2 dernières, l’une possède une trappe pour aller dans l’entretoit et l’autre qu’elle habite n’en possède pas.
[14] Son voisin, François April, constate en 2015 l’apparition de moisissure et de taches noires autour de sa trappe d’accès. Le syndicat tente de faire intervenir l’entrepreneur, mais c’est sans succès. Le syndicat avise l’entrepreneur qu’il s’adressera à l’administrateur vu son refus de s’exécuter.
[15] L’entrepreneur se présente le 23 juillet 2015. Une lettre est transmise tant à l’entrepreneur qu’à l’administrateur. Elle fut reçue par l’APCHQ le 3 août 2015 Après cette visite, madame Brassard, ayant consigné les travaux à faire selon l’entrepreneur, avise ce dernier par écrit de s’exécuter tel qu’il s’était engagé.
/5
[16] L’entrepreneur leur a représenté que la problématique se situait uniquement au niveau de la trappe. Il changea effectivement celle-ci et appliqua une peinture à certains endroits. Les explications données par l’entrepreneur semblaient plausibles pour le syndicat. Il avait réponse à toutes les interrogations aux dires de madame Brassard. Pour l’entrepreneur tout convergeait vers la trappe.
[17] La représentante du syndicat communiqua par la suite avec la garantie pour les aviser que l’entrepreneur s’était exécuté et qu’il faudrait peut-être ouvrir un dossier. On lui répond :
Quand même que vous ouvrez un dossier ça donne rien, il n’y a rien d’autre à faire.
[18] Pour madame Brassard, dans ces circonstances, il n’y avait pas lieu alors pour le syndicat d’ouvrir un dossier puisque l’entrepreneur s’était exécuté.
[19] Aucune problématique ne s’est manifestée par la suite. Monsieur François April vérifia à quelques reprises sans constater à nouveau les problématiques déjà apparues.
[20] En janvier 2018, madame Brassard met son condo à vendre. Le potentiel acheteur fait une offre conditionnelle à ce qu’une inspection soit faite. En présence de l’inspecteur, Gilles Bilodeau, l’eau s’est mise à couler lorsque la trappe fut soulevée par celui-ci. L’acheteur s’est forcément désisté.
[21] Le même jour, le 17 janvier 2018, madame Brassard transmet une lettre (A-7) à l’entrepreneur, Claude Dion Entreprise Inc., avec copie conforme à l’APCHQ faisant état qu’une lettre leur avait été transmise en 2015 ajoutant que les travaux exécutés alors n’avaient nullement réglé la situation et qu’il y avait lieu de procéder à des travaux correctifs. Je reprends quelques passages de cette lettre:
Nous vous avions déjà fait part de nos inquiétudes à ce sujet en 2015 à la suite de l’observation de moisissures sur l’extérieur de la trappe d’accès au toit. Nous vous avions alors transmis une lettre déposée en main propre à vos bureaux par le président du Syndicat de la
copropriété, M. Gervais Madore. Après la réception de cette lettre, votre entreprise est venue constater le problème le 23 juillet 2015
/6
Vous avez ensuite simplement procédé au remplacement de la trappe en tant que tel affirmant, entre autres, que le problème était relié à
l’étanchéité de l’ancienne trappe et non à un problème de toiture ou de ventilation.
Nous constatons aujourd’hui que le remplacement de cette trappe n’a pas réglé le problème et qu’il y a toujours une déficience. Nous demandons une inspection complète de la toiture et de l’entre toit par un expert qualifié dans ce domaine afin de déterminer la source du problème. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un problème relié à la construction de l’immeuble et que vous devez effectuer les travaux nécessaires à la remise en état des composantes touchées.
Compte tenu de la nature importante du problème, des impacts négatifs à court terme que cela pourrait occasionner à l’intégrité même de l’immeuble et du fait que ce problème a déjà été porté à votre attention, nous vous demandons de procéder immédiatement aux travaux afin d’apporter les correctifs nécessaires dans les plus brefs délais. (Je souligne)
[22] Une seconde lettre (A-8) est transmise à l’entrepreneur et à Abritat, le 18 janvier 2018, exposant les constations de l’expert en toiture, Jean-Philippe Dubé, que le syndicat avait retenu :
Suite à l’envoi de notre première lettre datant du 17 janvier, nous avons engagé un expert en inspection de toiture. À la suite de l’inspection, il s’avère qu’il y a des vices majeurs au niveau de la toiture et de l’entre toit tel que, la présence de moisissure, de l’eau, de l’humidité excessive, un manque de ventilation et un manque d’isolation important. Ces facteurs ont vraisemblablement fait cuire la toiture causant le vieillissement prématuré de la structure et du revêtement de toiture.
De plus, le mur coupe-feu situé entre les deux unités de condo est noirci et dégage une chaleur excessive démontrant un manque d’isolation et met en péril le bâtiment. Il a également été possible de constater que les matériaux utilisés ne sont pas adéquats et ne respectent pas les descriptions indiquées sur les plans d’architecte en
notre possession. Il semble également que la moitié de la toiture située d’un côté du mur coupe-feu est complètement inaccessible (aucun accès par le toit, ni par le plafond).
/7
Ce constat démontre que les vices sont majeurs et qu’ils compromettent l’intégrité même de l’immeuble.
Compte tenu de la nature importante des problèmes et des impacts négatifs que cela occasionne à l’intégrité même de l’immeuble, nous vous demandons de procéder immédiatement aux travaux afin d’apporter les correctifs nécessaires dans les plus brefs délais afin d’éviter que la situation s’aggrave davantage.
(Je souligne)
[23] Plus de quinze jours après l’envoi de la lettre un dossier est ouvert auprès de la garantie. Entre-temps, le syndicat retient les services de Jean-Philippe Dubé de Constructions Protectoit Inc., lequel fait son rapport le 22 janvier 2018 (A-10).
[24] L’assureur est également avisé de la situation et celui-ci mandate Constructions Laffer Inc. pour évaluer la situation. Le 1er février 2018, la compagnie fait rapport (A-12) :
Par la présente, nous vous confirmons que nous avons fait des vérifications au niveau l’entre toit pour constater, selon notre expérience qu’il y a vraisemblablement un problème majeur de ventilation au niveau de ce dernier. Les dommages sont tous au niveau de la structure. L’aspenite est gorgé d’humidité, les chevrons que l’on voit sont également attaqués par l’humidité, le mur coupe-feu en gypse est noirci, ce problème est dû à une perte de chaleur, peut-être normale ou venant d’un conduit de ventilation, donc condensation. On remarque que la prise d’air extérieur n’est peut-être pas assez grande et il manque aussi un maximum sur le toit. Un expert en toiture pourrait avoir une solution.
(Je souligne)
[25] Madame Brassard soutient que lors de la visite du conciliateur, celui-ci considérait qu’il s’agissait d’un « problème sans gravité » et qu’il y avait une problématique au niveau des délais.
[26] En contre-interrogatoire, madame Brassard fait valoir que le syndicat s’est fié à l’entrepreneur et ce qu’il disait « semblait logique et vraisemblable ». La
/8
situation actuelle est davantage grave et problématique pour ce qu’elle a pu constater à une première époque.
JEAN-PHILIPPE DUBÉ
[27] Monsieur Dubé est le signataire du rapport de Constructions Protectoit Inc. du 22 janvier 2018 (A-10). Il exerce dans le domaine de la toiture depuis 15 ans. Il a débuté comme couvreur, puis estimateur et chargé de projets au niveau des hôpitaux, écoles et bâtiments publics.
[28] Il a constaté une déficience au niveau de la ventilation causant ainsi une accumulation de chaleur et d’humidité dans l’entretoit. Le type de bois utilisé pour le pontage est inadéquat pour le type de toiture en cause.
[29] Il observa une forte présence d’eau au niveau du pontage et de la structure, ce qui apporte une accumulation d’eau dans la laine minérale, un gonflement dans l’aggloméré en plus de constater une forte présence de moisissure aux fermes de toit et des pointes de clous rouillés.
[30] Le mur coupe-feu laisse croire qu’il génère une perte de chaleur et une migration de l’humidité sans compter celle due au manque de ventilation. Le gypse au niveau du mur coupe-feu se désagrège et il porte des traces de moisissure tout comme la structure du toit (pontage et poutre), (photos 6 et 7).
[31] Les tuyaux de ventilation de l’échangeur d’air dégagent beaucoup de chaleur. Il y aurait lieu de les recouvrir avec de l’isolant et bien les sceller.
[32] Il conclut qu’il s’agit d’un vice de construction. Il le caractérise ainsi :
…dû à un manque important d’isolation et de ventilation, ce qui apporte généralement une détérioration, prématurée de la charpente, de la toiture et de la bâtisse en soi.
[33] En contre-interrogatoire, il étaye la problématique laquelle existait, selon lui, depuis l’origine du bâtiment tout en précisant que la détérioration s’est faite au cours des années d’autant que la moisissure ne se crée pas en six (6) mois.
/9
[34] Le témoin Dubé a passé en revue cinq des neuf photos ciblées par Me Baillargeon et prises par le témoin lors de son expertise. Il est d’intérêt d’en rapporter son descriptif.
[35] La photo #1 atteste les traces d’humidité sur la poutrelle et l’aggloméré. Ce dernier est détrempé. Quant à la poutrelle, elle montre de la moisissure.
[36] La photo #2 démontre que l’aggloméré est détrempé au complet. Le haut de la poutrelle laisse voir la même situation.
[37] Quant à la photo #3, il dira qu’on peut voir clairement que la planche est détrempée tout comme le coupe-feu. Les traces de moisissure apparaissent pratiquement partout.
[38] La photo #6 présente le bois mouillé et les traces de moisissure.
[39] La photo #8 révèle une forte présence d’eau partout.
[40] Me Baillargeon lui donne une définition du vice caché et du vice de construction tout en expliquant leur différence. Il fait remarquer que pour qu’il y ait un vice de construction :
… II faut que le bâtiment soit en péril à court ou à long terme. Est-ce qu’en l’espèce la situation actuelle peut mettre le bâtiment en péril?
[41] Monsieur Dubé considère qu’il s’agit d’un vice majeur et non d’un vice caché et d’ajouter :
L’aggloméré et la poutrelle vont perdre de la résistance. C’est certain que si on laisse la situation comme ça, on va avoir de sérieux problèmes.
YVAN BLOUIN ARCHITECTE
[42] Monsieur Blouin a été reconnu à plusieurs reprises comme expert devant les tribunaux civils du Québec. C’est lui qui a élaboré les plans pour le bâtiment en cause. En revanche, il n’a cependant pas procédé à la surveillance des travaux.
/10
[43] Le procureur de l’administrateur a émis une certaine réserve dû au fait qu’il a procédé à la conception des plans. Le Tribunal est d’avis qu’il existe une totale indépendance entre le bénéficiaire et l’expert. Il en aurait été autrement si monsieur Blouin avait agi pour l’entrepreneur. Dans les circonstances monsieur Yvan Blouin doit être considéré comme expert.
[44] Il a procédé à son inspection le 2 mai 2018 et il a remis son rapport le 4 juin 2018.
[45] Le témoin fait en bonne partie lecture de son rapport au cours de son témoignage. Le Tribunal se limitera à relater que les points importants qui convergent vers la problématique en cause.
- Ventilateurs
[46] Selon l’expert, les ventilateurs de forme triangulaire posés sur le toit sont en nombre insuffisant. Selon le Code de construction, il aurait dû avoir 22 unités au lieu de 4 pour le modèle utilisé. Il y a lieu de remplacer ce modèle par un autre, du type « Maximum », qui offre une meilleure surface de ventilation. La situation actuelle génère en période hivernale une présence accrue d’humidité dans le toit. Les ventilateurs n’offrent pas assez de dégagement pour l’air chaud entraînant un surplus d’humidité.
[47] Monsieur Blouin explique que l’humidité n’ayant pas le temps de s’échapper en hiver, elle se condense alors sur les parois de la toiture. Cela crée des dégâts. L’humidité touche à une membrane extérieure dont le pontage est froid. L’humidité se condense et forme le givre, lequel s’accumule continuellement pendant les journées froides. Pendant un redoux, la condensation va fondre et va générer beaucoup d’eau. Cette eau va migrer dans les isolants et va couler vers le premier orifice venu.
[48] L’expert soutient que la détérioration des poutrelles va s’accélérer tout autant pour la cage que pour les supports. On ne peut tolérer un système de ventilation non efficace car cela débouche sur une dégradation sévère du toit.
[49] On peut avancer, dit-il, que la moisissure et les taches et cette dégradation vont toujours aller en augmentant et en accélérant. La moisissure s’accumule d’hiver en hiver, et toujours plus rapidement. À un certain moment on atteindra
/11
un point de non-retour : C’est comme un arbre qui est attaqué par un élément destructif.
- Sorties d’air murales localisées au dernier niveau
[50] En inspectant le périmètre des débords de toiture, l’expert a observé en façade arrière que les grilles de sortie d’entrée d’air de l’échangeur de chaleur sont localisées en sous-face et que leurs ailettes dirigent l’air vers le mur extérieur. Cette façon de faire n’est pas adéquate, car l’air chaud et humide qui est expulsé vers l’extérieur à tendance à remonter vers le haut (effet de convection) et par le fait même, pénètre dans l’entretoit par la bande de ventilation continue à proximité. L’ajout de cet air humide dans l’entretoit contribue à la formation de givre de condensation en période hivernale.
- Inspection au périmètre immédiat de la trappe d’accès à l’entretoit
[51] À partir du périmètre de la trappe d’accès à la toiture, l’expert a observé une partie de l’entretoit. Il a remarqué les points suivants :
· Il y a apparence de rouille sur les clous visibles (figure 9) et cela est le résultat d’un taux d’humidité excessif dans l’entretoit. L’ajout de surface de ventilation va remédier à cette anomalie.
· Le panneau de support de la toiture est du type « copeaux orientés » et son grade actuel, 2012, n’est pas adapté à une utilisation extérieure. Ce panneau est conçu pour être utilisé à l’intérieur.
- Percement du plafond isolé à proximité du mur mitoyen et du mur mitoyen dans l’entretoit
[52] Lors de l’inspection, l’expert a procédé à un percement du plafond isolé (2 pieds X 2 pieds) à proximité du mur mitoyen. Ce percement lui a permis de constater les anomalies suivantes :
· Le muret mitoyen dans l’entretoit est construit tel que les plans, à l’exception qu’il n’y a pas de matériaux assurant à sa base, son étanchéité à l’air (figure 10).
/12
· L’étanchéité à l’air entre l’entretoit et le mur mitoyen n’est pas assuré, aucun scellant ou membrane n’est visible.
[53] Il conclut :
Pour une construction de ce genre, le mur mitoyen entre 2 unités est muni d’un espace d’air entre deux cloisons distinctes et cet espace d’air communique ensemble sur les quatre niveaux. Afin d’éviter que l’air de cet espace ne s’infiltre dans l’entretoit, il faut prévoir une méthode où des matériaux permettant d’y arriver. Je n’ai constaté aucune mesure en place assurant l’étanchéité de la jonction Toiture/Mur mitoyen et cette situation ne permet pas d’assurer que l’air chaud intérieur ne s’infiltre pas dans l’entretoit. Pour remédier à la situation, il faut installer une nouvelle membrane pare-vapeur sur le dessus du mur mitoyen et la jointoyer avec le pare-vapeur du plafond isolé. Ce travail, pour être bien fait, nécessite l’enlèvement d’une bande de gypse (16" de largeur) sur toute la longueur du mur mitoyen et de chaque côté afin d’y installer une nouvelle membrane pare-vapeur étanche et injecter de l’uréthane dans la base du muret mitoyen localisé au-dessus du mur mitoyen.
[54] Monsieur Blouin note que l’immeuble n’est pas en danger actuellement. En revanche, il y a une dégradation importante et prématurée du toit qui amorcera plus tard un affaissement de celui-ci.
[55] Le problème dans l’entretoit ne peut être causé uniquement par une fuite au périmètre de la trappe d’accès. Au niveau du percement qui prit place environ 12 pieds plus loin de la trappe il constate toujours le même problème : moisissure et champignons.
[56] L’expert fait valoir que l’environnement au niveau de la toiture est toxique. Considérant que l’étanchéité n’est pas parfaite, on ne peut tolérer qu’une telle situation persiste.
[57] Il ajoute qu’en période estivale, la chaleur a un effet négatif sur la membrane de la toiture.
[58] Questionné par le procureur de l’administrateur, monsieur Blouin estime qu’on ne peut laisser dépérir la situation actuelle. On ne peut accepter de vivre avec un tel défaut sur la tête. De plus, la santé des occupants est en cause. Si
/13
on retarde à s’exécuter, on devra remplacer toute la structure du toit incluant l’isolant et le gypse. Il ajoute :
Les moisissures c’est dans l’air, ça va suivre la migration de l’air et de l’eau qui la transporte, laquelle peut pénétrer dans le plafond ou ailleurs. Elle ne peut pas rester confinée.
[59] Finalement, l’ingénieur Blouin présente ainsi ses honoraires d’expert :
- Inspection et rapport d’inspection : $2,300.00
- Honoraires pour l’audience : $ 420.00
[60] La facture totale adressée au bénéficiaire est de $ 3,127.32 dollars incluant les taxes. Le bénéficiaire réclame le remboursement.
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
MICHEL HAMEL CONCILIATEUR
[61] Monsieur Hamel travaille pour la Garantie Abritat depuis 15 ans. Il a inspecté plus de 200 maisons ou petits condos. Il est notamment technicien en génie civil.
[62] Sans reprendre le contenu de son rapport, lequel fut relaté plus haut, le Tribunal ciblera les aspects complémentaires apportés par le témoignage de monsieur Hamel.
[63] Il a constaté des « parties de bois » noircies et de la laine minérale qui était sèche.
[64] Il se dit surpris qu’à la suite de la lettre du procureur du syndicat, de juillet 2015, adressée à l’entrepreneur, que celui-ci ne changea que la trappe et qu’il n’appliqua qu’une peinture pour solutionner les problèmes alors identifiés. Il ajoute de façon très transparente :
Je suis étonné que l’on n’ait pas ouvert chez nous de dossier suite à une dénonciation de cette importance. Moi, fallait ouvrir un dossier à la garantie, c’était un problème de vice caché, ça aurait probablement été couvert par la garantie. On ne s’est pas donné la peine de faire
/14
l’ouverture du dossier, ce qui fait que la situation s’est dégradée pendant deux autres années.
[65] Pour le conciliateur, il dira de la condensation dans l’entretoit:
Je comprends que ça l’importance d’un vice caché.
[66] Quant à l’absence de trappe soulignée par le syndicat, ce point ne peut être retenu puisqu’il n’existe aucune exigence au niveau du Code étant donné la hauteur de l’entretoit. Quant à la conformité au plan d’architecte, cet aspect n’est pas couvert par la garantie.
[67] Monsieur Hamel remarque que la lettre du 17 janvier 208 (A-7) adressée en copie conforme à la garantie ne souligne aucunement qu’il s’agit de l’entièreté de la toiture du bâtiment.
[68] Il soumet que les problèmes constatés en 2015’’ n’ont pas été dénoncés’’ par le syndicat.
ARGUMENTATION
BÉNÉFICIAIRE
[69] Sommairement, la représentante du syndicat indique qu’il s’agit d’un vice de construction et s’en remet, entre autres, à un article de Me François-Olivier Godin, sous le titre « Vice caché et vice de construction » : deux poids, deux mesures » (1) lequel écrit :
La notion de vice caché de conception, de construction ou de réalisation et des sois, introduit quant à elle un concept prévu à l’article 2118 du Code civil du Québec soit la perte de l’ouvrage.
Soulignons qu’il n’y a pas d’exigence à ce que le bâtiment s’écroule pour avoir droit à la protection puisque le concept de perte de l’ouvrage a une interprétation large. La présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle, même partielle de l’ouvrage suffit. C’est le risque de perte et non la survenance de celle-
________________
(1) 16 octobre 2013
/15
ci qui entraine la couverture par le plan. La jurisprudence arbitrale tend aussi à considérer la possibilité d’un risque pour la santé des occupants comme un facteur aggravant permettant de donner ouverture à la couverture.
(Références omises)
[70] À l’intérieur de cet article, il est fait référence à la décision rendue par Me Michel A. Jeannot, dans l’affaire SDC Jardins Grenoble et 9232-6941 Québec Inc. (Habitation Classique) (2) lequel écrivait :
[167] Nous savons que la notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’il y a démonstration que le défaut de construction risque de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment, une perte potentielle suffit;
[172] Un vice de conception ou de construction peut s’intégrer à la définition de vice caché, quoique le terme «vice » ne corresponde pas à la même notion juridique; le vice de 1726 C.c.Q. est fondé sur l’usage du bien alors que celui de 2118 C.c.Q. est évalué par rapport au risque de la perte du bien ou du risque d’un « danger pour la vie de l’homme en société ». Cette perte n’a pas à être totale, elle peut être partielle, potentielle ou elle peut même être de nature à rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné;
[175] La situation présente des SCD de Grenoble, de Limoges et de Nantes est problématique, la situation est dangereuse, la situation a été dénoncée conformément aux dispositions du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’Administrateur du plan de garantie est d’opinion qu’il se doit de favorablement considérer la demande des Bénéficiaires. Subsidiairement, l’Entrepreneur n’a pas su me convaincre du caractère inapproprié de la Décision de l’Administrateur d’offrir couverture;
[176] Nous sommes en présence d’un désordre ou malfaçon portant sur la qualité technique de l’ouvrage ou d’un élément d’équipement faisant indissociablement corps avec lui qui rendent l’ouvrage impropre et affecte l’intégrité de l’ouvrage et constitue un danger « pour la vie de l’homme en société »;
______________
(2) CCAC S11-120903-NP, 23 novembre 2012
/16
[177] Il m’appert nécessaire que soit effectuer les travaux de correction, il s’agit d’un risque pour la sécurité qui affecte le bien-être des occupants ainsi que l’intégrité du bien immobilier;
[71] J’ajoute que la décision dans Pichette et Gélinas c. Constructions GYBB Inc. et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (3) fut produite par le bénéficiaire.
[72] Madame Brassard rappelle que tant l’expert Yvan Blouin que monsieur Jean-Philippe Pelletier, spécialisé dans les toitures, ont conclu qu’il s’agissait d’un vice de construction.
[73] Subsidiairement, elle considère que le syndicat a dénoncé la situation en 2015 à l’administrateur et qu’elle s’est exécutée comme elle en fut avisée. Il y a lieu, dans les circonstances, d’appliquer la suspension l’interruption de prescription prévue à l’article 34 du Règlement.
[74] Finalement, le bénéficiaire réclame le remboursement des frais d’expertise encourus pour les services rendus par l’architecte Blouin.
ADMINISTRATEUR
[75] Pour Me Marc Baillargeon le bénéficiaire n’est pas allé dans le processus de la dénonciation au-delà de sa lettre du 10 juillet 2015 adressée à la garantie dans sa démarche de dénonciation. Le bénéficiaire se devait de faire ouvrir un dossier auprès de la garantie. Il se devait de se conformer à l’article 34 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (4), lequel édicte :
`
18. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10 :
1o dans le délai de garantie d’un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription;
_____________________
(3) Soreconi 061218002, 20 juin 2007. Marcel Chartier Arbitre
(4) Chapitre B-1.1, r 8
/17
2o au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l’administrateur s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; il doit verser à l’administrateur des frais de 100$ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;
3o dans les 15 jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 2, l’administrateur demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;
4o dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l’administrateur doit procéder sur place à une inspection;
5o dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;
[76] Me Baillargeon soumet au Tribunal la décision SDC des Condos de la Côte c. Construction Belgamme (2004) Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ (5) où Me Roland-Yves Gagné écrit :
[76] Dans l’affaire Sauvé c. Groupe Allogio et la Garantie Habitation du Québec, dans un cas où le bénéficiaire avait envoyé sa dénonciation (sous le paragraphe 1e) mais pas envoyé son avis écrit à l’Administrateur (sous le paragraphe 2e) avant six ans, le Tribunal d’arbitrage soussigné a jugé que ce n’est pas parce qu’une dénonciation est produite qu’ad vitam aeternam, le plan de garantie poursuit sa couverture :
____________
(5) CCAC S18-012202-NP, 9 juillet 2018
/18
[184] La procédure sert à faire apparaître le droit et en assurer la sanction.
….
[186] Le Tribunal partage donc la décision rendue dans l’affaire Jean-Marcel Louis et La Garantie des bâtiments résidentiels neuf de l’APCHQ et 9141-1074 Québec Inc. (Les Constructions Norjo), GAMM 2011-19-003, 5 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre:
[32] Pourrait-on prétendre devant le silence du Plan qu’il n’y a pas de délai, qu’aucune prescription ne s’applique et qu’un bénéficiaire pourrait n’aviser l’administrateur de son insatisfaction que des années plus tard?
[33] La procureure de l’administrateur a plaidé que tel n’est pas le cas et que comme tous les recours civils, la réclamation dont il s’agit est sujette à un délai; en l’occurrence celui du droit commun prévue à l’article 2925 du Code civil du Québec qui dispose :
L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.
[34] Faute d’argument à l’effet contraire, il me paraît donc raisonnable de faire doit à l’argument suggéré et de retenir que la prescription prévue à l’article 2925 du Code civil du Québec s’applique ici.
[187] Le délai de prescription du recours du paragraphe 2 de l’article 18 du Règlement n’étant pas autrement fixé selon les termes de l’article 2925 du Code civil, le délai de prescription est donc de trois ans.
[188] Soit dit avec égard, il est impossible d’en arriver à une autre conclusion, sinon il suffirait pour le Bénéficiaire de produire une réclamation sous le paragraphe1 de l’Article 18 du Règlement, se déclarer satisfait de l’intervention de l’Entrepreneur, pour interrompre ad vitam aeternam la prescription.
/19
[189] Il y a plus - le Bénéficiaire plaide que l’infiltration d’eau en mai 2012 est une première manifestation d’un vice pour lequel il a eu un doute en février 2006 car il s’agit d’un dommage graduel.
[190] L’Article 10 du Règlement parle de connaissance du vice à l’intérieur de trois ans (vices cachés) et cinq ans (vice de construction) pour que la couverture du plan de garantie s’applique.
[191] Soit dit avec égard, le Bénéficiaire plaide en même temps.
[191.1] qu’il a eu la connaissance du vice en février 2006, autorisant la mise en œuvre de sa couverture selon l’Article 10 du Règlement, mais
[191.2] que la prescription doit débuter en mai 2012 au moment de la première manifestation de l’infiltration d’eau qui est la première manifestation du vice, car en février 2006, ce n’était qu’un doute de la présence d’un vice, permettant une dénonciation six années plus tard; cela n’est pas en conformité avec les dispositions de l’Article 10 du Règlement.
[192] Le Tribunal mentionne qu’aucun jugement cité par le Bénéficiaire n’est à l’effet d’une dénonciation ou une réclamation postérieure à plus de trois ans d’une première dénonciation est recevable car la première dénonciation aurait cristallisé ad vitam aeternam ou interrompu à jamais la prescription et entraîné une couverture sans fin du plan de garantie.
(Je souligne)
(Références omises)
[77] Me Baillargeon plaide qu’il ne saurait agir en l’espèce d’un vice de construction car celui-ci doit entrainer un inconvénient sérieux et doit rendre le bâtiment impropre à sa destination. En l’espèce, ce qu’a relevé l’expert Blouin ne sont qu’une série de malfaçons qui ne peuvent s’apparenter à un vice de construction.
/20
[78] Le procureur de l’administrateur reconnaît qu’il peut s’agir, en l’espèce, d’un vice caché. Toutefois, le vice doit être découvert dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et il doit être dénoncé dans un délai qui ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil, ce qui ne saurait être le cas dans la présente affaire.
ANALYSE ET DÉCISION
[79] Puisque le bénéficiaire conteste le bien-fondé de la décision de l’administrateur le fardeau de preuve repose sur ses épaules. Quel niveau de preuve doit offrir le bénéficiaire? À l’article 2803 du Code civil du Québec le législateur indique :
Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
[80] L’article 2804 C.c.Q. définit ainsi la preuve prépondérante, laquelle constitue le niveau de preuve en matière civile et règlementaire :
La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[81] Qui plus est, conformément à l’article 2811 C.c.Q. :
La preuve d’un acte juridique ou d’un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d’un élément matériel, conformément aux règles énoncées dans le présent livre et de la manière indiquée par le Code de procédure civil (chapitre C-25) ou par quelque autre loi.
[82] Il suffit donc pour le bénéficiaire, en l’espèce, que sa preuve soit prépondérante. La Cour suprême, dans l’arrêt Montréal Tramways Co. c. Léveillé (6), nous enseigne :
__________________
(6) [1933] R.C.S. 456
/21
This does not mean that he must demonstrate his case. The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon.
[83] Plus tard, cette même Cour traitait ainsi de la norme applicable en matière civile (laquelle se veut similaire à celle en matière règlementaire) (7)
En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu (…).
[84] Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités. Rien ne peut être mathématiquement prouvé (8). La décision doit être rendue judiciairement et par conséquent en conformité aux règles de preuve généralement admises. Le Règlement étant d’ordre public, l’arbitre ne peut décider par complaisance ou par le fait que la preuve présentée par l’une des parties se veut sympathique.
[85] Ainsi les règles concernant le fardeau de preuve permettront à l’arbitre d’apprécier dans un cadre précis la preuve présentée par les parties. (9)
VICE CACHÉ OU VICE DE CONSTRUCTION
[86] En l’espèce, s’agit-il d’un vice caché ou d’un vice de construction ? Analysons ceux-ci distinctement.
VICE CACHÉ
[87] L’entrepreneur est tenu de garantir au bénéficiaire, tel que le Code civil du Québec l’exige, que le bâtiment lors de la livraison soit exempt de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui en diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné un si haut prix, s’il les avait connus.
__________________
(7) F.H. c. McDougall, [2008] CSC 53 (Canll)
(8) Rousseau c. Bennett, [1956) R.C.S. 89
(9) Caisse populaire de Maniwaki c. Giroux, [1993] 1 R.C.S. 282
/22
[88] Pour réussir dans un recours fondé sur cette garantie, la jurisprudence en matière de garantie de qualité nous enseigne que l’acheteur doit démontrer les conditions suivantes :
· Le vice doit être grave et doit rendre le bien impropre à l’usage auquel il est normalement destiné ou en diminuer sérieusement son utilité;
· Le vice doit être non apparent;
· Le vice doit être inconnu de l’acheteur;
· Le vice doit exister au moment de la vente;
· L’acheteur doit, par écrit, dénoncer le vice au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte;
· L’acheteur doit mettre son vendeur en demeure de corriger le vice. Cette mise en demeure doit être fait par écrit et accorder au vendeur un délai suffisant pour constater le vice allégué et le corriger;
· Dans tous les cas, l’acheteur doit démontrer qu’il a agi avec prudence et diligence. Il doit procéder à un examen sommaire mais sérieux, sans pour autant recourir en principe à un expert. Il doit cependant investiguer davantage s’il constate des signes susceptibles d’indiquer l’existence d’un vice;
· Le cas échéant, la garantie donne droit à la résolution de la vente ou à une diminution du prix de vente. En pratique, cette diminution du prix de vente correspond souvent mais pas nécessairement au coût de réparation du bien;
· Si le vendeur connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer, il est aussi tenu aux dommages-intérêts soufferts par l’acheteur.
[89] Récemment, notre Cour d’appel rappelait dans l’affaire Gravano (10) :
[40] Pour se prévaloir de la garantie légale contre les vices cachés, quatre conditions doivent être respectées : (i) que le bien soit affecté d’un vice grave, l’intensité de cette gravité ayant été définie par la jurisprudence à partir des expressions « impropre à l’usage » et « diminuent tellement son utilité »; (ii) que le vice existait au moment de la vente; (iii) que le vice soit caché, qualité qui s’évalue objectivement et qui est accompagnée d’une obligation de s’informer; et (iv) que le vice soit inconnu de l’acheter, qualité qui s’évalue subjectivement et dont le fardeau de preuve appartient au vendeur.
____________________________
(10) Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 76
/23
[90] Le juge Louis Dionne de la Cour supérieure écrivait ceci dans l’affaire Pleau et Tremblay c. Fiquera-Andorinha et Vitrano c. Maltais - Boudreault c. Parent et l’Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière du Québec (11) :
Quant à la gravité du vice, le défaut invoqué doit présenter un caractère suffisamment grave au point où il rend le bien impropre à l’usage auquel il était destiné, c’est-à-dire qu’il en empêche l’usage normal ou encore, qu’il est d’une gravité telle que l’acheteur n’aurait pas acheté le bien, n’en aurait pas payé un si haut prix s’il avait connu le vice en question. Il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais qu’il en réduise l’utilité de façon importante en regard des attentes légitimes de l’acheteur.
L’utilité ou la perte d’usage du bien le rendant impropre à son utilisation prévue s’évalue par ailleurs selon le critère objectif de l’acheteur raisonnable et non selon un critère subjectif, et ce, vraisemblablement pour éviter les prétentions alarmistes, opportunistes ou exagérées.
[Références omises]
[91] La décision de la Cour suprême dans l’affaire ABB Inc. c. Domptar Inc. (12) avait fait le point sur le vice caché en établissant qu’il doit présenter quatre caractères, tous essentiels à la garantie : il doit être caché, suffisamment grave, existant au moment de la vente et inconnu de l’acheteur.
VICE DE CONTRUCTION
[92] Il est profitable de reprendre ce passage de Madame la juge Rousseau-Houle traitant ainsi du vice de construction (13)
Deux conditions sont explicitement posées à l’article 1688 pour qu’entre en jeu la responsabilité qui y est édictée : il doit s’agir de vice de construction ou de sol et ce vice doit entraîner la perte totale ou partielle de l’ouvrage.
[…]
a) Vices entraînant la perte partielle ou totale de l’ouvrage.
__________________
(11) 2016 QCCS 1698
(12) (2007) 3 RCS, p. 484-485
(13) Thérèse Rousseau-Houle : Les contrats de construction en droit public et privé, Montréal, Wilson et Lafleur, 1982, p. 343-345
/24
Selon les termes de l’article 1688, la responsabilité quinquennale n’est engagée que « si l’édifice périt en tout ou en partie » Cet article, constituant une exception au principe de la libération du locateur d’ouvrage par la réception, devrait normalement être interprété de façon stricte. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard des travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection
efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « péril en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et les défectuosités graves qui entrainent des inconvénients sérieux. [Audet c. Guérard et Guérin, (1912) 42 C.S. 14, p.18. Par ces mots la loi ne comprend pas seulement la démolition ou perte totale ou partielle de l’édifice, mais elle comprend les défectuosités, le manque de solidité des travaux et les vices de construction; Gauthier c. Séguin (1969) B.R. 913. Le terme périt doit être interprété de manière à comprendre tout dommage sérieux aux gros ouvrages d’un édifice : Donolo Inc. c. Saint-Michel
Realties Inc., (1971) C.A. 536. Ces mots ne sont pas limitatifs mais comprennent les défectuosités graves qui entraînent les inconvénients séreux ou un danger sérieux que l’édifice s’écroule en tout ou en partie.]
La champ d’application de la garantie quinquennale n’est donc pas restreint aux désordres qui entraînent la ruine effective des ouvrages. De telles hypothèses sont d’ailleurs relativement peu fréquentes car, lorsque la gravité des vices est susceptible de provoquer la ruine, l’effondrement de l’ouvrage se produit généralement en cours de construction et c’est alors la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur et de l’architecte qui peut être mise en cause. Il suffit pour engager la responsabilité quinquennale des constructeurs que le danger de ruine soit imminent, voir latent. La simple menace de ruine d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car l’ouvrage qui menace ruine perd une grande partie de sa valeur marchande et de
son utilité. De même, une ruine simplement partielle et suffisante lorsque, par suite des vices affectant les parties maîtresses de l’ouvrage, il y a menace d’effondrement ou fléchissement de certaines parties de l’immeuble ou simplement des fissures importantes pouvant causer la perte de composantes essentielles du bâtiment.
(Je souligne)
/25
[93] Dans la cause Chabot c. Raymond Caron Inc. (14) la Cour d’appel a retenu la responsabilité de l’entrepreneur sous l’article 1688 C.c.Q. car le manque d’étanchéité de la toiture constitue une perte partielle du bâtiment lequel fut causé par un défaut de conception dans les plans et devis.
[94] La Cour supérieure s’exprimait ainsi dans Commission de la Construction du Québec c. Construction Verbois Inc.(15)
La jurisprudence a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux : Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils
ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et des défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.
(Je souligne)
Qu’en est-il en l’espèce?
[95] Je rappelle que Jean-Philippe Dubé spécialiste en toiture a conclu qu’il s’agissait d’un vice de construction :
… dû à un manque important d’isolation et de ventilation, ce qui apporte généralement une détérioration prématurée de la charpente, de la toiture et de la bâtisse en soit.
[96] Et d’ajouter plus loin :
L’aggloméré et la poutrelle vont perdre de la résistance. C’est certain que si on laisse la situation comme ça, on va avoir de sérieux problèmes.
_______________
(14) [1993] R.L. 497
(15) J.E. 97-2080 (C.S.)
/26
[97] L’expert Yvan Blouin a ciblé plusieurs anomalies et problématiques sans toutefois les rapporter à nouveau, il est néanmoins utile et approprié de relater certains de ces commentaires et opinions.
On constate la moisissure, les taches et dégradation va toujours aller en empirant et en accélérant. La moisissure augmente d’hiver en hiver et toujours plus rapidement. À un certain moment on atteindra un point de non-retour. C’est comme un arbre qui est attaqué par un élément destructif.
[98] Il traite ainsi d’une dégradation prématurée :
Il y a une dégradation prématurée du toit qui amorcera plus tard un affaissement de celui-ci.
Le problème dans l’entretoit ne peut être causé uniquement par une fuite au périmètre de la trappe d’accès. Au niveau du percement qui prit place environ 12 pieds plus loin de la trappe on constate, indique-t-il, toujours le même problème : moisissure, champignons.
[99] L’expert a déterminé que l’immeuble fait face à une dégradation prématurée du toit qui amènera plus tard un affaissement de celui-ci. Dans l’entretoit la présence de la moisissure et des champignons est omniprésente ce qui débouche sur une problématique qui devient exponentielle. Qui plus est, l’environnement est devenu toxique. La santé des occupants est dès lors en cause et doit être prise en considération.
[100] Il conclut qu’il s’agit d’un vice de construction et ce, même s’il existe des éléments de malfaçon. L’expert a toujours soutenu lors de son témoignage que la situation se voulait un vice de construction.
[101] Le Tribunal rapporte les conclusions de son rapport daté du 4 juin 2018 :
L’entretoit actuel est envahi par une quantité importante d’humidité et ce fait engendre la formation de givre en période hivernale. La fonte de ce givre lors d’un dégel entraine des infiltrations d’eau et cette situation provoque une détérioration accentuée de l’immeuble. La nature de cette malfaçon s’apparente à un vice de construction et droit être corrigée sans délai.
/27
LE RÔLE DE L’EXPERT
[102] Dans l’affaire Roberge c. Roberge, 2016 QCCS 4317 (CanLII), la juge Lyne Sanisette de la Cour supérieure devait se prononcer sur le rejet total ou partiel d’un rapport d’expertise avant l’audition au mérite. Le Tribunal en rapporte certains extraits :
[103] En l’espèce, le juge nous rappelle le rôle de l’expert auprès du Tribunal.
[8] Une expertise a pour but d’éclairer le tribunal et de l’aider dans l’appréciation d’une preuve en faisant appel à une personne compétente dans la discipline ou la matière concernée.
(Je souligne)
[104] La doctrine apporte la définition suivante :
[9] Le rôle de l’expert est défini par l’auteur Jean-Claude Royer :
Le témoin expert est celui qui possède une compétence spécialisée dans un secteur donné d’activité et qui a pour rôle d’éclairer le Tribunal et de l’aider dans l’appréciation d’une preuve portant sur des questions scientifiques ou techniques. Cette définition atteste l’existence des conditions préalables à la recevabilité de ce témoignage, soit l’utilité de l’expertise, la qualification et l’impartialité du témoin.
[105] Et la jurisprudence vient préciser le rôle de l’expert, à l’instar de l’affaire Claveau c. Couture, 2015 QCCQ 2200 (CanLII) :
[10] Il semble y avoir un consensus dans la doctrine et la jurisprudence en ce qui concerne le rôle d’un expert. Il est bien reconnu que l’expert doit fournir au tribunal des renseignements scientifiques et qu’il est appelé à soumettre son opinion dans des cas où, en raison de l’aspect technique des faits ou du litige, il est utile ou même nécessaire d’obtenir une opinion qui puisse dépasser les connaissances et l’expérience du juge.
La preuve par l’entremise d’un expert ne devrait être admissible que si elle est nécessaire pour permettre au juge des faits de comprendre et de décider d’aspects techniques, scientifiques ou spécialisés.
(Je souligne)
/28
[106] Le Tribunal ne peut en l’espèce mettre de côté les conclusions de l’expert Blouin auquel s’ajoute le témoignage de Jean-Philippe Dubé et ce, avec respect pour l’opinion émise par le conciliateur. La lettre de Construction Laffer Inc. (A-12) se veut également évocatrice.
[107] La situation montrée par les photographies produites, la situation décrite par les témoins du bénéficiaire et considérant l’état du droit, le Tribunal est d’opinion qu’il s’agit d’un vice de construction. Dans ces circonstances, la dénonciation du bénéficiaire doit être reçue sur la base du vice de construction quant au premier point.
LA DÉNONCIATION DU 10 JUILLET 2015
[108] Même en mettant de côté la conclusion quant au caractère majeur du vice le soussigné entend tout de même traiter de la dénonciation du 10 juillet 2015 transmise par le procureur du bénéficiaire à l’entrepreneur et à l’administrateur (A-5).
[109] La lettre se veut indubitablement une dénonciation au sens du Règlement. L’article 34 stipule :
`
34. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 27 :
1o dans le délai de garantie d’un, 3 ou 5 ans, selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription;
2o au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l’administrateur s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; Il doit verser à l’administrateur des frais de 100$ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;
3o dans les 15 jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 2, l’administrateur demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier
/29
et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;
4o dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l’administrateur doit procéder sur place à une inspection;
5o dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatrices nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire.
[110] A cet article 34 du Règlement le législateur n’a pas prévu ou a jugé non nécessaire d’encadrer la situation où l’entrepreneur s’exécutait et que le bénéficiaire en était satisfait laquelle situation se présente fort souvent. Avec respect pour l’opinion contraire, le texte m’apparaît clair, intelligible et cohérent.
[111] Faudrait-il que le bénéficiaire, après avoir dénoncé une situation et que l’entrepreneur s’exécute aussitôt, soit dans l’obligation de faire intervenir l’administrateur à chaque fois? Cela me paraît invraisemblable. Le législateur n’a certes pas voulu encombrer ou surchargé inutilement l’administrateur par des situations que tout acheteur rencontre habituellement en cours de route. La crainte de se retrouver avec des dénonciations sans fondement ne peut tenir car elle priverait ainsi le bénéficiaire de bonne foi. Cela ne respecte pas la philosophie du Règlement. Le bénéficiaire serait privé d’un droit que lui accorde le législateur. Ce dernier savait ou devait savoir que le libellé de l’article 34 permettait l’interruption de la prescription par suite d’une dénonciation du bénéficiaire qui n’engendre pas nécessairement l’intervention de l’administrateur.
[112] Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce le bénéficiaire, représenté par madame Brassard, n’avait aucune connaissance en construction. Elle avait bien constaté des problèmes ignorant que la situation pouvait devenir beaucoup plus sérieuse ou qu’elle l’était déjà. Les termes de la lettre de l’avocat dépassaient fort probablement le diagnostic exact de la situation, sinon l’explication de
/30
l’entrepreneur n’aurait assurément pas été endossée par la représentante du syndicat. Sur cet aspect et en général, le Tribunal accorde une grande crédibilité à madame Brassard.
[113] Il faut reconnaître que le bénéficiaire s’est exécuté conformément au Règlement et à la directive du préposé de l’administrateur. Madame Brassard avait compris qu’elle n’avait pas à ouvrir un dossier. Si le préposé a donné ladite information, c’est qu’il était en droit de la donner et qu’il était au fait de la procédure. Conséquemment, c’est l’administrateur lui-même qui a induit le bénéficiaire en erreur.
[114] La prescription de trois ans soulevée et analysée dans la décision de Me Roland-Yves Gagné dans l’affaire SDC des Condos de la Côte n’est pas en cause dans le présent dossier. La dénonciation de janvier 2018 s’inscrit à l’intérieur du délai de trois ans.
[115] Ajoutons que l’administrateur n’a pas transmis une lettre à l’entrepreneur du type de la pièce A-11, car l’entrepreneur s’était exécuté. Il est d’intérêt de rapporter les termes de cette lettre du 24 janvier 2018 :
Monsieur,
Nous désirons vous aviser que nous avons reçu, de la part de vos clients, copie d’une lettre qu’ils vous ont adressée récemment relativement au bâtiment mentionné en titre.
Par conséquent, en vertu du contrat de garantie, nous devons vous demander d’intervenir dans ce dossier et de nous informer par écrit, dans les quinze (15) jours suivant le présent avis, des mesures que vous entendez prendre pour remédier à la situation dénoncée par les bénéficiaires.
Veuillez prendre note qu’à défaut de donner suite à la présente à l’intérieur du délai accordé, La Garantie Abritat Inc. procèdera à l’inspection du bâtiment afin de statuer sur la réclamation dans le cadre du contrat de garantie.
Nous comptons sur votre collaboration pour régler ce litige dans les meilleurs délais et nous vous prions d’agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.
/31
Anne-Marie Spezza
Agente administrative
Service de conciliation
(Je souligne en pointillés)
[116] Je dois conclure que la lettre du 10 juillet 2015 constituait une dénonciation au sens du Règlement.
[117] Qui plus est, le conciliateur a déclaré lors de son témoignage que l’administrateur aurait dû intervenir suite à la réception de la lettre du bénéficiaire. Devant cet aveu le bénéficiaire peut-il être pénalisé par l’absence d’intervention de l’administrateur? Poser la question c’est y répondre.
[118] En équité (article 116 du Règlement), même si, comme le prétend l’administrateur, la démarche du bénéficiaire n’était pas une dénonciation, prétention que le Tribunal ne partage pas, il aurait été de mise dans les circonstances de ne pas pénaliser le bénéficiaire.
[119] En conséquence, même si le Tribunal avait qualifié la situation de vice caché, le bénéficiaire aurait toujours été dans les délais pour dénoncer en date du 17 janvier 2018.
ABSENCE DE TRAPPE D’ACCÈS AU JUMELÉ ADJACENT
[120] Ce point ne peut être reçu, Le Code de la Construction du Québec n’exige pas une trappe d’accès pour le genre d’entretoit du bâtiment en cause. Ni l’expert, ni monsieur Dubé n’ont traité de ce point. Celui-ci doit être rejeté.
CONSTRUCTION DIFFÉRENTE DES PLANS D’ARCHITECTE
[121] La bénéficiaire n’a offert aucune preuve tangible sur ce point. Celui-ci doit être rejeté également. Il ne s’agit pas uniquement d’alléguer un point, mais encore faut-il le prouver. Aucun plan n’a même été produit. Ce point doit être rejeté.
/32
FRAIS D’EXPERTISE
[122] L’article 124 du Règlement Stipule :
124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
Il doit aussi statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.
[123] Les frais réclamés par le bénéficiaire pour les honoraires de son expert, Yvan Blouin, m’apparaissent raisonnables et pertinents.
[124] Ainsi, l’administrateur devra payer au bénéficiaire la somme totale de $3,127.32 dollars.
POUR CES MOTIFS :
ACCUEILLE en partie la réclamation du bénéficiaire;
DÉCLARE que la décision du conciliateur du 19 mars 2018 traitant du point 1, à savoir « La condensation à l’entretoit » est mal fondée en faits et en droit;
MAINTIENT la décision du conciliateur quant aux points #2 et #3;
ORDONNE à l’administrateur de procéder aux travaux de correction requis pour corriger la situation dénoncée au point 1;
ORDONNE que les travaux soient exécutés au plus tard le 15 mars 2019 tout en précisant que le choix des dates pour l’exécution des travaux soit arrêté d’un commun accord entre le bénéficiaire et l’administrateur;
/33
ORDONNE à l’administrateur de surveiller l’exécution des travaux selon le temps et moments qu’il juge utiles et appropriés;
ORDONNE que les travaux à être exécutés le soient en conformité aux lois, règlements et règles de l’art;
ORDONNE à l’administrateur de payer au bénéficiaire dans les trente (30) jours de la présente décision les frais d’expert au montant de $ 3,127.32 dollars incluant les taxes. Au-delà du délai du délai de trente (30) jours, la somme portera intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;
CONDAMNE l’administrateur à payer les frais d’arbitrage, avec intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de trente (30) jours;
RÉSERVE à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou caution(s), pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
MONTRÉAL, CE 12 NOVEMBRE 2018.
____________________________
YVES FOURNIER
ARBITRE