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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Martial Kwan et Fengxia Song

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

Construction Denis Desjardins inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ : 016585

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour les bénéficiaires :

M. Martial Kwan

 

Pour l'entrepreneur :

Me Charles Derome

 

Pour l'administrateur :

Me Luc Séguin

 

Date d’audience :

6 décembre 2004

 

Lieu d'audience :

Longueuil

 

Date de la sentence :

28 janvier 2005

 

INTRODUCTION

[1]                À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence des bénéficiaires.

[2]                M. Jocelyn Dubuc, inspecteur-conciliateur, de même que M. Michel Bastien, architecte, ont témoigné lors de l'audience.

[3]                À la suite d'une demande de réclamation des bénéficiaires, l'administrateur, en date du 9 mars 2004, a déposé son rapport d'inspection comportant 8 points.

[4]                La demande d'arbitrage de la part des bénéficiaires quant à ce rapport étant imprécise, l'arbitre a demandé à M. Kwan d'apporter les précisions nécessaires et a par la suite confirmé dans sa lettre de convocation du 11 juin 2004 que les décisions contestées concernaient les points 1 et 2 du rapport d'inspection de l'administrateur, à savoir :

§         Point 1 :    Fissures aux murs de fondation et remise en état du revêtement mural intérieur au sous-sol

§         Point 2 :    Dalles de béton fissurées

[5]                Les conclusions de l'administrateur relativement à ces deux points sont les suivantes :

LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L'APCHQ NE PEUT CONSIDÉRER LES POINTS QUI SUIVENT DANS LE CADRE DU CONTRAT DE GARANTIE :

En ce qui concerne les points 1 et 2 qui suivent, nous devons nous référer au jugement rendu le 15 octobre 2003 par l'honorable juge Pierre Durand de la Cour du Québec. Ce jugement fait en sorte que La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ ne peut plus intervenir pour ces points.

[...]

[6]                Il faut comprendre que l'administrateur se référait alors à un rapport d'inspection antérieur, daté du 27 septembre 2001, dont une partie concernait les deux mêmes points.

[7]                Le tribunal reproduit ci-après l'extrait pertinent dudit rapport :

EN VERTU DU CONTRAT DE GARANTIE, LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC. DOIT CONSIDÉRER LES POINTS 1 ET 2 QUI SUIVENT :

1.          FISSURES AUX DALLES DE BÉTON DU SOUS-SOL ET DU GARAGE

                         Correctifs :

En vertu de l'article 3.2 du contrat de garantie et tel qu'il a été convenu entre les parties lors de la signature de la déclaration de réception du bâtiment, l'entrepreneur devra réparer les fissures à la dalle de béton du sous-sol et à la dalle de béton du garage. Ces réparations devront être effectuées à l'aide d'un matériau approprié et durable. Du même coup, l'entrepreneur devra remplir de béton, la tranchée qui a été pratiquée dans le plancher du garage pour corriger la pente du conduit du puisard. Ces travaux correctifs devront être exécutés en conformité avec les règles de l'art et le fini du béton devra être le plus uniforme possible.

2.          FISSURE AU MUR DE FONDATION VIS-À-VIS LA SALLE DE BAINS DU SOUS-SOL

             Correctifs :

             En vertu de l'article 3.2 du contrat de garantie et tel qu'il a été convenu entre les parties lors de la signature de la déclaration de réception du bâtiment, l'entrepreneur devra réparer cette fissure de manière à prévenir toute infiltration d'eau. La réparation devra être effectuée selon une méthode reconnue et efficace.

[8]                À la suite de l'émission de ce premier rapport d'inspection, l'entrepreneur était disposé à effectuer les travaux proposés par l'administrateur, et même à aller un peu plus loin en remplaçant la dalle de béton dans la section du garage au sous - sol.

[9]                Toutefois, l'entrepreneur exigeait l'application de l'article 11 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, soit la retenue dans un compte en fidéicommis de la somme encore due par les bénéficiaires, assortie d'une convention, ce que les bénéficiaires ont refusé.

[10]            Ultérieurement, la cause a été portée devant la Cour du Québec.

[11]            L'honorable juge Pierre Durand a rendu un jugement[1] dans cette affaire le 15 octobre 2003. En voici quelques extraits :

 [5]        La construction de cet immeuble s'est effectuée du 4 décembre 2000 au 25 février 2001, ce qui expliquerait les problèmes de fissures dans le béton;

[...]

[7]         Le Tribunal a décidé qu'il y avait chose jugée sur les correctifs 1 et 2 de la décision de monsieur Dubuc (P-10) vu les jugements suivants et le fait que les défendeurs n'en ont pas appelé à l'arbitrage tel que spécifié dans la clause compromissoire de la garantie A.P.C.H.Q. (P-16). La décision de Me Marcel Chartier est à cet effet dans: Simoneau et Bernier et Les Constructions Lamtel Inc. et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l'A.P.C.H.Q. Inc., no. Dossier 021015001, cf. p. 14;

[...]

[9]         J'ai permis que la réclamation de la demande reconventionnelle procède quant aux recommandations du conciliateur qui elles n'avaient pas été respectées. D'ailleurs ces défauts n'ont pas été réparés à date malgré mon ordonnance de coopération entre les parties pour terminer cette saga au 1er octobre 2003. Rien n'y fait;

[...]

[13]       Procédant à jugement sur la demande reconventionnelle, le Tribunal examine les points de réclamation des demandeurs reconventionnels;

[14]       Le Tribunal, lors du prononcé de son ordonnance du 8 septembre 2003 avait déclaré que si les items 1 et 2 énoncés par le conciliateur n'étaient pas réglés le 1er octobre 2003, il en déciderait par son arbitrage;

[15]       Le Tribunal en se basant sur l'expertise de l'architecte Bastien fixe à $2000.00 la réparation des dalles et du mur du côté droit de la fondation;

[...]

[18]       Le Tribunal, devant la preuve établie par l'architecte Bastien et les photos 03 et 04 de son rapport allouera $300.00 pour réparer les fissures qui y apparaissent. Donc, les montants alloués en demande reconventionnelle sont les suivants:

Les fissures du sous-sol                                                     $2000.00

Un joint à la cheminée                                                             200.00

Inconvénient des vues illégales qui n'ont pas

été corrigées                                                                          1000.00

Emplacement du terrain trop rapproché d'un côté                1000.00

Réfection des fissures extérieures sur le côté droit

de la maison                                                                            300.00

                                                                        TOTAL:       $4,500.00

[19]       Les autres chefs de la réclamation des demandeurs reconventionnels ne sont pas retenus faute de preuve et résultent de l'entêtement des défendeurs-demandeurs reconventionnels. À cause du manque de collaboration des défendeurs, leur demande sera accordée en partie, sans frais;

[20]       La demande reconventionnelle est basée sur le droit commun et monsieur Kwan a été privé de faire valoir sa preuve par un défaut de production de son rapport d'expertise dans les délais. Son recours quant aux défauts dans la structure de l'édifice lui est réservé;

                         PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

RECONNAÎT que les défendeurs Kwan et Song sont endettés envers la demanderesse de la somme de dix mille cinq cents dollars $10,500.00

RECONNAÎT également que la demanderesse Construction Denis Desjardins Inc. est endettée de quatre mille cinq cents dollars $4,500.00 à l'égard des défendeurs-demandeurs reconventionnels monsieur Kwan et madame Song;

Procédant à opérer compensation, le Tribunal:

CONDAMNE les défendeurs-demandeurs reconventionnels Kwan et Song à payer à Construction Denis Desjardins Inc. la somme de six mille dollars $6,000.00 avec intérêts de 5% et l'indemnité prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 23 janvier 2002 et une somme de mille cinquante-huit et vingt-quatre $1,058.24 de frais d'expertise et les dépens.

[12]            De consentement, les parties ont accordé au tribunal un délai supplémentaire de trente (30) jours pour rendre sentence dans la présente affaire.

DÉCISION ET MOTIFS

[13]            La juridiction du présent tribunal émane de l'article 19 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et trouve application lorsque le bénéficiaire ou l'entrepreneur se déclare insatisfait d'une décision de l'administrateur.

[14]            Dans le présent dossier, la réclamation des bénéficiaires a trait uniquement aux points 1 et 2 (dalles et murs) du rapport d'inspection émis par l'administrateur le 9 mars 2004. Le tribunal n'a pas juridiction en ce qui concerne les autres réclamations que M. Kwan a fait valoir durant l'audience (perte de valeur sur la propriété, dommages, etc.), puisque l'administrateur n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur celles‑ci.

[15]            Relativement aux fissures aux dalles de béton et aux fissures au mur de fondation du côté droit, le présent tribunal décide qu'il y a chose jugée, puisque l'honorable juge Pierre Durand, précédemment cité, a accordé aux bénéficiaires une compensation de 2 000,00 $ pour les fissures du sous-sol et une compensation de 300,00 $ pour la réfection des fissures extérieures sur le côté droit de la maison.

[16]            Le juge ajoute toutefois : « Son recours quant aux défauts dans la structure de l'édifice lui (bénéficiaire) est réservé. »

[17]            Il existe une preuve prépondérante à l'effet que les fissures aux murs et à la dalle du sous-sol ne sont pas d'ordre structural, pas plus aujourd'hui qu'à l'époque.

[18]            Deux témoins experts, en l'occurrence M. Dubuc, inspecteur-conciliateur, et M. Bastien, architecte, l'ont démontré lors de l'audience; un autre expert, M. Dusan Lamos, affirme le contraire, mais il ne s'est point présenté à l'audience.

[19]            Avant même que ne soit rendu le jugement de l'honorable Pierre Durand accordant aux bénéficiaires une compensation de 300,00 $ pour les fissures sur le côté droit de la maison, ces dernières avaient été réparées par l'entrepreneur à l'aide d'époxy; d'autres fissures ont été découvertes depuis sur le côté gauche et elles ont été réparées de la même façon par l'entrepreneur.

[20]            La visite des lieux a permis au soussigné de conclure qu'aucune des malfaçons constatées par l'administrateur en 2001 n'était d'ordre structural.

[21]            Il n'existe aucune trace d'infiltration d'eau, et les réparations aux fissures des murs de fondation, selon les experts qui ont témoigné, ont été effectuées conformément aux règles de l'art.

[22]            Quant aux fissures à la dalle du sous-sol, elles sont très apparentes et résultent d'une malfaçon (tout le monde l'admet); toutefois, cette dalle n'est pas structurale, et le bénéficiaire a obtenu une compensation à cet égard.

[23]            Pour ces motifs, la présente réclamation des bénéficiaires est REJETÉE.

[24]            En vertu des dispositions de l'article 22 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les bénéficiaires n'ayant pas obtenu gain de cause total ou partiel dans la présente affaire, l'arbitre n'a pas à statuer quant au quantum des frais d'expertises à être remboursés par l'administrateur aux bénéficiaires.

[25]            Le procureur de l'administrateur a soumis à l'arbitre que la totalité des frais d'arbitrage devraient être à la charge des bénéficiaires, compte tenu des circonstances spéciales entourant ce dossier, à savoir la production de deux rapports d'inspection, le jugement de cour, l'arbitrage, etc.

[26]            Certes, dans cette affaire, M. Kwan a fait preuve d'un entêtement constant (le juge Durand l'a même souligné dans son jugement); toutefois, jusqu'à preuve du contraire, la bonne foi est présumée.

[27]            Ainsi, en vertu des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 123 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et le bénéficiaire.

[28]            Après l'audience, une fois les preuves déclarées closes, le procureur de l'entrepreneur a fait parvenir une lettre au soussigné, dans laquelle il soumet que les frais d'expertises de son client devraient être remboursés par le bénéficiaire, vu le comportement de ce dernier dans cette affaire.

[29]            D'une part, cette demande est tardive et aurait dû être déposée lors de l'enquête.

[30]            D'autre part, l'arbitre n'a pas juridiction en ce qui concerne cette demande. En effet, les dispositions de l'article 22 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne traitent que des frais d'expertises que l'administrateur (et non le bénéficiaire ou l'entrepreneur) doit rembourser au demandeur seulement; or, dans la présente affaire, ce n'est pas l'entrepreneur qui est le demandeur, mais plutôt le bénéficiaire.

[31]            Enfin, je me répète, la mauvaise foi du bénéficiaire n'a pas été prouvée; seul son entêtement a été manifeste.

[32]            Le tribunal REJETTE donc cette réclamation de la part de l'entrepreneur.

 

BELOEIL, le 28 janvier 2005.

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]

 



[1]     Construction Denis Desjardins inc. c. Martial Kwan et Fengxia Song, Longueuil 505-22-007954-029 (C.Q.), 15 octobre 2003.