ARBITRAGE EN VERTU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE RETRAITE DES

ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossiers no :   GAMM :     2012-15-016, 2013-15-004, 2013-15-008

                          APCHQ :   122818-1, 7597-1, 16396-1, 198410-1, 41806-1, 12973-1, 22255-1, 22233-1, 44772-1, 44763-1, 53002-1, 69055-1

                       

 

 

ENTRE :

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES PANACHE (BÂTIMENTS 5 et 6)

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES L’ÉQUINOXE
(PHASE I EST, PHASE I OUEST)

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES L’ALTITUDE

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES LES MANOIRS DOMAINE DU GÉANT
(PHASE I, PHASE II, PHASE IIIA, PHASE IIIB)

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES TREMBLANT-LES-EAUX
(PHASE IA, PHASE IB, PHASE IIA, PHASE IIB)

(ci-après les « Bénéficiaires »)

ET :

STATION MONT-TREMBLANT SEC

(ci-après l’« Entrepreneur »)

ET :

LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L’APCHQ INC.

(ci-après l’« Administrateur »)

 

DEVANT L’ARBITRE :          Me Karine Poulin

Pour l’Entrepreneur :                 Me Ryan Hillier

Pour la Bénéficiaire :                Me Raymond L’Abbé

Pour l’Administrateur :              Me Nicolas Gosselin

Dates d’audience :                   19 juillet, 22 août 2017

Ajout de documents :                25 octobre 2017

Date de la sentence :               10 novembre 2017

 

SENTENCE ARBITRALE INTERLOCUTOIRE - MOYENS PRÉLIMINAIRES

 


I

LE RECOURS

[1]         L’Entrepreneur s’est objecté à la poursuite de l’arbitrage et a demandé la suspension de celui-ci au motif qu’il existe un autre recours en Cour supérieure mue entre les mêmes parties, pour le même objet et ayant la même cause. L’Entrepreneur invoque la litispendance et, subsidiairement, le principe de proportionnalité et d’économie des coûts pour justifier sa demande de suspension du dossier d’arbitrage.

[2]         Quant à  eux, les Bénéficiaires soutiennent, d’une part, que l’exception de litispendance est tardive et donc, irrecevable et, d’autre part, qu’il n’y a pas litispendance. Au soutien de leur position, les Bénéficiaires plaident l’absence de triple identité. Ils ajoutent que la saine administration de la justice et la proportionnalité militent en faveur du rejet de la demande de l’Entrepreneur et la poursuite de l’arbitrage.

[3]         Enfin, les Bénéficiaires réclament du Tribunal une déclaration d’abus de procédure eu égard à la présente demande de suspension du recours et une condamnation de l’Entrepreneur aux frais et honoraires extrajudiciaires. Ils précisent que cette dernière demande ne vise que l’Entrepreneur et qu’ils n’entendent pas demander au Tribunal de condamner l’Administrateur à payer les frais et honoraires extrajudiciaires en cas de défaut de l’Entrepreneur à s’exécuter.

[4]         L’Entrepreneur, de son côté, nie devoir payer quoi que ce soit aux Bénéficiaires et prétend qu’au contraire, c’est lui qui a droit au remboursement des honoraires extrajudiciaires causés par la conduite des Bénéficiaires.

[5]         Il reproche aux Bénéficiaires de ne pas s’être opposés à la présentation de son moyen préliminaire en temps utile et d’avoir soulevé, le matin du premier jour d’audience, des éléments nouveaux, soit la demande de déclaration d’abus et la réclamation de dommages.

[6]         L’Entrepreneur soutient qu’il n’a pas commis d’abus de procédure et qu’à tout événement, l’arbitre n’a pas compétence pour se prononcer sur cette matière, non plus que sur la question de la condamnation aux frais et honoraires extrajudiciaires.

[7]         L’Administrateur, quant à lui, a participé au débat afin de préserver ses droits. Il soutient que l’arbitre n’a pas compétence pour prononcer une déclaration d’abus non plus que pour octroyer des frais et honoraires extrajudiciaires en vertu du Règlement.

II

CONTEXTE ET PROCÉDURES ESSENTIELLES

[8]         Le 20 décembre 2009, un incendie a dévasté l’immeuble du Syndicat La Clairière II lequel n’est pas partie au présent dossier d’arbitrage. Par la suite, l’assureur Union Canadienne a informé ledit Syndicat que la police d’assurance ne serait pas renouvelée à son échéance le 30 juin 2010. Du même coup, Union Canadienne informait aussi les Bénéficiaires (et plusieurs autres syndicats) qu’elle ne renouvellerait pas les polices d’assurance venant à échéance le 30 juin 2010 en raison de ses craintes relatives à la qualité de la construction des immeubles assurés.

[9]          En juin 2010, suivant la réception de la décision de l’assureur, débute une vaste opération d’inspections des Immeubles des divers syndicats de copropriétaires et le 12 juillet 2010, un premier rapport d’inspection est émis, lequel fait état de diverses non-conformités affectant notamment les murs coupe-feu et les cheminées.

[10]       Dès réception du premier rapport d’inspection, les Bénéficiaires ont dénoncé la situation à l’Entrepreneur le 6 août 2010 et, dans une lettre datée du 25 novembre 2010, les Bénéficiaires ont porté la situation à l’attention de l’Administrateur.

[11]       Le 5 janvier 2011, les douze (12) Bénéficiaires en l’instance et vingt-quatre (24) autres syndicats ont entrepris un recours en Cour supérieure (dossier 700-17-007650-103) dans lequel ils poursuivent la Ville de Mont-Tremblant. Par la suite, le 30 mars 2012, l’Entrepreneur et son groupe de sociétés liées ont été ajoutés à titre de codéfendeurs. Le dossier devant la Cour supérieure est maintenant composé de vingt-trois (23) codemandeurs, dont les Bénéficiaires en l’instance et onze (11) condotels non assujettis au Règlement.

[12]       Pour sa part, l’Entrepreneur poursuit en garantie douze (12) intervenants œuvrant dans le domaine de la construction, dont les architectes et les entrepreneurs sous-traitants. Aux fins de la présente sentence, l’Entrepreneur et son groupe de sociétés liées sont appelés l’«Entrepreneur» et le Tribunal apportera les nuances nécessaires lorsque requis.

[13]       Parmi les douze (12) appelés en garantie, trois (3) se sont constitués demandeurs en arrière-garantie contre trois (3) entreprises. Le 25 juillet 2017, un autre appelé en garantie s’est porté demandeur en arrière-garantie contre deux (2) assureurs et un (1) sous-traitant.

[14]       Le dossier en Cour supérieure compte au total quarante-huit (48) parties, vu l’intervention de l’Administrateur provisoire accordée par la Cour le 1er novembre 2017.

[15]       Entre le 15 août 2011 et le 20 décembre 2011, Monsieur Marc-André Savage, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur, procède à l’inspection des immeubles des Bénéficiaires et rend six (6) décisions le 3 décembre 2012, cinq (5) décisions le 8 avril 2013 et une (1) dernière décision le 19 août suivant.

[16]       Sauf dans le cas du Bénéficiaire Syndicat des copropriétaires Panache (Bâtiments 5 et 6) (ci-après appelé « SDC Panache»), l’Administrateur a déclaré irrecevables les demandes des Bénéficiaires au motif que la garantie était échue. Quant au dossier du SDC Panache, l’Administrateur a rejeté la demande au motif que les vices rencontrés ne constituaient pas des vices majeurs au sens du Règlement.

[17]       Lesdites décisions ont toutes été portées en arbitrage dans les délais prévus au Règlement et une sentence arbitrale a été rendue dans chacun de ces dossiers le 8 juillet 2016.

[18]       En ce qui concerne le dossier du SDC Panache, les parties avaient convenu, dans un esprit de proportionnalité et de saine administration de la justice, de scinder l’instance afin que l’arbitre ne tranche que la question préalable qui consistait à déterminer la date de fin des travaux et celle de la réception des parties communes, soit les questions principales auxquelles le Tribunal devait répondre afin de statuer sur la recevabilité des onze (11) autres dossiers.

[19]       Dans ses décisions du 8 juillet 2016, le Tribunal a déterminé que la fin des travaux de même que la réception des parties communes sont toutes survenues entre le 19 et le 30 juin 2010 selon les faits particuliers de chacun des douze (12) dossiers.

[20]       Dès lors, les dénonciations à l’Entrepreneur et à l’Administrateur faites respectivement le 6 août et le 25 novembre 2010 ont été faites dans le délai raisonnable prévu au Règlement et à l’intérieur de la première année de la garantie. Ainsi, la seule preuve d’une malfaçon est suffisante pour faire droit aux demandes des Bénéficiaires sans qu’il soit nécessaire de prouver le vice caché ou le vice majeur. C’est d’ailleurs en ce sens que l’Administrateur a tranché le 30 mars 2017 et ordonné le remboursement de certains montants.

[21]       Vu les délais de l’Administrateur à rendre ses décisions suite aux ordonnances du Tribunal d’arbitrage rendues en juillet 2016, les Bénéficiaires ont demandé au Tribunal la tenue d’une conférence de gestion à l’hiver 2017 afin d’assurer la saine progression des dossiers.

[22]       Dans le cadre de la conférence de gestion tenue le 26 janvier 2017 et suite à celle-ci, une ordonnance de gestion a été rendue le 1er février 2017. Une deuxième (2e) ordonnance a été rendue le 8 février, suivant l’annonce faite par l’Entrepreneur le 3 février de la possibilité de présenter un moyen déclinatoire en suspension des procédures dans l’éventualité d’une contestation des décisions à être rendues par l’Administrateur. Il est alors apparu opportun d’ordonner à l’Entrepreneur de soulever, au plus tard le 28 février 2017, tout moyen préliminaire qu’il entend faire valoir en cas de contestation des décisions au mérite et ce, afin de permettre aux parties de réserver une date pour ce débat vu les délais déjà encourus dans le dossier et les disponibilités restreintes prévisibles des procureurs à l’approche de la saison estivale.

[23]      Ainsi, le 28 février 2017, conformément à l’ordonnance rendue, l’Entrepreneur a confirmé aux parties ainsi qu’au Tribunal son intention de demander la suspension du dossier d’arbitrage dans l’éventualité d’une contestation au mérite des décisions à être rendues par l’Administrateur et ce, au motif de litispendance et, subsidiairement, en vertu du principe de proportionnalité.

[24]      Insatisfaits des décisions rendues par l’Administrateur le 30 mars 2017, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont porté les douze (12) décisions en arbitrage dans les délais prévus au Règlement.

[25]      Précisons dès maintenant que du consentement de toutes les parties, l’Administrateur s’est de nouveau prononcé sur le mérite du dossier du SDC Panache afin de préciser la décision rendue et portée en arbitrage, à savoir 1) s’il y avait présence de malfaçons, 2) si les travaux effectués par les Bénéficiaires étaient urgents, nécessaires et conservatoires et 3) le cas échéant, statuer sur le quantum des dommages. C’est donc aux fins de préciser davantage la décision initiale rendue dans ce dossier que l’Administrateur a rendu une nouvelle décision le 30 mars 2017.

[26]      Enfin, il appert pertinent d’indiquer que le 20 janvier 2014 l’honorable Pierre Journet, j.c.s., a rendu une décision dans le dossier en Cour supérieure rejetant deux (2) demandes distinctes de disjoindre le recours principal des Bénéficiaires du recours en garantie de l’Entrepreneur tout en réservant les droits des parties de présenter de nouveau cette demande dans l’éventualité où le recours en garantie de l’Entrepreneur venait retarder indûment la progression du recours principal des Bénéficiaires. À ce jour, il appert que cette demande n’a pas été présentée de nouveau devant un juge de la Cour supérieure malgré que le juge Michel Caron, j.c.s., assume la gestion particulière de ce dossier. Toutefois, les Bénéficiaires indiquent leur intention de le faire.

III

PLAIDOIRIES

Entrepreneur

[27]      Me Hillier demande au Tribunal de suspendre son dossier au motif qu’il y a litispendance et, subsidiairement, pour des considérations de proportionnalité.

[28]      Au soutien de sa demande de suspension, il cite l’article 2848 al. 1 du Code civil du Québec, et la décision Rocois Construction[1].

[29]      Il rappelle que les critères d’analyse de la litispendance sont les mêmes que ceux de la chose jugée, à savoir l’identité de parties, de cause et d’objet.

[30]       Il soumet que les Bénéficiaires sont tous des demandeurs dans le recours civil et que l’Entrepreneur est l’un des défendeurs dans ledit dossier. Leur statut de demandeur ou de défendeur/demandeur en garantie dans le litige civil importe peu. Le critère de «l’identité de parties» s’analyse non pas à la lumière de la position occupée par les parties dans le litige, mais bien à la lumière de la qualité en laquelle ils agissent dans chacun des dossiers. Il cite la décision Safilo Canada[2] au soutien de sa position.

[31]      Il soumet que la présence d’autres entités dans le second recours n’a aucune importance pour celui qui risque de faire l’objet de jugements contradictoires[3]. En l’espèce, l’Entrepreneur, soutient-il, s’expose au risque d’être condamné deux (2) fois, ou encore d’être l’objet de deux (2) jugements contradictoires si l’arbitrage n’est pas suspendu. L’Entrepreneur invite le Tribunal à constater qu’il y a identité de parties.

[32]      Quant à l’identité de cause, il soutient que ce concept se rattache aux faits en litige et au droit applicable. Ainsi, il indique qu’il y a « identité de cause lorsqu’il y a similitude des faits et similitude du droit qui leur est applicable.» Il prend appui sur les propos de Jean-Claude Royer[4]

[33]      Il ajoute qu’à la similitude des faits et du droit applicable s’ajoute aussi l’identité de la source des réclamations[5].

[34]      Me Hillier rappelle que dans le cadre d’une demande en exception de litispendance, les faits allégués aux actes de procédure doivent être pris pour avérés pour déterminer la cause[6]. Il soumet qu’en l’espèce, il y a identité de cause et précise :

«44.  En l’espèce, l’Arbitrage-fond et le Recours civil reposent sur les mêmes faits, c’est-à-dire l’existence alléguée de Vices de construction affectant les Immeubles et l’exécution subséquente des Travaux par les Syndicats, dont les Bénéficiaires;

 

45.    Les deux instances reposent ainsi sur les mêmes événements allégués, et prennent leur source dans le rapport de Bâti consult et les rapports d’expertise technique CIEBQ, selon lesquels il existerait des Vices de construction affectant les Immeubles;

46.    L’Arbitrage-fond et le Recours civil reposeront également sur la même preuve afin d’établir la présence de Vices de construction, statuer sur la nature et la nécessité des Travaux et établir les montants qu’auraient dû débourser les Bénéficiaires à cette fin, le cas échéant, notamment :

(…)

À cela s’ajoutent les autres interrogatoires et pièces qui, bien qu’ils aient déjà été entrepris et soumis dans le Recours civil, devront être entièrement repris devant l’Arbitre si cette instance devait se poursuivre malgré le présent moyen préliminaire;

 

47.      Dans le cadre de l’Arbitrage-fond, l’Arbitre devra se pencher sur le mérite des réclamations des Bénéficiaires et procéder à leur analyse sur le fond, si bien que les questions qui lui ont été soumises recoupent, pour la première fois, celles qui sont déjà soumises à la Cour supérieure depuis 2011;

 

48.      De plus, la source des réclamations, soit l’existence de Vices de construction et le droit d’être indemnisé pour le coût des travaux et les prétendus dommages en découlant, le cas échéant, est commune aux deux instances;

 

49.      En d’autres mots, une trame factuelle identique et une preuve fortement similaire seront invoquées tant dans l’Arbitrage-fond et dans le Recours civil pour déterminer l’existence ou la non-existence de Vices de construction et le droit des Demandeurs et Bénéficiaires d’être indemnisés pour les le coût des travaux et les dommages en découlant ;

 

50.      Ainsi, bien que l’Arbitrage-fond découle du Plan de Garantie et que le Recours civil découle du droit civil, les procédures intentées devant l’une et l’autre instance ont la même cause, étant toutes deux fondées sur les notions de malfaçon et de vices de construction.[7]»

[35]      En conséquence, l’Entrepreneur invite le Tribunal à constater qu’il y a identité de cause.

[36]      Quant à l’identité d’objet, Me Hillier soutient qu’il s’agit du bénéfice immédiat recherché par la partie en demande. En l’instance, ce que les Bénéficiaires recherchent est une condamnation monétaire pour les travaux effectués et les dommages subis qui découlent des vices de construction allégués. Les réclamations au cœur des deux (2) recours sont à toutes fins pratiques identiques selon lui.

[37]      Se référant au Résumé d’éléments de procédure et de preuve pertinents soumis conjointement par l’Entrepreneur et les Bénéficiaires, il soutient que dans leur demande en Cour supérieure, les Bénéficiaires réclament des sommes d’argent pour compenser les dommages subis, soit :

a.  Inspections et rapports de Bâti Consult;

b.  Suivi auprès des assureurs, experts et entrepreneurs ayant procédé aux réparations (frais de gestion);

c.   Hausse des primes d’assurance;

d.  Embauche d’une compagnie de sécurité (Gardium) pour s’assurer du respect de la consigne de la non-utilisation des foyers;

e.  Frais de CIEBQ pour identifier les vices et les méthodes de correction, notamment par des inspections détaillées, la préparation de rapports d’expertise et la préparation des attestations de conformité;

f.    Embaucher des entrepreneurs qualifiés pour procéder aux travaux;

g.  Embauche d’un surveillant de chantier;

h.   Troubles et inconvénients aux occupants des unités; et

i.    Provision pour les frais de l’expert.

 

[38]      Les réclamations en arbitrage sont identiques, sauf les points c, h et i, qui ne font pas partie de la demande dont le Tribunal est saisi.

[39]      Il soumet au Tribunal l’extrait suivant de la décision Rocois construction[8] , la Cour citant Mignault:

«Dissertant dans son traité Le droit civil canadien, t. 6, 1902, sur les conditions requises pour qu'il y ait chose jugée, Mignault écrit sur l'objet d'une demande le commentaire suivant, à la p. 105:

 

C'est évidemment le bénéfice juridique immédiat qu'on recherche en la formant, soit le droit dont on poursuit l'exécution ...

 

. . . mais il importe de compléter la règle en disant qu'il n'est pas nécessaire que les deux demandes concluent identiquement à la même condamnation, mais qu'il y aura chose jugée dès que l'objet de la seconde action se trouve implicitement compris dans l'objet de la première. »

[40]      Me Hillier plaide que ce n’est pas parce que le plan de garantie est moins généreux quant aux demandes susceptibles d’être indemnisées que les recours prévus au Code civil du Québec qu’il n’y a pas similitude d’objet. Un fait demeure et c’est que ce qui est demandé en arbitrage est moindre et inclus[9] dans les réclamations pendantes devant la Cour supérieure et que cela suffit pour conclure à l’identité d’objet.

[41]      Il ajoute que le Tribunal doit analyser les réclamations des demandeurs en Cour supérieure et en arbitrage au moment où la litispendance est invoquée[10]. Il importe peu que la réclamation des Bénéficiaires auprès de l’Administrateur en novembre 2010 portait sur l’exécution en nature de la garantie. Si, au moment de soulever la litispendance, les réclamations des Bénéficiaires se traduisent en compensation monétaire, cela suffit pour déclarer qu’il y a identité d’objet. Par conséquent, l’Entrepreneur conclut à identité d’objet.

[42]      Compte tenu de ce qui précède, l’Entrepreneur invite le Tribunal à constater la litispendance.

[43]      Par ailleurs, en vertu des pouvoirs de gestion conférés aux arbitres, il est loisible à l’arbitre de suspendre son dossier plutôt que d’ordonner le rejet d’une réclamation[11].

[44]      Me Hillier soumet que les Bénéficiaires ne subiront aucun préjudice de la suspension du recours en arbitrage puisque toutes leurs réclamations seront entendues devant la Cour supérieure. Néanmoins, pour leur éviter la perte de certains recours dans l’éventualité où des questions demeurent sans réponse ou ne sont pas abordées par le la Cour supérieure, l’Entrepreneur ne demande pas le rejet du recours en arbitrage, mais uniquement la suspension du dossier, ne pouvant présumer de l’issu de cet autre recours parallèle.

[45]      Il soumet ainsi respectueusement que c’est le Tribunal d’arbitrage qui doit suspendre son dossier et non la Cour supérieure[12]. Il s’exprime ainsi :

«59. Lorsqu’une réclamation est intentée devant un tribunal de droit civil et qu’il y a présence des trois (3) identités, l’Arbitre devrait s’abstenir de se pencher sur le litige au fond tant que les sommes réclamées le sont également dans l’instance civile. »[13]

[46]      Subsidiairement, l’Entrepreneur soutient que le recours en arbitrage doit être suspendu pour des motifs de proportionnalité, et ce, même si le Tribunal devait conclure  à l’absence de litispendance.

«67. En effet, le principe de proportionnalité et celui de la saine administration de la justice militent en faveur de la suspension de l’Arbitrage-fond pour éviter le dédoublement des ressources judiciaires et quasi judiciaires, de la preuve, des procédures et des coûts et qu’ultimement, il existe deux décisions finales potentiellement contradictoires. »[14]

[47]       Il soutient que la Cour supérieure devra examiner l’ensemble de la preuve pour départager la faute entre l’Entrepreneur et les appelés en garantie de même qu’afin de se prononcer sur la responsabilité des autres défendeurs.

[48]      Il rappelle certaines dispositions du Code de procédure civile relatives à la proportionnalité[15] et à la saine administration de la justice[16] de même que celles conférant à l’arbitre le pouvoir de prendre toute mesure propre à assurer le bon déroulement de l’instance ou de nature à sauvegarder les droits des parties en cause[17].

[49]      Y allant d’une traduction libre du jugement de l’honorable Joël A. Silcoff, j.c.s.[18], Me Hillier plaide ceci :

«Une suspension d’instance peut être décrétée lorsqu’il y a présence de certains facteurs, notamment :

 

·      Lorsqu’il y a un lien indisputable entre les deux (2) instances ;

·      Lorsque l’issue d’une instance dépend, en bonne partie, de l’issue de l’autre ;

·      Lorsque le principe de proportionnalité codifié au Code de procédure civile dicte que l’une des instances devrait être suspendue ;

·       Lorsqu'il y a un risque de jugements contradictoires relativement à certaines questions dont sont saisies deux instances ;

·      Lorsque l'absence de suspension aurait pour effet de multiplier inutilement les procédures et les coûts :[19]»

[50]      Il cite, au même effet, la décision Manioli Investments[20] et soumet au Tribunal que la suspension est nécessaire en l’espèce, notamment pour éviter la possibilité de  jugements contradictoires quant à l’existence de vices de construction, la nécessité des travaux et les sommes à verser aux Bénéficiaires[21], en plus d’éviter la multiplication des coûts et des procédures.

[51]      Il soutient que le risque de jugements contradictoires peut viser l’ensemble des éléments en litige ou seulement certains. De plus, il ajoute qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait une certitude que des jugements contradictoires seront rendus. L’existence d’un risque de jugements contradictoires est suffisant pour justifier la demande de l’Entrepreneur.

[52]      S’appuyant sur la décision Construction Lortie[22], l’Entrepreneur invite le Tribunal à suspendre la procédure arbitrale au profit de la Cour supérieure puisque seule cette dernière a compétence pour trancher l’entièreté du litige, incluant les appels en garantie. De plus, celle-ci sera en mesure de trancher les éléments qui ne sont pas couverts par le plan de garantie vu la portée limitée de celui-ci.

[53]      En l’espèce, il serait plus efficace de suspendre le recours en arbitrage dans l’attente d’une décision au mérite de la Cour supérieure[23].

[54]      A contrario, la suspension du recours civil irait à l’encontre des intérêts d’une saine administration de la justice et serait absurde, notamment eu égard au fait que celui-ci peut disposer de la totalité des demandes alors que le Tribunal d’arbitrage ne le peut pas. À ce titre, Me Hillier s’exprime ainsi :

«79.  À l’inverse, la suspension du Recours civil mènerait à des résultats absurdes, disproportionnés et porterait atteinte aux intérêts de la justice ;

 

80.       En effet, suspendre une instance susceptible de disposer de l’ensemble des questions en litige, impliquant de nombreuses autres parties et pour laquelle les dates d’audience sur le fond sont déjà réservées afin de permettre aux Bénéficiaires de se soumettre à une instance qui n’a même pas débuté (sic) irait totalement à l’encontre des intérêts de la justice et du principe de proportionnalité ;

81.       Ralentir le déroulement du Recours civil afin de privilégier l’Arbitrage-fond, lequel ne concernerait qu’une fraction des Demandeurs et n’aborderait qu’une fraction des questions en litige du Recours civil, porterait également préjudice aux autres Demandeurs qui ne sont pas couverts par le Plan de garantie ;

 

82.       Il serait tout aussi absurde que le Recours civil ne demeure saisi que des sommes qui ne sont pas couvertes par le Plan de garantie, alors qu’il aborderait l’entièreté des sommes réclamées par les autres Demandeurs ;

 

83.       En effet, toute indemnisation accordée par l’Arbitre aux Bénéficiaires, le cas échéant, aurait à être soustraite du montant total accordé ou à être accordé par la Cour supérieure ;

 

84.       Ainsi, la Cour supérieure aurait à se pencher sur le bien fondé, en totalité, des réclamations de certains Demandeurs, mais, dans le cas des Bénéficiaires, uniquement sur une fraction du quantum accordé par l’Arbitre, le cas échéant ;» [24]

[55]      Bien que l’arbitrage soit un mode alternatif de résolution des conflits, en l’espèce, les Bénéficiaires en l’instance cumulent les recours.

[56]      Il soutient que plusieurs des critères énoncés en jurisprudence sont rencontrés ici, soit la proportionnalité, la multiplicité des procédures, la multiplication des coûts, les risques de jugements contradictoires et enfin, le lien indéniable entre les recours intentés de sorte que la suspension doit être ordonnée[25].

[57]      Il prétend qu’il serait mal avisé de refuser de suspendre le recours en arbitrage qui, soutient-il, n’est pas encore entamé alors que le recours en Cour supérieure dure depuis plusieurs années déjà[26]. Qui plus est, le délai écoulé entre la dénonciation des Bénéficiaires le 25 novembre 2010 et la date à laquelle les décisions au mérite ont été rendues par l’Administrateur (30 mars 2017) milite en faveur de la poursuite du recours civil plutôt qu’en arbitrage.

[58]      Un juge de la Cour supérieure est déjà saisi du dossier et a déjà mis en place un processus de mise en état du dossier. Une rencontre entre tous les experts est également déjà prévue pour le mois de septembre 2017.

[59]      Quoi qu’il en soit, Me Hillier indique qu’un volume important de documents a été déposé au dossier de la Cour supérieure et que des interrogatoires hors cour ont déjà eu lieu. Quant à l’arbitrage, il sera nécessaire de convoquer des témoins déjà entendus hors cour dans le cadre de cet autre recours.

[60]      Il soutient l’efficacité accrue de mettre ses argents et énergies à la préparation du procès civil plutôt qu’à la préparation d’une audition en arbitrage en sus du procès civil. En l’espèce, bien que les Bénéficiaires soulèvent la possibilité qu’une partie en Cour supérieure porte la décision en appel, il rappelle que la célérité n’est pas nécessairement l’élément le plus important.

[61]      Citant la Cour suprême dans l’affaire Hryniak c. Mauldin[27] :

33. Une demande complexe peut comporter un dossier volumineux et exiger un investissement important en temps et en argent. Toutefois, la proportionnalité est forcément de nature comparative ; même les procédures lentes et coûteuses peuvent s’avérer proportionnées lorsqu’elles constituent la solution la plus rapide et la plus efficace. La question est de savoir si les frais et les délais additionnels occasionnés par la recherche des faits lors du procès sont essentiels à un processus décisionnel juste et équitable.

(nos soulignements)

[62]      Me Hillier plaide qu’en ce qui concerne la proportionnalité, l’analyse doit prendre en compte les intérêts de toutes les parties dans les deux (2) instances et pas seulement l’intérêt des parties en arbitrage[28].

[63]      S’opposant à la demande de forclusion présentée par les Bénéficiaires voulant que la demande de suspension soit présentée tardivement, l’Entrepreneur souligne que la présente situation existe en raison de la faute des Bénéficiaires qui ont voulu mener de front deux (2) recours. Il admet que cette dualité de recours n’a pas été discutée avec le juge coordonnateur en Cour supérieure et Me Hillier admettra bien candidement qu’il n’a jamais pensé que les Bénéficiaires insisteraient autant sur le maintien de leur recours devant l’arbitre.

[64]      Il soumet au Tribunal que l’Entrepreneur ne pouvait invoquer la litispendance plus tôt puisque les décisions initiales de l’Administrateur rejetaient les demandes des Bénéficiaires en raison des délais écoulés.

[65]      Me Hillier indique au Tribunal que c’est au moment où les demandes d’arbitrage relatives aux décisions au mérite sont faites que l’Entrepreneur est en mesure d’invoquer la litispendance entre les deux (2) recours. Un débat plus tôt portant sur la litispendance aurait été purement hypothétique, l’Administrateur ne s’étant pas prononcé sur le mérite des dossiers.  

[66]      D’ailleurs, la première audition en arbitrage n’a porté que sur la question des délais afin de déterminer la date de fin des travaux et celle de la réception des parties communes. 

[67]      De fait, la juridiction de l’arbitre était alors limitée au débat dont elle était saisie et elle n’aurait par conséquent pas été compétente pour statuer sur une demande de suspension de l’instance pour cause de litispendance et qui aurait nécessité de se pencher sur le fond du différend[29].

[68]      Il allègue que le 20 juillet 2016, faisant suite aux décisions rendues par l’arbitre le 8 du même mois, le procureur des Bénéficiaires a transmis à celui de l’Administrateur une copie des pièces P-1 à P-36 du recours civil démontrant clairement, dès lors, que les réclamations en Cour supérieure et devant l’Administrateur étaient les mêmes. Néanmoins, même à ce stade, il aurait été prématuré de soulever la litispendance puisqu’aucune demande d’arbitrage sur le mérite des dossiers n’était pendante.

[69]      En l’espèce, les demandes d’arbitrage sur le mérite des dossiers ont été faites le 18 mai 2017, soit dans les trente (30) jours suivants la réception des décisions. Il rappelle que, de bonne foi, l’Entrepreneur a informé les parties de son intention de soulever la litispendance advenant une demande d’arbitrage dès février 2017, alors même qu’aucune demande n’était pendante, et avant même que les décisions de l’Administrateur ne soient rendues sur le mérite des dossiers.

[70]      Les Bénéficiaires ont donc tort de soutenir devant le Tribunal que le moyen préliminaire soulevé par l’Entrepreneur est tardif et doit être rejeté pour fins de non-recevoir.

[71]      Quant au dossier Panache, il indique que c’est par décision du Tribunal que l’audition du dossier a été scindée. Il soumet qu’il n’existe aucun motif pour lequel la litispendance aurait dû être soulevée plus tôt puisque dans les faits, ce dossier était suspendu, rendant ainsi la question de la litispendance théorique.

[72]      Il reconnaît toutefois qu’il en aurait été autrement si le Tribunal avait décidé de procéder à l’audition au mérite de ce dossier lors du premier arbitrage.

[73]      Il indique que la décision de scinder l’audition dans le contexte particulier de ce dossier doit être prise en compte dans l’analyse de la séquence des événements  puisqu’elle a eu un impact majeur sur la conduite du dossier.

Condamnation aux dommages

[74]      L’Entrepreneur demande également la condamnation des Bénéficiaires aux frais liés au présent moyen préliminaire puisque ceux-ci ont refusé son offre de présenter cette demande conjointement, celle-ci étant, selon lui, à l’avantage de toutes les parties.

[75]      De plus, il qualifie le comportement des Bénéficiaires qui, selon lui, multiplient les recours visant à être indemnisés pour les mêmes dommages, d’abusif. Est également abusive la contestation du présent moyen préliminaire et l’arbitre peut sanctionner ce comportement.

[76]      En multipliant les procédures et les forums, sans considération aucune pour les coûts et la finalité des demandes respectives, les Bénéficiaires ont eux-mêmes contribué à la lourdeur du processus. Rien ne les empêchait, une fois la prescription interrompue, de suspendre le recours civil. Or, ils ne l’ont pas fait.

[77]      Leurs agissements sont sans égard à la règle de la proportionnalité. Il accuse ces derniers d’avoir fourni à l’Administrateur un volume élevé de documents sans égard à leur pertinence dans le cadre du mandat de l’Administrateur, retardant du même coup le traitement de leurs dossiers. Ils sont donc eux-mêmes à l’origine des délais dont ils se plaignent aujourd’hui.

[78]      Me Hillier soutient que les Bénéficiaires qui, aujourd’hui, demandent la condamnation de l’Entrepreneur aux frais extrajudiciaires au motif que le moyen préliminaire est mal-fondé et tardif, ne se sont pas opposés à la présentation de ce moyen, bien qu’annoncé dès février 2017. Cette conduite, en soi, est dilatoire et abusive. Il s’agit, selon lui, d’un appel déguisé de la décision de l’arbitre qui a permis la présentation du moyen préliminaire.

[79]      Il conclut que ces derniers doivent donc payer à l’Entrepreneur les frais extrajudiciaires encourus pour la présente demande.

[80]      Il soutient par ailleurs que l’arbitre ne peut condamner l’Entrepreneur à payer les honoraires extrajudiciaires des Bénéficiaires, la règle voulant que chaque partie supporte ses frais de représentation[30]. Ce principe est d’ailleurs reconnu par la jurisprudence arbitrale, ne s’agissant pas de sommes pouvant être réclamées en vertu du Règlement[31].

[81]      Quant à l’article 342 du Code de procédure civile allégué au soutien de la position des Bénéficiaires, celui-ci n’est pas applicable en l’instance, l’Entrepreneur n’ayant pas fait preuve de manquements importants constatés dans le déroulement de la procédure. D’abondant, il ajoute que le manquement important doit découler du comportement de la partie et non de sa prise de position dans le litige. Il soutient que les Bénéficiaires n’apportent aucun élément qui permette au Tribunal de statuer ainsi, outre l’argument de tardiveté du moyen préliminaire.

[82]      Par ailleurs, le manquement important dont fait état l’article 342 C.p.c. ne peut s’évaluer au début du dossier[32] et encore moins sur un moyen préliminaire.

[83]      En l’instance, l’Entrepreneur indique avoir offert sa pleine collaboration au processus et avoir respecté toutes les ordonnances rendues lui enjoignant de faire quelque chose, ses agissements ont de tout temps été cohérents avec les principes de proportionnalité et de saine administration de la justice, il a participé activement avec le procureur des Bénéficiaires à la rédaction d’un résumé conjoint des faits et des procédures à soumettre à l’arbitre dans le cadre de l’audition sur le moyen préliminaire.

[84]      Au contraire, jusqu’au jour de l’audition, aucun reproche ne lui avait été fait voulant que la présentation d’un moyen préliminaire soit abusif. Il ajoute :

«59. Il serait incohérent que l’Arbitre, ayant permis à l’Entrepreneur de présenter des moyens préliminaires dans un délai donné qui a été respecté, déclare par la suite que la présentation de ces mêmes moyens préliminaires constitue désormais un « manquement important » à la procédure qui doit être puni ;» [33]

[85]      L’Entrepreneur s’est prévalu d’un moyen procédural à sa disposition, pour des motifs sérieux et bien étayés et aucun abus ne peut résulter de cela[34]. La volonté de faire prévaloir une saine administration de la justice et la proportionnalité des coûts et procédures est incompatible avec une déclaration d’abus que tentent d’obtenir les Bénéficiaires.

[86]      Il réitère donc qu’il ne peut être condamné à payer aux Bénéficiaires des frais extrajudiciaires en vertu de l’article 342 du Code de procédure civile.


 

ADMINISTRATEUR

[87]      L’Administrateur ne prend pas position sur la demande de suspension de l’Entrepreneur. Il estime toutefois devoir être présent afin de s’assurer de la protection de ses droits.

[88]      En l’espèce, la demande des Bénéficiaires relative au remboursement des frais extrajudiciaires peut affecter les droits de l’Administrateur en ce que ce dernier est la caution des obligations de l’Entrepreneur, dans les limites énoncées au Règlement.

[89]      L’Administrateur soutient que l’arbitre n’a pas compétence pour octroyer ce type de dommages en vertu du Règlement et c’est là le seul objet de son intervention.

[90]      Subsidiairement, et sans se prononcer sur le bien-fondé des reproches que formulent les Bénéficiaires à l’endroit de l’Entrepreneur, l’Administrateur soumet que les dommages que le Tribunal pourrait octroyer ne peuvent lui être réclamés dans l’éventualité où le Tribunal se déclare compétent et octroi aux Bénéficiaires une compensation monétaire.

[91]      Me Gosselin soutient que l’article 342 du Code de procédure civile, situé dans la section traitant des frais de justice, ne saurait trouver application en l’instance puisque ce sont les articles 37, 39 et 123 à 125 du Règlement qui règlent ces questions.

[92]      Si le législateur avait voulu conférer à l’arbitre le pouvoir de statuer sur les honoraires extrajudiciaires, il l’aurait fait de la même manière qu’à l’article 124 du Règlement au sujet des frais d’expertise. Ainsi, le principe voulant que chaque partie  assume ses frais prévu à l’article 125 du Règlement demeure applicable en l’instance[35] et l’arbitre ne saurait s’octroyer cette compétence. Sans aller jusqu’à dire que le Code de procédure civile ne s’applique pas au présent arbitrage, il souligne qu’il ne s’agit toutefois pas d’une application automatique. L’arbitre peut s’en inspirer, mais ne peut l’appliquer intégralement.

[93]      D’ailleurs, l’arbitre Edwards a déjà statué que le remboursement des frais d’avocats n’est pas prévu au Règlement et ne peut être octroyé[36]. L’arbitre De Andrade, pour sa part, rappelait que l’arbitre tire sa compétence du Règlement[37].

[94]      L’article 342 du Code de procédure civile  vise à sanctionner la faute civile[38] de celui qui abuse de son droit d’ester en justice et qui, par son comportement, «commet des manquements importants au contrat judiciaire qui le lie à une autre partie»[39].

[95]      Ce que reproche les Bénéficiaires à l’Entrepreneur c’est la tardiveté à présenter son moyen préliminaire et il s’agit, selon lui, clairement d’un cas de «manquement important au contrat judiciaire» visé par l’article 342 C.p.c. et non d’un cas d’abus du droit d’ester en justice prévu aux articles 53 et 54 C.p.c.

[96]      Par ailleurs, il soumet que si les Bénéficiaires réussissent à prouver la faute civile de l’Entrepreneur, le Tribunal d’arbitrage ne peut octroyer de dommages en vertu du Règlement[40], d’où il puise sa compétence, puisque l’article 29 exclut expressément toute réclamation relative à des dommages découlant de la responsabilité civile de l’entrepreneur.

[97]      Selon Me Gosselin :

«17. Ensuite, seuls les manquements d’un Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles spécifiques à l’usage d’un bâtiment sont couverts par le Règlement[41]».  

[98]      Ainsi, l’Administrateur ne peut être tenu à autre chose qu’à cautionner les obligations légales de l’Entrepreneur prévues au Règlement et le pouvoir de l’arbitre de juger en équité ne peut venir au secours des Bénéficiaires.

[99]      Il rappelle que l’équité n’est pas constitutive de droits et l’arbitre ne saurait user de son pouvoir en équité pour créer des droits non prévus au Règlement ou annuler des exclusions claires[42]. En somme, l’équité ne peut servir à faire indirectement ce que le Règlement ne  permet pas de faire directement.

[100]   Subsidiairement, il plaide que si le Tribunal devait se déclarer compétent et condamner l’Entrepreneur à des dommages extrajudiciaires, que cette condamnation ne devrait pas lui être opposable, en équité, puisqu’il ne peut s’agir d’engagements de l’Entrepreneur que l’Administrateur s’est engagé à cautionner.

[101]   Il reconnaît par ailleurs que la jurisprudence arbitrale n’a pas tranché définitivement la question de savoir si l’arbitre peut octroyer des dommages[43]. Bien que certains arbitres en aient octroyés, aucun n’a à ce jour précisé si les dommages octroyés l’étaient en vertu de l’article 116 du Règlement ou des articles du Code de procédure civile. Tous ont semblé prendre ce pouvoir pour acquis.

[102]   Il informe également le Tribunal que l’arbitre Robert Masson s’est déjà déclaré compétent à ce sujet[44]. Toutefois, il s’agit d’une décision isolée, avec au surplus un raisonnement non étayé. Il soumet respectueusement que celle-ci est mal fondée eu égard au texte clair du Règlement et qu’elle ne représente pas l’état du droit en la matière.

[103]   Si le Tribunal décide de suivre le raisonnement des Bénéficiaires et accorde des dommages-intérêts en vertu de l’article 116 du Règlement, il est d’avis qu’il faut alors conclure que l’Administrateur est également caution de cette obligation. Or, tel n’est pas ce que prévoit le Règlement qui se limite aux obligations contractuelles et légales.

[104]   Considérant le manque de décision claire sur le sujet, l’Administrateur demande au Tribunal de trancher cette question. Il souligne notamment l’absence de décisions récentes à ce sujet et particulièrement depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile.

[105]   Enfin, relativement à l’argument de proportionnalité avancé par l’Entrepreneur, l’Administrateur rappelle qu’il ne prend pas position, mais que la question de la durée  prévisible du débat en Cour supérieure et en arbitrage est un élément important à considérer par le Tribunal. Il rappelle au Tribunal, de plus, que les frais d’arbitrage relatifs à la demande de l’Entrepreneur sont partagés en parts égales en vertu de l’article 123 du Règlement.

BÉNÉFICIAIRES

[106]   Les Bénéficiaires demandent au Tribunal le rejet de la demande préliminaire de suspension du recours formulée par l’Entrepreneur pour cause de fin de non-recevoir. Subsidiairement, ils allèguent qu’il n’y a pas litispendance entre les recours et que les principes de saine administration de la justice justifient la poursuite de l’arbitrage. Enfin, les Bénéficiaires demandent le remboursement des honoraires et débours extrajudiciaires en raison du comportement de l’Entrepreneur.

[107]   Ils indiquent que le présent débat soulève les questions suivantes :

«(…)

i)             Est-ce que la demande de litispendance de l’Entrepreneur est irrecevable pour « fin de non-recevoir »?

 

ii) Est-ce qu’il y a litispendance entre le recours en arbitrage et le dossier devant la Cour supérieure?

 

iii) Est-ce que les Bénéficiaires peuvent réclamer le remboursement de leurs honoraires extrajudiciaires encourus? [45]»

Est-ce que la demande de litispendance de l’Entrepreneur est irrecevable pour « fin de non-recevoir »?

[108]   En réponse à la première question, il répond par l’affirmative et plus précisément, Me L’Abbé indique:

«73.     L’Entrepreneur et ses avocats ont attendu plus de quatre ans avant de présenter une demande de litispendance.

 

74.       Ce n’est peut-être pas de la supercherie, de la mauvaise foi ou une stratégie de guerre d’attrition de la part de l’Entrepreneur et de ses avocats, mais ils ont laissé croire, depuis le début de ce litige, par leurs faits, gestes, ou réticences à l’Administrateur, aux Bénéficiaires et finalement au présent tribunal que ce dossier n’était sujet à aucun autre moyen préliminaire que l’irrecevabilité des réclamations des Bénéficiaires à cause des délais écoulés depuis la construction desdits immeubles. À titre d’exemples :

(…)

75.       Mais aujourd’hui, l’Entrepreneur et ses avocats vous plaident un nouvel argument portant sur la recevabilité des réclamations des Bénéficiaires : la litispendance!

 

76.       Pour ce faire, l’Entrepreneur demande à ce tribunal de fermer les yeux sur les quatre dernières années, pour ensuite réécrire le passé et ainsi effacer de l’histoire sa témérité et son insouciance.

 

77.       C’est pourquoi les Bénéficiaires demandent à ce tribunal d’utiliser la théorie de la fin de non-recevoir pour déclarer irrecevable ce stratagème utilisé par l’Entrepreneur.[46] »

            (Emphase dans le texte d’origine)

[109]   Les Bénéficiaires soutiennent que l’Entrepreneur ne devrait même pas être autorisé à faire valoir la litispendance puisque par ses agissements, il y a implicitement renoncé.

[110]   Citant une abondante jurisprudence, Me L’Abbé invite le Tribunal à rejeter le moyen soulevé par l’Entrepreneur sans même analyser le bien-fondé de la demande.

[111]   Me L’Abbé soutient à ce titre que :

«78. Selon la jurisprudence, une fin de non-recevoir permet de neutraliser un droit que pourrait normalement faire valoir un justiciable.

(…)

79. Selon la Cour d’appel dans Richter & Associés inc. c. Merrill Lynch Canada inc. (2007 QCCA 124), elle [la fin de non-recevoir] prend appui sur «avant tout sur l’obligation de bonne foi qui doit caractériser la conduite de toute personne dans l’exercice de ses droits»» [47].

[112]   Il ajoute que la fin de non-recevoir découle des faits et gestes de la personne, même en l’absence de faute, et que ce sont ces mêmes faits et gestes qui constituent la fin de non-recevoir[48]. Il souligne, d’ailleurs, que la tolérance d’une situation juridique pendant un certain temps constitue une fin de non-recevoir[49] et qu’il en va de même du  «comportement d’une partie qui change de position après une période de temps[50]».

[113]   Me L’Abbé ajoute que l’analyse des «faits et gestes reprochés» doit se faire sous l’angle de la bonne foi et de l’équité[51].

[114]   En l’espèce, il indique que la fin de non-recevoir en raison du comportement d’une partie peut lui être opposée même dans le cadre d’une demande de litispendance[52].

[115]   Il rappelle le large pouvoir de l’arbitre en vertu de l’équité et notamment que ce pouvoir est expressément prévu à l’article 116 du Règlement de même qu’au Code d’arbitrage[53]. Ainsi, l’arbitre peut juger du comportement d’une partie à la lumière des principes d’équité. L’arbitre jouit ainsi d’une large discrétion quand il s’agit d’éviter un déni de justice[54]. Il rappelle que l’arbitre Fournier a d’ailleurs déjà statué que l’équité peut permettre de sanctionner le comportement négligent de l’Entrepreneur qui fait défaut d’invoquer ses droits[55].

[116]   Par ailleurs, en vertu du concept d’équité, la théorie des laches (théorie de l’acquiescement) remplace la fin de non-recevoir lorsqu’il s’agit de l’obligation d’agir dans un délai raisonnable[56]. À ce titre, les Bénéficiaires ajoutent que la théorie de l’acquiescement, à l’instar de la fin de non-recevoir, doit être considérée lorsqu’une partie crée «un faux sentiment de sécurité à la partie adverse de par ses faits et gestes[57]». Il suffit de démontrer l’existence d’un délai déraisonnable ainsi que les conséquences injustes de ce délai pour l’autre partie pour que cette théorie trouve application[58].

[117]   En l’espèce, l’Entrepreneur a eu de multiples occasions de soulever ce moyen, que ce soit lors de chacune des demandes d’arbitrage, lors des conférences préparatoires ou lors du premier débat sur la recevabilité des demandes des Bénéficiaires. Or, il ne l’a pas fait et il est bien mal venu de le faire aujourd’hui, plus de quatre (4) après qu’il est devenu clair qu’il est poursuivi devant deux (2) instances distinctes, soit depuis le 27 décembre 2012.

[118]   Rappelant que la première audience n’a porté que sur la recevabilité des demandes, conformément à l’entente intervenue, les Bénéficiaires soulignent qu’ils «n’auraient jamais procédé à une audience de cinq jours portant exclusivement sur la recevabilité des réclamations, eu égard aux délais prévus au Règlement, s’ils n’avaient pas évacué toute autre question de  recevabilité, notamment évidemment, celle de l’exception de litispendance.[59]»

[119]   En soulevant aujourd’hui l’exception de litispendance, les Bénéficiaires soutiennent que l’Entrepreneur les prend par surprise, les ayant laissés croire depuis plus de quatre (4) ans que la coexistence des recours complémentaires était possible vu les parties différentes et les débats distincts dont les deux (2) instances sont saisies, sans compter les frais encourus. Par son comportement, l’Entrepreneur a laissé entendre qu’il n’y avait aucun empêchement juridique à la coexistence des recours et que cette coexistence n’entraînait pas injustement une double indemnisation.

[120]   L’écoulement du temps depuis le début des procédures, tant en Cour supérieure que devant l’arbitre, de même que le temps et les sommes importantes investies par les parties militent dans le sens de la non recevabilité de ce moyen déclinatoire.

[121]   La primauté du droit dépend étroitement de la rapidité à laquelle un justiciable peut avoir accès au système de justice de même que les coûts à engendrer pour obtenir justice[60]. Ainsi, Me L’Abbé soutient que les parties doivent «favoriser la solution la plus rapide et la plus efficace, même lorsqu’une demande peut paraître laborieuse et complexe[61]

[122]   Il rappelle que l’objectif du législateur en matière d’accès à la justice est on ne peut plus clair et il cite le préambule du Code de procédure civile :

«Le Code vise à permettre, dans l’intérêt public, la prévention et le règlement des différends et des litiges, par des procédés adéquats, efficients, empreints d’esprit de justice et favorisant la participation des personnes. Il vise également à assurer l’accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et l’exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d’équilibre, ainsi que le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice.»

(Emphase dans le texte)

[123]   Pareillement, il rappelle le contenu des articles 19 et 20 dudit Code, insistant sur le nécessaire devoir d’information mutuelle que se doivent les parties en vue d’assurer un débat loyal. La Cour d’appel[62] s’est récemment positionnée sur la portée à donner au préambule du Code de procédure civile de même qu’aux exigences d’efficacité et d’accessibilité à la justice que sous-tende la justice civile.

[124]   À ce titre, il allègue que la Cour a déjà décidé que la suspension de l’instance ne peut être accordée en tout temps lorsque l’accès du justiciable au système de justice est mis à mal[63]. De même, certaines demandes judiciaires présentées tardivement peuvent être rejetées afin de préserver l’équilibre entre les parties[64].

[125]   Me L’Abbé rappelle que l’Entrepreneur a perdu des moyens de défense qu’il ne peut plus invoquer suite à la décision de l’arbitre traitant de la recevabilité des demandes et de la date de réception des parties communes et de fin des travaux. C’est à tort que ce dernier a pris pour acquis que la garantie était échue et qu’il a appliqué les critères du droit civil relatifs à la réception. L’Entrepreneur a été pris de court par la décision de l’arbitre et c’est sa négligence à considérer les critères prévus au Règlement qui sont la cause de son retard à soulever la litispendance.

[126]   Par ailleurs, en ce qui concerne l’application du Règlement, il rappelle que la Cour d’appel s’est prononcée à deux (2) reprises sur les exigences de rapidité et de célérité qui y sont prévues de même qu’en ce qui concerne les objectifs visés lors de son adoption[65]. La Cour reprend, en quelque sorte, les propos du juge Dufresne dans l’affaire Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire[66].

[127]   La réclamation des Bénéficiaires en arbitrage consiste à demander l’application de la garantie, par le moyen d’une procédure simple et expéditive, avec l’Administrateur du plan de garantie à titre de caution des obligations de l’Entrepreneur.

[128]   Me L’Abbé fait valoir que les Bénéficiaires n’ont rien à voir avec le dossier opposant l’Entrepreneur à ses sous-traitants et qu’ils n’ont pas à subir ce recours récursoire ni à voir leur recours en arbitrage retardé en raison des appels en garantie de ce dernier[67]. Conscients qu’il est dans l’intérêt financier de l’Entrepreneur d’être payé d’abord par ses sous-traitants avant de leur payer les sommes dues, les Bénéficiaires soutiennent que tel n’est pas l’essence du Règlement.

[129]   D’ailleurs, l’Entrepreneur reconnaît devoir payer aux Bénéficiaires la somme d’un million cinq cent mille dollars (1 500 000 $) pour l’exécution de certains travaux, mais il refuse de verser la somme sans avoir d’abord collecté les fonds de ceux qu’il prétend être les véritables responsables.

[130]   Les Bénéficiaires soulignent qu’ils sont douze (12) à s’être prévalus du processus d’arbitrage alors qu’il y a vingt-trois (23) demandeurs en Cour supérieure. Parmi ces vingt-trois (23) demandeurs se trouvent les présents Bénéficiaires ainsi que d’autres demandeurs qui ne bénéficient pas de la protection du plan de garantie. En ce qui concerne les Bénéficiaires en l’instance, seuls l’Entrepreneur et la Ville de Mont-Tremblant sont nécessaires à la résolution du différend en Cour supérieure.

[131]   Les Bénéficiaires reconnaissent qu’ils réclament, entre autres, en arbitrage et en Cour supérieure le remboursement des frais encourus pour faire effectuer les travaux, mais justifient leurs demandes actuelles par le fait que la situation a été créée de toute pièce par l’Entrepreneur qui a de tout temps refusé d’intervenir au dossier.

[132]   Les Bénéficiaires ajoutent qu’ils n’avaient pas le choix de formuler ces demandes en Cour supérieure en janvier 2011 en raison des délais de prescription en matière municipale ainsi que les délais encourus par l’Administrateur pour procéder aux inspections et rendre ses décisions. Cependant, le recours intenté le 5 janvier 2011 ne visait que la Ville de Mont-Tremblant et ce n’est que deux (2) ans plus tard, soit le 30 mars 2012 que l’Entrepreneur a été ajouté à titre de partie dans ce même recours.

[133]   De plus, bien que la dénonciation des Bénéficiaires ait été transmise à l’Administrateur le 25 novembre 2010, ce dernier n’avait toujours pas transmis à l’Entrepreneur l’avis de quinze (15) jours prévu à l’article 34 (3) du Règlement lorsque le recours en Cour supérieure fût entrepris contre la ville de Mont-Tremblant en janvier 2011. Ce n’est que le 9 mai 2011 que l’avis de quinze (15) jours a été transmis à l’Entrepreneur par l’Administrateur.

[134]   Les inspections de l’Administrateur, quant à elles, n’ont eu lieu que bien plus tard, soit à l’été 2011. L’Administrateur a par ailleurs participé aux investigations additionnelles des experts mandatés par les Bénéficiaires et a été tenu informé de toutes les étapes des travaux et notamment à l’aide d’échéanciers détaillés.

[135]   Me L’Abbé souligne qu’au moment des événements, l’Administrateur ne s’est jamais opposé aux travaux correctifs faits par les Bénéficiaires. Il cite un extrait d’une correspondance du procureur de l’Administrateur:

«Il appert par ailleurs, que certains travaux pourraient être exécutés par vos clients prochainement. Nous vous prions de nous aviser de tous les travaux qui pourraient être exécutés par l’un ou l’autre de vos clients afin que notre cliente puisse prendre les mesures appropriées afin de préserver ses droits.»

[136]   Quant à l’Entrepreneur, il ne s’est pas non plus opposé auxdits travaux correctifs bien qu’il ait de tout temps été informé des échéanciers. À ce titre, l’Entrepreneur indiquait le 27 mai 2011 qu’il n’avait aucune intention d’entreprendre les travaux correctifs, soutenant que la dénonciation des Bénéficiaires n’était pas suffisamment précise pour qu’il intervienne. Son propre expert, Monsieur Zorko, a même participé à l’élaboration de mesures différentes à soumettre à la Régie du bâtiment du Québec.

[137]   Malgré la dénonciation faite le 25 novembre 2010, ce n’est que deux (2) ans plus tard que les premières décisions de l’Administrateur sont rendues, soit le 3 décembre 2012. Ces décisions sont à l’effet que les réclamations sont toutes hors délai, sauf quant au SDC Panache auquel cas l’Administrateur a jugé qu’il ne s’agit pas de vices majeurs. Le recours en arbitrage a été entrepris dès le 27 décembre 2012 quant à lui, soit plus de neuf (9) mois après la signification à l’Entrepreneur de la demande en Cour supérieure.

[138]   Par souci d’efficacité, les parties ont choisi de réunir les douze (12) dossiers pour audition commune devant l’arbitre. La dernière décision ayant été rendue le 19 août 2013, celle-ci a été portée en arbitrage le 19 septembre suivant, soit dix-huit (18) mois après que l’Entrepreneur ait été partie à la procédure en Cour supérieure et près de neuf (9) mois suivants la première demande d’arbitrage.

[139]   Quoi qu’il en soit, Me L’Abbé rappelle la séquence d’événements suivante :

«47.     Lors de la conférence préparatoire du 16 décembre 2013, sachant que l’audience serait de longue durée, les Bénéficiaires souhaitaient procéder sur l’irrecevabilité et sur le mérite en même temps, ce que l’Entrepreneur et l’Administrateur ont refusé.

(…)

48.       De plus, l’Entrepreneur était d’accord, dans l’éventualité où les réclamations des Bénéficiaires étaient recevables, de connaître les décisions de l’Administrateur pour ensuite débattre le mérite des réclamations avec ses propres expertises.

(…)

49.       À la lumière de ce contrat judiciaire, les procureurs des parties, le 28 avril 2014 - vingt-cinq mois après la signification de la demande en Cour supérieure - ont convenu de procéder à l’enquête et audition sur l’irrecevabilité des réclamations les 10, 11, 12, 15, 16, 17, 18 et 19 septembre 2014, soit d’une durée de huit jours.

(…)

50.       En date du 26 août 2014, (…) l’audience de l’arbitrage a été remise. L’Administrateur n’avait pas rendu disponible un de ses représentants, malgré les demandes des procureurs des Bénéficiaires et les parties ont retenu de nouvelles dates pour l’enquête et audition, soit du 10 au 14 novembre 2014.

(…)

51.       Il importe de souligner que les procureurs des parties avaient été dûment avisés que le recours à l’arbitrage devait offrir aux Bénéficiaires un accès économique et rapide à la justice, ce que personne n’a contesté.

(…)

52.       Les parties ont ainsi procédé sur l’irrecevabilité des réclamations du 10 au 14 novembre 2014, trente-deux mois après la signification de la demande en Cour supérieure, et cette affaire  a été prise en délibéré.

 

53.       Nous tenons à souligner que le dossier devant la Cour supérieure contre le Groupe Intrawest avait été abordé lors de l’audience.

(…)

55.       Le 8 juillet 2016, quarante-deux mois après la signification de la demande en Cour supérieure, l’Arbitre rendait ses décisions déclarant les réclamations des Bénéficiaires recevables en vertu du Règlement.

(…)

56.       Conformément au modus operandi établi avec les procureurs des parties le 16 décembre 2013 (B-25), l’Arbitre a renvoyé onze des douze décisions pour que l’Administrateur se prononce au mérite sur les dossiers, tout en retentant sa compétence. Quant au dossier Panache (5&6), l’Arbitre est restée saisie du fond du litige.

(…)

57.       Une fois les dossiers renvoyés à l’Administrateur, celui-ci se devait rendre ses décisions dans le délai prescrit par le Règlement, ce qui, encore une fois, n’avait pas été respecté.

(…)

58.       Or, en date du 22 novembre 2016, cinquante-six mois après la signification de la demande en Cour supérieure, les Bénéficiaires ont été obligés de mettre en demeure l’Administrateur de rendre ses décisions.

(…)

60.       Le 29 décembre 2016, cinquante-sept mois après la signification de la demande en Cour supérieure, voyant peu d’avancement dans le processus décisionnel de l’Administrateur, les Bénéficiaires ont décidé de solliciter une conférence de gestion présidée par l’Arbitre.

(…)

61.       Lors de la conférence de gestion, qui a eu lieu le 26 janvier 2017, cinquante-huit mois après la signification de la demande en Cour supérieure,  il a été question d’imposer un délai péremptoire à l’Administrateur pour rendre ses décisions.

(…)

62.       L’Entrepreneur, ne souhaitant pas voir son droit contraint de produire des expertises par un délai péremptoire, s’est replié sur l’entente sur le déroulement de l’instance établi lors de la conférence de gestion du 16 décembre 2013 (B-25) :

 

Ø    PièceB-34 : Lettre de Me Ryan Hillier datée du 31 janvier 2017, page 2 :

 

(…)

L'intention de SMT de pratiquer des expertises a toujours été claire

(…)

 

63.       Conformément à l’entente sur le déroulement de l’arbitrage intervenu le 16 décembre 2013, l’Arbitre a autorisé l’Entrepreneur de transmettre, au plus tard le 28 février 2017, toute documentation jugeait utile, incluant ses expertises, afin de permettre l’Administrateur de rendre ses décisions au plus tard le 31 mars 2017.

(…)

64.       Cependant, à la suite de l’ordonnance de gestion, le 3 février 2017, cinquante-huit mois après la signification de la demande en Cour supérieure, l’Entrepreneur a annoncé aux parties et à l’Arbitre, pour la première fois, qu’il pouvait invoquer la question de litispendance à l’avenir et se réservait le droit de le faire.

(…)

65.       L’Arbitre a donc permis à l’Entrepreneur de présenter tout moyen préliminaire, au 28 février 2017.

(…)

66.       Ce que l’Entrepreneur a fait en présentant l’exception de litispendance le 28 février 2017, cinquante-neuf mois après la signification de la demande en Cour supérieure.

(…)

67.       Il importe de souligner que l’Entrepreneur croyait erronément à l’époque que l’Arbitre n’était saisie d’aucun dossier d’arbitrage, oubliant que Panache (5& 6) était pendant en arbitrage pour décision au mérite.

(…)

            Néanmoins, les parties ont convenu d’attendre les décisions de l’Administrateur avant de débattre de la question de litispendance.

(emphase dans le texte original)

 

[140]   Suite à la réception des décisions de l’Administrateur sur le mérite des dossiers au printemps 2017, tant l’Entrepreneur que les Bénéficiaires en ont appelé de celles-ci.

[141]   Ainsi, ce n’est que quatre (4) ans après avoir été partie à deux (2) recours que l’Entrepreneur soulève la litispendance.

[142]   Les Bénéficiaires sont outrées que l’Entrepreneur prétende aujourd’hui que le moyen de litispendance ne pouvait être soulevé plus tôt, car «c’eût été alors théorique» selon les propos de Me Hillier.

[143]   Il rappelle que le dossier du SDC Panache, qui n’a été scindé que pour des fins de commodité et d’efficacité procédurale, aurait pu être entendu au mérite par l’arbitre bien avant et alors que l’exception de litispendance aurait pu être soulevée. Il rappelle que l’arbitre est saisie de ce dossier depuis le 30 avril 2013.

[144]   Il ajoute qu’il aurait été pertinent de soulever ce moyen d’irrecevabilité plus tôt non seulement dans le dossier du SDC Panache, mais dans tous les dossiers. Il en allait de l’intérêt de toutes les parties de débattre le plus tôt possible toute question relative à l’irrecevabilité des demandes des Bénéficiaires. Il cite en outre la décision Entretien Pascal[68] de la Cour supérieure et la décision de Me Jeffrey Edwards, arbitre, dans l’affaire Minhas[69].

[145]   Il ne saurait être question aujourd’hui de cautionner les agissements de l’Entrepreneur qui refuse d’intervenir et de faire les travaux, forçant ainsi les Bénéficiaires à les faire eux-mêmes et, nécessairement, à modifier leur réclamation initiale pour «exécution des travaux» en une réclamation monétaire, pour ensuite s’arroger du droit d’invoquer la litispendance.

[146]   En soulevant aujourd’hui la litispendance, l’Entrepreneur prive les Bénéficiaires de la voie rapide que leur a fournie le législateur. Il force également la main des Bénéficiaires en tentant de leur faire supporter les délais indus de la Cour supérieure pour qu’il puisse lui-même être d’abord indemnisé de ses sous-traitants avant de débourser quelque somme que ce soit aux Bénéficiaires, et ce, malgré le fait qu’il reconnaisse devoir une partie des sommes réclamées par ces derniers. L’Entrepreneur tente ni plus ni moins de faire indirectement ce qu’il ne peut faire directement en tentant de s’écarter de la voie rapide au nom de la saine administration de la justice.

[147]   Il serait inéquitable d’accepter cette position, laquelle permet à l’Entrepreneur de se faire justice lui-même en prenant les Bénéficiaires en souricière, les privant de leur recours en arbitrage pour une technicalité provoquée de son propre chef. En somme, la demande des Bénéficiaires est maintenant dénaturée par le comportement de l’Entrepreneur.

[148]   Il en résulterait un préjudice pour les Bénéficiaires de devoir subir les inconvénients d’un procès civil en Cour supérieure avant même de pouvoir être entendu en arbitrage. Il rappelle que devant l’arbitre les Bénéficiaires n’ont qu’à prouver qu’il y a malfaçon pour que le Règlement s’applique alors qu’en Cour supérieure, ils devront démontrer l’existence de vices cachés.

[149]   À la lumière des événements relatés plus haut, Me L’Abbé soutient que c’est à juste titre que les Bénéficiaires demandent au Tribunal de déclarer une fin de non-recevoir, en droit ou en équité.

[150]   Il soutient avec force et conviction que «l’Entrepreneur doit répondre de ses faits, gestes, ou inactions, lesquels s’inscrivent dans une démarche réfléchie, et accepter la position adoptée par celui-ci suivant l’écoulement du temps[70].» Il cite :

« Conclure autrement permettrait à l’appelante de bénéficier d’une conduite empreinte de réticences, voire de mauvaise foi; en d’autres mots profiter de sa propre turpitude »[71].

Est-ce qu’il y a litispendance entre le recours en arbitrage et le dossier devant la Cour supérieure?

[151]   En ce qui concerne la litispendance, les Bénéficiaires, à l’instar de l’Entrepreneur, reconnaissent qu’il doit y avoir triple identité pour conclure à litispendance. Ils reconnaissent aussi que les critères d’analyse eu égard à la litispendance sont les mêmes que ceux relatifs à la chose jugée[72].

[152]   Cependant, le cadre d’analyse de la chose jugée se distingue de celui de la litispendance. Ils rappellent les enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Rocois Construction[73] :

(…) Bien que les critères applicables à la chose jugée régissent également la litispendance, il convient de garder à l'esprit que le fondement de l'analyse est essentiellement différent en cette dernière matière.  Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a chose jugée, le tribunal saisi a à sa disposition un jugement dont il peut évaluer les termes et la portée, ce qui lui permet de cerner de manière précise l'autorité relative de chose jugée qui devrait lui être reconnue.  En matière de litispendance, les seuls guides dont dispose le tribunal sont les actes de procédure soumis dans les deux instances.  Il en résulte que la détermination de la cause repose sur des allégations que l'on doit tenir pour avérées aux fins de l'analyse.  La qualification juridique donnée aux faits à ce stade préliminaire relève en conséquence du domaine de l'hypothèse et pour cette raison, il s'agit d'un exercice délicat commandant une grande prudenceCar le rejet erroné d'une action pour cause de litispendance entraîne la négation définitive des droits d'un justiciable, sans examen de l'affaire au mérite.  Les graves conséquences qui en découlent exigent de conclure en cas de doute au rejet de ce moyen préliminaire, laissant au défendeur la possibilité de soulever le moyen relatif à la chose jugée par la suite.  En l'espèce, je n'ai aucun doute sur la présence des trois identités.

(nos soulignements)

[153]   En l’espèce, les Bénéficiaires ne contestent pas qu’il y ait identité de parties[74].

[154]   En ce qui concerne l’identité d’objet, ils reconnaissent que l’objet du recours est le bénéfice immédiat qui en est recherché. Ils sont également d’accord pour dire qu’en présence de réclamations monétaires, l’identité des sommes n’a pas à être parfaite[75].

[155]   Toutefois, la réclamation des Bénéficiaires en arbitrage n’est pas l’obtention d’une condamnation monétaire. Elle consiste à demander l’application de la garantie et cette garantie ne peut s’appliquer que dans la mesure prévue au Règlement[76].

[156]   La Cour d’appel[77] s’exprimait récemment ainsi sur le sujet :

[12] Cet article de la section « Arbitrage » doit être lu avec celui de la section « Contenu de la garantie », sous-section IV « Mécanisme de mise en œuvre de la garantie » :

 

19. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que […].

 

[13] Faute de se pourvoir par arbitrage (art. 106) contre une décision défavorable de l’administrateur, celle-ci demeure et la garantie ne s’applique pas (art. 19).

[157]   Me L’Abbé rappelle qu’en vertu du plan de garantie, l’Administrateur assume les obligations légales et contractuelles de l’Entrepreneur[78], protection qui n’existe pas sous l’égide du Code civil du Québec.

[158]   De plus, l’Administrateur n’est pas partie au dossier en Cour supérieure de sorte qu’une condamnation de l’Entrepreneur par la dite Cour ne sera pas exécutoire contre l’Administrateur, contrairement à la situation qui prévaut en vertu du Règlement.

[159]   Le Règlement permet aux Bénéficiaires de faire corriger rapidement les défauts de construction par l’Entrepreneur, ou par l’Administrateur à défaut par l’Entrepreneur de le faire en temps utile. Ce principe a été repris et explicité par la Cour d’appel en 2013[79].

[160]   A contrario, la Cour supérieure ne peut qu’ordonner aux défendeurs de rembourser les frais encourus par les demandeurs pour faire exécuter les travaux par un tiers, mais ne peut ordonner à l’Entrepreneur d’exécuter les travaux.

[161]   Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’il appartienne exclusivement à l’arbitre de statuer sur le bien-fondé d’une décision rendue par l’Administrateur du plan de garantie[80] de sorte qu’aucun tribunal civil, incluant la Cour supérieure, ne peut confirmer  ou infirmer une décision de l’Administrateur :

 [25] Je récapitule, s’il y a litispendance, ce qui n’est pas admis ni même inféré, les Tribunaux de droit commun n’ont ni compétence ni juridiction pour décider (trancher) d’un poste de réclamation si le litige a source dans une Décision de l’Administrateur rendue selon les conditions figurant à un contrat de garantie qui aura été adopté conformément au Règlement (et approuvé par la Régie du bâtiment du Québec); un constat qui serait en toute probabilité (tôt ou tard) repris par le(la) décideur(e) appelé(e) à présider sur le mérite d’un dossier de Cours (devant un Tribunal étatique) puisque, nous le savons, l’absence de compétence et d’attribution peut être soulevé en tout état de cause et peut même être déclaré d’office par le Tribunal;

(…)

[29] Confirmant ainsi que même les tribunaux fédéraux, telle la Cour Supérieure, peuvent perdre compétence si le tribunal de création provinciale bénéficie d’une compétence exclusive et que si cette compétence exclusive accordée à ce tribunal (dans l’instance, tribunal d’arbitrage) ne s’est pas vue attribué une compétence qui relève des pouvoirs constitutionnels réservés à la compétence des Cours Supérieures en vertu des articles 96 et suivants de la Loi constitutionnelle de 1867, ce tribunal d’arbitrage à l’exclusion de toute autre instance à compétence exclusive. [81]

[162]   Conséquemment, la Cour supérieure n’aura ni le pouvoir, ni l’autorité pour décider de la conformité d’une décision de l’Administrateur au plan de garantie et elle ne pourra, a fortiori, y substituer la sienne[82].

[163]   L’arbitrage n’a pas à être suspendu dans l’attente d’un jugement au mérite de la Cour supérieure puisque celui-ci ne résoudra pas le recours en arbitrage des Bénéficiaires[83]. En somme, la décision de l’arbitre ne dépend pas de celle de la Cour supérieure, et inversement.

[164]   Me L’Abbé indique que n’eût été du fait que les réparations étaient urgentes, d’où l’exécution par les Bénéficiaires, ces derniers attendraient encore aujourd’hui, plus de sept (7) ans après la dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur. Il réitère les délais écoulés depuis la découverte des vices affectant les immeubles des Bénéficiaires, et notamment ceux liés aux inspections et décisions de l’Administrateur, ceux liés aux contestations futiles de l’Entrepreneur, en plus des délais d’arbitrage. Ainsi, il qualifie de «sophisme pur» la réduction de la réclamation des Bénéficiaires en arbitrage à une réclamation monétaire qui recoupe celle en Cour supérieure. La réclamation des Bénéficiaires est l’application d’une garantie dont ils doivent pouvoir jouir. Le droit commun ne le leur permet pas[84].

[165]   En conséquence, les Bénéficiaires invitent le Tribunal à conclure qu’il n’y a pas identité d’objet entre les deux (2) recours.

[166]   Quant à l’identité de cause, la position des Bénéficiaires diverge à tous égards de celle de l’Entrepreneur.

[167]   Bien qu’il puisse y avoir identité de cause lorsque les fondements juridiques et les faits sont les mêmes dans les deux (2) recours, ou encore lorsque la qualification juridique des faits est la même en vertu des lois invoquées dans l’un et l’autre recours, il en va autrement lorsque l’un des recours accorde à une partie plus de présomptions légales favorables, ou encore prévoit un déroulement de l’instance simplifié et écarte le risque de jugements contradictoires[85].

[168]   Dans l’affaire Lavigne[86], la Cour d’appel a reconnu que le fondement juridique du recours basé sur la garantie de qualité du vendeur est distinct de celui basé sur la garantie de qualité offerte par l’entrepreneur.

[169]   En l’espèce, les Bénéficiaires soutiennent que le recours devant la Cour supérieure est basé sur la garantie de qualité du vendeur en vertu du Code civil du Québec[87] alors que le recours en arbitrage prend appui sur le plan de garantie prévu au Règlement[88]. Le fondement juridique est donc distinct.

[170]   De plus, la procédure en arbitrage est simplifiée et le fardeau de preuve qui incombe aux Bénéficiaires leur est plus favorable. D’abondant, la décision d’arbitrage est finale et sans appel alors que la décision de la Cour supérieure pourrait être portée en appel. Advenant un recours en révision judiciaire, le délai pour être entendu sera plus rapide que celui en Cour d’appel. Le débat en arbitrage procédera également nécessairement plus rapidement, vu le nombre plus restreint de parties impliquées.

[171]   Me L’Abbé soutient que les Bénéficiaires devront démontrer, en Cour supérieure, les éléments suivants (art. 1726 C.c.Q.):

i)       Un vice;

ii)      Le caractère occulte du vice;

iii)    La gravité du vice;

iv)     L’existence du vice au moment de la vente; et

v)      Un vice inconnu de l’acheteur.

Alors qu’en vertu du Règlement, tout ce qui doit être démontré est :

i)       L’existence d’une malfaçon; et

ii)      Une malfaçon non visible à l’œil nu du profane.

[172]   Il ajoute qu’en Cour supérieure, les Bénéficiaires seront forcés de prouver les vices cachés puisque le recours prévu à l’article 2120 C.c.Q. qui traite des malfaçons est prescrit depuis longtemps en vertu du Code civil.

[173]   Le fardeau qui incombe aux Bénéficiaires en vertu du Règlement est beaucoup moins lourd qu’en vertu du Code civil ce qui amène, juridiquement, une qualification différente de la cause, sans compter qu’aucune exonération de responsabilité ne peut avoir lieu eu égard à une malfaçon.

[174]   Vu le degré de preuve allégé qui devra être présenté en arbitrage pour démontrer la présence de malfaçons plutôt que de vices cachés, il n’existe pas de risque de jugements contradictoires. Qui plus est, le fardeau de preuve allégé en arbitrage ne peut que résulter en un déroulement accéléré de l’instance en arbitrage.

[175]   Les Bénéficiaires invitent donc le Tribunal à constater qu’il n’y a pas identité de cause.

[176]   Vu l’absence d’identité de cause et d’objet, les Bénéficiaires soumettent qu’il n’y a pas de litispendance entre les deux (2) recours et demandent au tribunal de rejeter la demande de suspension du recours formulée par l’Entrepreneur basée sur la litispendance.

[177]   Les Bénéficiaires n’ont pas à subir les frais d’un processus judiciaire long et ardu dans le cadre d’un recours en vices cachés[89]. La suspension du recours en arbitrage demandé par l’Entrepreneur, si accordée, lui ferait perdre sa raison d’être[90].

[178]   Me L’Abbé soutient que l’Entrepreneur insiste beaucoup sur la suspension du recours pour des raisons de proportionnalité puisque la preuve démontre clairement qu’il n’y a pas de litispendance.

[179]   De plus, l’Entrepreneur soutient que le Tribunal doit tenir compte de l’intérêt de toutes les parties, ce que les Bénéficiaires ne nient pas. Par contre, alors que l’Entrepreneur soumet des décisions qui traitent de l’intérêt de toutes les parties[91], aucune de ces décisions ne traite de parties élargies comme en l’espèce.

[180]   Les Bénéficiaires soutiennent qu’il faut préconiser le chemin le plus court et le plus efficace. En l’espèce, c’est l’arbitrage qui représente ce chemin et rien ne justifie le Tribunal spécialisé de suspendre son dossier au profit du tribunal de droit commun.

[181]   La suspension du recours en arbitrage ne réglera rien. Cependant, accorder la suspension demandée envoie un message clair aux Bénéficiaires à l’effet qu’ils sont privés du recours rapide auquel ils ont droit.

[182]   Me L’Abbé demande au Tribunal, à l’instar de l’arbitre De Andrade[92], de constater et déclarer que le recours en arbitrage existe en parallèle du droit civil, mais qu’il s’agit d’un recours distinct.

Est-ce que les Bénéficiaires peuvent réclamer le remboursement de leurs honoraires extrajudiciaires encourus?

[183]   Compte tenu de l’attitude de l’Entrepreneur, les Bénéficiaires prétendent être en droit de réclamer de ce dernier le remboursement des honoraires professionnels pour avoir soumis aussi tardivement ce moyen déclinatoire.

[184]   Qui plus est, la conduite de l’Entrepreneur qui refuse de reconnaître l’existence de malfaçons, et ce, à l’encontre du rapport de son propre expert milite en faveur de l’octroi du remboursement demandé, un tel comportement étant abusif.

[185]   Cette demande des Bénéficiaires est permise, selon eux, par l’article 342 du Code de procédure civile et le Tribunal d’arbitrage peut y faire droit en vertu du Règlement. L’Entrepreneur, soutiennent-ils, a fait preuve de manquements graves tels que ceux prévus par l’article 342 C.p.c.

[186]   Les Bénéficiaires soumettent que la jurisprudence reconnaît le droit d’une partie, victime du laxisme de l’autre dans la gestion du dossier, de réclamer le remboursement des honoraires professionnels payés à ses procureurs[93]. Ils soumettent que même dans l’éventualité où le Tribunal fait droit à la demande de suspension présentée par l’Entrepreneur, qu’ils ont le droit d’obtenir le remboursement des honoraires payés vu la tardiveté de la demande.

[187]   Le Règlement prévoit les pouvoirs de gestion de l’arbitre et l’arrêt Viel[94] est applicable même devant le Tribunal d’arbitrage.

[188]   Me L’Abbé souligne que l’Entrepreneur a reconnu la compétence de l’arbitre à attribuer des dommages liés aux honoraires d’avocats dans certaines circonstances.

[189]   Il se dit toutefois surpris de la position de l’Administrateur à cet égard. Selon lui,  l’Administrateur a toujours reconnu le pouvoir des arbitres d’octroyer des dommages à une partie en raison des honoraires professionnels encourus dans certaines situations. Il cite à titre d’exemple les propos de l’arbitre Despatis  dans l’affaire Le Syndicat de la copropriété le Nouvel Europa [95]:

 [104] L’administrateur a soutenu qu’en général les frais juridiques ne sont accordés en arbitrage que lorsqu'il y a abus de procédure ou contestation abusive, ce qu’a d’ailleurs reconnu le bénéficiaire. Selon l’administrateur, le droit à pareil remboursement en l’espèce n’aurait pas été démontré. Le Tribunal estime ce point de vue bien fondé. La demande à ce sujet est rejetée.

(nos soulignements)

[190]   De façon générale, la jurisprudence arbitrale est favorable à l’octroi de dommages compensatoires pour les honoraires d’avocats encourus en cas d’abus de procédure de la partie adverse[96] et/ou en équité, lorsqu’il est dans l’intérêt de l’administration de la justice qu’il en soit ainsi[97]. Quoique l’arbitre ne soit pas tenu au même formalisme que ce que prévoit le Code de procédure civile, il peut s’en inspirer dans l’exercice de ses fonctions[98].

[191]   Me L’Abbé conclut ainsi :

«45. Or, si un tribunal peut en vertu du Code de procédure civile sanctionner un comportement contraire à la saine administration de la justice, un Arbitre peut certainement en vertu de ses pouvoirs d’équité s’en inspirer pour les mêmes fins.

 

46. Il en résulte, qu’un Arbitre peut s’inspirer de l’article 342 du Code de procédure civile pour sanctionner les manquements importants commis par une partie dans le déroulement de l’instance d’un arbitrage.

 

47. C’est pourquoi les Bénéficiaires sont bien fondés de demander à ce que l’Arbitre sanctionne le comportement inacceptable de l’Entrepreneur dans le cadre de cette instance et de réclamer la restitution des honoraires et déboursés juridiques encourus dont la juste valeur sera déterminée lors d’un débat ultérieur.»[99]

[192]   Par ailleurs, Me L’Abbé ajoute que contrairement à ce que peut laisser entendre l’Entrepreneur, en aucun temps il n’a été question et ne saura question d’une double indemnisation en faveur des Bénéficiaires. Il va de soi que les demandes des Bénéficiaires sur lesquelles le Tribunal d’arbitrage se sera prononcé et à l’endroit desquelles il y aura chose jugée ne pourront et ne seront demandées en Cour supérieure. Au besoin, les procédures en Cour supérieure pourront être amendées.

[193]    Me L’Abbé conclu sa plaidoirie et réitère que le moyen préliminaire de litispendance invoqué par l’Entrepreneur est tardif et que ce dernier aurait dû l’invoquer dès la première demande d’arbitrage. Il en demande donc le rejet pour cause de tardiveté, de fin de non-revoir et d’absence d’identité d’objet et de cause. Il demande au Tribunal de rejeter la demande de suspension du dossier d’arbitrage pour des motifs de proportionnalité et de saine administration de la justice et enfin, d’octroyer aux Bénéficiaires le remboursement des honoraires et frais extrajudiciaires payés pour se défendre à l’endroit de la demande de suspension tardive de l’Entrepreneur.

IV

ANALYSE ET DÉCISION

[194]   L’Entrepreneur demande au Tribunal de suspendre son dossier, soit au motif qu’il y a litispendance entre ce dossier et celui devant la Cour supérieure ou, alternativement, au nom des principes de proportionnalité et de saine administration de la justice.

[195]   De leur côté, les Bénéficiaires s’objectent à la suspension du dossier devant l’arbitre, soutenant dans un premier temps que la demande est tardive et qu’elle devrait être rejetée sans analyse au mérite pour fin de non-recevoir ou en vertu de la théorie de l’acquiescement. Dans un deuxième temps, ils soutiennent qu’il n’y a pas litispendance entre le dossier devant le Tribunal d’arbitrage et celui devant la Cour supérieure. Enfin, ils soutiennent que les principes de proportionnalité et de saine administration de la justice militent en faveur du rejet de la demande de l’Entrepreneur.

[196]   L’Entrepreneur, comme les Bénéficiaires, réclament l’un de l’autre le remboursement des frais et débours extrajudiciaires.

[197]   L’Administrateur, quant à lui, ne prend pas position sur la demande de suspension de l’Entrepreneur. Il souligne toutefois que la durée  prévisible du débat en Cour supérieure et en arbitrage est un élément important à considérer par le Tribunal. Outre ce commentaire, son intervention se limite aux réclamations de dommages dans le cadre du Règlement.

[198]   De l’avis du Tribunal, l’Administrateur a raison de ne pas intervenir sur la demande de suspension de l’Entrepreneur, ne serait-ce qu’en raison d’une apparence de conflit d’intérêt. L’Administrateur n’étant pas partie au dossier devant la Cour supérieure[100] et cette dernière n’ayant pas juridiction sur celui-ci en vertu du Règlement, force est de constater qu’il est dans son intérêt que les parties règlent leur différend devant la Cour supérieure plutôt que devant l’arbitre.

[199]   Ceci étant dit, et sans insinuer ni même suggérer que telle soit la pensée de l’Administrateur, le Tribunal souligne la sagesse de la décision de ce dernier de ne pas prendre position à cet égard.

[200]   Après avoir pris connaissance de la preuve, avoir entendu les plaidoiries de part et d’autre et avoir analysé les nombreuses décisions soumises au Tribunal (près d’une centaine), ce dernier est d’avis de ne pas suspendre son dossier pour les motifs énoncés ci-dessous.

[201]   Toute d’abord, avant d’aller plus loin, il importe de rappeler le caractère exceptionnel du présent dossier, tel que plus amplement décrit par ce Tribunal dans les décisions rendues le 8 juillet 2016 pour chacun des Bénéficiaires. Conséquemment, l’analyse que je fais des questions soumises doit s’apprécier à la lumière des faits très particuliers en l’instance.

[202]   Ensuite, précisons que lors de la conférence de gestion tenue le 26 janvier 2017 et par la suite, dans le cadre des ordonnances de gestion rendues, en aucun temps il n’a été question de permettre ou refuser à l’Entrepreneur de présenter un moyen préliminaire comme l’a soutenu le procureur de l’Entrepreneur.

[203]   Me Hillier a soutenu que la fin de non-recevoir soulevée par les Bénéficiaires, tout comme la théorie de l’acquiescement, devaient être rejetées, le Tribunal ayant permis la présentation du moyen préliminaire, ayant même ordonné péremptoirement à l’Entrepreneur de dénoncer formellement les moyens préliminaires qu’il entendait faire valoir, au plus tard le 28 février 2017. Me Hillier plaide que l’argument de fin de non-recevoir que soulève maintenant son confrère est un appel déguisé, estimant que l’ordonnance de l’arbitre est passée en force de chose jugée et que la révision judiciaire devait être demandée en temps utile.

[204]   Face à cette prise de position, l’arbitre soussignée a expliqué verbalement aux procureurs lors de l’audience qu’en aucun moment elle n’avait compris que les Bénéficiaires remettaient en cause le droit même de l’Entrepreneur de soulever un moyen préliminaire. N’eût été de ce fait, le Tribunal aurait convoqué les parties pour entendre d’abord cet argument avant d’octroyer un délai pour dénoncer tout moyen préliminaire et avant d’entendre ledit moyen. Il appert d’ailleurs des discussions entre l’arbitre et les procureurs que ni Me L’Abbé, ni Me Gosselin n’ont compris que le Tribunal avait rendu une décision autorisant la présentation du moyen préliminaire par l’Entrepreneur. Le Tribunal a plutôt ordonné que tout moyen soit dénoncé.

[205]   Le procureur des Bénéficiaires a fait valoir lors de la conférence de gestion de janvier 2017 que la demande de suspension (probable) annoncée par l’Entrepreneur était tardive et qu’elle devait être rejetée.

[206]   En somme, dans l’esprit du Tribunal et dans les faits, aucun débat n’a eu lieu sur le droit de l’Entrepreneur de présenter son moyen préliminaire et le Tribunal, en rendant ses ordonnances de gestion, n’a rendu aucune décision permettant ou refusant à l’Entrepreneur le droit de présenter un moyen préliminaire. L’objectif visé était d’obtenir de l’Entrepreneur la dénonciation de tous les moyens préliminaires qu’il entend soulever afin de réserver des dates pour les débats prévisibles, d’en disposer une fois pour toutes et permettre enfin au dossier de progresser. Là était le seul objectif et c’est ainsi que les ordonnances rendues doivent être comprises.

[207]   J’estime nécessaire de faire ce commentaire pour la bonne compréhension du contexte de la présente sentence et, naturellement, je disposerai de l’argument relatif à la tardiveté de la demande avant d’aborder toute autre question.


 

FIN DE NON-RECEVOIR ET THÉORIE DE L’ACQUIESCEMENT

Compétence de l’arbitre

[208]   Avant d’analyser les arguments des Bénéficiaires, il importe d’abord de déterminer si l’arbitre a compétence pour déclarer une fin de non-recevoir et/ou appliquer la théorie de l’acquiescement. Cette question a été soulevée lors de la première journée d’audition, mais a semblé résolue lors de la deuxième journée. Quoi qu’il en soit, les parties s’étant donné la peine de déposer de nombreuse autorités à ce sujet, et soulignant au passage qu’il n’existait aucune décision rendue à cet égard en vertu du Règlement, le Tribunal cite les extraits suivants d’une décision de la Cour d’appel:

[12]      L'argument de l'appelante consiste à dire que la compétence de l'arbitre de griefs se limite à entendre le grief soumis; l'existence d'un grief étant une condition sine qua non à sa compétence, l'arbitre n'aurait donc pas la compétence stricto sensu de décider d'une fin de non-recevoir puisque cette problématique touche à l'existence même du grief.

 

[13]      Quoique ingénieux (sic), le raisonnement proposé par l'appelante me semble tourner en rond. Premièrement, je note des propos du premier juge que les parties ont toutes deux admis la compétence de l'arbitre. Deuxièmement, je me demande comment l'arbitre pourrait avoir la compétence d'entendre le grief mais pas celle d'entendre les moyens de défense, y compris les fins de non-recevoir, invoqués par l'intimée pour en obtenir le rejet[1]. Troisièmement, la proposition de l'appelante aurait pour effet de limiter considérablement la compétence de l'arbitre de griefs; or, ce dernier a certes compétence pour décider du sort du grief advenant que l'une ou l'autre partie invoquent tantôt une fin de non-recevoir, tantôt un désistement, tantôt une transaction, tantôt litispendance ou chose jugée. [101] 

(nos soulignements, référence omise)

[209]   Selon la décision de la Cour d’appel, l’arbitre de grief est compétent pour entendre non seulement le grief, mais également les moyens de défense et les moyens soulevés pour décider du sort du grief. Je ne vois aucune raison pour qu’il en soit autrement quant à l’arbitre siégeant en vertu du Règlement. De plus, bien que la théorie de l’acquiescement ne soit pas mentionnée, celle-ci étant similaire à la fin de non-recevoir, je conclus que le présent Tribunal d’arbitrage est compétent pour déclarer, si opportun, une fin de non-recevoir ou déclarer qu’une partie a acquiescé à une situation et renoncé à faire valoir un droit.

[210]   J’ajoute aussi que la théorie de l’acquiescement étant fondée sur l’équité, il serait  surprenant que l’arbitre ne puisse y avoir recours dans l’exercice de sa juridiction lorsque les circonstances le justifient tel que le prévoit l’article 116 du Règlement.

Fin de non-recevoir

[211]   Par le passé, la Cour d’appel s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question de la fin de non-recevoir. Selon ses enseignements, la fin de non-recevoir consiste à nier à une partie le droit de faire valoir un droit. Elle s’exprime comme suit:

[43]      Ainsi, la fin de non-recevoir, institution autonome en droit civil, implique nécessairement la reconnaissance du droit dont on demande l'exécution. C'est l'exécution du droit - et non le droit - qui est contestée.

(…)

[48]      Pour ma part, je ne vois pas ce qui empêcherait un tribunal de déclarer «qu'il y a une cause qui empêche le défendeur d'être écouté en justice», selon les mots de Pothier,  pour faire valoir que l'action est sans fondement. 

 

[49]      À mon avis, la maxime nemo auditur turpitudinem suam allegans[7] constitue une interdiction générale visant toute personne qui s'appuie sur sa propre turpitude et un des fondements d'une fin de non-recevoir.  Ainsi, la fin de non-recevoir peut dans un cas approprié être invoquée pour empêcher une partie de faire valoir un argument qui autrement constituerait une justification pour son enrichissement. [102]

(nos soulignements)

[212]   Ainsi, la fin de non-recevoir ne saurait être déclarée sans avoir d’abord constaté l’existence d’un droit à faire valoir. Une fois cette détermination faite, le Tribunal doit ensuite décider si la partie qui veut exercer son droit doit être autorisée à le faire.

[213]   La Cour d’appel a déjà décidé qu’une fin de non-recevoir pouvait être prononcée à l’encontre d’un moyen de litispendance :

[26] En l’espèce, la fin de non-recevoir est soulevée à l'encontre de la requête en irrecevabilité pour litispendance de l’appelante, soit un moyen de cette dernière pour faire valoir que l’action des intimées est sans fondement. À mon avis, la fin de non-recevoir est alors assimilable au rejet d’un moyen de défense et il est approprié en l’instance d’y faire droit.  Conclure autrement permettrait à l’appelante de bénéficier d’une conduite empreinte de réticences, voire de mauvaise foi; en d’autres mots profiter de sa propre turpitude.[103]

 

[214]   Par ailleurs, la Cour d’appel nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait faute pour refuser à une partie de faire valoir un droit et déclarer une fin de non-recevoir :

[19]      Le comportement fautif de la partie contre qui la fin de non-recevoir est invoquée est l'un des fondements juridiques de ce moyen de défense, mais ce n'est pas le seul. Les faits et gestes d'une partie, même en l'absence de faute de sa part, peuvent constituer une fin de non-recevoir[3].[104]

            (nos soulignements)

[215]   Plus tard, en 2007, la même Cour s’exprime de nouveau à ce sujet:

[54]      Je suis d'avis que la demande d'une partie ne peut être reçue en justice lorsqu'elle repose avant tout sur sa propre inconduite et sur des fausses représentations faites à ses cocontractants desquels elle recherche compensation pour dommages dont elle est responsable au premier chef.

 

[55]      Dans l'arrêt Banque Nationale c. Soucisse[8], sous la plume du juge Beetz, la Cour suprême énonce que le comportement fautif de la partie peut servir de fondement juridique à une fin de non-recevoir et, par voie de conséquence, au rejet de sa demande.

(…)

[58]      De façon constante, la Cour a appliqué une fin de non-recevoir à la demande d'une partie dont le comportement était fautif et relié directement au préjudice subi.[18]

(…)

[61]      La sanction qui s'attache à la fin de non-recevoir fait ressortir le caractère exceptionnel de la mesure :

 

On peut comprendre que cette sanction dérogatoire qu’est la fin de non-recevoir soit d’application exceptionnelle et qu’elle ne puisse jouer que dans les cas de violation sérieuse des exigences de la bonne foi, comme un comportement particulièrement déloyal. (…)[21]

 

[62]      Il s'agit avant tout d'une question de fait qui doit être analysée sous l'angle de la bonne foi et de l'équité.[105]

(nos soulignements)

[216]   Le refus à une partie d’exercer un droit par ailleurs prévu à la loi constituant une mesure extrême qui ne doit être utilisée qu’exceptionnellement, qu’en est-il en l’espèce ?

[217]   Précisons, d’entrée de jeu, que les Bénéficiaires reconnaissent le droit de l’Entrepreneur, en principe, à soulever la litispendance et demander la suspension du recours d’arbitrage pour ce motif, de même que pour des motifs de proportionnalité et de saine administration de la justice. Je suis d’accord avec cette affirmation.

[218]   De fait, l’article 632 du Code de procédure civile prévoit que l’arbitre est maître du processus, sujet toutefois au respect des principes de la contradiction et de la proportionnalité. La litispendance, expressément prévue à l’article 168 du même code se situe dans le chapitre 5 intitulé «La contestation», du livre 2 traitant de la procédure contentieuse. L’article 168 se lit ainsi :

168. Une partie peut opposer l’irrecevabilité de la demande ou de la défense et conclure à son rejet dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes:

1°  il y a litispendance ou chose jugée;

(…)

L’irrecevabilité d’une demande n’est pas couverte du seul fait qu’elle n’a pas été soulevée avant la première conférence de gestion.

(nos soulignements)

[219]   Cette disposition doit être lue avec les articles 148 et 150 C.p.c. traitant du protocole de l’instance et de la conférence de gestion.

[220]   Bien que l’article 168 C.p.c. prévoit le rejet de la demande ou de la procédure, il est permis à l’arbitre de suspendre le dossier plutôt que d’ordonner le rejet de la demande. C’est ainsi que statue la juge Mainville, j.c.s. :

[89] Il n'est pas dans l'intérêt des parties de multiplier les procédures. À cet égard, le Tribunal est d'avis que les principes des articles 4.1 et 4.2 C.p.c. doivent servir de guide à son intervention : proportionnalité, surveillance par le Tribunal pour un bon déroulement de l'instance visant à ne pas perdre du temps et encourir des coûts pour des débats inutiles.

 

[90] Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le Tribunal est d'avis qu'il y a lieu d'user de la discrétion dont il dispose à l'article 46 C.p.c. et de suspendre les procédures arbitrales jusqu'à ce qu'une décision finale ait été rendue par la Cour supérieure. [106]

[221]   Par conséquent, à la lecture de ces dispositions, le Tribunal est d’avis que l’Entrepreneur a le droit de demander la suspension au motif qu’il y a litispendance et qu’aucun délai précis n’est prévu pour présenter cette demande. Bien qu’il puisse être soulevé en tout état de cause, ce moyen doit être soulevé le plus tôt possible pour des motifs évidents de proportionnalité. Il en va de même pour la demande de suspension au nom des principes de proportionnalité et de saine administration de la justice.

[222]   Ayant déclaré que l’Entrepreneur a le droit de demander la suspension du recours pour les motifs invoqués, cette première étape étant franchie, les Bénéficiaires ont-ils raison de demander au Tribunal de déclarer que l’Entrepreneur est forclos de demander la suspension du dossier d’arbitrage au motif qu’il y aurait litispendance entre ce recours et celui devant la Cour supérieure?

[223]   Les Bénéficiaires allèguent principalement le comportement de l’Entrepreneur pour conclure qu’il a implicitement renoncé à son droit de soulever la litispendance et demander la suspension du recours en acceptant d’être partie à deux (2) recours parallèles pendant quatre (4) ans sans broncher et sans jamais invoquer la possibilité qu’il y ait litispendance.

[224]   Ils allèguent également qu’ils n’auraient jamais accepté qu’une première audience de cinq (5) jours soit tenue uniquement sur la recevabilité des réclamations auprès de l’Administrateur s’ils n’avaient pas été amenés à croire qu’il s’agissait-là du seul moyen d’irrecevabilité en l’instance.

[225]   Le Tribunal constate que les tribunaux civils ont déjà refusé de faire droit à des revendications présentées tardivement pour protéger l’équilibre judiciaire entre les parties. À titre d’exemple, les deux (2) décisions suivantes :

Huard c. Saguenay (Ville de) [107]

 

[16] Cet amendement est refusé par le juge de première instance pour les motifs suivants :

(…)

[19] Un élément essentiel de l’intérêt de la justice est la préservation de l’équilibre des droits des parties.

 

[20] Le juge de première instance a bien exercé la discrétion qui était la sienne en jugeant que l’amendement, s’il était autorisé, viendrait rompre l’équilibre entre les parties. (…)

 

[22] L’appel portant sur le refus de l’amendement doit donc être rejeté.

(nos soulignements)

 

Leclaire c. Agence du revenu du Québec[108]

 

[25] Quatrièmement, le tribunal note que les nouvelles allégations et conclusions proposées le sont à une heure décidément bien tardive, et ce, après que tous les rapports d’expertise ont été déposés.  Rien n’aurait empêché les requérants (demandeurs) de soulever ce qu’ils veulent introduire aux débats ici quand le juge Fournier avait été saisi du dossier il y a quelques années déjà.  En effet, les amendements proposés ne font pas voir une nécessité soudaine d’actualiser une demande pour tenir compte, par exemple, d’une jurisprudence marquante toute récente.  Les griefs nouvellement soulevés ici ont une origine ancienne et les expertises qui ont été fournies n’avaient pas à en traiter, d’où le fait qu’il s’agit là de demandes nouvelles allant, encore une fois, à l’encontre de la règle de la proportionnalité.

(nos soulignements)

[226]   De l’avis du Tribunal, l’Entrepreneur a eu tort de sous-estimer l’intérêt des Bénéficiaires à poursuivre l’instance d’arbitrage de même qu’il a eu tort de ne pas soulever la litispendance dans le cadre du dossier du SDC Panache dès 2013.

[227]   L’analyse des faits et gestes reprochés à l’Entrepreneur doit se faire sous l’angle de la bonne foi et de l’équité[109]. Le Tribunal est d’avis qu’une utilisation non-judicieuse des moyens procéduraux qui fait fi des intérêts en jeu et des conséquences, notamment au plan économique, ne peut être cautionnée.

[228]   Le Tribunal rappelle, pour la gouverne des parties, que ce dossier devait être entendu au mérite et que ce n’est que pour des fins d’efficacité et de proportionnalité que l’audition de ce dossier a été scindée pour ne procéder d’abord que sur les questions préalables, soit la détermination de la date de fin des travaux et celle de la réception des parties communes, ces questions étant en tout point identiques aux questions de fond dans les onze (11) autres dossiers. La scission de l’instance avait fait l’objet d’un vif débat et sauf la scission, rien d’autre n’a été décidé à cette époque. Ce dossier n’a pas été suspendu.

[229]   Une fois rendue la décision sur les questions préalables, le dossier était prêt à être entendu au mérite. Par contre, toujours pour des fins de proportionnalité, les parties ont convenu entre elles que l’Administrateur, bien que de l’avis du Tribunal ce dernier était functus officio, se prononcerait de nouveau sur le fond du dossier SDC Panache à la lumière de la décision rendue, celle-ci modifiant la date établie par l’inspecteur-conciliateur en ce qui concerne la fin des travaux et la réception des parties communes. Il s’agit-là d’une situation pour le moins particulière, mais qui, en raison du contexte particulier et exceptionnel de ce dossier, se justifiait.

[230]   Les Bénéficiaires ont indiqué que l’Entrepreneur avait toléré que les recours cheminent en parallèle depuis quatre (4) ans.  Ce délai correspond au temps écoulé depuis les premières demandes d’arbitrage jusqu’à ce jour. Or, de l’avis du Tribunal, il n’est pas acquis que ce soit cette date qui soit la bonne. Je suis d’avis que les recours dont il doit être tenu compte ici sont 1) les demandes de réclamation faites auprès de l’Administrateur en exécution de la garantie en 2011 et 2) la demande en dommages à la Cour supérieure en 2012. Ceci étant dit, il m’apparaît que les recours cheminent côte-à-côte depuis 2012.

[231]   Permettre aujourd’hui à l’Entrepreneur de soulever la litispendance alors qu’il lui est loisible de le faire depuis au moins 2012 (dans tous les dossiers), et depuis 2013 si l’on considère la date de la première demande d’arbitrage au mérite dans le dossier SDC Panache, viendrait rompre l’équilibre entre les parties.

[232]   Si tel était la position de l’Entrepreneur, elle aurait dû être annoncée beaucoup plus tôt. Les Bénéficiaires avaient autant d’intérêt que l’Entrepreneur à trancher cette question dès que possible afin de limiter les frais engagés dans le présent dossier, en plus de ceux engagés dans le dossier devant la Cour supérieure. L’Administrateur avait également intérêt à faire trancher cette question dès que possible. Il aurait notamment été possible d’exiger des Bénéficiaires qu’ils se désistent de certaines demandent en Cour supérieure avant que l’Administrateur ne rende quelque décision que ce soit.

[233]   En raison du défaut de l’Entrepreneur à soulever ce moyen plus tôt, les Bénéficiaires et l’Administrateur ont déboursé d’importantes sommes et il serait inéquitable à leur endroit de permettre à l’Entrepreneur de pousser une fois de plus les limites de la procédure à son avantage.

[234]   L’Entrepreneur a toléré que deux (2) recours parallèles coexistent pendant au moins quatre (4) ans et il n’a fait la preuve de la survenance d’aucun événement ou changement majeur qui justifierait qu’il change aujourd’hui sa position. Il peut difficilement se plaindre aujourd’hui de cette situation. Cette position est conforme à la jurisprudence[110].

[235]   Le Tribunal n’est pas sans avoir remarqué que l’Entrepreneur agit toujours dans les limites de ce qui est permis sur le plan procédural, mais qu’il étire au maximum les délais qui lui sont octroyés et qu’il utilise tous les moyens procéduraux disponibles.

[236]   En guise d’exemple, le Tribunal rappelle que les procureurs de l’Entrepreneur se sont dit «non-disposés» à recommander la tenue d’expertise dans le cadre de l’arbitrage avant de connaître l’issue de la première audience, alors même que le dossier en Cour supérieure se déroule en parallèle et que manifestement, ce sont les mêmes expertises qui seront utilisées dans un recours comme dans l’autre et qu’au surplus, le dossier SDC Panache a été scindé, mais qu’il était certain qu’une deuxième audition aurait lieu quant aux éléments de fond non traités lors du premier débat.

[237]   L’Entrepreneur a retenu les services d’excellents procureurs, très connaissants des rouages de la procédure, et qui les utilisent à son avantage.

[238]   Cependant, les Bénéficiaires ont également retenu les services d’excellents procureurs, aussi compétents, et qui connaissent également les mêmes rouages de manière à protéger les intérêts de leurs clients.

[239]   Par conséquent, le Tribunal est d’avis d’accueillir la défense des Bénéficiaires et de déclarer, en droit, que l’Entrepreneur est forclos de demander la suspension du dossier d’arbitrage au motif qu’il y a litispendance.

Théorie de l’acquiescement

[240]   La même conclusion s’impose en vertu de la théorie de l’acquiescement. Celle-ci titre son origine de la Common law et permet au Tribunal de rejeter la demande sans considération au mérite, en équité, en raison des délais écoulés et du «faux sentiment de sécurité[111]» créé par la partie adverse qui omet d’exercer ses droits. L’honorable Jacques Léger, j.c.s., explique ainsi la théorie de l’acquiescement :

[59]      Toutefois, une telle tolérance échelonnée sur une longue période, envers un locataire qui occupe les lieux loués depuis plus de dix ans, peut, dans certaines circonstances, avoir pour effet de laisser croire à ce dernier qu'il peut, en toute impunité, passer outre à ses obligations, sans trop de conséquences.  Autrement dit, créer chez lui certaines attentes.

 

[60]      La théorie de l'acquiescement, connue en common law comme «doctrine of laches», prévoit qu'un comportement de tolérance, (ou d'acquiescement) pendant un certain temps, envers une atteinte à ses droits ou un défaut dans l'exécution du contrat, peut parfois avoir pour effet, selon les circonstances, d'empêcher une partie de se pourvoir subséquemment devant les tribunaux pour protéger le respect de son droit.  C'est l'obligation d'agir dans un délai raisonnable pour l'exercice de certains droits.[112]

(nos soulignements)

[241]   En Common law, la théorie de l’acquiescement n’est applicable que lorsqu’aucun délai de prescription n’a été prévu pour l’exercice d’un droit et que le délai pour l’exercer est déraisonnable rendant ainsi le remède recherché injuste à l’égard de l’autre partie[113].

[242]   Pour décider de la défense des laches, le Tribunal doit prendre en considération la conduite de la partie qui cherche à exercer un doit, le moment où cette partie a pris connaissance des éléments donnant ouverture à sa demande, sa capacité à faire valoir son droit et enfin, l’effet de ce délai sur les droits de l’autre partie[114]. Julie McCann s’exprime ainsi :

La défense de laches amène le défendeur à faire la preuve de la négligence du demandeur ou de l’existence d’un délai qui soit moralement inacceptable. Cette négligence se traduira soit par la mauvaise foi du demandeur dans l’exercice de son droit dans le temps, soit dans une manière d’agir ayant créé chez le défendeur un faux sentiment de sécurité. Tant le délai écoulé avant l’action que celui après qu’elle ait débuté pourra être pris en compte pour déterminer s’il y a délai anormal. [115]

(nos soulignements)

[243]   Ainsi, le Tribunal est d’avis d’accueillir la défense des Bénéficiaires en équité et il n’est nul besoin de répéter, il me semble, les éléments retenus quant à la conduite de l’Entrepreneur et sa connaissance de la situation depuis longtemps. Quant à sa capacité à faire valoir ses droits, il serait surprenant que l’Entrepreneur ait eu les moyens de mener un combat de l’envergure de celui-ci depuis 2011, mais qu’il n’aurait pas eu les moyens de soulever la litispendance plus tôt. Par ailleurs, venir aujourd’hui demander la suspension du recours au motif de litispendance a un impact certain sur les droits des Bénéficiaires, notamment leur droit à une audience rapide, dans le cadre d’un processus allégé.

[244]   Ceci dispose de la demande de l’Entrepreneur de suspendre instance au motif de litispendance, ce dernier étant forclos de le faire. Par ailleurs, même si le Tribunal n’avait pas accueilli la défense des Bénéficiaires et déclaré l’Entrepreneur forclos de soulever ce moyen, le Tribunal n’aurait pas fait droit à la demande de l’Entrepreneur puisqu’en l’instance, il n’y a pas litispendance entre les deux (2) recours.

Litispendance

[245]   En effet, l’article 2848 du Code civil du Québec  stipule : 

2848. L’autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.

 

Cependant, le jugement qui dispose d’une action collective a l’autorité de la chose jugée à l’égard des parties et des membres du groupe qui ne s’en sont pas exclus.

[246]   Ainsi, l’irrecevabilité d’une demande fondée sur la litispendance implique nécessairement la réunion des trois mêmes critères que ceux requis pour soulever le moyen d’irrecevabilité de la chose jugée, à savoir l’identité de parties, de cause et d’objet[116].

[247]   L’identité de parties n’a pas été contestée en l’espèce. Qu’il suffise de rappeler que l’identité de parties s’analyse à la lumière de la qualité en laquelle une partie agit dans un dossier et non en vertu de sa position (défense ou demande) dans le litige. Selon la Cour d’appel, la présence d’autres parties dans le second litige importe peu dans la mesure où la partie défenderesse est poursuivie dans deux (2) instances distinctes, par la même demanderesse, pour des causes d’actions identiques et recherchant le même objet, l’exposant ainsi à être condamnée deux (2) fois ou de faire l’objet de jugements contradictoires[117].

[248]   Quant à l’identité d’objet, la jurisprudence reconnaît que l’identité absolue de ce qui est réclamé dans les deux (2) recours n’est pas requise et que dans la mesure où ce qui est réclamé est une somme d’argent, ces sommes n’ont pas à être identiquement les mêmes[118].

[249]   En l’espèce, il est vrai que le bénéfice immédiat que recherchent les Bénéficiaires dans les deux (2) recours est un dédommagement financier. Cependant, la demande des Bénéficiaires dans le cadre de la réclamation au Plan de garantie est l’application du Règlement, avec l’Administrateur à titre de caution des obligations légales et contractuelles de l’Entrepreneur. Ce n’est qu’en raison des délais encourus et le refus de l’Entrepreneur d’agir en temps utile que ces derniers ont été forcés d’effectuer les travaux et de réclamer le remboursement des frais engagés. Les Bénéficiaires ont raison de dire que leur demande est maintenant dénaturée en raison des délais écoulés et du refus de l’Entrepreneur de s’exécuter alors qu’il y avait urgence.

[250]   Le Tribunal est d’avis qu’en l’espèce, il ne faut pas se limiter à lire la réclamation des Bénéficiaires au moment où ils demandent l’arbitrage, mais il faut aussi regarder ce que ces derniers ont dénoncé et demandé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur à l’époque pertinente (novembre 2010), soit la réparation des problèmes dénoncés.

[251]   La Cour d’appel reconnaît d’ailleurs que le Règlement permet aux Bénéficiaires d’obtenir la réparation des malfaçons, vices cachés ou vices de construction, selon le cas, et qu’il s’agit d’un régime complémentaire au Code civil :

[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public, le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie.

(…)

[20] En revanche, le recours de droit commun entamé devant la Cour supérieure par l'Office n'a pas le même but. La requête introductive d'instance a pour objet l'octroi de dommages-intérêts à l'Office pour vices et malfaçons dont Consortium, l'architecte et éventuellement les sous-traitants sont responsables en application du Code civil, et non nécessairement la réparation des logements visée par le Règlement. L’action devant la Cour supérieure n’a donc pas la même finalité que le recours fondé sur la garantie offerte par le Règlement puisqu'elle cherche plutôt à dédommager le propriétaire pour le préjudice subi. [119]

(nos soulignements)

 

[252]   La jurisprudence constante reconnaît qu’il appartient exclusivement à l’arbitre de contrôler le bien-fondé d’une décision de l’Administrateur[120] et aucun tribunal civil[121], incluant la Cour supérieure, n’a compétence pour déterminer si la décision rendue par ce dernier, en application du Règlement, est conforme et bien-fondé[122].

[253]   J’ajoute également que la responsabilité de l’Administrateur, en sa qualité de caution des obligations de l’Entrepreneur, ne peut être recherchée que par le biais de l’arbitrage prévu au Règlement, d’ordre public.

[254]   Par conséquent, force m’est de conclure qu’il n’y a pas identité d’objet.

[255]   Quant à la cause d’action, Jean-Claude Royer résume ainsi le principe :

Les diverses définitions doctrinales de la cause d’action semblaient requérir, pour qu’il y ait identité de cause, l’existence simultanée de la similitude des faits et de la règle de droit qui leur est applicable. En effet, les mêmes faits peuvent donner lieu à des litiges différents selon la qualification juridique recherchée ou la conclusion demandée.

 

La règle générale demeure que l’identité de cause suppose qu’il y ait identité des faits et identité des règles de droit applicable à ces faits. Dans certains cas exceptionnels, il peut y avoir identité de la cause, même si les règles juridiques invoquées sont différentes. Pour ce faire, il sera nécessaire qu’il y ait identité des faits, identité de la qualification juridique des faits et identité dans le résultat virtuel de l’application des règles de droit. [123]

(Nos soulignements)

[256]   Les enseignements de la Cour suprême nous apprennent que :

La qualification pouvant découler d'une règle de droit est d'abord tributaire du principe juridique dont cette règle relève (…).  En matière de responsabilité délictuelle, les régimes civilistes modernes ont généralement retenu deux principes distincts, soit la responsabilité rattachée au comportement fautif d'une part, et la responsabilité reliée au risque assumé d'autre part.  Deux textes de loi relevant de principes juridiques différents ne peuvent engendrer des causes identiques puisque l'élément retenu comme fait générateur de responsabilité sera nécessairement différent; la qualification juridique de l'ensemble factuel sera différente dans la même mesure.

 

L'affaire Pontiac Lumber Co. v. Gentil (…) fournit un exemple d'une telle situation où deux règles de droit engendrent, en raison des principes distincts dont elles relèvent, deux causes distinctes relativement au même ensemble de faits.  Le demandeur avait dans cette affaire intenté deux actions à la suite du même accident: l'une en vertu du régime général de responsabilité délictuelle et l'autre en vertu de la législation de l'époque sur l'indemnisation des victimes d'accidents du travail.  Cette législation prévoyait le versement d'une indemnité par l'employeur à la victime d'un accident survenu "par le fait du travail ou à l'occasion du travail".  La Cour d'appel a rejeté le moyen de litispendance invoqué parce que le fait juridique retenu comme fondement du droit différait.  Le juge Rivard l'explique comme suit à la p. 123:

 

Dans la première action, la cause, le fondement du droit, c'est la faute du patron.

 

Dans la seconde, c'est la responsabilité que la loi impose au patron, qu'il soit en faute ou non.

 

(…) Quoique les deux régimes visent la compensation du préjudice pour des raisons semblables de justice, le régime législatif y arrive par un principe juridique différent où le comportement du défendeur n'est pas pertinent.  La qualification juridique des faits s'en trouve essentiellement différente et il en résulte une dualité de causes, peu importe l'identité de l'ensemble factuel allégué[124].

(nos soulignements, références omises)

 

[257]   Plus près du présent litige, la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Lavigne[125] rendue sous l’égide du nouveau Code de procédure civile est particulièrement intéressante:

[57]      Le juge de première instance a conclu à bon droit que les deux recours en cause n’ont pas le même fondement juridique, l’un portant sur la garantie de qualité du vendeur et l’autre sur la responsabilité contractuelle découlant d’un contrat d’entreprise. Faut-il se rappeler que le recours fondé sur la garantie de qualité du vendeur permet à l’acheteur de demander soit l’annulation de la vente si les circonstances s’y prêtent ou une diminution du prix de vente : article 1726 C.c.Q.

(…)

[59] L’existence du vice au moment de la vente sera présumée dans le cadre du recours des requérants portant sur la garantie de qualité du vendeur vu l’article 1729 C.c.Q. qui précise qu’en « cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumé, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément […] ». Cette présomption, qui simplifie le déroulement de l’instance devant la Cour du Québec, écarte largement le risque de jugements contradictoires avec le recours entrepris par le Syndicat. D’ailleurs, la suspension de l’instance en garantie de qualité du vendeur au profit d’une procédure où cette présomption ne s’applique pas complique la présentation de la preuve et est source de délais additionnels et d’inéquité.

(nos soulignements)

[258]   Il apparaît clairement que la cause d’action en arbitrage diffère de celle en Cour supérieure. Le fondement juridique de même que le fardeau de la preuve n’est pas le même.

[259]   En l’espèce, la responsabilité de l’Entrepreneur est ici engagée en raison des malfaçons découvertes dans l’année suivant la réception des parties communes, et cette notion de «réception des parties communes » diffère de la réception en vertu du Code civil du Québec.

[260]   Alors qu’en arbitrage les Bénéficiaires n’ont qu’à démontrer l’existence de malfaçons non apparentes au moment de la réception des parties communes ou encore, de malfaçons apparentes et dénoncées au moment de ladite réception pour que soit engagée la responsabilité de l’Entrepreneur et celle de l’Administrateur, une preuve autrement plus lourde leur est imposée devant la Cour supérieure où ils devront démontrer l’existence d’un vice au moment de la vente, le fait que celui-ci était caché (ou non apparent), qu’il était inconnu de l’acheteur et enfin, que le vice atteint un degré de gravité suffisant pour être qualifié de vice caché.

[261]   Le juge Edwards, j.c.q., alors avocat, explique ainsi la différence entre une malfaçon et un vice caché :

Comme son nom l’indique, une « malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. (…).

 

Il est important de souligner que la malfaçon, aux termes de l’article 2120 C.c.Q., n’est subordonnée à aucune condition par rapport à l’effet qu’elle peut produire. Ainsi, contrairement à la responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage de l’article 2118 C.c.Q., il n’est pas nécessaire que le vice ou la malfaçon mette en péril, de manière immédiate ou de manière plus ou moins éloignée, l’intégrité de l’ouvrage. De même, contrairement au vice interdit aux termes de la garantie de qualité du vendeur énoncée par l’article 1726 C.c.Q., il ne paraît pas nécessaire que la malfaçon entraîne une diminution de l’usage de l’immeuble.[126]

(nos soulignements)

 

[262]   Pour avoir gain de cause devant le présent Tribunal, les Bénéficiaires en l’instance devront donc démontrer l’existence d’un travail mal fait, et le caractère urgent, nécessaire et conservatoire des travaux exécutés pour avoir droit au remboursement des frais engagés. Devant la Cour supérieure, ils devront démontrer le vice caché, mais ils n’auront pas à prouver l’urgence ni la nécessité des travaux exécutés pour préserver le bâtiment afin d’être indemnisés des sommes versées.

[263]     Par conséquent, et pour clore cette longue parenthèse, je suis d’avis qu’il n’y a pas litispendance entre le présent recours et celui pendant devant la Cour supérieure. Et si j’avais eu un doute, la jurisprudence prône la prudence[127].

[264]   Le Tribunal a déclaré l’Entrepreneur forclos de soulever aujourd’hui la litispendance et de demander la suspension du recours pour ce motif. Par ailleurs, le même raisonnement s’applique-t-il au moyen soulevé par l’Entrepreneur voulant que la suspension du dossier soit ordonnée pour des motifs de proportionnalité et de saine administration de la justice?

[265]   Avec égards, je ne le crois pas.

Suspension au motif de proportionnalité et de saine administration de la justice

[266]   Alors que la litispendance est encadrée par le Code de procédure civile et revêt un caractère plutôt technique et privé, les principes directeurs dudit Code que sont la proportionnalité et la saine administration de la justice se situent à un autre niveau. En ce dernier cas, il n’est plus question uniquement des intérêts des parties en cause, lesquelles peuvent avoir renoncé à invoquer certains droits ou encore, avoir toléré suffisamment longtemps une situation pour laisser croire qu’elle leur était acceptable, mais également de ceux des ressources judiciaires et donc, de tous les contribuables.

[267]   Est-il légalement et moralement acceptable de dire qu’un tribunal peut rejeter la demande d’une partie qui dénonce une situation d’abus des ressources judiciaires avec pour conséquence de pénaliser l’ensemble des contribuables de l’accès auxdites ressources sans considération de cette demande au mérite? Est-il acceptable de dire qu’il existe des cas où l’on pourrait permettre un tel abus en raison du défaut d’une partie à le soulever en temps utile? Et qu’en est-il du principe de proportionnalité? Le rejet d’une telle demande, sans considération au mérite, serait en soi contraire aux valeurs et objectifs sous-jacents au nouveau Code de procédure civile. Je m’explique.

[268]   La disposition préliminaire du nouveau Code de procédure civile énonce les principes directeurs qui s’imposent à tous les acteurs du système de justice. Il stipule, à son second alinéa :

Le Code vise à permettre, dans l’intérêt public, la prévention et le règlement des différends et des litiges, par des procédés adéquats, efficients, empreints d’esprit de justice et favorisant la participation des personnes. Il vise également à assurer l’accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et l’exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d’équilibre, ainsi que le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice.

(nos soulignements)

[269]   Les articles 2, 9, 18, 19 et 622 du Code de procédure civile sont d’un intérêt certain :

2. Les parties qui s’engagent dans une procédure de prévention et de règlement des différends le font volontairement. Elles sont alors tenues d’y participer de bonne foi, de faire preuve de transparence l’une envers l’autre, à l’égard notamment de l’information qu’elles détiennent, et de coopérer activement dans la recherche d’une solution et, le cas échéant, dans l’élaboration et l’application d’un protocole préjudiciaire; elles sont aussi tenues de partager les coûts de cette procédure.

 

Elles doivent, de même que les tiers auxquels elles font appel, veiller à ce que les démarches qu’elles entreprennent demeurent proportionnelles quant à leur coût et au temps exigé, à la nature et à la complexité de leur différend.

Ils sont en outre tenus, dans leurs démarches et ententes, de respecter les droits et libertés de la personne et les autres règles d’ordre public.

 

9. Les tribunaux ont pour mission de trancher les litiges dont ils sont saisis en conformité avec les règles de droit qui leur sont applicables. Ils ont également pour mission de statuer, même en l’absence de litige, lorsque la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité des personnes, qu’une demande leur soit soumise.

 

Il entre dans leur mission d’assurer la saine gestion des instances en accord avec les principes et les objectifs de la procédure. Il entre aussi dans leur mission, tant en première instance qu’en appel, de favoriser la conciliation des parties si la loi leur en fait devoir, si les parties le demandent ou y consentent, si les circonstances s’y prêtent ou s’il est tenu une conférence de règlement à l’amiable.

(…)

18. Les parties à une instance doivent respecter le principe de proportionnalité et s’assurer que leurs démarches, les actes de procédure, y compris le choix de contester oralement ou par écrit, et les moyens de preuve choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigé, proportionnés à la nature et à la complexité de l’affaire et à la finalité de la demande.

 

Les juges doivent faire de même dans la gestion de chacune des instances qui leur sont confiées, et ce, quelle que soit l’étape à laquelle ils interviennent. Les mesures et les actes qu’ils ordonnent ou autorisent doivent l’être dans le respect de ce principe, tout en tenant compte de la bonne administration de la justice.

 

19. Les parties à une instance ont, sous réserve du devoir des tribunaux d’assurer la saine gestion des instances et de veiller à leur bon déroulement, la maîtrise de leur dossier dans le respect des principes, des objectifs et des règles de la procédure et des délais établis.

 

Elles doivent veiller à limiter l’affaire à ce qui est nécessaire pour résoudre le litige et elles ne doivent pas agir en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive ou déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

(…)

 

622. Les questions au sujet desquelles les parties ont conclu une convention d’arbitrage ne peuvent être portées devant un tribunal de l’ordre judiciaire, alors même qu’il serait compétent pour décider de l’objet du différend, à moins que la loi ne le prévoie.

(…)

Les parties ne peuvent par leur convention déroger aux dispositions du présent titre qui déterminent la compétence du tribunal, ni à celles concernant l’application des principes de contradiction et de proportionnalité, le droit de recevoir notification d’un acte ou l’homologation ou l’annulation de la sentence arbitrale.

(nos soulignements)

[270]   À la lumière des dispositions reproduites ci-dessus, il apparaîtrait contraire à l’esprit de la loi de restreindre le droit d’une partie de porter à l’attention du Tribunal une situation qui met en cause la saine administration de la justice ou la proportionnalité, sans considération au mérite.

[271]   Toute partie doit pouvoir dénoncer une telle situation, en tout état de cause. Toutefois, s’il appert que cette démarche est, en soi, empreinte de mauvaise foi, est en elle-même abusive ou dilatoire ou encore, constitue un manquement important au déroulement de la procédure, le Tribunal est d’avis que cette conduite est susceptible de sanction.

[272]   Autrement dit, la suspension d’une instance pour des motifs de proportionnalité ou de saine administration de la justice peut être demandée en tout état de cause et le tribunal saisi de cette demande ne peut déclarer une fin de non-recevoir ou déclarer que la partie qui la demande y a acquiescé. Néanmoins, si la partie qui la demande tarde à le faire ou agit de manière cavalière, contraire à la bonne foi, aux principes directeurs et à l’esprit de la loi, la partie adverse pourra demander que ce comportement soit sanctionné.

[273]   En conséquence de ce qui précède, je suis d’avis que la demande de suspension pour des motifs de saine administration de la justice et de proportionnalité doit faire l’objet d’une analyse au mérite.

[274]   Au soutien de leurs positions respectives, les parties ont déposé devant le Tribunal un nombre important de décisions jurisprudentielles. Il ressort des autorités soumises que la décision de suspendre l’instance est discrétionnaire[128], quoi que basée sur les principes directeurs de la procédure.

[275]   Dans l’affaire Ungava mineral exploration inc.[129], la Cour réitère les propos tenus par le juge Hamilton dans l’affaire Ludmer[130] voulant que la suspension des procédures soit une mesure d’exception et non la règle, confirmant ainsi le principe selon lequel les recours doivent progresser. Le juge Nollet écrit ce qui suit :

[50]     Monsieur le juge Stephen W. Hamilton écrivait récemment que la suspension des procédures est l’exception et non la règle[15].

 

[51]     La règle générale est donc que les recours doivent progresser.

 

[52]     La progression d’un recours doit toutefois se faire dans un contexte où les règles de proportionnalité et de saine administration de la justice sont suivies.

 

[53]     Dans l’affaire Ludmer, le juge Hamilton définit le test pour déterminer la nécessité ou non de suspendre l’instance :

[24] The Court does not agree.  The sole test for granting a stay of proceedings is the interests of justice.  The list in Malobabic-Giancristofaro is simply a list of the circumstances in which courts have granted stays of proceedings, not a five-part test, each part of which must be met.

 

[54]     Toutefois, plus il y a de critères tels qu’énoncés dans la décision Malobabic-Giancristofaro qui se retrouvent présents dans un dossier donné, plus il sera apparent que les intérêts de la justice seront servis par une suspension des procédures.

 

[55]     Les exemples de critères cités dans l’affaire Malobabic-Giancristofaro[16] étaient les suivants :

 

1.      Il y a un lien indiscutable entre deux dossiers judiciarisés;

2.      Le résultat ultime dans l’un des dossiers dépend en grande partie de celui dans l’autre dossier;

3.      La règle de la proportionnalité dictée à l’article 4.2 C.p.c. édicte que la suspension soit accordée;

4.      Il existe un risque de jugements contradictoires à l’égard de certaines questions soulevées dans les deux dossiers;

5.      La décision de ne pas suspendre les procédures résulterait en une multiplication de coûts pour les parties.

(nos soulignements)

[276]   Dans cette affaire, la suspension a été accordée puisque le sort du recours devant les tribunaux de droit commun dépendait largement de la décision de l’arbitre et qu’il eût été nécessaire de faire la preuve deux (2) fois, sur un nombre important d’éléments communs aux deux (2) dossiers pour disposer du recours civil, avec le risque réel de jugements contradictoires.

[277]   Les principes énoncés dans l’affaire Malobabic-Giancristofaro[131] ont été repris par la juge Langlois dans l’affaire Manioli investments[132], mais la juge précise ceci :

[30] Toutefois les tribunaux ont refusé de suspendre un recours lorsqu'il n'apparaît pas qu'un jugement rendu dans l'autre instance puisse solutionner totalement ou en partie le sort du recours dont on demande la suspension[3] ou lorsque le lien entre les débats devant les instances concernées n'apparaît pas clairement[4].

[278]   Dans cette affaire, la juge Langlois a suspendu le recours devant la Cour supérieure dans l’attente de la décision de la Cour d’appel dont la décision était d’importance pour l’issue du litige en Cour supérieure.

[279]   Dans l’affaire Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot[133], la juge Mainville, après avoir reconnu que le Règlement ne couvre pas l’ensemble des droits que détiennent les bénéficiaires contre leur entrepreneur, et après avoir reconnu la compétence exclusive de l’arbitre à décider de l’appel formé à l’encontre d’une décision de l’administrateur, elle décide de suspendre le recours en arbitrage, estimant que ce dernier est moindre et inclus dans le recours devant la Cour supérieure.

[280]   Avec égards, le Tribunal ne partage pas l’opinion de la juge Mainville voulant que le recours en vertu de la garantie soit «moindre et inclus» dans le recours devant la Cour supérieure. Il est vrai que dans un recours, comme dans l’autre, la preuve devait démontrer la présence de vices de construction. Toutefois, en vertu du Code civil l’entrepreneur peut se dégager de sa responsabilité[134] alors qu’en vertu du Règlement, il ne le peut pas. De plus, les parties ne se sont pas opposées à la demande de suspension formulée par l’entrepreneur. Enfin, aucune des parties ne semble avoir soulevé l’argument voulant que la Cour supérieure n’ait pas compétence pour lier l’administrateur de quelque manière que ce soit.  

[281]   Dans l’affaire Construction Lortie[135], la Cour accueille la demande de suspension faite par l’entrepreneur. Il appert que la décision est largement basée sur le comportement des bénéficiaires qui sont, à toutes fins pratiques, responsables de la lourdeur procédurale, ainsi que du faible montant en jeu. Dans cette affaire, l’enjeu était d’environ 30 000 $ et les procédures duraient depuis sept (7) ans. De plus, la preuve à administrer devant chacune des instances était la même, sauf qu’en Cour du Québec, l’entrepreneur devait également démontrer la responsabilité des appelés en garantie. Le procès en Cour du Québec était prévu pour une durée de trois (3) jours, de même que celui devant l’arbitre. Les procès étaient fixés à quelques mois d’intervalle l’un de l’autre.

[282]   L’honorable juge Frank Barakett, j.c.s., appelé à statuer sur une demande de surseoir à l’audition devant l’arbitre, analyse l’affaire en vertu des critères de l’injonction provisoire, s’agissant pour lui de déterminer prima facie si la demande de surseoir devait être accordée dans l’attente de la décision de la Cour supérieure, siégeant en révision judiciaire de la décision de l’arbitre ayant refusé de suspendre son dossier. C’est donc dans ce cadre que la Cour décide de suspendre le dossier d’arbitrage. De plus, les faits démontraient que l’audition devant l’arbitre devait avoir lieu avant l’audition sur la révision judiciaire de sorte que la révision perdait sa raison d’être.

[283]   Par après, la Cour supérieure présidée par l’honorable Frank Barakett, siégeant en révision judiciaire dans cette même affaire[136], révise la décision de l’arbitre, la qualifiant de déraisonnable, et maintient la suspension ordonnée plus tôt sous sa plume, pour les motifs qui suivent :

[6Cette affaire a été retardée d'environ sept (7) ans parce que les demandes étaient cumulatives (litispendance) et n'ont été que partiellement scindées en 2008. Les parties se retrouvent aujourd'hui avec deux débats qui portent sur le même item de responsabilité même s'il n'y a pas litispendance dû au fait que les Demandeurs ont scindé leur recours pour séparer les objets (montants) de leur réclamation.

 

[7] Le résultat est qu'en octobre 2009:

 

1. Les honoraires sont deux à trois fois plus élevés pour chacune des parties au lieu d'être moindres;

2. Les délais sont rendus à sept (7) ans plutôt que deux ans et,

3. Les recours sont cumulatifs à certains égards plutôt qu'alternatifs.

 

[8Au surplus, l'administrateur de La Garantie s'est saisi d'un dossier pour lequel il n'avait pas juridiction en mai 2003 et il ne s'en est rendu compte que le 15 mai 2007, soit quatre (4) ans après; de sorte que ses décisions (portées en arbitrage) sont nulles.

 

[9Ce n'est qu'en 2008 que les Demandeurs ont scindé leurs procédures, mais déjà bien avant le 15 mai 2007, l'administrateur avait rendu une décision que le Tribunal qualifie comme nulle puisqu'il ne pouvait pas se saisir d'une juridiction qui, avant 2008, appartenait exclusivement à la Cour du Québec.

(nos soulignements)

 

[284]   Avec égards, le présent Tribunal ne partage pas l’opinion de l’honorable Frank Barakett, j.c.s.

[285]   D’une part, rien dans le Règlement n’indique que l’administrateur peut refuser de statuer sur une réclamation d’un bénéficiaire si un tribunal civil est saisi de cette même demande.

[286]   D’autre part, le Règlement est d’ordre public et le bénéficiaire ne peut y renoncer[137]. Il faut lire ici qu’il ne peut y renoncer à l’avance. Il s’agit plutôt pour le bénéficiaire, qui présente une réclamation à l’administrateur sur les mêmes éléments que ceux soumis au tribunal civil, de choisir s’il demande l’application de la garantie ou non. Dans l’affirmative, il devra se désister, dans le dossier civil, de ce qui fait l’objet de sa réclamation devant l’administrateur. Ainsi, le moment venu, le bénéficiaire peut choisir de poursuivre son entrepreneur devant les tribunaux de droit commun et renoncer à la garantie que lui procure l’administrateur, à titre de caution des obligations de l’entrepreneur.

[287]   Ceci étant dit, il n’est pas impossible que le bénéficiaire n’ait pas gain de cause auprès de l’administrateur, pour toute sorte de motifs, tel une question de délai, et ait gain de cause devant les tribunaux civils. Par conséquent, au stade de la réclamation auprès de l’administrateur, il serait prématuré d’exiger un désistement immédiat des éléments potentiellement conflictuels auprès du tribunal civil. Il apparaît plus approprié d’exiger du bénéficiaire qu’il opte entre les deux (2) recours suite à la décision que rendra l’administrateur et non avant, au risque de perdre des droits.

[288]   En conséquence, j’estime que la décision rendue par l’administrateur dans ce dossier n’était pas nulle, ceci dit en tout respect pour l’opinion contraire. Par contre, il appert qu’il existait dans ce dossier, de l’opinion de la Cour, d’autres faits pouvant justifier que le dossier d’arbitrage soit suspendu.

[289]   En ce qui concerne le dossier dont est saisi le présent Tribunal d’arbitrage, je propose d’analyser la situation à la lumière des critères énoncés dans l’affaire Giancristofaro-Malobabic [138].

1.    Y a-t-il un lien indiscutable entre les deux(2) dossiers judiciarisés?

[290]   La réponse à cette question doit être affirmative.

2.    Est-ce que le résultat ultime dans l’un des dossiers dépend en grande partie de celui dans l’autre dossier?

[291]   La réponse à cette question doit être négative.

[292]   En effet, l’arbitre se prononcera sur la question de l’existence ou non de malfaçons. Il ne sera pas question, en arbitrage, de faire la preuve de vices cachés, contrairement au recours pendant en Cour supérieure.

[293]   L’arbitre devra également déterminer si les frais dont il est demandé le remboursement ont été engagés pour des travaux urgents, nécessaires et conservatoires et, le cas échéant, le quantum à accorder pour ces dits travaux. La Cour supérieure n’aura pas à faire l’analyse du caractère urgent, nécessaire et conservatoire des travaux pour lesquels les Bénéficiaires demandent le remboursement. Par contre, la Cour supérieure devra statuer, le cas échéant, sur les frais qui pourraient ne pas avoir été octroyés par l’arbitre si la preuve démontre que certains travaux ne peuvent être remboursés dans le cadre du Règlement. Il en va de même des éléments ou dommages qui ne sont pas réclamés devant l’arbitre, mais seulement devant la Cour supérieure, et de ceux qui le sont, mais qui pourraient, suite à une décision au mérite, être déclarés irrecevables en vertu du Règlement.

[294]   En somme, la décision de l’arbitre ne dépend aucunement de celle de la Cour supérieure. Toutefois, la décision de la Cour supérieure viendra nécessairement compléter celle de l’arbitre quant aux éléments soustraits de sa juridiction et, dans une certaine mesure, il apparaît opportun, en ce qui concerne les Bénéficiaires en l’instance, quel el tribunal d’arbitrage rende sa décision avant que la Cour supérieure ne rende la sienne.

3.    La règle de la proportionnalité dictée à l’article 18 du nouveau Code de procédure civile (anciennement l’article 4.2 C.p.c.) édicte-t-elle que la suspension soit accordée?

[295]   La réponse à cette question est également négative. Je m’explique.

[296]   La disposition préliminaire, reproduite plus haut de même que les dispositions pertinentes du Code de procédure civile également reproduites énoncent on ne peut plus clairement l’esprit de la loi et notamment le principe de proportionnalité.

[297]   Dans une décision récente, la Cour d’appel s’est prononcée sur une demande de suspension des procédures à la lumière du nouveau Code de procédure civile. Quoique l’extrait cité ci-dessous soit passablement long, le Tribunal estime qu’il est nécessaire de le reproduire, d’autant plus que ce jugement est décisif dans la décision qu’il rend aujourd’hui :

[46]      Les requérants invoquent le préjudice sérieux qu’ils subissent en raison des délais causés par la suspension de l’instance, de même que les principes de proportionnalité et d’accès à la justice. Ce préjudice et ces principes sont invoqués tant à l’appui de la permission d’appeler que du bien-fondé de l’appel. Il y a donc lieu d’en traiter ensemble en fonction de ces deux finalités.

 

[47]      L’article 212 C.p.c. stipule que, la suspension de l’instance peut être accordée « pourvu qu’aucun préjudice sérieux n’en résulte pour les autres parties »[16]. Les requérants invoquent que dans les circonstances particulières de ce dossier, la suspension de leur recours dans l’attente d’un jugement final dans le litige du Syndicat est déraisonnable puisqu’elle les empêche d’accéder à la justice et ne répond pas au principe de la proportionnalité.  Ils soutiennent qu’à la lumière du nouveau C.p.c., le fait de ne pouvoir avoir un accès à la justice dans un délai raisonnable constitue un préjudice irrémédiable et sérieux. Ils sont d’avis que la maxime justice delayed, justice denied doit recevoir application ici, compte tenu notamment des circonstances particulières en cause.

(…)

[50]      Le principe que le préjudice découlant des délais résultant d’une suspension de l’instance peut se compenser par les intérêts est certes valable dans certains cas. Cependant, ce ne sera pas toujours le cas, surtout à la lumière des principes énoncés au nouveau C.p.c.

 

[51]      En effet, tel que noté plus haut, la disposition préliminaire du C.p.c. impose des exigences d’efficacité, d’accessibilité et de célérité de la justice civile, tout en favorisant une application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et de l’exercice des droits des parties. Ces exigences ne sont pas négligeables. Le défaut de les respecter, notamment l’exigence de célérité, ne peut être compensé en toutes circonstances par des intérêts. Si tel était le cas, les recours en justice pourraient perdurer indéfiniment sous prétexte que les intérêts compenseront éventuellement les justiciables des délais encourus. Sous le nouveau C.p.c., le retard à procéder qui porte atteinte à l’accès du contribuable au système de justice constitue un élément que le tribunal doit prendre en compte avant de prononcer la suspension de l’instance.

 

[52]      Le nouveau C.p.c. impose ainsi une nouvelle approche à la procédure civile axée sur l’efficacité et la célérité. Les principes directeurs énoncés aux articles 18, 19 et 20 C.p.c. vont dans ce sens. Il en est de même des mesures de gestion de l’instance prévues au nouveau C.p.c., notamment (…) Cette approche axée sur l’efficacité et la célérité s’impose à l’égard de l’ensemble des décisions portant sur le déroulement de l’instance, y compris une décision portant sur la suspension de l’instance sous l’article 212 C.p.c.

(…)

[62]      Les intimées font aussi valoir qu’elles feront intervenir au débat les entrepreneurs et les professionnels qui ont été impliqués dans la construction de l’immeuble si le recours entrepris en Cour du Québec n’est pas suspendu. Rien ne permet de croire qu’il s’agit là d’une démarche appropriée. Au contraire, dans le contexte du recours en responsabilité contractuelle déjà entrepris devant la Cour supérieure, et tenant compte du principe de la proportionnalité et d’une saine administration de la justice, les recours en garantie des intimées contre les tiers impliqués (entrepreneurs en construction, sous-entrepreneurs, architectes, ingénieurs, etc.), devraient se résoudre devant la Cour supérieure et non pas dans le cadre du recours fondé sur la garantie de qualité du vendeur. D’ailleurs, le juge d’instance pourra toujours dans le cadre de la gestion du dossier imposer certaines balises lorsqu’il sera appelé à préciser les questions en litige, comme le prévoit l’article 158 C.p.c.

(…)

[65]      Nous sommes aux prises ici avec une situation où les intimées tentent d’éluder leur obligation découlant de la garantie de qualité du vendeur en rattachant celle-ci à une instance très complexe en responsabilité contractuelle des entrepreneurs et professionnels de la construction qui s’enlise et qui risque fort de perdurer bien des années. Si de telles stratégies pouvaient bien être échafaudées sous l’ancien C.p.c., le nouveau code cherche à s’en défaire. Comme le signalent les requérants dans leur mémoire, leur recours fort simple en garantie de qualité du vendeur est mis à la remorque d’un litige complexe portant sur des fondements juridiques et factuels différents et qui s’éternise indûment.

 

[66]      Une nouvelle culture judiciaire s’impose avec l’entrée en vigueur du nouveau C.p.c. Le formalisme juridique n’est plus de mise. Le nouveau C.p.c. exige plutôt de la part des tribunaux une approche innovante des litiges axée sur l’efficacité, la célérité et la simplification des recours lorsque cela est possible. C’est le cas ici.

 

[67]      Malgré toute la déférence qui doit être accordée au juge d’instance qui prononce une mesure de gestion ou une décision sur l’un des incidents énumérés à l’article 32 C.p.c., tenant compte de l’ensemble des circonstances, la décision de suspendre l’instance dans ce cas-ci n’est pas raisonnable eu égard aux principes directeurs de la procédure portant sur la proportionnalité, la saine gestion et le bon déroulement des instances, analysés à la lumière des exigences d’accessibilité et de célérité de la justice civile et de l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure.[139]

(nos soulignements)

[298]   Un peu plus tôt, le plus haut tribunal du pays exprimait une opinion similaire :

[28]      Un virage culturel s’impose.  L’objectif principal demeure le même : une procédure équitable qui aboutit au règlement juste des litiges.  Une procédure juste et équitable doit permettre au juge de dégager les faits nécessaires au règlement du litige et d’appliquer les principes juridiques pertinents aux faits établis.  Or, cette procédure reste illusoire si elle n’est pas également accessible — soit proportionnée, expéditive et abordable.  Le principe de la proportionnalité veut que le meilleur forum pour régler un litige ne soit pas toujours celui dont la procédure est la plus laborieuse.

(…)

[32]      Ce virage culturel oblige les juges à gérer activement le processus judiciaire dans le respect du principe de la proportionnalité.  La requête en jugement sommaire peut permettre d’économiser temps et ressources, mais, à l’instar de la plupart des procédures préalables au procès, elle peut ralentir l’instance si elle est utilisée de manière inappropriée.  Bien que les juges puissent contribuer à la réduction de ce risque, et devraient le faire, les avocats doivent, conformément aux traditions de leur profession, agir de manière à faciliter plutôt qu’à empêcher l’accès à la justice.  Ils devraient ainsi tenir compte des moyens limités de leurs clients et de la nature de leur dossier et élaborer des moyens proportionnés d’arriver à un résultat juste et équitable.

 

[33]      Une demande complexe peut comporter un dossier volumineux et exiger un investissement important en temps et en argent.  Toutefois, la proportionnalité est forcément de nature comparative; même les procédures lentes et coûteuses peuvent s’avérer proportionnées lorsqu’elles constituent la solution la plus rapide et la plus efficace.  La question est de savoir si les frais et les délais additionnels occasionnés par la recherche des faits lors du procès sont essentiels à un processus décisionnel juste et équitable.[140]

[299]   Traitant spécifiquement de la procédure prévue au Règlement, la Cour d’appel fait les constats suivants :

[18]      La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public, le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie. Par la mise en place d'une procédure arbitrale qui implique non seulement l'entrepreneur, mais aussi la personne ayant accepté d'agir à titre de garantie, le législateur veille à ce que les propriétaires et les occupants d'un bâtiment neuf ne fassent pas les frais des délais d'un recours en dommages-intérêts pour vices cachés. (…)[141]

(nos soulignements)

[300]   Dans Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire[142], les objectifs du législateur en adoptant le Règlement sont exprimés ainsi:

[72]      Qui plus est, l'intention du législateur est clairement exprimée, tant dans la Loi que dans le Règlement : il a voulu mettre en place un système pour répondre de façon rapide et à moindre coût aux différends pouvant survenir entre l'entrepreneur et l'acheteur d'un bâtiment résidentiel neuf.

 

[73]      L'objet de la Loi et du Règlement vise à déjudiciariser les réclamations ou différends découlant d'un contrat de construction ou de vente couverts par le Règlement, en favorisant un mode alternatif de résolution.

 

[74]      Le recours civil est toujours disponible aux parties au contrat, mais la procédure d'arbitrage retenue par le législateur vise à accélérer la résolution du différend qui oppose l'acheteur et son entrepreneur.

(nos soulignements)

[301]   De tous les extraits jurisprudentiels reproduits ci-haut le Tribunal retient principalement que le nouveau Code de procédure civile ne permet plus d’user de tous les moyens procéduraux, comme il était autrefois permis et possible de le faire. La proportionnalité des procédures est de mise, de même que l’accessibilité à la justice et la célérité.

[302]   De plus, la déjudiciarisation des recours entre bénéficiaire et entrepreneur par la voie de l’arbitrage, lequel recours est tripartie, à savoir le bénéficiaire, l’entrepreneur et l’administrateur chargé d’appliquer le plan de garantie, a été voulu par le législateur et il appartient aux décideurs, arbitres ou juges, de voir au respect du choix législatif.

[303]   Le législateur a mis en place un régime parallèle qui favorise le règlement rapide des différends qui concernent la construction neuve au Québec. En instituant ce régime parallèle, le législateur n’était pas sans ignorer qu’il créait une situation qui ne réglait pas entièrement le litige pour toutes les parties.

[304]   De fait, l’arbitrage permet de régler la plupart des réclamations des bénéficiaires, selon les paramètres prévus au Règlement, mais ne règle pas toutes les questions soulevées, notamment celles relatives à la responsabilité des sous-traitants, face à l’entrepreneur.

[305]   Néanmoins, le législateur a fait le choix d’instaurer un régime législatif qui favorise le règlement rapide des différends, au seul bénéfice du bénéficiaire, et les décisions de l’arbitre sont finales et sans appel[143], susceptibles d’exécution forcée une fois homologuées par la Cour supérieure[144]. C’est le bénéficiaire que le Règlement cherche à protéger et non l’entrepreneur.

[306]   À l’instar de mon collègue, Me De Andrade, le Tribunal exprime l’opinion qu’il serait souhaitable que le législateur permette la participation des sous-traitants à l’arbitrage afin de favoriser un règlement complet et définitif du différend pour toutes les parties[145], tout en conservant au bénéficiaire le bénéfice de la caution de l’Administrateur en cas d’inexécution par l’entrepreneur.

[307]   Cette mesure, de nature à déjudiciariser davantage les différends dans le domaine de la construction neuve, serait bénéfique, dans la mesure où la participation des sous-traitants au processus d’arbitrage est encadrée de manière à ne pas retarder ou alourdir la tenue de l’audition. Un processus en deux (2) temps serait certainement envisageable, l’objectif étant que ce soit le même décideur qui puisse décider à la fois du recours des bénéficiaires en vertu du Règlement, avec l’Administrateur comme caution, et celui de l’entrepreneur contre ses sous-traitants. La preuve ne serait administrée qu’une seule fois, devant une seule et même personne, de sorte que le processus serait plus court et les coûts moins élevés. Quoi qu’il en soit, l’arbitre tire sa compétence du Règlement et même en équité, il ne peut être créateur de droit[146].

[308]   D’ici à ce que le législateur modifie le Règlement, un fait demeure et c’est que les tribunaux de droit commun n’ont pas compétence pour entendre les différends qui tirent leur source d’une décision de l’Administrateur, mais que l’inverse pas vrai. Seulement, dans l’état actuel du droit, cette possibilité de faire en sorte que ce soit la même personne qui décide de l’ensemble des points en litige n’existe que par la voie de l’arbitrage consensuel en ce qui concerne la portion «hors Règlement». Cette solution ne peut toutefois être imposée et doit émaner des parties impliquées au litige.

[309]   En date des présentes, le recours en Cour supérieure est fixé pour une durée de quarante (40) jours à compter de janvier 2019. Par ailleurs, selon les explications fournies par les procureurs, aucune évaluation précise de la durée n’a été faite et selon le procureur des Bénéficiaires, ce délai n’est pas réaliste, sauf dans la mesure où de nombreuses admissions sont faites.

[310]   À l’opposé, le procureur de l’Entrepreneur est d’avis que ce délai est réaliste. Prenant pour acquis que l’audience en Cour supérieure durera une quarantaine de jours, il est évident que l’audience devant le Tribunal d’arbitrage sera d’une durée beaucoup plus courte. Pour accélérer la tenue du débat et possiblement son déroulement, il sera possible, au besoin, de scinder le débat sur l’existence des malfaçons et le caractère urgent, nécessaire et conservatoire des travaux effectués, du débat sur le quantum. La tenue de séances de gestion avec les procureurs et les experts est également possible afin de réduire au minimum les éléments qui feront l’objet du débat contradictoire et de limiter ces éléments à ce qui est strictement nécessaire pour disposer de l’affaire en vertu du Règlement.

[311]   Me Hillier a invoqué devant la soussignée que de nombreux témoins ayant été interrogés hors Cour devront être de nouveau appelés à témoigner devant le Tribunal si l’arbitrage devait ne pas être suspendu.

[312]   À cet argument, je réponds que rien n’empêche les parties de déposer en preuve les notes sténographiques des interrogatoires si cela peut accélérer le processus. Les parties se sont d’ailleurs prévalues de cette mesure lors du premier arbitrage.

[313]   Quant à la rencontre qui devait avoir lieu entre les experts à la fin septembre 2017, celle-ci n’est pas inutile au présent arbitrage. Au contraire. Le travail fait par les experts pourra servir dans le présent dossier, dans la mesure toutefois où les parties, bien au fait que mes décisions rendues en juillet 2016 ont déclaré que les réclamations des Bénéficiaires se situaient dans la première année de garantie, ont informé les experts des conséquences de celles-ci, à savoir que la seule preuve de malfaçons est nécessaire pour faire droit à la demande des Bénéficiaires en arbitrage. Ainsi, il est à espérer que les experts auront discuté non seulement des vices cachés allégués, mais également de l’existence (ou non) de malfaçons.

[314]   Me Hillier a allégué à maintes reprises que le recours devant la Cour supérieure perdure depuis quatre (4) ans alors que le recours en arbitrage n’est pas encore entamé. Cet argument m’apparaît mal fondé. Que fait-il du dossier du SDC Panache?

[315]   Il allègue aussi que l’arbitre ne peut trancher qu’une partie du différend en vertu de la couverture prévue au Règlement alors que le recours civil peut couvrir l’ensemble des réclamations financières de part et d’autre. Il sous-entend que les sommes que pourra accorder l’arbitre devront être déduites par le juge de la Cour supérieure et que cela pourrait compliquer les choses. Il soumet au Tribunal que les sommes que pourraient accorder l’arbitre pourront devenir sans objet suite à la décision de la Cour.

[316]   Avec égards, le Tribunal ne partage pas son opinion. Il n’est ni compliqué ni problématique d’effectuer un simple calcul mathématique pour soustraire les sommes accordées par l’arbitre de celles que pourra accorder la Cour supérieure, eu égard aux parties en l’instance, advenant que l’arbitre n’accorde qu’un remboursement partiel, par exemple, si une partie des travaux effectués n’était pas urgents, nécessaires et conservatoires.

[317]   Il n’est pas difficile pour le juge et de fait, le juge devra analyser pour chacun des demandeurs en Cour supérieure la somme qu’il octroie et sous quel chef. Je vois mal comment il pourrait en être autrement. Cela étant, rappelons ici que la Cour supérieure ne traitera pas des réclamations qui relèvent de la juridiction exclusive de l’arbitre, mais uniquement celles qui sont résiduelles ou qui sont exclues du Règlement.

[318]   En conséquence de tout ce qui précède, le Tribunal est d’avis que les principes de proportionnalité et de saine administration de la justice ne militent pas en faveur de la suspension du dossier d’arbitrage en faveur du dossier mue en Cour supérieure entre les parties en l’instance, et plusieurs autres.

[319]   Le recours des Bénéficiaires n’a pas à être à la remorque du recours de l’Entrepreneur et des nombreux appelés en garantie et en arrière-garantie. Conclure autrement rendrait sans effet la procédure établie par le législateur et illusoire le recours en arbitrage.

[320]   Qui plus est, la coexistence des deux (2) recours est nécessaire, vu la nature des réclamations et les parties en cause. On ne peut l’éviter si les Bénéficiaires veulent se prémunir contre un défaut éventuel de l’Entrepreneur en bénéficiant de la garantie qu’offre la caution, et c’est leur droit le plus strict.

[321]   Seule la garantie que la Cour supérieure conclura qu’il y a vices cachés à tous égards et que l’Entrepreneur ne fera pas défaut de s’exécuter (rien n’est moins sûre puisque l’Administrateur a dû faire une intervention forcée en Cour supérieure pour récupérer les sommes versées à un bénéficiaire, en sa qualité de caution), ni ne fera faillite, pourrait faire dire à l’arbitre que le recours en Cour supérieure disposera de tout le différend comme le prétend l’Entrepreneur et que la suspension de l’arbitrage ne sera pas préjudiciable aux Bénéficiaires, à tout le moins dans le contexte particulier du présent dossier.

[322]   Non seulement le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de suspendre le présent recours, mais également que la décision du Tribunal d’arbitrage doit être rendue avant celle de la Cour supérieure. S’il en est autrement, les parties pourraient être tenues de retourner devant les instances civiles si l’arbitre décide que certaines réclamations sont exclues du Règlement, ou s’il ordonne un remboursement partiel, nécessitant un nouveau jugement de la Cour supérieure. Vu la nécessaire tenue des deux (2) recours, il semble d’autant plus important que les Bénéficiaires puissent être entendus rapidement en arbitrage et soient indemnisés, au moins partiellement, de certaines sommes dans l’attente de l’issue du recours en Cour supérieure.

4.    Existe-t-il un risque de jugements contradictoires à l’égard de certaines questions soulevées dans les deux dossiers?

[323]   De l’avis du Tribunal, compte tenu de ce qui précède, la réponse à cette question doit être négative, les questions auxquelles devra répondre la Cour supérieure diffèrent de celles soumises au Tribunal d’arbitrage. Prétendre le contraire c’est se méprendre sur l’objet des demandes en arbitrage et les limites de la compétence du présent Tribunal.

5.    La décision de ne pas suspendre les procédures résulterait-elle en une multiplication de coûts pour les parties?

[324]   La réponse à cette question doit être nuancée.

[325]   D’une part, la tenue de deux (2) procès, en soi, multiplie les coûts. C’est un fait qu’on ne peut nier. Les parties devront se déplacer et se soumettre au processus de contestation en deux (2) occasions. Elles devront également mettre en état deux (2) dossiers, quoi que la mise en état du dossier d’arbitrage ne soit pas très complexe, les parties pouvant utiliser les mêmes expertises dans un dossier comme dans l’autre.

[326]   Cependant, et d’autre part, alors que les experts témoigneront sur l’existence de malfaçons dans le cadre de l’audition en arbitrage, leur témoignage traitera plutôt de vices cachés devant la Cour supérieure. Leur témoignage portera aussi sur le quantum des dommages dans les deux (2) instances, mais dans l’une le quantum sera évalué à la lumière de la nature des travaux effectués alors que dans l’autre, ce critère n’est pas pertinent. C’est plutôt la réparation complète et le dédommagement intégral ainsi que la mitigation des dommages qui fera l’objet de leur témoignage. En somme, les parties seront assujetties à deux (2) processus, mais il ne s’agit pas de se soumettre au même processus deux (2) fois.

[327]   Le fait que l’arbitre ait compétence exclusive pour décider de certains éléments force les parties à tenir deux (2) procès, mais c’est là une conséquence de la décision du législateur.

[328]   Dans la plupart des dossiers, les bénéficiaires exercent leur recours en arbitrage et la majorité des questions s’en trouvent réglées. Le recours récursoire de l’entrepreneur leur importe peu.

[329]   La particularité du présent cas réside dans le fait que plusieurs millions de dollars sont en jeu et que d’autres demandeurs, ne bénéficiant pas de la protection du Règlement, se sont joints aux Bénéficiaires dans le cadre du dossier civil. De plus, des contraintes légales ont forcé les Bénéficiaires à entreprendre le recours en Cour supérieure rapidement, mais après avoir fait leur réclamation à l’Administrateur, pour éviter la prescription de leur recours à l’encontre de la ville de Mont Tremblant. Ils ont demandé à cette dernière de renoncer à la prescription, mais leur demande a été rejetée. Par la suite, l’Administrateur a tardé à faire ses inspections, bien qu’il ait participé aux investigations avec les experts. Bref, il s’agit ici d’une saga judiciaire rendue complexe par les enjeux financiers, les recours récursoires de l’Entrepreneur et le nombre élevé de parties impliquées.

[330]   Si la multiplication des coûts existe, en un certain sens, elle est inévitable et ce critère, à lui seul, ne saurait être déterminant en l’espèce. Il faut tenir compte des réponses aux autres questions.

[331]   Pour tous ces motifs, je suis d’avis de ne pas suspendre le recours devant le Tribunal d’arbitrage.

DOMMAGES

[332]   Ayant décidé de la question de la suspension du dossier, il reste à décider la question des dommages.

[333]   Dans un premier temps, le Tribunal doit déterminer si l’arbitre a compétence pour octroyer une compensation monétaire et, dans l’affirmative, en vertu de quelles dispositions législatives. La jurisprudence n’étant pas claire et aucune décision n’ayant été rendue sous l’égide du nouveau Code de procédure civile, Me Gosselin, procureur de l’Administrateur, demande que cette question soit définitivement tranchée par le Tribunal.

[334]   Ensuite, si l’arbitre est compétente pour octroyer une compensation monétaire, il faudra alors déterminer si les Bénéficiaires ont droit d’obtenir de l’Entrepreneur une compensation pour les frais et honoraires d’avocats encourus pour la contestation du moyen préliminaire de l’Entrepreneur. Pareillement, le Tribunal devra décider si l’Entrepreneur a droit à une compensation monétaire en raison de la contestation qu’il qualifie d’abusive de son moyen préliminaire par les Bénéficiaires.

[335]   Les Bénéficiaires ont soutenu devant le Tribunal que l’arbitre a compétence pour octroyer des dommages en vertu du Règlement et de l’article 342 C.p.c. mais souligne qu’ils ne réclament pas une condamnation de l’Administrateur à ce titre.

[336]   L’Entrepreneur a d’abord soutenu que le Tribunal n’a pas compétence pour octroyer des dommages, soit les frais d’avocats, puisque le Règlement prévoit que chaque partie doit assumer ses frais. Par contre, plus tard au cours de la même audition, il a lui-même réclamé une compensation financière au même titre, admettant du coup la compétence du Tribunal. Il nie toutefois que la réclamation des Bénéficiaires à son endroit soit justifiée.

[337]   Bien évidemment, les Bénéficiaires ont soutenu n’avoir commis aucun abus ni aucun acte qui soit répréhensible et sujet à la condamnation que réclame l’Entrepreneur.

[338]   Pour sa part, l’Administrateur a principalement soutenu que le Tribunal n’a pas compétence pour octroyer une compensation monétaire de la nature de celle demandée et, subsidiairement, si le Tribunal est compétent, il plaide que les dommages subis découlent d’une faute civile extracontractuelle commise par l’Entrepreneur et donc exclu du Règlement. Il concède néanmoins que si le Tribunal peut octroyer des dommages, que le Règlement prévoit qu’il est garant de cette obligation de l’Entrepreneur. Il demande toutefois, du même souffle, d’en être exempté, en équité.

COMPÉTENCE DU TRIBUNAL À OCTROYER DES DOMMAGES

[339]   Rappelons d’abord que la compétence de l’arbitre découle du Règlement[147].

[340]   Le Règlement prévoit ce qui suit :

6. Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l’article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l’exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l’article 7 et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire.

 

7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.

 

37. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.

 

38.    L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

39. Les dépenses effectuées par le bénéficiaire, l’entrepreneur et l’administrateur pour la tenue de l’arbitrage sont supportées par chacun d’eux.

 

40.    L’administrateur qui indemnise un bénéficiaire en vertu de la présente sous-section est subrogé dans ses droits jusqu’à concurrence des sommes qu’il a déboursées.

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

(nos soulignements)

 

[341]   Les dispositions reproduites ci-haut et traitant du paiement des frais ont leur équivalent dans la section traitant des bâtiments non détenus en copropriété ainsi que dans la section III du chapitre II du Règlement portant sur l’arbitrage. Pour fins de référence, l’article 37 est repris à l’article 123, l’article 38 est repris à l’article 124 et l’article 39 est repris à l’article 125. L’article 40, pour sa part, n’est pas repris dans la section portant sur l’arbitrage.

[342]   Une interprétation littéraire du Règlement force à constater que les frais d’avocats encourus par une partie sont à sa charge et donc, ne peuvent être réclamés de l’autre partie. Il s’agit de l’affirmation du principe général en droit civil voulant que chaque partie paie les frais de ses procureurs[148].

[343]   Force est également de constater que l’Administrateur qui indemnise un bénéficiaire en vertu de cette sous-section est subrogé dans les droits de ce dernier et donc, peut réclamer le remboursement des sommes ainsi payées à l’Entrepreneur.

[344]   Dit plus clairement, toute somme payée à un bénéficiaire, pour et au nom de l’entrepreneur, par l’Administrateur, en sa qualité de caution, pour tout ce qui concerne les éléments indiqués à la sous-section 2, de la section 2, du chapitre II, soit : la couverture de la garantie (art. 25 à 28), les exclusions de la garantie (art. 29), les limites de la garantie (art. 30 à 32), les mécanismes de mise en œuvre de la garantie (art. 33 et 34) et les recours (art. 35 à 40) peut être récupérée auprès de l’entrepreneur par l’Administrateur.

[345]   Ceci étant établi, la question qui se pose en l’instance est celle de savoir si, en présence d’un comportement abusif ou répréhensible, il y a lieu de faire exception au principe général énoncé à l’article 39 du Règlement dans le cadre du recours en arbitrage.

[346]   Les parties ont soumis à l’attention du Tribunal plusieurs décisions traitant du pouvoir de l’arbitre d’octroyer des dommages, principalement sous forme de remboursement des frais d’avocats engagés dans le cadre de la procédure d’arbitrage prévue au Règlement.

[347]   Me Edwards, dans l’affaire Syndicat de copropriété Le Jouvence[149] a décidé que les frais d’avocats ne pouvaient être réclamés en vertu du Règlement. La décision de Me Lefebvre dans l’affaire Alexandra Fortier et Jean-François Laporte[150] est au même effet. Dans les deux (2) cas, les arbitres ont préconisé une interprétation littérale du Règlement.  Cependant, rien dans les décisions soumises ne laisse croire qu’il y ait eu abus du droit d’ester en justice et les arbitres n’ont procédé à aucune analyse à ce titre. Dès lors, ces autorités ne nous sont d’aucune utilité ici.

[348]   Me René Blanchet[151], pour sa part, réaffirme le principe voulant que les frais d’avocats soient supportés par chaque partie. Il ajoute néanmoins qu’il pourrait être fait exception à ce principe en cas de mauvaise foi ou d’abus de droit.

[349]   Je suis d’accord avec cette affirmation.

[350]   Toutefois, l’arbitre commente également l’étendue des obligations de l’entrepreneur que cautionne l’Administrateur et ce dernier s’appuie sur ces propos pour conclure qu’il ne peut être responsable d’autre chose que ce qui est prévu aux articles 26, 27 et 30 du Règlement.

[351]   Avec égards, le Tribunal est d’avis que l’arbitre commet une erreur lorsqu’il affirme que les obligations de l’entrepreneur que cautionne l’Administrateur sont limitées à ce qui est prévu aux articles 26, 27 et 30 du Règlement. À mon avis, cette interprétation est réductive des obligations de l’Administrateur et non conforme à l’article 7 du Règlement.

[352]   Me Gosselin dépose auprès du Tribunal la décision Drolet[152] laquelle laisse sous-entendre que le remboursement des frais d’avocats est peut-être possible, mais l’arbitre ne tranche pas définitivement la question.

[353]   L’Administrateur soumet ensuite au Tribunal la décision Campiz[153] rendue par l’arbitre Masson qui se déclare compétent à octroyer le remboursement de frais d’avocats, mais  soumet respectueusement que cette décision ne reflète pas l’état du droit.

[354]   Dans cette affaire, les bénéficiaires réclament le remboursement des frais d’avocats assumés inutilement en raison du comportement des parties. L’arbitre écrit ceci :

[100] Mais les procureurs de la demanderesse ont souligné au Tribunal d’arbitrage que la demanderesse a connu des problèmes hors de l’ordinaire dans le traitement du dossier en l’instance et qui l’ont, au premier abord, justifiée de s’adresser à un avocat pour obtenir conseil. À commencer par les défauts de Campiz de livrer le bâtiment dans le délai prévu, l’état d’avancement du chantier au moment prévu de la livraison et les agissements de Campiz tout au long de l’épopée entre le 25 mai et le 6 novembre 2001 ; par les longs délais entre le moment de la transmission de ses lettres de plaintes et les premières réactions de La Garantie, délais qui ont fait surgir en elle la crainte de ne pas être entendue ; par la demande de récusation de l’arbitre pour des motifs pour le moins fallacieux, laquelle demande a entraîné des frais importants ; par la longueur de l’audience. De tels frais sont de nature à décourager les réclamations et, à ce compte et à ces coûts, personne ne pourra se prévaloir du plan de garantie. De tels frais ne sont pas normaux considérant que le Règlement est du type d’une loi de protection du consommateur.

[101] Le Tribunal d’arbitrage est en complet accord avec les procureurs de la demanderesse.

 

[102] L’article 116 du Règlement édicte :

“Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.”

 

[103] Le Tribunal d’arbitrage estime qu’en l’instance les circonstances le justifient de décider en équité.

 

[104] Le Tribunal d’arbitrage estime qu’il ne devrait pas être aussi onéreux à un demandeur de demander l’arbitrage en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et arbitre à 25 % du montant de 18,350.30 $ les frais que devrait normalement supporter un demandeur. [154]

(nos soulignements)

[355]   Les Bénéficiaires soumettent la même décision et soutiennent qu’au contraire, cette décision est bien-fondée et doit trouver application.

[356]   Ils soumettent également les décisions Chan c. Les développements Groupe Montclair Bois-Franc inc.[155], Le Syndicat de la copropriété le Nouvel Europa c. Les projets Europa inc.[156], Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc.[157], qui confirment toutes que le remboursement des frais d’avocats peut être octroyé lorsqu’il y a abus de procédure.

[357]   L’Administrateur fait valoir que l’arbitre ne peut, en équité, créer, modifier ou ajouter au droit en vigueur[158]. Au soutien, il plaide une décision de Me Jeanniot[159] dans laquelle ce dernier affirme que l’arbitre ne peut puiser dans son pouvoir de juger en équité pour octroyer des choses qui sont manifestement exclues du Règlement. Dans cette affaire, il était question de travaux situés à l’extérieur du bâtiment et qui faisait l’objet d’une exclusion prévue au Règlement.

[358]   Le Tribunal est d’accord avec la position adoptée par Me Jeanniot. L’article 29 du Règlement se lit comme suit :

29. Sont exclus de la garantie:

 

1° la réparation des défauts dans les matériaux et l’équipement fournis et installés par le bénéficiaire;

2° les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

3° les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;

4° les dégradations résultant de l’usure normale du bâtiment;

5° l’obligation de relogement, de déménagement et d’entreposage des biens du bénéficiaire et les réparations rendues nécessaires à la suite d’événements de force majeure tels les tremblements de terre, les inondations, les conditions climatiques exceptionnelles, la grève et le lock-out;

la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur;

7° la réparation des dommages résultant des sols contaminés y compris le remplacement des sols eux-mêmes;

8° l’obligation d’un service public d’assurer l’alimentation en gaz ou en électricité du bâtiment;

9° les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain;

10° les promesses d’un vendeur à l’égard des coûts d’utilisation ou de consommation d’énergie d’appareils, de systèmes ou d’équipements entrant dans la construction d’un bâtiment;

11° les créances des personnes qui ont participé à la construction du bâtiment.

 

Toutefois, les exclusions visées aux paragraphes 2 et 5 ne s’appliquent pas si l’entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment.

(nos soulignements)

 

[359]   L’Administrateur soutient que la faute susceptible de sanction en vertu des articles 51 et 342 C.p.c. est de la nature de la faute civile extracontractuelle qu’il n’a pas cautionnée.

[360]   Cette qualification de la responsabilité qui découle des comportements visés par les articles précités est conforme à la jurisprudence en cette matière[160].

[361]   Me Gosselin soumet que l’article 29(6) du Règlement soustrait de la garantie toute réclamation fondée sur la responsabilité civile extracontractuelle de l’Entrepreneur. Il soutient que les frais payables en vertu du Règlement se limitent strictement à ce qui est prévu aux articles 37, 39, 123, 124 et 125 du Règlement. Il plaide que de décréter aujourd’hui que l’Administrateur peut être tenu de payer autre chose que ce qui est prévu au Règlement constituerait un ajout au Règlement, ce que l’équité ne permet pas.

[362]   Me Gosselin soumet aussi à l’attention du Tribunal la décision de Me Morissette dans l’affaire Alexis Waddel[161] et demande de déclarer que la réclamation de dommages en l’instance ne peut être accordée puisqu’exclus spécifiquement à l’article 29(6) du Règlement. Les paragraphes suivants sont les plus pertinents:

[55] Comme il appert des articles reproduits ci-avant [articles 8 à 24 du Règlement], le règlement restreint la couverture de la garantie aux manquements de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles spécifiques à l’usage du bâtiment;

 

[56] L’esprit du règlement est d’assurer les bénéficiaires que leur résidence peut servir à les abriter et est construite selon des standards précis. Le règlement protège le parachèvement des travaux, les réparations des vices de constructions, malfaçons, vices cachés et vices de conception qui surviennent à des époques précises et déterminées;

 

[57] Rien dans le texte du règlement ou dans le contrat ne permet d’exercer un droit relatif à une réclamation pour dommages et intérêts de nature contractuelle ou extra contractuelle pour l’Entrepreneur;[162]

(nos soulignements)

[363]   Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal estime que cette décision ne peut trouver application ici. D’une part, il n’est nullement question d’une réclamation des frais d’avocats, et encore moins en raison d’un abus de procédure comme il est allégué ici. D’autre part, il s’agit plutôt d’une demande de remboursement de sommes payées sous protêt à la notaire ainsi que de sommes payées pour des extras qui ne font pas partie du contrat préliminaire.

[364]   Le Tribunal reconnaît l’exactitude du paragraphe 56 reproduit ci-devant. Cependant, il y a plus.  

[365]   Le Procureur général du Québec s’exprimait ainsi dans son mémoire déposé dans le cadre d’une intervention relative à une sentence arbitrale rendue en vertu du Règlement :

« Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle. »[163]

(nos soulignements)

[366]   De l’avis du Tribunal, rien dans le Règlement n’indique que l’Administrateur ne cautionne que les obligations légales ou contractuelles de l’Entrepreneur spécifique à l’usage du bâtiment. Le Règlement a pour objectif de protéger les bénéficiaires en rétablissant un équilibre lors de mésententes avec leur entrepreneur, ce qui inclue forcément l’exercice des recours prévu au Règlement. Cette interprétation m’apparaît conforme à l’esprit du Règlement pour les raisons qui suivent.

[367]   Le Code civil du Québec édicte ce qui suit en matière d’interprétation :

1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

 

1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

 

1427. Les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat.

 

1429. Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

 

1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

[368]   Le Règlement, d’ordre public, a été adopté dans une optique de protection du consommateur en matière de construction résidentielle[164]. Bien que ce contrat ne soit pas, à proprement dit, un contrat de consommation au sens du Code civil, il n’en demeure pas moins que l’intention du législateur est claire en ce sens et que ce contrat doit être interprété comme s’il s’agissait d’un tel contrat, c’est-à-dire en faveur du consommateur (le bénéficiaire en vertu du Règlement).

[369]   Le Tribunal est d’avis que l’article 29(6) du Règlement peut s’interpréter de plusieurs façons. L’interprétation que propose l’Administrateur de cette disposition tend à limiter la responsabilité de l’Administrateur eu égard aux obligations de l’entrepreneur qu’il cautionne. Ce faisant, cette interprétation est réductive des droits des bénéficiaires.

[370]   Or, une lecture attentive de l’article 29 du Règlement permet de constater que les exclusions visent les travaux au bâtiment rendus nécessaires en raison d’événements qui ne présentent aucun lien avec les travaux de l’entrepreneur, tels la faute ou le fait d’un tiers (incluant le bénéficiaire), l’usure et le comportement normal des matériaux et la force majeure. L’exclusion relative à la responsabilité civile extracontractuelle se situe au 6e paragraphe, entre les manquements précités et les exclusions relatives aux sols contaminés, aux services publics, aux espaces et ouvrages situés à l’extérieur du bâtiment principal et les créances de ceux qui ont participé à la construction du bâtiment.

[371]   Toutes ces exclusions, lesquelles sont exhaustives, sont en lien direct avec le bâtiment. En aucun endroit il n’est question de responsabilité civile extracontractuelle qui soit en lien avec autre chose que la construction, la réparation ou l’usage du bâtiment. Or, l’article 7 du Règlement prévoit que l’Administrateur cautionne l’ensemble des obligations de l’Entrepreneur prévues à cette section du Règlement, ce qui inclue les articles 25 à 40.

[372]   Si le législateur avait voulu exclure des obligations de cautionnement de l’Administrateur la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur en ce qui concerne l’exercice des recours ou la manière dont il agit dans le cadre d’un recours en vertu du Règlement, il l’aurait indiqué clairement.

[373]   À titre d’exemple, l’article 39 aurait pu prévoir que les dépenses et frais encourus par chaque partie pour la tenue de l’arbitrage sont supportés par chacune d’elle, en toutes circonstances. Pareillement, il aurait pu prévoir à l’article 119 que toute demande de nature monétaire qui découle de la responsabilité civile extracontractuelle d’une partie dans le cadre de l’exercice de ses recours prévus au Règlement doit être déférée aux tribunaux de droit commun.

[374]   Il est vrai que le législateur n’a pas prévu spécifiquement la possibilité d’octroyer, en cas d’abus, le remboursement de frais et honoraires extrajudiciaires. Il aurait pu indiquer à l’article 39 du Règlement que chaque partie supporte ses dépenses dans le cadre d’un recours en arbitrage, sauf en cas d’abus auquel cas l’arbitre peut en décider autrement. Comme le législateur n’a ni prévu ni exclu cette possibilité, il apparaît raisonnable de statuer en faveur de l’interprétation qui protège au mieux les intérêts des parties et qui est la plus susceptible de permettre le respect du principe de bonne foi et de proportionnalité.

[375]   Le Règlement était en vigueur au moment où la Cour d’appel a rendu sa décision dans l’affaire Viel[165]. Lors de la plus récente modification du Règlement, plusieurs décisions[166] avaient été rendues déclarant que l’arbitre peut ordonner le remboursement des frais d’avocats en cas d’abus. Or, le législateur n’a pas jugé bon encadrer cet aspect dans le Règlement.

[376]    Le Tribunal ne voit pas pour quelle raison, alors que le Règlement n’exclut pas l’application du Code de procédure civile à la procédure arbitrale, ni la possibilité d’une condamnation aux frais extrajudiciaires, que le Tribunal en déciderait autrement. Je refuse donc de considérer qu’aucun autre frais ne soit payable sur la foi de ce seul argument.

[377]   L’Administrateur a indiqué au Tribunal que bien qu’il existe des décisions qui affirment que l’arbitre peut ordonner le remboursement des frais d’avocats dans certaines circonstances, le fondement juridique n’est pas clair. Il demande donc au Tribunal de déterminer non seulement si l’arbitre a compétence, en vertu du Règlement, pour ordonner le remboursement des frais d’avocats en cas d’abus du droit d’ester en justice, mais également de déterminer le fondement juridique de cette compétence.

[378]   Le Tribunal, après avoir pris connaissance de toutes les décisions soumises, constate que seul l’arbitre Masson[167] a ordonné le remboursement de frais d’avocats et cette décision n’a pas été en révision judiciaire de sorte que la Cour supérieure ne s’est jamais prononcée à ce sujet. Les autres décisions soumises[168] ont indiqué qu’il était possible d’ordonner le remboursement en cas d’abus du droit d’ester en justice, mais dans ces affaires, la preuve ne démontrait pas que tel avait été le cas. Dès lors, aucune autre décision n’a ordonné un tel remboursement dans le cadre d’un arbitrage. Dans ces circonstances, il m’apparaît nécessaire, comme le demande Me Gosselin, de déterminer si effectivement l’arbitre possède ce pouvoir et, si oui, en vertu de quelle disposition.

[379]   La demande des Bénéficiaires de même que celle de l’Entrepreneur s’appuient, selon les représentations qui ont été faites, à la fois sur l’article 116 du Règlement et sur l’article 342 C.p.c.

[380]   Les parties ont plaidé que le Code de procédure civile n’est pas applicable dans le cadre d’un arbitrage tenu en vertu du Règlement, mais que le Tribunal peut s’en inspirer, citant ici Me Jeanniot[169].

[381]   Certains diront, à l’instar de la juge Mainville, que la procédure d’arbitrage prévue au Règlement n’est pas à proprement parler une procédure consensuelle[170] et partant, que le Tribunal siégeant en vertu du Règlement n’est pas régi par la procédure d’arbitrage édictée au Code de procédure civile. Le Tribunal reconnaît que l’arbitrage obligatoire prévu au Règlement ne peut être considéré comme étant de la nature de l’arbitrage consensuel et le lecteur est référé aux motifs de la juge Mainville pour les détails à ce sujet. Néanmoins, affirmer pour autant que l’ensemble des dispositions des articles 620 et suivant du Code de procédure civile ne sont pas applicables n’est pas exact.

[382]   Une lecture comparative des dispositions du Règlement et du Code de procédure civile démontre que plusieurs dispositions du Règlement sont au même effet ou sensiblement au même effet que les dispositions du Code de procédure civile.

[383]   À ce titre, l’article 620 C.p.c. et les articles 107 à 109 et 116 du Règlement concernant la nomination de l’arbitre et son mandat sont similaires, avec les adaptations nécessaires, puisqu’il s’agit d’un arbitrage obligatoire prévu par la loi.

[384]   Les articles 623, 626, 627, 628, 629 et 630 C.p.c. portant sur la récusation et révocation de l’arbitre ou l’impossibilité pour ce dernier de remplir sa mission ainsi que les mesures provisionnelles trouvent écho aux articles 111 et 113 à 116 du Règlement.

[385]   La manière de débuter une instance d’arbitrage en vertu du Règlement (art. 107) est également semblable à celle prévue à l’article 631 C.p.c., avec les adaptations nécessaires. Quant à la procédure à suivre, les articles 110, 117 et 118  du Règlement encadrent les parties et le tribunal d’arbitrage.

[386]   L’arbitre siégeant en vertu du Règlement demeure maître du déroulement de la procédure devant lui (art. 128(6) du Règlement), tout comme celui siégeant en vertu du Code de procédure civile (art. 632 et suivants). De plus, l’arbitre siégeant en vertu du Code de procédure civile ne peut passer outre les principes de proportionnalité et de contradiction. Rien n’indique que l’arbitre siégeant en vertu du Règlement le pourrait.

[387]   Enfin, dans un cas comme dans l’autre, la décision de l’arbitre doit être motivée par écrit et elle lie les parties. Elle est finale et sans appel. Elle n’est susceptible d’exécution forcée que suite à son homologation par la Cour supérieure (art. 120 à 122 du Règlement et 642 et 645 C.p.c.).

[388]   Le Tribunal note d’ailleurs que les parties elles-mêmes s’appuient sur le Code de procédure civile dans le cadre du présent arbitrage et notamment la demande de déclaration d’abus, le moyen de litispendance et la demande de suspension au motif de proportionnalité et de saine administration de la justice.

[389]   La disposition préliminaire du Code civil du Québec édicte ce qui suit:

(…)

Le code est constitué d’un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l’esprit ou l’objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit commun. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger.

(nos soulignements)

[390]   La disposition préliminaire du Code de procédure civile, in fine, édicte que le Code « supplée au silence des autres lois » lorsque le contexte le permet.

[391]   Il appert de ces dispositions que le recours des parties en vertu du Règlement est en marge, mais non à l’abri du Code civil et du Code de procédure civile. C’est donc dire que ces Codes s’appliquent, lorsque compatibles avec le Règlement, et notamment quant aux principes fondamentaux qui sont les fondements de notre société de droit. Le Tribunal ne voit aucune raison de mettre de côté, comme étant exclu du Règlement, les principes de bonne foi et d’exercice raisonnable des droits qui s’imposent à tous et en tout temps.

[392]   Puisque je viens de déterminer que le Code de procédure civile s’applique, dans une certaine mesure, au présent recours, il me faut maintenant déterminer si les dispositions prévues aux articles 51 et 342 C.p.c. sont applicables en l’instance.

Articles 51 et 342 C.p.c. : applicables ou non en arbitrage?

[393]   Il apparaît pertinent ici de faire un survol rapide de l’état du droit civil à cet égard.

[394]   L’arrêt Viel[171] rendu en 2002 traite de la question du dédommagement d’une partie en raison des frais d’avocats encourus pour faire valoir ses droits. La Cour s’exprime ainsi :

77 Soit dit avec égards, les principes de la responsabilité civile m'incitent à apporter une réponse négative à la question posée. En principe et sauf circonstances exceptionnelles, les honoraires payés par une partie à son avocat ne peuvent, à mon avis, être considérés comme un dommage direct qui sanctionne un abus sur le fond. Il n'existe pas de lien de causalité adéquat entre la faute (abus sur le fond) et le dommage. La causalité adéquate correspond à ou aux événements ayant un rapport logique, direct et immédiat avec l'origine du préjudice subi. Seul l'abus du droit d'ester en justice peut être sanctionné par l'octroi de tels dommages. Il m'apparaît erroné de transformer l'abus sur le fond en un abus du droit d'ester en justice dès qu'un recours judiciaire est entrepris. Quelques explications s'imposent.

 

78 Il est acquis au débat qu'une partie ne peut, règle générale, être compensée des honoraires payés à son avocat pour faire valoir ses droits. Le justiciable devra payer ces honoraires extrajudiciaires qu'il y ait ou non abus sur le fond. Les honoraires ne seraient d'ailleurs pas encourus si la partie adverse reconnaissait, dès le début des procédures judiciaires, sa faute même si cette dernière peut être qualifiée d'abus sur le fond (conduite abusive, répréhensible, scandaleuse, outrageante, de mauvaise foi). Dans ce cas, malgré la conduite abusive sur le fond, la partie n'aurait pas à débourser inutilement des honoraires à son avocat. Cet exemple démontre l'absence de lien de causalité suffisant entre la faute et le dommage.

(…)

82 J'ajoute que même en matière d'abus du droit d'ester en justice, il faut éviter de conclure à l'abus dès que la thèse mise de l'avant est quelque peu fragile sans être abusive. Même dans les provinces de common law qui reconnaissent la notion de «dépens avocat-client» le peu de fondement d'une demande ne suffit pas à lui seul pour justifier l'octroi de tels dommages[41]. C'est, il me semble, une règle que reconnaît implicitement le législateur. L'article 75.2 C.p.c. se lit en partie :

 

Lorsqu'il rejette, dans le cadre de l'article 75.1, une action ou une procédure frivole ou manifestement mal fondée, le tribunal peut, sur demande, la déclarer abusive ou dilatoire. Il peut alors condamner la partie déboutée à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie si le montant en est établi.

(…)

84 J'ajoute que l'abus du droit d'ester en justice peut naître également au cours des procédures. L'abuseur qui réalise son erreur et s'enferme dans sa malice pour poursuivre inutilement le débat judiciaire sera responsable du coût des honoraires extrajudiciaires encourus à compter de l'abus.

(nos soulignements)

[395]   Ainsi, en 2002, la Cour d’appel vient confirmer que ce n’est qu’en cas d’abus de procédure que le remboursement des honoraires payés à l’avocat pourra être ordonné et non en cas d’abus sur le fond du litige. La conclusion de la Cour découle de l’application des principes de la responsabilité civile, soit la faute, le préjudice et le lien direct entre la faute et le préjudice.

[396]   Cette décision de la Cour survient par ailleurs à peu près au même moment où entre en vigueur la Loi portant sur la réforme du Code de procédure civile[172] intégrant au droit procédural les articles 4.1 et 4.2 C.p.c. La Cour d’appel indique ceci :

[170] (…) Celle-ci modifie le Code pour, entre autres choses, codifier le principe « de la maîtrise de leur dossier par les parties, dans le respect de l’obligation de bonne foi », et celui de la « proportionnalité ». Ces principes se retrouvent aux articles 4.1 et 4.2 C.p.c. :

(…)

[172]     Incidemment, à la suite de l’adoption de ces articles, les tribunaux se sont prévalus de ce nouveau pouvoir. Se fondant sur l’article 4.1 C.p.c. qui leur commande de veiller au bon déroulement de l’instance, ils ont été nombreux à intervenir, lorsqu’il leur était possible de le faire, dans le déroulement des procédures pour faire respecter la règle de proportionnalité énoncée à l’article 4.2. C.p.c.

 

[173]     Certains ont reproché de telles interventions, arguant que l’article 4.2 in fine limitait les pouvoirs des juges, en ne leur conférant le pouvoir de veiller au respect du principe de la proportionnalité qu’à l’égard des procédures qu’ils autorisent. (…)

 

[174]     Ce débat est maintenant révolu puisque dans les arrêts Marcotte c. Ville de Longueuil, Vivendi Canada inc. c. Dell’Aniello et Hryniak c. Mauldin, la Cour suprême a clairement opté pour une application large du principe de proportionnalité. Elle confirme l’importance de ce principe directeur dans la procédure civile, ainsi que le pouvoir d’intervention accru dont disposent les tribunaux pour veiller au respect de ce principe.

 

[175]     D’abord, dans l’arrêt Marcotte c. Ville de Longueuil, la Cour indique que la règle de proportionnalité ne peut être réduite à un simple principe à valeur interprétative qui n’accorde aucun pouvoir réel aux tribunaux. Au contraire, elle reconnaît que le principe de proportionnalité constitue une source du pouvoir d’intervention des tribunaux dans la gestion des procès. Le juge LeBel écrit[49] :

(…)

[176]     Ensuite, dans l’arrêt Vivendi Canada, la Cour réitère le principe énoncé dans l’arrêt Marcotte selon lequel la proportionnalité ne se réduit pas à un simple principe à valeur interprétative qui n’accorde aucun pouvoir d’intervention aux tribunaux. Elle rappelle qu’au Québec, le principe de proportionnalité énoncé à l’article 4.2 C.p.c. constitue l’une des sources du pouvoir d’intervention des tribunaux dans la gestion d’une instance civile[50] : [173]

(nos soulignements; références omises)

[397]   Par ailleurs, en 2009 fût adoptée la Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics[174] afin d’intégrer au corpus législatif du droit procédural des dispositions traitant de l’abus de procédure, avec pour objectif principal l’accès à la justice et l’équilibre des forces économiques des parties à une action. C’est ainsi que sont apparus les articles 54.1 et suivant de l’ancien Code de procédure civile[175]. Il semble donc que les modifications législatives apportées en 2009 soient une codification du principe énoncé dans l’arrêt Viel[176].

[398]   Quant au nouveau Code de procédure civile présentement en vigueur, il est intéressant de prendre connaissance des dispositions les plus pertinentes en lien avec le sujet ainsi que les commentaires du ministre de la Justice rattachés à chacune d’elles:

51. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif.

L’abus peut résulter, sans égard à l’intention, d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics.

 

Commentaires

Cet article reprend le droit antérieur tel qu’adopté par la Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens aux débats publics. Ainsi, il vise l’abus de procédure tant en première instance qu’en appel, et il a rendu applicable aux tribunaux de première instance la règle qui permettait à la Cour d’appel d’intervenir d’office. Le pouvoir de sanctionner les abus s’inscrit dans la mission des tribunaux d’assurer une saine gestion des instances et il constitue une application du principe de proportionnalité. Les actes doivent, quant à leur coût et au temps exigé pour les traiter, être proportionnés à leur nature et à leur finalité. Il ressort de la jurisprudence que les tribunaux sont très prudents dans l’exercice de ce pouvoir afin de ne pas brimer l’exercice des droits et de préserver notamment celui à une défense pleine et entière, mais il est aussi nécessaire, dans l’intérêt même de la justice, de réprimer ou de limiter les abus de la procédure.

 

L’article est une application en matière de procédure civile des principes posés par les articles 6 et 7 du Code civil, lesquels permettent de considérer que si l’abus peut résulter d’une intention de nuire, donc répréhensible, il peut aussi résulter de l’exercice déraisonnable ou excessif d’un droit qui rompt l’équilibre des droits entre les parties ou qui détourne le droit, ou ici la procédure, de sa fin sociale intrinsèque, l’administration de la justice telle que la disposition préliminaire du Code de procédure civile la circonscrit.

Outre l’abus prévu par ces articles du Code civil, le second alinéa de l’article regroupe sous la notion générale d’abus plusieurs cas ou situations similaires qui constituent des manifestations d’un exercice abusif du droit. Ainsi, sont considérés comme des abus, les demandes ou les actes manifestement mal fondés, frivoles ou dilatoires et les comportements vexatoires ou quérulents. Afin de contrer la tendance jurisprudentielle d’exiger de rechercher l’intention d’abuser de la procédure et de ne percevoir l’abus que s’il y a un geste répréhensible indiquant une volonté de nuire, il a semblé opportun, pour maintenir la portée que le législateur a voulu donner en 2009 aux dispositions sur l’abus de procédure, d’indiquer clairement qu’il peut y avoir abus « sans égard à l’intention » d’abuser, comme cela ressort des articles 6 et 7 du Code civil.[177]

 

54. Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure, incluant celui présenté sous la présente section, ordonner, le cas échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de l’instance, condamner une partie à payer, outre les frais de justice, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les débours que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs.

(…)

 

Commentaires

Cet article reprend le droit établi par la Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics, lequel prévoit que le tribunal peut, lorsqu'il se prononce sur le caractère abusif d'une demande ou d’un acte de procédure, condamner l’abuseur à payer non seulement des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, mais également des dommages-intérêts punitifs — lesquels s’apprécieront en fonction de l’article 1621 du Code civil. Suivant les circonstances, il peut également ordonner le remboursement de la provision pour les frais de l'instance versée à une partie.

Toutefois, pour éviter l’usage abusif de la section permettant de sanctionner les abus de la procédure, la disposition précise que l’acte de procédure dont le caractère abusif peut être examiné inclut l’acte présenté en vertu de cette section.

(…)[178]

 

341. Le tribunal peut ordonner à la partie qui a eu gain de cause de payer les frais de justice engagés par une autre partie s’il estime qu’elle n’a pas respecté adéquatement le principe de proportionnalité ou a abusé de la procédure, ou encore, s’il l’estime nécessaire pour éviter un préjudice grave à une partie ou pour permettre une répartition équitable des frais, notamment ceux de l’expertise, de la prise des témoignages ou de leur transcription.

Il le peut également si cette partie a manqué à ses engagements dans le déroulement de l’instance, notamment en ne respectant pas les délais qui s’imposaient à elle, si elle a indûment tardé à présenter un incident ou un désistement, si elle a inutilement fait comparaître un témoin ou si elle a refusé sans motif valable d’accepter des offres réelles, d’admettre l’origine ou l’intégrité d’un élément de preuve ou de participer à une séance d’information sur la parentalité et la médiation en matière familiale.

(…)

 

Commentaires

Cet article reprend le principe du droit antérieur selon lequel le tribunal pouvait mitiger ou compenser la règle de la succombance ou attribuer les dépens autrement. Il est pour partie de droit nouveau en liant expressément le pouvoir du tribunal au non-respect des principes de la procédure et aux manquements d’une partie à ses obligations et engagements dans le déroulement de l’instance.

 

Le premier alinéa énonce les critères que le tribunal prend en compte dans l’attribution des frais de justice. Son appréciation se fera au regard des principes directeurs de la procédure. Ainsi, il pourra ordonner à une partie de payer les frais engagés par une autre partie notamment pour assurer le respect du principe de la proportionnalité, pour sanctionner le comportement d'une partie, dont l’abus ou la mauvaise foi, ou pour éviter un préjudice grave à une partie. Il pourra également le faire dans le but de permettre une répartition équitable des frais.

 

Le deuxième alinéa accorde au tribunal le pouvoir de sanctionner un manquement principalement aux engagements pris par les parties dans le déroulement de l’instance. Ces engagements, notés dans le protocole de l'instance convenu entre les parties et soumis à l’appréciation du tribunal, lient les parties et ont une valeur quasi contractuelle. Cet alinéa regroupe également plusieurs règles du droit antérieur qui étaient réparties dans différents chapitres de l’ancien code et qui accordaient au tribunal le même pouvoir d’appréciation quant au paiement des frais liés au retard ou à des refus injustifiés de la part d’une partie.

Les changements apportés par cet article viennent renforcer la mission reconnue au tribunal d’assurer la saine gestion des instances et la portée des principes directeurs de la procédure, dont celui de la proportionnalité, de même que les objectifs de la procédure qui visent à accélérer le processus et à responsabiliser les parties dans leurs actions.[179]

 

342. Le tribunal peut, après avoir entendu les parties, sanctionner les manquements importants constatés dans le déroulement de l’instance en ordonnant à l’une d’elles, à titre de frais de justice, de verser à une autre partie, selon ce qu’il estime juste et raisonnable, une compensation pour le paiement des honoraires professionnels de son avocat ou, si cette autre partie n’est pas représentée par avocat, une compensation pour le temps consacré à l’affaire et le travail effectué.

 


 

Commentaires

Cette disposition s’inscrit dans la ligne de pensée de la précédente et de la règle prévalant en matière de sanction des abus de procédure. Elle vise à permettre au tribunal d'accorder à une partie, à titre de frais de justice et pour sanctionner des manquements importants dans le déroulement de l’instance, un montant qu'il estime juste et raisonnable afin de permettre à cette partie de supporter tout ou partie des honoraires professionnels de son avocat. Il indique en outre que le tribunal doit entendre les parties avant de rendre sa décision. De plus, si une partie n'est pas représentée par un avocat, le tribunal peut décider de l'indemniser pour le temps consacré à l’affaire et pour le travail effectué.[180]

(nos soulignements)

[399]   De ceci, le Tribunal retient que toutes les dispositions précitées visent le respect des principes directeurs énoncés au Code de procédure civile de même que ceux énoncés au Code civil du Québec. Ils visent également la responsabilisation des utilisateurs par la compensation du préjudice subi en raison du comportement abusif ou déraisonnable d’une partie, nonobstant l’absence d’intention d’abuser de la procédure ou de nuire à autrui. Ces dispositions traitent donc de la responsabilité d’une partie qui peut découlée de son comportement eu égard aux procédures qu’elle entreprend ou conteste, de la manière qu’elle utilise la procédure pour faire valoir ses droits.

[400]   Cependant, alors que l’article 51 C.p.c. se situe dans la section portant sur les pouvoirs des tribunaux et, plus spécifiquement, les pouvoirs de sanction des abus, l’article 342 C.p.c. se situe dans la section traitant des frais de justice, anciennement appelés « dépens ».

[401]   L’article 51 C.p.c. s’attaque principalement aux demandes et procédures qui sont abusives en soi de même qu’à l’utilisation déraisonnable des procédures plutôt qu’au comportement d’une partie dans la gestion et l’administration du dossier et des procédures. Elle a pour objectif principal de sanctionner l’abus du droit d’ester en justice. La condamnation au remboursement des frais d’avocats ou l’octroi de dommages-intérêts compensatoires ou même punitifs en vertu de l’article 54 C.p.c. peut avoir lieu en tout état de cause et en sus de, ou nonobstant, l’octroi à l’une ou l’autre des parties des frais de justice prévus aux articles 339 et suivants C.p.c.

[402]   Quant à l’article 342 C.p.c., il s’attaque plus particulièrement au comportement d’une partie, à la manière dont elle s’y prend pour faire valoir ses droits et notamment son respect des ordonnances et engagements de même que le respect du contrat judiciaire intervenu entre les parties quant au déroulement de l’instance. Ici, le législateur ne s’attarde pas tant à la légalité des actes de procédure, mais plutôt à la façon dont le droit est exercé. Il s’agit ici de sanctionner les manquements importants survenus dans le cadre du déroulement de l’instance et non les manquements de moindre importance[181].

[403]   Puisqu’il s’agit d’évaluer le comportement d’une partie dans le cadre du déroulement de l’instance, il est vrai, comme le souligne le procureur de l’Entrepreneur, qu’une condamnation en vertu de l’article 342 C.p.c. devrait normalement trouver application à la fin de l’instance plutôt qu’en cours d’instance. Toutefois, rien n’empêche un tribunal de se prononcer sur les frais de justice dans le cadre d’une demande incidente s’il constate qu’il y a eu un manquement important eu égard au déroulement de la procédure entourant la demande incidente. La tendance toutefois tend à réserver la décision quant aux frais de justice sur un incident au fond de l’instance (frais à suivre le sort du recours principal).

[404]   Par l’adoption du principe de proportionnalité à titre de principe directeur de la procédure civile il semble que le législateur ait voulu introduire formellement dans le droit procédural les notions de bonne foi et d’exercice raisonnable des droits, de manière à ne pas nuire à autrui. De l’avis du Tribunal, le législateur a introduit formellement les principes de responsabilité, d’équité et d’équilibre entre les forces économiques des parties pour éviter que les moyens de l’un n’aient raison des droits de l’autre.

[405]   Par la reconnaissance de l’existence de comportements moralement condamnables, le législateur vient mettre un frein aux abus de toute sorte, selon qu’il s’agisse d’un abus du droit d’ester en justice ou de son exercice déraisonnable, ou encore les manquements importants au contrat judiciaire établi entre les parties dans le cadre du déroulement de l’instance.

[406]   Cela étant, il est impossible de prévoir toutes et chacune des situations potentielles d’abus et c’est pourquoi il est permis de se référer aux principes directeurs adoptés afin de guider les tribunaux et les décideurs dans l’interprétation des dispositions générales et spécifiques.

[407]   De cette analyse, le Tribunal tire la conclusion que les articles 51 et 342 du Code de procédure civile sont des moyens de mise en œuvre des principes fondamentaux énoncés au Code de procédure civile. Il est de leur nature de permettre l’application des principes directeurs du droit procédural, principes qui, il me semble, doivent s’appliquent également, sinon davantage à l’arbitre siégeant en vertu du Règlement, notamment à la lumière de l’objectif du législateur.

[408]   La jurisprudence a maintes fois réitéré les objectifs du Règlement[182], soit le règlement rapide et à moindre coût[183] des dossiers impliquant un bénéficiaire et son entrepreneur, avec la présence d’une tierce partie, l’administrateur du plan de garantie.

[409]   Comme l’arbitre a un devoir de procéder à l’audition avec célérité et rapidité, dans le cadre d’une procédure souple et à moindre coût, il apparaît tout naturel qu’il puisse exercer sa compétence en possédant les pouvoirs de mise en œuvre de sa mission. Bien que non prévu spécifiquement au Règlement, celui-ci n’exclut par ailleurs pas ce principe que le Tribunal considère fondamental à l’exercice de sa fonction, et implicite au Règlement.

[410]   Bien que ces dispositions peuvent avoir un effet sur l’exercice des droits des parties en encadrant la manière de les exercer, ils ne sont toutefois pas de nature à empêcher une partie

[411]   Pour sa part, l’article 125 du Règlement reprend le principe général voulant que chaque partie assume ses frais d’avocats. Ce n’est pas parce que ce principe général est repris au Règlement qu’il faut considérer qu’il s’agit d’une disposition spécifique qui doive avoir préséance sur les principes directeurs de la procédure civile.

[412]   Le législateur a voulu empêcher l’exercice abusif ou déraisonnable de la procédure et inviter les parties à limiter le débat à ce qui est strictement nécessaire pour résoudre le différend, éviter les réclamations ou contestations frivoles, dilatoires ou stratégiques en assurant une célérité du traitement du dossier par l’usage de moyens procéduraux proportionnels à l’enjeu réel.

[413]   La soussignée est d’avis que même siégeant en vertu du Règlement, et même si le Code de procédure civile ne s’applique pas intégralement ici, le Tribunal doit respecter les principes fondamentaux de proportionnalité et de contradiction qui y sont prévus, de même que les principes de saine administration de la justice qui constituent des assises en droit québécois. D’ailleurs, l’article 632 C.p.c. interdit à l’arbitre de passer outre ces principes dans le cadre d’un arbitrage tenu en vertu du Code civil.

[414]   Cette obligation de favoriser une gestion permettant la réalisation des objectifs énoncés par le législateur s’applique à tous les décideurs.

[415]   C’est d’ailleurs, de l’avis du Tribunal, ce que le législateur entend lorsqu’il énonce, à l’article 116 du Règlement, que l’arbitre décide conformément aux règles de droit, et en équité lorsque nécessaire. Le Règlement aurait pu indiquer que l’arbitre décide conformément aux dispositions du Règlement, et en équité lorsque nécessaire. Or, il ne l’a pas fait, et puisque le législateur ne parle pas pour ne rien dire, il faut entendre sa voix à la lumière des objectifs et de l’esprit du texte.

[416]   Conséquemment, le Tribunal est d’avis que le Code de procédure civile est applicable en arbitrage dans la mesure où il s’agit de l’application des principes propres à la contradiction et des règles de justice naturelle qui en découlent (impartialité, droit d’être entendu, droit à une défense pleine et entière).

[417]   De même, il y a lieu d’appliquer le Code pour tout ce qui a trait à l’application des mesures propres à la mise en œuvre des principes directeurs de proportionnalité et de saine administration de la justice. Ces principes sont applicables en arbitrage, mais doivent toutefois être interprétés et appliqués conformément aux dispositions du Règlement, étant compris qu’une disposition spécifique doit avoir préséance sur une disposition générale et que la procédure arbitrale se veut plus souple et plus rapide que la voie judiciaire ordinaire.

[418]   Puisque le Tribunal a décidé que le Code de procédure civile s’applique, dans une certaine mesure, au présent recours en arbitrage et comme les articles 51 et 342 C.p.c. constituent des mesures de mise en œuvre des principes directeurs de la procédure, je ne vois rien d’inconciliable entre ces dispositions et ce que prévoit le Règlement.

[419]   En l’espèce, le Tribunal est d’avis que le pouvoir de sanctionner les abus est intimement lié à la mission d’assurer la saine administration de la justice et le contrôle de la proportionnalité des actes de procédure. Cette obligation s’impose aussi à l’arbitre siégeant en vertu du Règlement.

[420]   Conclure autrement aurait pour effet de permettre à une partie d’agir déraisonnablement dans l’exercice de ses droits dans le cadre du Règlement, qui est d’ordre public de protection, malgré les principes fondamentaux du droit procédural, alors que cela est interdit en vertu du droit commun.

[421]   J’ajoute également que prétendre que le Tribunal ne peut, dans le cadre de la procédure d’arbitrage en soi, plus rapide, plus souple et moins formaliste que la traditionnelle procédure devant les tribunaux de droit commun aurait pour conséquence de permettre à une partie de commettre toute sorte d’abus et d’agir déraisonnablement sachant que l’arbitre n’a aucun pouvoir ou un pouvoir très limité de contrôler les abus.

[422]   Les articles 51, 54 et 342 C.p.c. ne sont contredits par aucune disposition du Règlement de sorte qu’il n’y a pas lieu de les exclure. Au contraire, il apparaît opportun de déclarer que ceux-ci sont applicables au présent arbitrage.

[423]   En somme, pour répondre clairement à la demande de l’Administrateur de déterminer en vertu de quelles dispositions l’arbitre tire son pouvoir d’octroyer des dommages, le Tribunal est d’avis que l’article 116 du Règlement octroi ce pouvoir lorsqu’il commande à l’arbitre de décider conformément aux règles de droit et en équité lorsque les circonstances le justifient. Les articles 51, 54 de même que l’article 342 C.p.c. sont des dispositions d’équité qui visent à permettre l’application des principes directeurs du droit procédural et donc l’arbitre qui applique l’un de ces articles dans le cadre de la procédure prévue au Règlement voit à l’application des règles fondamentales du droit procédural.

DROIT AU REMBOURSEMENT

[424]   En l’espèce, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur se réclament de part et d’autre le remboursement de leurs frais d’avocats. L’un en raison de la tardiveté de l’autre à soulever et présenter son moyen préliminaire, et l’autre en raison du refus de l’un de présenter le moyen préliminaire conjointement.

[425]   L’Honorable Lise Bergeron, j.c.s., indiquait ceci au sujet du « manquement important » prévu à l’article 342 C.p.c. :

[5]        Dans le cadre des débats parlementaires, le ministre de la Justice du Québec de l’époque, Me St-Arnaud, lors de l’étude détaillée du projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile, décrivait que le manquement important auquel référait l’article 342 C.p.c. est plus qu’anodin, mais d’une gravité moindre qu’un manquement grave[1].[184]

(nos soulignements)

[426]   Il n’est pas contesté que le « manquement important » énoncé à l’article 342 C.p.c. doit découler du comportement d’une partie et non du procureur[185] et que c’est ce comportement « dans le cadre des procédures judiciaires qui doit être évalué et non pas la position adoptée par elle sur le fond de l’affaire [186]».

[427]   Par ailleurs, et comme le soumet Me Hillier :

[30] Le fait de contester et de devoir débattre contradictoirement devant un tribunal un point de droit ne fait pas d’un avocat un adversaire hostile ou négligent qui refuse de faire progresser son dossier. Si cela était, il y aurait une quantité infinie de réclamations.

 

[31] Le législateur, par l’article 342 C.p.c. ne cherche pas à empêcher toute intervention devant un tribunal et rendre ainsi inutile un débat contradictoire.[187]

[428]   On me cite à titre d’exemple de « manquements importants » le manque flagrant de collaboration et de coopération[188], le défaut de respecter des ordonnances[189], le défaut de respecter les délais convenus[190], le défaut de remettre des éléments de preuve importants tardivement sans justification[191], l’usage de manœuvres dilatoires telles la notification d’une réponse au procureur de la demanderesse, en omettant de la produire au dossier de la Cour et de la faire timbrer[192], le défaut de participer à une conférence de gestion quoi que dûment convoquée[193], les demandes en cours d’instance tardives et aux fondements douteux[194], la demande de remise pour se prévaloir tardivement d’une expertise[195], la production hors délai d’une réponse, après avoir été déclaré en défaut et sans demande à la Cour d’être relevé dudit défaut[196], des aveux tardifs[197].

[429]   Le juge appelé à rendre une décision suite à une demande formulée en vertu de l’article 342 C.p.c. jouit d’une grande discrétion, quoique cette compensation ne devrait être octroyée que pour des motifs sérieux[198]. De plus, selon l’auteure Marie-Josée Hogue, une condamnation en vertu de l’article 342 C.p.c. devrait être plus facile à obtenir que ce qui prévalait auparavant alors que preuve d’une faute s’apparentant à de l’abus du droit d’ester en justice devait être faite, de même que celle du lien de causalité entre les honoraires réclamés et la faute commise[199].

Droit des Bénéficiaires au remboursement de frais extrajudiciaires

[430]   En l’instance, je suis d’avis que la réclamation des Bénéficiaires à ce titre est fondée.

[431]   D’une part, je n’accepte pas l’argument de l’Entrepreneur voulant qu’il ne pouvait présenter sa demande de suspension avant même que l’instance n’ait débuté. Je rappelle ici que le dossier SDC Panache aurait pu être entendu au mérite dès la première audience. Or, pour les raisons invoquées plus haut, l’audition de ce dossier a été scindée. Il n’en demeure pas moins que lorsque l’arbitre a été saisie des dossiers en 2013, des recours parallèles existaient et il aurait été possible de soulever cette difficulté à ce moment. Il m’apparaît plutôt que l’Entrepreneur n’a pas pris au sérieux les demandes d’arbitrage des Bénéficiaires et qu’il a négligé de traiter ce dossier avec la célérité nécessaire. Il s’est concentré sur l’exercice de ses recours récursoires et sa capacité de récupérer auprès de tiers les sommes dont il peut être tenu responsable en vertu du Règlement, et du Code civil pour ce qui concerne le dossier en Cour supérieure. Il a cru, à tort, que les Bénéficiaires ne tiendraient pas autant à leur demande d’arbitrage.

[432]   Je rejette donc l’argument de l’Entrepreneur voulant que l’instance d’arbitrage n’ait pas encore débuté. Ce n’est que sa prise de conscience qui vient de débuter.

[433]   Quant aux dossiers autres que le SDC Panache, le contexte particulier de cette affaire fait en sorte que même si la première audience aurait pu être la seule si les parties avaient accepté les décisions ultérieures de l’Administrateur, il était plus que prévisible qu’il y aurait contestation et puisque telle était le cas, cette question aurait dû être abordée à titre de mesure préventive soit en conférence avec l’arbitre, soit avec le juge Caron, j.c.s.

[434]   J’estime également que les Bénéficiaires ont raison de dire qu’ils n’auraient jamais accepté que soit tenue une audition de cinq (5) jours portant uniquement sur la recevabilité des recours (et les questions préalables du dossier SDC Panache), n’eût été du fait qu’en aucun moment ils n’ont été informés que l’Entrepreneur gardait pour plus tard la présentation d’autres moyens préliminaires.

[435]   Bien que Me Hillier souligne avoir collaboré avec ses collègues et même, avoir été celui qui a préparé la première ébauche du document produit conjointement en l’instance, il me faut ici considérer le comportement de sa cliente depuis le début de cette saga et non le sien.

[436]   Un fait demeure et c’est que l’Entrepreneur a manqué de transparence en ne soulevant pas son moyen préliminaire de litispendance plus tôt. Il a aussi retardé les choses en tardant à faire préparer ses expertises, tenant de ce fait l’Administrateur, et les Bénéficiaires du même coup, otage dans l’attente qu’il remette copie de ses rapports d’expertise à l’Administrateur suite aux décisions de l’arbitre. Ce faisant, il a empêché que soient rendues rapidement les décisions de l’Administrateur.

[437]   De fait, dès décembre 2013 l’Administrateur annonçait avoir tout en main pour rendre des ordonnances au mérite, si nécessaire, selon les décisions que rendrait le Tribunal dans les onze (11) dossiers, étant compris qu’à cette époque il n’était pas question pour l’Administrateur de se pencher de nouveau sur le dossier du SDC Panache.

[438]   Pour leur part, les procureurs de l’Entrepreneur ont indiqué qu’ils n’étaient pas disposés à recommander la tenue d’expertises avant que les décisions de l’arbitre ne soient rendues. Or, le dossier parallèle qui se poursuit en Cour supérieure nécessite lui aussi des expertises et il appert que ce sont les mêmes expertises qui seront utilisées dans les deux (2) instances. Pourquoi avoir retardé la tenue des expertises si celles-ci étaient nécessaires dans l’autre dossier?

[439]   En décembre 2016, le procureur des Bénéficiaires contactait la soussignée, requérant la tenue d’une conférence de gestion, les décisions de l’Administrateur n’étant toujours pas rendues.

[440]   Dans le cadre de la conférence tenue le 26 janvier 2017, l’Entrepreneur a soutenu qu’il avait le droit de remettre à l’Administrateur une copie de ses expertises aux fins de considération dans le cadre des décisions à rendre. Il a annoncé avoir remis à l’Administrateur un rapport traitant des malfaçons en décembre 2016 et indiqué que l’Administrateur avait tout en main pour rendre ses décisions eu égard à l’existence ou non de malfaçons. Quant au rapport portant sur l’étendue des dommages, il devait être préparé suite aux interrogatoires qui devaient avoir lieu en février dans le dossier en Cour supérieure. Ce rapport portant sur l’étendue des dommages et leur quantum devait être remis le 15 mai suivant conformément au protocole de l’instance en Cour supérieure et Me Hillier a indiqué que ce rapport aussi était nécessaire à l’Administrateur.

[441]   En conséquence de cette affirmation, l’Administrateur a demandé à être autorisé à rendre ses décisions au plus tard le 15 juin suivant, soit près d’un an après que les décisions du Tribunal d’arbitrage aient été rendues.

[442]   Le Tribunal a d’abord noté des propos des procureurs que le rapport de l’expert de l’Entrepreneur remis à l’Administrateur en décembre 2016 reconnaît l’existence de non-conformités. Le Tribunal a donc exigé de l’Entrepreneur qu’il indique par écrit le nom des SDC pour lesquels il reconnaît l’existence de malfaçons, sans égard à l’étendue de celles-ci et leur quantum et ce, afin d’accélérer le processus d’arbitrage éventuel, mais on ne peut plus prévisible. Advenant qu’il y ait reconnaissance de malfaçons, le débat pourrait être limité à la nécessité des travaux, l’étendue et le quantum des dommages.

[443]   Or, malgré le rapport d’expert qui, m’a-t-on dit, reconnaît l’existence de malfaçons et, sur la foi d’une annexe de ce rapport que m’a transmis l’Entrepreneur et qui, à première vue, semble effectivement reconnaître l’existence de non-conformités (appelés aussi des malfaçons), ce dernier a refusé de reconnaître quelque malfaçon que ce soit.

[444]   Cependant, il a affirmé plus tard devant moi, en cours d’audition, que sa cliente reconnaissait qu’il y avait pour 1,5 million de dollars de dommages à compenser en raison de non-conformités. Invité à verser cette somme aux Bénéficiaires, dans l’objectif avoué d’amener les parties à entamer ou à tout le moins, tenter de faire évoluer des négociations de règlement hors Cour, l’Entrepreneur refuse de verser cette somme, sauf si ses sous-traitants le dédommagent avant qu’il ne verse cette somme aux Bénéficiaires.

[445]   D’emblée, cette position m’apparaît déraisonnable et ne démontre aucunement la bonne foi de l’Entrepreneur. Lorsque l’on reconnaît devoir une certaine somme, on la paie et on poursuit le débat pour l’excédent seulement.

[446]   Je rappelle aussi que son propre expert a participé à la préparation des mesures différentes qui ont été soumises à la Régie du bâtiment suite aux inspections.

[447]   La position adoptée par l’Entrepreneur en janvier 2017 voulant que l’Administrateur doive attendre le 15 mai pour recevoir une copie du rapport étant tout à fait déraisonnable, le Tribunal a rendu une ordonnance de gestion obligeant l’Entrepreneur à fournir ses expertises à l’Administrateur dans un certain délai s’il souhaitait qu’elles soient considérées pour rendre les décisions. Pour éviter que l’Administrateur ne reste otage de l’Entrepreneur, le Tribunal a aussi rendu une ordonnance péremptoire à l’endroit de l’Administrateur afin qu’il soit forcé de rendre ses décisions au plus tard le 31 mars 2017, avec ou sans les expertises de l’Entrepreneur.

[448]   Suivant l’annonce par l’Entrepreneur qu’il réservait ses droits de soulever la litispendance devant l’un ou l’autre des forums dans le futur, l’arbitre a jugé à propos d’ordonner qu’il divulgue au plus tard le 28 février l’ensemble des moyens préliminaires qu’il entendait faire valoir dans l’éventualité d’une contestation en arbitrage des décisions à être rendues et ce, afin de trouver une date qui convienne à tous pour en débattre en anticipation des agendas remplis et des vacances. Le cas échéant, l’audience sur ce débat pouvait être annulée. L’Entrepreneur s’est conformé à cette ordonnance, le 28 février 2017 date ultime, et pas avant.

[449]   La soussignée a aussi été tenue de rendre diverses ordonnances de gestion et des ordonnances de gestion supplémentaire afin de forcer la progression du dossier et d’empêcher que ne soient gardés dans la poche d’autres moyens préliminaires.

[450]   De tout ceci, le Tribunal ne peut que donner raison aux Bénéficiaires qui se plaignent d’avoir dû payer des sommes faramineuses à titre d’honoraires d’avocats en raison de la tardiveté du moyen soulevé par l’Entrepreneur. On sait aujourd’hui que ce moyen n’a pas réussi. Quoi qu’il en soit, une bonne partie du débat, soit celui traitant de la forclusion et de la théorie de l’acquiescement aurait pu être évité, de même que tout ce qui touche à la réclamation de dommages.

[451]   Le Tribunal est d’avis que la demande de l’Entrepreneur de suspendre le dossier au motif de litispendance n’aurait jamais dû avoir lieu en 2017, dans les circonstances propres à ce dossier, qu’elle est abusive au sens de l’article 51 C.p.c. et que les Bénéficiaires ont droit à des dommages.

[452]   Quant à la demande de suspension du recours pour des raisons de proportionnalité et de saine administration de la justice, le Tribunal estime que celle-ci n’était pas abusive, sous réserve des commentaires suivants.

[453]   En effet, il n’y a pas lieu de déclarer cette demande abusive au sens de l’article 51 C.p.c. puisqu’elle est malgré tout faite dans un objectif sérieux de poursuite des intérêts supérieurs de la justice. Déclaré une telle demande abusive viendrait, il me semble, mettre un frein aux demandes de cette nature qui, de l’avis du Tribunal, doivent pouvoir être présentée en tout temps. Il n’est pas opportun de freiner les initiatives sérieuses afin de favoriser l’atteinte des objectifs législatifs de proportionnalité qui s’impose en tout temps.

[454]   Cela étant dit, cette demande, dans le contexte particulier de cette affaire, me semble tout de même tardive et j’ai un doute quant au sérieux de celle-ci. Il n’y a rien qui m’ait été apporté qui soit nouveau, soudain ou majeur et qui puisse expliquer qu’aujourd’hui, il est nécessaire de suspendre le présent dossier.

[455]   Le dossier n’est pas tellement différent de ce qu’il était auparavant, sauf que l’Entrepreneur réalise maintenant que les Bénéficiaires tiennent réellement à leur recours en arbitrage. Il ne s’agit aucunement d’un fait nouveau. Au surplus, le fait qu’il y aurait contestation, en arbitrage, des décisions au mérite de l’Administrateur était plus que prévisible, dans les circonstances. Cette situation aurait très bien pu faire l’objet de discussions il y a longtemps, et à tout le moins dès juillet 2016.

[456]   Les parties eussent-elles été informées de la position de l’Entrepreneur qu’elles auraient pu convenir entre elles de suspendre le dossier d’arbitrage et de ne pas requérir de l’Administrateur qu’il rende des décisions au mérite. Elles auraient également pu convenir qu’il n’était pas opportun de suspendre suite à une analyse minutieuse des recours, de leur nature et des conclusions possibles et réalistes que peuvent rendre à la fois l’arbitre, et la Cour supérieure. Ce débat aurait pu être évité complètement, sauf si des faits nouveaux étaient survenus. Elles auraient également pu demander un jugement déclaratoire à la Cour supérieure sur la proportionnalité afin de prévenir la présente situation.

[457]   D’abondant, j’ajoute que l’Honorable juge Caron de la Cour supérieure est saisi de la gestion particulière du dossier civil. En aucun temps, selon ce qui m’a été confirmé par les procureurs, cette situation n’a été portée à son attention et aucune discussion à ce sujet n’a eu lieu entre les parties. Les Bénéficiaires ont donc raison d’être surpris de cette prise de position aujourd’hui. Il en allait de l’intérêt de toutes les parties de traiter efficacement les diverses demandes.

[458]   Me Hillier a fait valoir qu’une partie ne peut être accusée d’abuser de son droit d’ester en justice ou de ne pas respecter le principe de proportionnalité lorsqu’elle exerce sérieusement un droit prévu à la loi[200]. Certes, en temps normal, on ne le devrait pas. Néanmoins, encore faut-il exercer nos droits en temps utile et de manière raisonnable.

[459]   Puisqu’il n’y a pas lieu de déclarer cette demande abusive, je suis tout de même d’avis que la tardiveté à la soulever doit être prise en compte.

[460]   Le Tribunal reconnaît qu’il puisse être plus facile de décider s’il y a eu, ou non, des manquements importants dans le déroulement de l’instance lorsque celle-ci est terminée. Toutefois, il m’est d’avis que rien n’empêche de le faire plus tôt. Lorsqu’il est évident au stade d’une demande interlocutoire qu’il y a déjà eu des manquements importants dans le déroulement de l’instance, il convient de le déclarer à la première occasion, dans l’espoir que la partie en défaut rectifie son comportement pour la suite du dossier et limite ainsi son risque d’être condamné à des montants supplémentaires.

[461]   Dans le présent dossier, je suis d’avis que l’Entrepreneur a commis des manquements importants dans le déroulement de l’instance d’arbitrage, à commencer par son refus de payer les sommes qu’il reconnaît devoir, les délais encourus par sa négligence à faire faire les expertises en temps utile. En somme, il a mis le dossier d’arbitrage à la remorque du dossier en Cour supérieure. Il a tardé à présenter ses moyens préliminaires et le Tribunal estime que dans les circonstances, les ordonnances de gestion rendues n’auraient jamais eu à être rendues si l’Entrepreneur avait agi de manière raisonnable. Ce faisant, il a requis de toutes les parties un important investissement de temps et d’argent. Sa contestation de l’existence de malfaçons à toute apparence d’une contestation dilatoire, mais, à ce stade du dossier, le Tribunal ne peut se prononcer sans avoir entendu les parties au mérite du dossier.

[462]   Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas là de manquements de moindre importance dans le contexte du présent dossier et notamment eu égard au fait que des millions de dollars sont en jeu, dans le cadre d’un Règlement d’ordre public de protection où l’équilibre économique n’est pas au rendez-vous.

[463]   Par conséquent, les Bénéficiaires doivent être dédommagés.

[464]   Advenant que l’audition au mérite de l’affaire démontre que la contestation de l’Entrepreneur quant à l’existence des malfaçons est futile et dilatoire au sens de l’article 51 C.p.c., les Bénéficiaires pourront demander au Tribunal de se prononcer de nouveau à ce titre.

Droit de l’Entrepreneur au remboursement de frais extrajudiciaires

[465]   Le Tribunal ne fait pas droit à la demande de l’Entrepreneur. Rien dans la preuve n’a démontré que les Bénéficiaires aient abusé de leur droit d’ester en justice ou qu’ils aient agi de manière non conforme au principe de proportionnalité.

[466]   Qui plus est, conformément à la jurisprudence soumise, le simple fait de contester en justice une demande ne fait pas d’une partie un adversaire hostile ou négligent[201]. C’est ce que reproche l’Entrepreneur aux Bénéficiaires, ces derniers ayant refusé de présenter la demande de suspension conjointement avec lui.

[467]   Les parties n’ayant fait la preuve d’aucun frais d’avocats en lien avec les moyens préliminaires soulevés et les demandes, de part et d’autre, de remboursement d’honoraires extrajudiciaires, il y a lieu de convoquer les parties à une audition traitant uniquement de ce sujet. Cette audition aura lieu une fois le délai pour demander la révision judiciaire de la présente sentence expiré.

[468]   Ayant confirmé que l’arbitre siégeant en vertu du Règlement peut condamner une partie au paiement d’honoraires extrajudiciaires en raison de l’article 116 du Règlement qui prévoit que le Tribunal doit décider selon les règles de droit (lesquelles incluent les articles 51 et 342 C.p.c.) et en équité lorsque les circonstances le justifient, il va de soi qu’une telle déclaration à l’encontre de l’Entrepreneur est opposable à l’Administrateur. De l’avis du Tribunal, exclure la responsabilité de l’Administrateur en équité serait contraire à l’esprit du Règlement qui veut que l’Administrateur soit garant des obligations de l’Entrepreneur prévues au Règlement, qui est d’ordre public de protection.

[469]   Toutefois, l’article 40 du Règlement permet à l’Administrateur de récupérer toutes sommes qu’il aura dû verser aux Bénéficiaires à titre d’indemnité. L’Administrateur sera donc subrogé dans les droits des Bénéficiaires en cas de défaut de l’Entrepreneur de se conformer à la décision du Tribunal.

[470]   L’Entrepreneur a demandé au Tribunal de réserver ses droits de demander de nouveau la suspension de l’instance dans le futur. Il a également demandé de rendre une décision séparée dans le dossier du SDC Panache si le Tribunal estime que ce dossier a un impact sur le traitement des autres dossiers.

[471]   Le Tribunal réserve les droits de l’Entrepreneur de demander de nouveau la suspension du dossier dans le futur, cette demande n’ayant pas été contestée, mais rejette la demande de rendre une décision séparée dans le cas du SDC Panache.

Frais

[472]   Conformément à l’article 37 et à l’article 123 du Règlement, l’Entrepreneur étant le demandeur en l’instance, les frais du présent arbitrage sont partagés en parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande de suspension de l’Entrepreneur;

ACCUEILLE la demande des Bénéficiaires eu égard au remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires et CONVOQUE les parties à une audition sur ce point uniquement, une fois les délais de contrôle judiciaire expirés;

ORDONNE que les frais du présent arbitrage soient payés en parts égales par l’Administrateur et l’Entrepreneur conformément à l’article123 du Règlement;


 

RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (l’Administrateur) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

                                                                              Montréal, ce 10 novembre 2017.

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

 

G1115-16

S/A 170



[1] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., [1990] 2 RCS 440.

[2] Safilo Canada inc. c. Chic Optic inc., 2004 CanLII 46683.

[3] Safilo Canada inc. c. Chic Optic inc., préc., note 2; Ville de Dorion c. Union canadienne, compagnie d’assurances, 1992 CanLII 3649.

[4] ROYER, Jean-Claude, « Développements récents en matière de litispendance et d’autorité de la chose jugée », dans Service de la formation professionnelle, Barreau du Québec, Développements en droit civil (1992), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 28-29.

[5] Id.

[6] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[7] Extrait du plan d’argumentation de Me Hillier.

[8] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[9] Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, 2009 QCCS 909.

[10] Cousineau c. Grundman, 1991 CanLII 3778 (QC CA).

[11] Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 49, 169.

[12] Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, 2009 QCCS 4554.

[13]Extrait du plan d’argumentation de Me Hillier.

[14] Extrait du plan d’argumentation de Me Hillier.

[15] C.p.c., préc., note 11, art. 19.

[16] C.p.c., préc., note 11, art. 9.

[17] C.p.c., préc., note 11, art. 638.

[18] Giancristofaro-Malobabic c. Barreau du Québec, 2011 QCCS 4777.

[19] Extrait du plan d’argumentation de Me Hillier.

[20] Manioli Investments Inc. c. Investissements MLC, 2008 QCCS 3637.

[21] Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, préc., note 12.

[22] Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, préc., note 12.

[23] Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) c Agence du Revenu du Québec, 2016 CanLII 85263.

[24] Extrait du plan d’argumentation supplémentaire de Me Hillier.

[25] Ungava Mineral Exploration inc. c. Québec (Procureure générale), 2016 QCCS 4711.

[26] Id.

[27] Hryniak c. Mauldin, (2014) 1 R.C.S. 87.

[28] Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, préc., note 12; Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, préc., note 9; Verreault Navigation inc. c. Dragage Verreault inc., 2007 QCCS 1410.

[29] 9201-0776 Québec inc. et SDC Lofts Chevrier 4 621 881, SORECONI 160801001, 28 novembre 2016, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.

[30] Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ c B-1.1, r 8, art. 125.

[31] Syndicat de copropriété Le Jouvence c. 9187-2903 Québec inc. et La Garantie Abritat Inc., GAMM 2010-12-016, 14 juin 2013, Me Jeffrey Edwards, arbitre.

[32] Tremblay c. Savard, 2016 QCCQ 1291.

[33] Extrait du plan d’argumentation supplémentaire de Me Hillier.

[34] Érige inc. c. Gagné, 2016 QCCS 6469.

[35] Alexandra Fortier et Jean-François Laporte c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réjean Lamontagne inc., GAMM 2005-04-002, 23 octobre 2006, Me Bernard Lefebvre, arbitre.

[36] Syndicat de copropriété Le Jouvence c. 9187-2903 Québec inc. et La Garantie Abritat Inc., préc., note 31.

[37] Groupe Thibault inc. c. 9184-4282 Québec inc., GAMM 2016-05-002/2017-16-003, 8 mai 2017, Me Avelino De Andrade, arbitre.

[38] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., 2016 QCCS 5786; M.G. c. L.F., 2016 QCCS 2877; HUDON, Isabelle, Chronique - Le traitement des frais de justice, version 2016, Repères, EYB 2016REP2097.

[39] Gazaille c. Lebeau, 2016 QCCS 1900. 

[40] Syndicat de copropriété Le Jouvence c. 9187-2903 Québec inc. et La Garantie Abritat inc., préc., note 31. 

[41] Extrait du plan d’argumentation de Me Gosselin. 

[42] Syndicat des copropriétaires Les Villas du Golf, Phase II c. Maisons Zibeline et la Garantie Qualité habitation et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, CCAC S09-180801-NP/S09-100902-NP, 15 mars 2010, Me Michel Jeanniot, arbitre.

[43] Jean-Sébastien Drolet c. Les Constructions Raymond & Fils inc. et La Garantie des maîtres Bâtisseurs inc., CCAC S09-010601-NP, 12 juillet 2010, Me Albert Zoltowski, arbitre; Jacques Plante - SDC du Domaine Baribeau (le 774) c. La Garantie des Bâtiments résidentiels Neufs de l’APCHQ inc. et Les Constructions Bergiro inc., CCAC S05-0502-NP, 5 novembre 2007, Me René Blanchet, arbitre. 

[44] Poulin c. Société immobilière Campiz Ltée, CCAC 03-0302, 16 septembre 2004, Me Robert Masson, arbitre.

[45] Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé, par. 72.

[46] Id.

[47] Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé.

[48] Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Morin, 1994 CanLII 6360 (QC CA).

[49] Delsemme c. Lapointe, 2016 QCCS 4305; Sokoloff c. 9052-9017 Québec inc., 2007 QCCS 5344.

[50] Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé.

[51] Propane Levac propane inc. c. Matte, 2011 QCCS 4916.

[52] Safilo Canada Inc. c. Chic Optic inc., 2004 CanLII 46683, préc., note 2.

[53] Règlement, préc., note 30, art. 116; Code d’arbitrage - GAMM, art. 17.

[54] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701; Coulombe et al. c. Data Construction inc. et al., SORECONI 050524001, 17 octobre 2005, Alcide Fournier, arbitre.

[55] Lévesque et Sebecam Rénovations inc., CCAC 160801001, 22 mars 2012, Alcide Fournier, arbitre. 

[56] Delsemme c. Lapointe, préc., note 49, par. 122 à 126; Sokoloff c. 9052-9017 Québec inc., préc., note 49, par. 60 à 65; MCCANN, Julie, Prescriptions extinctives et fins de non-recevoir, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p.88 .

[57] MCCANN, Julie, préc., note 56, p.88 et 89.

[58] MCCANN, Julie, préc., note 56, p.88 et 89; Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé.

[59] Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé.

[60] Hryniak c. Mauldin, préc., note 27.

[61] Id.; Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé;

[62] Lavigne c. 6040993 Canada inc., 2016 QCCA 1755.

[63] Id.

[64] Huard c. Saguenay (Ville de), 2010 QCCA 583.

[65] Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), 2013 QCCA 1211; Centre canadien d'arbitrage commercial c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., 2005 QCCA 728.

[66] Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire, 2002 CanLII 23777 (QCCS).

[67] Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, SORECONI 112510001, 3 juillet 2012, Me Michel A. Jeanniot, arbitre. 

[68] Entretien Précal Inc. c. Comité paritaire de l'entretien d'édifices publics, région de Montréal, 2004 CanLII 48531 (QC CS).

[69] Minhas v. 9096-2556 Québec inc. (Nader Constructions), GAMM 2006-12-009, 24 janvier 2007, Me Jeffrey Edwards, arbitre.

[70] Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé.

[71] Safilo Canada Inc. c. Chic Optic inc., 2004 CanLII 46683, préc., note 2, par. 26.

[72] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[73] Id., p. 465.

[74] Safilo Canada Inc. c. Chic Optic inc., 2004 CanLII 46683, préc., note 2.

[75] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[76] Règlement, préc., note 30, art. 35.

[77] Gestion G. Rancourt inc. c. Lebel, 2016 QCCA 2094.

[78] Règlement, préc., note 30, art. 74; Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire, préc., note 66.

[79] Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), préc., note 65.

[80] Construction Réal Landry inc. c. Rae, 2011 QCCA 1851.

[81] Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 67.

[82] Gravel et Aubut c. 9200-2344 Québec inc. et La garantie Abritat inc., CCAC S13-062602-NP, 4 février 2014, Me Tibor Holländer, arbitre. 

[83] Mulroney c. Schreiber, 2009 QCCA 116. 

[84] Gestion G. Rancourt inc. c. Lebel, préc., note 77; Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), préc., note 65.

[85] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1; Lavigne c. 6040993 Canada inc., note 62.

[86] Lavigne c. 6040993 Canada inc., note 62.

[87] C.c.Q., art. 1081, 1726, 1729.

[88] Règlement, préc., note 30, art. 7, 27.

[89] Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), préc., note 65; Centre canadien d'arbitrage commercial c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., préc., note 65; Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire, préc., note 66.

[90] Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 67. 

[91] Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, préc., note 9; Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, préc., note 12; Verreault Navigation inc. c. Dragage Verreault inc., préc., note 28.

[92] Groupe Thibault inc. c. 9184-4282 Québec inc., préc., note 37.

[93] Cimi inc. c. 9254-2703 Québec inc., 2017 QCCQ 1590; Brennan Carignan c. 9087-1195 Québec inc., 2017 QCCQ 1887. 

[94] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir Ltée, REJB 2002-31662 (C.A.).

[95] Le Syndicat de la copropriété le Nouvel Europa c. Les projets Europa inc., GAMM 0508-8225, 15 mai 2006, Me Johanne Despatis, arbitre. 

[96] Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc. SORECONI 080509001, 12 janvier 2009, Me Robert Masson, arbitre; Chan c. Les développements Groupe Montclair Bois-Franc inc., GAMM 2005-12-026, 13 février 2007, Me Johanne Despatis, arbitre; Jacques Plante - SDC du Domaine Baribeau (le 774) c. La Garantie des Bâtiments résidentiels Neufs de l’APCHQ inc. et Les Constructions Bergiro inc., préc., note 43.

[97] Jean-Sébastien Drolet c. Les Constructions Raymond & Fils inc. et La Garantie des maîtres Bâtisseurs inc., préc., note 43; Poulin c. Société immobilière Campiz Ltée, préc., note 44.

[98] Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 67.

[99] Extrait du plan d’argumentation de Me L’Abbé.

[100] Cette affirmation était vraie lors de l’audition. Toutefois, en cours de délibéré, les parties ont transmis à l’arbitre une copie d’une demande d’intervention forcée de l’Administrateur en Cour supérieure afin de recouvrir certains frais payés par lui à un syndicat de copropriétaires non partie au présent arbitrage, en sa qualité de caution des obligations de l’Entrepreneur. Toutefois, cette intervention ne visant aucun des Bénéficiaires en l’instance, je n’estime pas nécessaire de faire cette mention dans le corps même de la présente décision.

[101] Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Morin, préc., note 48.

[102] Fecteau c. Gareau, 2003 CanLII 47906 (QC CA).

[103] Safilo Canada Inc. c. Chic Optic inc., 2004 CanLII 46683, préc., note 2.

[104] Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Morin, préc., note 48.

[105] Richter & Associés inc. c. Merrill Lynch Canada inc., 2007 QCCA 124.

[106] Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, préc., note 9.

[107] Huard c. Saguenay (Ville de), préc., note 64.

[108] Leclaire c. Agence du revenu du Québec, 2012 QCCS 4179 (permission refusée par le Juge Nicholas Kasirer, 2012 QCCA 1872).

[109] Propane Levac propane inc. c. Matte, note 51.

[110] Delsemme c. Lapointe, préc., note 49; Sokoloff c. 9052-9017 Québec inc., préc., note 49.

[111] Lévesque et Sebecam Rénovations inc., préc., note 55.

[112] Sokoloff c. 9052-9017 Québec inc., préc., note 49.

[113] MCCANN, Julie, préc., note 56, p. 89

[114] Id., p. 90

[115] Id.

[116] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[117] Ville de Dorion c. Union canadienne, compagnie d’assurances, préc., note 3.

[118] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[119] Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), préc., note 65.

[120] Construction Réal Landry inc. c. Rae, préc., note 80; Extrait du plan d’argumentation supplémentaire de Me L’Abbé.

[121] Gravel et Aubut c. 9200-2344 Québec inc. et La garantie Abritat inc., préc., note 82; Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 67. 

[122] Construction Réal Landry inc. c. Rae, préc., note 80; Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 67.

[123] ROYER, Jean-Claude, préc., note 4.

[124] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1.

[125] Lavigne c. 6040993 Canada inc., note 62.

[126] EDWARDS, Jeffrey et RODRIGUE, Sylvie, « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons », dans La construction au Québec : perspectives juridiques (1998), Wilson & Lafleur, par. 453 et 454; KARIM, Vincent, Contrats d'entreprise (Ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), contrat de prestation de services et l'hypothèque légale, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, par. 1492, 1510.

[127] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., préc., note 1; Safilo Canada Inc. c. Chic Optic inc., 2004 CanLII 46683, préc., note 2.

[128] Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, préc., note 9.

[129] Ungava Mineral Exploration inc. c. Québec (Procureure générale), préc., note 25.

[130] Ludmer c. Canada (Attorney General), 2015 QCCS 1218 (CanLII), par. 21.

[131] Giancristofaro-Malobabic c. Barreau du Québec, préc., note 18.

[132] Manioli Investments Inc. c. Investissements MLC, préc., note 20.

[133] Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, préc., note 9.

[134] C.c.Q., art. 2118 : À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

[135] Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, préc., note 12.

[136] Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec, préc., note 12.

[137] Règlement, préc., note 30, art. 140.

[138] Giancristofaro-Malobabic c. Barreau du Québec, préc., note 18.

[139] Lavigne c. 6040993 Canada inc., note 62.

[140] Hryniak c. Mauldin, préc., note 27.

[141] Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), préc., note 65.

[142] Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire, préc., note 66.

[143] Règlement, préc., note 30, art. 120.

[144] Id., art. 121.

[145] Groupe Thibault inc. c. 9184-4282 Québec inc., préc., note 37.

[146] Id.

[147] Groupe Thibault inc. c. 9184-4282 Québec inc., préc., note 37.

[148] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir Ltée, préc., note 94.

[149] Syndicat de copropriété Le Jouvence c. 9187-2903 Québec inc. et La Garantie Abritat inc., préc., note 31.

[150] Alexandra Fortier et Jean-François Laporte c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réjean Lamontagne inc., préc., note 35. 

[151] Jacques Plante - SDC du Domaine Baribeau (le 774) c. La Garantie des Bâtiments résidentiels Neufs de l’APCHQ inc. et Les Constructions Bergiro inc., préc., note 43.

[152] Jean-Sébastien Drolet c. Les Constructions Raymond & Fils inc. et La Garantie des maîtres Bâtisseurs inc., préc., note 43. 

[153] Poulin c. Société immobilière Campiz Ltée, préc., note 44.

[154] Id.

[155] Chan c. Les développements Groupe Montclair Bois-Franc inc., préc., note 96. 

[156] Le Syndicat de la copropriété le Nouvel Europa c. Les projets Europa inc., préc., note 95. 

[157] Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc. préc., note 96. 

[158] Syndicat des copropriétaires Les Villas du Golf, Phase II c. Maisons Zibeline et la Garantie Qualité habitation et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, préc., note 42.

[159] Id.

[160] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38; M.G. c. L.F., préc., note 38; Me Isabelle Hudon, préc., note 38.

[161] Waddel c. Les Constructions Jacques Laporte inc. et La Garantie habitation du Québec inc., GAMM 2009-11-005, 5 novembre 2009, Me Jean Morissette, arbitre.

[162] Id.

[163] Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc. préc., note 96.

[164] Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc. préc., note 96.

[165] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir Ltée, préc., note 94.

[166] Chan c. Les développements Groupe Montclair Bois-Franc inc., préc., note 96; Le Syndicat de la copropriété le Nouvel Europa c. Les projets Europa inc., préc., note 95; Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc. préc., note 96; Poulin c. Société immobilière Campiz Ltée, préc., note 44.

[167] Poulin c. Société immobilière Campiz Ltée, préc., note 44.

[168] Chan c. Les développements Groupe Montclair Bois-Franc inc., préc., note 96; Le Syndicat de la copropriété le Nouvel Europa c. Les projets Europa inc., préc., note 95; Syndicat de la Copropriété de la rue Asselin c. 9143-1718 Québec inc. préc., note 96. 

[169] Résidence St-Eugène c. Cosoltec Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 67.

[170] Garantie Habitation du Québec inc. c. Jeanniot, préc., note 9.

[171] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir Ltée, préc., note 94.

[172] Loi portant réforme du Code de procédure civile, L.Q. 2002, c. 7.

[173] Charland c. Lessard, 2015 QCCA 14.

[174] Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics (L.Q. 2009, c. 12) Québec (prov.), Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice: le Code civil du Québec, Tome 1, Québec, Publications du Québec, 1993, art. 6 et 7.

[175] C.p.c., préc., note 11.

[176] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir Ltée, préc., note 94.

[177] Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, Chapitre C-25.01, 2015, Wilson Lafleur.

[178] Commentaires de la ministre de la Justice, préc., note 177.

[179] Commentaires de la ministre de la Justice, préc., note 177.

[180] Id.

[181] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38.

[182]  Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de), préc., note 65; Centre canadien d'arbitrage commercial c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., préc., note 65; Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire, préc., note 66.

[183] Garantie Habitation du Québec Inc. c. Lebire, préc., note 66.

[184] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38.

[185] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38; Tremblay c. Savard, préc., note 32; Marie-Josée Hogue, dans Code de procédure civile - commentaires et annotations, 2017, 2e éd.

[186] HOGUE, Marie-Josée, préc., note 185.

[187] Érige inc. c. Gagné, préc., note 34.

[188] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38; M.G. c. L.F., préc., note 38.

[189] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38.

[190] Construction Dureco inc. c. 9108-5621 Québec inc., préc., note 38; Hotel Ruby Foo's inc. c. 9149-0417 Québec inc., 2017 QCCQ 658.

[191] Gazaille c. Lebeau, préc., note 39.

[192] Hotel Ruby Foo's inc. c. 9149-0417 Québec inc., préc., note 190.

[193] Id.

[194] Id.

[195] Brennan Carignan c. 9087-1195 Québec inc., préc., note 93.

[196] Hotel Ruby Foo's inc. c. 9149-0417 Québec inc., préc., note 190.

[197] Id.

[198] HOGUE, Marie-Josée, préc., note 185.

[199] HOGUE, Marie-Josée, préc., note 185.

[200] Tremblay c. Savard, préc., note 32.

 

[201] Érige inc. c. Gagné, préc., note 34.