Gabarit OA

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________

 

Entre

8254389 Canada Inc.

Entrepreneur

 

Et

La Garantie Abritat Inc.

Administrateur

 

No dossier Garantie :

13-074LS

No dossier GAMM :

2013-15-002

No dossier Arbitre :

13 185-103

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

(Adhésion)

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards, Arb. A.

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Me Martin Janson

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Luc Séguin

 

Date(s) d’audience :

Le 26 août 2013

 

 

Période subséquente à l’audition pour remise de documents additionnels jusqu’à la prise en délibéré :

 

Le 12 septembre 2013

 

 

Lieu d’audience :

Bureaux de l’arbitre

 

 

Date de la décision :

Le 26 septembre 2013

 

______________________________________________________________________

APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, DES PIÈCES ET DE LA CORRESPONDANCE DÉPOSÉES AU DOSSIER ET ENTENDU LA PREUVE ET LES PLAIDOIRIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

 

1.      LA DEMANDE D’ARBITRAGE

[1]       Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage de la part de l’Entrepreneur quant à une décision rendue par l’Administrateur (Denis Lefebvre) datée du 4 février 2013 (« Décision », Pièce A-12) refusant sa demande d’adhésion à titre d’entrepreneur accrédité au plan de garantie administré par l’Administrateur.

2.      LES FAITS ET LES PROCÉDURES DE L’INSTANCE ARBITRALE

[2]       Étant donné que la question en litige relève uniquement d’un contentieux entre l’Entrepreneur et l’Administrateur, il n’y a pas de Bénéficiaire au dossier.  L’arbitre a été désigné par le Centre d’arbitrage le 11 avril 2013.

[3]       Les pièces produites dans ce dossier par l’Administrateur sont les suivantes :

   A-1 :       RCB Holdings Limited c. IMM Corporation Inc. et al, C.S.M., 22 juin 2007;

  A-2 :       Agudelo c. Verre Azur Inc., Décision d’arbitrage du GAMM (J. Edwards, arbitre) 19 septembre 2007;

  A-3 :       Demande d’adhésion en date du 25 octobre 2012;

         A-4 :       Résumé d’expérience de 1994 à 2001 (Gabriel Saad);

   A-5 :       Résumé d’expérience (Michel Lépine);

   A-6 :       IMM Corporation Inc. (bilan financier) en date du 31 juillet 2012;

  A-7 :       Attache remorque du Québec Inc. (bilan financier) en date du 31 janvier 2012;

  A-8 :       État financiers intermédiaires de 8254389 Canada Inc. en date du 4 décembre 2012;

  A-9 :       Bilan personnel de Michel Lépine en date du 1er mai 2012;

  A-10 :     Index des immeubles du lot no. 1 426 737;

  A-11 :     Bilan personnel de Gabriel Saad en date du 21 novembre 2012;

  A-12 :     Décision de l’Administrateur en date du 4 février 2013;

  A-13 :     Lettre des procureurs de l’Entrepreneur au Centre d’arbitrage du GAMM et demande d’arbitrage en date du 3 mars 2013;

  A-14 :     9116-8617 Québec Inc. c. IMM Corporation Inc. et al, C.S.M., 5 mars 2013;

  A-15 :     Lettre de la Garantie Abritat Inc. à 8254389 Canada Inc. datée du 6 décembre 2012;

  A-16 :     Acte de cession intervenu entre Michel Lépine et Carole Dussault daté du 27 janvier 1997.

[4]       Les pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :

   E-1 :       États financiers de l’Entrepreneur au 30 juin 2013;

  E-2 :       Calculs des ratios (document comptable);

  E-3 :       Attestations de réussite - Monsieur Gabriel Saad;

         E-4 :       Bilan personnel - Monsieur Michel Lépine;

   E-5 :       Relevé du Registraire des entreprises quant à la société Attaches remorques du Québec Inc.;

   E-6 :       La Garantie Habitation du Québec Inc. c. Caisse populaire Desjardins Pierre-Boucher, C.S. Longueuil (C.Q.) 23 novembre 2010, 505-17-003247-071;

  E-7 :       Courriel de Denis Lefebvre daté du 19 décembre 2012, Courriels de Me Martin Janson et Me Luc Séguin datés du 9 juillet 2013;

  E-8 :       Fiche de propriété des terrains du […], Trois-Rivières;

  E-9 :       Contrat de vente des terrains du […], Trois-Rivières daté du 3 juin 2013.

3.      LES RAISONS DU REFUS DE L’ADMINISTRATEUR ET LA PREUVE DE PART    ET D’AUTRE

[5]       Dans sa Décision refusant la demande d’adhésion, l’Administrateur est peu loquace quant aux motifs précis justifiant le rejet de la demande.

[6]       L’Administrateur se réfère à des articles et des paragraphes des articles du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] énonçant des conditions auxquelles un entrepreneur doit satisfaire et auxquelles la demande d’adhésion doit satisfaire.

[7]       L’Administrateur se réfère en particulier aux Articles 88, 93, alinéas 2, 8 et 9, et Annexe II, article 6, alinéa c du Règlement

4.      MOTIF DE CRITÈRES FINANCIERS ET DOUTES QUANT À LA SOLVABILITÉ DE L’ENTREPRENEUR

[8]       L’article 88 du Règlement traite des conditions supplémentaires que l’Administrateur peut exiger de l’Entrepreneur avant d’autoriser une adhésion.  Il se lit comme suit :

« Lorsqu'une entreprise ne remplit pas les exigences visées aux articles 84 à 87 ou dans le cas où il est impossible de calculer les critères financiers visés au paragraphe 2 de l'article 84, l'administrateur peut exiger toute autre condition ayant pour effet d'atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l'entreprise.

L'administrateur peut exiger un cautionnement d'une valeur supérieure à celle mentionnée au paragraphe 1 de l'article 84 et au paragraphe 1 de l'article 85 lorsqu'il a des raisons de croire que la solvabilité de l'entreprise le requiert. »

[9]       Cet article paraît d’application générale et l’Administrateur peut s’en prévaloir lors d’une première demande d’adhésion ou lors d’un renouvellement.  Le représentant de l’Administrateur, M. Lefebvre, a expliqué dans son témoignage que compte tenu du bilan financier présenté par l’Entrepreneur lors de sa demande, celui-ci ne rencontrait pas les critères financiers présents et requis par le Règlement.

[10]    L’Administrateur a alors demandé, comme condition supplémentaire de l’approba-tion de la demande d’adhésion, le dépôt en fidéicommis par l’Entrepreneur dans une institution financière à être désignée par l’Administrateur, d’une somme de 300 000 $.

[11]    Il n’est pas contesté par l’Entrepreneur que le premier bilan financier présenté par celui-ci (Pièce A-8) et sur la base duquel l’Administrateur a émis sa Décision ne rencontrait pas les critères financiers prescrits par le Règlement.  D’ores et déjà, il faut donc conclure que la Décision était bien fondée au moment où elle a été rendue.  Cependant, depuis la demande d’arbitrage, l’Entrepreneur a retravaillé son dossier, a modifié les assises financières de son entreprise et a bonifié la solidité de ses états financiers.  L’Entrepreneur a envoyé à l’Administrateur ses nouveaux états financiers datés du 20 août 2013, soit dans la semaine précédant l’audition en cette affaire.  Après étude et examen de ces états financiers (Pièces E-1 et E-2), l’Administrateur admet que ceux-ci en principe satisfont aux critères et ratios financiers requis par le Règlement.  Cependant, ces états financiers (Pièce E-1) ne satisfont pas aux exigences réglementaires prescrites quant à la fiabilité des données comptables présentées.  En effet, l’Article 78, alinéa 5 du Règlement oblige de « soumettre des états financiers complets vérifiés ou accompagnés d’un rapport de mission d’examen ».  Or, les documents (Pièce E-1) fournis énoncent :

« Nous n’avons pas réalisé une mission d’audit ou d’examen à l’égard de ces états financiers et par conséquent, nous n’exprimons aucune assurance à leur sujet ».

[12]    L’Administrateur considère encore qu’il est prêt à autoriser l’adhésion de l’Entrepreneur moyennant un dépôt de 300 000 $, tel qu’il avait décidé lors de la demande initiale.

[13]    Jean-François Pichette, CPA, CA, a préparé les derniers états financiers en question de l’Entrepreneur.  Il a témoigné à l’audition et a été reconnu comme témoin expert en comptabilité.  Il est comptable agréé depuis l’an 2000.  Même s’il a été interrogé de manière efficace et serrée par le procureur de l’Administrateur, il paraît que les états qu’il a présentés sont généralement exacts, conformes et constituent des documents dignes de foi.  Il est à noter que l’Administrateur ne les rejette pas, car il aurait dans ce cas, purement et simplement rejeté la demande d’adhésion présentée par l’Entrepreneur.  Plutôt, l’Administrateur se dit prêt à accepter la demande d’adhésion de l’Entrepreneur sous réserve du respect des conditions financières supplémentaires exigées.

[14]    Dans sa Décision (Pièce P-12), l’Administrateur soulève quatre autres motifs de refus.

5.      MOTIF DE RÉTICENCE ET FAUSSE DÉCLARATION

[15]    L’Administrateur refuse la demande d’adhésion en se référant à l’Article 93, alinéa 2 du Règlement[2] qui réfère au « cas de réticence ou de fausse déclaration » de la part de l’Entrepreneur.

[16]    L’avocat de l’Entrepreneur s’oppose à la recevabilité de ce motif en soumettant que l’Article 93 énonce les motifs permettant uniquement d’annuler une adhésion existante et non de refuser une nouvelle demande d’adhésion.  En apparence, cette objection paraît exacte. Sur le fond, le Tribunal d’arbitrage croit que cette objection est mal fondée.  À notre avis, l’obligation d’honnêteté et d’intégrité est tellement fondamentale à un sain processus décisionnel de nature quelconque que ce critère est implicite quant à l’Article 78 (étude de la demande d’adhésion) du Règlement.  L’Administrateur est en droit de s’attendre à ce que tout renseignement ou document fourni par l’Entrepreneur dans le cadre de sa demande d’adhésion soit véridique et exact.  Lorsqu’il ne l’est pas, l’Administrateur peut raisonnablement en tenir compte dans l’évaluation de la demande.

[17]    Or, l’Administrateur indique deux éléments de preuve à ce sujet.  En premier lieu, l’Administrateur indique que le bilan personnel fourni de Michel Lépine en date du 1er mai 2012 à l’appui de la demande d’adhésion comprend un élément faux, soit que M. Lépine possède, parmi ses actifs, une résidence à Québec ayant une valeur de 200 000 $.  Il est à noter que M. Lépine est présenté comme l’associé de Monsieur Gabriel Saad dans la demande d’adhésion et un actionnaire à 50% des actions votantes de l’Entrepreneur (Pièce A-3, p.2).  Or, suite à l’enquête menée par l’Administrateur, cette information s’est révélée fausse.  M. Lépine n’est pas propriétaire de cette résidence.  Celle-ci appartient plutôt à son épouse, soit Madame Carole Dussault (voir Pièce A-16).  M. Saad et M. Lépine plaident à cet égard une erreur de bonne foi, compte tenu que M. Lépine est signataire de l’hypothèque grevant cet immeuble.  Il y a eu également au cours de l’audition référence à la notion de patrimoine familial en vertu du droit de la famille et du droit civil québécois selon lesquels la résidence principale appartiendrait aux deux époux en cas de séparation.  Néanmoins, il y a consensus à l’audition voulant qu’en termes de principes et de règles comptables généralement reconnus, cette information n’est pas exacte.  En effet, M. Lépine aurait dû savoir qu’il n’est pas propriétaire de l’immeuble résidentiel en question et il est peu surprenant de voir cet immeuble mentionné parmi ses actifs dans son bilan personnel.

[18]    Sous cet article, l’Administrateur soulève également le fait que le dirigeant et administrateur de l’Entrepreneur, soit Monsieur Gabriel Saad, a signé des états financiers de IMM Corporation Inc. du 31 juillet 2012 (Pièce P-7) et de Attache Remorque du Québec Inc. du 31 janvier 2012 (Pièce A-8).  Or, M. Saad n’est pas comptable agréé ou membre d’une corporation professionnelle de comptables.  M. Saad témoigne de nouveau qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi de sa part.  Il explique qu’à titre de diplômé universitaire en comptabilité de l’Université du Québec à Montréal, il avait, à un certain moment donné, le droit de signer des états financiers non vérifiés, mais que ce droit a été aboli par la suite par les ordres professionnels il y a quelques années.  Il témoigne qu’il n’était pas au courant de ce changement au moment de signer les états financiers le 31 juillet 2012.  Il reconnaît son tort et il dit qu’il a même fait l’objet de sanctions et d’amendes de la part de l’Ordre des comptables agréés par la suite et qu’il ne le referait plus.

6.      MOTIF DE DÉFAUT D’HONORER LES OBLIGATIONS EN VERTU D’UNE CONVENTION D’ADHÉSION

[19]    Pour justifier son refus ou encore l’ajout de ses exigences financières additionnelles, l’Administrateur invoque également l’Article 93, alinéa 8 du Règlement qui se lit comme suit :

« 93 L'administrateur peut annuler une adhésion lorsque l'entrepreneur se trouve dans l'une des situations suivantes : …

8o dans le cas où l'entrepreneur est une personne morale, l'un ou plusieurs de ses actionnaires ou dirigeants a ou ont été, à quelque moment que ce soit, actionnaires ou dirigeants d'une autre personne morale accréditée ou ayant été accréditée et ayant fait défaut d'honorer les obligations lui incombant en vertu d'une convention d'adhésion; »

[20]    L’avocat de l’Entrepreneur s’objecte au recours à cet alinéa par l’Administrateur au motif que cet alinéa se retrouve comme critère justifiant l’annulation de l’adhésion (Article 93 du Règlement) mais non un des critères précisé par le législateur permettant à l’Administrateur de refuser d’accorder une adhésion (Article 78 du Règlement).

[21]    Avec égards pour l’opinion contraire, nous sommes d’avis que cet argument est mal fondé en droit.

[22]    La première partie de l’Article 78 du Règlement se lit comme suit :

« Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, une personne doit : »

et l’article procède ensuite à énoncer des exigences obligatoires pour que sa demande d’adhésion soit recevable par l’administrateur à qui la demande est soumise.  À notre avis, l’Article 78 n’énonce pas une liste limitative de critères auxquels l’Administrateur est tenu de restreindre son analyse pour décider de l’approbation ou non d’une demande d’adhésion.  Il nous semble plutôt que l’Administrateur peut considérer tout facteur pertinent par rapport au dossier du postulant pour l’adhésion, y compris ses agissements passés et ses antécédents.  Selon l’avis du Tribunal d’arbitrage, obtenir une adhésion à un plan de garantie réglementaire n’est pas un droit.  L’Administrateur n’est pas contraint d’accepter aveuglément tout postulant qui satisfait aux exigences prévues à l’Article 78 du Règlement.  Cependant, l’Administrateur est tenu de fonder toute décision de refus sur des motifs valables, pertinents et judicieux.  Le droit à la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur pour tout refus ou annulation d’adhésion existe et est prévu pour s’assurer que les motifs considérés et invoqués par l’Administrateur sont en effet valables, pertinents et judicieux.  Ainsi, et en revanche, il nous semble clair que toute décision de refus basée sur des motifs non pertinents, capricieux ou arbitraires devrait être infirmée.  Selon l’avis du Tribunal d’arbitrage, l’Administrateur est en droit de baser sa décision, en partie ou en totalité, sur l’Article 93, alinéa 8 du Règlement.  Examinons donc le fond et la preuve de ce motif.

[23]    L’Administrateur invoque le dossier de Verre Azur Inc. qui faisait affaire sous la raison sociale « IMM Corporation Inc. ».  Selon la preuve non contredite, M. Gabriel Saad a été impliqué dans le projet de Verre Azur Inc.  Il s’agit d’un projet de développement immobilier à Laval qui a mal tourné.  Selon le témoignage de Monsieur Saad, il a été associé à Monsieur Martin Michaud dans ce projet.  Selon M. Saad, le responsable de la débâcle de ce projet était son associé M. Michaud.  M. Saad affirme que M. Michaud n’a pas agi de manière honnête ou intègre.  L’administrateur du plan de garantie de ce projet a été La Garantie Habitation du Québec Inc. et son plan de garantie « Qualité Habitation ».  Il est à noter que les chiffres mentionnés à l’audience ne sont pas complètement confirmés par les écrits produits, mais l’affaire de « Verre Azur » paraît constituer pour l’administrateur de Qualité Habitation une perte de près d’un million de dollars.  Selon M. Saad, il y a eu des recours personnels contre lui et M. Michaud.  Selon M. Saad, M. Michaud a fait une faillite personnelle.  Quant à M. Saad, il estime qu’il a été victime dans cette affaire de sa confiance envers M. Michaud.  M. Saad affirme qu’il n’a pas fait de faillite personnelle.  Il affirme qu’en 2010, il a conclu une entente hors Cour avec les avocats de la Garantie Qualité Habitation.  Selon son témoignage à l’audition, il a reconnu des dommages à l’Administrateur de la Garantie Habitation pour un montant d’environ 975 000 $.  Il a accepté, dans le cadre du règlement, de payer à cet administrateur la somme de 200 000 $.  À ce jour, il a versé environ la moitié de cette somme.  De ces faits, il nous paraît clair que l’Administrateur a fait la preuve de l’application de l’Article 93, alinéa 8 du Règlement.

[24]    L’avocat de l’Administrateur a demandé à M. Saad de déposer des documents à l’appui de ces déclarations.  

[25]    L’avocat de l’Entrepreneur s’est engagé à tenter d’obtenir l’autorisation de Garantie Habitation pour le faire puisque le document de règlement est sujet à une entente de confidentialité.  Après l’audition, l’avocat de l’Entrepreneur a avisé les parties  et le Tribunal d’arbitrage que la Garantie Qualité Habitation refusait la permission de le produire.

[26]    En défense, et pour rétablir la réputation de son client, l’avocat de l’Entrepreneur réfère le Tribunal d’arbitrage au jugement produit sous la cote E-6, La Garantie Habitation du Québec Inc. c. Caisse populaire Desjardins Pierre-Boucher[3] (Monsieur le juge Chabot) particulièrement aux paragraphes 63 à 65 qui se lisent comme suit :

« [63] En l’espèce tel qu’il appert de tous les contrats préliminaires, les sommes remises par les signataires à l’entrepreneur sont expressément des acomptes sur le prix de vente et non pas des dépôts en garantie ou en fidéicommis.  Ce sont des acomptes sur le prix de vente, dont quittance pour autant (P-3, clause 2.1).  Ces acomptes étaient toutefois conditionnels à une faculté de dédit du promettant-acheteur dans un délai de 10 jours de la date de l’accusé-réception du contrat préliminaire (P-3), clause 5.9).  Les promettant acheteurs ont donc consenti à ce que les sommes soient utilisées par l’entrepreneur après le délai de 10 jours.

[64] En l’espèce, selon la preuve faite devant le tribunal, les sommes ont effectivement servi au démarrage du projet, soit le but même de l’acompte fourni par les acheteurs.  Il n’y a pas eu de détournement de fonds, ils ont servi là où ils étaient destinés à servir.

[65] Saad a témoigné que les fonds ont été déposés dans le compte de IMM Corporation inc. à titre d’acompte sur le prix de vente des lots individualisés.  Il ne faut pas oublier que Saad était le seul propriétaire de Verre Azur inc. et qu’il pouvait à titre de seul administrateur et dirigeant de Verre Azur inc. utiliser les fonds selon la destination prévue aux contrats, c’est-à-dire pour la réalisation du projet et, comme il en témoigne, le projet aurait pu être réalisé avec la collaboration de tous les intervenants impliqués.  D’ailleurs, Verre Azur inc. a même déposé une proposition concordataire afin de continuer la réalisation du projet.  La perte ne découle donc pas de l’encaissement au compte de IMM Corporation des sommes mais bien de la non réalisation du projet de construction pour diverses raisons. »

[27]    Pour sa part, l’avocat de l’Administrateur nous réfère aux causes suivantes :

1) RCB Holdings Limited c. IMM Corporation Inc. et Gabriel Saad, Tony Corsillo et Martin Michaud[4] (Pièce A-1).  Dans ce jugement, la Banque Royale met en vente judiciaire des propriétés des défendeurs, dont Monsieur Saad;

2) Agudelo c. Verre Azur Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc.[5] (Pièce A-2).  Il s’agit d’un arbitrage en vertu du plan de garantie demandant le remboursement du dépôt lorsque l’Entrepreneur a signé un contrat préliminaire après que son permis d’accréditation ait été révoqué par l’administrateur Garantie Qualité Habitation;

3) 9116-8617 Quebec Inc. c. IMM Corporation Inc., Gabriel Saad, Antonio Corsillo et Martin Michaud[6] (Pièce A-14).  Il s’agit d’un jugement accordant une demande de paiement d’un solde de prix de vente pour terrains au montant de 262 740 $ et condamnant les trois défendeurs pour ce montant, dont Monsieur Saad.  À l’audition, M. Saad a témoigné qu’il est présentement en cours de discussions de règlement pour satisfaire la condamnation de ce jugement.

[28]    Il nous semble clair que les faits révélés par ces différentes causes constituent des circonstances troublantes qui sont tout à fait pertinentes à considérer par l’Administrateur par rapport à sa décision d’accorder ou non la demande d’adhésion ou de demander le respect de conditions ou d’exigences financières supplémentaires pour accorder une telle demande.  Que M. Saad considère qu’il a été victime des agissements de son ex-associé (ce qui est hors de notre rôle de décider), il reste :

1.         qu’il y a matière sérieuse à questionner le jugement et les habilités de gestion de M. Saad;

2.         que M. Saad a fait défaut d’honorer les obligations lui incombant en vertu d’une convention d’adhésion à l’Administrateur Garantie Habitation du Québec Inc. et n’a pas payé un montant approximatif de 775 000 $ dû;

3.         que M. Saad, suite à l’arrêt de 9116-8617 Québec Inc. a une obligation financière additionnelle de payer un montant de 262 740 $ plus intérêts au 12 décembre 2006;

 

7.      MOTIF D’AVOIR DÉBUTÉ UNE CONSTRUCTION DOMICILIAIRE AVANT SON AUTORISATION PAR L’ADMINISTRATEUR

[29]    Dans la Décision, l’Administrateur reproche en plus à l’Entrepreneur d’avoir commencé la construction des unités de bâtiments résidentiels avant d’avoir eu l’accréditation requise, contrairement à l’Annexe II, paragraphe 6, alinéa c) du Règlement.  Celui-ci énonce :

« L'entrepreneur s'engage: …

6o à enregistrer et verser la prime déterminée pour chaque catégorie de bâtiments et ce, sans délai auprès de l'administrateur selon la première des éventualités suivantes: …

c) au début des travaux de construction du bâtiment visé »

[30]    Cela est essentiellement admis par l’Entrepreneur.  Il s’agit du projet en cours de l’Entrepreneur à Trois-Rivières.  Aussitôt alerté, l’Administrateur a dépêché sur les lieux un inspecteur qui a constaté un nombre important de déficiences et de non-conformités à corriger par rapport aux unités du projet (Pièce A-15).  L’Entrepreneur répond qu’il est normal qu’il y ait des déficiences étant donné que la construction des bâtiments n’est pas encore achevée.  L’Entrepreneur souligne que dans les autres projets auxquels il a été associé, il n’y a jamais eu de plaintes concernant la qualité de l’ouvrage réalisé, ce qui n’est pas contredit.

[31]    M. Saad décrit dans son témoignage qu’il y a deux projets importants qu’il désire réaliser, s’il est accrédité.  Premièrement, à la ville de Grand-Mère, il désire faire la conversion d’un bâtiment existant et convertir 8 unités présentement en location en unités résidentielles de condominium.

[32]    Deuxièmement, l’Entrepreneur a acquis un bâtiment d’église à Trois-Rivières qu’il désire convertir en unités de condominium (Pièce E-8).  Cela est confirmé par les documents produits (Acte de vente à l’Entrepreneur au 13 juin 2013, Pièce E-9).

8.      APPORT DE MONSIEUR MICHEL LÉPINE

[33]    Il est à noter que selon la preuve faite devant le Tribunal d’arbitrage, le bilan financier de l’associé de M. Saad dans l’entreprise, soit celui de Monsieur Michel Lépine, est très solide.  En effet, il a bâti une entreprise dans le secteur des attaches de véhicules au cours des 30 dernières années.  Cette entreprise génère un chiffre d’affaires annuel de plusieurs millions de dollars et paraît très stable.

9.      ANALYSE ET DÉCISION

[34]    D’emblée, le Tribunal d’arbitrage écarte la théorie plaidée par l’Entrepreneur selon laquelle l’Administrateur s’acharne de manière irraisonnée et arbitraire sur sa demande d’adhésion en raison de la présence de M. Saad comme dirigeant et administrateur de la compagnie.  Après avoir entendu les témoins et pris connaissance de la preuve, le Tribunal d’arbitrage ne peut soutenir une telle thèse.  Le Tribunal d’arbitrage a pu constater que l’Administrateur a des appréhensions basées sur des faits sérieux par rapport à la demande d’adhésion de l’Entrepreneur.  Ces appréhensions sont basées sur des éléments factuels passés qui nous semblent pertinents à l’analyse de la demande de l’Entrepreneur.

[35]    Lors d’une demande d’adhésion, l’Administrateur joue en fait un double rôle.  D’une part, étant donné que l’acceptation de la demande d’adhésion ferait en sorte que l’Administrateur devienne la caution législative de l’Entrepreneur, il est normal que l’Administrateur désire approuver les entrepreneurs sans tache dans leurs dossiers, ayant une solide expérience de réussite et un excellent dossier financier.  D’autre part, en agissant de manière prudente lors de décisions d’approbation ou non d’un entrepreneur, l’Administrateur protège également les intérêts des consommateurs.  Lorsque des projets de construction sont lancés et les promesses d’achat ne sont pas respectées, les acomptes sur le prix d’achat disparaissent, les projets sont suspendus au milieu de la construction et les dates de livraison sont reportées longtemps dans le temps ou carrément annulées de manière définitive, tout le monde, le consommateur, l’entrepreneur, l’administrateur et l’image de l’industrie de la construction y perdent.

[36]    Selon M. Saad, il a été simplement malchanceux dans son projet antérieur de Verre Azur et il a été dupé par son associé de l’époque.  Il veut tourner la page et recommencer.  D’autre part, il est vrai que les deux projets qu’il met de l’avant paraissent intéressants et ont un potentiel sérieux.  Il est à noter que M. Saad a réussi les tests techniques pour avoir une accréditation d’entrepreneur à la Régie du bâtiment (Pièce E-3) même si sa formation est celle d’un comptable.

[37]    L’Administrateur est prêt à croire que l’Entrepreneur a été de bonne foi dans les expériences malheureuses passées.  Autrement, sa réponse n’aurait pas été une demande de dépôt de 300 000 $ mais un refus pur et simple.  Il reste que les projets annoncés par l’Entrepreneur impliquent la mise en vente éventuelle de 18 à 20 unités de condominium, ce qui constitue un risque important pour l’Administrateur.

[38]    Le Tribunal d’arbitrage doit rester prudent et doit accorder une certaine déférence pour l’avis et la décision de l’Administrateur.  En fait, c’est l’Administrateur qui assumera les risques découlant de l’adhésion d’un entrepreneur.

[39]    Cependant, il y a lieu de souligner que le nouvel associé de M. Saad paraît très sérieux et très stable d’un point de vue financier.  La caution personnelle que M. Michel Lépine accordera selon les exigences habituelles à l’Administrateur constitue une solide garantie pour l’Administrateur.

[40]    Sur cette base particulière, soit la solidité financière de M. Lépine, et compte tenu de l’ensemble de la preuve, le Tribunal d’arbitrage est d’avis qu’il serait approprié et juste de réduire le montant de la garantie à 225 000 $.  Cette somme sera divisée comme suit : une somme de 150 000 $ devra être déposée en fidéicommis auprès d’une institution financière au choix de l’Administrateur.  Une convention de dépôt sera signée entre les parties.  L’autre montant de 75 000 $ fera l’objet d’une hypothèque de premier rang accordée à l’Administrateur.  Les frais de constitution de l’hypothèque seront à la charge de l’Entrepreneur.  Il est entendu que lors du renouvellement de l’adhésion dans le délai normal d’un an, l’Administrateur pourra réviser le caractère adéquat des garanties soumises lors de la demande de renouvellement faite dans les 30 jours de l’année qui suit l’entrée en force de l’adhésion initiale conformément aux articles 89[7] et 91 du Règlement[8].

10.    FRAIS D’ARBITRAGE

[41]    Conformément à l’Article 123 du Règlement[9], étant donné que l’Entrepreneur est le demandeur, les frais de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage;

ACCEPTE la demande d’adhésion de l’Entrepreneur moyennant la satisfaction des conditions financières supplémentaires suivantes :

1) un dépôt en fidéicommis d’un montant de 150 000 $ auprès de l’institution financière au choix de l’Administrateur selon les modalités mentionnées au paragraphe 33 de la présente sentence; et

2) l’octroi d’une hypothèque de premier rang au montant de 75 000 $ au bénéfice de l’Administrateur sur un terrain au choix de l’Entrepreneur en autant que l’évaluation municipale de ce terrain soit au moins de deux (2) fois la valeur de ce montant;

DÉCLARE ces conditions financières supplémentaires valables pour une période d’un an conformément aux Articles 89 et 91 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;

CONDAMNE l’Administrateur et l’Entrepreneur au paiement des frais d’arbitrage de la présente instance à parts égales entre eux.

 

(s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

 

Copie conforme

 

 

__________________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 



[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B.1.1, r. 0.2 (ci-après le «Règlement»)

[2] Article 93, alinéa 2 : L'administrateur peut annuler une adhésion lorsque l'entrepreneur se trouve dans l'une des situations suivantes: en cas de réticence ou de fausse déclaration de sa part;

[3] 23 novembre 2010, CSL 505-17-003247-071 (Juge Jean-Jude Chabot)

[4] 2007 QQCS 3169

[5] GAMM, arbitre J. Edwards, 19 septembre 2007

[6] 2013 QCCS 894

[7] Article 89 Une adhésion est valide pour une période d'un an.

[8] Article 91 : L'adhésion d'un entrepreneur est renouvelée s'il fait parvenir à l'administrateur au moins 30 jours avant la date d'expiration de son adhésion, une demande de renouvellement démontrant qu'il respecte les conditions requises par le présent règlement pour obtenir un certificat d'accréditation et s'il acquitte les frais exigés par l'administrateur.

[9] Article 123 : Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.