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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

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Entre

Lina Scotto et Tony Iannalfo

Bénéficiaires

Et

9061-2607 québec Inc.

(CONSTRUCTION ET RÉNOVATION OMÉGA) en FAILLITE

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

Administrateur

 

No dossier Garantie :

33841-1

No dossier GAMM :

2007-12-019

No dossier Arbitre :

13 185-36

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre:

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour les Bénéficiaires:

Madame Lina Scotto

Monsieur Tony Iannalfo

 

 

Pour l’Entrepreneur:

Absent

 

 

Pour l’Administrateur:

Me Avelino de Andrade
La Garantie Qualité-Habitation

 

Date d’audience :

Le 14 octobre 2008

 

 

Visite des lieux et audition d’arbitrage:

11 230, boulevard Gouin Est

Montréal, Qc

 

 

Date de la décision :

Le 5 novembre 2008

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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, VISITÉ LES LIEUX ET ENTENDU LA PREUVE ET Les ARGUMENTS DES parties, le Tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:

 

1.                  LES FAITS

[1]                Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage (Pièce A-9) des Bénéficiaires concernant les points 8 et 9 de la décision de l’Administrateur datée du 5 novembre 2007 (Pièce A-2).

[2]                L’Administrateur et les Bénéficiaires confirment que l’Entrepreneur, 9061-2607 Québec Inc (Construction et Rénovation Oméga), n’est plus en affaires.

[3]                Le 2 septembre 2004, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont signé un contrat d’entreprise (no. 176).  Selon les Bénéficiaires, l’Entrepreneur s’est verbalement engagé à livrer la propriété, sise au 11 230, boulevard Gouin Est, à Montréal, Qc  (« Propriété ») pour le mois de juin 2005 (Pièce A-7).  Par la suite, soit le 18 août 2005, un contrat d’entreprise et garantie obligatoire - maison neuve, cautionné par La Garantie Qualité-Habitation, est intervenu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur.

[4]                Le réception de la propriété a eu lieu le 31 mars 2006.  Le 8 juin 2006, les Bénéficiaires obtiennent un rapport d’inspection (Pièce A-10) de Monsieur François Dussault, T.P., retenu pour examiner la Propriété.

[5]                Ce rapport mentionne que les planchers ne sont pas au niveau à différents endroits et dans certaines pièces.  L’extrait pertinent du rapport de Monsieur Dussault se lit comme suit :

«2.       Nous avons noté qu’une partie des planchers ne sont pas au niveau et ce à différents endroits et dans certaines pièces.  Plus particulièrement dans le corridor à l’étage, dans la chambre des maîtres, dans la salle de bains de la chambre des maîtres et dans le corridor face à la porte intérieure du garage.  Un niveau a été utilisé par l’inspecteur sur le plancher à ces endroits (voir photos 51 à 46-73-74-78-79-81-82).

Ces dénivellements sont anormaux pour un immeuble récemment construit.  Une consultation des plans et devis d’ingénierie de la structure des planchers est nécessaire pour faire une analyse complète et précise par un représentant de la compagnie qui a fourni les poutrelles occupants.

Mais pour faire des modifications à ces planchers, les travaux de réfection pourraient engendrer des coûts assez élevés.  Apporter les correctifs nécessaires.

Une dénivellation dans un plancher est causée par plusieurs facteurs, comme par une trop grande portée des solives, mauvais nivelage des planchers lors de la construction de la structure, etc.

D’ailleurs, le requérant nous affirme lors de cette visite, que l’entrepreneur avait oublié d’installer un poteau au rez-de-chaussée durant la construction et qu’un poteau en acier a été ajouté au sous-sol sous une poutre laminée de trois morceau car la structure du plancher de la dînette/salon arrière vibrait (voir photo 19).»

[6]                Cette anomalie est rapidement dénoncée à l’Administrateur.  Reconnaissant que l’affaissement engendrant le problème des planchers non à niveau est un symptôme d’un problème structural ayant des conséquences potentielles graves, l’Administrateur intervient rapidement.

[7]                Le 25 septembre 2006, l’Administrateur décide (car l’Entrepreneur n’est déjà plus en affaires) de faire des travaux de rajouts de nouvelles poutres et d’autres travaux de renforcement structural (Pièce A-5).  L’extrait pertinent de la décision se lit comme suit :

« DÉCISION DE L’ADMINISTRATEUR :

En vertu du texte de garantie, compte tenu que l’entrepreneur « 9061-2607 Québec inc. » n’a plus la licence d’entrepreneur 3031-3032, La Garantie Qualité-Habitation procédera par voie de soumission à l’autorisation des travaux au point 1 ci-dessous reconnu.

1.          STRUCTURE

Les propriétaires nous mentionnent que des colonnes ont étés (sic) ajoutés au sous-sol après la construction.  De ce fait ceux-ci s’inquiète de la conformité de la structure.

Lors de notre inspection, nous avons constaté des anomalies sur la structure située au sous-sol et ce, après vérifications avec le fournisseur des éléments structuraux de la propriété.

Par conséquent, l’entrepreneur [sic : l’administrateur] devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art et l’usage courant du marché. »

[8]                Par la suite, les travaux de renforcement structurels sont réalisés.

[9]                Point 8 :   Dénivellement des planchers au rez-de-chaussée et au 1er étage

Les Bénéficiaires demandent ensuite que les problèmes de dénivellement des planchers soient également réparés.  Dans sa décision du 5 novembre 2007 (Pièce A-2), l’Administrateur rejette cette demande au motif que le dénivellement, quoique hors norme, lui paraît « acceptable ».  Les Bénéficiaires ont porté ce point en arbitrage.

[10]      Point 9 : Accumulation d’eau sur le balcon de la chambre des maîtres

Les Bénéficiaires se plaignaient que l’eau s’accumule sur le plancher du balcon de la chambre des maîtres en raison d’une mauvaise conception de la pente du balcon et de la mauvaise localisation du drain d’eau. 

      Cette demande a été rejetée dans la décision de l’Administrateur (Pièce A-2) au motif que la situation paraissait acceptable, d’où la demande d’arbitrage des Bénéficiaires quant à ce point.  Au soutien de leur demande d’arbitrage, les Bénéficiaires ont obtenu une expertise (B-1) d’Alain Corbeil, T.P. qui affirme que les pentes du balcon violent les règles de l’art et que la situation engendre et engendrera des dommages aux joints de pierre du muret du balcon dans un « avenir rapproché ».  Lors de la visite des lieux, Monsieur Corbeil a effectivement démontré que les joints de la pierre se désagrégeaient de manière prématurée.  Au cours de la reprise de l’audition, le procureur de l’Administrateur, après discussion avec le conciliateur, a décidé d’accepter ce point.  Ainsi, il ne sera pas nécessaire que le soussigné traite ce point, sauf dans les conclusions de la sentence.

 

2.                  QUESTION EN LITIGE

[11]           Est-ce que la demande d’arbitrage concernant le Point 8 est bien fondée?

 

3.                  ANALYSE ET DÉCISIONS

[12]           Les Bénéficiaires ont fait entendre deux experts dont les rapports ont été dûment         déposés, à savoir :

 

-           Richard Forcier, technicien, formateur et consultant en revêtement de sol et Alain Corbeil, T.P. 

 

Selon leurs témoignages, il n’y a pas de doute que la situation des planchers à différents endroits est hors norme et ne respecte pas les règles de l’art applicables. Les mesures indiquent un écart de ¾" sur des linéaires de 4 pieds.  Selon la preuve non contestée, cela enfreint notamment les normes du Code national du bâtiment (Articles 9.4.5.1.et 9.4.5A).  La preuve technique de l’existence de ce vice de même que l’applicabilité de ces normes ne sont pas contestées par l’Administrateur.  Tous sont d’avis que cette situation résulte de l’affaissement passé de la charpente de la maison. Tous sont également d’avis que l’affaissement, suite aux travaux réalisés sous l’égide de l’Administrateur, paraît stabilisé.

 

Selon M. Forcier, il y avait une façon de stabiliser le problème d’affaissement et d’éliminer le problème de planchers en même temps. Il fallait progressivement monter les points d’appui de la charpente avec les poutres installées. Cela aurait nécessité la réalisation de travaux à différentes intervalles. De même, de telles interventions auraient nécessité la réparation de tout travail de finition au terme des travaux de rehaussement et de surélévation.

 

[13]           L’Administrateur a décidé de procéder autrement. Les travaux de nature structurelle ont été réalisés de façon à stabiliser la situation et à empêcher tout affaissement supplémentaire. Cependant, selon la preuve, les divers signes, manifestations et dommages entrainés par la malfaçon structurelle en question qui se sont produits         avant la réalisation des travaux de stabilisation n’ont pas été corrigés.

[14]           L’Administrateur ne conteste pas que les Bénéficiaires ont dénoncé le problème des planchers dans les délais requis, y compris quant à la protection de la garantie contre les malfaçons non apparentes dans la première année suivant la réception.

[15]           Selon le Tribunal d’arbitrage, la prépondérance de la preuve établit qu’il y avait une malfaçon de nature structurale affectant la propriété en raison de l’insuffisance des poutres d’appuis.  En raison de cette malfaçon, les planchers à divers endroits se sont affaissés.  Dans ces circonstances, avec égard pour l’opinion contraire, il nous paraît clair qu’il n’est pas suffisant pour l’Administrateur de régler seulement la cause du problème de l’affaissement des planchers.

[16]           En effet, lorsque les dommages attribuables à la malfaçon structurale constituent une violation des règles de l’art et des normes de construction applicables, les Bénéficiaires ont également droit à la réparation de ces dommages.   De plus, à notre avis, considérant le type de maison en cause qui est de qualité supérieure et son état neuf, il est raisonnable de la part des Bénéficiaires d’insister pour que les malfaçons de dénivellement des planchers soient corrigées.  Nous considérons que ces malfaçons au niveau des planchers n’étaient pas apparentes pour un acheteur ordinaire lors de la prise de possession d’une propriété neuve, d’autant plus que nous ne savons pas si la situation a évolué entre le moment de la prise de possession et celui de l’examen par François Dussault, T.P. le 31 mai 2006.

[17]           Enfin, il faut préciser que les planchers de la maison ne sont pas tous affectés par le problème soulevé.  Après examen visuel, les planchers affectés sont les suivants :

 

1.      À l’étage : Section en avant de la chambre des maîtres dans le corridor autour de la descente des escaliers;

 

2.            À l’étage : Chambre de bain de la chambre des maîtres;

 

3.            À l’étage : Une partie de la chambre des maîtres principalement autour de l’entrée donnant sur le corridor;

 

4.            Rez-de-chaussée : Salle d’eau.

 

[18]           Le Tribunal d’arbitrage conclut que les travaux correctifs doivent être effectués à ces endroits, et ce, selon les règles de l’art.  Il est entendu que tout endroit accessoire affecté ou endommagé par ces travaux sera également réparé, selon les règles de l’art.

 

Coûts des experts

 

[19]           Les Bénéficiaires ont droit au remboursement des coûts raisonnables des experts requis pour faire valoir leur réclamation.

[20]           Pour Monsieur Richard Forcier, les coûts de son rapport (395,06 $) et de son témoignage (395,06 $) sont accordés. 

[21]           Pour Monsieur Corbeil, les coûts de son rapport (451,50 $) sont accordés.  Monsieur Corbeil réclame 903,00 $ pour sa présence devant le Tribunal d’arbitrage, soit une journée entière.  Cela est conforme à l’entente intervenue avec son client, également déposée, car il ne savait pas à quelle heure l’audition aurait pu prendre fin et il avait en conséquence réservé la journée.  Cette entente est sans doute valable et justifiable entre l’expert et son client.  Cependant, l’audition a pris fin vers 13h00, et il nous semble inapproprié d’ordonner à l’Administrateur, dans ces circonstances, de rembourser les frais pour toute une journée.  Ainsi, la moitié de ce compte (451,50 $) sera accordée pour fins de remboursement.

[22]           Le coût total que l’Administrateur doit rembourser aux Bénéficiaires est donc de 1 693,12 $.

[23]           Considérant le sort de la demande d’arbitrage, l’Administrateur assumera les frais de l’arbitrage.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

ACCUEILLE la demande d’arbitrage;

ORDONNE à l’Administrateur, dans les trente (30) jours de la réception de la présente sentence, de réaliser les travaux correctifs, selon les règles de l’art, pour le Point 8 aux endroits de la propriété indiqués dans les motifs de la présente sentence et pour le Point 9 de réaliser les travaux correctifs selon les règles de l’art pour éliminer le problème d’accumulation d’eau au balcon de la chambre des maîtres.  Les délais peuvent être ajustés selon l’accord des parties et les impératifs de la température.

ORDONNE à l’Administrateur de rembourser aux Bénéficiaires la somme de 1 693,12 $ dans les trente (30) jours de la réception de la présente sentence;

ORDONNE à l’Administrateur de payer les frais d’arbitrage résultant du présent dossier d’arbitrage.

 



(s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre