Régie du Bâtiment Soreconi
Société pour la résolution des conflits Inc.
Plan de garantie no:036359
Plainte 2 Dossier : 050612001
Syndicat de copropriété 2917 à 2923
William Tremblay
Bénéficiaire-demandeur
c.
Saint-Luc Habitation Inc.
Entrepreneur-défendeur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
Administrateur- mis en cause
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(C. B1.1 r.0.2)
Arbitre
Alcide Fournier
800, Boul. René-Lévesque Ouest
Bureau 2450
Montréal, Qc.
H3B 4V7
Identification des parties
Bénéficiaire Syndicat de copropriété du 2917 à 2923 William-Tremblay Alexandre Dalmau
2923, rue William-Tremblay
Montréal, Qc
H1Y 3J5
Entrepreneur Saint-Luc Habitation Inc.
8000, Boul. Langelier, Suite 407
St-Léonard, Qc
H1P 3K2
Administrateur La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
5930, L-H Lafontaine
Anjou, Qc
H1M 1S7
Mandat
L’arbitre a reçu son mandat de Soreconi le 2 août 2005.
Historique du dossier
7 février 2001 : Déclaration de propriété
29 mars 2001 : Réception des parties communes
2 septembre 2004 : Mise en demeure adressée par le syndicat à l’entrepreneur et à la Garantie
20 mai 2005 : Inspection du bâtiment
27 mai 2005 : Décision de l’administrateur
12 juin 2005 : Demande d’arbitrage
2 août 2005 : Nomination d’un arbitre
16 août 2005 : Convocation des parties
28 septembre 2005 : Visite des lieux et audience
[1] À l’audience et à la visite des lieux sont présentes les personnes suivantes :
-pour le syndicat : M. Alexandre Dalmau, M. Vincent Côté, M. Patrick Gautreau et Mme Guylaine Dhormes.
-pour l’entrepreneur :M. Gilles Marcoux et M. Patrick Varin,
-pour l’administrateur : M. Pierre Rocheleau et Me Luc Séguin.
[2] À la conférence préparatoire, le syndicat indique contester les 3 points de la décision de l’administrateur, datée du 27 mai 2005, à savoir :
-fissures à la maçonnerie de l’unité 2923
-fissures à la maçonnerie de l’Unité 2921
-fissures au gypse de l’unité 2923.
[3] Le procureur de la Garantie affirme que les 2 premiers points ne peuvent être soumis à l’arbitrage puisqu’ aucune décision n’a été prise, l’inspecteur conciliateur ne faisant que noter une entente intervenue entre les parties.
[4] Prenant sous réserve cette objection, l’arbitre procède à la visite des lieux et à l’audience.
[5] À la visite des lieux, l’arbitre soussigné a reçu toutes les explications requises et a pu constater par lui-même les désordres affectant la maçonnerie et le gypse.
[6] M. Vincent Côté, propriétaire de l’unité affectée par des désordres au parement de briques à l’extérieur et à la finition de gypse à l’intérieur, affirme qu’il a constaté l’apparition de fissures à l’hiver 2003-2004.
[7] À l’été 2004, les fissures se sont résorbées pour réapparaître à l’hiver 2004-2005 en plus prononcé, mais se sont résorbées à nouveau à l’été 2005.
[8] M. Patrick Gautreau, technologue en architecture, a inspecté l’immeuble le 17 février 2005 et note dans son rapport d’expertise déposé à l’audience :
2.1 Déformations à l’arrière de l’immeuble
Lors de cette inspection, nous avons observé de nombreuses déformatioins découlant d’un mouvement structural. Tel que confirmé par le propriétaire, celles-ci varieraient selon les changements de saison. Les déformations et les fissures seraient apparues au début de l’hiver 2003 et sont réapparues cet hiver, tel que nous avons pu les observer.
Dans la salle à manger, nous avons constaté la déformation de la porte patio dont le cadre est incliné par un soulèvement à partir du coin droit de l’immeuble (AP-1). Également, des fissures sont observables au revêtement de gypse autour du cadre de la porte, ainsi qu’au coin de la cuisine adjacente (AP-2 à 5). À cet égard, nous avons noté que le plancher présente un soulèvement au coin droit, lequel concorde avec les fissures et déformations ici observées (AP-6). D’ailleurs, le comptoir et l’armoire se détachent du mur arrière, toujours en lien avec ce mouvement (AP-7).
À l’étage, aux murs arrière des chambres, nous avons constaté également la présence de fissures au revêtement de gypse et une déformation à la fenêtre découlant toujours du même phénomène (AP-8 à 10).
À l’extérieur du bâtiment, nous avons noté que le plafond du garage dans ce secteur présente une inclinaison dans la même direction que celle constatée au plancher de la salle à manger (AP-11). Par ailleurs, le mur de brique autour de la porte patio comporte des lézardes éloquentes témoignant du mouvement de la fondation. (AP-12 à 15).
«Ces mouvements tels qu’observés sont trop sévères pour découler uniquement d’un problème de dilatation. Les différents signes visibles au revêtement sont révélateurs et relèvent d’un soulèvement de la fondation au coin arrière droit. Nous estimons qu’une protection inadéquate de la fondation par rapport au gel est ici mise en cause, en plus d’une accumulation d’eau importante pouvant en favoriser le mouvement en période hivernale.
Ces déplacements observés sont anormaux pour un bâtiment et en affectent la valeur. Les problèmes découlent d’un vice majeur et nécessitent la réalisation de travaux d’importance,
[9] Dans son témoignage, M. Gautreau précise qu’à l’aide d’un niveau d’une longueur de 4 pieds, il a noté, en partant du coin du mur vers l’intérieur du logement, une dénivellation de ½ pouce qui, selon lui, est considérable sur une telle distance.
[10] Il a fait la même mesure durant l’audience et la dénivellation mesurée au même endroit et selon la même méthode démontre une dénivellation de ¼ pouce.
[11] Selon cet expert, cette démonstration établit hors de tout doute que la structure du bâtiment se soulève durant l’hiver.
[12] De plus, le fait que l’immeuble reprenne sa position durant l’été indique que le soulèvement de la structure de l’immeuble est attribuable au gel sous la fondation.
[13] L’entrepreneur fait entendre M. Marcel Tourigny, entrepreneur en maçonnerie depuis 20 ans.
[14] Pour M. Tourigny, les fissures constatées à la brique sont dues au fait que la poutre d’acier au dessus de la porte patio n’est pas assez solide.
[15] Selon lui, cette poutre a fléchi, ce qui a causé les fissures que l’on constate à la brique.
[16] Selon lui, il suffit de changer cette poutre à l’unité 2923 et à l’unité 2921 pour ensuite refaire la brique pour que le problème disparaisse.
[17] Interrogé par M. Dalmau, représentant du syndicat, il affirme ne pas savoir ce qui pourrait causer les fissures dans le gypse de l’unité 2923, puisque le mur intérieur du bâtiment n’est pas attaché directement avec le mur de briques.
[18] Pour Messieurs Marcoux et Varin, représentants de l’entrepreneur, les fissures pour le mur de brique proviennent de l’affaissement du support d’acier au dessus de la porte patio.
[19] Ils réaffirment qu’ils sont prêts à effectuer les travaux tel qu’ils s’y sont engagés antérieurement.
[20] Quant aux fissures au mur de gypse du 2923, ils refusent d’exécuter des travaux de correction, car il s’agit, selon eux, du phénomène normal de rétrécissement des matériaux.
[21] Avant de disposer du présent litige au mérite, l’arbitre soussigné doit d’abord décider si les réclamations ont été faites dans les délais prescrits par le règlement et s’il a juridiction pour se prononcer sur les points 1 et 2.
[22] Dans sa décision du 27 mai 2005, M. Rocheleau de la Garantie note :
Il a été convenu entre les parties que d’ici le 15 juillet 2005, l’entrepreneur effectuera les travaux aux points 1 et 2 :
1. Fissures à la maçonnerie de l’unité 2923
2. Fissures à la maçonnerie de l’unité 2921.
[23] Bien que les représentants du syndicat affirment qu’il y a eu confusion, ils ne nient pas formellement qu’il y ait eu une entente.
[24] Selon les témoignages, ils croyaient que la Garantie se prononcerait quand même sur le fond du litige, c'est-à-dire sur la cause de l’apparition des fissures.
[25] Malgré cette confusion, l’arbitre soussigné considère qu’il y a eu entente entre les parties et que l’administrateur de la Garantie a pris acte de cette entente.
[26] Dans un tel cas, la Cour supérieure a déjà décidé qu’un arbitre n’avait pas juridiction pour réviser les ententes conclues entre les parties, sa juridiction se limitant à réviser les décisions de l’administrateur.
[27] En conséquence, l’arbitre soussigné n’a pas juridiction pour se prononcer sur les fissures à la maçonnerie des unités 2921 et 2923.
[28] Quant aux fissures dans le gypse de l’unité 2923, il pourrait s’agir de malfaçons non apparentes qui doivent être dénoncées dans les 12 mois à compter de la date de réception du bâtiment, comme l’a décidé l’administrateur.
[29] Cependant, si les fissures sont causées par un vice caché ou un vice majeur, la dénonciation doit se faire dans les trois ans de la réception du bâtiment, et ce, par écrit, à l’entrepreneur et à la Garantie dans un délai raisonnable de leur découverte, délai qui ne peut excéder 6 mois.
[30] Dans le présent litige, M. Côté s’est rendu compte de la présence de fissures à l’hiver 2003-2004 et la dénonciation écrite a été faite le 2 septembre 2004 à l’entrepreneur et à la Garantie.
[31] Dans son témoignage, M. Côté ne sait pas à quelle date précise il a découvert les fissures; selon lui, cela peut être en décembre 2003 aussi bien qu’en mars 2004.
[32] Comme le règlement sur le plan de garantie est assimilable à un règlement sur la protection des consommateurs, les délais doivent être interprétés en faveur de ce dernier.
[33] Dans le présent litige, l’arbitre soussigné considère compte tenu de l’interprétation précédente et de l’article 116 du règlement, qu’il s’agit d’un vice majeur, la réclamation du bénéficiaire a été faite à l’intérieur des délais prévus au règlement.
[34] Quand au fond du litige, l’arbitre, à l’analyse de la preuve soumise, constate d’abord que les fissures dans le gypse sont toutes situées au même mur où sont situées les fissures dans la brique.
[35] Les fissures dans le gypse, que ce soit au rez de chaussée ou à l’étage, sont situées dans le même mur et de ce mur se sont aussi décollées le comptoir de cuisine et le dessus du comptoir de cuisine.
[36] De toute évidence, il y a eu mouvement de ce mur pour causer les fissures de ce mur à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment ainsi que pour arracher le comptoir de cuisine qui y était fixé.
[37] L’expert engagé par le syndicat bénéficiaire a pris des mesures de niveau en février et à l’audience, qui démontrent qu’il y a soulèvement du coin du mur en hiver.
[38] L’explication fournie par l’expert de l’entrepreneur, selon ses propres dires, ne donne pas la cause des fissures au gypse puisque la brique n’est pas attachée à la structure de bois qui supporte le gypse.
[39] Le seul point commun entre le mur de brique et la structure de bois supportant le gypse est la fondation même du bâtiment.
[40] C’est d’ailleurs à cette conclusion qu’arrive l’expert du bénéficiaire à l’effet que le gel durant l’hiver soulève la fondation arrière entraînant vers le haut la structure intérieure et extérieure du bâtiment.
[41] La seule conclusion logique que peut tirer l’arbitre soussigné de la preuve soumise est à l’effet que des fissures constatées au mur de gypse à l’intérieur de l’unité 2923 sont causées par un soulèvement de la structure du bâtiment due au gel durant l’hiver.
[42] Il s’agit d’un vice caché majeur qui peut entraîner la perte partielle et graduelle de l’immeuble.
[43] En conséquence, l’entrepreneur, qui a une obligation de résultat, devra réaliser tous les travaux requis pour mettre fin définitivement au problème de mouvement de la structure du bâtiment aux endroits requis.
[44] De plus, une fois la structure stabilisée, l’entrepreneur devra procéder à la réparation des fissures au mur de gypse et remettre les lieux dans leur état original selon les règles de l’art.
[45] À moins d’entente avec le syndicat bénéficiaire, l’entrepreneur devra réaliser tous les travaux ci haut décrits avant le 20 décembre 2005.
[46] Compte tenu du règlement, les frais d’arbitrage et les honoraires de l’expert du bénéficiaire sont à la charge de l’administrateur.
[47] Après avoir visité les lieux, entendu les témoignages, analysé la preuve et tenu compte du règlement, l’arbitre soussigné :
- déclare qu’il a compétence pour réviser les décisions de l’administrateur,
- déclare que les fissures au gypse sont causées par un vice majeur affectant le bâtiment,
- constate que la réclamation du bénéficiaire a été présentée dans les délais prévus au règlement,
- condamne l’entrepreneur à réaliser tous les travaux requis pour mettre fin définitivement au problème de mouvement de la structure du bâtiment aux endroits requis,
- condamne l’entrepreneur, une fois la structure stabilisée, à réparer les fissures au mur de gypse et à remettre les lieux dans leur état original, selon les règles de l’art,
- accorde à l’entrepreneur, à moins d’entente différente avec le syndicat, un délai jusqu’au 20 décembre 2005 pour réaliser l’ensemble des travaux,
- condamne l’administrateur à assumer le coût des honoraires de l’expert du syndicat et les frais d’arbitrage.
Alcide Fournier
Arbitre
11 octobre 2005