ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ LE 950, CHAMPAGNEUR, OUTREMONT;
(ci-après « le Bénéficiaire »
et/ou « le SDC » )
LES HABITATIONS ARMECA LTÉE;
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.;
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier SORECONI : 152609001
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot, CIArb
Pour le Bénéficiaire : Me Robert Archambault
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Pierre Barot
Monsieur Daniel Barbeau
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date d’audience : 15 septembre 2016
Date de la sentence : 27 septembre 2016
Identification complète des parties
Bénéficiaire : Syndicat de la copropriété le 950, Champagneur, Outremont
950, Champagneur
Montréal (Québec) H2V 3R3
Et son procureur :
Me Robert Archambault
Archambault Adel S.N.D.
2000, rue Peel, bureau 753
Montréal (Québec) H3A 2W5
Entrepreneur: Les Habitations Armeca Ltée
Monsieur Pierre Barot
Monsieur Daniel Barbeau
850, # 1 de l’Épée
Montréal (Québec) H2V 3V3
Administrateur : La Garantie Habitation du Québec Inc.
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier Godin
Bélanger Paradis
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Sentence sur les moyens préliminaires
Les admissions pertinentes
[1] La pièce SDC6 confirme qu’il y a eu une demande d’arbitrage qui a été formulée à l’intérieur d’un délai de trente (30) jours de sa réception par le Bénéficiaire, de la décision de l’Administrateur, du moins, la demande d’arbitrage qui aurait été formulée en ligne auprès du présent organisme le ou vers le 26 septembre 2016;
[2] La pièce SDC7 qui est une capture d’écran confirme que la demande d’arbitrage fut faite «en ligne» et non pas par courriel et «reconfirme» que cette demande a été faite à l’intérieur du délai de trente (30) jours, prescrit à l’article 19 du Règlement;
[3] Deux (2) autres documents admis sont à considérer, soit la pièce SDC8: confirmation pour et au nom du syndicat aux autres administrateurs du SDC 950 que la demande d’arbitrage fut formulée et la pièce SDC9 : aux propriétaires d’unités supposément victimes de la problématique soulevée qui est au même effet que la pièce SDC8;
Sommaire des représentations de l’Entrepreneur
[4] Après avoir référé à la décision de l’Administrateur du 27 août 2015 (onglet n° 5 du cahier de pièces de l’Administrateur), ces derniers portent à notre attention une première demande d’arbitrage déposée auprès du centre d’arbitrage SORECONI (le présent dossier) puis une deuxième demande d’arbitrage (février 2016) déposée auprès d’un organisme d’arbitrage autre (le «GAMM», pièce E-1);
[5] Il y eu désistement de cette deuxième demande d’arbitrage en date du 26 février 2016, désistement constaté par la décision du 7 mars 2016 sous la plume de Me Avelino De Andrade, arbitre au GAMM;
[6] Donc, la seule demande qui, aujourd’hui, subsiste (en faits et en droit) est la présente demande d’arbitrage (dossier n° 152609001) auprès de l’organisme SORECONI;
[7] Quant à cette demande d’arbitrage, on nous suggère que le Bénéficiaire qui y est identifié est «Alexandre Lussier» et que référence y est faite à l’unité 106;
[8] On me représente que la demande d’arbitrage porte sur une décision qui adresse les aires communes et non pas les aires privatives et que seul le Syndicat (SDC 950) serait habilité (en droit) à pouvoir formuler la présente demande d’arbitrage;
[9] Comme argument subsidiaire, l’Entrepreneur désire de plus porter à notre attention que depuis avoir formulé une objection préliminaire quant au statut juridique de la personne qui a formulé la demande, il n’y eu aucune demande d’amendement ou de substitution de Bénéficiaire;
Pour l’Administrateur
[10] Ce dernier se réfère à son cahier de pièces. Il n’intervient pas agressivement ou passivement dans le dossier. Le procureur de l’Administrateur limite ses représentations à l’effet que, dans l’hypothèse où la demande interlocutoire ou les moyens préliminaires de l’Entrepreneur ne sont pas retenus, que la question des frais «en équité» (évoquant l’article 116 du Règlement) soit uniquement à la charge de la partie déboutée;
Pour le Bénéficiaire
[11] On nous représente que le Syndicat est la partie en demande. L’ensemble des pièces pertinentes et, entre autre, les pièces A-3 et A-5, qui sont des rapports de conciliation de l’Administrateur, le confirme. On fait d’ailleurs référence dans ces deux (2) décisions à un numéro d’enregistrement d’un plan de garantie : ce numéro d’enregistrement est le «76242» et lequel enregistrement se limite aux parties communes;
[12] La preuve est unique, non contestée et non contredite, le numéro d’enregistrement «76242» concerne uniquement les parties communes et ceci à l’exclusion des parties privatives;
[13] Il est, de plus, fait abondamment référence à la pièce SDC1 qui est un affidavit circonstancié avec six (6) pièces à l’appui respectivement cotées SDC1.A à SDC1.F et, entre autre, à une de ces pièces (pièce SDC1.A) qui est une transmission de la demande d’arbitrage qui réfère au contrat de garantie et on y précise le numéro d’enregistrement «76242»;
[14] Monsieur Lussier, auteur de la demande d’arbitrage (et ceci est un fait important, est un des administrateurs du Syndicat) témoigne à l’effet qu’il est l’auteur dûment autorisé de la demande d’arbitrage «en ligne», celle-là même qui a été déposée (électroniquement) auprès du greffe de SORECONI. C’est lui qui a rempli la demande d’arbitrage et avec l’adresse courriel (de retour) du syndicat (950champagneur@gmail.com) et non son adresse courriel personnelle;
[15] Monsieur Lussier témoigne, de plus, à l’effet que lorsqu’il est venu le temps de remplir la section du formulaire qui requière de l’information sur le Bénéficiaire, section où l’on requière :
[15.1] un numéro de contrat de garantie
il y fait référence au contrat «76242» qui est le contrat enregistré pour les parties communes
[15.2] les cases «nom» et «prénom» de l’auteur de la demande
il a une difficulté à compléter le formulaire parce qu’il ne croit pas pouvoir scindez le nom du syndicat en nom et prénom et puisque ce sont deux (2) cases qui sont obligatoires, il croit qu’il faut identifier soit l’auteur de la demande soit la personne contact du Syndicat. Il remplit donc à son nom et prénom mais toujours en complétant avec mention de l’adresse courriel du SDC 950;
[16] Le témoin précise, de plus, que si jamais référence doit-être faite à une adresse postale envers des tiers, il nous dit qu’il n’y a pas de réelle adresse postale (pleinement fonctionnelle) pour le SDC 950 et qu’il utilise, à l’occasion, son adresse personnelle. L’adresse postale enregistrée au CIDREQ pour le SDC 950 est le «501», cette unité n’existe pas (le 501) et Poste Canada se refuse d’y livrer le courrier;
[17] Se référant ensuite à la pièce SDC1.A, on apprend que cette dernière démontre que la confirmation de réception par le centre d’arbitrage de la demande d’arbitrage (en provenance du centre d’arbitrage SORECONI) a été transmise à l’adresse courriel du syndicat (et non pas à l’adresse courriel personnelle du témoin);
DÉLIBÉRÉ
[18] Un syndicat de copropriété est une personne morale distincte (1039 C.c.Q.), et le Code Civil spécifie à l’alinéa 1 de l’article 1081 que le Syndicat peut intenter une action dans le cas de vices :
« 1081. Le syndicat peut intenter toute action fondée sur un vice caché, un vice de conception ou de construction de l'immeuble ou un vice du sol. Dans le cas où les vices concernent les parties privatives, le syndicat ne peut agir sans avoir obtenu l'autorisation des copropriétaires de ces parties. »
[19] L’article 1081 C.c.Q. est clair, le syndicat a l’intérêt pour ester aux présentes. Cette approche est d’ailleurs suivie par les auteurs[1];
[20] Toutefois, la question d’à-propos est plus de déterminer si un bénéficiaire copropriétaire peut lui aussi intenter un recours visant une partie commune, ou si ce droit est exclusif au syndicat;
[21] En effet, quant au copropriétaire divis, une certaine jurisprudence[2] dans les dernières années a soutenu que celui-ci n’avait pas la compétence dans le cas d’une partie commune, par exemple en Cour Supérieure (dans un cas de recours pour vices de construction) sous la plume de M.F. Courville, JCS :
« Les administrateurs assurent indivisément, à titre de mandataires de l’ensemble des copropriétaires, la représentation de leur intérêt collectif et le recouvrement des indemnités qui peuvent être requises pour la préservation de celui-ci.
Ainsi, tant dans le nouveau Code que dans l’ancien les recours pour vices de construction sont réservés au syndicat des copropriétaires.»
[22] Une revue d’auteur récente des courants jurisprudentiels sur cette question se retrouve sous «Les recours du copropriétaire pour vices cachés affectant les parties communes : étude comparative France-Québec»[3] par laquelle l’auteur P.G. Champagne, lequel considère inter alia dans le cadre d’une revue de l’impact de 1081 C.c.Q mais aussi de 1077 C.c.Q qui se lit :
« 1077. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire.»
[23] Cette jurisprudence (supra paragraphe [21]) de première instance ne représente pas l’état du droit au Québec, on doit s’appuyer sur le ratio de l’arrêt de notre Cour d’appel dans Belcourt Construction Co. c. Creatchman, où on peut lire, tel que cité par l’auteur:
« Mais je ne vois rien dans ces articles [441v, 441y et 441z] qui restreint le droit individuel de chaque copropriétaire de poursuivre son vendeur pour vices cachés, soit en annulation de la vente, soit en diminution du prix. Il me semble évident que chacun des copropriétaires a, en l’espèce, l’intérêt suffisant selon l’article 55 C.P. pour exercer ce droit fondamental. Or, en l’absence d’un texte clair et précis ayant pour effet d’en priver le copropriétaire, je ne vois pas qu’on puisse par simple inférence conclure que les administrateurs pourraient, à l’exclusion des copropriétaires, exercer un recours en annulation de la vente ou en diminution de son prix alors qu’ils ne sont aucunement partie à la vente. »[4]
(le souligné est du soussigné)
[24] Ce jugement précède l’adoption de l’article 1081 C.c.Q, toutefois un deuxième jugement de notre Cour d’appel en 1996 Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM) c. Bergeron précise, sous la plume de l’Honorable Forget JCA (parlant pour la cour d’appel), citant d’ailleurs son collègue, l’Honorable Paré JCA, sous le même extrait de Belcourt :
« Notre cour a, dans Belcourt Construction inc. c. Creatchman, reconnu au propriétaire divis le droit d’exercer contre son vendeur les recours qui découlent de la garantie contre les vices cachés.
Je ne retiens donc pas le moyen d’appelante fondé sur l’irrecevabilité du recours en annulation intenté par un propriétaire divis. Le recours étant recevable […] »[5]
[25] Finalement, dans une cause en décembre 2004, Bousquet J., devant une plaidoirie qui s’appuyait sur Poirier c. Spagnolo et Lemyre c. Arcand suggère que :
« [75] … que seul le syndicat des copropriétaires peut exercer un recours relatif aux parties communes en raison de l’article 1081 alinéa 1 C.c.Q. …»
le juge rejette cette plaidoirie, confirme l’application de Belcourt et repousse la jurisprudence contraire :
« [77] Le procureur … cite deux décisions de tribunaux de première instance conformes à l’interprétation proposée de l’article 1081 C.c.Q. mais le Tribunal est d’avis que la décision contraire de la Cour d’appel dans l’affaire Belcourt Construction Co. c. Creatchman s’applique toujours malgré la réforme du Code civil. »[6]
[26] Conséquemment le présent Tribunal est d’avis que le Bénéficiaire individuel, entre autre parce qu’il est un administrateur du syndicat dûment mandaté aux fins de la demande, pouvait valablement intenter des procédures dans le cadre des présentes circonstances pour l’intérêt des parties communes et que l’approche appropriée n’est pas ici un rejet de la réclamation;
[27] D’autre part, la preuve est à l’effet que le représentant du syndicat a reçu l’autorisation d’agir, à tout le moins, des membres du conseil d’administration et des bénéficiaires individuels en ce qui peut concerner les parties privatives;
Conclusions
[28] Considérant les principes juridiques qui doivent guider le tribunal lors d’une demande en irrecevabilité et plus particulièrement que les allégations et les pièces sont tenues pour être avérées;
[29] Considérant que les pièces déposées au soutien de la demande sont avérées (et non pas la qualification de leurs faits y relatés);
[30] Considérant qu’en tant que soit possible, un tribunal doit éviter de mettre fin prématurément à un litige;
[31] Considérant les graves conséquences qui découlent du rejet d’une demande sans que la demande ne soit examinée au mérite;
[32] Considérant que la demande ne doit pas servir à mettre fin prématurément à une instance à moins d’une situation claire et évidente;
[33] Considérant les admissions reprises aux paragraphes [12] à [16] infra;
[34] Considérant que la demande d’arbitrage a été préparée par une personne physique, un administrateur du syndicat agissant pour le syndicat en référence au contrat de garantie enregistré pour les parties communes et qu’au surplus, il était dûment mandaté aux fins de la demande d’arbitrage;
[35] Considérant que la demande d’arbitrage fait limitativement référence au contrat «76242» qui réfère au contrat de garantie qui concerne uniquement les parties communes (et ceci à l’exclusion des parties privatives);
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande en irrecevabilité de l’Entrepreneur;
MAINTIENT la présente demande d’arbitrage;
VU l’article 123 du Règlement, le soussigné n’a d’autre alternative que de statuer que les coûts de cette demande interlocutoire seront partagés à part égale entre l’Administrateur et l’Entrepreneur puisque ce dernier est l’instigateur débouté.
Montréal, le 27 septembre 2016
__________________________
ME MICHEL A. JEANNIOT, ClArb
Arbitre / SORECONI
[1] Yves JOLI-COEUR, Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec, vol 2, no 3, mars 2002, p.6 :
« Le Code civil du Québec clairement établit le pouvoir, la qualité et l’intérêt juridique du syndicat d’instituer tous les recours engendrés par les vices et déficiences affectant l’immeuble »
[2] Poirier c. Spagnolo, J.E. 2000-1533, [2000] R.D.I. 460, REJB 2000-19274 (C.S.), M-F Courville, JCS;
VOIR AUSSI Lemyre c. Arcand, B.E. 2000BE-1199 (C.Q.), René Roy JCQ, dans un cas de vice caché:
“Le syndicat demeure le représentant exclusif de l’intérêt commun des copropriétaires, responsable de la correction des problèmes aux parties communes et de l’exécution des travaux pour les corriger ” et
Pruneau c. Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec inc., B.E. 2005BE-427 (C.Q.), Denis Charrette JCQ, dans le cas d’un vice de construction à un plafond :
« Le syndicat a seul intérêt pour poursuivre le constructeur ou son garant (la défenderesse) puisqu’il s’agit d’un vice de construction d’une partie commune et que le non-respect de la finition originale du plafond est une résultante de la réparation à ce vice de construction. Considérant ainsi l’absence de lien de droit entre les demandeurs et la défenderesse, la demande est par conséquent rejetée.»
[3] CHAMPAGNE, Pierre G., Les recours du copropriétaire pour vices cachés affectant les parties communes : étude comparative France-Québec, au recueil de textes Développements récents en droit de la copropriété divise, Service de la formation continue du Barreau du Québec, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2008, 171, aux pp. 201 et ss.
[4] Belcourt Construction Co. c. Creatchman [1979] C.A. 595, pp.601-2.
[5] Société d’habitation et de développement de Montréal c. Bergeron, [1996] R.J.Q. 2088 (C.A.), p. 2091 et 2092.
[6] Parent c. Daniel et al, C.Q.M. no 500-32-072244-033, le 6 décembre 2004, F. Bousquet, J.