ARBITRAGE
EN VERTU DU CERTIFICAT DE GARANTIE DES IMMEUBLES
RÉSIDENTIELS DE L’APCHQ
ENTRE :
LES PROJETS EUROPA INC.
(L’« ENTREPRENEUR »)
ET :
LA GARANTIE DES IMMEUBLES RÉSIDENTIELS
DE L’APCHQ INC.
(L’« ADMINISTRATEUR »)
ET :
LE SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ LE NOUVEL EUROPA
(LE « BÉNÉFICIAIRE »)
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre :
Pour le bénéficiaire :
Pour l’administrateur :
Pour l’entrepreneur :
Dates d’audience : Lieu d’audience : Date de la sentence :
Adjudex inc. 0508-8225-GAMM S/A 8019
Me Johanne Despatis
Me Isabelle Poirier (DeGranpré Joli-Cœur), procureure, assistée de :
M. Pierre Malo, copropriétaire
Me François Laplante, (Savoie Fournier), procureur, assisté de :
M. Rénald Cyr, inspecteur
M. Jean-Pierre Houle, entrepreneur
10 décembre 2005 et 24 mars 2006 Montréal, Québec
15 mai 2006
I
LE RECOURS
[1] Les Projets Europa inc., « l’entrepreneur », conteste certains éléments de deux décisions rendues respectivement les 9 mai et 19 septembre 2005 par la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, « l’administrateur », à la suite de réclamations relatives aux parties communes d’un immeuble qui lui a présentées le Syndicat de copropriété Le Nouvel Europa, ci-après « le bénéficiaire ».
[2] Cette sentence décide donc du recours institué par l’entrepreneur de cette copropriété. Une autre sentence rendue aujourd’hui décide d’un recours parallèle institué celui-là par le bénéficiaire en vertu des mêmes dispositions. (Voir Syndicat de la copropriété Le Nouvel Europa et Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, SA 8018).
[3] L’élément contesté dans la décision du 9 mai est le suivant :
« Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de malfaçons cachées qui, conformément à l’article 2.1.4 du certificat de garantie, ont été découvertes dans les deux (2) ans suivant la date de publication de la déclaration de copropriété divise. Par conséquent, l’entrepreneur devra efectuer les travaux mentionnés ci-dessus.
9. Absence de poignées et/ou système de retenue pour l’ensemble des portes vitrées donnant sur les terrasses :
Travaux : Pour des raisons de sécurité et d’utilisation, l’entrepreneur devra fournir et installer des poignées et/ou un système de retenue pour l’ensemble des portes vitrées donnant sur les terrasses.
[…]»
[4] L’élément contesté dans la décision du 19 septembre est le suivant :
« Concernant les points [...] 50 qui suivent, nous sommes en présence de malfaçons cachées qui, conformément à l’article 2.1.4 du certificat de garantie, ont été découvertes dans les deux (2) années suivant la date de publication de la déclaration de copropriété divise. Par conséquent, l’entrepreneur devra efectuer les travaux mentionnés ci-dessous. […]
50. Eau stagnante sur la toiture du hall entre le 800 D’Youville et les commerces adjacents.
Travaux : L’entrepreneur devra apporter les correctifs nécessaires afin que se draine adéquatement l’eau qui actuellement, demeure stagnante sur la toiture, laquelle pourrait avoir pour effet d’occasionner le vieillissement prématuré de la couverture, à cet endroit.
[5] J’étais également saisie de la contestation par l’entrepreneur du point 4 Drains de toit non étanches (2) entre le 600 D’Youville et le 50 McGill. Au cours de la première audience, monsieur Jean-Pierre Houle, représentant de l’entrepreneur, a retiré sa demande d’arbitrage et déclaré qu’il allait effectuer les travaux de correction indiqués sans que je n’ai eu à me pencher sur cette question. À l’audience du 24 mars, le bénéficiaire s’est déclaré satisfait des travaux correctifs. Je donne acte de ce désistement dans mes conclusions finales.
[6] J’étais également saisie de la contestation par l’entrepreneur du point 11 Unité 41 : Jonction du balcon supérieur au mur extérieur coin sud-est, contestation dont l’entrepreneur s’est désisté après avoir déclaré qu’il allait effectuer les travaux de finition au balcon de l’unité 41 à l’endroit où il y a eu infiltration avant le 15 mai 2006. Je n’ai donc pas eu à me pencher sur cette question. Je donnerai cependant acte dans mes conclusions finales de la cette déclaration de l’entrepreneur.
[7] J’étais également saisie de la contestation par l’entrepreneur du point 13 Poignées désajustées aux portes donnant dans les cages d’escalier des stationnements. Toutefois, l’entrepreneur ayant fait savoir lors d’une conférence téléphonique ayant précédé les audiences que ce point n’était plus en litige et qu’il allait effectuer les travaux de correction demandés, de sorte que je n’ai pas eu à m’y pencher. Je donne cependant acte de cette déclaration de désistement dans mes conclusions finales.
II
PREUVE
[8] Selon la documentation au dossier, entre le 8 janvier 2004 et le 15 janvier 2005, le bénéficiaire a dénoncé par écrit à l’entrepreneur certains problèmes qu’il estimait couverts par le Certificat de garantie. Insatisfait des interventions qu’avait pu faire par la suite l’entrepreneur, le bénéficiaire a saisi formellement l’administrateur de ses réclamations.
[9] Par la suite, monsieur Rénald Cyr, conciliateur au service de l’administrateur, procède à une première visite des lieux le 20 janvier 2005 puis à une seconde le 7 février. Il fait un premier
rapport le 9 mai 2005 puis un second le 19 septembre. Insatisfait de certaines des conclusions de ces rapports, l’entrepreneur se pourvoit en arbitrage; d’où les présentes.
[10] 9. Absence de poignées et/ou système de retenue pour l’ensemble des portes vitrées donnant sur les terrasses.
[11] Selon l’entrepreneur, les portes sont conformes aux plans et devis qui ne prévoyaient pas l’installation d’une poignée ou d’un système de retenue du côté de la porte donnant à l’extérieur.
[12] Pour l’entrepreneur, certes l’installation à l’extérieur des portes donnant sur les terrasses d’une poignée et d’un système de retenue serait pratique mais elle n’est pas essentielle à leur utilisation et n’empêche pas les copropriétaires d’utiliser leur terrasse. Au surplus, ajoute l’entrepreneur, l’installation de ce mécanismes n’empêcherait pas une personne de fermer la porte de l’intérieur qui ne pourrait plus dès lors s’ouvrir de l’extérieur et ce même avec l’ajout du mécanisme demandé par le bénéficiaire; les deux mécanismes étant indépendants l’un de l’autre. Au surplus, ajoute l’entrepreneur, il est impossible de refermer la porte de l’extérieur.
[13] Ainsi, selon l’entrepreneur, l’installation des mécanismes permettrait aux copropriétaires de refermer leur porte lorsqu’ils sortent sur leur terrasse mais pas de l’ouvrir si cette porte est refermée par quelqu’un qui est demeuré à l’intérieur.
[14] Selon le bénéficiaire, il est primordial pour un copropriétaire de pouvoir refermer sa porte derrière lui lorsqu’il sort sur sa terrasse de sorte que le mécanisme demandé serait essentiel à l’usage des terrasses.
[15] Pour l’inspecteur Cyr, l’absence de poignées n’est pas sécuritaire pour les copropriétaires.
[16] 50. Eau stagnante sur la toiture du hall entre le 800 D’Youville et les commerces adjacents.
[17] Selon l’entrepreneur, l’architecte a demandé que cette toiture soit le plus mince possible en plus d’être construite en pente. Pour lui, il est tout à fait normal dans ces circonstances que l’eau y demeure puisque le drain en est légèrement relevé. Cela dit, ajoute l’entrepreneur, cette eau finit de toute façon par s’éliminer de sorte qu’il n’y aurait aucune raison technique justifiant
d’apporter les modifications requises. Au surplus, selon lui, si cette eau ne s’écoule pas ce serait tout simplement parce que le drain est bouché.
[18] Selon monsieur Cyr, toute eau qui se retrouve sur ce type de toit doit être évacuée dans les 24 à 48 heures, ce qui selon ses observations ne serait pas le cas ici. Selon lui, le problème ne tient pas à l’obturation mais plutôt à la position du drain qui est situé trop haut, ce qui empêcherait le drainage efficace du toit.
[19] Ces propos de monsieur Cyr sont corroborés par celui du bénéficiaire qui déclare que l’eau ne s’évacue pas à l’intérieur du délai requis. A cet égard, voici ce que monsieur Claude Morris, architecte appelé à titre de témoin expert par le bénéficiaire, écrit dans son rapport :
« Sur la toiture du hall situé entre le 600 d’Youville et les commerces, l’eau recouvre entièrement une toiture de bitume-élastomère de construction conventionnelle (…). Ce type de toiture comporte énormément de joints soudés sur place par les ouvriers et n’est absolument pas conçue pour retenir l’eau. Le risque de défaillance est très élevé. De plus, sous l’action des gels et dégels successifs, l’étanchéité se détériorera très rapidement. La longévité de la toiture sera considérablement réduite. Le mauvais drainage est occasionné par une mauvaise localisation du drain. Celui-ci est installé dans un coin de la toiture, à un point haut, contrairement à ce qui est indiqué aux plans. (…) »
III
ANALYSE ET DÉCISION
[20] Le Certificat de garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, le « Certificat », émis en l’espèce énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers un bénéficiaire.
[21] Dans une sentence rendue aujourd’hui entre les mêmes parties, je fais état dans les termes suivants de l’étendue en vertu du Certificat des obligations de l’entrepreneur et de l’administrateur envers le bénéficiaire concernant les parties communes d’une copropriété. J’y réfère par souci de cohérence : (Syndicat de la copropriété Le Nouvel Europa et Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, SA 8018) :
Le Certificat limite la couverture des obligations de l’entrepreneur relatives aux parties communes à trois circonstances. Il y est question (1) de leur parachèvement; (2) de malfaçons cachées et finalement, (3) de vices de construction.
D’abord, le parachèvement des travaux sera couvert dans la mesure où il s’agit du parachèvement de parties communes « essentielles à l’utilisation réelle des unités résidentielles ». Que signifie cette expression par ailleurs non définie au Certificat ? Comme le précise d’abord le texte du Certificat, les parties communes susceptibles de devoir être parachevées sont non seulement celles qui sont essentielles, i.e. nécessaires, indispensables à l’utilisation des parties communes mais encore celles qui y sont strictement essentielles. S’agissant d’une stipulation expresse, on doit en conclure qu’il devra s’agir du parachèvement de parties dont il serait virtuellement impossible de se priver pour une utilisation réelle des unités résidentielles. À nos yeux, la question de savoir si des travaux de parachèvement des parties communes sont couverts ou non par le Certificat, i.e. s’ils entrent dans l’exception prévue, constitue essentiellement une question de fait. Autrement dit, la réponse dépendra toujours de la situation concrète, de la preuve que l’immeuble étant privé de tel ou tel élément serait dans un état tel qui empêcherait une utilisation réelle de ses unités résidentielles.
En second, les malfaçons cachées dans les parties communes, i.e. celles résultant d’une déficience d’un des matériaux ou de l’exécution des travaux de construction, sont également couvertes par le Certificat. Elles le sont à deux conditions : d’abord, celle d’avoir été découvertes dans les deux ans suivant la date de publication de la déclaration de copropriété et deuxièmement, d’avoir été dénoncées en conformité du Certificat.
Finalement, certains vices de construction affectant les parties communes sont aussi couverts. Lesquels? Ces vices, qualifiés de « sérieux », pouvant entraîner la perte de l’ouvrage. Nous parlons ici de vices au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec. Ils le seront à deux conditions : premièrement d’avoir été découverts dans les cinq ans suivant la date de publication de la déclaration de copropriété et, deuxièmement, d’avoir eux aussi été dénoncés en conformité du Certificat.
[22] De plus, juridiquement, la partie demanderesse a, dans tous recours, le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au moyen d’une preuve prépondérante. [Voir les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec]. Venons-en maintenant aux faits.
[23] 9. Absence de poignées et/ou système de retenue pour l’ensemble des portes vitrées donnant sur les terrasses.
[24] L’administrateur juge pour des raisons de sécurité et d’utilisation que l’entrepreneur devait installer des poignées ou un système de retenue pour l’ensemble des portes vitrées
donnant sur les terrasses. Ainsi, selon lui, il s’agit d’une question de parachèvement des parties communes « essentielles à l’utilisation réelle des unités résidentielles ».
[25] Selon ma compréhension, ce que le bénéficiaire demande est que l’entrepreneur installe un système qui permette de refermer de l’extérieur les portes donnant sur les terrasses. Toutefois selon ma compréhension, l’installation d’un tel système ne permettrait pas d’ouvrir la porte de l’extérieur si quelqu’un la referme de l’intérieur, les deux mécanismes étant indépendants l’un de l’autre.
[26] Avec égards, la preuve a démontré que l’installation de poignée ou de système de retenue n’est pas une question de parachèvement d’une partie commune « essentielle à l’utilisation réelle des unités résidentielles ». La preuve prépondérante démontre que la présence d’une poignée ou d’un système de retenue serait pratique mais dans les circonstances, il n’est pas possible de voir là un élément qui serait strictement essentiel à l’utilisation réelle des unités résidentielles.
[27] Vu la preuve, la réclamation de l’entrepreneur sur ce point est accueillie.
[28] 50. Eau stagnante sur la toiture du hall entre le 800 d’Youville et les commerces adjacents.
[29] La preuve prépondérante révèle que l’eau ne s’écoule pas de la toiture à l’intérieur du délai requis. Or, cette situation ne peut être qualifiée de normale : l’eau qui n’a pas été captée par un drain sur une toiture de ce type doit s’évaporer dans un délai de 24 à 48 heures afin de prévenir le vieillissement prématuré de la toiture. Or, selon la preuve, ça n’est pas le cas.
[30] À l’examen, ni la preuve ni l’argumentation présentées par l’entrepreneur ne permettent de mettre de côté comme mal fondé le point de vue de l’administrateur.
[31] Pour ces raisons, j’estime qu’il y a là malfaçon cachée au sens du Certificat et qu’il y a lieu de rejeter la réclamation à ce sujet.
IV
CONCLUSION
[32] Pour toutes les raisons qui précèdent, je prends acte des désistements à l’égard des points 4, 11 et 13.
[33] J’accueille le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 9 et déclare nulle la conclusion du rapport du 9 mai 2005 lui ordonnant de « fournir et installer des poignées et/ou un système de retenue pour l’ensemble des portes vitrées donnant sur les terrasses. »
[34] Je rejette le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 50 du rapport du 19 septembre 2005 lui ordonnant d’« apporter les correctifs nécessaires afin que se draine adéquatement l’eau qui actuellement, demeure stagnante sur la toiture, laquelle pourrait avoir pour effet d’occasionner le vieillissement prématuré de la couverture, à cet endroit. »
[35] J’ordonne à l’entrepreneur de procéder à ces travaux dans un délai raisonnable à convenir avec le bénéficiaire. A défaut d’accord, je déterminerai moi-même cette échéance, sur demande de l’une ou l’autre partie.
[36] Je précise en conformité des dispositions du Certificat, que les coûts des présentes sont à la charge de l'administrateur.
Montréal, le 15 mai 2006
Johanne Despatis, avocate Arbitre
Adjudex inc.
0508-8225-GAMM S/A 8019