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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

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Entre

PIERRE BIBEAU

Bénéficiaire

Et

CONSTRUCTION A & S ROUSSEAU SENC

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

Administrateur

 

No dossier Garantie :

33525-1

No dossier GAMM :

2006-09-015

No dossier Arbitre :

13 185-19

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SENTENCE ARBITRALE

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Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour les bénéficiaires :

Monsieur Pierre Bibeau, personnellement

 

 

Pour l’entrepreneur :

Messieurs Serge et Alain Rousseau

 

 

Pour l’administrateur :

Me Avelino De Andrade

 

Date(s) d’audience :

27 septembre 2007

 

 

Date de la conférence téléphonique à la demande du Bénéficiaire (argumentation additionnelle) :

 

 

30 octobre 2007

 

 

Lieu d’audience :

690, rue Des Chênes

à Sorel-Tracy

 

 

Date de la décision :

7 novembre 2007

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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET Les ARGUMENTS DES parties, le Tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:

 

1- LES FAITS

[1]                Le 2 juin 2005, le Bénéficiaire a conclu avec l’Entrepreneur un contrat préliminaire (« Contrat ») (Pièces A-2 et A-6) pour la construction de la propriété située au 690 rue Des Chênes à Sorel-Tracy.

[2]                Dans le cadre de la signature de ce Contrat, le Bénéficiaire a requis que certains travaux soient exclus du Contrat, soit la peinture et l’installation des planchers de bois-franc (Pièce A-6).  En revanche, l’Entrepreneur fournissait le bois-franc requis pour les planchers.

[3]                À ce moment, le Bénéficiaire a expressément informé l’Entrepreneur de son désir de procéder lui-même à l’installation des planchers de bois-franc avant la pose des murs intérieurs (divisions) et que ces travaux devaient se tenir durant une fin de semaine.   

[4]                Lors de l’audition, le Bénéficiaire a mentionné qu’il désirait procéder ainsi en raison du fait qu’il l’avait déjà fait dans le passé pour lui-même et pour des amis, qu’il s’agissait d’une opération facile pour lui et moins coûteuse. Il affirme qu’il y a également un élément de fierté pour lui de le faire. Il a également affirmé que l’avantage d’installer les planchers avant les murs intérieurs (divisions) est qu’advenant l’abattement d’un mur, il n’est pas nécessaire de faire des retouches au plancher.

[5]                Tous les travaux majeurs (fondations, toiture, charpente) ont ensuite suivi leur cours allègrement. 

[6]                Le 5 septembre 2005, le Bénéficiaire a avisé l’Entrepreneur qu’il procèderait à l’installation des planchers de bois-franc la fin de semaine des 9-10 et 11 septembre 2005.

[7]                À ce moment, l’Entrepreneur affirme qu’il a avisé le Bénéficiaire que l’immeuble n’était pas prêt pour l’installation des planchers de bois-franc.  L’Entrepreneur affirme que le Bénéficiaire aurait insisté pour procéder ainsi et mentionné qu’il savait ce qu’il faisait car il avait également procédé à l’installation des planchers de bois dans ses résidences antérieures.

[8]                Le Bénéficiaire a procédé à l’installation des planchers de bois-franc les 9, 10 et 11 septembre 2005, accompagné de son père et de son frère.

[9]                Peu après, le Bénéficiaire a contacté l’Entrepreneur afin de l’aviser que les lattes des planchers se séparaient à deux endroits.  L’Entrepreneur est donc allé sur les lieux et a colmaté les séparations.  À cette époque, les planchers n’avaient toujours pas été sablés ni vernis.

[10]            Après la vente chez le notaire, le Bénéficiaire a finalement pris possession de la propriété le 21 décembre 2005.

[11]            Au courant du mois de janvier 2006, le Bénéficiaire a constaté ce qu’il considère être les premiers signes de problèmes avec les planchers de bois-franc (mis à part les deux séparations des lattes de bois réparées par l’Entrepreneur).  Les lattes situées près des sources de chaleur (calorifères) ont commencé à rétrécir.  Certaines lattes de bois se sont mises à bouger et le produit de colmatage inséré par l’Entrepreneur a craqué.  Il soumet de plus un grand nombre de photos qui illustrent certains endroits où il a constaté un rétrécissement général des lattes (Pièce B-1 en liasse).

[12]            L’Entrepreneur est venu constater le problème à deux occasions en février 2006 (7 et 17 février 2006) et a avisé le Bénéficiaire que celui-ci devait faire une réclamation auprès de l’Administrateur, car l’Entrepreneur n’acceptait pas la responsabilité pour l’état des planchers de bois franc.

[13]            Le 21 février 2006, le Bénéficiaire a transmis une lettre de dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur (Pièce A-3).

[14]            Le 27 mars 2006, Monsieur Michel Labelle, inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, a inspecté les lieux en compagnie de l’Entrepreneur, du Bénéficiaire et d’un représentant du sous-traitant de bois-franc de l’Entrepreneur, Monsieur Sylvain Salva.

[15]            Le 1er mai 2006, l’Administrateur a rejeté la plainte du Bénéficiaire (Pièce A-5).

[16]            Le Bénéficiaire a porté cette décision en arbitrage le 1er juin 2006, à la suite de quoi le soussigné a été mandaté pour agir à titre d’arbitre.

[17]            Le 7 novembre 2006, le Tribunal d’arbitrage a procédé à une audition préliminaire par voie de conférence téléphonique afin de tenter de déterminer les enjeux du présent dossier et de fixer une date d’audition.  Les parties ont alors demandé au soussigné de fixer une nouvelle conférence téléphonique le 15 janvier 2007.  Le Tribunal d’arbitrage a fait droit à cette demande.

[18]            Le 15 janvier 2007, le Bénéficiaire a demandé au Tribunal d’arbitrage de suspendre le présent dossier jusqu’au 14 mars 2007 en raison de la saison hivernale et d’y poursuivre la conférence téléphonique à cette date.  Le Tribunal d’arbitrage a fait droit à cette demande.  Cet appel conférence a par la suite été remis à la demande du Bénéficiaire au 9 mai 2007.

[19]             À cette date, le Bénéficiaire a de nouveau demandé la remise de l’audition préliminaire.  En raison de la contestation de l’Administrateur et de l’Entrepreneur, le Tribunal d’arbitrage a fait droit à la demande du Bénéficiaire tout en fixant l’audition préliminaire préemptoirement pour le 16 août 2007.

[20]            L’audition de la demande d’arbitrage a finalement été fixée et ensuite tenue sur les lieux le 27 septembre 2007.

 

2. DÉCISION

[21]            Toutes les parties admettent que les planchers sont dans un état inacceptable.

[22]            Essentiellement, le Bénéficiaire allègue que l’Entrepreneur, par ses gestes et omissions, est responsable de l’état des planchers (notamment en raison de la pose d’unités de chauffage directement sur le plancher à certains endroits, nous y reviendrons) et en plus qu’il a manqué à son obligation de conseil.  Concernant l’obligation de conseil, selon le Bénéficiaire, l’Entrepreneur devait notamment:

(1)            Aviser le Bénéficiaire de la nécessité d’attendre la pose des murs intérieurs (divisions) avant de procéder à l’installation des planchers de bois-franc et des conséquences possibles associées à la méthode requise par le  Bénéficiaire;

(2)            Aviser le Bénéficiaire de la nécessité d’installer une membrane de sous-plancher avant de procéder à l’installation des planchers de bois-franc;

(3)            Aviser le Bénéficiaire de la nécessité d’attendre que la dalle de béton du sous-sol soit coulée et sèche avant de procéder à l’installation des planchers de bois-franc;

[23]             De l’avis du Bénéficiaire, l’Entrepreneur a omis de le conseiller adéquatement et par conséquent, il est en droit d’obtenir le remplacement intégral des planchers de bois-franc sur les deux étages.  De plus, il affirme que l’Entrepreneur savait dès la signature du Contrat que le Bénéficiaire avait l’intention d’installer le bois franc avant la pose des murs intérieurs et qu’aucune contre indication ne lui a été exprimée à ce moment.

[24]            Quant à lui, l’Entrepreneur affirme qu’il a avisé le Bénéficiaire le 5 septembre 2005 que la maison n’était pas prête pour cette installation et que ce n’était pas la façon de fonctionner. À son avis, il y avait des risques que le bois prenne de l’humidité car la maison n’était pas encore chauffée.  Il affirme que le Bénéficiaire était entêté et qu’il ne cessait de lui répéter qu’il savait ce qu’il faisait.  L’Entrepreneur considère que le Bénéficiaire a délibérément fait fi de ses conseils et a choisi de procéder à sa façon, affirmant même qu’advenant un problème avec les planchers, il n’aurait qu’à s’en prendre à lui-même.

[25]            L’Entrepreneur soumet qu’il n’est pas responsable des conditions de pose et de la technique de pose du bois-franc préconisée par le Bénéficiaire.  Il ajoute que puisque l’installation du bois-franc a été spécifiquement exclue du Contrat, il n’est pas responsable de ce qui découle d’une installation qui ne respecte pas les règles de l’art et qui n’a pas été faite par lui.

[26]            Pour sa part, l’Administrateur soumet que puisque l’installation du bois-franc a été expressément exclue du Contrat, le Tribunal d’arbitrage ne peut ordonner à l’Entrepreneur de remplacer les planchers de bois-franc, puisque cela équivaudrait à ajouter une obligation contractuelle non prévue au Contrat.

[27]            Il soumet de plus que la preuve est prépondérante à l’effet que le Bénéficiaire avait une expérience antérieure dans l’installation de planchers de bois-franc et qu’il tenait à faire les choses à sa façon et ce, malgré les avertissements de l’Entrepreneur.  Il ajoute que le Bénéficiaire a même admis en contre-interrogatoire qu’il était possible que l’installation du bois ne soit pas comme elle aurait dû l’être.  La cause la plus probable des problèmes des planchers est donc de l’avis de l’Administrateur la mauvaise installation de ceux-ci par le Bénéficiaire.

[28]            Après avoir entendu les témoignages du Bénéficiaire et des deux représentants de l’Entrepreneur, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que de manière générale, l’installation des planchers de bois-franc dans une maison en construction s’effectue après la pose des murs intérieurs (divisions) et les travaux de joints et de plâtre et de tout autre travail de nature à affecter de manière significative le taux d’humidité à l’intérieur de la propriété, y compris la coulée du béton au sous-sol.

[29]            Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que l’Entrepreneur a avisé le Bénéficiaire que la maison n’était pas prête dans les circonstances et que les conditions de construction et de chaleur ne se prêtaient pas à l’installation des planchers de bois-franc avant que ce dernier ne procède à l’installation et que le Bénéficiaire a préféré se fier à son expérience antérieure dans ce domaine.  En effet et pendant son témoignage, le Bénéficiaire admet qu’il savait ce qu’il faisait et qu’il avait déjà installé ses propres planchers de bois-franc notamment dans ses résidences antérieures de cette façon, sans aucun problème.

[30]            Le Bénéficiaire considère que l’Entrepreneur aurait pu être plus clair dans ses mises en garde.  Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que le Bénéficiaire est une personne honnête et intègre, mais avec une personnalité forte et entêtée.  Il s’est présenté à l’Entrepreneur comme une personne ayant une compétence spécialisée dans ce domaine, affirmant qu’il savait ce qu’il faisait.  Dans ces circonstances, il nous paraît que le Bénéficiaire a pris le risque des conséquences de l’imposition de sa propre méthode de travailler et que les mises en garde de l’Entrepreneur ont été suffisamment claires.

[31]            Ceci étant dit, il ne fait aucun doute selon la preuve que les parties ont délibérément exclu l’installation du bois-franc du Contrat.  Le Tribunal d’arbitrage retient en principe la position de l’Administrateur à l’effet que cela fait en sorte que l’Entrepreneur ne peut être tenu de réparer ou remplacer les planchers dans les circonstances car il ne s’est jamais engagé à cet égard auprès du Bénéficiaire.

[32]            L’exclusion spécifique au Contrat est claire et ne nécessite aucune interprétation de la part du Tribunal d’arbitrage.  De plus, le Tribunal d’arbitrage conclut que dans les circonstances, il n’y a pas eu, de la part de l’Entrepreneur, un manquement dans son obligation de conseil.

[33]            Il est à noter qu’il n’y a aucune preuve au dossier que le bois-franc fourni n’était pas conforme aux normes.  Dans les circonstances, et selon la preuve, le Tribunal d’arbitrage doit donc conclure que la cause de l’état général des planchers de bois-franc est la méthode d’installation employée par le Bénéficiaire ainsi que le moment auquel le Bénéficiaire a insisté à procéder à l’installation.

[34]            Un mystère demeure. Pourquoi les lattes des planchers se sont séparées de manière très importante à deux endroits bien particuliers, où l’Entrepreneur a colmaté les séparations?  Ce problème ne pouvait relever d’une mauvaise installation parce qu’il serait apparu ailleurs sur les planchers.  Un évènement localisé survenu après l’installation des planchers a dû y survenir.  Le Bénéficiaire indique que des unités de chauffage ont été placées par l’Entrepreneur ou un de ses représentants directement sur les planchers de bois francs affectés peu de temps après leur installation.  Pour sa part, l’Entrepreneur n’offre pas de réponse claire.  Étant donné que ce problème n’est pas généralisé, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que l’Entrepreneur avait le fardeau d’établir que les séparations étaient attribuables à un problème d’installation des planchers de bois-franc, ou à tout le moins à une cause non imputable à l’Entrepreneur, ce qu’il n’a pas démontré.

[35]            Il est important de souligner qu’à l’époque, le Bénéficiaire s’est plaint de ces ouvertures et l’Entrepreneur n’a pas nié sa responsabilité.  Il a plutôt procédé à colmater ces séparations, ce qui s’assimile à une admission de responsabilité de sa part.

[36]            Cependant, le Tribunal d’arbitrage ne peut ordonner à l’Entrepreneur de réinstaller les planchers de bois-francs à ces endroits en l’espèce, notamment car ce travail a été exclu du Contrat d’entreprise.  Il serait plus équitable que l’Entrepreneur fournisse les lattes de bois requises sur une largeur de 2 pieds afin que le Bénéficiaire puisse procéder au remplacement de ces lattes.  Bien que le Tribunal d’arbitrage soit conscient que la fusion de ces lattes avec le plancher originel peut s’avérer une tâche difficile, il considère qu’il serait injuste d’imposer une plus grande responsabilité à l’Entrepreneur dans les circonstances.

[37]            Considérant ce qui précède, le Tribunal d’arbitrage est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la portée de l’exclusion de l’article 12 du Règlement ou autre moyen de l’Administrateur.

 

3. FRAIS D’ARBITRAGE

[38]            En vertu de l’article 123 du Règlement, l’Administrateur assumera les frais du présent arbitrage.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

ORDONNE à l’Entrepreneur de fournir au Bénéficiaire des lattes de bois-franc de qualité similaire au plancher de bois-franc et en quantité suffisante pour remplacer uniquement les lattes séparées et colmatées situées à deux endroits particuliers aux deux étages sur une largeur de deux pieds et selon la longueur des extrémités en place dans les trente jours de la présente sentence arbitrale;

À DÉFAUT, ORDONNE à l’Administrateur de se conformer à cette ordonnance dans les trente jours suivants;

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.

 

 

Me Jeffrey Edwards, Arbitre