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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CENTRE CANADIEN
D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(CCAC)
Canada
Province de Québec
Dossier no: S08-211001-NP
LINE ROUSSEAU
Demanderesse
c.
9097-9774 qUÉBEC INC.
(Les Habitations Mecca)
Défenderesse
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DÉCISION ARBITRALE
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ENTRE : LINE ROUSSEAU
(la « Bénéficiaire »)
ET 9097-9774 québec inc. (lES HABITATIONS MECCA)
(« l’Entrepreneur »)
ET : LA Garantie des BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS de l’APCHQ INC.
(« l’Administrateur »)
ENTREPRENEUR: 9097-9774 québec inc. (lES HABITATIONS MECCA)
10, Don Quichotte, bureau 106
Ile-Perrot (Québec) J7V 6L7
BÉNÉFICIAIRE: LINE ROUSSEAU
1180, rue Albert-Beaulne
Saint-Lazare (Québec) J7T 3G3
Identification des Parties
Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour la Bénéficiaire : Mme Line Rousseau
Monsieur André L’Écuyer
(Débouchage & Nettoyage Action Inc.)
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Geoff Rogers
Monsieur Paul Pilon
(Jean Paul Pilon Inc.)
Pour l’Administrateur : M. Marc-André Savage
Me Luc Séguin
(Savoie Fournier)
Date de l'enquête et audition : 13 janvier 2009
Date de la prise en délibéré : 29 janvier 2009
Date de la Décision arbitrale : 13 février 2009
Chronologie
2003.02.16 Contrat préliminaire et Contrat de garantie.
2003.03.28 Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment.
2007.07.13 Acte de vente - Bénéficiaire acquéreur subséquent.
2008.01.23 Lettre de dénonciation du Bénéficiaire à l’Administrateur (pièce A-5).
2008.01.28 Lettre de dénonciation du Bénéficiaire à l’Entrepreneur (pièce A-6).
2008.03.26 Demande de réclamation.
2008.05.29 Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur (et récépissé postal).
2008.09.17 Décision de l’Administrateur (et récépissés postaux).
2008.10.21 Notification de et Demande d’arbitrage de la Bénéficiaire.
2008.10.28 Nomination de l’arbitre.
2008.11.03 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur.
2008.11.10 Lettre de la Bénéficiaire à l’Administrateur.
2008.11.20 Lettre de la Bénéficiaire à l’Administrateur avec pièces jointes.
2008.12.08 Appel conférence préparatoire.
2008.12.12 Avis d’enquête et audition.
2009.01.06 Bénéficiaire envoi de pièces : (i) Lettre (pièce B-2), et (ii) Soumission de Les Pavages Pascal Inc. datée du 16 décembre 2008.
2009.01.13 Enquête et Audition.
2009.01.29 Lettre du procureur de l’Administrateur à l’Arbitre suite à un engagement d’information à l’audition, et prise en délibéré.
Mandat et Juridiction
[1] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 28 octobre 2008 suite à une demande d'arbitrage du Bénéficiaire reçu en date du 17 octobre 2008. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n'a été soulevée par les parties et juridiction du Tribunal a été alors confirmée.
Déroulement de l’instance
[2] Les Pièces contenues aux Cahiers de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé.
[3] D’autre part, la Bénéficiaire a déposé ses pièces, préalablement à l’audition, cotées sous B-1 à B-4 incluant un CD Rom de photographies (pièce B2-1) sous étiquette de Débouchage & Nettoyage Action Inc., et l'Administrateur et l'Entrepreneur ont confirmé leur acceptation d'icelles pour fins de véracité et exactitude.
Objections et Procédure
[4] Le procureur de l’Administrateur soulève une objection quant à la caractérisation de M. L’Écuyer, témoin de la Bénéficiaire, à titre de témoin expert et conséquemment la recevabilité du témoignage d’expert de celui-ci. Le Tribunal se devant de connaître à mon avis les questions qui peuvent être posées, leur pertinence et les autres éléments qui peuvent rendre une preuve recevable ou irrecevable avant de déclarer le témoignage de l’expert irrecevable à ce titre a pris cette objection sous réserve lors de l’audience. Il en sera traité ci-dessous.
Les Faits pertinents
[5] La Bénéficiaire acquiert le bâtiment résidentiel le 13 juillet 2007 (Pièce A-4), bâtiment sujet à une déclaration de réception du propriétaire initial en date du 28 mars 2003.
[6] La Bénéficiaire dénonce le 23 janvier 2008 à l’Administrateur une fuite d’eau venant de l’entrée principale d’eau (connexion du bonhomme située dans l’entrée de garage) survenue le même jour avec indication que la municipalité concernée a alors coupé l’eau (Pièce A-5). Une dénonciation par lettre à l’Entrepreneur en date du 28 janvier 2008 est comprise à la pièce A-6.
[7] La Bénéficiaire retient les services de Débouchage & Nettoyage Action Inc. (« D&NA ») afin d’effectuer les travaux de réparation. Monsieur André L’Écuyer («L’Écuyer»), le président et seul actionnaire de cette compagnie, est présent sur les lieux et dirige les réparations.
[8] Une demande de réclamation est déposée par la Bénéficiaire le 26 mars 2008.
[9] Suite à cette demande, l’Administrateur par décision en date du 17 septembre 2008 (no : 040458-1) (la « Décision ») identifie que la Bénéficiaire demande à être remboursée des frais encourus de 3 796,37$ ainsi que de la remise en état de l’allée du garage et de la section de terrain adjacente. Le Tribunal prend note d’une facture de D&NA du même montant avec copie de transaction Visa du client du même montant en pièce A-6 en liasse.
[10] La Bénéficiaire a d’autre part déposé préalablement à l’audition une soumission de Les Pavages Pascal inc. pour réparation d’entrée de garage pour un montant de 800 $ (Pièce B-1).
[11] La Décision conclue que le bris du conduit extérieur du conduit d’alimentation en eau ne rencontre pas les critères du vice majeur (la Décision indique que : « … la garantie couvre la réparation des vices majeurs qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux… ») et rejette la demande de réclamation.
[12] Une demande d’arbitrage est déposée par la Bénéficiaire datée du 17 octobre 2008 en appel de la Décision.
Analyse et discussions
Objection et témoignages d’experts
[13] Le procureur de l’Administrateur s’objecte à ce que soit considéré le témoignage de L’Écuyer comme témoignage d’expert, plaidant principalement :
Il n’y a pas eu de dépôt d’un rapport d’expertise préalablement à l’audition; la lettre de L’Écuyer (pièce B-2) ne fait que constater des travaux mais ne constitue pas un rapport d’expertise;
L’expert se doit d’être neutre mais L’Écuyer a contracté avec la Bénéficiaire et ce, pour plus qu’uniquement un mandat d’expertise (soit le fait d’avoir effectué les réparations);
Les qualifications de L’Écuyer ne sont pas satisfaisantes pour une qualification d’expert;
et conséquemment, le témoignage de L’Écuyer ne devrait être considéré que comme un témoignage des faits.
[14] En interrogatoire et contre-interrogatoire, il appert que D&NA et L’Écuyer font principalement du déblocage d’égouts, de l’inspection et de la réparation de tuyauterie et plomberie sans toutefois faire de construction neuve.
[15] D&NA a 5 employés sous la supervision de L’Écuyer; celui-ci a 33 ans d’expérience dans le domaine, a un certificat d’études Cegep, a suivi des formations annuelles incluant au Cégep Valleyfield (entre autre sur les eaux potables et la contamination), des cours aux États-Unis du North American Water Association, et a déjà témoigné à titre de témoin expert à environ 7 ou 8 occasions depuis 1995 incluant en Cour Supérieure du Québec.
[16] S’adressant au moyen d’objection soulevé sur la qualification professionnelle, le Tribunal considère que la qualité à agir comme expert ne se démontre pas uniquement par des connaissances grâce à des études mais, tel qu’enseigné par notre Cour Suprême, peut d’autre part être démontrée par une expérience relative aux questions visées par son témoignage[1].
[17] Quant à l’impartialité de l’expert, il serait nécessaire afin d’envisager le témoignage comme irrecevable que le témoin démontre un parti-pris significatif pour la partie qui l’a mandaté mais je suis plutôt d’avis que ceci est un élément qualitatif qui peut être adressé, sauf les cas flagrants, dans le cadre de l’évaluation de la valeur probante du témoignage par le Tribunal. De plus, que le témoin soit à l’emploi de la partie qui l’a fait comparaître n’est pas un facteur pertinent à la détermination de la qualité de témoin expert, tel qu’énoncé à diverses reprises par notre Cour d’appel [2].
[18] En règle générale, dans les cas d’expertises, notre procédure civile impose le dépôt et la production du rapport, s’inspirant principalement de l’article 402.1 C.p.c.; toutefois celui-ci prévoit spécifiquement que le Tribunal peut permettre qu’un témoin expert soit entendu sans communication et production d’un rapport écrit. Dans les circonstances, j’exerce cette discrétion, tenant également compte inter alia de la pièce B-2, lettre de l’Écuyer relativement au problème et constatation de vice qui y sont contenus, que cette pièce a été communiquée aux parties avant l’audition, que les parties n’ont pas été prises par surprise[3] et que l’Entrepreneur a d’autre part fait témoigner un témoin qui, de par son expérience, pourrait être qualifié lui aussi d’expert.
[19] Finalement, il faut noter que quoique l’expert est appelé à donner une opinion (contrairement au témoin ordinaire) susceptible d’éclairer le juge, notre Cour Suprême nous indique clairement à la cause phare de Shawinigan Engineering Co. c. Naud que le témoignage de l’expert est apprécié de la même façon que celui du témoin ordinaire quant à sa valeur probante[4].
[20] Afin de clore le sujet de témoignage expert dans la cause sous étude, l’Entrepreneur a fait témoigner sur les mêmes questions que L’Écuyer, Monsieur Pilon (« Pilon »), un de trois frères actionnaires de Jean Paul Pilon Inc., une société spécialisée entre autres en excavation et installation d’infrastructures, incluant les conduites d’alimentation d’eau pour résidences neuves et édifices commerciaux. Pilon indique que la société œuvre depuis plus de 40 ans dans le domaine et que lui-même a 32 ans d’expérience. Pilon et sa société sont les installateurs pour l’Entrepreneur qui ont initialement pourvu à la conduite d’eau extérieure de la résidence du Bénéficiaire et sa connexion au système municipal.
[21] Le Tribunal confirme que le rôle de L’Écuyer et Pilon ont certes consisté à fournir des renseignements qui en raison de la technicité des faits, dépassent les connaissances spécifiques et l’expérience du soussigné[5] relativement aux connexions d’eau entre les systèmes municipaux et résidentiels, et de plus dans nos circonstances particulières, ce qui n’est pas déterminant mais contribue à notre évaluation de la preuve, tous deux ont indiqué une connaissance personnelle, soit, dans le cas de Pilon, de l’installation et, dans le cas de L’Écuyer, de l’état de la conduite d’eau suite au bris et des réparations effectuées.
détermination de vices et article 10 du règlement
[22] La garantie visée par la Décision est celle prévue dans le cadre de la responsabilité légale de l’article 2118 C.c.Q. identifiée au para. 5 de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[6] (« Règlement ») qui se lit :
« 10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
[…]
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.»
[23] Ce que la Décision identifie comme ‘vice majeur’ est effectivement soit un vice de conception, de construction ou de réalisation ou du sol et se détermine selon l’article 10 du Règlement au sens de l’article 2118 C.c.Q. :
« Art. 2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol. » [7]
[24] Il est nécessaire de se référer à la jurisprudence et la doctrine pour bien cerner la responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage codifiée à l’article 2118 C.c.Q. et le champ et les exigences d’application de celui-ci. Tenant compte que le Bénéficiaire doit démontrer, selon certain paramètres, fardeau et présomptions, l’existence d’un ouvrage, d’une perte, d’un lien de causalité entre la perte et un vice visé et que la perte soit survenue dans les délais prévus, dans le cas sous étude, le Tribunal doit déterminer plus particulièrement :
§ Est-ce que la conduite est un ‘ouvrage’ au sens de 2118 C.c.Q.?
§ Est-ce que le bris de la conduite constitue une ‘perte de l’ouvrage’ au sens de 2118 C.c.Q.?
§ Est-ce que la cause de la perte est un vice visé par 2118 C.c.Q.?
§ Est-ce que le délai de cinq ans est respecté, incluant la détermination de l’expression ‘fin des travaux’?
§ Si les modalités d’application de l’article 2118 sont rencontrées, y a-t-il moyen d’exonération conformément aux dispositions législatives applicables en l’espèce?
Ouvrage
[25] Sous l’égide du prédécesseur de 2118 C.c.Q. (l’article 1688 C.c.B.-C. utilisait le terme ‘édifice’ maintenant remplacé par ‘ouvrage’ qui ne fait que codifier une interprétation large de l’expression édifice), la jurisprudence a identifié différents types de réalisations incluant entre autres, par exemple, piscines, trottoirs et travaux d’aqueducs[8]. Le système d’alimentation en eau de la résidence depuis le raccordement du conduit d’alimentation incluant le robinet d’arrêt, que l’on a tour nommé ‘union corporation’, ‘connexion’, ‘robinet d’arrêt’, ‘clé’ et leurs composantes telles bague, bague de rétention et joint, situés côté client, soit sur la propriété de la Bénéficiaire, est, selon le Tribunal, un ouvrage au sens de 2118 C.c.Q.
Perte de l’ouvrage
[26] L’Écuyer a témoigné, et sa lettre en pièce B-2 avisait :
« …avons constaté que l’union corporation du côté client était vissé ‘cross-thread’ et qu’il y avait perforation du tuyau ¾ cuivre type K ».
[27] Le Tribunal a d’autre part compris, des témoignages de L’Écuyer et Pilon respectivement, et de la pièce matérielle type de ce genre de connexion présentée par l’Entrepreneur que celle-ci agit à titre de clé qui peut être fermée par une torsion d’une tige-clé verticale que l’on nomme communément ‘bonhomme’ et qui est installé par la municipalité ou autre autorité similaire et qui permet de connecter et de contrôler le débit d’eau entre le système d’alimentation d’eau de la propriété résidentielle et le réseau d’alimentation d’eau public.
[28] La preuve non-contredite a démontré que ce bonhomme est installé dans l’entrée de garage, ce qui est l’exception à la règle générale de positionnement sur le terrain limitrophe à l’entrée de garage. Cette position est déterminée par la municipalité et ni l’entrepreneur ni le propriétaire n’a discrétion quant celle-ci. La plaque supérieure du bonhomme se doit de plus de demeurer accessible aux pouvoirs publics et ne peut être enfouie et demeure généralement au niveau du sol après terrassement. Le Tribunal comprend, que dans les circonstances, cette plaque supérieure est plus ou moins au niveau de la surface de l’entrée de garage, notant que ce n’est pas l’Entrepreneur qui a pourvu au pavage de l’entrée de garage.
[29] Une preuve contradictoire a été présentée quant à la cause du bris, la Bénéficiaire soutenant que le tuyau de connexion coté client a été inséré à l’origine à angle du tour de vis de la bague de rétention, alors que l’Entrepreneur soutient que si le système connexion avait été incorrectement inséré au tour de vis, un écoulement et bris serait survenu ‘bien avant’.
[30] L’Entrepreneur avance de plus la possibilité qu’un poids important puisse avoir pousser le bonhomme vers le bas, ce qui aurait comme effet de faire fausser la bague et connexion, avisant que généralement dans le gazon on n’a pas ce problème potentiel.
[31] La preuve non contredite a soulignée, ce que le Tribunal avait aussi autrement compris, que dans le cas d’un bonhomme en entrée de garage, où les possibilités que des véhicules ou d’autres poids importants viennent appuyer sur la tête du bonhomme, des précautions additionnelles se devraient d’être mises en place, par exemple un compactage de pierre plus important en dessous et en support de la bague de connexion. Aucune preuve de précautions additionnelles n’a été apportée.
[32] Il est fait grand cas par l’Administrateur et l’Entrepreneur que la perte visée par 2118 C.c.Q. se devait d’être soit une perte totale de l’immeuble ou dans le cas de perte partielle qu’il y ait à tout le moins menace d’effondrement ou de fléchissement de l’ouvrage ou encore de ses composantes principales. On a aussi caractérisé la perte par la nécessité que le dommage subi ou à venir se doit d’être majeur afin de souligner que de simples malfaçons ou vices de faible importance n’ouvrent pas application à la responsabilité de 2118 C.c.Q. ce qui a amené certains à conjuguer l’expression ‘vice majeur’.
[33] Toutefois, et prenant note de la ‘malfaçon’ autrement prévue à l’article 2120 C.c.Q. et du ‘vice caché’ de 1726 C.c.Q. afin de comparer les notions déterminatives applicables et de les appliquer dans le cadre de l’article 10 du Règlement qui couvre chacune de ces notions sous des conséquences différentes, il ne faut perdre de vue que la notion de perte dans le cadre de 2118 C.c.Q. doit recevoir une interprétation large s’étendant sur tout dommage sérieux subi par l’ouvrage et que, tel que le soulignent les auteurs J. Edwards et S. Rodrigue sous La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons dans le cadre de l’ouvrage bien connu La construction au Québec - perspectives juridiques :
« Il est également possible que la simple perte de l’usage normal des lieux tombe sous le coup de cette disposition. De fait, certains tribunaux ont décidé, en vertu des règles de l’ancien Code, que la présence de troubles graves, nuisant à l’utilisation de l’immeuble, constituait une perte. La responsabilité quinquennale a notamment été retenue lorsque les vices empêchaient l’ouvrage de servir à sa destination normale ou limitaient, de manière importante, l’usage normal de l’ouvrage. »[9]
Nos soulignés
[34] Les auteurs citent plusieurs arrêts jurisprudentiels[10] et il apparaît clair au Tribunal que la notion d’utilité ou de viabilité de la construction visée est applicable à la détermination recherchée, ce que souligne d’ailleurs T. Rousseau-Houle dans Les contrats de construction en droit public & privé[11] et plus particulièrement J.L. Beaudoin qui écrit :
« La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage. Constitue donc une perte toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destination. En d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime. »[12]
Nos soulignés.
[35] On peut de plus se reporter entre autres à diverses décisions de jurisprudence telles Gauthier c. Séguin[13], Foundation Co. Of Canada Ltd. C. Golden Eagle Canada Ltd.,[14] Constructions François et Richards Inc. c. Audet[15].
[36] Le Tribunal est donc d’avis que dans le cas d’une propriété résidentielle, l’absence d’alimentation en eau rend l’ouvrage impropre à sa destination, à son habitabilité même (ce qui ne serait pas le cas par exemple d’une infiltration d’eau, même significative - sauf afin de qualifier la perte, celle ayant des conséquences structurelles importantes) et que conséquemment, quant à la notion de perte, l’article 2118 C.c.Q. trouve application dans les circonstances présentes [Nos soulignés].
Vice - Comparatif : Vice caché de 1726 C.c.Q. et Malfaçon de 2120 C.c.Q.
[37] Tenant compte de certains commentaires à l’audition et du contenu de la Décision, et pour les fins des circonstances de la présente cause, il est approprié de souligner certains paramètres différentiels applicables selon le Tribunal entre les notions de vice caché sous 1726 C.c.Q., la malfaçon de 2120 C.c.Q. et les vices énumérés sous 2118 C.c.Q., cette énumération ne se prétendant pas exhaustive d’aucune manière:
§ La structure de 2118 en est une de responsabilité légale alors que l’objet de 1726 et 2120 sont des garanties.
§ L’obligation de garantie légale de 1726 ou de 2120 diffère de l’obligation de résultat de 2118, entre autre quant à ce que des moyens exonératoires sont disponibles relativement à 2118.
§ C’est en règle générale uniquement le contrat d’entreprise ou de service (et le fait du promoteur immobilier de 2124 C.c.Q.) qui donne naissance à la responsabilité de 2118 alors que 1726 tient de la garantie de qualité dans le cadre d’un contrat de vente ou l’usage visé (et son corolaire du déficit d’usage) est celui de l’acheteur raisonnable.
§ La responsabilité de 2118 est d’ordre public et de nature impérative alors que la garantie de 1726 est de nature supplétive et que même celle de 2120 n’est probablement pas de nature impérative.
§ Dans le cadre d’un vice de 1726, en plus de son caractère occulte, le texte spécifie la condition de gravité, son intensité, pour donner ouverture à l’application de la garantie, soit un vice qui entraîne un déficit d’usage au point que ‘l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné si haut prix’ alors que dans le cas d’un vice de 2118, on recherche plutôt la perte de l’ouvrage, dans sa définition législative et jurisprudentielle, liée à la solidité et viabilité de la construction visée.
§ Enfin, il est important de noter que le respect de normes établies n’écarte pas l’application de la garantie des vices cachés de 1726 alors que la conformité aux normes établies écarte le vice visé par 2118, l’existence ou non d’un tel vice étant en grande partie établie à partir des normes établies par l’industrie. Lorsque le travail est exécuté suivant les règles de l’art, les normes établies, il ne peut y avoir de malfaçon de 2110 ou de vice de construction et al de 2118 alors que pour l’application de 1726 le respect des normes n’est pas déterminant.
[38] Les auteurs supportent cette distinction de vice dans ces articles 1726 et 2118, tel que souligné entre autres dans l’ouvrage récent (2008) La garantie de qualité du vendeur en droit québécois[16]
Vices - imputation
[39] La perte de l’ouvrage tel que mentionné précédemment doit être imputée à un des vices prévus à 2118 C.c.Q.. La preuve contradictoire a toutefois soulevé deux causes, deux vices, un de construction et réalisation, soit l’insertion du tuyau d’alimentation à la bague de corporation et un vice qui peut être qualifié soit de construction ou de conception, la mise en place d’un support approprié de pierre concassée ou autre compaction du sol au niveau de la clé et bague de rétention de la connexion du système d’alimentation eau au système public.
Vices et Normes
[40] Les vices de construction, de réalisation et de sol s’apprécient entre autres par rapport aux normes généralement suivies et se reconnaissent de plus par une dérogation aux règles de l’art.
[41] Il est donc opportun d’identifier l’existence desdites normes, s’il en est.
[42] L’Administrateur, par la plume de son procureur, et de vérifications effectuées par l’inspecteur à la Décision, en communication subséquente à l’audition, ce qui est apprécié, a effectué des vérifications afin de déterminer les règles applicables au raccordement d’un conduit d’alimentation en eau aux services municipaux en matière de bâtiment résidentiel.
[43] Un représentant de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec a informé l’Administrateur que la réglementation en vigueur ne couvre que la plomberie à l’intérieur de la résidence et l’Administrateur conclu que conséquemment, le Code de construction du Québec ne trouve pas application à ce raccordement, et, d’autre part, la municipalité concernée a confirmé qu’aucune réglementation municipale n’existe quant à l’installation du branchement principal au robinet d’arrêt situé à la limite de la propriété résidentielle et que celle-ci n’effectuait aucune vérification quant à cette installation.
[44] Il apparaît donc au Tribunal qu’il n’existe possiblement pas de norme établie à laquelle on peut se référer, ou à tout le moins aucune ne nous a été présentée malgré les efforts de recherche précités.
Vices, Présomptions et Causes techniques
[45] Des divers commentaires de L’Écuyer et Pilon (laissant de côté les propos de tuyauterie sous mécanisme en forme « S » qui selon nous vise des mouvements latéraux), la prépondérance s’axe sur la nécessité d’un compactage approprié du sol en dessous et auprès de la clé robinet afin que soit évitée soit par pression ou vibrations, une déformation qui amènerait une torsion du tuyau quant à la bague de rétention et possiblement l’écrasement du joint d’étanchéité, généralement en aluminium mou, contenu à la bague de rétention.
[46] L’article 2118 C.c.Q. établit une présomption de responsabilité de l'entrepreneur et pour bénéficier de celle-ci :
« En l'espèce, pour bénéficier de cette présomption, l'intimée devait démontrer par prépondérance de preuve qu’il y a eu perte de l'ouvrage et que celle-ci résultait d'un vice de construction […][17]
et la doctrine conclut avec raison quant à l’effet de cette présomption sur la nécessité de fixer une cause exacte de la perte ou détermination spécifique du vice, tel Baudouin qui explique ainsi la preuve qui doit être faite pour entraîner l'application de la présomption de responsabilité de 2118 C.c.Q.:
1685 […] Le propriétaire doit, en effet, démontrer que cette perte [de l'ouvrage] est bel et bien attribuable à un vice […]. Toutefois, la présomption dont bénéficie le propriétaire lui évite d'avoir à démontrer la cause technique exacte de la perte de l'édifice. […][18]
Nos soulignés.
Vice - Conclusion
[47] Conséquemment, le Tribunal est d’avis que la cause de la perte est un vice au sens de l’article 2118 du Code civil et entraîne l’application de l’article 10, para. 5 du Règlement.
Fin des travaux
[48] Dans les circonstances et d’ailleurs de façon générale, la fin des travaux et la réception de l’ouvrage par l’acquéreur ont lieu au même moment et donc en date du 28 mars 2003 pour les fins des présentes.
Exonération
[49] Certains éléments d’exonération sont prévus spécifiquement à l’article 2119 C.c.Q. et dans les circonstances aucun d’entre eux n’est applicable à dégager la responsabilité de l’Entrepreneur.
[50] L’usage abusif du bien est un moyen d’exonération sous certaines conditions. Aucune preuve d’usage abusif n’a été avancée dans la cause sous étude.
[51] La force majeure est également un moyen d’exonération. Il a été fait mention à diverses reprises à la preuve que la température était très froide lors du bris de la conduite, toutefois, ceci ne constitue pas une force majeure, car l’effet du gel sur la construction et le sol n’est pas dans nos régions climatiques un événement imprévisible constituant force majeure, tel que d’ailleurs souligné dans Beaver Foundations, précité.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande de la Bénéficiaire pour un montant de 3 796,37$ avec intérêts au taux légal depuis la dénonciation à l’Entrepreneur du 28 mars 2008.
ORDONNE à l’Entrepreneur de pourvoir à la réparation de l’entrée de garage, incluant asphaltage et terrassement-gazon sur la zone adjacente requis, le ou avant le 15 mai 2009 ou, à défaut, à l’Administrateur d’y pourvoir sans autre avis ou délai, le tout selon les règles de l’art pour ce faire ET MAINTIEN juridiction quant à cet élément.
ORDONNE que la totalité des coûts du présent arbitrage soient assumés par l’Administrateur.
DATE: 13 février 2009 ______________________
Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
[1] R. c Mohan, (1994) 2 R.C.S. 9 , 37, EYB 1994-67655 , j. Sopinka.; voir aussi R. c. Béland, (1987) 2 R.C.S. 398 , j. McIntyre.
[2] Cie d’assurance Missisquoi & Rouville c. General Motors du Canada Ltée, (1998) R.D.J. 18 (CA); Mont-Tremblant (Municipalité) c. Tellier, (1994) R.D.J. 44 (CA).
[3] Commission Rouyn-Noranda c. Barrette, J.E. 96-634 (C.A.), pp 3, 4, 5.
[4] Shawinigan Engineering c. Naud, (1929) R.C.S. 34l, p. 343.
[5] Entre autres, R c. Abbey (1982) 2 R.C.S. 24 , p. 42; R c. Lavallée (1990) 1 R.C.S., 852, p. 889.
[6] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) - D. 841-98.
[7] L.Q. 1991, c.64, a. 2118.
[8] Beaver Foundations Ltd. c. Jonquière (Ville de), 1984 C.A. 519
[9] EDWARDS, Jeffrey et RODRIGUE, Sylvie, La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, para. 2.2.2.dans le cadre de La construction au Québec : perspectives juridiques, sous la direction de Me Olivier F. Kott - Me Claudine Roy, Ed. Wilson Lafleur, 1998, p.434.
[10] Société d’habitation du Québec c. Bouliane, J.E. 94-1761 (C.S.); Villeneuve (Corp. Municipale de la ville de) c. Gauthier, précité, note 116; Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.); Bélanger c. Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec, J.E. 98-114 (C.S.).
[11] ROUSSEAU-HOULE, T., Les contrats de construction en droit public & privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982, p. 347.
[12] BAUDOUIN, J.L. La responsabilité civile (5e), Cowansville, Yvon Blais, 1998, au no. 1631
[13] (1969) B.R. 913 .
[14] (1986) R.L. 167 (C.A.),
[15] (1996) R.J.Q. 2363 (C.S.).
[16] EDWARDS, J. La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, plus particulièrement aux para. 232 et ss. 326 et ss, 334 et 338, ainsi que 359 et 360.
[17] Silo Supérieur (1993) Inc. c. Ferme Kaech & Fils Inc., 2004 CanLII 13319 (QC C.A.), par. 26.
[18] Op.cit. BAUDOUIN, J.L., La Responsabilité civile, au no. 1685.