ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : Fiducie Labonté Marquis ;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
C. : 2949-8730 Québec inc. ;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc. ;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S20-021101-NP
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Michel A. Jeanniot, CIArb
Pour les Bénéficiaires : Madame Manon Labonté
Monsieur René Marquis
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Jacques Fortin
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date de l’audition : Sur dossier
Date de la Décision : 5 mars 2021
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Fiducie Labonté Marquis
[...]
Ste-Catherine de Hatley (Québec) [...]
Et leurs représentants :
Madame Manon Labonté
Monsieur René Marquis
[...]
Ste-Catherine de Hatley (Québec) [...]
Entrepreneur : 2949-8730 Québec inc.
79, chemin Buzzell
Magog (Québec) J1X 0T1
Et leur représentant :
Monsieur Jacques Fournier
[...]
Magog (Québec) [...]
Administrateur : Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc.
7333, place des Roseraies
Anjou (Québec) H1M 2X6
Et leur procureur :
Me Marc Baillargeon
Contentieux des garanties Abritat / GMN
7333, place des Roseraies, bureau 300
Anjou (Québec) H1M 2X6
L’arbitre a reçu son mandat de CCAC le 2 mars 2020.
Valeur en litige
Classe V, valeur de plus de 60 000 $.
Extraits pertinents du Plumitif
27.11.2019 Réception par le greffe du CCAC de la demande d’arbitrage par l’Entrepreneur
11.02.2020 Transmission aux parties de la notification d’arbitrage
27.02.2020 Réception de la réponse de l’Entrepreneur à la notification d’arbitrage
02.03.2020 Nomination de Michel A. Jeanniot à titre d’arbitre
06.03.2020 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur
07.05.2020 Lettre aux parties : recherche des disponibilités pour la tenue d’un appel conférence / conférence de gestion
14.05.2020 Réception d’une lettre de la part de l’Entrepreneur attestant de son désintérêt à participer à un appel conférence / conférence de gestion
19.05.2020 Lettre aux parties : confirmation de la date / heure pour la tenue d’un appel conférence / conférence de gestion
27.05.2020 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal
04.06.2020 Réception du Bref d’arbitrage des Bénéficiaires
15.06.2020 Réception d’une lettre de la part de l’Entrepreneur attestant de son désintérêt à participer à un appel conférence / conférence de gestion
17.06.2020 Réception de la réplique de l’Administrateur au Bref d’arbitrage des Bénéficiaires
22.06.2020 Réception de la réplique des Bénéficiaires
26.06.2020 Lettre aux parties : confirmation de la date / heure pour la tenue d’un appel conférence / conférence de gestion
30.06.2020 Appel conférence / conférence de gestion
01.07.2020 Transmission du procès-verbal de l’appel conférence / conférence de gestion du 30 juin 2020
26.08.2020 Lettre aux parties : confirmation de la date / heure pour la tenue d’un appel conférence / conférence de gestion
27.08.2020 Appel conférence / conférence de gestion
05.03.2021 Décision
Sentence arbitrale
INTRODUCTION
[1] Avant d’amorcer l’analyse pour disposer du litige, il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, B-1.1, r. 8 (ci-après le « Règlement »). Bien que le Tribunal puisse interpréter certaines dispositions d’autres lois dans l’application de son mandat, c’est en vertu du Règlement qu’il doit déterminer les droits et obligations de chacun. Sa décision doit prendre sa source dans la règle de droit et s’appuyer sur la preuve soumise par les parties et au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public du Règlement. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de L’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question :
« Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie qui souscrit par les bénéficiaires de la garantie ».
[2] Il convient de rappeler que les parties sont liées par un contrat de garantie dont les termes sont dictés par la Loi et le Règlement. À cet égard, il y a lieu de citer les dispositions pertinentes du Règlement :
7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
[…]
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
1. […]
2. […]
3. […]
4. la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ;
5. la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[3] Ainsi, la garantie trouvera application si l’Entrepreneur est en défaut de respecter ses obligations légales ou contractuelles, plus précisément si l’exécution des travaux est affectée de vices ou de malfaçons. Pour bien cerner ces notions, je me réfère aux définitions fournies, à titre de guide, par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment de l’application du Règlement :
[3.1] Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif, car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment. Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :
[3.1.1] les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles ;
[3.1.2] les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation ;
[3.1.3] les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire ;
[3.1.4] les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.
[3.2] Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « Règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés ou des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs.
[3.3] Vices cachés : Un vice caché est un défaut d’une chose tel qu’il la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée, ou qui diminue tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas achetée ou l’aurait achetée à moindre prix s’il en avait eu connaissance.
[3.4] Vice de construction : Désordre ou malfaçon portant sur la qualité technique du bien ou d’un élément d’équipement faisant indissociablement corps avec lui qui rendent le bien ou lesdits équipements impropres à leur destination normale ou affectent la solidité de l’ouvrage.
[4] Il ressort de l’ensemble de ces dispositions :
« Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d’améliorer la qualité des constructions neuves ».
Le Procureur général du Québec s’exprimait ainsi alors qu’il intervenait dans un débat concernant une sentence arbitrale rendue en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs où il avait été appelé :
« Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle. »
[5] C’est donc dans le cadre d’une relation fortement réglementée, dont le contenu est dicté par un règlement d’ordre public, que le présent Tribunal est appelé à analyser le différend des parties à l’arbitrage.
ADMISSIONS
[6] Il s’agit d’un bâtiment résidentiel neuf non détenu en copropriété aussi connu et identifié comme le [...] à Ste-Catherine-de-Hatley (Québec) [...] (ci-après « Bâtiment »).
[7] La réception par les Bénéficiaires du Bâtiment a eu lieu le 4 novembre 2015.
[8] La présente instance fût initiée par une première réclamation écrite des Bénéficiaires qui a eu lieu le 16 mars 2016, suivie d’une première inspection le 17 novembre 2016 qui a elle-même été suivie tel que ci-après prévue.
[9] La présente demande d’arbitrage/audience/sentence a source à :
[9.1] Une réclamation écrite des Bénéficiaires datée du 16 novembre 2016, suivie d’une inspection le 17 novembre 2016, puis d’une décision du 12 décembre 2016 ;
[9.2] Une inspection supplémentaire du 1er novembre 2017, suivie d’une deuxième décision du 13 novembre 2017 ;
[9.3] Une réclamation écrite des Bénéficiaires datée des 17 novembre et 19 décembre 2017, suivie d’une inspection le 28 février 2018, puis d’une décision du 19 mars 2018 ;
[9.4] Une réclamation écrite des Bénéficiaires datée du 13 mars 2018, suivie d’une inspection le 6 juin 2018, puis d’une décision le 16 juillet 2018 ;
[9.5] Une réclamation écrite des Bénéficiaires datée du 7 février 2019, suivie d’une inspection du Bâtiment le 4 juillet 2019, plus d’une décision du 4 novembre 2019.
[10] Une demande d’arbitrage a été formulée par les Bénéficiaires suivant chacune des décisions précitées, et le soussigné, par souci de proportionnalité, a ordonné réunion d’actions pour une seule et même enquête et audition (et preuve commune).
[11] La décision de l’Administrateur du 12 décembre 2016 comportait quelques cinquante-quatre (54) points et ordonnait, entre autres, à l’Entrepreneur d’effectuer des travaux correctifs.
[12] L’inspection supplémentaire du 1er novembre 2017 référait, aux dires des Bénéficiaires, à l’aggravation d’une situation relative à l’étanchéité de la dalle de la terrasse au rez-de-chaussée de la jonction, du moins, extérieure. La décision datée du 13 novembre 2017 ordonne à l’Entrepreneur d’effectuer certains travaux correctifs « temporaires » concernant les points suivants (et respectant la numérologie de la décision de l’Administrateur du 12 décembre 2016) :
[2] Pente - seuils des portes et fenêtres;
[3] Carrelage céramique au bas des portes et fenêtres - moulures d’aluminium;
[4] Carrelage céramique au bas des portes et fenêtres - coulis;
[5] Enduit endommagé au bas des murs;
[45] Présence de sel de déglaçage à la jonction des murs extérieurs et terrasse.
[13] La décision du 19 mars 2018 comportait treize (13) points. Aucun n’a été maintenu par l’Administrateur. Les dix (10) premiers points étaient les suivants :
[1] Fenêtre de la chambre des maîtres;
[2] Miroir de la salle de bain;
[3] Toiture;
[4] Porte de service du garage;
[5] Céramiques de balcon fissurées;
[6] Erreur dans la décision de l’Administrateur : il n’y a pas de point 6;
[7] Finition extérieure qui vient buter contre la face du rail de la moustiquaire;
[8] Absence de larmier au-dessus des portes coulissantes;
[9] Calfeutrage à la tête et aux jambages;
[10] Revêtement extérieur qui se bute contre la face du rail de la moustiquaire.
[14] Ils n’ont pas été reconnus par l’Administrateur étant d’opinion que les situations dénoncées ne rencontraient pas les critères de vice caché.
[15] Quant aux trois (3) points restants, soient les points 11 (pente inversée du seuil des portes), 12 (trous d’évacuation à la base des portes situés sous le revêtement extérieur) et 13 (trous d’évacuation d’eau du rail bouchés par du calfeutrant), l’Administrateur s’est refusé de leur donner suite puisqu’il considère avoir déjà statué sur ces points.
[16] La décision du 16 juillet 2018 comporte six (6) points. Les deux (2) premiers points n’ont pas été reconnus par l’Administrateur puisqu’il est d’opinion que les situations ne constituent pas des déficits d’usage aptes à qualifier ces désordres de vices cachés. Ces deux (2) points sont :
[1] La présence de gel;
[2] La perte de chaleur.
[17] Quant aux points 3 (bois torréfié abîmé par la présence d’eau ou condensation), 4 (stries de colle sur les céramiques du balcon), 5 (non-étanchéité du balcon) et 6 (solins au-dessus des ouvertures portes et fenêtres), il s’agissait, selon l’Administrateur, à nouveau de situations ayant déjà fait l’objet de dénonciations et pour lesquelles l’Administrateur, ayant déjà pris décision, s’est donc refusé d’y donner suite.
[18] La décision du 4 novembre 2019 ne comportait qu’un (1) seul point :
[1] Infiltration d’eau sur un (1) mur-salle d’entreposage.
[19] Quant à ce point, puisqu’il s’agissait d’une situation apparue dans les trois (3) à cinq (5) ans suivant la fin des travaux, le désordre devait donc rencontrer le niveau de gravité suffisant afin de le qualifier de vice de construction. L’Administrateur, étant d’opinion que ce désordre n’était pas apte à rencontrer ce niveau de gravité, a rejeté la demande des Bénéficiaires.
POINTS PORTÉS EN ARBITRAGE
Par les Bénéficiaires
[20] Les éléments portés en arbitrage par les Bénéficiaires se regroupent sommairement sous quatre (4) volets :
[20.1] Points approuvés par l’Administrateur dont les travaux devraient être faits ou avoir été adressés, et qui, à ce jour, ne l’ont toujours pas été;
[20.2] Étanchéité, infiltration et carrelage;
[20.3] Autres travaux ayant fait l’objet d’une contestation d’expertise, a contrario de la décision de l’Administrateur;
[20.4] Demande de compensation.
Points approuvés par l’Administrateur dont les travaux devraient être faits ou avoir été adressés, et qui, à ce jour, ne l’ont toujours pas été
[21] Quant aux points approuvés par l’Administrateur, leur position est relativement simple. Les Bénéficiaires soulèvent être en droit de s’attendre à ce que tous les travaux reconnus par l’Administrateur soient adressés sans plus tarder, à leur plus complète et entière satisfaction et exonération.
Étanchéité, infiltration et carrelage
[22] Quant au second volet, les Bénéficiaires demandent à ce que des travaux de céramique, de membrane et d’isolant des terrasses au rez-de-jardin et au rez-de-chaussée soient entièrement repris avec la réfection des finis et des murs extérieurs et, le cas échéant, leur remplacement si le nettoyage ne permettait pas de retrouver un aspect et une qualité neuf.
Autres travaux ayant fait l’objet d’une contestation d’expertise, a contrario de la décision de l’Administrateur
[23] Il s’agit des éléments suivants :
[21.1] Escalier central, épaisseur et fixation du verre (item 55 de la décision du 12 décembre 2016);
[21.2] Plancher des douches (item 57 de la décision du 12 décembre 2016);
[21.3] Mur courbé et miroir cassé (item 72 de la décision du 12 décembre 2016);
[21.4] Céramique du balcon-terrasse fissurée (item 5 de la décision de mars 2018);
[21.5] Céramique tachée dans toute la maison (item 56 de la décision du 12 décembre 2016);
[21.6] Dommages permanents causés par le sel (point 45 de la décision du 12 décembre 2016);
[21.7] Électricité dans les murs pour les stores motorisés.
[24] Le dernier élément exposé par les Bénéficiaires dans leur bref d’arbitrage ne semble pas avoir été l’objet d’une décision de l’Administrateur.
Demande de compensation
[25] Les Bénéficiaires suggèrent qu’ils n’ont pas à assumer pour le laxisme de la garantie et s’attendent à une compensation au-delà de la limite de la garantie, et ventilent ses quatre (4) divers postes de réclamation pour un total de 575 334,90 $ (toutes taxes comprises).
[26] Enfin, les Bénéficiaires contestent la conclusion de l’Administrateur dans sa décision du 4 novembre 2019, conclusion à l’effet que les infiltrations d’eau ne sont pas des désordres qui rencontrent le niveau de gravité afin d’être considérés comme étant des « vices de construction ».
[27] Suite aux conclusions de faits de L’Honorable Claude Villeneuve, J.C.S. sous sa plume du 6 décembre 2018 (450-17-006461-167) (confirmées par la Cour d’appel du Québec le 8 avril 2019), il y a force de chose jugée à l’effet que plusieurs travaux auraient été complétés par des tiers, et non pas par l’Entrepreneur, et qui appert aujourd’hui être parties de la demande d’arbitrage, et (curieusement) par l’Administrateur et sur les points suivants :
Décision administrative du 19 mars 2018; les points suivants :
[1] Fenêtre de la chambre des maîtres;
[5] Céramiques de balcon fissurées;
[7-10] Problèmes reliés aux portes et fenêtres : installation, étanchéité, ajustement;
Décision administrative du 16 juillet 2018; le point suivant :
[4] Stries de colle sur les céramiques du balcon.
Par l’Administrateur
[28] L’Administrateur propose qu’il ait été justifié de ne pas intervenir en lieu et place de l’Entrepreneur pour entreprendre les travaux correctifs à l’époque parce qu’il y avait litige devant les tribunaux étatiques entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires, qu’il y avait, en raison d’un risque de litispendance, justification de ne pas intervenir ou d’adresser certains travaux et qu’aujourd’hui, en raison de l’information obtenue dans l’instance civile précitée, ainsi que le délai encouru depuis l’inception du recours et de cette décision (comprendre jugement) qui a force de chose jugée, il (l’Administrateur) serais justifié de se rétracter.
LA PREUVE
[29] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrais pas ici en long et en large tous et chacun des éléments et points qui m’ont été soulevés; je ne ferai part et ne retiendrai que les éléments ginglymes à mon processus décisionnel. Je reprendrai de plus l’argumentaire des Bénéficiaires dans l’ordre qu’il m’a été soumis.
L’ARGUMENTAIRE DES BÉNÉFICAIRES
Points approuvés par l’Administrateur dont les travaux devraient être faits ou avoir été adressés, et qui, à ce jour, ne l’ont toujours pas été
[30] Ici, l’argumentaire est relativement succinct et, à raison, les Bénéficiaires sont en droit de s’attendre à ce que les travaux reconnus par l’Entrepreneur et suspendus pour des raisons qui lui appartiennent soient adressés selon les règles de l’art. Les Bénéficiaires étaient en droit de s’attendre à ce que les travaux reconnus soient adressés et que le prétexte qu’il y a eu possiblement une aggravation au cours des années ne peut leur être opposable puisqu’ils ont indiqué à l’Administrateur que les dommages évoluaient et devenaient de plus en plus importants au fur et à mesure du passage du temps.
Étanchéité, infiltrations et carrelage
[31] Les Bénéficiaires suggèrent que, dès octobre 2017, ils ont fait part à l’Administrateur de coulisses d’eau et de traces d’efflorescence sous la terrasse à la jonction du mur extérieur et d’une crainte que l’eau et le sel ne détériorent à la fois les fenêtres au rez-de-jardin que le carrelage intérieur au rez-de-chaussée à la jonction des fenêtres. Considérant qu’ils suggèrent que l’Administrateur avait reconnu que la membrane d’étanchéité sur le muret sous les portes du jardin était défectueuse, que la situation devait être corrigée, et que (en novembre 2017) l’Administrateur poursuivait dans cette même lignée recherchant que l’Entrepreneur intervienne et procède à des travaux correctifs.
[32] L’Administrateur aurait reconnu en juillet 2018 que la mauvaise étanchéité du balcon est admise et reconnue, in fine ses propres décisions de décembre 2016 et novembre 2017.
[33] L’Administrateur mentionne, en juillet 2018, une condition de perte de chaleur qui s’avèrerait être source des infiltrations de la terrasse et, de façon très sommaire, que la situation résulte
[33.1] d’une installation déficiente et inacceptable de la céramique et de la membrane sous la céramique de la terrasse au-dessus de la salle de rangement,
[33.2] de l’absence d’une membrane d’étanchéité sur la terrasse aux joints des murs et des portes-patio,
[33.3] un manque d’étanchéité ou une préparation déficiente avant l’installation des fenêtres et des portes-patio au niveau des terrasses permettant l’infiltration d’eau,
[33.4] un manque d’étanchéité ou une préparation déficiente avant l’installation des fenêtres et des portes-patio au rez-de-jardin sous la terrasse permettant l’infiltration d’eau,
[33.5] un manquement important dans l’isolation au plafond de la salle de rangement sous la terrasse,
[33.6] une isolation discontinue des linteaux de béton au-dessus des portes et des fenêtres,
avec le résultat que le bâtiment comporte d’importants problèmes reliés à la céramique et aux infiltrations d’eau qui elles-mêmes découlent d’une mauvaise réalisation des travaux à l’endroit des seuils des portes.
[34] Au soutien de ce volet, les Bénéficiaires requièrent que les travaux de céramique, de membrane et d’isolant aux terrasses du rez-de-jardin et du rez-de-chaussée soient entièrement repris avec la réfection des finis de remplacement du foyer à l’intérieur, le nettoyage des finis, des portes, des fenêtres et revêtement des murs extérieurs et, le cas échéant, leur remplacement si le nettoyage ne rendait pas un aspect de qualité neuf.
[35] Pour les raisons supra exposées aux paragraphes 53-66, 68, 69.2, et l’admission prévue au paragraphe 69.5, et plus particulièrement parce que des travaux ont été exécutés par des tiers et non pas par l’Entrepreneur accrédité au plan de garantie, et sur donc la foi de l’article 12(1) du Règlement, on ne peut donner droit à ce poste de réclamation des Bénéficiaires.
Escalier central - épaisseur et fixation du verre
[36] L’Administrateur a conclu à l’item 55 de sa décision du 12 décembre 2016 qu’il n’était pas en mesure d’établir que l’Entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art ou aux normes applicables. Or, le rapport d’expertise CIEBQ « Experts-conseils » daté du 4 février 2020 (ci-après « l’expertise CIEBQ ») a conclu comme suit à l’article 2.8 :
« Les garde-corps de l’escalier intérieur nous paraissent non conformes aux règles de l’art. En effet, les panneaux vitres servant de protection aux garde-corps et aux mains courantes sont très flexibles et mal fixés (AP-47 et AP-48). Nous avons été à même de constater que les panneaux de verre n’ont que 6 mm d’épaisseur, et se déforment considérablement sous une pression relativement faible de la main, surtout dans la partie basse de ceux-ci. À l’origine, les seuls éléments de fixation étaient disposés à chaque extrémité́ des panneaux vitrés, ce qui rendait la situation encore pire. En raison des demandes des propriétaires actuels, des ancrages supplémentaires ont été ajoutés en partie supérieure au centre de certains verres (AP-48). Cette conception nous paraît, malgré́ tout, anormale. »
[37] S’appuyant sur ce constat, les Bénéficiaires affirment que le problème n’est pas purement esthétique. Avec respect, anormale n’est pas dangereux, du moins rien ne me le suggère; et le terme « inesthétique » ne me fut proposé. Je ne pourrai donc pas donner droit à cette demande des Bénéficiaires et je maintiendrai la décision de l’Administrateur.
Plancher des douches
[38] Les Bénéficiaires prétendent que la conclusion de l’Administrateur à l’item 57 de la décision du 12 décembre 2016 à l’effet que l’écoulement du plancher de la douche semblait normal et la plainte était donc à rejeter devrait être infirmée. Ils s’appuient sur le commentaire qui se trouve à l’article 2.7 du rapport d’expertise CIEBQ :
« Nous n’avons pas observé de déficiences notables à l’endroit de la construction, mais plutôt à l’endroit du concept où la douche relativement petite laisse s’échapper de l’eau sur la céramique adjacente. Nous suggérons minimalement d’ajouter un petit seuil pour minimiser l’impact de cette situation. »
[39] Je comprends que des traces d’eau s’échappent d’une petite douche et qu’un petit seuil pouvait « minimiser l’impact ». Il s’agit ici possiblement d’une erreur de conception (ce qui n’est pas ici déterminé et/ou même suggéré). Certes, rien dans la preuve ne suggère vice ou désordre affectant directement ou indirectement la santé ou la sécurité des occupants ou la pérennité de l’ouvrage. Ainsi, je ne pourrais donner suite à la demande des Bénéficiaires d’infirmer la décision de l’Administrateur.
Murs courbés et miroir cassé
[40] L’Administrateur a conclu à l’item 72 de la décision du 12 décembre 2016 qu’à l’exception des murs de la salle de bain et de la chambre d’invites, les tolérances de verticalité, d’aplomb et d’horizontalité des murs rencontraient les règles de l’art. Or, les Bénéficiaires souhaitent que tous les murs et les jonctions de cadres de porte soient vérifiés et corrigés là où requis. Ils s’appuient sur l’expertise CIEBQ, qui a constaté dans son article 2.4 que des travaux correctifs étaient nécessaires en ce qui concernait le mur de la salle de bain du rez-de-chaussée « considérablement déformé » (sic). À l’article 2.6, le rapport constate également que les travaux correctifs sont nécessaires partout où les portes ne sont pas parallèles aux murs de gypse adjacents.
[41] Ayant personnellement constaté ce désordre, je suis d’opinion que des travaux correctifs sont nécessaires, mais uniquement en ce qui concerne le mur de la salle de bain du rez-de-chaussée.
Céramique du balcon-terrasse fissurée, portes intérieures, bris de céramique dans la petite douche et céramique du balcon fissuré
[42] Dans sa décision du 19 mars 2018, l’Administrateur a conclu à l’item 5 que la pose de la céramique lui semblait conforme aux règles de l’art. Les Bénéficiaires s’opposent à cette conclusion et demandent le remplacement complet de la céramique comme fut suggéré à l’article 2.3 du rapport d’expert CIEBQ. D’après les Bénéficiaires, dans la mesure où la céramique a été bien posée, elle n’aurait pas dû se fissurer. Les Bénéficiaires sont également d’avis que le remplacement de la céramique contribuera à régler les problèmes d’infiltrations qu’ils constatent dans la mesure où il permettra l’installation de la membrane sur la terrasse.
[43] Tel que ci-haut et ci-après exposé, et en raison du fait que les travaux de céramique auraient été faits par des tiers et non pas par l’Entrepreneur accrédité au plan de garantie, et sur donc la foi de l’article 12(1) du Règlement, on ne peut donner droit à ce poste de réclamation des Bénéficiaires.
Portes intérieures
[44] Les Bénéficiaires demandent le remplacement complet des portes intérieures pour obtenir la hauteur et le fini des portes voulus. Ils s’appuient sur la conclusion à l’article 2.5 du rapport d’expert CIEBQ, où l’expert Vincent indique être d’avis que la seule correction acceptable était le remplacement des portes.
[45] L’Administrateur est d’opinion que « certains panneaux sont légèrement fissurés en leur centre ». Il indique de plus que « du bois non teint est visibles (sic) sur plusieurs portes, au pourtour du panneau central, tout comme plusieurs portes sont sont (sic) égratignées et endommagées ». Il accueille la demande de réclamation des Bénéficiaires sur ce point. Nous concordons.
Bris de la céramique dans la petite chambre
[46] Suivant l’article 2.9 du rapport d’expert CIEBQ, qui constatait que plusieurs céramiques brisées dans la chambre d’enfant devraient être remplacées, certes, si ceci constitue une malfaçon (ce qui n’est pas ici statué), ceci n’atteint pas le niveau de gravité de vice caché.
[47] Subsidiairement, quant aux autres mentions du rapport à l’effet qu’il serait potentiellement nécessaire d’effectuer des travaux plus importants de stabilisation de la dalle sur sol, il ne s’agit que d’hypothèses spéculatives non vérifiées.
[48] Les Bénéficiaires demandent qu’après que la céramique ait été enlevée pour être remplacée, des travaux d’injection soient réalisés pour stabiliser la dalle sur sol si les dommages à la dalle ne sont pas trop importants. Si les dommages sont trop importants, les Bénéficiaires demandent que la dalle et la céramique soient remplacées dans la chambre d’enfant et dans la salle de lavage.
[49] Le plan de garantie n’est pas utile à satisfaire les inquiétudes spéculatives sans preuve ni commencement de preuve à l’effet qu’il existe ou existerait un désordre latent potentiellement exposé par une destruction potentielle d’une partie de l’ouvrage.
[50] Je ne pourrai donc faire droit à cette demande des Bénéficiaires.
Céramique tachée dans toute la maison
[51] L’Administrateur a rejeté la demande des Bénéficiaires quant au nettoyage des taches sur la céramique causées par des traces de colle et/ou de scellant au point 56 de sa décision du 12 décembre 2016. Or, les Bénéficiaires demandent qu’un nettoyage en profondeur à deux étapes soit entrepris. Dans l’éventualité où le nettoyage ne serait pas suffisant pour redonner l’état neuf a la céramique, les Bénéficiaires demandent que la céramique soit remplacée.
[52] Tel que ci-haut et ci-après exposé, et en raison du fait que les travaux de céramique auraient été faits par des tiers et non pas par l’Entrepreneur accrédité au plan de garantie, on ne peut donner droit à ce poste de réclamation des Bénéficiaires.
[53] Pour les trois (3) points « céramique du balcon-terrasse fissurée », « portes intérieures » et « céramique tachée dans toute la maison », l’information disponible au soussigné (à la fois de la preuve au dossier et accessoirement faisant partie du domaine public suite à la publication du jugement de L’Honorable Claude Villeneuve, J.C.S.) est à l’effet que ces points (comprendre « ces désordres ») sont spécifiquement exclus de la garantie puisque les réparations des défauts dans les matériaux et équipements fournis et installés par les Bénéficiaires sont spécifiquement exclus (art. 12 al. 1 du Règlement).
Dommages permanents causés par le sel
[54] Selon le point 45 de la décision administrative datée du 12 décembre 2016, l’Entrepreneur aurait utilisé du sel dans les coffrages pour faire les travaux de bétonnage. Ceci aurait été contraire aux règles de l’art et fait en sorte que le bâtiment sera à jamais vicié. Les Bénéficiaires demandent un travail de nettoyage conforme à ce que l’Administrateur a demandé dans sa décision. Je ne peux que faire droit à cette demande. Les Bénéficiaires demandent également une compensation pour le dommage permanent qu’ils subiront au moment de la vente éventuelle du bâtiment.
[55] Quant à ce poste de réclamation, admettant que j’aurais été favorable à accorder quoi que ce soit (ce qui n’est pas ici inféré), il n’a fait l’objet d’aucune preuve ni quant à sa gravité ni quant à ses conséquences sur la pérennité de l’ouvrage et/ou la valeur monétaire recherchée.
[56] Je rappelle ici que les Bénéficiaires sont en demande, et qu’à cet effet, ils ont le fardeau de la preuve. Sans que ce fardeau soit indu, ils ont néanmoins l’obligation de convaincre.
[57] Devant un tel vide, je ne pourrai donner suite à ce poste de réclamation.
Électricité dans les murs pour les stores motorisés
[58] Les Bénéficiaires demandent que les travaux électriques soient repris aux endroits où l’expert avait constaté la présence de prises et de boitiers électriques dissimulés dans le plafond de même que des stores mécaniques branchés par un cordon amovible.
[59] La juridiction du soussigné prend source au Règlement et de tout différend portant sur une décision de l’Administrateur concernant une réclamation.
[60] Cette question n’ayant pas été préalablement soumise à l’Administrateur et n’ayant pas fait l’objet d’une « Décision », je suis sans juridiction sur ce poste. Je ne pourrai donc pas y donner suite.
[61] Je rappelle aux Bénéficiaires, tel que cela a été fait en introduction, que le forum est régi par le Règlement sur le plan de garantie de bâtiments résidentiels neufs, B-1.1, r.8, et donc que le soussigné a compétence exclusive sur tout différend portant sur une décision de l’Administrateur. Il doit donc y avoir une décision de l’Administrateur qui se prononce sur un point ou sur un élément en particulier et qu’une partie (Entrepreneur comme Bénéficiaire) insatisfaite de cette décision puisse requérir l’arbitrage.
[62] Cette question de l’électricité dans les murs pour les stores motorisés ne fait l’objet d’aucune décision de l’Administrateur. Le soussigné est donc sans juridiction sur ce point.
L’ARGUMENTAIRE DE L’ADMINISTRATEUR
Paiement dû par les Bénéficiaires
[63] L’Administrateur s’adresse aux plaintes des Bénéficiaires au sujet de la non-exécution de certains travaux correctifs déjà reconnus par l’Administrateur dans ses décisions. D’après l’Administrateur, cette situation s’explique par le fait que les Bénéficiaires ont refusé de verser des sommes dues à l’Entrepreneur dans un compte en fidéicommis auprès d’un avocat ou de les faire retenir par leur institution financière conformément à l’article 11 du Règlement. Ceci était le cas malgré le jugement de la Cour supérieure dans le dossier No. 450-17-006460-167 à l’effet que les Bénéficiaires devaient payer à l’Entrepreneur une somme de 144 825,73 $ plus intérêts (qui fut ensuite confirmé par la Cour d’appel, qui a accueilli la Requête en rejet de l’Entrepreneur dans le dossier No. 500-09-028057-198).
[64] L’Administrateur prétend qu’il était donc justifié de ne pas intervenir en lieu et place de l’Entrepreneur pour entreprendre les travaux correctifs. Dans la mesure où le coût des travaux initialement prévu s’avère maintenant plus important en raison du temps écoulé, l’Administrateur prétend que ceci doit être aux frais des Bénéficiaires et que les Bénéficiaires ne sont pas en droit de réclamer une compensation de l’Administrateur.
Caractérisations des décisions rendues par l’Administrateur
[65] L’Administrateur allègue que certaines phrases dans le Bref des Bénéficiaires ont pour effet de laisser croire qu’il s’agit des propos de l’Administrateur dans une des décisions alors que ceci n’est pas le cas. Le Bref de l’Administrateur porte attention à plusieurs exemples.
Demande d’intervention de l’Administrateur pour des travaux hors contrat non exécutés par l’Entrepreneur
[66] L’Administrateur plaide, sans toutefois clairement le spécifier, l’article 12(1) du Règlement qui prévoit que sont exclues de la garantie les réparations des défauts dans les matériaux et les équipements fournis et installés par le Bénéficiaire (comprendre ses représentants, préposés, commettants, mandataires autres que l’Entrepreneur). Sur la foi donc de la décision de L’Honorable Claude Villeneuve ayant acquis force de chose jugée dans le dossier 450-17-006460-167, je ne peux que faire droit à cette demande de l’Administrateur.
Conclusions recherchées
[67] L’Administrateur recherche les conclusions suivantes :
[67.1] REJETER les demandes d’arbitrage soumises par les Bénéficiaires, en date du 23 janvier 2017 (plainte # 1), 6 juillet 2018 (plainte # 2), 3 août 2018 (plainte # 3), 27 novembre 2019 (plainte # 4)
[67.2] ANNULER : Les points qui avaient été RECONNUS, décrits ci-après, dans l’une ou l’autre des Décisions de conciliation rendues par l’Administrateur, au motif que ce dernier a été informé, une fois lesdites Décisions rendues, que les travaux ont été exécutes par des tiers, choisis et payés directement par les Bénéficiaires, et donc aucunement sous le contrôle ou la responsabilité de l’Entrepreneur 2949-8730 Québec inc. (F.A.S.R.S. Construction Fortin & Associés) autrefois accrédité auprès de l’Administrateur :
- Installation des garde-corps extérieurs (travaux exécutés par Vitrerie Sherbrooke inc.) - Point # 1 (Décision du 12 décembre 2016 - plainte #1)
[67.3] MAINTENIR : Les points NON RECONNUS, décrits ci-après dans l’une ou l’autre des Décisions de conciliation rendues par l’Administrateur, au motif additionnel, en plus de ceux déjà mentionnés aux Décisions, que les travaux ont été exécutés par des tiers, choisis et payés directement par les Bénéficiaires, et donc aucunement sous le contrôle ou la responsabilité de l’Entrepreneur 2949-8730 Québec inc. (F.A.S.R.S. Construction Fortin & Associés) autrefois accrédité auprès de l’Administrateur :
- Fenêtre de la chambre des maitres (travaux exécutés par Alumilex inc.) Point # 1 (Décision du 19 mars 2018 - plainte # 2);
- Céramiques de balcon fissurées (travaux exécutés par Construction Longer inc.) Point # 5 (Décision du 19 mars 2018 - plainte # 2)
- Problèmes reliés aux portes et fenêtres (travaux exécutés par Alumilex inc.) (installation, étanchéité, ajustement) - Points # 7 à 10 (Décision du 19 mars 2018 - plainte # 2)
- Stries de colle sur les céramiques du balcon (travaux exécutés par Construction Longer inc.) Point # 4 - (Décision du 16 juillet 2018 - plainte # 3)
[67.4] MAINTENIR les points contenus aux Décisions de conciliation de l’Administrateur rendues respectivement aux dates suivantes : 13 novembre 2017 (décision supplémentaire - plainte # 1), 19 mars 2018 (plainte # 2), 16 juillet 2018 (plainte # 3), 4 novembre 2019 (plainte # 4), autres que ceux déjà mentionnés aux paragraphes précédents;
[67.5] RENDRE toute autre Sentence arbitrale nécessaire afin d’assurer le respect et la conformité des Décisions rendues par l’Administrateur en vertu de la version applicable au présent dossier, du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ ch. B-1.1, r.8);
[67.6] CONDAMNER les Bénéficiaires solidairement à payer, en tout ou en partie, les coûts de l’arbitrage, selon le mécanisme prévu au 2e alinéa de l’article 123 du Règlement.
[68] Les conclusions recherchées ci-haut à (entre autres) [67.2] et, in fine, [67.5] et [67.6] ont comme assise de nouvelles informations obtenues par l’Administrateur, à la suite des décisions rendues, notamment le fait que certains points qui ont été reconnus le furent erronément puisque la preuve retenue par le juge en Cour supérieure a démontré que certains travaux ont été exécutes par des tiers et non pas par l’Entrepreneur accrédité au plan de garantie. L’Administrateur demande que la Sentence arbitrale à intervenir au présent dossier soit rendue selon les conclusions recherchées.
RÉPLIQUE DES BÉNÉFICIAIRES
[69] En réplique, les Bénéficiaires soulèvent sur cinq (5) points :
[69.1] La limite monétaire de la garantie : les Bénéficiaires semblent se dire en désaccord avec le jugement de la Cour supérieure dans le dossier No. 450-17-006460-167. Ils prétendent avoir payé une somme de 166 820,37$ le 7 juin 2019 suite au jugement ayant acquis force de la chose jugée.
[69.2] La céramique de la terrasse : d’après les Bénéficiaires, même s’ils ont payé le coût de l’achat de la céramique eux-mêmes et malgré l’implication d’un sous-traitant (rémunéré au pied carré par les Bénéficiaires), les matériaux et l’installation doivent être considérés comme des travaux effectués par l’Entrepreneur. Les Bénéficiaires prétendent que le seul moyen de remédier des infiltrations d’eau à travers la membrane sous la céramique sur la terrasse est de refaire la céramique de la terrasse.
[69.3] Les fenêtres : les Bénéficiaires prétendent que les travaux d’installation des fenêtres n’étaient pas hors contrat pour l’Entrepreneur.
[69.4] Les désordres : les Bénéficiaires confirment avoir dénoncé les tuiles cassées de la céramique du balcon, la perte de chaleur, la non-étanchéité de la jonction entre la céramique et les murs extérieurs sous les seuils de portes-patio et les stries de colle sur la face verticale de l’extrémité des balcons.
[69.5] Rejet des demandes d’arbitrage : ce cinquième point vise à souligner que, d’après les Bénéficiaires, les travaux de l’Entrepreneur sont couverts par la garantie, et qu’il n’y a pas d’exception en ce qui concerne les travaux de céramique, d’étanchéité ou autres même si certains travaux étaient réalisés par d’autres puisque l’Entrepreneur a eu la charge et le soin de superviser.
DÉCISION
[70] Les positions des parties sont diamétralement opposées sur la plupart des points. Elles sont difficiles, voire même impossibles, à concilier. En particulier, ils sont en profond désaccord sur la question de savoir si la Garantie peut être responsable de certains travaux prétendument effectués par des entreprises autres que l'Entrepreneur, et sur la question de savoir qui doit supporter la charge des coûts de réparation plus élevés que prévu en raison du passage du temps.
[71] Qui plus est, les Brefs des parties manquent de clarté et n'abordent pas efficacement les arguments de la partie adverse. Dans ces circonstances, et en présence d'allégations de fausses déclarations ou de déformation des faits de part et d’autre, il est difficile de découvrir la vérité.
[72] Le Tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs pour en assurer l’application. Il ne peut décider des litiges qui relèvent de l’application d’autres lois, même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige.
[73] Je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et qu’à cet effet, ce sont ces derniers qui ont le fardeau de la preuve. Sans que ce fardeau leur soit indu, ils ont néanmoins l’obligation de convaincre et, à défaut d’une démonstration qu’il y a non-conformité et /ou dérogation à une obligation prévue au Code national du bâtiment, il doit y avoir plus qu’une préoccupation, hypothèse ou insécurité, puisque ceux-ci, à eux seuls, sont insuffisants pour convaincre.
[74] Je considère qu’il y a des désordres certes, et qu’ils portent sur la qualité technique de l’ouvrage et de leur assemblage et bien qu’indissociables au bâtiment en faisant corps avec lui, leurs défauts ne rendent pas l’ouvrage impropre, n’affectent pas l’intégrité de l’ouvrage et ne constituent pas un danger « pour la vie des hommes en société ».
[75] Quant à l’argument de l’Administrateur à l’effet que le passage du temps aurait un impact sur les coûts des travaux qu’il se doit d’assumer, suggérant que par le passage du temps il y a eu aggravation, aucune preuve satisfaisante n’a été offerte de façon convaincante, encore qu’aucun quantum n’ait été proposé, voire même suggéré. Je ne ferai pas droit à cette demande d’exception de l’Administrateur (d’ailleurs aucune suggestion quant à l’empêchement de pouvoir mitiger ses dommages n’a été faite, voire même suggérée).
[76] Subsidiairement, mais non sans moindre importance, l’Administrateur demande au Tribunal d’arbitrage d’annuler les points qu’il avait préalablement reconnus. Désirant adresser les demandes de l’Administrateur, je précise que :
[76.1] Le Règlement prévoit limitativement qui peut faire une demande en arbitrage (une réclamation), à savoir le Bénéficiaire et/ou l’Entrepreneur (art. 106 al. 1 Règlement).
[76.2] Le sens littéral et limitatif des termes (mots) utilisés est une manifestation écrite de l’intention du législateur de limiter le nombre de parties en demande comme en défense (Blaise).
[76.3] Sachant que le Règlement est d’ordre public et que le législateur est présumé avoir eu pour intention d’identifier les « parties intéressées », force est de constater que l’Administrateur n’en fait pas partie, et donc ne peut demander de réformer une décision qui plus est a acquis la force de la chose jugée.
[77] L’Administrateur aura donc l’obligation de performer toute et chacune des obligations qu’il a préalablement reconnues et imbriquées à ses décisions en lieu et place de l’Entrepreneur, le tout, bien entendu, sujet à son droit d’être indemnisé par l’Entrepreneur pour toute(s) action(s) et toute(s) somme(s) versée(s) incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage en ses lieux et places, et ce, conformément au paragraphe 19 de l’annexe II du Règlement et la Convention d’adhésion prévue à l’article 18 du même Règlement.
[78] La présente sentence est rendue sur la foi et mon appréciation de la preuve, des témoignages viva voce et écrits, des expertises, des notes et autorités des parties ainsi que, subsidiairement, ma visite des lieux, dans un effort de départager l’ivraie du bon grain sur la foi de la discrétion qui m’est accordée par la loi et le Règlement saisissant l’appréciation d’opportunité de la liberté de choisir ou l’imposition d’un choix qui m’est fait par le législateur, selon mon appréciation personnelle qui m’appartient en propre et selon ma compétence.
[79] Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi et de la jurisprudence ancillaire, sur la foi du dossier, je suis d’opinion que la demande d’arbitrage des Bénéficiaires et de l’Administrateur est vouée à l’échec et ne peut être retenue.
[80] En gros, les Bénéficiaires n’ont pas rencontré leur fardeau d’établir ou de me convaincre que la ou les décision(s) de l’Administrateur ne conforment pas au Règlement, sont erronées, ou devrait être renversées pour quelque autre motif valable. Bien qu'ils se plaignent de leur mécontentement à l'égard des travaux et des résultats, le soussigné constate que le Bref des Bénéficiaires ne contient que peu ou pas d'arguments de fond selon lesquels l'Administrateur aurait classé à tort un défaut allégué.
[81] Je tiens à préciser que ma décision se situe à l’intérieur des paramètres dictés par le législateur dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et est donc sous toutes réserves du droit des Bénéficiaires qui est le leur, de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions, ainsi que de rechercher les corrections qu’ils réclament sujettes, bien entendu, aux règles de droit commun et à la prescription civile.
[82] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, vu que les Bénéficiaires ont eu du moins partiellement gain de cause, et vu le rejet de la demande de l’Administrateur, je me dois de condamner l’Administrateur du plan de garantie aux entiers frais et dépens.
[83] En conséquence, les frais d’arbitrage, selon l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, seront assumés par l’Administrateur du plan de garantie pour les coûts du présent arbitrage.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE EN PARTIE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires; plus précisément :
ORDONNE à l’Administrateur et à l’Entrepreneur de se conformer à l’ensemble des conclusions préalablement accordées par l’Administrateur et, de facto, de procéder aux travaux suivants :
Suivant la décision de l’Administrateur datée du 12 décembre 2016 :
1. Installation des garde-corps extérieurs;
2. Pente - Seuils des portes et fenêtres;
3. Carrelage céramique au bas des portes et fenêtres - moulures d’aluminium;
4. Carrelage céramique au bas des portes et fenêtres - coulis;
5. Enduit endommagé au bas des murs;
6. Tablette de pierre - muret côté sud;
7. Portes intérieures - longueur;
8. Poignées de portes intérieures;
9. Portes intérieures et extérieures - ajustement;
10. Portes intérieures;
11. Portes extérieures et portes de garage;
12. Robinetterie des salles de bain égratignée et mal alignée;
13. Registre de chauffage au plancher;
14. Porte entre le corridor et le garage endommagée (porte d’accès à la buanderie);
15. Porte de la garde-robe de la chambre principale;
16. Salle de bain des invités - côté de la vanité taché de mortier;
17. Salle de bain des enfants - plinthe de finition de plancher;
18. Salle de bain des maîtres - carrelage céramique taché au pourtour de la baignoire;
19. Bande d’acier inoxydable au pourtour du foyer;
20. Salle de bain des maîtres - porte menant à la toilette;
21. Salle de bain des maîtres - eau de la douche;
22. Salle de bain des maîtres - égratignures sur le miroir;
23. Salle de bain des maîtres - moulure adjacente au miroir;
24. Salle de bain des maîtres - carrelage céramique de plancher - jonction fenêtre;
25. Salle de bain des maîtres - éclat sur la baignoire;
26. Bar - comptoir de l’îlot;
27. Bar - poignée;
28. Bar - vis apparente dans une armoire;
29. Salle de séjour - aluminium des fenêtres;
30. Porte menant au cellier;
31. Escalier central - joints des mains courantes;
32. Escalier central - marches fissurées;
33. Escalier central - égratignures sur les poteaux noirs;
34. Escalier central - égratignures sur l’acier inoxydable;
35. Rez-de-jardin - mobilier de la salle d’eau;
36. Salle de bain au rez-de-jardin - meubles de la vanité;
37. Salle de bain du rez-de-jardin - grille du drain de la douche;
38. Salle de bain du rez-de-jardin - écran de verre près de la toilette;
39. Peinture - coulisses;
40. Jonction - plinthes et gypse;
41. Plinthes courbées et rugueuses;
42. Salle de bain des maîtres - niche au-dessus de la baignoire;
43. Bois torréfié;
44. Porte extérieure fendillée côté sud;
45. Présence de sel de déglaçage à la jonction des murs extérieurs et terrasse;
46. Prises extérieures - absence de « reset »;
47. Chambre ulric - carrelage céramique de hauteur différente;
48. Carrelage céramique de la cuisine effrité;
49. Bas de l’Armoire de cuisine adjacent au réfrigérateur;
50. Salle de bain des invités - mur de gypse entourant la baignoire;
51. Salle de bain des invités - mur derrière le miroir;
52. Carrelage céramique des murs des douches - salles de bain des invités et principale;
53. Salle de lavage - porte d’entrée;
54. Système de chauffage - capacité et balancement;
Suivant la décision de l’Administrateur datée du 13 novembre 2017 :
2. Pente - seuils des portes et fenêtres;
3. Carrelage céramique au bas des portes et fenêtres - moulures d’aluminium;
4. Carrelage céramique au bas des portes et fenêtres - coulis;
5. Enduit endommagé au bas des murs;
45. Présence de sel de déglaçage à la jonction des murs extérieurs et terrasse;
REJETTE la « demande d’arbitrage » de l’Administrateur;
LE TOUT aux frais et avec dépens de l’Administrateur en vertu des articles 116 et 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
Montréal, le 5 mars 2021
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Michel A. Jeanniot, ClArb.