ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
ENTRE : Marie-Marlène Plaisimé
(ci-après « la Bénéficiaire »)
ET : Les habitations Sylvain Ménard inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier du CCAC: S11-071501-NP
Arbitre : |
|
Me Albert Zoltowski |
|
|
|
Pour le Bénéficiaire : |
|
Madame Marie-Marlène Plaisimé |
|
|
|
Pour l’Entrepreneur : |
|
Monsieur Julien Rubba |
|
|
|
Pour l’Administrateur : |
|
Me François Laplante |
|
|
|
Date de la décision : |
|
Le 17 février 2012 |
Identification complète des parties
Arbitre : |
|
Me Albert Zoltowski 1010, de la Gauchetière Ouest Bureau 950 Montréal (Québec) H3B 2N2 |
|
|
|
Bénéficiaire : |
|
Madame Marie-Marlène Plaisimé 187, rue de l’Affluent Vaudreuil-Dorion (Québec) J7V 0E3 |
|
|
|
Entrepreneur : |
|
Les habitations Sylvain Ménard inc.. 435, avenue Saint-Charles Vaudreuil-Dorion (Québec) J7V 2N4 |
|
|
|
Administrateur : |
|
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. 5930, boul. Louis-H.-Lafontaine Montréal (Québec) H1M 1S7
Représentée par : Me François Laplante Savoie Fournier |
Décision
L’arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (ci-après le « CCAC ») le 22 juillet 2011.
3 mai 2011 : |
Inspection du bâtiment par l’Administrateur; |
|
|
20 juin 2011 : |
Décision de l’Administrateur; |
|
|
15 juillet 2011 : |
Réception par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial de la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire; |
|
|
22 juillet 2011 : |
Nomination de l’arbitre; |
|
|
7 septembre 2011 : |
Réception par le tribunal arbitral du cahier des pièces de l’Administrateur; |
|
|
8 septembre 2011 : |
Avis d’audition préliminaire aux parties; |
|
|
23 septembre 2011 : |
Audition préliminaire par conférence téléphonique; |
|
|
30 septembre 2011 : |
Avis d’audition au mérite aux parties; |
|
|
23 novembre 2011: |
Visite des lieux et audience; |
|
|
|
|
DÉCISION
Introduction
[1] Le 20 juin 2011, l’Administrateur par l’entremise de madame Marie-Claude Laberge, architecte et inspecteur-conciliateur au Service de conciliation de l’Administrateur, rend une décision qui prévoit que sur neuf points de réclamation de la Bénéficiaire, un est accueilli et les neuf autres sont rejetés pour divers motifs.
[2] La Bénéficiaire porte en arbitrage les huit points qui ont été rejetés par l’Administrateur. Lors de l’audience, elle s’est désistée du point no 6 « Tablette de la garde-robe de la chambre principale ».
[3] Tout au long de la procédure de réclamation auprès de l’Administrateur et ensuite celle d’arbitrage, la Bénéficiaire a agi seule, sans l’aide d’un avocat.
[4] Lors de l’audience préliminaire par voie téléphonique, qu’on appelle souvent la « conférence préparatoire », un des sujets qui ont été abordés était le rôle des témoins-experts et les exigences concernant leur témoignage, soit le dépôt de leur rapport et de leurs notes biographiques.
[5] Après une visite du bâtiment de la Bénéficiaire situé au 187, rue de l’Affluent, Vaudreuil-Dorion par le tribunal arbitral, en compagnie des parties et du procureur de l’Administrateur le matin du jour de l’audience, toutes ces personnes se sont rendues au Palais de justice de Salaberry de Valleyfield où l’audience eut lieu.
No 2 - Plancher de carrelage céramique de la cuisine
[6] Dans sa décision, l’Administrateur a rejeté la réclamation de la Bénéficiaire à l’effet que certains carreaux de céramique de sa cuisine sont installés à des niveaux différents rendant ainsi le plancher accrochant à certains endroits. Selon l’Administrateur, les écarts observés entre les carreaux respectent les seuils de tolérance admissibles et rencontrent les critères de performance attendus pour ce type d’ouvrage.
Preuve de la Bénéficiaire
[7] Madame Plaisimé témoigne que ses pieds accrochent parfois à certains endroits de son plancher de cuisine en céramique. Elle n’est pas la seule personne à subir cet inconvénient. Sa mère éprouve les mêmes problèmes.
[8] Elle a fait venir une personne possédant une certaine expertise dans le domaine qui lui a dit que …(objection).
[9] Le procureur de l’Administrateur s’objecte à la continuation du témoignage de madame Plaisimé quant aux déclarations ayant pu être faites par une personne qui n’est pas présente à l’audience. Il invoque la prohibition du ouï-dire. Le tribunal maintient son objection.
[10] Madame Plaisimé déclare qu’aucun expert ne témoignera pour elle lors de l’audience.
Preuve de l’Administrateur
[11] Madame Marie-Claude Laberge témoigne pour l’Administrateur. Elle possède une formation en architecture et elle agit dans ce dossier comme inspecteur-conciliateur de l’Administrateur. Elle est l’auteure de la décision de l’Administrateur qui a suscité cet arbitrage.
[12] Elle demande au tribunal d’être reconnue comme expert. Après un court interrogatoire concernant sa formation et son expertise dans le domaine de la construction, ainsi que le dépôt de ses notes biographiques, le tribunal la reconnaît comme expert dans ce dossier.
[13] Elle témoigne que les différences de niveau entre certaines tuiles de céramique adjacentes les unes aux autres de la cuisine du bâtiment sont de 1 millimètre, ce qui correspond à l’épaisseur d’une pièce de 10 cents. Cette différence de niveau est, selon elle, à l’intérieur des normes de tolérance. À l’appui de son opinion, elle dépose copie d’un extrait du Guide de performance de l’APCHQ (Édition de 2006) (pièce A-13) où à la page 256, on lit ce qui suit :
« Une dénivellation entre des tuiles de même surface de plus de 1/16 de po (2 mm) est considérée comme excessive, excepté là où le matériau utilisé présente des irrégularités de hauteur (par exemple, les tuiles faites à la main ou d’ardoise rustique).»
[14] Elle réitère l’opinion qu’elle a déjà émise dans la décision de l’Administrateur à l’effet que ces écarts de niveau entre les tuiles sont à l’intérieur du seuil de tolérance pour ce genre de plancher et donc acceptables. En d’autres mots, le plancher n’est pas affecté d’un vice ou d’une malfaçon.
Preuve de l’Entrepreneur
[15] L’Entrepreneur ne soumet aucune preuve relativement à ce point.
Analyse et décision
[16] Ayant déposé la demande d’arbitrage, la Bénéficiaire avait le fardeau de preuve, c’est-à-dire qu’elle devait convaincre le tribunal arbitral que la décision de l’Administrateur relativement au problème allégué, devait être modifiée.
[17] La question de savoir quel écart entre le niveau des tuiles adjacentes était à l’intérieur des normes de tolérance (et pouvait être considéré comme acceptable) et quel écart dépassait ces normes et donc pouvait constituer un vice ou une malfaçon pour les fins de la garantie, dépendait des règles de l’art dans l’industrie de la construction en semblable matière.
[18] Généralement, les règles de l’art font partie de la preuve de la partie qui désire les invoquer à l’appui de sa position. Normalement, cette preuve est faite par le témoignage d’un expert, appuyé de son rapport écrit dans lequel il réfère à ces règles. Souvent, une description de ces règles de l’art apparaît dans un document annexé à l’expertise. La preuve des règles de l’art, autrement qu’au moyen d’une expertise est plutôt exeptionnelle selon l’auteur Bernard P. Quinn :
« S’il est convenable de faire une telle preuve autrement, dans des circonstances exceptionnelles, en se fondant par exemple sur des présomptions de faits ou sur une preuve documentaire précise, la prudence dicte néanmoins d’avoir recours à l’expert.[1]»
[19] Étant donné que les coûts associés à l’inspection de l’ouvrage par l’expert, à la rédaction de son rapport ainsi qu’à sa présence lors de l’audience peuvent être substantiels, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[2] (ci-après « le Règlement ») prévoit à l’article 124 que :
« L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.»
[20] Dans ce dossier, le rôle d’un témoin expert et l’exigence de la communication de son rapport à toutes les parties avant l’audience ont été clairement expliqués à toutes les parties lors de la conférence préparatoire par voie téléphonique.
[21] Tel que mentionné ci-haut, le fardeau de prouver le contenu des règles de l’art pertinentes qu’elle désire invoquer et le fait qu’elles ont été enfreintes lors de l’installation du plancher en céramique reposait sur la Bénéficiaire. Elle ne s’est pas déchargée de ce fardeau.
[22] Malgré la sympathie du tribunal arbitral à l’égard de la Bénéficiaire qui est certainement de bonne foi et qui n’a aucune expérience dans le domaine de la construction, il n’a pas d’autres possibilités que de rejeter sa demande sur ce point.
No 3 - Fixation de la rampe de l’escalier de l’étage
et section de l’escalier du garage
[23] Dans sa décision, l’Administrateur a rejeté ce point au motif qu’il n’a pu observer de défaut significatif quant à la fixation des rampes d’escalier ci-haut indiquées. Elles lui ont paru tout à fait acceptables.
Preuve de la Bénéficiaire
[24] Madame Plaisimé témoigne que la fixation de la rampe de l’escalier de l’étage et celle de l’escalier menant au garage n’étaient pas ancrées assez solidement. Elle trouve que les deux rampes branlent lorsqu’on y applique une pression sur le côté.
[25] Elle affirme que le représentant du sous-traitant Boiseries Raymond inc. qui a installé les rampes et qui a été convoqué par l’Entrepreneur à les inspecter à la demande de madame Plaisimé, lui a verbalement promis que quelqu’un de son entreprise viendrait effectuer des travaux correctifs pour les solidifier. Cependant, après cette visite, ce même représentant des Boiseries Raymond inc. a écrit une courte lettre datée du 16 novembre 2010 à l’Entrepreneur, dont copie a été transmise à la Bénéficiaire, dans laquelle il a écrit ceci :
« Toutefois, le bilan de ma visite ne démontre aucune anomalie au niveau de la solidité de la rampe du palier, partie où l’occupant avait dénoté une défaillance.» (Pièce A-6 en liasse)
Preuve de l’Administrateur
[26] Témoignant pour l’Administrateur, madame Marie-Claude Laberge déclare que les deux rampes sont acceptables quant à leur solidité.
Preuve de l’Entrepreneur
[27] L’Entrepreneur ne présente aucune preuve relativement à ce point.
Analyse et décision
[28] Lors de sa visite précédant l’audience, le tribunal arbitral a examiné brièvement les deux rampes. Il n’a pas pu constater de faiblesses d’ancrage évidente des deux rampes.
[29] Tel que mentionné ci-haut, le fardeau de la preuve appartenait à la Bénéficiaire. Malheureusement pour elle, elle ne s’en est pas déchargée. Pour les mêmes motifs que ceux déjà mentionnés sous le point 2 « Plancher de carrelage céramique de la cuisine » le tribunal arbitral est contraint de rejeter la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire relativement à ce point.
No 4 - Fissures au revêtement de gypse
et bosse au plafond de la chambre principale
[30] L’Administrateur a rejeté les deux réclamation comprises sous ce point pour deux motifs. Premièrement, parce que ces situations sont en grande partie attribuables au comportement normal des matériaux lors du séchage. Il note que les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux, tels les fissures et les rétrécissements, sont expressément exclues du plan de garantie selon l’article 4.2 du contrat de garantie. Deuxièmement, selon l’Administrateur, ces situations qui ont été dénoncées dans la deuxième année de la garantie, ne rencontrent pas les critères de vices cachés.
Preuve de la Bénéficiaire
[31] Madame Plaisimé témoigne qu’elle a remarqué pour la première fois les fissures situées au plafond en revêtement de gypse de la chambre principale ainsi qu’au-dessus de l’escalier, pas longtemps après qu’elle a emménagé dans le bâtiment. Ce qu’elle fit vers le 14 juin 2009.
[32] Elle s’est aperçue de la bosse sur le placoplâtre au plafond de la chambre principale avant que le plâtrier finisse le plafond. Ce travail de plâtrier n’a pas fait disparaître la bosse.
[33] L’Entrepreneur a fait certains travaux de réparation des fissures en septembre ou octobre 2009. Cependant le témoin déclare que ces travaux correctifs n’ont pas été complétés car les endroits corrigés n’étaient pas suffisamment sablés et n’étaient pas repeinturés.
Preuve de l’Entrepreneur
[34] Quant à la bosse au plafond, l’Entrepreneur opine qu’elle ne dépasse pas la norme de tolérance selon le Guide de performance de performance de l’APCHQ.
[35] Il reconnaît qu’il n’est pas un expert.
Preuve de l’Administrateur
[36] Selon madame Laberge, la bosse au plafond va au-delà du comportement normal des matériaux. Toutefois, elle opine qu’il s’agit d’un défaut mineur d’ordre esthétique.
Prétentions des parties
[37] La Bénéficiaire plaide à l’appui de ce point ainsi qu’à l’appui de tous les autres points qu’elle a soumis à la procédure d’arbitrage, qu’elle ne connaît rien dans le domaine de la construction, qu’elle regrette de ne pas avoir engagé un inspecteur professionnel lors de la réception du bâtiment, qu’elle a fait plusieurs dénonciations tant verbales qu’écrites à l’Entrepreneur. Ce dernier lui a fait certaines promesses qu’il n’a pas tenues. Finalement elle déclare qu’elle se sent trompée par l’Entrepreneur parce qu’elle lui a fait trop confiance et il n’a pas fait les réparations auxquelles elle s’attendait.
[38] L’Administrateur plaide que les fissures au plafond s’expliquent par un comportement normal des matériaux lequel constitue une exclusion expresse du plan de garantie. De plus, il plaide que ces fissures ainsi que la bosse au plafond ont été dénoncées par écrit à l’Administrateur au-delà du délai maximal de six mois après leur découverte, et ce, contrairement aux exigences du plan de garantie. Finalement, il plaide que ces situations, pour être couvertes par le plan de garantie, doivent rencontrer les critères de vices cachés au sens de ce plan, des critères qu’elles ne rencontrent pas car elles ont été dénoncées dans la deuxième année suivant la réception du bâtiment.
Analyse et décision
[39] Selon le témoignage de la Bénéficiaire, elle a découvert la bosse et les fissures au plafond de la chambre à coucher du premier étage et au-dessus de l’escalier peu de temps après qu’elle a emménagé dans sa nouvelle résidence, soit entre le 14 juin 2009 et les mois de septembre - octobre 2009 lorsque des travaux de réparation des fissures ont été effectués par l’Entrepreneur.
[40] Selon la preuve, la dénonciation écrite de ces problèmes à l’Administrateur a eu lieu le 20 janvier 2011. Que l’on qualifie ces situations de malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception du bâtiment ou de vices cachés, le délai maximal entre la date de leur découverte et celle de leur dénonciation par écrit, non seulement à l’Entrepreneur mais aussi à l’Administrateur, ne peut excéder six mois aux termes des paragraphes 3.2 (2e paragraphe) et 3.3 du contrat de garantie (pièce A-1).
[41] Selon la preuve, cette découverte par la Bénéficiaire a eu lieu entre le 14 juin 2009 et septembre ou octobre 2009 tandis que la dénonciation écrite à l’Administrateur date du 20 janvier 2011.Il est clair que le délai maximal permis selon le contrat de garantie et le Règlement[3] de six mois entre la découverte de ces problèmes et leur dénonciation est largement dépassé.
[42] Pour ce motif, le tribunal arbitral considère que les problèmes allégués sous le point 4. ne peuvent être couverts par le plan de garantie. Vu cette conclusion, le tribunal arbitral n’a pas besoin d’analyser les autres prétentions des parties.
No 5. Isolation du mur intérieur de fondation du garage
[43] Dans sa décision, l’Administrateur a déterminé que le mur qui sépare le garage du reste du sous-sol et qui se trouve à l’intérieur de périmètre des murs du sous-sol n’a pas besoin d’être isolé. Selon cette décision, seule la section du retour du mur sur 30 pouces par rapport au mur extérieur doit être isolée. À l’appui de cette décision, l’Administrateur réfère de façon générale à la Loi et Règlement sur l’économie de l’énergie.
Preuve de la Bénéficiaire
[44] La Bénéficiaire ne soumet aucune preuve verbale ou écrite à l’appui de sa demande.
Preuve de l’Entrepreneur
[45] L’Entrepreneur ne soumet aucune preuve.
Preuve de l’Administrateur
[46] La représentante de l’Administrateur, reconnue par le tribunal comme un expert, affirme que ce sont seulement les 24 pouces ou les 30 pouces du mur intérieur qui se trouvent à proximité de l’intersection avec le mur extérieur, qui doivent être isolées. Évidemment les murs extérieurs qui forment le périmètre du bâtiment doivent aussi être isolés.
[47] Elle dépose des croquis de murs extérieurs et intérieurs d’un immeuble (pièce A-14) pour illustrer ses propos. Elle déclare que ces croquis illustrent que les murs extérieurs qui forment le périmètre d’un immeuble doivent être isolés et que seulement une bande verticale de 24 ou 30 pouces d’un mur intérieur près de l’intersection avec le mur extérieur doit être isolée également. Elle explique que ces croquis ont été dessinés conformément aux exigences du Code national du bâtiment du Canada et de la Loi et Règlement sur l’économie de l’énergie dans les nouveaux bâtiments.
Prétentions des parties
[48] La Bénéficiaire soumet simplement que si l’isolation de son mur intérieur est conforme à la norme de construction en vigueur au moment de sa construction, elle accepte la décision de l’Administrateur sur ce point. Dans le cas contraire, elle la conteste.
[49] L’Administrateur soutient que le mur intérieur est conforme à la norme en vigueur lors de sa construction.
Analyse et décision
[50] Encore une fois, le tribunal arbitral se voit dans la position où il doit rappeler que le fardeau de preuve appartenait à la Bénéficiaire si elle voulait que la décision de l’Administrateur soit modifiée.
[51] Elle ne s’est pas déchargée de ce fardeau, n’ayant soumis aucune preuve concernant les normes, qui peuvent être comprises sous l’expression « les règles de l’art », qui régissaient l’isolation du mur intérieur de son bâtiment lors de sa construction et concernant une infraction à ces normes ou règles de l’art. Conséquemment, le tribunal arbitral doit rejeter sa demande d’arbitrage relativement à ce point .
No 7. Infiltration d’eau par la porte du garage et
No 8 Infiltration d’air par les portes
Preuve de la Bénéficiaire
[52] Madame Plaisimé témoigne qu’elle a découvert dans les 30 jours après qu’elle ait emménagé dans le bâtiment, soit vers le 14 juin 2009, que l’eau s’infiltrait à deux endroits en-dessous de la porte de son garage.
[53] En ce qui concerne les infiltrations d’air par la porte principale, la découverte de ce problème date du premier hiver après qu’elle se soit installée dans le bâtiment (l’hiver 2009-2010). Elle s’est plainte à l’Entrepreneur qui a tenté de faire des réparations qui, malheureusement, n’ont pas fait disparaître ces problèmes.
[54] Elle déclare que la représentante à la clientèle chez l’Entrepreneur lui a conseillé de décrire ces problèmes dans une lettre et que l’Entrepreneur enverrait un représentant pour faire d’autres réparations.
[55] Elle s’est fiée aux promesses de la représentante de l’Entrepreneur. Ce dernier n’a pas fait les réparations ainsi promises.
Preuve de l’Entrepreneur
[56] L’Entrepreneur ne présente aucune preuve.
Preuve de l’Administrateur
[57] L’Administrateur reconnaît que les infiltrations d’eau par la porte du garage démontrent qu’elle est affectée de vices cachés.
Prétentions des parties
[58] L’Administrateur soumet que même si la porte du garage pouvait démontrer un vice caché et même si la porte d’entrée principale pouvait être affectée d’une malfaçon non apparente (ce qu’il ne reconnaît pas), leurs réparations ne sont pas couvertes par le plan de garantie car le délai maximal de six mois entre la date de la découverte des malfaçons non apparentes, des vices cachés ou des vices majeurs, et la date de leur dénonciation écrite à l’Administrateur a été dépassé.
Analyse et décision
[59] Tel que déjà mentionné aux paragraphes 40 et 41 ci-haut, le délai maximal de six mois qui s’applique aux malfaçons non apparentes et aux vices cachés a encore, selon la preuve, été dépassé relativement aux points 7 et 8. Conséquemment, le tribunal arbitral doit rejeter la demande d’arbitrage du Bénéficiaire relativement à ces deux points.
No 9. Problème de condensation dans les fenêtres
[60] Dans sa décision, l’Administrateur a constaté que la Bénéficiaire a mentionné avoir observé de la condensation sur les fenêtres dès le premier hiver de son occupation du bâtiment, soit l’hiver 2009-2010. Vu que la dénonciation écrite de ce problème a été reçu par l’Administrateur le 20 janvier 2011, ce dernier a rejeté cette réclamation au motif que le délai maximal de six mois entre la date de sa découverte et celle de sa dénonciation écrite à l’Administrateur a été dépassé.
[61] De plus, dans sa décision l’Administrateur a noté que lors de son inspection qui a eu lieu le 3 mai 2011, elle n’a pu constater de problème de condensation sur les fenêtres.
Preuve de la Bénéficiaire
[62] Madame Plaisimée témoigne qu’elle n’a jamais reçu le manuel de l’utilisateur pour le contrôle du système de chauffage, d’échangeur d’air et de contrôle d’humidité.
[63] De plus, elle déclare qu’en hiver seulement, toutes les fenêtres de sa maison sont affectées par un problèmes de condensation.
Preuve de l’Entrepreneur
[64] L’Entrepreneur ne soumet aucune preuve relativement à ce point.
Preuve de l’Administrateur
[65] Madame Laberge déclare que de façon générale on peut contrôler la condensation sur les fenêtres en hiver en contrôlant le taux d’humidité du bâtiment. Pour éviter cette condensation, il faut réchauffer les surfaces vitrées et contrôler le taux d’humidité à l’intérieur du bâtiment.
[66] À part de la température à l’extérieur du bâtiment, les autres facteurs qui peuvent contribuer à augmenter le taux d’humidité à l’intérieur du bâtiment sont la fréquence ou la durée de l’utilisation des douches dans les salles de bain, le volume de vapeur résultant des activités de cuisine, ainsi que la distance entre les sorties d’air pulsé et les fenêtres.
Entente de règlement
[67] Lors de l’audience, les parties ont convenu entre elles du règlement suivant :
« 1.L’Entrepreneur fournira à la Bénéficiaire au cours de la même semaine où l’audience a eu lieu, le manuel complet d’instructions quant à l’usage du système de chauffage, d’échange d’air et de contrôle d’humidité du bâtiment de la Bénéficiaire;
2. Par la suite, l’Entrepreneur fera les démarches nécessaires afin que son sous-traitant qui a fait l’installation du système de chauffage, d’échange d’air et de contrôle d’humidité dans ce bâtiment, fasse une visite mensuelle durant l’hiver 2011-2012, soit les 15 décembre 2011, 15 janvier 2012, 15 février 2012, 15 mars 2012 et 15 avril 2012 pour vérifier si le système est bien ajusté et donner des conseils à la Bénéficiaire afin de pallier au problème de condensation sur les fenêtres à l’intérieur du bâtiment;
3. Le jour précédant chaque visite du sous-traitant ainsi prévue, l’Entrepreneur ou le sous-traitant communiquera par téléphone avec la Bénéficiaire pour confirmer les détails de cette visite et, si les parties conviennent que cette visite devrait avoir lieu à une autre date, de cette nouvelle date de visite;
4. Sous réserve du respect par l’Entrepreneur de ses engagements prévus ci-haut, la Bénéficiaire renonce à sa réclamation mais seulement en ce qui concerne le bon fonctionnement de l’aspect du contrôle d’humidité de l’appareil central de chauffage/échange d’air et contrôle d’humidité de son bâtiment en hiver. Cette renonciation ne touche pas les autres aspects de fonctionnement de ce(s) appareil(s).»
Prétentions des parties
[68] L’Administrateur plaide que la Bénéficiaire avait le fardeau de preuve. Que pour s’en décharger elle devait faire appel à un expert. Qu’elle n’a pas fait cette preuve par expert. Que seulement la preuve non contredite de l’expert de l’Administrateur, soit madame Laberge, a été présentée devant le tribunal arbitral.
[69] Sous réserve du règlement décrit ci-haut, ni la Bénéficiaire, ni l’Entrepreneur ne présentent d’argument relativement au point no 9.
Analyse et décision
[70] Selon le tribunal arbitral, la Bénéficiaire a renoncé à invoquer une défectuosité de la fonction de contrôle d’humidité de son appareil central de chauffage, d’échange d’air et de contrôle d’humidité qui aurait pu causer la condensation des fenêtres de son bâtiment en hiver. Elle n’a pas renoncé toutefois à invoquer une défectuosité d’autres fonctions, soit celles de chauffage et d’échange d’air, de cet ou ces appareil(s). Ceci ressort de l’entente de règlement entre les parties conclue lors de l’audience (voir le sous-paragraphe 4 du paragraphe 67 ci-haut.
[71] Toutefois, cette renonciation de la Bénéficiaire à invoquer une cause, parmi plusieurs causes possibles, de la condensation de ses fenêtres, ne la décharge pas de son fardeau de prouver la cause probable de cette condensation.
[72] Selon le témoignage de l’expert de l’Administrateur, madame Laberge, les causes de condensation des fenêtres en hiver peuvent provenir de plusieurs sources, dont certaines peuvent être dues à des problèmes reliés au bâtiment, soit ceux qui influencent le taux d’humidité et le réchauffement de la surface vitrée des fenêtres, et d’autres qui sont reliées aux activités de ses occupants soit celles qui peuvent générer de la vapeur (l’utilisation des douches et les activités de cuisine).
[73] Pour permettre au tribunal arbitral de conclure que la condensation des fenêtres en hiver est due à une défaillance du système de chauffage et d’échange d’air, ou à d’autres composantes du bâtiment qui sont couverts par le plan de garantie, la Bénéficiaire avait le fardeau de preuve. Vu la complexité de cette preuve, elle aurait dû la faire avec l’aide d’un expert. La Bénéficiaire n’a pas fait cette preuve. Uniquement pour ce motif, le tribunal est obligé de rejeter sa demande relativement au point no 9.
Autres commentaires et conclusion
[74] La Loi sur le bâtiment[4] ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète[5]. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.
[75] L’arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[76] Selon l’article 21 du Règlement, lorsque le demandeur est le Bénéficiaire, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur à moins que le Bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas, l’arbitre départage ces coûts. Malgré le fait que la Bénéficiaire n’a eu gain de cause sur aucun point de réclamation soumis à l’arbitrage, il est juste que les coûts de l’arbitrage soient à la charge de l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :
CONSTATE le désistement concernant le point no 6 « Tablette de la garde-robe de la chambre principale »;
REJETTE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire relativement aux points suivants de la décision de l’Administrateur du 20 juin 2011 :
a) No 2 - Plancher de carrelage céramique de la cuisine
b) No 3 - Fixation de la rampe de l’escalier de l’étage et section de l’escalier du garage
c) No 4 - Fissures au revêtement de gypse et bosse au plafond de la chambre principale;
d) No 5 - Isolation du mur intérieur de fondation du garage
e) No 7 -Infiltration d’eau par la porte du garage et
f) No 8 -Infiltrations d’air par les portes;
g) No 9 - Problème de condensation dans les fenêtres.
CONSTATE le règlement convenu entre les parties relativement au point no 9 - « Problème de condensation dans les fenêtres », tel que décrit au paragraphe 67 ci-haut;
DÉCLARE que les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.
|
|
Montréal, le 17 février 2012 |
|
|
|
|
|
Me ALBERT ZOLTOWSKI Arbitre / |
[1] Voir « Les règles de l’art » page 23, de l’auteur Bernard P. Quinn dans Développements récents en droit de la construction, 2002, Publications du Barreau
[2] R.Q.c. B-1.1, r.0.1.2
[3] Paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement
[4] L.R.Q., chapitre B-1.1
[5] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., c. Maryse Desdindes, 2004, CanLii 47872 (Q.C. CA) paragraphe 43.
Jurisprudence citée : Castonguay et Construction Serge Rhéault inc., Me Johanne Despatis, arbitre, Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM), 2011-12-009, 2011-10-06.