ARBITRAGE En vertu du Règlement
sur le plan de garantie |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Entre |
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Johanne Marcotte |
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Bénéficiaire |
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Et |
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Les Constructions Cherbourg Inc. |
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Entrepreneur |
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Et |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ INC. |
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Administrateur |
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No dossier Garantie : |
103900-1 |
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No dossier GAMM : |
2007-19-007 |
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No dossier Arbitre : |
13 185-31 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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Arbitre : |
Me Jeffrey Edwards |
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Pour la Bénéficiaire : |
Me Daniel Grondin (Grondin et Associés) |
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Pour l’Entrepreneur : |
Me Pascal Plouffe (Kounadis Perreault) |
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Pour l’Administrateur : |
Me Patrick Marcoux (Savoie Fournier) |
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Dates d’audience : |
26, 27 et 28 janvier 2010 |
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Visite des lieux et lieu d’audience : |
Chez la Bénéficiaire et par la suite l’audition a continué aux bureaux de l’arbitre |
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Date de la décision : |
15 mai 2010 |
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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DE TOUTES LES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :
1. FAITS ET PROCÉDURES
[1] Les pièces produites dans ce dossier sont nombreuses à savoir :
Pour l’Administrateur :
-
Pièce A-1 : Contrat préliminaire et contrat de
garantie
(5 octobre 2005);
- Pièce A-2 : Acte de vente (24 mars 2006);
- Pièce A-3 : Mise en demeure de la Bénéficiaire à l’Entrepreneur (6 février 2007);
- Pièce A-4 : Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur et récépissé postal, et lettre de l’Administrateur à la Bénéficiaire (26 février 2007);
- Pièce A-5 : Réponse des procureurs de l’Entrepreneur à la mise en demeure du 6 février 2007 (26 mars 2007);
-
Pièce A-6 : Décision de l’Administrateur et
récépissé postal
(7 mai 2007);
- Pièce A-7 : Demande d’arbitrage (7 et 12 juin 2007);
Pour l’Entrepreneur :
- Pièce P-3 : Avis d’inscription d’hypothèque légale numéro 13 677 688 (21 septembre 2007);
- Pièce P-4 : Préavis d’exercice d’un droit hypothécaire portant le numéro 13 765 699 (25 octobre 2006);
-
Pièce P-5 : Requête introductive d’instance pour
vente sous contrôle de justice dossier 705-17-002220-075
(13 juillet 2007);
-
Pièce P-6 : Défense et demande reconventionnelle
(4 octobre 2007);
- Pièce P-7 : Deux mises en demeure de l’Entrepreneur à Me Nathalie Dubé et la Bénéficiaire, respectivement (21 septembre 2006);
- Pièce P-8 : Lettre de Me Grondin à Me Plouffe (5 octobre 2006);
- Pièce P-9 : Lettre de Me Plouffe à Me Grondin (13 octobre 2006);
- Pièce P-10 : Lettre de Me Grondin à Me Plouffe (16 octobre 2006);
-
Pièce P-11 : Lettre de Me Grondin à Me Plouffe
(14 décembre 2006);
-
Pièce P-12 : Lettre de Me Plouffe à Me Grondin
(27 décembre 2006);
- Pièce P-14 : Lettre de Me Grondin à Me Plouffe (5 janvier 2007);
- Pièce P-15 : Lettre de Me Grondin à Me Plouffe (2 avril 2007);
- Pièce P-16 : Fiche descriptive de l’immeuble;
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Pièce P-17 : Action personnelle et action
hypothécaire
(19 octobre 2007);
-
Pièce P-18 : Défense et demande reconventionnelle
(29 février 2008);
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Pièce P-19 : Réponse et défense reconventionnelle
(22 octobre 2007);
- Pièce P-20 : Requête introductive en garantie (5 novembre 2007);
- Pièce P-21 : Défense et demande reconventionnelle amendée (10 avril 2008);
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Pièce P-22 : Défense de la défenderesse en garantie
(19 février 2008);
- Pièce P-23 : Rôle d’évaluation de l’immeuble de la ville de Terrebonne (25 janvier 2010);
- Pièce P-24 : Enregistrements de différentes discussions entre l’Entrepreneur, M. Marcotte et Mme Mélo;
Pour la Bénéficiaire :
- Pièce D-1 : Bail de location (1 janvier 2006);
- Pièce D-1-A : Déclarations fiscales de la Bénéficiaire ;
- Pièce D-2 : Photographies et vidéos en liasse;
- Pièce D-3 : Avis de dénonciation (24 mai 2007);
- Pièce D-4 : Avis d’hypothèque légale en faveur de FENÊTRES MAGISTRAL WINDOWS INC. (18 avril 2006);
- Pièce D-5 : Preuve de paiement en liasse;
- Pièce D-6 : Index des immeubles ;
-
Pièce D-7 : Avis d’hypothèque légale et préavis
d’exercice en faveur de LA FONTAINE & ASSOCIÉS INC.
(8 mai 2006);
-
Pièce D-8 : Avis d’hypothèque légale et préavis
d’exercice en faveur de LES ISOLATIONS MAUPI INC.
(9 juin 2006);
- Pièce D-9 : Plans de l’immeuble;
- Pièce D-10-A : Contrat de courtage immobilier (19 mai 2005);
- Pièce D-10-B : Plan de projet domiciliaire;
- Pièce D-10-C : Fiches immobilières en liasse;
- Pièce D-11 : Coûts ventilés;
- Pièce D-12-A : Dépôt de 1000 $ sur le terrain (5 août 2005);
- Pièce D-12-B : Dépôt de 5000 $ sur le terrain (15 décembre 2005);
- Pièce D-13 : Rapport d’expertise de Claude Latulippe (17 mars 2008);
- Pièce D-14 : Rapport d’inspection d’Ève Richard commandé par la Banque CIBC (17 mars 2006);
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Pièce D-15 : Soumission de Héneault & Gosselin
Inc.
(14 juillet 2008);
- Pièce D-16 : Soumission de LES ENTREPRISES LÉONARD INC. (5 mai 2008)
- Pièce D-17 : Certificat d’enregistrement du bâtiment, incluant le bachelor;
- Pièce D-18 : Panneau publicitaire extérieur mentionnant Roger Marcotte et Filoména Mélo à titre de « vendeurs » pour l’Entrepreneur;
- Pièce D-19 : Deux publicités diffusées dans des journaux mentionnant Roger Marcotte et Filoména Mélo à titre de « représentants » pour l’Entrepreneur;
- Pièce D-20 : Plan transmis par la technologue de l’Entrepreneur à Filoména Mélo par courriel en date du 30 septembre 2005;
- Pièce D-21 : Soumission pour la toiture envoyée par M. Taylor pour l’Entrepreneur le 20 octobre 2005 et le contrat daté du 27 octobre 2005 signé par M. Taylor au nom de l’Entrepreneur;
- Pièce D-22 : Factures relatives aux changements de pompes par la Bénéficiaire (27 octobre 2009);
- Pièce D-23 : État de compte de Jean Villeneuve Sablières enr. et les deux factures pour des travaux de débroussaillage et de préparation du terrain demandés par Roger Marcotte personnellement (21 octobre 2005);
- Pièce D-24 : Facture de l’expert, Les expertises Latulippe & Associés inc. du 28 janvier 2010 relative à l’audition de l’arbitrage et celle du 25 mars 2008 pour la préparation du rapport D-13.
Interrogatoires :
- Interrogatoire après défense de Roger Marcotte par Me Pascal Plouffe (28 novembre 2007);
- Interrogatoire après défense de la Bénéficiaire par Me Pascal Plouffe (28 novembre 2007);
- Interrogatoire après défense de Filoména Mélo par Me Pascal Plouffe (28 novembre 2007);
- Interrogatoire après défense de la Bénéficiaire par Me Pascal Plouffe (30 octobre 2007);
- Interrogatoire après défense de Roger Marcotte par Me Pascal Plouffe (30 octobre 2007);
- Interrogatoire avant défense de l’Entrepreneur par Me Daniel Grondin (1 février 2008);
- Interrogatoire avant défense de l’Entrepreneur par Me Claude Coursol (1 février 2008);
- Interrogatoire avant défense de la Bénéficiaire par Me Pascal Plouffe (1 février 2008);
- Interrogatoire avant défense de la Bénéficiaire par Me Claude Coursol (1 février 2008);
- Interrogatoire avant défense de Roger Marcotte par Me Pascal Plouffe (1 février 2008);
- Interrogatoire avant défense de Roger Marcotte par Me Claude Coursol (1 février 2008);
[2] Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage de la Bénéficiaire d’une décision rendue par l’Administrateur (A. Deschênes, T.P.) le 7 mai 2007 (Pièce A-6) rejetant sa réclamation pour des travaux correctifs suite à des infiltrations d’eau et le fait que la nappe phréatique est plus élevée que le niveau des semelles des fondations de la résidence de la Bénéficiaire. Devant de nombreuses contradictions par rapport à presque tous les faits impliqués dans ce dossier, l’inspecteur Deschênes a tout simplement refusé de statuer. Le 12 juin 2007, la Bénéficiaire a fait une demande d’arbitrage (Pièce A-7) de cette décision de l’inspecteur Deschênes. Les parties ont déposé de nombreuses et de très volumineuses pièces, incluant les enregistrements (Pièce P-24), devant le Tribunal d’arbitrage. Les parties ont également déposé en preuve de nombreux et de très volumineux interrogatoires hors cour qui ont eu lieu devant la Cour supérieure du Québec.
[3] Après trois (3) jours d’audition, le Tribunal d’arbitrage a demandé aux parties s’il y avait une possibilité de régler la cause entre elles et ainsi éviter au Tribunal d’arbitrage de passer en détail à travers de tous les documents qui ont été déposés afin de déterminer la vérité par rapport aux éléments et aux allégations hautement contradictoires de chaque partie, soit la preuve en cause. Les parties ont accepté de faire un effort sincère afin de déterminer si elles pouvaient arriver à un règlement. Ainsi, le Tribunal d’arbitrage a suspendu le délibéré jusqu’au 1 mars 2010. À la fin de ce délai, les procureurs respectifs de la Bénéficiaire et de l’Entrepreneur ont confirmé que ces derniers étaient incapables d’arriver à un règlement et que le Tribunal d’arbitrage devait donc trancher la question. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, les parties ont accordé au soussigné une prolongation du délai afin qu’il rendre la sentence, soit jusqu’au 17 mai 2010.
[4] En effet, parallèlement à ce dossier, mais après la demande de la Bénéficiaire (Pièce A-3) en vertu du contrat de garantie et la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire (Pièce A-7), l’Entrepreneur a institué devant la Cour supérieure du Québec (district judiciaire de Joliette, numéro 705-17-002220-075) une action personnelle contre la Bénéficiaire, M. Marcotte et Mme Mélo, ainsi qu’une action hypothécaire sur la base d’une hypothèque légale de la construction (Pièces P-5 et P-17) afin de recouvrer des sommes qu’il prétend qui lui sont dues, incluant une demande pour vente sous contrôle de justice. Un recours en garantie fut également institué par l’Entrepreneur contre Jean Villeneuve Sablière enr. (Pièce P-20). L’Administrateur n’est pas une partie impliquée ou mise en cause dans ces procédures judiciaires.
[5] L’Entrepreneur a saisi le Tribunal d’arbitrage d’une demande de sursis du présent dossier et ce, jusqu’à ce que le jugement final soit rendu dans le dossier pendant devant la Cour supérieure du Québec. Cette demande a été contestée par l’avocat de la Bénéficiaire. Les avocats respectifs de la Bénéficiaire et de l’Entrepreneur ont soumis des notes et autorités sur la question. La requête en suspension fut rejetée par le Tribunal d’arbitrage le 6 août 2008 en vertu au motif principal qu’il n’y avait pas de litispendance entre la demande d’arbitrage et les procédures judiciaires en question et cette décision arbitrale fut confirmée par la Cour supérieure du Québec dans un jugement daté du 21 octobre 2008 rendu par l’honorable Jean Guibault, J.C.S.
[6] Par la suite, il y a eu une demande conjointe des parties de suspendre le dossier d’arbitrage pendant des discussions de règlement. Le Tribunal d’arbitrage a alors suspendu l’instance pour permettre aux parties l’opportunité de régler à l’amiable la demande d’arbitrage de même que les autres instances pendantes entre elles. Malgré deux Conférences de règlement à l’amiable devant la Cour supérieure, les parties ont été incapables de régler. Elles ont alors demandé au soussigné de fixer la date d’audition et de procéder à l’arbitrage.
La preuve révèle ce qui suit :
[7] C’est au cours de l’année 2005 que Patrick Taylor, président de l’Entrepreneur, fit la connaissance de Roger Marcotte, le frère de la Bénéficiaire et de Filomena Mélo, la conjointe de M. Marcotte. L’Entrepreneur avait conclu antérieurement avec Mme Mélo un contrat de courtage immobilier (Pièce D-10-A) par lequel cette dernière agissait comme agente d’immeuble relativement au projet développé en partie par l’Entrepreneur et connu sous le nom du Domaine de la Cité des Pins. M. Marcotte qui complétait à l’époque son cours d’agent d’immeuble était également impliqué dans ce projet. Il vendait des maisons sur plan. Cette relation d’affaires entre l’Entrepreneur, M. Marcotte et Mme Mélo a continué jusqu’au courant de l’année 2006 et est démontrée par des publicités et un panneau publicitaire de l’Entrepreneur indiquant M. Marcotte et Mme Mélo comme étant représentants de l’Entrepreneur (Pièces D-18 et D-19).
[8] M. Marcotte a été camionneur de l’âge de dix-huit (18) ans jusqu’à ce qu’il devienne agent d’immeuble. C’est à la suite d’un accident d’automobile lui empêchant d’exercer son emploi de camionneur qu’il a décidé de s’inscrire au cours lui permettant de devenir agent d’immeuble. Il est agent d’immeuble depuis le 1 juillet 2005. Selon M. Marcotte, il aurait participé dans la vente de quatre (4) ou cinq (5) maisons comme représentant pour l’Entrepreneur pour le projet du Domaine de la Cité des Pins.
[9] Quant à M. Taylor, il est contracteur général et tel qu’indiqué ci-haut, président de l’Entrepreneur. Il a fondé cette compagnie en 2002 et il a construit au total six (6) maisons. Avant de fonder cette compagnie, il était charpentier menuisier de 1989 à 1994 et entrepreneur en charpenterie brut de 1994 à 2002.
[10] Un ou deux mois suivant le début de son emploi chez l’Entrepreneur, M. Marcotte a eu des discussions avec M. Taylor à l’effet qu’il désirait acquérir la maison dans laquelle il résidait et qu’il louait à l’époque. Celle-ci était située à La Plaine. M. Taylor lui déconseilla de faire un tel achat en vertu du fait qu’il s’agissait d’une veille maison qui nécessitait énormément de rénovations. Il était plutôt d’avis que M. Marcotte et Mme Mélo devaient se faire construire un nouvel immeuble résidentiel. Sachant que M. Marcotte et Mme Mélo n’étaient pas très fortunés, l’Entrepreneur offrit son aide, bien que non pécuniaire, pour une telle construction. C’est ainsi que M. Marcotte et Mme Mélo trouvèrent un terrain à La Plaine sur lequel la construction en question pouvait s’effectuer. Il est important de noter que ce terrain a une dimension d’environ cent mille pieds carrés (100 000 pi2), ce qui est beaucoup plus grand que les terrains sur lesquels l’Entrepreneur construit habituellement ses résidences, soit six mille pieds carrés (6000 pi2).
[11] M. Marcotte et Mme Mélo ont chacun fait faillite dans le passé. Il était donc impossible pour eux d’obtenir le financement nécessaire pour la construction d’une nouvelle résidence sur le terrain voulu. En effet, la banque a refusé de financer un tel projet en raison de leur dossier de crédit. Selon les témoignages de M. Marcotte et Mme Mélo, leurs finances étaient stables au moment où ils désiraient construire la résidence, mais en vertu du fait qu’ils étaient travailleurs autonomes, ils devaient démontrer à leur banque qu’ils avaient eu trois (3), quatre (4) même cinq (5) années salariales stables depuis leur dernière faillite afin de rebâtir leur crédit, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
[12] M. Marcotte et Mme Mélo se sont donc tournés vers la Bénéficiaire pour de l’aide financière. Selon le témoignage de la Bénéficiaire, dans les moments précédant le décès du père de la Bénéficiaire et de M. Marcotte, celui-ci demanda à la Bénéficiaire de s’occuper et de veiller au bien-être de M. Marcotte et de sa famille, soit de ces deux enfants. C’est ainsi que lorsque M. Marcotte et Mme Mélo approchèrent la Bénéficiaire pour faire une telle demande, cette dernière accepta de faire construire une maison sur le terrain voulu et dont elle serait propriétaire et ce, afin que M. Marcotte y réside avec sa famille en échange d’un loyer. La Bénéficiaire réside ailleurs avec sa mère qui avait subi à l’époque deux (2) accidents cardio-vasculaires. C’est ainsi qu’elle témoigne qu’elle a acquis la résidence dans le but d’y résider éventuellement, soit lorsque sa mère décèdera. Comme elle dit, elle a fait « deux pierres d’un coup », soit de veiller au bien-être de son frère et de sa famille et de s’assurer d’avoir un endroit à résider lorsque sa mère décèdera. Selon les témoignages de la Bénéficiaire et de Mme Mélo, ce n’était pas la première fois que la Bénéficiaire aidait son frère et sa famille. En effet, la Bénéficiaire témoigne que même lorsque M. Marcotte n’avait que seize (16) ans, elle lui aurait prêté de l’argent afin qu’il s’achète un pneu pour son bicycle à gazoline. Mme Mélo témoigne quant à elle, que la Bénéficiaire a payé des loyers antérieurs pour l’ancienne résidence louée par M. Marcotte et Mme Mélo. Cette dernière admet qu’ils doivent encore aujourd’hui de l’argent à la Bénéficiaire. La Bénéficiaire témoigne également au fait que M. Marcotte lui doit de l’argent.
[13] La banque de la Bénéficiaire lui accorda un prêt de 240 000,00 $ pour la construction d’un immeuble et la Bénéficiaire signa, le 5 octobre 2005, un contrat préliminaire et contrat de garantie de l’Administrateur (Pièce A-1) de l’Entrepreneur qui engageait la Bénéficiaire à acquérir le terrain et la résidence qui y serait érigée par l’Entrepreneur. Le prix indiqué au contrat était de 240 000,00 $. M. Marcotte et Mme Mélo n’étaient pas cosignataires à ce contrat. La Bénéficiaire n’avait eu aucun contact avec l’Entrepreneur à l’époque de la signature de ce contrat. En effet, celui-ci fut rempli à la main par Mme Mélo et la Bénéficiaire le signa en présence de M. Marcotte et Mme Mélo qui agissaient comme représentants de l’Entrepreneur.
[14] La Bénéficiaire ne s’est pas impliquée dans les différentes étapes de la construction de la résidence. Celle-ci travaille de nuit comme chef de ligne pour une compagnie pharmaceutique et elle s’occupe énormément de sa mère. Elle admet dans son témoignage avoir demandé à M. Marcotte qu’il vérifie et qu’il s’assure que la construction se déroulait comme elle se devait et ce, car elle n’avait pas le temps de se déplacer de façon journalière sur le chantier de construction afin de faire une telle vérification. Elle n’a visité le chantier de construction qu’à quelques reprises car elle faisait confiance à M. Marcotte afin qu’il fasse les vérifications qui s’avéraient nécessaires. Il est à noter que lors de cette construction, M. Marcotte était pratiquement toujours présent sur le chantier au point où il avait stationné sa fourgonnette sur le chantier afin de dormir sur place. M. Marcotte a également filmé une majeure partie de la construction. Les divers vidéos de M. Marcotte ont été déposés en preuve (Pièce D-2). M. Marcotte et Mme Mélo étaient majoritairement l’intermédiaire entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur. Rien n’était formel et rien n’était officiel. La première rencontre entre la Bénéficiaire et M. Taylor a seulement eu lieu lors de la signature de l’acte de vente devant le notaire, le 24 mars, 2006, (Pièce A-2), soit lorsque la construction de la résidence tirait à sa fin.
[15] Les témoignages de M. Taylor et M. Marcotte quant à l’usage projeté de la résidence sont contradictoires. Selon M. Marcotte, il y avait une entente entre lui-même et l’Entrepreneur au fait que la résidence serait construite afin de servir comme maison modèle pour l’Entrepreneur. Alors que M. Taylor allègue qu’il n’était pas question de maison modèle, que la résidence ne pouvait pas servir à une telle fin en vertu du fait que M. Marcotte et sa conjointe y résidaient. Il aurait plutôt fait une entente avec M. Marcotte à l’effet que dans l’éventualité où un acheteur potentiel désirerait acquérir le même genre de résidence que la Bénéficiaire, M. Marcotte accepterait de faire visiter la maison. M. Taylor aurait cette même entente avec tous ses autres clients.
[16] La construction débuta au cours du mois d’octobre 2005. Tant M. Marcotte que M. Taylor admettent que M. Taylor a aidé énormément M. Marcotte et Mme Mélo avec la construction en leur donnant des prix favorables, d’autant plus que la résidence était construite sur un terrain plus grand que la moyenne. M. Marcotte a admis dans son témoignage que sa maison vaut plus que 240 000,00 $.
[17] C’est lors de l’excavation du terrain que les premiers problèmes sont survenus. En effet, l’excavateur, Jean Villeneuve, qui est a l’emploi de la compagnie Jean Villeneuve Sablière enr., aurait excavé trop près de la nappe phréatique et ainsi la fondation aurait été construite qu’à quelques pouces au-dessus de la nappe phréatique, ce qui occasionne aujourd’hui pour la Bénéficiaire des problèmes importants d’inondations dans le sous-sol de sa résidence. Selon l’examen du sous-sol par le soussigné, ces problèmes ont fait en sorte que le sous-sol est présentement inhabitable et qu’il est impossible d’en faire une utilisation normale. L’Entrepreneur se dit non responsable de ces dommages en vertu du fait que ce n’est pas lui, mais bien M. Marcotte, qui a engagé personnellement M. Villeneuve comme excavateur.
[18] Selon M. Taylor, M. Marcotte lui aurait demandé d’utiliser les services de M. Villeneuve en ce qui a trait à l’excavation du terrain et ce, en vertu du fait qu’il était bien équipé, qu’il avait de la bonne machinerie et qu’il prendrait moins de temps à effectuer l’excavation en question que l’excavateur désigné par l’Entrepreneur. C’est ainsi que M. Taylor aurait fortement exprimé son désaccord à une telle option en argumentant qu’il avait eu dans le passé deux litiges avec Jean Villeneuve Sablière enr. et il aurait averti M. Marcotte qu’il pouvait bien faire ce qu’il voulait, mais que c’était à ses propres risques et périls. L’Entrepreneur avait fait arpenter et piqueter le terrain par sa firme d’arpentage, Jacques Noury A.G. et la demande d’effectuer l’excavation aurait été faite par M. Marcotte à M. Villeneuve. En effet, selon M. Taylor, M. Marcotte avait les plans dans ses mains, il les aurait donnés à M. Villeneuve et ce dernier aurait par la suite creusé le trou pour la fondation.
[19] Quant à M. Marcotte, M. Taylor lui avait suggéré de prendre les services d’Yvon Panneton afin d’effectuer le défrichage du terrain. Insatisfait du travail de celui-ci et de ses employés, M. Marcotte et l’Entrepreneur auraient mis un terme à son contrat et entre temps, M. Villeneuve serait venu sur le chantier avec sa grosse machinerie et aurait offert ses services à M. Marcotte pour le défrichage du terrain. M. Marcotte l’aurait engagé sur le champ et ce, à l’insu de M. Taylor. Par la suite, M. Marcotte aurait suggéré à M. Taylor de retenir les services de Jean Villeneuve Sablière enr. pour l’excavation du terrain étant donné que M. Villeneuve était déjà sur le chantier avec la machinerie nécessaire. Selon M. Marcotte, M. Taylor aurait exprimé une réticence à une telle suggestion mais il aurait adhéré et aurait demandé à M. Villeneuve d’effectuer l’excavation.
[20] M. Taylor prétend qu’il n’était pas présent lors de l’excavation alors que M. Marcotte témoigne qu’il n’arrive pas à se souvenir si celui-ci était effectivement sur le chantier à ce moment là. Un vidéo de M. Marcotte démontre que M. Taylor était dans la rue près du chantier le matin du jour de l’excavation. Par contre, il n’est pas clair selon ce vidéo, si M. Taylor était présent au moment même et au lieu précis de l’excavation.
[21] Lors de l’excavation, il pleuvait et énormément d’eau s’est accumulée dans le trou creusé par M. Villeneuve. Selon le témoignage de M. Marcotte, il aurait averti M. Villeneuve du problème d’eau et ce dernier lui aurait dit que c’était normal étant donné du temps qu’il faisait. Aucune solution n’a été discutée avec M. Villeneuve afin de pallier au problème.
[22] Mme Mélo témoigne que cette même journée elle a vu M. Taylor qui était dans sa roulotte sur la rue du chantier et elle lui aurait demandé si c’était normal que le trou creusé par M. Villeneuve n’était pas aussi profond que ceux qu’elle avait vus sur d’autres chantiers de construction. Elle témoigne qu’elle avait l’impression que seulement un « petit coup de pelle » avait été effectué par M. Villeneuve comparativement aux autres excavations sur les autres chantiers de l’Entrepreneur. M. Taylor lui aurait confirmé, selon elle, que l’excavation était tout à fait normale. Le lendemain, selon M. Marcotte, les semelles auraient été coulées par le sous-traitant des fondations de l’Entrepreneur et ce, dans environ quatre (4) à cinq (5) ou même six (6) pouces d’eau. M. Marcotte allègue qu’il ne connaissait pas le domaine de la construction, mais qu’il trouvait le tout quand même assez perturbant. Il a présumé que tout était sous contrôle étant donné que la construction de la maison continuait tout de même.
[23] Quant à M. Taylor, il allègue qu’il n’y avait pas d’eau lors de l’installation des semelles. Il aurait plutôt été appelé en panique une fois que les semelles avaient été effectuées car celles-ci étaient remplies d’eau. M. Taylor admet qu’il a remarqué que M. Villeneuve n’avait pas creusé creux et qu’il a vu tout de suite qu’il y avait un problème. Il était confiant dès ce moment que M. Villeneuve avait atteint la nappe phréatique et il allègue que M. Marcotte avait été averti à ce même moment de ce problème. Il témoigne qu’il est un entrepreneur général, soit un professionnel de la construction et qu’ainsi il est très bien au courant que c’est un problème « friand » de construire dans la nappe phréatique dans le secteur de la résidence de la Bénéficiaire. En effet, selon lui, ce sont des terrains « swampeux » dans ce secteur. M. Marcotte témoigne quant à lui, qu’il n’avait aucune connaissance personnelle à ce moment du fait que les excavations à La Plaine étaient parfois problématiques dû à la nappe phréatique élevée ni que dans le cas en l’espèce les semelles avaient été coulées dans la nappe phréatique.
[24] L’Entrepreneur a loué une pompe à gaz afin d’évacuer l’eau au cours de la construction. Cette pompe a fonctionné pour une période approximative d’un (1) mois lors de la construction. M. Marcotte allègue qu’il continuait à croire que c’était peut-être la pluie qui s’était accumulée dans la fondation. Dans son témoignage, il fait allusion au fait qu’il croyait que la fondation était comme une piscine et qu’une fois que l’eau serait évacuée, elle ne reviendrait pas. Il admet dans son témoignage que M. Taylor l’aurait averti qu’il y avait un problème et que c’était dû au travail de M. Villeneuve qui avait été mal effectué, mais sans plus de détails. Il en n’aurait pas discuté davantage avec M. Taylor. Il allègue que personne ne l’avait averti à ce moment qu’il y avait « un méchant problème » et qu’il n’était pas au courant encore que M. Villeneuve avait atteint la nappe phréatique : « Moi c’est un trou d’eau, on le vide, puis c’est la fin. Je le sais-tu moi qu’il y a un problème d’eau, puis de nappe, puis de ci, puis de hauteur, puis de niveau, puis je le sais pas, je suis pas un expert. » (p.278 interrogatoire après défense par Me Pascal Plouffe) « Quand j’ai vu de l’eau dans le fond et puis on a loué une pompe pendant un mois de temps, j’ai pas entendu parler de… J’ai vu qu’il y avait de l’eau, j’ai vu qu’il y avait de l’eau mais pour moi, est-ce que c’était un problème? Est-ce que c’était un problème qui s’en irait quand il arrêterait de mouiller ou est-ce que c’était la nappe phréatique. Ça, j’étais vraiment pas au courant que c’était la nappe phréatique qu’on essayait de pomper. » (p.20 Interrogatoire avant défense par Me Pascal Plouffe). Les témoignages de M. Marcotte sont contradictoires quant au moment où il a effectivement su que la résidence était construite dans la nappe phréatique.
[25] La Bénéficiaire admet qu’elle est venue sur le chantier et qu’elle a vu qu’il y avait une accumulation d’eau « dans un trou ». Elle n’arrive pas à préciser si les semelles étaient coulées à ce moment là. Elle ne souvient pas si elle s’est renseignée à savoir pourquoi il y avait une telle accumulation d’eau. Elle témoigne plutôt qu’elle faisait confiance à M. Taylor et au fait qu’il devait connaître ce qu’il faisait. Elle admet également qu’elle a eu une discussion avec M. Marcotte avant la signature de l’acte de vente et M. Marcotte lui aurait montré un vidéo dans lequel on voyait une accumulation d’eau dans la fondation. Elle aurait demandé à M. Marcotte pourquoi il y avait une telle accumulation d’eau et ce dernier lui aurait mentionné que c’était normal. Elle allègue que M. Marcotte aurait demandé cette même question à M. Taylor et que ce serait celui-ci qui aurait dit à M. Marcotte que tout était normal. Elle témoigne de plus qu’elle n’était pas au courant qu’il y avait un problème d’eau lors de la construction et que son frère ne l’aurait pas averti de ce fait.
[26] À l’extérieur de la résidence, une station de pompage fut installée afin de pallier au problème. Deux (2) bassins de captation ont été mis dans le sous-sol de la résidence et dans lesquels l’eau provenant du système de drainage s’accumule. Dans chacun de ces bassins se retrouve une pompe élévatoire. L’eau provenant des pompes est redirigée par des tuyaux souterrains à la station de pompage.
[27] Les témoignages de M. Marcotte et de M. Taylor quant à la personne qui a pris la décision finale en ce qui a trait à l’installation de cette station de pompage sont hautement contradictoires. Au moment de prendre la décision de la solution à retenir afin régler le problème d’eau M. Marcotte, M. Taylor, Yves Désilets, le sous-traitant habituel de M. Taylor pour les fondations et Mario Goyer, l’excavateur habituel de M. Taylor, sont présents. M. Désilets et M. Goyer étant donc tous les deux des sous-traitants de l’Entrepreneur. Selon M. Marcotte, il lui a été suggéré d’installer une station de pompage afin de pallier au problème. En effet, M. Goyer admet dans son témoignage que c’est lui-même qui aurait fait cette suggestion et qu’il aurait mentionné qu’une telle solution serait peu dispendieuse et qu’elle règlerait le problème en autant que les pompes fonctionneraient. Par la suite, la décision d’installer un tel système aurait simplement été prise entre eux. Selon M. Marcotte, lorsqu’il y a eu des discussions sur le fonctionnement de la station de pompage, il n’y aurait pas eu de mention sur ce qui devait être fait dans le futur.
[28] Selon le témoignage de M. Taylor, il a effectivement été suggéré à M. Marcotte d’installer une station de pompage et ce, comme une des solutions possibles pour pallier au problème. M. Taylor allègue, que tant qu’à lui, il était d’opinion qu’il devait plutôt procéder soit à recouler les semelles par-dessus celles qui étaient déjà présentes et remplir le tout avec du sable, donc de lever la maison ou soit à enlever les semelles déjà coulées et de demander à M. Villeneuve de remblayer le tout et de recommencer le travail en remontant le terrain avec du sable à compaction. Selon M. Taylor, il aurait discuté de ses options avec M. Marcotte, qui aurait refusé de façon catégorique en vertu du fait que c’était trop dispendieux et que le tout prendrait trop de temps.
[29] M. Taylor allègue qu’il n’aurait jamais lui-même suggéré l’installation d’une station de pompage, qu’il était là pour aider M. Marcotte et Mme Mélo, ses propres agents d’immeubles et qu’il aurait averti M. Marcotte des risques d’une telle solution et le fait que cette solution ne règlerait pas son problème :
« C’est pas personne qui m’a aidé à prendre la décision, ma décision à moi était déjà toute faite, jamais installer de station de pompage avec des pompes. Je lui ai dit ça va toujours être problématique. Je lui ai dit ça va te prendre deux pompes là-dedans, une génératrice reliée à ton panneau d’électricité, ta génératrice, elle part toute seule, avec un système d’alarme intégré dans la maison que s’il y a une pompe qui saute, excusez, qui brise, tu vas le savoir et puis il va falloir que tu fasses les réparations. C’est pour ça que ça prend un minimum de 2 pompes dans un… Soit qu’il en mette juste une mais qu’il y ait un alert qui l’avertit comme il faut qu’elle fonctionne plus et puis vois-y, tu sais. S’il y a eu des inondations dans son sous-sol, compte tenu de ce qui est là aujourd’hui c’est un petit peu son problème à lui. Pourquoi qu’il s’est pas acheté une génératrice et puis pourquoi qu’il s’est pas acheté une pompe depuis le temps? Je peux pas être… même si c’avait été ça, je peux pas être relié à un problème semblable parce que moi, il en était pas question que je m’occupe de cette station de pompage là, j’était pas d’accord. J’ai jamais installé ça sur un terrain. (p. 78 interrogatoire avant défense par Me Daniel Grondin). »
Ainsi selon M. Taylor, il était tout à fait en désaccord avec cette solution. Il aurait mentionné à M. Marcotte qu’installer une station de pompage serait comme « mettre un plaster sur un mal ». Malgré ces avertissements, selon M. Taylor, M. Marcotte lui aurait tout de même demandé de s’informer quant aux coûts à débourser pour l’installation d’une station de pompage et il aurait pris lui-même la décision d’installer la station de pompage afin de remédier au problème.
[30] La Bénéficiaire n’était pas partie à ces discussions et elle n’a pas été avisée qu’une station de pompage serait installée.
[31] C’est l’Entrepreneur qui a fait l’achat de la station de pompage. Selon M. Taylor, il n’a pas supervisé l’installation de celle-ci. Celle-ci a été faite par M. Goyer, son sous-traitant et un plombier référé par M. Taylor, Cédric. M. Marcotte a également participé à cette installation en installant des tuyaux entre le système de pompage et le bassin et ce, afin donner un coup de main.
[32] À partir du moment où il y a eu l’installation de la station de pompage et jusqu’au moment où l’acte de vente a été signé, il n’y a pas eu de problème d’eau. C’est seulement par la suite, soit après la signature de l’acte de vente et une fois que M. Marcotte et sa famille résidaient dans la maison, qu’il y a eu trois inondations dans le sous-sol, notamment à la fin du mois de novembre 2006 et au début de 2007. Dans les trois cas, les inondations étaient dues au fait qu’il avait manqué d’électricité et donc que les pompes avaient cessé de fonctionner et ce, car il n’y avait pas de génératrice. Aucune autre mesure n’a été prise depuis l’installation de la station de pompage afin de pallier aux inondations.
[33] Selon M. Marcotte, suite à la première inondation, il aurait averti M. Taylor de la situation et celui-ci serait venu sur les lieux et serait reparti indifférent en disant que ce n’était pas son problème.
[34] La Bénéficiaire et M. Marcotte témoignent également à l’effet qu’il y aurait de l’ocre ferreuse dans les bassins de captation situés à l’intérieur de la maison et dans les tuyaux de la station de pompage et qu’ainsi les drains de la station se boucheraient dans les prochaines années ce qui occasionnerait des infiltrations d’eau et ce, même s’il n’y avait pas de panne d’électricité. En effet, M. Marcotte constate que les deux (2) pompes sont complètement rouillées et recouvertes d’une substance gélatineuse qui semble être de l’ocre ferreuse. Quant à M. Taylor, il admet qu’il est au courant du fait qu’il y a de l’ocre ferreuse un peu partout dans la région et qu’il y en a probablement chez la Bénéficiaire. Mais il allègue qu’il n’est pas prêt à dire que cette ocre ferreuse boucherait les tuyaux en question car suite au rechaussement du terrain, il aurait installé un drain français enrobé et une très grosse épaisseur de pierres sur le bord du solage afin de palier au problème de l’ocre ferreuse et que de toute façon il n’avait pas à penser aux problèmes reliés à l’ocre ferreuse car si c’était de lui, il n’aurait jamais installé une station de pompage.
[35] Il est important de noter qu’en plus des problèmes d’eau soufferts par la Bénéficiaire, la relation entre l’Entrepreneur et M. Marcotte, Mme Mélo et la Bénéficiaire s’est détériorée en vertu du fait que l’Entrepreneur prétend que M. Marcotte, Mme Mélo et la Bénéficiaire lui doivent encore de l’argent pour la construction de la résidence, d’où l’action entreprise par l’Entrepreneur à la Cour supérieure du Québec et discutée ci-dessus. En effet, l’Entrepreneur prétend que le contrat de construction était à l’origine au montant de 240 000,00 $ pour la construction d’une résidence de 30 pi x 30 pi, alors qu’en cours de réalisation, les dimensions ont été modifiées pour un bâtiment de 30 pi x 34 pi et l’ajout d’un garage, pour une valeur totale d’environ 300 000,00 $.
[36] Le 6 février 2007, soit après la deuxième inondation, la Bénéficiaire envoya une mise en demeure (Pièce A-3) à l’Entrepreneur dénonçant le fait que la maison est dans la nappe phréatique, qu’il y a de l’ocre ferreuse qui obstrue les drains, que l’installation de la station de pompage n’était pas la bonne solution pour régler le problème d’eau, qu’elle avait subi deux inondations à la suite de pannes d’électricité et que le tout a occasionné la perte de ses biens et surtout de la moisissure et de la pourriture au niveau du sous-sol. Elle a accordé à l’Entrepreneur trente (30) jours afin qu’il règle ce problème. L’Entrepreneur ne fit rien pour tenter de résoudre le problème. Une copie de cette mise en demeure fut envoyée à l’Administrateur afin de l’aviser de la réclamation.
[37] L’Entrepreneur n’ayant pas agi dans les quinze jours de l’avis de l’Administrateur (Pièce A-4) lui requérant d’indiquer à l’Administrateur les mesures qu’il entendait prendre afin de remédier à la situation, l’Administrateur procéda à l’inspection de la résidence afin de statuer sur la réclamation dans le cadre du contrat de garantie. Tel que discuté ci-dessus, le 7 mai 2007, l’Administrateur rendit sa décision dans laquelle il déclarait qu’il n’avait pas été en mesure d’établir la responsabilité des parties en ce qui concerne les malfaçons constatées, ni en ce qui avait trait à la valeur du contrat et déclara par conséquent que la garantie des maisons neuves de l’Administrateur ne pouvait intervenir quant à la réclamation de la Bénéficiaire.
2. RAPPORT D’EXPERTISE
[38] M. Claude Latulippe, T.P. témoigne pour la Bénéficiaire. Le témoin est reconnu par le Tribunal d’arbitrage comme expert. Il a préparé un rapport d’expert (Pièce D-13). Dans le cadre de son évaluation du problème, M. Latulippe a visité les lieux de la construction, examiné les causes d’infiltrations d’eau au sous-sol, évalué les installations relativement à la station de pompage, évalué la nappe phréatique en rapport avec la construction de la résidence, identifié les mesures à prendre pour corriger les vices identifiés et établi les coûts approximatifs des travaux correctifs requis.
[39] Dans son rapport d’expert, l’expert Latulippe conclut que la résidence n’a pas été construite selon les règles de l’art applicables en l’espèce.
[40] Tout d’abord, il note la présence de moisissure en quantité importante et le fait que l’ensemble des revêtements des planchers sont endommagés en vertu de diverses infiltrations d’eau, soit des inondations. Il commence son analyse des observations et opinion professionnelle avec la non-conformité de l’installation du drain français et de la non-étanchéité des murs de la fondation :
« Selon le Code national du bâtiment de 1990, section 9.14, le système de drainage périphérique au pourtour d’un immeuble résidentiel tel que celui à l’étude doit se retrouver au pied de la semelle de la fondation, à tout le moins, de manière à ce que son niveau supérieur se retrouve en dessous de la dalle de béton se trouvant à l’intérieur des aires habitables. Ce drain doit également être revêtu d’un dépôt granulaire d’une épaisseur minimale de 150 mm. Nos observations révèlent que le recouvrement granulaire requis au pourtour du drain n’a pas été respecté et que l’écoulement des eaux ne se fait pas correctement puisqu’une accumulation est présente. Nous constatons également que le bassin de captation n’a pas la profondeur requise et recommandée par le Code national du bâtiment qui est de 750 mm. (Rapport d’expert, p.7) (Pièce D-13). »
[41] M. Latulippe se réfère à l’article 9.13.1.1 du Code national du bâtiment qui se lit comme suit :
« 9.13.1.1 Imperméabilité à l’eau exigée
1) Les planchers sur le sol et la face extérieure des murs situés au-dessous du niveau du sol qui sont soumis à une pression hydrostatique, doivent être imperméables à l’eau. »
Ainsi les travaux qui auraient dû être effectués par l’Entrepreneur dans une telle situation sont décrits à l’article 9.13.4.1 de ce même Code:
« 9.13.4.1 Le plancher d’un sous-sol qui doit être étanche à l’eau doit comporter une membrane imperméable à l’eau comprise entre 2 couches de béton d’une épaisseur d’au moins 75 mm chacune; la membrane du plancher doit être raccordée à celle du mur de manière à former un cuvelage parfaitement étanche. (Pièce D-13) »
[42] De plus, d’après les analyses de laboratoire effectuées par l’expert Latulippe, la présence d’ocre ferreuse est constatée dans le système de pompage :
« (…) L’ocre ferreuse a pour conséquence non seulement l’obstruction des parois intérieures, mais également celles extérieures du système de drainage périphérique. Dans une telle situation, l’eau ne pouvant circuler dans la matière drainante ainsi que dans les pompes submersibles et les conduits pluviaux, exercera une pression hydrostatique, ce qui aura pour conséquence, à moyen ou long terme, des infiltrations d’eau à l’intérieur du sous-sol, tel qu’il semble déjà s’être produit par le passé et pourrait faire de sorte que la dalle de bêton se soulève.
D’après les analyses de laboratoire que nous avons reçues, la présence d’ocre ferreuse a été constatée ainsi que des bactéries de fer, plus particulièrement la présence de neumaniella SP, et la présence de Leptothrix SP, ainsi que gallionella SP pour un nombre total de 9,300 NPP/100ml d’eau, dans un environnement d’un PH de l’eau à 8 ainsi que du fer dissout d’une quantité de 0,54 mg/l., confirmant ainsi nos observations visuelles, notamment, la masse gélatineuse et les dépôts retrouvés à l’intérieur des conduits pluviaux ainsi qu’à l’intérieur des basins de captation et au matériel granulaire recouvrant le système de drainage au périmètre de la fondation. (Rapport d’expert, p.7-8) (Pièce D-13) »
[43] Selon l’expert, trois solutions sont possibles pour remédier au problème :
« Or, à la suite de l’analyse complète de la situation, le soussigné est d’opinion que pour éliminer ce problème de façon permanente et prévenir des dommages subséquents relativement à la présence de l’ocre ferreuse et de la mauvaise imperméabilisation de la fondation, il est requis de procéder soit au cuvelage complet de la fondation de la propriété, soit de la surélever au-delà de la nappe phréatique, ou de condamner l’usage du sous-sol. (Rapport d’expert, p.9) (Pièce D-13) »
[44] En ce qui a trait à la condamnation du sous-sol, bien qu’elle constitue la solution la moins coûteuse, il s’agit, selon l’expert, d’une solution drastique du fait qu’elle engendre la perte complète de l’espace habitable qu’offre le sous-sol ainsi que la dépréciation importante de l’immeuble. Il a raison de l’écarter dans les circonstances. Quant au rehaussement de la fondation, c’est une alternative qui est très onéreuse, un montant d’environ 150 000,00 $ serait déboursé afin de l’effectuer et le tout pourrait affecter grandement l’aspect esthétique du bâtiment. De plus, sa réalisation est relativement difficile. Finalement, la solution préconisée par l’expert, soit le cuvelage de la fondation est, selon cet expert, la seule alternative offrant un résultat permanent, conforme aux exigences du Code national du bâtiment, pouvant être envisagé au présent cas. Un tel cuvelage coûtera environ 90 000,00 $. Il est important de noter que si le cuvelage avait été effectué en temps opportun, soit à l’époque de la construction, le coût aurait plutôt été de 15 000,00 $ à 20 000,00$. Ce procédé est beaucoup plus complexe une fois la construction de la résidence terminée et, par le fait même, plus dispendieux.
[45] La conclusion du rapport d’expert de M. Latulippe se lit comme suit :
« Devant ces constats, le soussigné est d’opinion que l’immeuble sous étude est grevé de vices majeurs, affectant son habitabilité et l’usage pour lequel il est destiné.
En effet, nous notons la présence d’ocre ferreuse, et ses conséquences sont graves puisqu’elle peut occasionner le colmatage du système de drainage à la base de la fondation, faisant augmenter le niveau de la nappe phréatique, créant ainsi des infiltrations d’eau majeures. Il n’est pas possible de pouvoir corriger de façon permanente la situation sans devoir procéder, à notre avis, au cuvelage de l’immeuble, puisque l’ensemble de ces vices, si non rectifiés, engendreront des conséquences plus lourdes à court terme. Ces conséquences semblent déjà imminentes, voire actuelles. (Rapport d’expert, p.12) (Pièce D-13) »
[46] Aucune autre preuve d’expert n’a été administrée devant le Tribunal d’arbitrage. Le Tribunal est d’avis que le témoignage de M. Tulippe a été crédible et exact dans l’évaluation du problème et des travaux correctifs à réaliser. Ainsi, Le Tribunal d’arbitrage souscrit à cette opinion d’expert.
3. MONTANTS PRÉTENDUMENT DUS À L’ENTREPRENEUR
[47] Tel que discuté ci-dessus, selon le témoignage de M. Taylor, des montants demeurent toujours impayés par la Bénéficiaire, M. Marcotte et Mme Mélo pour la construction de la résidence. La preuve à cet égard est carrément inadéquate et il y a de nombreuses contradictions entre les différents témoignages des parties impliquées. De plus, il est clair selon les témoignages de M. Marcotte et de M. Taylor que de l’argent comptant fut payée par la Bénéficiaire à l’Entrepreneur et ce, sans facture ni reçu, ce qui rend l’analyse de la question d’autant plus complexe et ardue. Les parties ne s’entendent pas sur les montants à payer ni sur les versements déjà effectués. En d’autres mots, elles ne s’entendent pas sur pratiquement tout ce qui a trait au sujet. La réclamation pour ces montants ne relève pas de la compétence de l’arbitrage. L’Entrepreneur conteste même le montant du prix convenu pour la construction du bâtiment et il nie qu’il s’agit du prix apparaissant dans le contrat de construction et le contrat de vente. Afin de tenter de déterminer la vérité quant aux prétentions respectives des parties, aux paiements effectués et aux montants dus, une analyse poussée, soit une enquête et une audition de nombreux jours additionnels, serait nécessaire. Cette alternative pénaliserait l’Administrateur quant aux frais d’arbitrage. Selon le Tribunal d’arbitrage, cela paraît inconciliable avec l’objectif du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après « Règlement »), soit de permettre aux parties d’avoir accès à un forum rapide et efficace afin de statuer sur des problèmes de constructions dans une propriété neuve. En plaidoirie, l’avocat de l’Administrateur a pris la même position que le Tribunal d’arbitrage, soit que la preuve ayant trait à la détermination des montants respectivement dus entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur est complètement inadéquate. C’est ainsi que le Tribunal d’arbitrage ne statuera pas sur cette question et laisse cette tâche à la Cour supérieure qui est déjà saisie de l’aspect des réclamations financières respectives de l’Entrepreneur, la Bénéficiaire et de M. Marcotte et Mme Mélo, ces deux derniers n’étant pas des parties dans la présente demande d’arbitrage.
4. QUESTIONS EN LITIGE
Le présent arbitrage soulève les questions de faits et de droit suivantes :
a) Est-ce que le délai de dénonciation prévu à l’article 10(4) (« délai raisonnable ») du Règlement a été respecté par la Bénéficiaire?
b) Est-ce que dans les circonstances, il y a responsabilité de l’Entrepreneur et de l’Administrateur en vertu du Règlement?
5. ANALYSE ET DÉCISION
a) Est-ce que le délai de dénonciation prévu à l’article 10(4) (« délai raisonnable ») du Règlement a été respecté par la Bénéficiaire?
[48] L’article 10 (4) du Règlement (« délai raisonnable ») se lit en partie comme suit :
« La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
(…)
(4) la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découvertes dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil. »
(Les caractères gras sont du soussigné)
En l’instance, l’Entrepreneur argumente que M. Marcotte a connu le vice au cours de la construction de la résidence en 2005. Selon le Tribunal, il n’est pas raisonnable de soumettre que M. Marcotte connaissait l’existence du vice à ce moment. Il croyait que tout problème à cet effet avait été réglé. En effet, M. Marcotte, avait compris que la station de pompage allait remédier à ce problème. En ce qui a trait au moment de la connaissance par M. Marcotte que la résidence avait été construite dans la nappe phréatique, les témoignages sont hautement contradictoires. Par contre, il nous paraît clair que M. Marcotte n’était pas au courant des violations des règles de l’art, qui sont réellement le fait que la station de pompage ne résoudrait pas le problème, que l’accumulation de l’ocre ferreuse empêcherait éventuellement le fonctionnement des drains et de la station de pompage et que le cuvelage de l’immeuble était nécessaire dans les circonstances et ce, en vertu des règles de l’art, dont notamment, le Code national du bâtiment. Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que ce n’est qu’à la suite des inondations survenues suivant la construction de la résidence que M. Marcotte a découvert ces vices. De plus, il est clair que la Bénéficiaire a, quant à elle, découvert ces vices qu’à la suite de ces inondations et le Règlement s’applique à la Bénéficiaire. Ainsi, le délai commence à courir seulement à partir de la connaissance du vice par la Bénéficiaire. C’est à la suite de la deuxième inondation ayant eu lieu en novembre 2006 que la Bénéficiaire a compris qu’il y avait un problème permanent. Elle a envoyé un avis dénonçant le vice à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, soit le 6 février 2007. Le délai mentionné à l’article 10(4) du Règlement a donc été respecté par la Bénéficiaire.
b) Est-ce que dans les circonstances, il y a responsabilité de l’Entrepreneur et de l’Administrateur en vertu du Règlement?
(i) Moyens de défense de l’Entrepreneur
[49] L’Entrepreneur argumente qu’il n’est pas responsable des dommages causés par les infiltrations d’eau dans la résidence en vertu du fait que ces infiltrations sont dues à la faute de M. Villeneuve. Il allègue que M. Marcotte, en tant que mandataire de la Bénéficiaire, a personnellement contracté avec M. Villeneuve pour l’excavation du terrain et ce, non seulement à l’insu de M. Taylor mais au surplus malgré le désaccord de celui-ci qui lui avait mentionné qu’en aucun temps il ne voulait faire affaire avec cet excavateur étant donné qu’il avait eu des problèmes avec celui-ci dans le passé. Ainsi, selon l’Entrepreneur, étant donné que les inondations sont causées par le fait que l’excavation a été effectuée de façon trop profonde et près de la nappe phréatique et que cette excavation fut effectuée par M. Villeneuve, engagé personnellement par M. Marcotte, il est dégagé de toute responsabilité. L’Entrepreneur argumente que l’implication de M. Marcotte dans la conclusion et l’exécution du contrat d’excavation est démontrée par l’apparition du nom de M. Marcotte à de nombreuses reprises dans les pièces soumises par Jean Villeneuve Sablières enr. au soutient de sa défense en garantie comme étant le co-contractant.
[50] L’article 2100 du Code civil du Québec se lit comme suit :
« 2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure. »
(Les caractères gras sont du soussigné)
[51] Ainsi, l’Entrepreneur était tenu d’agir au mieux des intérêts de la Bénéficiaire et ce, avec prudence et diligence. Ce devoir se rattache aux nombreuses décisions que l’Entrepreneur a dû prendre dans le cadre de la construction de la résidence en raison de son expertise. Il était tenu d’agir conformément aux usages et aux règles de l’art et de s’assurer que la construction était conforme au contrat conclu avec la Bénéficiaire. En renvoyant aux règles de l’art, le Code civil du Québec obligeait l’Entrepreneur à se servir des méthodes reconnues dans son domaine particulier d’expertise et d’utiliser les techniques et moyens qui prévalaient dans sa profession au moment de l’exécution de son contrat. L’Entrepreneur devait également se conformer aux multiples dispositions législatives et règlementaires qui pouvaient s’appliquer au travail fourni.[1]
[52] En l’espèce, bien que le terrain fut excavé par M. Villeneuve, les semelles et la fondation ont quant à elles été effectuées par les sous-traitants de l’Entrepreneur et ce, selon l’ordre et sous la supervision de M. Taylor. La violation et la faute en question n’est pas l’excavation trop profonde, mais bien le fait d’avoir construit une résidence en contravention des règles de l’art reconnues dans le secteur et codifiées, notamment aux termes du Code national du bâtiment. En effet, tel qu’indiqué par l’expert Latulippe, une imperméabilisation à l’eau est exigée en présence d’une nappe phréatique élevée engendrant une pression hydrostatique et un cuvelage parfaitement étanche était ainsi obligatoire en l’espèce. Avec égard, il est évident que l’Entrepreneur a violé les règles de l’art applicables en l’espèce. Il n’y a aucune preuve que ces travaux n’étaient pas compris dans le contrat de construction.
[53] Lorsqu’un entrepreneur est tenu du résultat, comme c’est le cas en l’espèce, il ne peut se dégager de sa responsabilité en vertu de l’article 2100 du Code civil du Québec qu’en prouvant la force majeure. Il existe par contre des exceptions à cette règle. En effet, selon la doctrine et la jurisprudence, un entrepreneur peut s’exonérer et ainsi déroger aux règles de l’art, lorsque l’absence du résultat est due au choix des moyens d’exécution imposés par le client.[2] Pour ce faire un entrepreneur doit:
(a) aviser son client de la dérogation en question;
(b) dénoncer clairement à son client les risques engendrés par cette dérogation; et
(c) obtenir le consentement éclairé du client à la dérogation.
[54] Dans les faits présents, l’Entrepreneur affirme qu’il a bel et bien indiqué à M. Marcotte que l’installation d’une station de pompage devait être accompagnée d’une génératrice et que la station de pompage pouvait être toujours problématique. Est-ce que cela rencontre le critère de la dénonciation de la dérogation aux règles de l’art et des risques engendrés par celle-ci? La dérogation étant le fait de construire une résidence dans la nappe phréatique et ce, sans le cuvelage de cette résidence et les risques étant le fait qu’à chaque fois qu’il y aurait une panne d’électricité et que les pompes cesseraient de fonctionner ou qu’il y aurait des pluies abondantes, il y aurait des inondations au sous-sol et le fait que de l’ocre ferreuse bloquerait éventuellement les tuyaux des drains causant également des inondations. Cela n’a pas été expliqué à M. Marcotte. La prépondérance de la preuve indique que l’alternative de la station de pompage a été présentée à M. Marcotte comme une solution de rechange adéquate et conforme. La preuve est claire à l’effet que la Bénéficiaire est une profane dans le domaine de la construction. Le Tribunal d’arbitrage considère également M. Marcotte et Mme Mélo comme des profanes en construction. Ce n’est pas parce que ces derniers ont acquis une formation d’agent d’immeuble qu’ils connaissent les bonnes techniques de la construction. L’Entrepreneur est le professionnel en bâtiment. Cette désignation a non seulement des avantages mais également des responsabilités. L’Entrepreneur doit assumer ses responsabilités, y compris son obligation de conseil adéquat auprès de ses clients. De plus, il est important de souligner, qu’en l’espèce la cliente de l’Entrepreneur est nulle autre que la Bénéficiaire. Ainsi, afin que l’Entrepreneur se prévale de cette exception, il devait avoir clairement avisé la Bénéficiaire de la dérogation aux règles de l’art et obtenir le consentement de celle-ci et non de M. Marcotte, surtout pour une décision si importante. Il devait s’assurer que la propriétaire, soit la Bénéficiaire, donne un consentement éclairé à la violation des règles de l’art reconnues. Or, la preuve est claire à l’effet que M. Taylor n’a même pas avisé la Bénéficiaire ou pris quelque mesure que ce soit afin d’obtenir son consentement. Il ne peut excuser cette carence en argumentant qu’il était très occupé car il supervisait un autre chantier à la même époque que la construction de la résidence de la Bénéficiaire, ce qui a été admis en témoignage par M. Taylor. De plus, l’Entrepreneur aurait pu faire des tests de sol avant de s’entendre sur un prix, ce qu’il n’a pas fait. Ainsi, le Tribunal rejette l’argument de l’Entrepreneur à ce sujet.
(ii) Vices cachés
[55] L’article 1726 du Code civil du Québec se lit en partie comme suit :
« Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus. »
[56] Quatre (4) conditions doivent être respectées afin d’engager la responsabilité de l’Entrepreneur en vertu de cet article :
1. Le vice doit être non apparent;
2. Le vice doit être grave;
3. Le vice doit précéder la vente; et
4. Le vice doit être inconnu de la Bénéficiaire.
En l’espèce le Tribunal d’arbitrage est d’avis que :
1. Le vice est non apparent car les entrepreneurs professionnels qui étaient sur place avaient affirmé à M. Marcotte que la station de pompage fonctionnerait et que ça réglerait le problème d’eau et au surplus la Bénéficiaire n’avait pas été avisé. Selon l’apparence des lieux, tout s’est présenté comme une construction neuve respectant les règles de l’art;
2. Le vice est grave car selon le rapport d’expert, la structure actuelle rend le sous-sol inhabitable, il y a présence de moisissure importante dans le sous-sol, l’ensemble des revêtements des planchers situés dans le sous-sol ont tous été endommagés, il y présence d’ocre ferreuse, ce qui occasionne le colmatage du système de drainage à la base de la fondation et ce qui occasionnera des infiltrations d’eau majeures. À moins de procéder au cuvelage de l’immeuble, des problèmes d’infiltrations d’eau et de détérioration vont s’aggraver, même à court terme;
3. La malfaçon a eu lieu au courant de la construction et précède la vente qui a eu lieu le 24 mars 2006; et
4. Tel que mentionné ci-haut, M. Marcotte et la Bénéficiaire n’ont pas été au courant du vice avant la vente.
[57] Il y a donc lieu de retenir la responsabilité de l’Entrepreneur en vertu du Règlement pour un vice caché. Selon la preuve d’expertise non contredite, les travaux correctifs sont le cuvelage du bâtiment, conformément à la conclusion de M. Latulippe, T.P. et les paragraphes 45 et 46 de cette sentence.
[58] Selon l’appréciation des faits en l’instance par le Tribunal d’arbitrage :
1. Tel que discuté ci-dessus, l’existence de vices cachés au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec, est établie dans le présent dossier; et
2. En l’espèce, la réception du bâtiment a eu lieu en mars 2006 et la découverte du vice à la fin de l’année 2006 (tel que discuté ci-haut), soit environ cinq (5) mois seulement après la réception du bâtiment et bien à l’intérieur du délai prescrit de trois (3) ans par ce règlement. Il y a même possibilité de parler de la responsabilité d’un (1) an pour les malfaçons non apparentes, mais cela n’est pas nécessaire vu la conclusion quant à la présence d’un vice caché.
(iii) L’évitement de l’enrichissement inéquitable de la Bénéficiaire
[59] Il y a toutefois plus. Il ne nous paraît pas équitable de mettre fin à notre sentence à la fin du dernier paragraphe. L’article 116 du Règlement énonce ce qui suit :
« Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »
Il serait inéquitable selon le Tribunal d’arbitrage, que celui-ci ne fasse qu’ordonner à l’Entrepreneur de faire les travaux de réparation requis, soit le cuvelage de la résidence. Il est vrai que l’Entrepreneur a été négligent, n’a pas respecté les règles de l’art et que la loi lui impose une responsabilité, en vertu notamment des articles 1726 et 2100 du Code civil du Québec.
[60] Or, selon la preuve, il est néanmoins clair que la prise de décision d’installer la station de pompage était motivée par des contraintes budgétaires, à savoir le budget maximal de M. Marcotte, de Mme Mélo et de la Bénéficiaire. D’autres options ont été rejetées, avec le consentement de l’Entrepreneur, sans protêt de sa part et sans dénonciation suffisante des risques associés à la solution proposée par les professionnels sur place et éventuellement retenue. Selon nous, il serait inéquitable que l’Entrepreneur assume le coût intégral des travaux correctifs pour mettre en place, tardivement, une solution conforme aux règles de l’art alors que la Bénéficiaire, au moins indirectement, par le rôle joué par M. Marcotte, a été impliqué dans le choix erroné pour des considérations d’ordre budgétaire.
[61] Il est équitable dans les circonstances que la Bénéficiaire assume maintenant une part des coûts requis pour effectuer les travaux nécessaires. Autrement, il y aurait un enrichissement inéquitable de la Bénéficiaire pour laquelle un cuvelage de l’immeuble n’a pas effectué afin de respecter son budget et qui le recevra par le biais de la présente sentence.
[62] Selon le Tribunal d’arbitrage, et pour les raisons qui précèdent, la Bénéficiaire doit défrayer quarante pourcent (40%) des coûts liés aux travaux de cuvelage.
6. CONCLUSION, FRAIS D’ARBITRAGE ET FRAIS D’EXPERTISE
[63] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal d’arbitrage accueille en partie la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire.
[64] Étant donné que la Bénéficiaire a eu gain de cause en partie, les frais d’arbitrage devront être payés par l’Administrateur dans le présent dossier et ce, selon l’article 123 du Règlement.
[65] En ce qui concerne les frais d’expertise, ceux-ci ne doivent être octroyés que dans la mesure où l’expertise a apporté une preuve utile aux questions en litige, ce qui était certainement le cas en l’instance. Ainsi, le Tribunal d’arbitrage accorde à la Bénéficiaire le remboursement de tous les frais d’expertise payés par elle, soit 5 022,94 $ pour le rapport d’expertise (Pièce D-24) et 2 088,18 $ pour le témoignage de l’expert et pour sa préparation pour ce témoignage (Pièce D-24).
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire;
ORDONNE à la Bénéficiaire de payer quarante pourcent (40%) du coût des travaux correctifs énoncés aux paragraphes 45 et 46 de la présence sentence;
ORDONNE à l’Entrepreneur, dans un délai de trente (30) jours du dépôt en fidéicommis chez l’Administrateur du montant requis par la Bénéficiaire, de procéder à effectuer les travaux correctifs décrits au paragraphe 38 des présentes et ce, selon les règles de l’art;
À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer lesdits travaux dans ledit délai, ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer les travaux dans les trente (30) jours suivants;
ORDONNE à l’Administrateur de rembourser à la Bénéficiaire les frais d’expertise payés par la Bénéficiaire pour son expert, M. Latulippe, T.P. (Latulippe & Associés Inc.), pour le montant total de 7 111,12 $; et
ORDONNE à l’Administrateur de payer tous les frais d’arbitrage de la présente sentence.
(s) Me Jeffrey Edwards |
Me Jeffrey Edwards, arbitre |
[1] LAMONTAGNE, Denis-Claude, Droit spécialisé des contrats, volume 2, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 1999, p.113-114.
[2] KARIM Vincent, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p.55, Les pavages Labrecque inc. c. Yvon Lépine (Automobile Yvon Lépine inc.), REJB 1997-08463 (C.Q.), Les Industries V.M. inc. c. Fernando Berardini, REJB 2000-17879 (C.S.), Dion c. Fermes Fernand Cardin & Fils Ltée, C.Q., no 100-22-001450-990, 20 février 2001.