ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : HELENA KUZMA
PETER GORECKI
(ci-après « les Bénéficiaires »)
GROUPE IMMOBILIER GRILLI INC.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier SORECONI : 071207001
No. bâtiment: 041975
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Madame Helena Kuzma
Monsieur Peter Gorecki
Me Claude Coursol
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Denis Côté
Madame Guylaine Vanier
Monsieur Rino Contino
Me Yves Papineau
Pour l’Administrateur : Me Patrick Marcoux
Monsieur Alain Deschênes, T.P.
Dates d’audience : 13 et 28 mai 2008
Lieu d’audience : 1010, rue de la Gauchetière Ouest
Bureau 950
Montréal (Québec) H3B 2N2
Date de la sentence : 30 mai 2008
Identification complète des parties
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
PAQUIN PELLETIER
1010, de la Gauchetière Ouest
Bureau 950
Montréal (Québec) H3B 2N2
Bénéficiaires : Madame Helena Kuzma
Monsieur Peter Gorecki
1890, de la Bernache
Saint-Lazare (Québec) J7T 3G8
Et leur procureur :
Me Claude Coursol
Entrepreneur: Groupe Immobilier Grilli Inc.
a/s. : Monsieur Denis Côté
Madame Guylaine Vanier
Monsieur Rino Contino
3535, boul. Saint-Charles
Bureau 200
Kirkland (Québec) H9H 5B9
Administrateur : La garantie des bâtiments résidentiels neufs de
l’APCHQ Inc.
5930, Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Et son procureur :
Me Patrick Marcoux
Savoie Fournier
Monsieur Alain Deschênes, T.P.
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 10 janvier 2008.
18 février 2003 : Promesse d’achat;
19 février 2003 : Acceptation de la promesse d’achat;
19 février 2003 : Contrat de garantie;
29 avril 2003 : Réception du bâtiment;
15 novembre 2004 : Acte de vente notarié de l’immeuble;
11 juillet 2007 : Dénonciation des Bénéficiaires;
2 octobre 2007 : Rapport d’expertise des Bénéficiaires;
2 octobre 2007 : Avis de 15 jours adressé à l’Entrepreneur;
9 novembre 2007 : Lettre des Bénéficiaires à l’Administrateur;
19 novembre 2007 : Décision de l’Administrateur;
5 décembre 2007: Demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
10 janvier 2008 : Nomination de l’arbitre;
10 janvier 2008 : Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus à venir;
4 février 2008 : Lettre de l’arbitre aux parties fixant l’audition à mardi le 13 mai 2008 à 10h00 a.m.;
13 mai 2008 : Enquête et audition du dossier;
28 mai 2008 : Continuité de l’enquête du 13 mai 2008.
Objection préliminaire :
[1] Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par quelque partie, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise et l’audience est ouverte de consentement le 13 mai 2008 à 9h30 a.m.
[2] L’audience a été ajournée à 17h00 et a été continuée de consentement au 28 mai 2008 à 9h00 a.m. et s’est finalement conclue cette dernière journée à midi.
Les admissions :
[3] Il s’agit d’une décision unique de l’Administrateur et elle porte la date du 19 novembre 2007.
[4] Après une brève discussion entre les parties, il est soit admis soit non contredit :
[4.1] fin des travaux le ou vers le 1er avril 2003;
[4.2] réception du bâtiment le 29 avril 2003;
[4.3] première réclamation écrite reçue par l’Administrateur le 13 juillet 2007;
[4.4] l’inspection a été effectuée par l’Administrateur le 6 novembre 2007;
[4.5] la valeur en litige est au plus 175 000,00 $ à 200 000,00 $ (lorsque la solution de soulèvement ou le cuvelage de la fondation en sol sablonneux est envisagée) page 13 de l’onglet 5 du cahier de pièces émis par l’Administrateur.
Remarques préliminaires :
[5] Tel que ci-haut repris, il s’agit d’une décision unique de l’Administrateur qui ne comporte qu’un seul point soit l’« infiltration d’eau au sous-sol ».
[6] L’Administrateur ne considère ce point unique dans le cadre du contrat de garantie puisqu’il considère, entre autres raisons, que ce point fut dénoncé par écrit dans la cinquième année de garantie (soit après l’échéance des garanties relatives aux malfaçons, non apparentes et aux vices cachés). L’Administrateur opinant que le cas ne constituant pas un vice de construction, il ne peut considérer ce poste de réclamation dans le cadre de la garantie.
[7] De façon subsidiaire, l’Administrateur représente que ce point lui a été dénoncé par écrit en date du ou vers le 13 juillet 2007 à savoir, plus ou moins 28 mois après constat des premières manifestations d’infiltration d’eau, excédant largement le délai raisonnable prévu au plan de garantie lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou de leur survenance ou, en cas de vices ou de perte graduelle, de leur première manifestation.
[8] La première question à laquelle le soussigné doit répondre :
[8.1] s’agit-il d’un vice majeur, et si je réponds par l’affirmative,
[8.2] le délai de dénonciation par les Bénéficiaires à l’Administrateur est-il raisonnable (plus particulièrement, la date à laquelle le délai de six (6) mois doit commencer).
Discussion, analyse et décision :
[9] Après un bref voir dire, Monsieur Pierre Beaupré, ing. jr. (du Centre d’Inspection et d’Expertise en bâtiment du Québec), est reconnu par le soussigné à titre d’expert et à cet effet, est habilité à témoigner au soutien de ses rapports des 26 septembre 2007 et 14 mars 2008.
[10] Ce que je retiens du témoignage et des rapports de Monsieur Beaupré c’est qu’il confirme la présence de phénomènes d’ocre ferreuse au pourtour de l’immeuble sous étude.
[11] Il discute ensuite que le pourcentage d’agressivité de l’ocre ferreuse suggère que pour contrôler la problématique et minimiser les risques d’inondation du sous-sol (résultant du colmatage des drains par le phénomène d’ocre ferreuse), seul le soulèvement ou le cuvelage de la fondation s’avère des solutions permanentes.
[12] Je retiens de plus que, selon l’expert, l’ocre ferreuse n’est pas la seule raison des désordres puisque selon son rapport, la hauteur de la nappe phréatique constitue l’élément le plus important, l’ocre n’étant qu’un facteur aggravant.
[13] À cet effet, nous savons que les murs et les planchers soumis à une pression hydrostatique doivent être imperméabilisés (articles 9.13.5 et 9.13.6 Code national du bâtiment).
[14] Il y a pression hydrostatique contre mur et plancher imperméabilisés lorsque le niveau de la nappe phréatique (l’eau souterraine) est plus élevée que la sous-fasse du plancher du sous-sol.
[15] Comme on exige la pose de drains autour de la base des semelles, aucune pression (importante) hydrostatique, ne devrait s’exercer sur les murs à moins que les semelles ne se trouvent au-dessous de la nappe souterraine. C’est alors que prend l’importance de l’efficacité des drains.
[16] À cet
effet, Monsieur Beaupré dépose une pièce complémentaire à l’Annexe II de son
rapport d’expertise du 14 mars 2008, laquelle selon lui est le reflet d’une
mesure des niveaux d’eau aux 4 mars et 5 mai 2008 (cette pièce est cotée
B-2.1).
[17] L’expert conclut de ses mesures, qu’au 4 mars 2008, le niveau d’eau mesuré était de 41,5 pouces plus élevé que la sous-dalle de fondation et qu’en date du 5 mai 2008, ce niveau était 55,5 pouces (14 pouces de plus).
[18] Le guide de l’utilisateur du Code national du bâtiment (maison et petit bâtiment) nous apprend que le niveau de la nappe souterraine qui s’élève à plus de 7,88 pouces (200 mm) au-dessus de la dalle, fait subir à cette dernière une poussée hydrostatique supérieure à son poids (i.e. le poids de la dalle).
[19] Il n’existe aucune preuve concrète (non plus qu’il n’a été suggéré voire même inféré) que la dalle de béton a été en tout ou en partie soulevée. De toute évidence, la pression hydrostatique (à ne pas nécessairement confondre avec nappe phréatique) dû être en tout temps égale ou inférieure à 7,88 pouces (200 mm).
[20] Ceci suggère au soussigné que le remblai au pourtour de la fondation, les drains (mécaniques et gravitationnels) semblent (si la nappe phréatique est au niveau suggéré) abaisser la pression hydrostatique sous la dalle à un niveau acceptable.
[21] En défense, l’Entrepreneur fait témoigner et dans l’ordre Madame Vanier (service après vente), Monsieur Rino Contino (« excavateur en chef ») et Monsieur Denis Côté (contremaître de chantier).
Témoignage de Madame Vanier
[22] Madame Vanier dépose à l’effet qu’elle a de 10 à 15 années d’expérience dans le domaine du service après vente, que dans la région immédiate où est situé le bâtiment à Saint-Lazare, son employeur a construit de 80 à 100 bâtiments résidentiels et qu’elle n’a jamais, avant le jour de l’enquête, été informée d’un problème de fondation relié directement ou indirectement à la nappe phréatique et/ou au colmatage de drains résultant d’ocres ferreuses agressives.
[23] Elle précise que la première communication qu’elle eut des Bénéficiaires remontent à 2005, il avait alors été soulevé un problème d’humidité. Un homme de service a été dépêché sur place, ce dernier avait alors suggéré un déshumidificateur. Les Bénéficiaires acceptent cette recommandation, du moins jusqu’en 2007 alors qu’un second constat d’humidité se produit. Cette fois-ci l’eau s’infiltre et les Bénéficiaires initient alors le présent processus et dénoncent par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur (correspondance du 11 juillet 2007 pièce A-4 au cahier de pièces émis par l’Administrateur).
[24] Elle (Madame Vanier) est ensuite dessaisie de la problématique et n’entend mot avant ses préparatifs pour l’enquête et audition au mérite du présent arbitrage.
Témoignage de Rino Contino « excavateur en chef » :
[25] Monsieur Contino témoigne à l’effet (qu’en fonction de la date de la fin des travaux et/ou livraison du bâtiment), il est absolument certain que les fondations ont été creusées à l’automne précédent.
[26] Il est de plus certain que ni à l’automne lorsqu’il a creusé et/ou en tout temps pertinent aux présentes, n’a-t-il constaté une accumulation d’eau. Il précise que pour chaque bâtiment, il excave à la profondeur nécessaire et, si une fois la profondeur nécessaire obtenue, il n’est toujours pas en présence du « sol d’origine », il continue jusqu’au sol d’origine pour ensuite compacter avec un matériel de remblai approprié jusqu’à la hauteur prévue pour les semelles de fondation.
[27] Il est catégorique, il n’a jamais, tant en automne qu’au printemps, constaté accumulation d’eau.
[28] Il précise de plus que pour ce bâtiment, tel que pour tous les bâtiments qu’il a supervisés pour ce projet, il aurait chapeauté l’installation de deux exécutoires (gravitationnels) du drain français (plutôt qu’un (1), tel qu’il en est la norme) afin de s’assurer un débit d’écoulement supérieur à ce que recommande le Code National du Bâtiment.
[29] Il précise que cette approche a été adoptée par l’Entrepreneur à titre préventif puisqu’à Saint-Lazare, le sol est extrêmement sablonneux et, pour utiliser son expression qui lui est propre « l’eau est toujours très proche ».
[30] Monsieur Contino complète ensuite en précisant qu’il existait de plus lors de la construction deux autres exécutoires, un premier drain entre le puisard de la pompe électrique (« la sunk pump ») et le fossé à l’avant de sa résidence et un quatrième tuyau (un tuyau rigide de deux pouces) qui sert à l’expulsion mécanique des eaux (les eaux propulsées par la pompe électrique « sunk pump »).
[31] Tel que pour Madame Vanier, Monsieur Contino précise qu’il a participé et/ou qu’il était à tout le moins présent pour les 80 à 100 maisons construites par son employeur à Saint-Lazare, jamais n’a-t-il connu de problème relié à la nappe phréatique, et toutes ont au moins trois (3) exécutoires des fondations vers la voie publique.
[32] Fait à noter, Monsieur Contino porte à notre attention que les exécutoires (les issues) des eaux avec lesquels il est familier pour ce terrain et ce projet (les exécutoires précités) diffèrent avec ce que les Bénéficiaires eux nous représentent.
[33] Il est sans équivoque, entre la journée où l’Entrepreneur a livré la propriété et aujourd’hui, « quelqu’un a changé la configuration ».
[34] L’Entrepreneur fait ensuite témoigner Monsieur Denis Côté, contremaître de chantier depuis 1986.
Témoignage de Denis Côté
[35] Monsieur Côté, tel que Monsieur Contino, confirme avoir participé à la construction de 80 à 100 résidences à Saint-Lazare dont 40 à 50 pour ce projet bien particulier.
[36] Il précise que toutes les maisons à Saint-Lazare ont une « sunk pump » et, parce que « l’eau peut arriver vite en temps d’averses », il (son employeur) fait installer par précaution plus d’un (1) exécutoire du drain français.
[37] Il explique cette précaution par le fait qu’en cas de pluies abondantes, si une panne d’alimentation électrique survenait, l’Entrepreneur voulait assurer que le système de drainage par voie gravitationnelle suffirait à toute demande.
Preuve de l’Administrateur :
[38] L’Administrateur ayant participé à l’administration de la preuve de l’Entrepreneur (et ayant contre-interrogé à sa siété), ne fera pas témoigner Monsieur Deschênes.
Discussion :
[39] Les Bénéficiaires ne sont pas les premiers acquéreurs du bâtiment, ces derniers l’ayant acheté des propriétaires d’origine (Pierre Boivin et Marie-Claude Rouleau) le ou vers le 15 novembre 2004 soit plus de dix-huit (18) mois après la réception du bâtiment.
[40] Il est admis et reconnu de tous que le projet qui inclut la propriété des Bénéficiaires ne comporte pas d’égouts pluviaux, les propriétés sont toutes sises sur un terrain en pente vers la voie publique lesquels terrains incluent un fossé collecteur à aire ouverte. Lorsque les Bénéficiaires se sont portés acquéreurs de cette propriété, le fossé avait été remblayé et depuis, les propriétaires avoisinant emboîtent le pas et, à tour de rôle, remplissent leur fossé.
[41] Lors des diverses inspections et expertises adressées par les Bénéficiaires (ainsi que leurs représentants et/ou mandataires), ne furent décelés que deux (2) tuyaux d’alimentation (vers cette canalisation en remplacement des aires ouvertes) en provenance du bâtiment des Bénéficiaires. Ce constat, nous verrons ci-après, est d’une certaine importance.
[42] En contre-interrogatoire, les Bénéficiaires reconnaissent :
[42.1] qu’ils n’étaient ni impliqués ni présents lors du remblai de ce fossé;
[42.2] que leur terrain est le terrain le plus élevé de leur rue ou à tout le moins de leur rond point;
[42.3] qu’ils ont questionné leurs voisins et ces derniers n’ont pas connu de problèmes d’humidité et/ou d’infiltrations d’eau.
Le niveau de la nappe phréatique
[43] Bien qu’il est possible d’avoir un approximatif du niveau de la surface hydrostatique dans le sol par le calcul de l’eau dans un puits, l’information qui m’a été soumise par le biais d’extraits d’un ouvrage publié par le Conseil national de recherche du Canada (Annexe III expertise du 14 mars 2008) m’instruit à l’effet que l’information à même un (1) seul puits est trop sommaire. Ces mêmes extraits m’apprennent que ce niveau est adéquatement indiqué par le calcul et l’établissement du niveau qu’atteignent les eaux après équilibrage dans plusieurs trous de sondage de reconnaissance hydrologique.
[44] Nous apprenons de plus que le niveau hydrostatique n’est pas non plus constant, il varie selon la nature des eaux qui sont emmagasinées. Toujours selon l’information qui m’est accessible (et soumise) dans les régions tempérées qui caractérisent les pluies hivernales et parfois les précipitations hivernales, le niveau hydrostatique atteindra son maximum au cours de l’hiver ou au début du printemps puis baissera doucement au cours de l’été.
[45] Bien que la nappe phréatique correspond à une surface qui n’est presque jamais parfaitement plane, il est usuel de la retrouver très légèrement inclinée, juste assez pour induire un lent déplacement latéral de la masse d’eau sous-jacente.
[46] Ce phénomène qui précède, je dois comprendre se produit dans les couches géologiques en position normale. Certaines structures géologiques (naturelles ou artificielles) peuvent causer un emprisonnement des eaux souterraines dans une couche aquifère (recouverte d’une strate plus ou moins imperméable) d’un niveau différent de la nappe, il s’agit alors d’une nappe perchée.
[47] La mobilité des eaux de fonds est indiquée non seulement par les variations du niveau de la nappe phréatique mais aussi par les déplacements latéraux de la masse d’eau dont le niveau hydrostatique n’indique que la surface (la facilité de déplacement des eaux dépend de la porosité des sols qui les contiennent).
[48] Il est aisé de concevoir les déplacements des eaux à travers des masses de sable ou de gravier (tel que l’on retrouve à Saint-Lazare) et l’impossibilité de se déplacer à travers les masses constituées de matériaux imperméables (tels que les fondations des résidences).
[49] Si la nappe phréatique était à ce point élevée les 4 mars et 5 mai 2008, il m’est aisé d’accepter l’hypothèse que le déplacement des eaux à travers la masse de sable et de gravier entre octobre ou novembre et avril de l’année précédente, période caractérisée par un niveau hydrostatique à son maximum, aurait, à tout le moins, été égal ou supérieur au niveau constaté à B-2.1.
[50] Il est de plus admis que certaines structures géologiques (naturelles ou résultantes de situations créées par l’homme) peuvent causer un emprisonnement des eaux souterraines dans une couche aquifère, les eaux ainsi emprisonnées et/ou captées se retrouvent parfois soumises à une pression ou retenues et lors du percement au cours d’un forage d’un puits, par exemple, l’eau peut remonter et ainsi fausser la donnée quant à la mesure du niveau et/ou être plus simplement fait l’objet d’une retenue au sein d’un bassin de captation (i.e. l’explication la plus fréquente des nappes perchées) c’est pour ces raisons (entre autres), que le Conseil national de recherche du Canada suggère très fortement la nécessité de plusieurs puits (à tout le moins, plus d’un).
L’ocre ferreuse
[51] Faisant miens les propos de Monsieur Pierre Beaupré, ing. jr., dans son rapport du 14 mars 2008 (page 3) :
« l’ocre ferreuse n’est pas la seule raison des désordres tandis que la nappe phréatique (niveau dans le sol) constitue la cause la plus importante, l’ocre étant un facteur aggravant ».
[52] Je comprends des différents rapports ainsi que du témoignage des parties que le niveau de nappe phréatique agit de catalyseur de l’ocre ferreuse. J’abonde aussi dans ce sens, la simple présence de cette bactérie ne suffit pas. La doctrine et documentation (et jurisprudence embryonnaire) qui me sont accessibles m’apprennent que le niveau de la nappe phréatique et le taux d’agressivité de la bactérie sont des facteurs qui doivent établir que l’ouvrage a péri (ou qu’il va inévitablement périr ou à tout le moins démontrer la présence d’inconvénients ou de dangers sérieux qui peuvent entraîner la perte de l’ouvrage et/ou une perte potentielle).
[53] Demeurant constant avec mes décisions antérieures (ainsi que celles de mes collègues), j’accepte que la notion « perte » au sens de l’article 2118 C.c.Q. doit, tout comme la notion analogue de ce terme au sens de l’article 1688 C.c.B.-C., recevoir une interprétation large et s’étendre notamment à tout dommage sérieux subi par l’ouvrage immobilier. Nous savons que la jurisprudence récente a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, les tribunaux n’ont pas appliqué à la lettre l’article 1688 C.c.B.-C. et n’ont pas exigé que les vices produisent des effets radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « péri en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.
[54] L’expert des Bénéficiaires précise d’ailleurs qu’en l’absence d’entretien préventif régulier, qu’il suggérait être annuel, il y avait risque de colmatage à court ou moyen terme.
[55] J’accepte volontiers que l’on peut qualifier la situation hors norme pour le Québec le fait d’être contraint à un entretien annuel préventif de ses drains, il semble par contre être non contredit que, et du moins pour la région de Saint-Lazare, la nécessité de cet exercice ne serait pas extraordinaire.
[56] Le colmatage éventuel à moyen terme des drains n’est pas bénin et, selon la preuve qui m’est soumise pour le bâtiment en particulier, me semble possiblement correspondre aux critères de vice caché mais la preuve qui a été administrée devant moi ne me convainc pas que la nappe phréatique est à un niveau problématique tel que nécessaire à qualifier la situation de vice de construction et/ou que la nappe phréatique alimente et autrement agi comme catalyseur de l’agressivité de l’ocre ferreuse et que ce niveau d’agressivité constitue un vice majeur (par opposition à vice caché) ne me permet pas de la qualifier de vice de construction.
[57] Ayant répondu par la négative à la question reprise au paragraphe [8.1], je n’aurai pas ici à aller plus loin et/ou autrement fixer la date à laquelle le délai de six (6) mois de la découverte ou survenance de la première manifestation significative et appréciable.
[58] Je rappelle que le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs pour en assurer l’application. Il ne peut décider d’un litige qui relève de l’application d’autres lois même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige.
[59] La Loi et le Règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes. L’arbitre a compétence exclusive. Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel[1].
[60] Enfin, l’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit. Il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient »[2].
[61] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie[3]. Bien que ceci inclue toute question de fait, de droit et de procédure, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le texte du Règlement ou du plan de garantie.
[62] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée lors de l’enquête et de l’audition, et sur la foi de la doctrine et de la jurisprudence qui nous sont connues, je suis d’opinion que la décision de l’Administrateur du 19 novembre 2007 sous la plume de Alain Deschênes ne peut être renversée et/ou n’est pas déraisonnable dans les circonstances.
[63] Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois donc d’accepter de maintenir la décision de l’Administrateur et je me dois de rejeter la demande d’arbitrage des Bénéficaires, le tout sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est leur (les Bénéficiaires) de porter devant les tribunaux de droit commun, leur prétention ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament, sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile.
[64] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, puisque les Bénéficiaires n’ont obtenu gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation, l’arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage entre l’Administrateur du plan et les Bénéficiaires.
[65] En conséquence, les frais d’arbitrage, aussi bien en droit qu’en équité, selon les articles 116 et 123 du Règlement seront partagés entre les Bénéficiaires pour la somme de 50,00 $ et l’Administrateur pour la balance des coûts de l’arbitrage.
POUR CES MOTIFS, le tribunal :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
MAINTIENT la décision du 19 novembre 2007 sous la plume de Alain Deschênes T.P. (pour l’Administrateur);
LE TOUT avec frais à être partagés entre les Bénéficiaires pour la somme de cinquante dollars (50,00 $) (avant taxes) et l’Administrateur pour la balance des coûts du présent arbitrage.
Montréal, le 30 mai 2008
__________________________
ME MICHEL A. JEANNIOT
Arbitre / SORECONI
Jurisprudence et doctrine consultées :
Jurisprudence
Donolo Inc. c. St. Michel Realties Inc. [1971] C.A. 536 .
Rubinger c. Belcourt Construction Co. [1986] R.D.I. 737 (C.S.).
Construction J.R.L. (1977) Ltée c. Zurich Compagnie d’assurance (1991) R.L. 224 (C.A.).
Société d’habitation et de développement de Montréal c. Bergeron 1996 CanLII 5767 (C.A.).
Boudreau c. L’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec (8 octobre 1999), Québec 200-22-007480-981, REJB 1999-14868 (C.Q.).
Larochelle c. Kelly et Kelly (13 octobre 1999), Beauce 350-22-000241-979 (C.Q.) (Azimut).
Chabot et Jalbert c. Fournier (14 février 2000), Longueuil 505-22-003146-984, REJB 2000-18010 (C.Q.).
Fortin c. Compagnie d’assurances Wellington (7 mars 2000), Montréal 500-05-024245-969 (C.S.) (Azimut).
Couture c. General Accident (8 juin 2000), Longueuil 505-17-000482-986 (C.S.) (Azimut).
Revêtement Louis Inc. c. Lavigne et Benoit 2000 CanLII 5801 (C.Q.).
Lavoie c. Bertrand et Asselin (24 octobre 2001), Longueuil 505-22-005746-005, REJB 2001-26922 (C.Q.).
Syndicat des copropriétaires du Complexe Fleurimont c. Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec 2001 CanLII 10976 (C.S.).
Union canadienne, Cie. D’assurance c. Plomberie Denis Turcotte Inc. 2002 CanLII 19684 (C.Q.).
Bélanger et Cayer c. Caron CanLII 27353 (C.S.).
Hubert et Raymond c. Construction Réjean d’Astous Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (11 novembre 2005), Laval 041014001 (SORECONI).
Douillard c. Les Entreprises Robert Bourgouin Ltée et La Garantie Qualité Habitation (19 décembre 2005), Montréal 050917001 (SORECONI).
Séguin et Séguin c. Constructions Cholette Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (30 janvier 2007), Saint-Hilaire 061110001 (SORECONI).
Gauthier et Bujold c. 9119-5834 Québec Inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (20 février 2007), Montréal 070117002 (SORECONI).
Transport R. Larouche & Fils Inc. c. Boily et Philippe (23 janvier 2007), Roberval 155-22-000112-058, EYB 2007-117811 (C.Q.).
Tomasetta et Masi c. Construction Fargnoli Ltée 2007 QCCQ 5090 (C.Q.).
Syndicat du 3411, au 3417, avenue des érables c. Devex Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (15 juin 2007), Montréal 061220001 (SORECONI).
DSD International Inc. c. Construction Gosselin-Tremblay Inc. 2007 QCCS 4948 (C.S.).
D…L… c. L’Excellence Compagnie d’Assurance-Vie 2007 QCCS 5776 (C.S.).
ABB Inc. c. Domtar Inc. 2007 CSC 50 (CanLII).
Annanack et Snowball c. Massénor (1992) Inc. 2008 QCCS 295 (C.S.).
Bouchard et Morasse c. Construction Beauchamp Ouellet Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (18 avril 2008), Montréal 071217001 (SORECONI).
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Doctrine
Digeste sur les eaux de fonds
Conseil national de recherche Canada, document CBD-82-F.
Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public et privé, Québec, Wilson & Lafleur, 1982, p. 344.
Sylvie Rodrigue et Jeffrey Edwards, « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons » dans Olivier F. Kott et Claudie Roy, dir., La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur.