ARBITRAGE

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI)

 


No dossier SORECONI :        132602001

No dossier Garantie :              84272-5029

Date:                                       3 juillet 2013

 

ENTRE:          

                        LISETTE GIRARD ET LAURENT BRODEUR

(ci-après « les Bénéficiaires »)

Et                     9119-3557 QUÉBEC INC (LES HABITATIONS EUPHORIA)

 (ci-après « l’Entrepreneur »)

Et                     LA GARANTIE HABITATION dU QUEBEC

                                                (ci-après "l’Administrateur")

DÉCISION ARBITRALE

 

Arbitre :                                   Me France Desjardins

Pour les Bénéficiaires :           Madame Lisette Girard

                                                Monsieur Laurent Brodeur

Pour l’Entrepreneur :               Monsieur Steve Fortin

                                                Me Pierre-Olivier Baillargeon, procureur

Pour l’Administrateur :             Me Jean-Raymond Paradis, procureur

                                                Madame Karine Pepin, inspectrice-conciliatrice

Mandat :

L’Arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 28 mars 2013

 

 

 

Historique et pièces :

 

20 avril 2012

Contrat de  vente au 1er acheteur

 

20 avril 2012

Formulaire d'inspection pré-réception

 

12 juillet 2012

Rapport d'expertise concernant les solives ajourées - mandat donné par un sous-traitant de l'Entrepreneur

 

23 août 2012

Contrat de ventre entre la succession du 1er acheteur et les Bénéficiaires

 

9 novembre 2012

Dénonciation à l'Entrepreneur et à l'Administrateur

 

22 janvier 2013

Inspection par  l'Administrateur

 

1er février 2013

Décision de l'Administrateur

 

26 février 2013

Demande d'arbitrage des Bénéficiaires

 

28 mars 2013

Nomination de l'Arbitre

 

8 avril 2013

Transmission cahier des pièces par l'Administrateur

 

22 avril 2013

Conférence préparatoire téléphonique

 

3 mai 2013

Dépôt de documents par les Bénéficiaires

 

21 mai  2013

Correspondance de l'Entrepreneur

 

29 mai  2013

Correspondance de l'Entrepreneur

 

30 mai  2013

Audition

 

 

LES FAITS

 

[1]           Le 20 avril 2012, monsieur Christian Lavoie, signe un contrat d'achat d'un condominium construit par Les Habitations Euphoria. Le même jour, l'acheteur et un représentant du vendeur entrepreneur signent le formulaire d'inspection préréception du condominium sur lequel apparaît la mention 'aucune retouche'.  Monsieur Lavoie décède le 26 avril 2012. Madame Lisette Girard et monsieur Laurent Brodeur achètent le  23 août 2012, le condominium de monsieur Gilles Lavoie, exécuteur testamentaire du 1er acheteur. S'appuyant sur l'article 16 du Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs [1](ci-après le Règlement), qui stipule que la garantie d'un plan bénéficie à tout acquéreur subséquent, madame Girard et monsieur Brodeur, ci-après les Bénéficiaires,  adressent, le 9 novembre 2012,  une réclamation à l'Entrepreneur et à l'Administrateur.

[2]           Les Bénéficiaires dénoncent plusieurs défauts regroupés sous 9 points par la conciliatrice qui a rendu la décision pour l'Administrateur. Outre le dénivelé des planchers dans toutes les pièces, qui constitue l'item le plus important de la réclamation, les autres points portent sur:

                               -  un support accrochant de comptoir de cuisine,

                               - le cadrage des portes et fenêtres diffère de largeur, soit de haut en                                  bas ou d'un côté à l'autre et vice versa

                               - le cadrage de la douche diffère de largeur de haut en bas et la                                          porte est lâche dans le bas; 

                               - le profilé de revêtement de céramique entre la cuisine et le salon                          est surélevé et accrochant

                               - le joint de 45 degrés du comptoir de cuisine est inégal

                               -  les armoires dans la cuisine, la salle de bain et la salle de lavage                                     ne sont pas de niveau

                               - le joint à la jonction du comptoir et du dosseret est inadéquat et                                   manquant à certains endroits.  

[3]           L'Administrateur a rejeté l'ensemble de la réclamation essentiellement aux motifs que les situations étaient existantes et visibles lors de la prise de possession par le premier acheteur, que le formulaire d'inspection pré-réception signé par le premier acheteur ne contient aucune mention d'éléments à corriger, que le premier acheteur ne s'est pas non plus prévalu de son droit de dénonciation dans les 3 jours suivant la prise de possession et que le deuxième acheteur  n'a pas fait d'inspection pré-achat. En ce qui concerne le dénivelé des planchers, l'Administrateur ajoute que l'Entrepreneur a fourni une expertise à l'effet que les solives des poutrelles n'affectent pas l'intégrité structurale des planchers.

 

LA PREUVE et L'ANALYSE

[4]           Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée par les parties, la compétence du Tribunal à entendre la demande d’arbitrage est établie.       

[5]           Une visite des lieux s'est tenue avant l'audition, le 30 mai 2013. Y participaient madame Lisette Girard, monsieur Laurent Brodeur et monsieur Gilles Lavoie pour les Bénéficiaires,  monsieur Steve Fortin, monsieur Camil Barbeau, monsieur Michel Trudeau (Les toits Fermetec), monsieur  François Charest (C.L.A. Experts-conseils Inc) et Me Pierre-Olivier Baillargeon (procureur) pour l'Entrepreneur, monsieur Roberto Pisani, madame Karine Pépin et Me Jean-Raymond Paradis (procureur) pour l'Administrateur.

[6]           En début d'audition, le dossier est constitué du cahier des pièces de l’Administrateur, cotées A-1 à A-7, du dossier transmis par les Bénéficiaires, contenant les pièces cotées B-1 à B-40 ainsi que du recueil de jurisprudence déposé par les Bénéficiaires contenant 25 décisions arbitrales. À l'audition, le procureur de l'Entrepreneur dépose la déclaration de copropriété  enregistrée le 14 mars 2012. Le dépôt du formulaire d'inspection pré-réception des parties communes ayant fait l'objet d'une objection de la part des Bénéficiaires, le document ne sera pas admis en preuve. Il  en sera de même de l'ordre du jour et du compte-rendu de l'assemblée des copropriétaires tenue le 16 juillet 2012, que les Bénéficiaires ont souhaité déposer à l'encontre du formulaire de pré-réception des parties communes. Les Bénéficiaires déposent enfin un document détaillé de l'exposé de leur preuve à l'audition, coté B-41.

[7]           Il importe de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.[2](ci-après le Règlement). C’est donc sur les dispositions du Règlement que l’arbitre doit fonder sa décision.

[8]           Il convient donc de répertorier d’abord les dispositions légales et réglementaires qui encadrent les obligations des parties.

[9]           La Loi sur le bâtiment[3] (ci-après la Loi) impose aux entrepreneurs généraux l’obligation de détenir une licence qu’ils ne peuvent obtenir qu’à certaines conditions, dont l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations, prescrite également par l’article 6 du Règlement.

[10]         En vertu de l’article 79.1 de la Loi, «l'entrepreneur est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par le plan» de garantie auquel il a adhéré.

[11]         Le Règlement apporte des précisions en regard des travaux couverts par le plan de garantie. Les dispositions pertinentes au présent dossier sont les suivantes:

7.  Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.

27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:

  a)      par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;

  b)      par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

29.   Sont exclus de la garantie:

 

  1°    la réparation des défauts dans les matériaux et l'équipement fournis et installés par le bénéficiaire;

 

  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

 

  3°    les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;

 

 4°    les dégradations résultant de l'usure normale du bâtiment;

  .....

 

Toutefois, les exclusions visées aux paragraphes 2 et 5 ne s'appliquent pas si l'entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment.

 

32.   La garantie d'un plan bénéficie à tout acquéreur subséquent pour le terme qui reste à courir à la garantie.

 

33.   Chaque partie privative visée par la garantie doit être inspectée avant la réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur et le bénéficiaire à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur. Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.

 

L'inspection doit être différée lorsque la réception de la partie privative intervient après la fin des travaux des parties communes.

 

Les parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur.

[12]         Tel qu’établi dès les premières lignes de l’article 27 du Règlement,  tout vice ou malfaçon dans la construction donnera ouverture à l'application de  la garantie.  Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public (les parties ne peuvent y déroger, même par convention) du Règlement.           

[13]         Pour bien cerner ces notions, l’Arbitre réfère aux définitions fournies, à titre de guide, dans une brochure[4] publiée par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment,[5] de l’application du Règlement :

Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs.

Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

§  les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;

§  les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

§  les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;

§  les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.»

[14]         De plus, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés  à l’annexe II du Règlement. L’entrepreneur accrédité s’y engage, entre autres :

….. «3e à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur                               applicables au bâtiment

[15]         C’est donc dans un contexte législatif et réglementaire bien encadré et d’ordre public, visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur, que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.

[16]         L’Entrepreneur et l'Administrateur ne nient pas la présence des défauts dénoncés par les Bénéficiaires  mais, pour leurs représentants, les défauts  étaient soit apparents lors de la prise de possession par le 1er acheteur et n'auraient donc pas été dénoncés en temps utile, soit tolérables suivant l'usage courant du marché.

[17]         Eu égard aux motifs soulevés par l'Administrateur pour rejeter la réclamation, les Bénéficiaires représentent qu'en vertu de l'article 17 (33 en matière de copropriété) du Règlement, l'inspection pré-réception doit se faire conjointement par le bénéficiaire et l'entrepreneur.

[18]         À cet effet, monsieur Camil Barbeau, représentant de l'Entrepreneur qui a effectué l'inspection pré-réception  avec le 1er acheteur, monsieur Lavoie, est invité à témoigner. Reconnaissant sa signature sur le document, monsieur Barbeau indique que l'inspection a duré une heure à la fin de laquelle le propriétaire s'est déclaré satisfait. Interrogé par monsieur Brodeur s'il a constaté un défaut à la douche, le témoin répond par la négative. De même en est-il du plancher pour lequel il ajoute qu'on ne s'arrête pas à une déflexion normale dans le plancher et qu'il ne la sentait pas lors de l'inspection. Il témoigne à l'effet que la porte de la salle de lavage ne frottait pas et qu'il n'a pas regardé si le comptoir comportait une pente.

[19]         Par ailleurs, les Bénéficiaires soumettent que l'Entrepreneur connaissait les problèmes soulevés et aurait même dû en informer le premier acheteur, ce qui invalide le formulaire de pré-réception du bâtiment sur lequel n'apparaît aucune dénonciation.

[20]         Les Bénéficiaires soumettent de plus qu'ils n'ont pas, comme le prétend la conciliatrice, acheté sur  un coup de tête. Ils avaient d'abord réservé un condominium en construction dans le même bâtiment avant de voir que le no 102 était à vendre et disponible immédiatement.  Ils y sont venus 7 ou 8 fois avant d'acheter et n'ont pas vu les défauts, d'autant que le mot 'Apparent'  se définit de 'ce qui se montre clairement aux yeux' selon le Larousse. Ils déposent deux décisions arbitrales traitant du niveau d'inspection exigé[6], qui n'est pas la même pour un acheteur d'une maison neuve que celui pour une maison plus âgée et de l'interprétation erronée à laquelle les propos de l'Entrepreneur peuvent conduire lors de l'inspection pré-réception.

[21]         En argumentation, les Bénéficiaires plaident que, selon ce qui apparaît au formulaire d'inspection pré-réception, le 1er acheteur n'a rien vu, le représentant de l'Entrepreneur, monsieur Camil Barbeau, n'a rien vu. Monsieur Brodeur dit: 'est-ce que je dois voir des choses que monsieur Barbeau, expérimenté, n'a pas vues?'

[22]         Considérant la  preuve soumise par les parties, le Tribunal doit établir, pour chacun des points, si la décision de l’Administrateur est fondée.  Autrement dit, les situations dénoncées étaient-elles apparentes à la réception du condo par le  premier acheteur? Sinon, sont-elles acceptables en regard des tolérances du marché? De plus, en ce qui concerne les planchers, le Tribunal devra déterminer si la situation dénoncée relève des parties communes, donc de la responsabilité du syndicat de copropriété.

 

Point 1: Support de cuisine

- La preuve

[23]         À la visite des lieux, les Bénéficiaires montrent qu'un support du comptoir de cuisine est 'accrochant'. La conciliatrice, madame Karine Pépin, indique avoir constaté que la finition du support n'a pas été bien limée. À l'audition   monsieur Brodeur indique que cet item est insignifiant mais il démontre que les situations n'étaient pas visibles lors de la réception du condominium.

[24]         Monsieur Brodeur témoigne être allé 7 ou 8 fois au condo et n'avoir pas fait faire d'inspection parce qu'il le trouvait 'parfaitement correct'. lors de l'achat.

[25]         En argumentation, Me Baillargeon s'en remet à la discrétion du Tribunal  la et Me Paradis rappelle que la conciliatrice a jugé la situation tolérable.

- L'analyse et les motifs

[26]         Lors de la visite des lieux et à l'audition, il a été établi par toutes les parties, que le support était mal limé et gênant pour les mouvements. Quoique bénin, le Tribunal est d'avis qu'il s'agit d'une malfaçon non apparente lors de la réception du bâtiment. En effet, malgré tous les efforts d'un acheteur pour procéder à une inspection sérieuse, le Tribunal ne croit pas possible de constater cette imperfection. Par conséquent, le défaut ayant été dénoncé dans les 6 mois de la réception par le premier acheteur, il devra être corrigé. 

 

Point 2: Dénivelé du plancher

- La preuve

[27]         À la visite des lieux, des mesures ont été prises en présence de toutes les parties. Globalement, il a été constaté un écart de près de 2 pouces  sur toute la longueur (9 pieds 7 pouces) de la cuisine, de 1 1/4 pouce d'un bout du comptoir (au-dessus du lave-vaisselle) à l'autre  (à côté de la cuisinière) et un écart de 1/2 pouce sur toute la longueur  (17 pieds 8 pouces) du salon.  Le coup de pied des armoires de cuisine varie d'une largeur de 4 à 5 pouces.

[28]         À l'audition, monsieur Brodeur demande s'il peut interroger monsieur Pisani, directeur du service de conciliation à Qualité Habitation. Celui-ci étant présent, il est assermenté avant que monsieur Brodeur lui demande de confirmer s'être présenté chez les Bénéficiaires, leur avoir indiqué que la structure relevait du Syndicat de copropriété et les avoir également informés que Garantie Qualité Habitation a des études en cours  à ce sujet, ce que le témoin confirme.

[29]         Monsieur Gilles Lavoie, exécuteur testamentaire du premier acheteur, témoigne à l'effet que 25 personnes sont venues au condominium et qu'aucune d'elles n'a noté la moindre chose au sujet des planchers. Il explique que, lorsqu'il a vendu, 3 choses mineures avaient été notées. Il témoigne ensuite avoir assisté à la première assemblée des  copropriétaires le 16 juillet 2012. Selon lui, il ne s'est rien passé de spécial.

[30]         Invité à expliquer la vente, monsieur Lavoie indique que son fils avait payé 230 000$. Le notaire lui avait remis 10 000$, montant lié à une promotion. Il a calculé que ça lui coûterait 10 000$ de commission à un agent. Il a décidé d'enlever ce montant du prix demandé et de vendre lui-même le condo, qu'il a affiché 210 000$, non négociable. Il a signé l'offre d'achat le 16 juillet 2012.

[31]         Me Baillargeon contre-interroge ensuite  monsieur Brodeur en lui rappelant ses propos à l'effet qu'il est conscient que, pour faire les travaux, il faut que ça passe par le syndicat de copropriété, ce à quoi le témoin répond qu'on peut 'reniveler' les planchers en ajoutant quelque chose dessus. Il ajoute 'pour réparer, il faut ajouter aux parties communes un nivelant'. Je veux que la partie qui me concerne soit corrigée'.  Contre-interrogé par Me Paradis qui lui demande s'il reconnaît que son plancher est attaché à la structure, monsieur Brodeur répond 'mon nivelant de plancher'. À la question sur quoi le plancher repose, le témoin répond 'sur le ciment'. À la question sur quoi le ciment repose, le témoin répond 'ça ne me dérange pas'. Le témoin convient ensuite que le dénivelé est présent depuis la construction mais ajoute qu'actuellement, il est plus important. Le témoin indique enfin qu'il n'y avait aucun meuble dans le condo lorsqu'il l'a visité.

[32]         L'Entrepreneur fait entendre monsieur François Charest, ingénieur mandaté en juillet 2012 pour examiner les solives ajourées du plancher installé par Les Toits Fermetec. Interrogé par Me Baillargeon, monsieur Charest indique que  c'est la charpente du plancher qui comporte une déflexion. Il explique que les axes porteurs sont des poutres d'acier entre lesquelles il y a des solives ajourées de bois, sur lesquelles reposent un contreplaqué, une couche de béton et le revêtement de plancher.

[33]         Contre-interrogé par monsieur Brodeur, monsieur Charest indique que la déflexion devrait être de 0.81 pouce sur une longueur de 20 pieds 6 pouces. Interrogé sur les vérifications qu'il a faites, monsieur Charest  indique que de tous es calculs et de ce qu'il a vu à la visite des lieux, il n'y a pas de déflexion. Il n'a constaté aucune fissure, aucun signe dans le gypse. Le coup de pied qui varie de 4 à 5 pouces lui fait dire que le problème était là avant. Selon lui, les revêtements et armoires ont été posés après que 80% des déformations se soient produites car le bois travaille, surtout l'hiver. Le témoin affirme que rien ne le porte à croire que le bâtiment n'est pas sécuritaire. Les déformations ne mettent pas en péril l'intégrité du bâtiment.

[34]         Madame Karine Pépin témoigne pour l'Administrateur et indique avoir constaté un dénivelé continu des planchers. 'On le sent quand on marche' dit-elle. Madame Pépin dit qu'elle ne l'a pas reconnu parce que c'est une partie commune et qu'elle aurait dû le dire dans sa décision car un dénivelé continu indique, selon elle, que le problème se situe aux parties communes alors qu'un trou par exemple dans le milieu d'un plancher, laisserait croire que le problème est relié au revêtement, donc à la partie privative.

[35]         Interrogée par Me paradis, madame Pépin est d'avis que c'était visible lors de la prise de possession. Elle donne pour arguments le coup de pied des armoires qui varie de 4 à 5 pouces et l'absence de fissure qui laisserait présager une dénivellation liée à la structure. Interrogée sur la décision qu'elle a rendue concernant une autre unité du bâtiment, produite sous la cote B-37 par les Bénéficiaires, dans laquelle elle indique que l'installation d'un coup de pied vise à diminuer l'effet optique  du dénivelé au plancher, madame Pépin opine que cela signifie qu'on aurait dû le voir, d'autant qu'on le sent en marchant

[36]         De leur côté, s'appuyant sur la même décision rendue par la conciliatrice,   les Bénéficiaires arguent que le défaut était 'si bien camouflé que nous n'avons pu le déceler'.  Ils concluent que ce n'est que l'aggravation de la dénivellation au niveau de la porte de la salle de lavage qui a rendu visible la dénivellation du plancher, laquelle est d'ailleurs en évolution dans toutes les pièces. En vertu de l'article 16 (32 en matière de copropriété) du Règlement, arguent-ils, la couverture du plan de garantie bénéficie à tout acheteur subséquent. (Le souligné est de l'arbitre)

[37]         Monsieur Brodeur plaide que, considérant que le coup-de-pied des armoires varie de 4 à 5 pouces, l'Entrepreneur connaissait le problème et aurait dû en informer le 1er acheteur lors de la visite pré-réception du bâtiment pour se conformer à l'article 17 (33 en matière de copropriété) du Règlement. Par conséquent,  la valeur de la signature du 1er acheteur est affectée. À cet effet, il soumet deux décisions arbitrales[7] qui concluent que l'entrepreneur doit renseigner le bénéficiaire sur la présence d'un vice ou d'une malfaçon et qu'il n'est pas raisonnable de soutenir que le bénéficiaire aurait dû déceler les malfaçons si l'entrepreneur ne les a pas vues et n'a pas joué son rôle actif lors de l'inspection.(Le souligné est de l'arbitre)

[38]         L'affaire Alex François c. Construction Trilikon, précitée, répond, selon lui, à tous les considérants relatifs aux défauts apparents de la décision de l'Administrateur. Il conclut à vice caché et réfère au document du Réseau juridique du Québec, traitant des vices cachés et  produit sous la cote B-31.

[39]         Monsieur Brodeur argue ensuite qu'il était assuré devoir passer par l'Entrepreneur plutôt que le syndicat, parce que, selon lui, les travaux n'ont pas été acceptés par le syndicat. Il n'y aurait donc pas eu réception des parties communes. De plus, l'Administrateur n'en n'a pas fait état dans sa décision.

[40]         Me Baillargeon, pour l'Entrepreneur, rappelle que, tant le bénéficiaire monsieur Brodeur que l'ingénieur monsieur Charest, ont témoigné à l'effet que la déflexion se situe dans les solives ajourées, donc manifestement dans les parties communes, lesquelles relèvent du syndicat de copropriété. rappelle que le Bénéficiaire a indiqué qu'une procédure est commencée par le syndicat de copropriété et que la dénonciation est à venir.

[41]         En ce qui concerne la déflexion, elle était apparente selon le procureur puisque, en entrant, on peut voir la plinthe du mur de cuisine dont le quart-de-rond est biseauté avec une certaine déflexion. Ça se voit dès qu'on entre dans le condominium.

[42]         Quant à l'invalidation de la date de réception des parties communes, le tribunal n'a pas à statuer sur cette question.

[43]         Me Paradis plaide que la position de l'Administrateur est à l'effet que tout était visible à la réception. Le plancher est croche, donc visible. Quant à la dénivellation, elle ne vise pas la surface du plancher mais la structure en dessous, laquelle relève du syndicat de copropriété. Il y a un syndicat, c'est à lui d'agir. Peu  importe qu'il y ait eu réception des parties communes, le présent dossier n'est pas le bon forum pour la remettre en cause.

[44]         Le procureur rappelle que les Bénéficiaires avaient le fardeau de la preuve et n'ont produit aucune preuve d'expert. Monsieur Brodeur n'est pas un expert.

[45]         Me Paradis souligne qu'initialement la conciliatrice a décidé que les défauts étaient apparents lors de la réception. De plus, à l'audition, elle a ajouté que  le plancher relève des parties communes.

[46]         Le procureur argue que monsieur Barbeau n'est pas un expert en bâtiment et le Règlement n'exige pas que l'inspection soit faite par un expert.

[47]         Monsieur Brodeur réplique que le 16 juillet 2012, le notaire spécifie que les travaux seront terminés en décembre. Il n'y a donc pas eu réception des parties communes. Il argue que si c'est apparent, ce l'est pour tout le monde. Il termine en disant qu'ils sont allés là pour être heureux et 'ce n'est qu'en y vivant qu'on s'aperçoit que ce n'est pas de qualité'.

- L'analyse et les motifs

[48]         La preuve, tant à la visite des lieux qu'à l'audience, a clairement démontré un dénivelé important des planchers du condominium. Pour rejeter la réclamation, la conciliatrice appuie sa décision sur l'article 27(2) du Règlement relatif aux vices et malfaçons apparents au moment de la réception.

[49]          Certes, le coup-de-pied des armoires qui passe de 4 à 5 pouces, laisse croire que la situation existait lors de la prise de possession du bâtiment. Toutefois, devons-nous en conclure qu'elle était pour autant apparente? Le premier acheteur étant décédé, le seul témoin qui a vu le condominium le 20 avril 2012 est monsieur Camil Barbeau, qui a témoigné que lui-même et l'acheteur n'ont rien remarqué. Monsieur Gilles Lavoie a témoigné dans le même sens.

[50]         Le Tribunal ne croit pas non plus qu'il faille exiger d'un acheteur qu'il se couche sur le plancher pour mesurer le coup-de-pied afin de détecter toute anomalie que celui-ci pourrait cacher.

[51]         La décision de l'Administrateur est donc mal fondée en regard des motifs y allégués pour rejeter la réclamation sur ce point.

[52]         Par ailleurs, la preuve a démontré que l'Entrepreneur connaissait le problème de dénivellation au moins depuis le mois de juillet 2012 comme en fait foi l'expertise  requise auprès de l'ingénieur François Charest au sujet des  solives ajourées du plancher. Quoique son témoignage se veuille rassurant sur l'intégrité du bâtiment qui ne serait pas affectée, il confirme néanmoins avoir mesuré sur place une  déformation verticale dans les solives, qui excède de beaucoup les déformations théoriques.

[53]         Le Tribunal a d'ailleurs noté, selon la preuve soumise, que cette expertise est contemporaine à la convocation de  l'assemblée des copropriétaires au cours de laquelle il y aurait eu élection des  membres du syndicat de copropriété et perte de contrôle de l'administration par l'Entrepreneur.  

[54]         De l'avis du Tribunal, le témoignage de l'ingénieur Charest, le seul expert entendu à l'audience sur le dénivelé des planchers, confirme néanmoins que le problème est relié à la  structure des planchers, donc aux parties communes, plutôt qu'à leur revêtement, élément des parties privatives. La conciliatrice a bien témoigné dans le même sens à l'audition, substituant  ainsi le motif principal de sa décision écrite initiale, ce qu'elle ne peut faire.

[55]          Quoique les Bénéficiaires aient convenu qu'il faudra passer par le syndicat de copropriété pour faire les travaux de nivelage du plancher dans leur unité, ils soutìennent qu'ils étaient justifiés de s'adresser à l'Entrepreneur, la réception des parties communes n'ayant pas été valablement faite. Les Bénéficiaires s'appuient entre autre, sur la décision rendue dans l'affaire Sylvie Simpson[8]. Toutefois, cette décision ne peut recevoir ici application parce que d'une part, elle vise une décision qui comportait une conclusion  à l'égard du syndicat de copropriété en sus de la bénéficiaire et d'autre part, concerne une proposition de travaux correctifs à exécuter suite à une décision favorable de l'administrateur.

[56]          Au surplus, le Tribunal est d'avis qu'il ne peut se prononcer sur la réception des parties communes dans le cadre de la présente demande. Par conséquent, le Tribunal ne peut statuer non plus sur le dénivelé des planchers qui serait, selon la seule expertise soumise à l'audience,  lié à un élément de structure du bâtiment, relevant de la juridiction du syndicat de copropriété. La conciliatrice en a d'ailleurs décidé ainsi dans un dossier  qui concerne une autre unité de condo du même immeuble. De plus, selon la preuve entendue à l'audition, tant l'Administrateur que le syndicat de copropriété procéderaient actuellement à des  expertises sur le bâtiment et le syndicat s'apprêterait à déposer une réclamation à l'Administrateur.

[57]         Toutefois, la problématique du dénivelé des planchers n'en a pas moins été clairement démontrée et le Tribunal est d'avis qu'il serait préjudiciable aux Bénéficiaires de ne pas reconnaître leur réclamation advenant qu'une autre décision à l'égard d'une réclamation du syndicat de copropriété ne la rejette au motif qu'aucun vice ou malfaçon n'affecte les parties communes (structure des planchers) ou advenant que le syndicat de copropriété ne dépose aucune réclamation dans les douze (12) mois suivant la présente décision.

 

Point 3: :  Cadrages

- La preuve

[58]         La visite des lieux a permis de constater que le cadrage de la porte de la chambre de lavage est croche, que les cadrages de la porte d'entrée, des portes pliantes de l'entrée, de l'armoire à linge, de la salle de bain, de la garde-robes dans la chambre principale comportent une légère différence de largeur entre la moulure et le cadrage, soit entre le haut et le bas, soit entre les côtés. De même en est-il des fenêtres du salon et des chambres.

[59]         En ce qui concerne le cadrage de la porte de lavage que monsieur Brodeur a sablée pour l'empêcher de frotter, l'Administrateur a rejeté la réclamation en invoquant l'article 6.7.1 du contrat de garantie (article 29(1) du Règlement) qui traite de la réparation des défauts dans les matériaux et l'équipement fournis et installés par le bénéficiaire. (Le souligné est de l'arbitre)

[60]         Dans l'argumentaire qu'ils ont déposé à l'audition, les Bénéficiaires indiquent que ces défauts sont 'visibles à l'oeil' et qu'ils contreviennent au Guide de performance de l'APCHQ relatif aux espaces aux joints ou mauvais alignement des moulures ou boiseries intérieures. À l'audition,  s'appuyant sur la décision arbitrale rendue dans l'affaire Pierre Brodique c. Damy Construction et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ,[9] monsieur Brodeur opine que des cadrages croches nuisent à la qualité du bâtiment. 

[61]         Me Baillargeon interroge madame Pépin sur la façon de faire un cadrage et les règles de l'art en la matière. Celle-ci explique que les ouvriers s'appuient en haut et en bas et posent du 'putty'. entre le cadrage et la plinthe. Elle témoigne que cela a été fait pour tous les cadrages du condo des Bénéficiaires.

[62]         Interrogée par Me Paradis,  madame Pépin est d'avis que la situation constatée chez les Bénéficiaires est normale. Contre-interrogée par monsieur Brodeur sur la signification de 'normal', madame Pépin indique que ce qui est important, c'est que la porte ouvre et ferme correctement.  Elle se base sur l'usage courant du marché pour conclure à normalité.

[63]         En argumentation, Me Baillargeon rappelle que les cadrages ne comportent aucune fissure et aucun des joints n'est fendillé.

- L'analyse et les motifs

[64]         La différence d'alignement des cadrages des portes et fenêtres, quoique 'visible à l'oeil', comme l'ont argumenté les Bénéficiaires, ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des portes et fenêtres.  Il s'agit donc d'un problème esthétique qui, de l'avis du Tribunal, était apparent à la réception du  bâtiment. À défaut de dénonciation sur le formulaire d'inspection pré-réception de l'unité de condominium,  le Tribunal n'a d'autre choix que de rejeter la demande sur ce point.

[65]         Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement la porte de la salle de lavage, la preuve a clairement établi qu'elle ne frottait pas lors de l'inspection pré-réception mais que c'était le cas lors de l'achat du condo. La conciliatrice a invoqué l'exclusion  de la garantie prévue à l'article 29(1) du Règlement pour rejeter la demande.

[66]         Avec respect et en accord avec le Bénéficiaire, celui-ci n'a fourni aucun matériau.  Toutefois, le Bénéficiaire ayant effectué lui-même des travaux sur la porte, il en a modifié l'aspect original de sorte que l'article 29(3) du Règlement, précité, s'applique  et impose le rejet de la demande.

 

Point 4: Douche

[67]         Lors de la visite des lieux, les parties ont pu voir que la porte de la douche est croche et lâche dans le bas. À l'audition, l'Entrepreneur s'engage à ajuster la porte de façon à corriger ces défauts, ce dont le Tribunal prend acte.

 

Point 5: Profilé de revêtement de céramique

- La preuve

[68]         À la visite des lieux, les Bénéficiaires montrent que la moulure d'aluminium entre les revêtements de sol de la cuisine et du salon est surélevée et   'accrochante'. L'Administrateur a rejeté  la réclamation en invoquant le guide d'entretien publié par Qualité habitation en regard de la finition d'un plancher de céramique. À l'audition, monsieur Brodeur réfère au Guide de performance de l'APCHQ relatif à la différence de niveau entre deux revêtements de sol adjacents.

[69]         Me Baillargeon plaide que la moulure était manifestement présente depuis le début car, dit-il, ce n'est pas le temps qui a pu créer la coupe dans le quart de rond du mur qui sépare la cuisine du salon.

 

- L'analyse et les motifs

[70]         Avec respect , en rendant sa décision pour l'Administrateur, la conciliatrice n'a pas identifié correctement la situation dénoncée en l'assimilant à une différence de niveau entre les carreaux de céramique du plancher de cuisine alors que c'est la moulure entre les deux pièces qui est en cause. Ce faisant, le motif de rejet de la réclamation est également erroné.

[71]         Le Guide de performance de l'APCHQ, invoqué par les Bénéficiaires, et qui prévoit que 'les transitions entre les différents matériaux de plancher ne devraient pas présenter de dénivellation verticale supérieure à 1/16 po (2 mm).' s'applique davantage  à la nature du problème soulevé.

[72]         Toutefois, de l'avis du Tribunal, le défaut, s'il en est, est mineur et conforme aux usages du marché.  Le Tribunal rejette donc la demande sur ce point.

 

Point 6:  Comptoir de cuisine: joint de 45 degrés

- La preuve

[73]         Lors de la visite des lieux, les Bénéficiaires montrent que le joint à 45 degrés du comptoir de cuisine est très légèrement surélevé dans sa partie arrière. La conciliatrice constate que la situation est moins importante que lors de l'inspection. Les Bénéficiaires font toutefois remarquer que le côté du comptoir de cuisine semble, depuis quelque temps, se détacher du mur qui sépare la cuisine du salon.

[74]         À l'audition, monsieur Brodeur convient que l'inégalité du joint était pire lors de l'inspection mais attribue cette correction au fait que le comptoir se décroche du mur du côté du salon, ce à quoi Me Baillargeon s'objecte car, ce faisant, le Bénéficiaire émet une opinion. Invoquant le Guide  de performance de l'APCHQ relatif aux joints à 45 degrés de comptoir, monsieur Brodeur plaide qu'il n'y a aucune tolérance à ce sujet.

 

 

- L'analyse et les motifs

[75]         Quoique, à l'origine, ce défaut était mineur, il y  a lieu de considérer la dégradation récente de la situation, qui amène à conclure à la nécessité d'intervenir. L'Entrepreneur devra donc corriger la situation selon les règles de l'art.

 

Point 7: Niveau du réservoir d'eau chaude

[76]         Les Bénéficiaires indiquent n'avoir jamais voulu faire une réclamation à ce sujet mais ne l'avaient mentionné à la conciliatrice que pour démontrer la dénivellation du plancher. Ce point est donc retiré séance tenante.

 

Point 8: Niveau des armoires de cuisine, salle de bain et salle de lavage

- La preuve

[77]         Lors de la visite des lieux, les Bénéficiaires montrent que les armoires de la salle de lavage, la cuisine et la salle de bain ne sont pas de niveau. Même une poignée d'armoire est plus haute que l'autre dans la salle de bain.

[78]         À l'audition, monsieur Brodeur indique que ces situations se sont produites après l'achat du condominium, ce qui aurait été mentionné à la conciliatrice qui n'en fait pas état dans sa décision.  Il réfère au Guide de performance de l'APCHQ relatif au comptoir de cuisine qui doit être fixé d'une façon qui assure sa stabilité.

[79]         Me Baillargeon rappelle que, même si le Bénéficiaire insiste sur l'inspection pré-réception par le premier acheteur, celui-ci n'étant pas là, il faut prendre le document tel qu'il est.

- L'analyse et les motifs

[80]         Il y a lieu de considérer d'une part, le témoignage de  l'ingénieur Charest, seul expert entendu à l'audience, à l'effet que 80% de la déflexion se serait produite avant que  les appareils et armoires ne soient installés et d'autre part, le témoignage des Bénéficiaires à l'effet que la dénivellation des armoires s'est manifestée après leur prise de possession du condo.

[81]         S'appuyant sur la preuve, il paraît donc plausible que la problématique n'ait pas été apparente à la réception du bâtiment en avril 2012, comme le  démontre le coup-de- pied qui varie de 4 à 5 pouces dans la de cuisine. Il est également vraisemblable que les situations se soient dégradées  depuis l'achat du condo par les Bénéficiaires, si on déduit du témoignage de monsieur Charest que 20% de la déflexion a pu se manifester depuis l'installation des armoires. Or, celles-ci doivent être de niveau même si le plancher comporte une dénivellation.

[82]         Par conséquent, l'Entrepreneur devra corriger les situations selon les règles de l'art.

 

Point 9: Cuisine: Joint du dosseret

[83]         À la visite des lieux et à l'audition, les Bénéficiaires font état de la dégradation du joint de coulis de céramique du dosseret du comptoir de cuisine depuis qu'ils ont emménagé.

[84]         L'Entrepreneur s'engage séance tenante à corriger la situation. ce dont le Tribunal prend acte.

 

LA DÉCISION

[1]           L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[10] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[11]

[2]           En vertu de l’article 37 du Règlement et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause sur certains points, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;

37.   Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

POUR  LES MOTIFS EXPOSÉS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCUEILLE  la demande d’arbitrage  et RENVERSE la décision de l'Administrateur sur les points 1, 6 et 8

ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer au plus tard le 15 septembre 2013, les travaux correctifs requis par les points 1, 6 et 8 selon les règles de l’art.

DONNE ACTE de l'engagement de l'Entrepreneur d'effectuer les travaux correctifs requis à l'égard des points 4 et 9; 

REJETTE la demande d'arbitrage et MAINTIENT la décision de l'Administrateur sur les points 3 et 5

DONNE ACTE du retrait de la demande à l'égard du point 7.

REJETTE la décision de l'Administrateur sur le point 2, DÉCLARE ne pouvoir intervenir à l'égard des parties communes visées au point 2 mais ACCUEILLE la demande d'arbitrage sur ce point advenant qu'une autre décision à l'égard d'une réclamation du syndicat de copropriété ne la rejette au motif qu'aucun vice ou malfaçon n'affecte les parties communes (structure des planchers) ou advenant que le syndicat de copropriété ne dépose aucune réclamation dans les douze (12) mois suivant la présente décision.

CONDAMNE l'Administrateur à payer les frais d'arbitrage.

 

 

 

  ___________________________________________

  Me France Desjardins

  Arbitre / SORECONI

 



[1] LRQ, c.B-1.1, r.0.2

[2] L.R.Q. c.B.-1.1 r.0.2

[3] L.R.Q., c. B.-1.1

[4] Brochure : Mesures à prendre  pour votre maison concernant le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Publication de la Régie du Bâtiment du Québec, dépôt légal 2007, Archives nationales du Québec.

[5] LRQ, c.B-1.1

[6] 9125-3575 Québec Inc (Gestion Immobilia) c. France Beauchamp et Réjean Brpurque et La Garantie des Maîtres bâtisseurs Inc., GAMM 2009-03-30, Me Jeffrey Edwards. 29 novembre 2010.

Antoinette Barilec. St-Luc DC II Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ , Inc., GAMM 2007-12-004, arbitre Jean Morissette, 28 février 2008.

 

[7] Anne-Marie Cordeiro c. Construction Simon Cousineau Inc.  c. et La Garantie des Batiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc, SORECONI 060305001, Me Robert Masson, 29 juin 2006;

Alex François c. Constructions Trilikon Inc et La Garantie des Batiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc, , CCAC S11-121602-NP, Me Pierre Boulanger, 11 mai 2012.

[8] Sylvie Simpson c. Construction Brumarg Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., CCAC S-10-260701-NP, Monsieur Guy Pelletier, 26 novembre 2010.

[9] SORECONI, 180010505, décision rendue le 16 septembre 2005 par l'arbitre Jacques E. Ouellet.

[10] Article 116 du Règlement

[11] Articles 36 et 120 du Règlement