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TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

n/d :                    PG 2008-14

GAMM :                2008-07-001 

Administrateur :  08-319 ES 

 

 

Date  

 

12 juin 2009

 

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DEVANT L’ARBITRE :

Me Bernard Lefebvre

 

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Mme Josée MacDonald et M. Gilles Gagné

 

                                                                                                                                                          « Bénéficiaires»                                                         

 

 

Et

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de L’APCHQ Inc.

                                                                                                            «Administrateur »

                                                                                                          

 

Et

 

9067-1959 Québec inc. (Alie Construction inc.)

 

                                                                                                      « Entrepreneur »

 

                                      

 

                                          SENTENCE ARBITRALE

 

[1]    Dans une lettre du 8 octobre 2008, les bénéficiaires font part au Groupe d’Arbitrage et de Médiation sur Mesure (GAMM) de leur insatisfaction face à une décision rendue par l’administrateur, le 9 septembre 2008, qui rejette leur réclamation relative à l’échangeur d’air installé dans leur maison.

 

[2]               L’administrateur a rendu sa décision après avoir inspecté les lieux le 27 août 2008. À cette occasion, l’inspecteur-conciliateur de l’administrateur, M. Michel Hamel, constate et je cite :

 

« 1. Installation de l’échangeur d’air

 

Lors de l’inspection, nous avons constaté ce qui suit :

 

-Échangeur d’air n’est pas conçu en fonction de la recirculation d’air. Le bénéficiaire, lors de l’inspection, nous a informé qu’il s’attendait à l’installation d’un échangeur d’air avec recirculation, et ce, bien qu’il n’ait en main aucun contrat ou devis le spécifiant.

 

-Aucun tuyau dans les murs qui débouchent aux diffuseurs muraux. En effet, les tuyaux d’amenée d’air installés au sous sol débouchent entre les montants des murs qui servent alors de conduits.

 

-Le contrôleur de l’échangeur d’air est muni du mode de circulation, malgré qu’il soit inutilisable.

 

-Les conduits sont mal scellés, et ce, particulièrement à la sortie de l’appareil. Les tuyaux sont maintenus en place à l’aide de rubans adhésifs

.

-Les conduits flexibles ne sont pas bien tendus.

 

-Le bénéficiaire prétend que le système de ventilation n’a jamais été balancé. »

 

[3]     M. Hamel indique que le Code national du bâtiment de 1990 régissait la construction de la maison des bénéficiaires. Se référant à l’article 9.32.3 de ce Code, « Ventilation mécanique », M. Hamel conclut :

 

«  Or, l’installation en place répond à la norme de ventilation décrite à l’article 9.32.3 « Ventilation mécanique » du Code national du bâtiment (édition 90). »

 

[4]     Ensuite, M. Hamel indique que la dénonciation relative à l’installation de l’échangeur d’air a été reçue dans la deuxième année de l’application du Contrat de garantie, ci-après Contrat. On sait par ailleurs que le Contrat s’applique à compter de la réception du bâtiment.

 

[5]    Dans le cas présent, la réception du bâtiment a eu lieu le 7 juillet 2006. Ce fait juridique n’est pas contesté.

 

[6]    Se basant sur les termes du Contrat, M. Hamel soumet que le manquement en question a été dénoncé dans la deuxième année de l’application de ce Contrat. M. Hamel écrit que ce manquement doit être un vice caché pour enclencher l’obligation de réparation imposée à la garantie, en vertu du Contrat.

 

[7]    Selon M. Hamel, le manquement relatif à l’échangeur d’air dénoncé par les bénéficiaires ne constitue pas un vice caché. M. Hamel s’exprime ainsi :

 

« ANALYSE ET DÉCISION

 

On constate que le point 1 a été dénoncé par écrit dans la deuxième année de la garantie laquelle porte sur les vices cachés.

 

Or, l’administrateur est d’avis que ce point ne rencontre pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’il n’est pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

 

Par conséquent, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point. »

 

[8]    Les bénéficiaires contestent cette décision.

 

[9]    L’arbitrage a débuté par la visite des lieux et s’est poursuivi au même endroit, le 27 mars 2009.

 

[10]           Le 29 mars 2009, les bénéficiaires transmettent par courriel à l’arbitre et aux parties, une information relative à la date de leur dénonciation, en opposition à la prétention soutenue par l’administrateur en arbitrage. L’administrateur s’oppose au dépôt de cette information en preuve, parce que tardive.

 

[11]           Le litige repose sur les éléments suivants :

 

1-     la nature des manquements;

2-     la qualification juridique des manquements;

3-     la date de la dénonciation;

4-     l’admissibilité de la preuve produite après le 27 mars 2009 ;

5-     l’application du Code national du bâtiment et,

6-     La défense de mésentente contractuelle.

 

[12]           Débutons par le premier point.

 

1. La nature des manquements

 

[13]           La visite des lieux confirme les constations de l’inspecteur-conciliateur relevées lors de son inspection, le 27 août 2008, et décrites dans sa décision du 9 septembre suivant.

 

[14]           Les bénéficiaires indiquent que l’entrepreneur s’est engagé à installer un système d’échangeur d’air avec recirculation.

 

[15]           L’entrepreneur affirme qu’il s’est engagé à installer un échangeur d’air et non pas un appareil comportant aussi la fonction « recirculation ». Sur ce point, il dépose la soumission de construction datée du 29 mars 2006 dans laquelle il est fait mention « Échangeur d’air ». Mais il admet avoir fait changer l’appareil qui contrôle l’appareil pour y incorporer la fonction recirculation.

 

[16]           Soutenu par le témoignage de leur expert, les bénéficiaires exigent l’installation d’une machine qui comporte les fonctions « échangeur d’air » et «  recirculation d’air », qui fait office aussi de récupérateur de chaleur.

 

[17]           L’administrateur évalue le coût des travaux et celui de l’appareil à environ $5 000.

 

2. La qualification juridique des manquements

 

[18]           D’abord, le tribunal n’est pas lié par la position des parties concernant la qualification juridique des faits en litige. Sur ce point, nous devons nous référer à la norme juridique du Contrat. Or, le Contrat couvre la malfaçon (art. 3.2), le vice caché (art. 3.3) et le vice majeur (art. 3.4).

 

[19]           La malfaçon est une défectuosité ou défaut de construction tel que visé par les articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec, c'est-à-dire :

 

« 2113.  Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l'entrepreneur aux cas de vices ou malfaçons non apparents.

 

 2120.  L'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur pour les travaux qu'ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l'ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découvertes dans l'année qui suit la réception. »

 

[20]           Au sens de l’article 3.3 du Contrat, le vice caché est celui visé aux articles 1726 et 2103 du Code civil du Québec qui se lisent ainsi :

 

« 1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

2103.  L'entrepreneur ou le prestataire de services fournit les biens nécessaires à l'exécution du contrat, à moins que les parties n'aient stipulé qu'il ne fournirait que son travail.

Les biens qu'il fournit doivent être de bonne qualité; il est tenu, quant à ces biens, des mêmes garanties que le vendeur.

Il y a contrat de vente, et non contrat d'entreprise ou de service, lorsque l'ouvrage ou le service n'est qu'un accessoire par rapport à la valeur des biens fournis.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »



[21]           En l’espèce, l’appareil n’est pas affecté d’un vice majeur au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec.

 

[22]           La question est de savoir si l’appareil est affecté d’une défectuosité  (malfaçon), ou d’un manquement qui le rend impropre à l’usage auquel on le destine, c'est-à-dire un vice caché.

 

[23]            Sur la base de la visite des lieux, de l’ensemble de la preuve et de la décision de l’administrateur rendue le 9 septembre 2008, nous décidons que l’appareil est affecté non seulement de malfaçons mais aussi d’un vice caché, et ce pour les motifs suivants.

 

Les malfaçons

 

[24]           Nous constatons que les éléments de l’appareil en question sont défectueux en ce que les conduits d’amenée d’air sont mal scellés et lâches, et en cela, l’appareil est affecté de malfaçons.

 

Le vice caché

 

[25]           Nous constatons que le mécanisme qui contrôle le fonctionnement de l’appareil, installé sur le mur de la salle à manger, comporte les fonctions « échangeur d’air » et « recirculation d’air » mais que l’appareil ne donne pas ce dernier usage.

 

[26]           Par conséquent, l’appareil est affecté d’un déficit d’usage.

 

[27]            Selon l’ensemble de la preuve, les bénéficiaires ont constaté le déficit d’usage en décembre 2006 mais ils ne pouvaient à eux seuls, à ce moment, déceler la cause réelle et probable de ce déficit. C’est l’intervention d’un entrepreneur de construction en semblable matière qui a décelé ce défaut d’usage.

 

[28]           En conséquence, l’appareil est affecté dans son fonctionnement, non seulement de malfaçons mais aussi d’un vice caché.

 

3. La date de la dénonciation

 

[29]            Les bénéficiaires dénoncent par écrit ce déficit d’usage à l’entrepreneur et à l’administrateur le 26 mars 2008, soit un (1) an et 8 mois suivant la réception de leur maison.

 

[30]           En vertu de l’article 3.3 du Contrat, la garantie réparera les vices cachés qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à la garantie dans un délai raisonnable, lequel ne peut dépasser 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil du Québec.

 

[31]           On soumet en arbitrage que les malfaçons qui affectent l’appareil n’ont pas été dénoncées dans un délai raisonnable au sens de l’article 3.3 du Contrat.

 

[32]            À cause de cela, l’administrateur et l’entrepreneur demandent au tribunal de rejeter la réclamation des bénéficiaires car la garantie répare les malfaçons qui ont été dénoncées dans un délai raisonnable.

 

[33]           Sur ce point, il faut évaluer le caractère raisonnable du délai de dénonciation relatif à des défectuosités en fonction de celui relatif à un vice caché, lorsqu’un appareil est affecté de ces deux sortes de manquements.

 

[34]           Dans notre cas, les défectuosités qui affectent l’appareil ne laissaient pas voir aux bénéficiaires si ces défectuosités constituaient un déficit d’usage assimilable à un vice caché. C’est plutôt l’absence de la fonction « recirculation » de l’appareil qui en est la cause.

 

[35]           La détermination du délai de dénonciation qui engage la responsabilité de la garantie est établie en fonction du moment de la connaissance du vice caché et cette connaissance doit être appréciée selon la nature du manquement qui affecte l’appareil. Le test est celui du bénéficiaire ordinaire, comme c’est le cas des bénéficiaires en cette instance.

 

[36]           En définitive, la dénonciation a été donnée de manière à engager la responsabilité de l’administrateur.

 

4. La preuve reçue après l’arbitrage

 

[37]            En vertu des règles de procédure, l’arbitre doit rendre sentence sur la base de la preuve déposée en arbitrage, à moins de faits nouveaux inconnus des parties au moment de la tenue de cette instance. Et dans ces cas, l’arbitre peut ordonner la réouverture de l’enquête.

 

[38]           En l’espèce, il ne s’agit pas de faits nouveaux mais de faits qui sont connus ou présumés connus par les parties.

 

[39]           En effet, les faits auxquels font référence les bénéficiaires le 29 mars 2009, soit après la séance d’arbitrage du 27 précédent, sont mentionnés dans la lettre jointe au formulaire de demande d’arbitrage présentés au GAMM, le 23 octobre 2008.

 

[40]           À noter que ces documents ont été déposés à l’arbitrage du 27 mars 2009. Ainsi, l’administrateur et l’entrepreneur connaissaient ou sont présumés connaître le contenu de ces documents. De plus, les bénéficiaires se sont référés à la lettre jointe au formulaire de demande d’arbitrage au cours de l’arbitrage tenu le 27 mars 2009.

 

[41]           En conséquence, ces documents font partie de la preuve et constituent des éléments sur lesquels l’arbitre peut se baser pour trancher le litige.

 

5. Application du Code national du bâtiment

 

[42]           Je serai bref sur ce point. Il est vrai que la municipalité doit faire respecter le Code, au regard des bâtiments construction dans sa juridiction territoriale.

 

[43]           Mais on conviendra sans peine que les normes de ce Code ne sont pas un maximum auxquelles on ne peut déroger, comme c’est le cas de dispositions d’ordre public.

 

[44]           En conséquence, l’application du Code à l’appareil en cause n’est pas un moyen de défense opposable aux bénéficiaires.

 

6. La défense de mésentente contractuelle

 

[45]           L’entrepreneur se base sur les termes de la soumission du 29 mars 2006, qui mentionne, rappelons-le, uniquement « échangeur d’air » pour appuyer sa position que son engagement contractuel se limitait à installer un échangeur d’air et non pas un échangeur d’air et un système de recirculation d’air.

 

[46]           L’administrateur déduit de la soumission, que le litige en cause est de nature contractuelle, qui n’entraîne pas la responsabilité de la garantie.

 

[47]           La preuve des bénéficiaires démontre que l’entrepreneur a installé un contrôle de l’appareil comportant les fonctions non seulement d’un échangeur d’air mais aussi de recirculation d’air.

 

[48]           Le tribunal doit tirer de ce fait connu[1] la conséquence juridique que le contrat d’entreprise conclu avec les bénéficiaires comportait l’obligation de poser un système d’échangeur d’air et de recirculation d’air.

 

[49]           Il ne s’agit pas d’une mésentente contractuelle.

 

DISPOSITIF

 

[50]           Pour tous ces motifs, le tribunal :

 

-         accueille la réclamation des bénéficiaires;

-         infirme la décision de l’administrateur et enjoint à l’entrepreneur d’installer un système d’échangeur d’air et de recirculation d’air comportant l’installation de conduits afférents à ces fonctions, afin de rendre l’appareil  propre à l’usage auquel il est destiné.

 

[51]           Le tribunal conserve juridiction pour trancher tout litige découlant de l’application du dispositif.

 

[52]           Le tribunal décide que les coûts du présent arbitrage sont assumés par l’administrateur.

 

[53]           Ainsi décidé le 12 juin 2009.

 

 

 

 

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Me Bernard Lefebvre

 

 

Pour les Bénéficiaires 

 

 

M. Gilles Gagné

1575, rue Laliberté

Trois-Rivières (Québec)

G8Y 4H9

 

Pour l’Administrateur :

Me Élie Sawaya

Savoie Fournier,

Contentieux de l'APCHQ Inc.
5930 boulevard Louis-H.-Lafontaine
Anjou Qc.  H1M 1S7

 

Pour l’Entrepreneur :

 

M. Raymond Alie

6795 Amyot

Trois-Rivières, (Québec)

G9B 1Z1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Christine Lepage et Maryse Messeley et La Garantie des Maisons neuves de l’APCHQ.

   Inc. et Lortie Construction inc. Me René Blanchet, arbitre, CCAC, 27 novembre 2006.