ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : DENIS FOUQUETTE
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET : LES CONSTRUCTIONS RAYMOND & FILS INC..
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier SORECONI : 070531002
No. bâtiment: 036223
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour le Bénéficiaire : M. Denis Fouquette
Pour l’Entrepreneur : M. Pascal Raymond
Pour l’Administrateur : Me Patrick Marcoux
M. Jacques Fortin
Date d’audience : 26 octobre 2007 et 31 janvier 2008
Lieu d’audience : 25, des Plaines, St Hippolyte et 1010, rue de la Gauchetière ouest, bureau 950, Montréal
Date de la sentence : 6 février 2008
Identification complètes des parties
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
PAQUIN PELLETIER
1010, de la Gauchetière Ouest
Suite 950
Montréal (Québec)
H3B 2N2
Bénéficiaire : M. Denis Fouquette
25, des Plaines
St Hippolyte (Québec)
J8A 1R8
Entrepreneur: M. Pascal Raymond
Les Constructions Raymond & Fils Inc.
14 243, boul. Curé-Labelle
Mirabel (Québec)
J7J 1M2
Administrateur : APCHQ
5930, boul Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec)
H1M 1S7
Et son procureur :
Me Patrick Marcoux
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 11 juillet 2007.
18 octobre 2001 : Contrat d’entreprise.
29 janvier 2002 : Contrat de garantie;
20 août 2002 : Avis de résiliation du contrat par le Bénéficiaire;
23 août 2002 : Réponse de l’Entrepreneur à la résiliation du contrat;
19 juin 2007 : Courriel du Bénéficiaire à l’Entrepreneur;
14 septembre 2006 : Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur;
16 octobre 2006 : Avis de 15 jours;
7 novembre 2006 : Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur;
10 avril 2007 : Inspection du bâtiment;
7 mai 2007 : Décision de l’administrateur;
31 mai 2007: Demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
27 juin 2007: SORECONI obtient copie du dossier relatif à la décision de l’Administrateur;
11 juillet 2007 : Nomination de l’Arbitre;
12 juillet 2007: Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus à venir;
10 août 2007 : Lettre de l’arbitre aux parties fixant l’audition au vendredi 26 octobre 2007, à 10h00 am;
5 octobre 2007 : Lettre de l’arbitre aux parties, fixant l’arbitrage du 26 octobre 2007 au domicile du Bénéficiaire;
26 octobre 2007: Enquête et audition du dossier et visite des lieux;
31 janvier 2008 : continuité de l’enquête du 26 octobre 2007.
Objection préliminaire :
[1] Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par quelque partie, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise et la première journée d’audience est levée vendredi 26 octobre 2007, à 10h30 am, non pas tel qu’il avait été prévu au domicile du Bénéficiaire situé au 25, des Plaines, à St Hippolyte, mais plutôt au 917, Chemin du Lac Connelly, à savoir l’adresse du bâtiment objet de la décision du 7 mai 2007.
Remarques préliminaires :
[2] Le Bénéficiaire se représente lui-même et se présente seul le jour de l’enquête et audition au mérite.
[3] Dans les jours qui ont précédé le 26 octobre 2007, le Bénéficiaire a transmis au soussigné, à l’Administrateur et à l’Entrepreneur, 7 nouvelles pièces, à savoir :
D-1 : Croquis et plan du mur nain initial et du système de drainage initial;
D-2 : Photos de fondation et du terrain;
D-3 : Documentation sur drain et fondation;
D-4 : Interrogatoire avant défense du 11 juin 2003, C.Q. 700-22-010029-030, M. Pascal Raymond;
D-5 : Contrat temps et matériel;
D-6 Extrait de l’enquête et audition au mérite devant l’Honorable Clément Gascon JS.C. 700-17-001595-031;
D-7 : Lettres entre l’APCHQ et le Bénéficiaire.
[4] Le représentant de l’Entrepreneur s’objecte au dépôt des pièces supplémentaires et/ou que le tribunal puisse en prendre connaissance, plaidant que ces documents sont des pièces et/ou des extraits du dossier de Cour Supérieure 700-17-001595-031, qu’ils ont déjà été soumis (appréciés ou rejetés) par l’Honorable Clément Gascon, J.C.S.
[5] Le représentant de l’Entrepreneur se présente seul, s’inquiète de ce qui appert à ses yeux une tentative de M. Fouquette à plaider de nouveau ce qui a déjà été soumis en Cour Supérieure (et qui depuis la décision du 27 novembre 2006, a acquis force de chose jugée) et requiert que, si ces documents doivent faire partie du dossier, il puisse être assisté dans la poursuite de l’arbitrage par ses procureurs d’alors.
[6] Quant aux représentations de l’Administrateur (Me Patrick Marcoux), ce dernier nous fait part de ses sérieuses appréhensions à la présentation et/ou au dépôt de ces mêmes pièces et/ou documents puisque :
[6.1] pour certaines des pièces, les auteurs des documents ne sont pas présents et/ou disponibles (limitant pour ne pas dire privant l’Administrateur de son droit au contre-interrogatoire et que, inter alia, il ne s’agit pas d’un cas d’exception créé par l’article 2870 C.c.Q.), alors que pour d’autres pièces elles ne sont tout simplement pas pertinentes.
[7] Considérant qu’il était approprié de permettre au Bénéficiaire de déposer ou soumettre au tribunal les documents qu’il croit utiles et nécessaires au soutien de sa cause (sous réserves des droits des parties), ne désirant pas priver l’Administrateur et l’Entrepreneur d’une défense pleine et entière ainsi que subsidiairement pour l’entrepreneur l’opportunité d’être accompagné de son procureur d’alors; il a été convenu, dans la collégialité, de continuer la présente enquête et audition au mérite à une date mutuellement convenable à toutes les parties, leurs représentants, mandataires, préposés et/ou commettants.
[8] C’est dans cet esprit qu’une nouvelle date fut convenue et que l’enquête a été continuée au 31 janvier 2008.
Valeur estimée de la réclamation :
[9] La valeur en litige du présent arbitrage est d’au moins sept mille dollars (7 000,00 $).
Admission :
[10] Il s’agit d’un bâtiment résidentiel non détenu en copropriété et dont la réception par le Bénéficiaire remonte au, ou vers le, 20 août 2002. La première réclamation écrite adressée à l’Administrateur fut reçue par ce dernier le ou vers le 21 juin 2006 et l’inspection effectuée fut le 10 avril 2007.
[11] Je rappelle ici que la décision de l’Administrateur se limite à deux (2) points (point 1 - gravier sous le mur nain, et point 2 - emplacement du drain français) lesquels n’ont pas été considéré par l’Administrateur dans le cadre du Contrat de Garantie.
[12] La demande d’arbitrage fait appel et se limite à ces deux éléments de la décision.
Discussions :
Point 1 - Gravier sous le mur nain.
[13] Une inspection sommaire de la face extérieure du mur (récemment excavé par le Bénéficiaire) expose une profondeur de plus ou moins quatre (4) pieds. Nous ne savons pas à quelle distance le mur excède ce qui a été excavé, nous avons par contre constaté la présence d’un isolant rigide, deux (2) feuilles horizontales de deux (2) pieds par quatre (4) pieds chaque (ce qui confirme la profondeur d’au moins quatre (4) pieds). Au surplus, je bénéficie du témoignage non contredit de Monsieur Jacques Fortin (pour l’Administrateur) et de Monsieur Pascal Raymond (pour l’Entrepreneur) à l’effet que le mur nain est d’au moins quatre (4) pieds. Il m’est de plus représenté qu’il y a sous ce qui a été excavé, la présence d’un isolant rigide à la base du mur, cette fois-ci, l’isolant rigide serait en pente verticale ainsi installé afin de couvrir la semelle du mur et de repousser - éloigner le gel des fondations.
[14] De plus, lors de notre inspection de la fondation, le soussigné n’a constaté aucune fissure. J’ai de plus interrogé le Bénéficiaire quant à la possible présence de fissures sur ce mur en particulier, le Bénéficiaire répond que, et à cause de la présence de l’isolant rigide, il ne peut se prononcer sur la présente (ou absence) de fissures.
[15] Je rappelle ici que le Bénéficiaire est en demande et qu’à ce titre, c’est ce dernier qui a le fardeau de me convaincre. Sans que ce fardeau soit indu, il a néanmoins l’obligation de démontrer (traces ou indices) de vice ou malfaçon. Considérant que nous sommes en cinquième année de la garantie (vice majeur), ce fardeau lui est plus lourd que pour la simple malfaçon (dans l’année qui suit la réception) où le vice caché (découvert dans les trois ans suivant la réception).
[16] La fondation est en place depuis l’été 2002, la protection contre le gel est aussi en place depuis cette même période et le bâtiment semble avoir franchi cinq (5) hivers consécutifs sans aucune manifestation de nature à s’apparenter à une malfaçon et/ou à un vice caché et/ou à un vice majeur.
[17] Je rappelle que les critères pour qualifier un vice de majeur au sens de la Loi, de la doctrine et de la jurisprudence qui m’est connue, la démonstration doit être faite que nous sommes en présence d’un vice sérieux pouvant entraîner, en tout ou en partie, la perte du bâtiment.
[18] Selon la jurisprudence constante et bien établie, la notion de « perte » en vertu de l’article 2118 C.c.Q. fait l’objet d’une interprétation large et comprend « la perte potentielle » ou la « perte probable à long terme[1] » :
« Pour se prévaloir de l’article 2118 C.c.Q., il n’est nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler. Il suffit de démontrer la présence des inconvénients ou d’un danger sérieux qui pourrait entraîner une perte de l’ouvrage, c’est-à-dire une perte potentielle. ...La simple menace de perte d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.
La notion de « perte » au sens de l’article 2118 C.c.Q. doit donc,
tout comme la notion analogue de ce terme au sens de l’article 1688 C.c.B.C.,
recevoir une interprétation large et s’étendre notamment à tout dommage sérieux
subi par l’ouvrage immobilier.»
[19] Aussi dans Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc.[2], la Cour Supérieure affirme que :
« La jurisprudence a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et des défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux. »
[20] Donc, de mon avis, l’on doit établir preuve d’une perte potentielle à long terme et ce, avec prépondérance. Or, à ce jour, aucune démonstration d’une détérioration et/ou perte ne m’a été faite et rien ne m’habilite à opiner en ce sens. Je n’ai aucun élément de preuve qui me permet de croire que la propriété du Bénéficiaire se détériore, si lentement soit-il, et qu’il a droit d’exiger que des travaux soient requis et/ou réalisés afin de corriger ce qu’il prétend être une situation apte à favoriser le soulèvement de sa fondation par l’effet du gel et du dégel.
[21] Je ne pourrai donc donner droit au Bénéficiaire quant à ce volet.
Point 2 - Emplacement du drain français
Jugée Option A
[22] Le Bénéficiaire représente que l’emplacement du drain français est incorrect.
[23] Une visite et inspection du site (suite à une excavation du Bénéficiaire) nous démonte que l’emplacement du drain français est à plus ou moins dix (10) pouces sous la surface extérieure du sol fini.
[24] Encore plus important, je constate que le drain français est sous la dalle de béton (en haut de la semelle et au périmètre de cette dernière).
[25] Encore ici, il n’appert y avoir aucun signe extérieur que cette situation aurait causée directement ou indirectement un dommage au bâtiment. D’ailleurs, le Bénéficiaire admet et reconnaît ne pas avoir connu d’infiltration d’eau. De plus, ce dernier (le Bénéficiaire) nous représente avoir constaté qu’à une seule reprise (en cinq (5) années) une présence d’eau dans le puisard (le bassin collecteur) situé dans le garage à proximité du point bas du mur nain (le frost pit) à savoir l’endroit où la première manifestation d’une accumulation d’eau est probable.
[26] Si cet emplacement bien précis du drain français au point bas du mur (frost pit) déroge au Code National du Bâtiment, cette démonstration ne m’a pas été faite. Conséquemment et n’ayant pu constater la présence de dommages à la fondation, vue l’absence de dégât d’eau, il appert que la pierre concassée entourant le mur aux endroits de prédilection du gel joue bien son rôle.
[27] Il en demeure néanmoins que la semelle (de bêton) du bâtiment est en présence d’eau.
[28] L’information qui m’est accessible m’instruit à l’effet que pour un maximum de cure, un maximum de longévité du béton, il (le béton) doit être sujet à une immersion à 100% d’humidité. Considérant la profondeur à laquelle se retrouve ce taux d’humidité et la protection contre le gel de cet endroit, il m’appert (à défaut de toute preuve à l’effet contraire) que la construction et protection du mûr nain rencontrent les exigences du Code National du Bâtiment et qu’un taux de 100% d’humidité à l’épreuve du gel ne peut (toujours selon la doctrine et jurisprudence qui me sont connues) constitué un vice majeur.
[29] Les objectifs du Bénéficiaire ne pouvant être atteints, il ne me sera pas nécessaire de trancher sur les diverses objections à la preuve formulées par les procureurs au dossier (i.e. l’admissibilité des pièces D-3, D-4, D-5, D-6, D-8 et D-9.
[30] Donc et pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois d’accepter et de maintenir la décision de l’Administrateur et je me dois de rejeter l’appel (la demande d’arbitrage) du Bénéficiaire.
[31] Je rappelle aux parties que la Loi et les Règlements ne contiennent pas de clause privative complète. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel[3].
Les frais
[32] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit » et fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient[4]. En conséquence, les frais d’arbitrage, aussi bien en droit qu’en équité, selon les articles 116 et 123 du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs, seront partagés entre le Bénéficiaire (pour la somme de cinquante dollars (50,00$)) et l’Administrateur du Plan de garantie (pour la balance du coût du présent arbitrage).
POUR CES MOTIFS, le tribunal :
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 7 mai 2007 sous la plume de Monsieur Jacques Fortin;
LE TOUT avec frais à être partagés entre le Bénéficiaire pour la somme de cinquante dollars (50,00 $) et l’Administrateur pour la balance des coûts du présent arbitrage.
Montréal, ce 6 février 2008
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ME MICHEL A. JEANNIOT
Arbitre / SORECONI
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ME MICHEL A. JEANNIOT
Arbitre / SORECONI
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[1] J. Rodrigue et J. Edwards, « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons », La construction au Québec : perspectives juridiques, Wilson & Lafleur, 1998, p. 434.
[2] J.E. 97-2080 (C.S.), page 8.
[3] Articles 9, 20, 106 et 120 du Règlement.
[4] Article 116 du Règlement.