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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)

 

 

Entre

9050-8219 quebec Inc.  (« 1er Choix Immobilier »)

Bénéficiaire

Et

Les Développements Le Monarque Inc. (en faillite)

Entrepreneur

Et

La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (« GMB »)

Administrateur

 

 

Nos dossiers Garantie :

A-20252 / U-502141 et 502142

No dossiers CCAC :

S08-140301-NP

No dossiers Arbitre :

12 913-18

 

 

Entre

9017-1646 Québec Inc.

Bénéficiaire

Et

Les Développements Le Monarque Inc. (en faillite)

Entrepreneur

Et

La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (« GMB »)

Administrateur

 

 

Nos dossiers Garantie :

A-20252 / U-502141 et 502142

No dossiers CCAC :

S08-140302-NP

No dossiers Arbitre :

12 913-19

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE INTERLOCUTOIRE
SUR DEMANDE PRÉLIMINAIRE DE REJET

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour les Bénéficiaires:

Me Jocelyn Bélisle

Procureur des Bénéficiaires

 

 

Pour l’Entrepreneur:

N/A

 

 

Pour l’Administrateur:

Me Marc Baillargeon

Procureur de l’Administrateur

 

Date de l’audition téléphonique:

Le 6 août 2008

 

 

 

 

 

 

Date de la décision :

Le 22 août 2008

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Après avoir pris connaissance des procédures et ENTENDU Les représentations de part et d’autre, le tribunal D’ARBITRAGE PROCÈDE À rendRE SA SENTENCE interlocutoire COMME SUIT:

 

1. LES FAITS

[1]                Le Tribunal est saisie d’une requête de l’Administrateur en irrecevabilité au motif de tardivité des Bénéficiaires à déposer leur demande d’arbitrage dans le délai de trente (30) jours prévu à l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après « Règlement »)[1].  La requête vise les deux arbitrages indiqués et, pour fins de commodité, ces deux (2) demandes d’arbitrages sont réunies pour fins d’audition de la présente requête et de la présente sentence.  À noter que, en tout temps pertinent pour les fins de la présente demande, les Bénéficiaires étaient représentées par l’avocat Jocelyn Bélisle. 

[2]                Les faits pertinents pour la requête en irrecevabilité sont les suivants :

a)                 Le 6 décembre 2007, l’Administrateur a rendu une décision défavorable aux Bénéficiaires dans les deux (2) dossiers impliqués. 

b)                 Une feuille d’information à l’intention des Bénéficiaires décrivant les modalités de médiation ou d’arbitrage de la décision, et comprenant les noms et les numéros de téléphone des trois centres d’arbitrage accrédités, est annexée à la décision de l’Administrateur. 

c)                  Le 20 décembre 2007, le procureur des Bénéficiaires écrit à l’Administrateur pour l’informer que ses clientes entendent porter en arbitrage la décision rendue.  À noter que cette lettre termine avec les mots suivants « En attente de vos nouvelles ... ».

d)                 Le procureur des Bénéficiaires affirme avoir ensuite tenté d’appeler plusieurs centres d’arbitrage, soit le Groupe d'Arbitrage et de Médiation sur Mesure (« GAMM ») et le Centre canadien d’arbitrage commercial (« CCAC »), en utilisant les numéros de téléphone indiqués sur la feuille d’information fournie par l’Administrateur.  Malheureusement, certains numéros indiqués sur la feuille et utilisés par ledit procureur étaient erronés et/ou non à jour.  En effet, après vérification, nous pouvons confirmer que le numéro (450) 656-4400 indiqué pour le GAMM ainsi que le numéro 1 (877) 909-3794 pour le CCAC ne sont plus en service.

e)                 Le procureur des Bénéficiaires affirme qu’il a appelé à de nombreuses reprises le représentant de l’Administrateur, à savoir Monsieur Jasmin Girard, président-directeur général, et a laissé de multiples messages, mais que ce dernier n’a pas retourné ses appels et messages.

f)                    Le 6 mars 2008, dans le cadre de sa demande pour un arbitrage, le procureur des Bénéficiaires a envoyé à l’Administrateur une déclaration signée par un témoin potentiel.  Il termine sa lettre avec la salutation partielle suivante « En attente de vos nouvelles le plus rapidement possible...».  Aucune réponse n’a été donnée par l’Administrateur.

g)                 Le procureur des Bénéficiaires explique qu’il est à son premier dossier d’arbitrage en vertu du Règlement.  Selon sa compréhension, erronée, il croyait que l’arbitre à trancher la demande d’arbitrage devait être sélectionné de façon consensuelle par les parties.  Voilà pourquoi il a tenté à de nombreuses reprises à rejoindre Monsieur Girard.  Finalement, le procureur des Bénéficiaires explique qu’il a réussi à obtenir le numéro de cellulaire de Monsieur Girard et à obtenir de sa secrétaire les informations du processus de demande d’arbitrage.

h)                  Le 14 mars 2008, le procureur des Bénéficiaires a expédié des demandes d’arbitrage pour les deux (2) dossiers en bonne et due forme au CCAC.

i)                    Le 22 avril 2008, le procureur de l’Administrateur signale son intention de s’objecter aux demandes d’arbitrage au motif de tardivité.

 

2. QUESTIONS EN LITIGE

[3]                Est-ce que le délai de trente (30) jours prévu à l’article 19 du Règlement pour déposer une demande d’arbitrage peut-être prolongé?  Si oui, le Tribunal d’arbitrage devrait-il le prolonger dans les circonstances de l’espèce?


3. ANALYSE ET DÉCISION

Caractère de rigueur ou non du délai de demande d’arbitrage en vertu du Règlement

[4]                Le délai pour former la demande d’arbitrage à l’article 19 du Règlement est-il de rigueur?

[5]                La majorité de la jurisprudence arbitrale et civile sur la question décide que le délai prévu à l’article 19 du Règlement n’est pas de rigueur mais constitue plutôt un délai indicatif[2].  Le Tribunal d’arbitrage souscrit à cette interprétation.  Il en ressort que le Tribunal d’arbitrage peut prolonger le délai applicable mais seulement si les motifs invoqués sont satisfaisants et justifient le prolongement.  C’est cette question que le Tribunal d’arbitrage doit trancher dans la présente sentence.

Facteurs justifiant un prolongement des délais

[6]                Dans l’espèce, deux (2) facteurs clés ressortent de la preuve et ont une influence déterminante sur le sort de la demande de rejet, à savoir :

L’erreur est celle du procureur et non de son client.

[7]                La Cour suprême a confirmé dans l’arrêt Construction Gilles Paquette Ltée[3] une règle fondamentale en matière de perte de droit d’un justiciable lorsque le non-respect d’un délai est imputable au conseiller juridique ou à l’avocat du client.  La Cour suprême a décidé comme suit:

7.1.            para. 21 :       


«Notre Cour a reconnu à plusieurs reprises « qu’une partie ne doit pas être privée de son droit par l’erreur de ses procureurs, lorsqu’il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans injustice à l’égard de la partie adverse » [...].  Ce principe a généralement été énoncé dans le cadre du pouvoir de la Cour d’appel d’accorder une permission spéciale d’appel sous l’al. 2 de l’art. 523 C.p.c, lorsque la partie a été, en fait, dans l’impossibilité d’agir plus tôt»;

(l’arbitre a mis des mots en gras)

 

7.2.            para. 25 :       


«L’avocat de la partie appelante reconnaît avoir commis une erreur quant au droit applicable.  Néanmoins, l’erreur de l’avocat ne doit pas empêcher la sauvegarde des droits de la partie qu’il représente lorsqu’il est possible d’y remédier sans injustice pour la partie adverse.  En l’espèce, il n’apparaît pas que l’intimée subirait un quelconque préjudice. [...].  Enfin, l’avocat de l’appelante, hormis son ignorance de la modification de la loi, a fait preuve de diligence.  Avant l’expiration du délai imparti pour produire son mémoire, il a envoyé une lettre à son confrère, d’une part, pour l’informer du parachèvement prochain de son mémoire et, d’autre part, pour invoquer la possibilité de présenter une requête en prolongation de délai. Cette lettre est restée sans réponse.»

(l’arbitre a mis des mots en gras)

 

[8]                En effet, l’erreur du procureur peut constituer une impossibilité en fait d’agir pour son client.  Dans le présent dossier, le procureur des Bénéficiaires admet qu’il a fait une erreur et a expliqué qu’il s’agit de son premier mandat en vertu du Règlement.  Il est pertinent de signaler à cet égard que le Règlement reste un domaine relativement nouveau pour la grande majorité des avocats et qu’il reste un régime relativement spécialisé.

[9]                Il faut aussi signaler que le manque de suivi ou de réponse du représentant de l’Administrateur aux appels et aux lettres du procureur des Bénéficiaires n’a pas aidé la situation.  Nous ne pouvons pas reprocher au procureur des Bénéficiaires l’information erronée concernant les numéros de téléphone des centres d’arbitrage apparaissant sur la feuille d’informations fournie par l’Administrateur.


Absence de préjudice de l’Administrateur

[10]            Par ailleurs, mise à part le défaut de porter la demande d’arbitrage devant un centre d’arbitrage dans un délai de trente (30) jours, tous les agissements du procureur des Bénéficiaires semblent avoir été effectués de manière diligente.

 

[11]            Tel que noté par la Cour suprême, il faut déterminer si la partie adverse subit un préjudice du fait du report du délai.  Le prolongement du délai d’appel du 6 janvier 2008 au 14 mars 2008 pour régulariser l’appel n’entraîne aucun préjudice significatif pour l’Administrateur et le procureur de l’Administrateur n’a pas plaidé que sa cliente subirait un préjudice quelconque d’un prolongement du délai.  En effet, l’Administrateur était au courant avant même la fin du délai initial de trente (30) jours (le 6 janvier 2007) de l’intention des Bénéficiaires de faire une demande d’arbitrage  et que le procureur des Bénéficiaires avait le mandat de demander l’arbitrage (lettre du 20 décembre 2007 du procureur des Bénéficiaires).  Cela est en plus conséquent et conforme à tous les agissements subséquents du procureur des Bénéficiaires portés à la connaissance de l’Administrateur.

 

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :


REJETTE
la requête en irrecevabilité de l’Administrateur;

PROROGE le délai de production des demandes d’arbitrage impliquées dans la présente instance;

DÉCLARE recevable les demandes d’arbitrage déposées par les Bénéficiaires, par l’entremise de leur procureur;


LE TOUT
avec dépens à suivre le sort de l’instance arbitrale sur le fond.

 

 

(s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

Copie conforme

 

 

_____________________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

 



[1]     L.R.Q., c. B.1-1, r.0.2, ci-après, le Règlement.

[2]     Pariente-Müller  c.  Pronotech Construction Inc., SORECONI rendue le 16 mars 2005 (arbitre Suzanne Chartier) ; Leduc  c.  Les résidences Pro-fab Inc., SORECONI rendue le 19 octobre 2004 (arbitre Alcide Fournier) ; Pelletier  c.  C=BO2 Inc., SORECONI rendue le 8 juillet 2004 (arbitre Alcide Fournier) ; Acacleto  c.  Maisons Charplexe Inc., SORECONI rendue le 9 février 2004 (arbitre Marcel Chartier) ; Roy  c.  Les résidences Pro-fab Inc., SORECONI rendue le 6 février 2004 (arbitre Marcel Chartier); Takhmizdjian  c.  SORECONI, REJB 2003-44527 (C.S.).

      Pitre  c.  Les Développements Groupe Montclair Bois Franc Inc., G.A.M.M. rendue le 24 mars 2005 (arbitre Jeffrey Edwards); Pariente-Müller  c.  Pronotech Construction Inc., SORECONI rendue le 16 mars 2005 (arbitre Suzanne Chartier) ; Leduc  c.  Les résidences Pro-fab Inc., SORECONI rendue le 19 octobre 2004 (arbitre Alcide Fournier) ; Pelletier  c.  C=BO2 Inc., SORECONI rendue le 8 juillet 2004 (arbitre Alcide Fournier) ; Acacleto  c.  Maisons Charplexe Inc., SORECONI rendue le 9 février 2004 (arbitre Marcel Chartier) ; Roy  c.  Les résidences Pro-fab Inc., SORECONI rendue le 6 février 2004 (arbitre Marcel Chartier).

[3]     Constructions Gilles Paquette Ltée c. Entreprises Végo Ltée, [1997] 2 R.C.S. 299 .