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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:
CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
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ENTRE: MADAME NATALY AUBERT
MONSIEUR MARC DIONNE
(ci-aprèsdésignés « les Bénéficiaires »)
CONSTRUCTION DE LA CHAUDIÈRE T.L. INC.
(ci-après désignée « l'Entrepreneur »)
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(LA GARANTIE QUALITÉ-HABITATION)
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier CCAC: S11-021701-NP
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre: Me Reynald Poulin
Pour les Bénéficiaires: Me Hugo Poirier
Pour l'Entrepreneur: M. Rénald Lagrange
Pour l'Administrateur: Me Stéphane Audy
Identification complète des parties
Arbitre: Me Reynald Poulin 79, boul. René-Lévesque Est Bureau 200 C.P. 1000, Haute-Ville Québec (Québec) G1R 4T4
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Bénéficiaires: Madame Nataly Aubert Monsieur Marc Dionne […] Saint-Jean-Chrysostome (Québec) […] Et leur procureur: Me Hugo Poirier Gravel Bernier Vaillancourt
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Entrepreneur: Construction de la Chaudière T.L.inc. (M. Rénald Lagrange) 270, Laure Conan St-Nicolas(Québec) G7A 3K8
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Administrateur: La Garantie Habitation du Québec inc. (La Garantie Qualité-Habitation) 375, rue Verdun, 2e étage Québec (Québec) G1N 3N8 Et son procureur: Me Stéphane Audy KSA Avocats
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DÉCISION ARBITRALE
[1] Après que l'arbitre soussigné ait déclaré avoir compétence, les parties ont été convoquées à l'arbitrage d'une demande des Bénéficiaires visant une décision de l'Administrateur rendue le 31 janvier 2011.
[2] Cette décision rejetait une dénonciation des Bénéficiaires, lesquels se plaignent de nombreuses fissures et anomalies affectant leur immeuble dont ils se sont portés acquéreurs à la fin de l'année 2005.
[3] Essentiellement, les Bénéficiaires se plaignent de la présence d'un vice majeur à leur immeuble alors que l'Administrateur et l'Entrepreneur sont plutôt d'avis de la présence de manifestations et de désordres ne nécessitant que des travaux correctifs mineurs n'étant pas couverts par la garantie qu'invoquent les Bénéficiaires.
[4] Le Tribunal, après la description des témoins entendus et les pièces au dossier, traitera de la question principale, soit la présence ou non d'un vice majeur à l'immeuble des Bénéficiaires.
LES TÉMOINS
[5] Seule Mme Nathalie Aubert a témoigné du côté des Bénéficiaires. Ceux-ci ont aussi fait entendre M. Joël Briand de la firme Héneault et Gosselin inc. (ci-après désignée, de temps à autre, «Héneault et Gosselin») à l'appui de son rapport B-5.
[6] De son côté, l'Administrateur, La Garantie Habitation du Québec inc.a fait entendre M. Jean-GuySlevan, technologue professionnel à l'appui du rapport produit par la firme G&S Consultants, pièce A-6. M. Marc Gravel, arpenteur-géomètre, a également témoigné à l'appui de documents intitulés «Nivellement» signé le 5 juillet 2011 et 24 mai 2012. M. Yves Gilbert, ingénieur, a aussi été entendu à l'appui de son rapport produit comme pièce A-14. M. Bernard Gaudichon, auteur de la décision portée en arbitrage par les Bénéficiaires, a également été entendu. Enfin, M. Normand Guimond, représentant de CNG Construction inc., a témoigné au sujet d'une soumission portant la date du 29 mars 2012 et d'un document portant la date du 25 mai 2012 produits en liasse comme pièce A-16 (évaluation des coûts de réparation selon l'Administrateur).
CONSTRUCTION DE LA CHAUDIÈRE T.L. INC.
[7] De son côté, l'Entrepreneur a assisté à la première demi-journée de l'arbitrage et a demandé au soussigné s'il pouvait quitter pour la suite. Puisque personne ne s'y est objecté, le représentant de l'Entrepreneur, M. Rénald Lagrange, a donc quitté l'audience pour vaquer à d'autres occupations.
LA VISITE DES LIEUX
[8] À la demande des parties, l'arbitre s'est déplacé, au début de la seconde journée d'audition, à la résidence des Bénéficiaires pour vérifier, par lui-même, les désordres dont se plaignaient les Bénéficiaires et obtenir certaines explications des experts qui ont participé à cet exercice. À cette occasion, le représentant de l'Entrepreneur s'est aussi déplacé mais n'a pas assisté à la suite de l'arbitrage.
LES PIÈCES AU DOSSIER
[9] Dans un premier temps, l'Administrateur a fait parvenir, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après désigné, de temps à autre, le «Règlement sur le plan de garantie» ou le «Règlement»), un cahier de pièces portant les cotes A-1 à A-11 inclusivement. À ces pièces sont ajoutés, en cours d'audience, le curriculum vitae de M. Jean-GuySlevan à l'appui de la pièce A-6 et les pièces suivantes:
A-12 (en liasse): Documents en provenance de M. Mathieu Beaurivage, arpenteur-géomètre, accompagnés d'une lettre d'un représentant de la Ville de Lévis portant la date du 28 juin 2011;
A-13 (en liasse): Deux (2) documents intitulés «Nivellement» préparés par M. Marc Gravel, arpenteur-géomètre, le 5 juillet 2011 et le 24 mai 2012, accompagnés d'un court curriculum vitae de ce dernier; et
Série de photographies de l'extérieur de l'immeuble des Bénéficiaires;
A-14 (en liasse): Rapport d'expert de M. Yves Gilbert, ingénieur, accompagné d'un court curriculum vitae de ce dernier;
A-15: Facture d'honoraires de M. Yves Gilbert, ingénieur;
A-16 (en liasse): Soumission et document démontrant le coût de réparation des désordres, selon l'Administrateur, préparé par CNG Construction inc.
[10] Du côté des Bénéficiaires, ceux-ci ont produit les pièces suivantes:
B-1 (en liasse): Série de 23 photographies prises de l'intérieur de leur résidence en avril 2011;
B-2: Acte de vente de l'immeuble visé par la demande d'arbitrage intervenu le 13 décembre 2005;
B-3: Document confirmant l'enregistrement de l'unité domiciliaire des Bénéficiaires auprès de La Garantie Qualité-Habitation et portant la date du 3 mars 2005;
B-4 (en liasse): Série de 21 photographies de l'intérieur et de l'extérieur de l'immeuble des Bénéficiaires prises entre les mois d'août et de décembre 2010;
B-5 (en liasse): Lettre de la firme Héneault et Gosselin inc. signée par M. Joël Briand, détaillant les mesures d'affaissement observé de l'immeuble des Bénéficiaires portant le date du 6 septembre 2011, accompagnée du curriculum vitae de ce dernier.
FAITS PERTINENTS AYANT PRÉCÉDÉ LA DÉCISION DE L'ADMINISTRATEUR VISÉE PAR LE PROCESSUS D'ARBITRAGE
[11] Les Bénéficiaires se sont portés acquéreurs de leur résidence le 13 décembre 2005. Il semble que cette résidence soit une maison modèle présentée par Construction de la Chaudière T.L. inc.
[12] Selon la preuve au dossier, les Bénéficiaires se sont plaints, en date du 14 septembre 2009, de fissures dans les joints de céramique et au plafond de différents endroits de leur résidence. Ils ont ainsi demandé à l'Entrepreneur et à l'Administrateur de venir constater les dommages et de procéder à leur réparation. Vu, notamment, l'absence de réaction de l'Entrepreneur, l'Administrateur a rendu une première décision, laquelle se lit comme suit:
«Lors de notre visite, les points notés par les consommateurs nous sont apparus comme la conséquence d'un travail normal des matériaux suite à la réception de l'unité d'habitation. Selon les informations verbales fournies de la part des propriétaires, la firme «Héneault et Gosselin» aurait mentionné qu'il y avait affaissement de plus d'un pouce vers l'avant.
À la lumière de ces informations, l'entrepreneur s'est engagé à commander une expertise approfondie afin de bien identifier s'il y a un problème. Suite à cette vérification, nous rendrons notre décision en fonction des protections de la garantie. Pour ce qui est de l'aspect de la réparation du recouvrement d'asphalte, nous rendrons notre décision lorsque l'expertise sera produite.»
[13] Or, il semble que la firme G&S Consultants a été plutôt mandatée par l'Administrateur afin d'effectuer une étude géotechnique (reconnaissance des sols) pour divers terrains avec bâtiments situés sur les rues […] et […], en la Ville de Lévis, secteur de St-Jean-Chrysostome. C'est à cet endroit et plus particulièrement au […] que se situe l'immeuble des Bénéficiaires.
[14] L'expertise exécutée par G&S Consultants a été produite au dossier d'arbitrage comme pièce A-6. L'un des passages de cette expertise se lit comme suit:
«Le but de la présente étude était de procéder à la reconnaissance des sols afin de déterminer les conditions géotechniques qui prévalent pour chacun des huit (8) bâtiments construits sur les rues mentionnées en rubrique. Les essais in-situ effectués sur le terrain ainsi que les résultats des essais de laboratoire réalisés sur certains échantillons prélevés permettent d'établir que la majorité des terrains profitent d'une capacité portante significative qui devrait être suffisante pour assurer la stabilité des fondations du bâtiment construit.
Par contre, les forages effectués sur deux (2) des huit (8) terrains ont démontré que les fondations des maisons construites sur ces terrains pourraient reposer sur un sol marécageux ou sur des matériaux de remblai qui sont susceptibles de subir des tassements différentiels qui pourraient éventuellement dépasser les limites prescrites par le Code national du Bâtiment (2005).»
[15] Le rapport de forage pertinent à la résidence des Bénéficiaires démontre que G&S Consultants a procédé à un forage de 5,4mètres de profondeur où la stratigraphie du sol indique «Silt et argile gris de consistance très molle».
[16] Se basant sur cette étude de G&S Consultants, l'Administrateur a décidé, le 23 février 2010, que les sols sur lesquels reposait la résidence des Bénéficiaires avaient une capacité suffisante pour assurer la stabilité des fondations. Ainsi, la décision A-7 confirme que sont exclues de la garantie les réparations rendues nécessaires par le comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements.
[17] Par une lettre du 29 juin 2010 produite comme pièce A-8, les Bénéficiaires se sont plaints du travail de l'Administrateur puisque celui-ci se serait résumé à une évaluation visuelle sommaire des lieux accompagnée de quelques photographies. Aucun appareil de mesure n'aurait été utilisé et la référence à la dénivellation de la résidence des Bénéficiaires n'avait pas été vérifiée. Ils ont requis copie de l'étude de G&S Consultants qu'ils ne semblaient pas avoir reçue, de même qu'une mise sous observation de leur résidence.
[18] Après avoir transmis le rapport de G&S Consultants, de même que reçu une demande additionnelle des Bénéficiaires, l'Administrateur a informé ceux-ci qu'ils attendraient des informations supplémentaires en provenance de la Ville de Lévis (laquelle faisait des études dans le secteur au niveau de la stabilité des sols) avant de répondre à cette nouvelle demande de réclamation des Bénéficiaires.
[19] Or, avant que les informations supplémentaires soient fournies par la Ville de Lévis, selon la preuve, l'Administrateur a, une fois de plus, rejeté la demande de réclamation des Bénéficiaires en ces termes:
«Les points décrits à votre lettre du 8 septembre 2010 n'ayant pas été dénoncés par écrit à l'entrepreneur et à La garantie Qualité-Habitation dans les trois (3) ans suivant la réception du bâtiment, nous devons nous prononcer dans le cadre d'un vice de construction au sens de l'article 2118 du Code civil du Québec (article 6.4.2.5 du texte de garantie).
Or, selon ce qu'il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ces points ne peuvent être considérés comme un vice de construction ou de sol pouvant entraîner la perte partielle ou totale de la propriété.
Par conséquent, La garantie Qualité-Habitation ne peut reconnaître ces points dans le cadre de son mandat.»
C'est cette décision qui a été portée en arbitrage devant le soussigné.
[20] Ainsi, le Tribunal d'arbitrage, en considérant également la preuve technique additionnelle produite lors des audiences, doit décider si les manifestations et désordres à l'immeuble des Bénéficiaires originent d'un vice majeur tel que le définit l'article 2118 C.c.Q. puisque la demande de réclamation des Bénéficiaires a été soumise entre la troisième et la cinquième année de garantie visée par le Règlement sur le plan de garantie.
[21] Voyons, dans l'ordre de présentation au Tribunal, la preuve soumise par les parties.
LA PREUVE
[22] Étant demandeurs en arbitrage, les Bénéficiaires ont débuté leur preuve.
PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES
[23] Mme Nataly Aubert a témoigné en début d'audience.
[24] Elle informe le Tribunal qu'elle s'est portée acquéreure, avec son conjoint, de la maison modèle construite par l'Entrepreneur. Elle a signé l'acte notarié le 13 décembre 2005 et produit l'acte de vente B-2 à ce sujet. Elle réfère aussi à la «Confirmation d'enregistrement d'unité domiciliaire» B-3 qui atteste que leur résidence est soumise au «programme des bâtiments résidentiels neufs de Qualité Habitation» sous le numéro 05 26658. Des fissures sont apparues et ont été constatées, pour une première fois, à l'été 2009. Elle réfère le Tribunal à une série de photographies qu'elle désire produire comme pièce B-4 en liasse. En fait, ces photographies ont été prises entre le mois d'août et décembre 2010. Le procureur de l'Administrateur s'est objecté à la mise en preuve de ces photographies. Considérant qu'il s'agit là d'éléments fort importants et que l'Entrepreneur et l'Administrateur ne peuvent être pris par surprise autrement qu'ils n'étaient pas présents lors de la prise de ces photographies, le Tribunal consent à la production de cette preuve. En fait, nous pouvons constater à ces photographies différentes problématiques liées, selon le Tribunal, à l'affaissement de la résidence. Il y a des fissures au revêtement de céramique, au cadrage des portes, au système intérieur, de même qu'à la dalle au sous-sol. Il y a aussi des manifestations à l'extérieur de l'immeuble dont, notamment, une fissure au solage qui aurait été réparée, à l'été 2010, par l'Entrepreneur mais seulement à une profondeur de un pied (1') sous le sol. Il semble y avoir clairement des problèmes de structure à la vue de ces photographies. Mme Aubert compare également à la photographie numérotée 4 prise en août 2010 avec celle numérotée 1 prise en avril 2011. S'agissant du même endroit, tous ont pu constater que la problématique affectant la structure de l'immeuble évolue.
[25] Mme Aubert se plaint du rejet de ses réclamations par l'Administrateur puisqu'avec les informations qu'elle détenait (par l'intermédiaire de Héneault et Gosselin et d'elle-même) elle savait que sa résidence s'était affaissée de façon importante à certains endroits.
[26] À l'exception de la petite réparation, en surface, de la fissure aux fondations, l'Entrepreneur n'a fait aucune intervention additionnelle à sa résidence. Elle passe en revue les photographies prises entre les mois d'août et de décembre 2010 en les décrivant au meilleur de ses capacités. Elle conteste vigoureusement que les manifestations et désordres à sa résidence soient le résultat du «travail normal des matériaux». Elle craint, au moment de sa demande d'arbitrage, des aggravations additionnelles et des infiltrations d'eau.
[27] Se référant maintenant aux photographies qu'elle a prise en avril 2011, elle refait la description des manifestations et désordres y apparaissant et ce, en comparant certaines photos prises en 2010 afin d'y déceler certaines aggravations. Elle mentionne que certaines portes n'ouvrent pas toujours, que ses enfants les forcent et qu'il y a usure vraiment prématurée de celles-ci. Lorsque le Tribunal analyse ces photographies, il semble, de toute évidence, y avoir plus qu'un comportement normal des matériaux, argument à la base du rejet de la demande de réclamation des Bénéficiaires, par l'Administrateur. Mme Aubert mentionne aussi, qu'à l'endroit précis où il y a eu fissure des fondations, qu'un écoulement d'eau se fait entendre, ce qu'a également remarqué M. Gaudichon, représentant de l'Administrateur lors de l'une de ses visites. Puisqu'il n'y a pas eu apparence d'infiltration et de signe d'infiltration, M. Gaudichon se serait fait néanmoins rassurant.
[28] Mme Aubert a, par la suite, été contre-interrogée sur, notamment, le travail de certains experts au niveau de la mesure des affaissements de son immeuble. Le Tribunal préfère référer directement au témoignage des experts, plutôt qu'à celui de la Bénéficiaire, profane en la matière. C'est par ailleurs dans le cadre du témoignage de Mme Aubert que fut produit, par l'Administrateur, les documents sous la cote A-12 en liasse, préparés par M. Mathieu Beaurivage, arpenteur-géomètre. Cet individu n'a pas été entendu au procès.
[29] Vu l'importance des manifestations et désordres dont se plaignent les Bénéficiaires, tous ont convenu que le Tribunal se déplacerait à la résidence afin de constater, in situ, les problématiques en cause. Cette façon de procéder facilite, pour tous, la compréhension des différentes photographies et aide à mesurer l'ampleur des phénomènes. Le travail des experts, à ce moment, a aussi été utile, comme nous le constaterons plus loin.
[30] Les Bénéficiaires ont aussi fait entendre M. Joël Briand de la firme Héneault et Gosselin. M. Briand a produit son curriculum vitae et après interrogatoire et contre-interrogatoire, il fut reconnu comme expert pour des travaux en sous-œuvre. Il a été aussi mentionné par le Tribunal que M. Briand n'était pas reconnu comme expert en sol, ce qui a provoqué le consentement du procureur de l'Entrepreneur à la reconnaissance du statut d'expert de M. Briand.
[31] Les Bénéficiaires ont produit, comme pièce B-5, une lettre de M. Briand exposant les résultats de ses mesures prises les 29 août 2009, 15 février 2011 et 29 août 2011. Tel qu'il appert de ses résultats, il semble que la maison des Bénéficiaires penche de l'arrière vers l'avant de plus de 50 millimètres (ci-après désigné «mm»). C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu l’expert de l'Administrateur, M. Yves Gilbert, tant dans son rapport écrit A-14 qu'à l'audition. M. Briand a expliqué que son point de référence (son «point zéro») a varié lors de ses mesures puisque lorsqu'il se rendait à la résidence, le point le plus bas à l'intérieur de celle-ci changeait. C'est donc dire que si les mesures de M. Briand sont exactes, la maison des Bénéficiaires bougeait entre la prise des mesures. D'ailleurs, M. Briand a témoigné avoir retourné, sur place, le 27 mai 2012, pour prendre de nouvelles mesures d'élévation. Ces nouvelles mesures ont été mises en preuve à l'audition et confirmaient, une fois de plus, le mouvement d'affaissement de l'arrière vers l'avant de la résidence des Bénéficiaires. À sa lettre B-5, M. Briand recommandait de redresser le bâtiment par la mise en place de pieux et ceci afin de s'assurer que les mouvements n'aggravent pas davantage les infrastructures.
[32] Contre-interrogé au niveau de la justesse de ses mesures par les deux (2) procureurs de l'Entrepreneur et de l'Administrateur, M. Briand a expliqué sa technique de mesures qui aurait été éprouvée, par le passé, selon lui, et, au surplus, dans le même secteur, soit celui des Constellations, réputé pour ses problèmes d'affaissement. Il s'agit en fait d'un instrumentappelé «zip level» qui, selon l'autre expert entendu à l'audience, soit M. Yves Gilbert, peut être suffisamment précis pour confirmer le mouvement d'affaissement, qu'il a constaté lui-même sur place, de l'arrière vers l'avant de la résidence à une amplitude de plus ou moins 50mm.
[33] En fait, il est important de noter, selon le Tribunal, que personne ne conteste que ce niveau d'affaissement est au-delà des normes applicables en la matière et au-delà de ce qu'édicte, comme niveau acceptable, le Code national du Bâtiments'appliquant lors de la construction. Personne n'a remis non plus en question l'importance de cet affaissement. L'Administrateur et l'Entrepreneur ont plutôt concentré leur énergie à diminuer les conséquences de cet affaissement important en prétendant que des coûts minimes reliés à l'esthétique étaient occasionnés par ce phénomène.
[34] Après que les Bénéficiaires eurent déclaré leur preuve terminée, l'Administrateur a débuté la sienne.
PREUVE DE L'ADMINISTRATEUR
[35] M. Jean-GuySlevan, technologue professionnel à l'emploi de la firme G&S Consultants, a d'abord été entendu concernant le rapport A-6.
[36] Après qu'il eût été reconnu expert, il a d'abord informé le Tribunal que le domicile des Bénéficiaires était l'un des immeubles visés par l'expertise. Le forage près de la résidence des Bénéficiaires a été effectué le 18 novembre 2009. Comme mentionné au début de la décision arbitrale, il semble que le terrain des Bénéficiaires «avait une capacité portante qui devrait être suffisante pour assurer la stabilité des fondations du bâtiment».
[37] Le Tribunal a analysé le rapport d'expert de G&S Consultants. En fait, seuls deux (2) forages ont été prolongés à des profondeurs respectives de 22,3mètres et 27,4mètres et ce, sans avoir rencontré la surface du roc. Pour les autres forages, dont celui pertinent à la résidence des Bénéficiaires, ceux-ci se sont arrêtés à des profondeurs maximales variant de 4,8 et 5,4mètres. Tel que nous le constatons au rapport, à la profondeur de 5,4mètres, le terrain des Bénéficiaires est composé de silt et argile gris de consistance très molle. Selon le Tribunal, il semble que les forages 4 et 5 correspondent aux propriétés sises au […] et […], terrains qui ne semblaient pas démontrer de capacité portante significative suffisante pour assurer la stabilité des fondations. Par conséquent, comment ne pas penser que si les forages avaient été plus profonds dans le cas sous étude, une conclusion similaire aurait été faite par ces experts. En fait, l'Administrateur a choisi de ne produire qu'une partie du rapport d'expert et ceci ne facilite en rien le travail de compréhension du Tribunal.
[38] M. Slevan a précisé que malgré ce que semble prétendre l'Administrateur au sujet de la suffisance de la capacité portante, aucun calcul de charges n'a été effectué. Interrogé à ce sujet, l'expert ajoute même que si la capacité portante avait été de 80kPa, tel que mentionné au tableau apparaissant à la page 7 du rapport, des lignes directives auraient été émises par des professionnels lors de la construction. En fait, M. Slevan ne connaissait pas, avant le début de l'audition dans le présent dossier, les résultats d'analyse de la capacité portante de la firme Aecom mandatée par la Ville de Lévis pour le secteur des Constellations, pas plus qu'il ne connaissait la charge du bâtiment en l'instance sur le sol ni non plus le rapport d'expert de M. Yves Gilbert, lequel confirmait un affaissement de plus ou moins 50mm de l'immeuble. Le Tribunal croit qu'il aurait été utile que cet expert, pour fins de crédibilité, ait eu, minimalement, accès aux autres rapports de ses collègues. Par conséquent, la conclusion de G&S Consultants à l'effet que le terrain des Bénéficiaires aurait une capacité portante qui devrait être suffisante n'est pas crédible dans les circonstances.
[39] L'Administrateur a par la suite fait entendre M. Marc Gravel, auteur des documents intitulés «Nivellement» produits en liasse comme pièce A-13. Après avoir été reconnu expert à titre d'arpenteur-géomètre, M. Gravel a fait état des résultats qu'il a constatés au niveau des mesures d'affaissement à la résidence des Bénéficiaires. Essentiellement, il y a peu de différence d'élévation entre le 18 février 2011, ses premières mesures, et le 30 mars 2012, ses troisièmes mesures. Ce qui s'est révélé néanmoins assez particulier est le fait que le bâtiment semble s'être soulevé plutôt qu'affaissé. Interrogé à ce sujet, l'expert a mentionné que vu le peu de différence, cela n'était pas significatif. Il a néanmoins admis que cela était étonnant et que cela pouvait être possiblement relié à la justesse des mesures prises. Évidemment, ce constat relève d'une hypothèse.
[40] Enfin, l'Administrateur a complété sa preuve d'expert par le témoignage de M. Yves Gilbert, ingénieur.
[41] M. Gilbert, bénéficiant d'une vaste expérience, a évidemment été reconnu expert par le Tribunal.
[42] M. Gilbert explique avoir eu un mandat de l'Administrateur pour «aller vérifier l'ampleur des déformations apparentes et de lui en faire part».
[43] Il témoigne au sujet de son rapport portant la date du 30 décembre 2011 produit comme pièce A-14. Il fait la description des désordres de la résidence des Bénéficiaires se retrouvant détaillés à la section 2.3 de son rapport. Il mentionne tout d'abord qu'il se peut qu'il y ait plusieurs fissures de faible ampleur puisque minimisées, selon lui, par de l'armature dans le béton et/ou la faiblesse du sol. En fait, il fait un lien entre les fissures des fondations du bâtiment des Bénéficiaires à un «bateau qui tangue». Il voit également dans la compression du gypse du plafond du rez-de-chaussée un indice de tassement différentiel entre l'assise du centre du bâtiment et celle du périmètre. La déformation du plancher à l'étage, ayant entraîné des problématiques aux portes et aux cadres, serait aussi due à des mouvements de fondation. Témoignant avoir fait un relevé d'évaluation, il constate une inclinaison du plancher vers la rue. La façade avant de la résidence est 50mm plus basse que le mur arrière avec un bombement relatif de l'ordre de 15mm dans sa partie centrale. Il ajoute ce qui suit:
«Un tel écart excède la tolérance usuelle de 20 mm pour un écart d'élévation originant à la construction ou d'un tassement du sol. Il est très probable que cet inclinaison soit due à un tassement différentiel de l'ordre de 50 mm, plus ou moins les erreurs probables de construction, pour lesquelles on tolère 25 mm.»
[44] Dans son rapport, M. Gilbert donne son opinion quant aux mesures de Héneault et Gosselin et de M. Marc Gravel, arpenteur-géomètre. Il conteste d'abord la précision des lectures de la firme Héneault et Gosselin, de même que le changement de point de référence ayant un impact sur les résultats. Traitant les résultats d'«ambigus», il ne pourrait en tirer de conclusion. Néanmoins, il est en accord avec le tassement différentiel de 50mm qui excède toute norme applicable. De même, les explications du représentant de Héneault et Gosselin amènent, selon le Tribunal, à comprendre les résultats de cette firme tout en tenant compte d'un facteur d'erreur possible mais minime. Quant au point de référence, M. Briand a aussi expliqué le mode de fonctionnement de son appareil qui est apparu au Tribunal comme étant fiable dans les circonstances.
[45] Quant aux mesures de l'arpenteur de l'Administrateur, l'expert Gilbert a simplement mentionné qu'elles semblaient incompatibles avec ceux de la firme Héneault et Gosselin.
[46] En fait, M. Gilbert conclut comme suit:
«Cependant, tant les levés d'élévation que nos observations montrent que le bâtiment s'est incliné depuis sa construction en 2005 vers l'avant avec un tassement différentiel pouvant atteindre 50 mm en plus du tassement total survenu depuis la construction, lequel est inconnu.»
[47] Cependant, l'expert Gilbert ajoute ce qui suit:
«Les bris et déformations aux finis intérieurs sont peu importants et passeraient inaperçus sauf pour un œil averti. Ils peuvent être réparés à peu de frais.»
[48] Il s'agit du principal moyen de défense de l'Administrateur et de l'Entrepreneur. Selon eux, puisque de petites réparations pourraient être exécutées au niveau esthétique, les désordres n'originent pas d'un vice majeur. Le Tribunal est en désaccord avec cette position puisqu'il n'est pas pertinent de calculer la valeur des travaux esthétiques lorsqu'une résidence, soumise à la garantie des maisons neuves, s'incline de l'arrière vers l'avant de plus ou moins 50 mm. Cela est à l'encontre de toute norme applicable selon tous les experts ayant eu à témoigner à ce sujet et un remède doit être trouvé, non pas esthétique, mais permettant que soient respectées les normes de construction en vigueur. Tout ce qui précède doit aussi considérer d'éventuels tassements additionnels dont nous ne connaissons malheureusement pas l'ampleur.
[49] D'ailleurs, l'expert Gilbert ajoute à ce sujet:
«Il est probable que les tassements progressent, mais de plus enplus lentement. Cependant, des levés d'élévation additionnels seront nécessaires pour conclure à cet effet.»
[50] En fait, l'expert Gilbert ne prétend pas que les travaux esthétiques corrigeraient la problématique affectant l'immeuble, bien au contraire. Il faut trouver un remède permettant d'arrêter les tassements et remettre l'immeuble dans son état original et ce, dans le respect des normes de construction applicables.
[51] À l'audience, l'expert Gilbert a mentionné que des infiltrations étaient probables en raison des fissures dans le solage, lequel était cassé «jusqu'en bas à la semelle».
[52] Contre-interrogé par le procureur des Bénéficiaires, l'expert Gilbert a reconnu une détérioration de certains désordres entre les photos prises en 2010 (B-4) et celles prises en 2011 (B-1).
[53] Interrogé sur les méthodes de construction pertinentes à un immeuble pouvant s'affaisser de plus ou moins 50 mm en raison de la faiblesse de la capacité portante d'un sol, l'expert Gilbert a mentionné que celles-ci auraient été différentes. De toute évidence, en l'espèce, l'expert Gilbert a admis que l'Entrepreneur n'avait pas prévu ce qui devait être prévisible compte tenu de la nature du sol. Enfin, M. Gilbert informe le Tribunal qu'il n'a pas eu copie de l'expertise de G&S Consultants avant son témoignage à l'audience. Une fois de plus, ces informations de nature technique et relevant de l'opinion auraient certainement pu aider le témoignage de l'expert et la compréhension, par le fait même, du Tribunal. À la lumière des constatations du Tribunal quant à la nature du sol dans les deux (2) forages ayant excédé une profondeur approximative de 5 mètres, la faiblesse apparente de la capacité portante du sol aurait probablement permis à l'expert d'être plus concluant à son expertise écrite quant à la présence du vice majeur et, possiblement, au niveau des méthodes pour remédier aux conséquences de celui-ci pour l'immeuble des Bénéficiaires.
[54] L'Administrateur a aussi fait entendre son représentant M. Gaudichon, lequel a fait, ni plus ni moins, état de ses écrits au dossier. Le Tribunal a cependant noté que la décision du 31 janvier 2011, visée par la demande d'arbitrage, n'a pas été précédée, comme les Bénéficiaires s'y attendaient, de la connaissance des résultats (l'état des sols dans le secteur des Constellations) des vérifications requises par la Ville de Lévis par l'Administrateur. De même, M Gaudichon a admis ne pas avoir demandé à l'expert G&S Consultants de calculer la charge sur le terrain des Bénéficiaires pour connaître si la capacité du sol était adéquate. Cela laisse perplexe le Tribunal quant à la conclusion des experts à l'effet que le terrain des Bénéficiaires avait une «capacité portante significative qui devrait être suffisante pour assurer la stabilité des fondations du bâtiment construit».
[55] Enfin, M. Gaudichon a admis connaître les normes applicables au niveau des affaissements de bâtiment mais ne pas les avoir précisées dans sa décision puisqu'il n'y était pas obligé. Malgré la preuve faite à l'audience, M. Gaudichon s'est déclaré être toujours du même avis parce qu'il a constaté les mêmes désordres et problématiques que lors du processus d'arbitrage ayant mené à sa décision. En fait, il a tout bonnement mentionné que puisque la résidence penchait uniformément, il n'y avait pas vraiment de problématique sauf quant au bombement au centre de l'immeuble… En réponse à une question du procureur des demandeurs, M. Gaudichon admet qu'il y avait un affaissement de plus de 50 mm, mais que devant le peu d'importance des mesures correctives, la réclamation pour vice majeur ne pouvait être acceptée. Le Tribunal est en désaccord avec cette façon d'analyser la situation dénoncée par les Bénéficiaires puisque l'application de la garantie ne peut être refusée, en l'espèce, parce que de prétendus petits travaux esthétiques seraient suffisants. D'ailleurs, il est évident que des travaux de plus grande ampleur pour que la résidence des Bénéficiaires ne souffre plus du vice majeur l'affectant.
[56] Enfin, le procureur de l'Administrateur a fait entendre M. Normand Guimont, représentant de CNG Construction inc., lequel a produit les documents d'évaluation des coûts de réparation comme pièce A-16 en liasse. Candidement, M. Guimont a admis que lors de sa visite des lieux, on ne lui a pas montré les planchers bombés ni le mur incliné tout comme le fait que la fissure qu'il voulait colmater (il semble y en avoir plusieurs selon son évaluation) avait déjà été réparée par l'Entrepreneur. Il ignorait aussi que cette fissure pouvait être jusque dans le sol. À vrai dire, une somme de 345,00 $, excluant profit et taxes, apparaît au Tribunal minimaliste pour couvrir l'ajustement des portes, des cadres, des tablettes, colmater des fissures de fondation et etc. par un menuisier. De toute évidence, le coût des travaux correctifs, même s'ils étaient que purement esthétiques, serait beaucoup supérieur à ce que mentionné à cette évaluation. Le Tribunal précise également que de l'aveu même de l'expert Gilbert, il faudrait procéder à une destruction de certains murs au sous-sol pour procéder à des ajustements avec les poutres s'y retrouvant. La remise à niveau de la résidence dépasse largement le cadre de travaux esthétiques.
LA VISITE DES LIEUX
[57] Les parties et les experts se sont donnés rendez-vous à la résidence des Bénéficiaires au début de la deuxième journée d'audience.
[58] Sur place, l'intérieur de l'immeuble a été visité, du sous-sol jusqu'à l'étage. Tous ont pu constater la présence des manifestations et désordres décrits aux photographies déposées en liasse comme pièce B-1 et B-4. Évidemment, certaines manifestations différaient de celles exposées à ces photographies puisque, de toute évidence, la résidence des Bénéficiaires est instable et certains mouvements différentiels peuvent s'y manifester encore à ce jour. Essentiellement, tous ont pu constater qu'au niveau du rez-de-chaussée, à l'endroit particulier de la poutre-maîtresse du plancher, la surélévation de 15 mm décrite par l'expert Gilbert a provoqué certains bris et malfaçons à l'immeuble. Il semble que les fissures, les bris de joints de système intérieur,le dysfonctionnement de certaines portes et même l'affaiblissement important d'éléments décoratifs ont été, selon la preuve, provoqués par cette surélévation. À l'étage, la problématique d'ouverture et de fermeture de portes était toujours présente à la hauteur de la poutre-maîtresse. Nous avons ainsi pu constater que, dans la chambre des maîtres, le lit a dû être surélevé à sa tête par les Bénéficiaires puisque la dénivellation à partir de la poutre-maîtresse jusqu'à l'avant de la résidence rendait inconfortables les Bénéficiaires dans leur sommeil.
[59] Au sous-sol, nous avons pu constater que la dalle sur sol, à des endroits plus faibles selon l'expert Gilbert, s'est fissurée. Puisque l'aménagement du sous-sol est terminée presqu'en intégralité et ce, depuis l'emménagement des Bénéficiaires dans cette résidence, seule une infime partie de cette dalle sur sol était visible au moment de la visite. Selon l'expert Gilbert, cette dalle doit être fissurée de la même façon à bien d'autres endroits. De plus, il y a également une fissure au mur de fondation latéral gauche de la résidence qui a été réparé par l'Entrepreneur, tel qu'exposé précédemment. Cette réparation a été exécutée par l'extérieur de la résidence en creusant le sol à une profondeur approximative de un pied (1'). Il ne semble pas que cette fissure ait été rendue étanche, l'Entrepreneur préférant, de son aveu même lors de la visite, attendre la réaction du bâtiment quant au mouvement différentiel. À ce même endroit, le représentant de l'Administrateur, M. Bernard Gaudichon, a même affirmé avoir entendu, lors de l'une de ses visites pendant le processus de dénonciation du vice par les Bénéficiaires, un écoulement d'eau à l'arrière du revêtement isolant recouvrant les murs de fondation, ce qui laisse présager des infiltrations d'eau. Cette fissure, au-delà de la qualification de «capillaire», semble avoir laissé entrer de l'eau à l'intérieur de l'immeuble.
[60] En fait, la visite de l'immeuble a confirmé les manifestations et désordres dont se plaignent les Bénéficiaires, de même que la cause de ces problèmes, soit l'affaissement important de la résidence.
DÉCISION
[61] Le Tribunal est saisi d'une demande d'application de la garantie pour vice majeur selon l'article 2118 C.c.Q. et ce, par l'intermédiaire de l'application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[62] Il ressort de la preuve factuelle et d'experts que l'immeuble des Bénéficiaires est affecté d'un vice majeur.
[63] L'article 2118 C.c.Q. prévoit ce qui suit:
«2118.À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.»
[64] En l'instance, il n'est aucunement contesté que la perte possible de l'immeuble résulte d'un vice du sol. Il n'est pas nécessaire, selon la jurisprudence, de démontrer qu'il y a perte totale de l'immeuble mais il est suffisant de démontrer qu'une perte partielle d'une partieimportante de celui-ci puisse survenir. En l'espèce, des éléments structuraux de l'immeuble sont clairement affectés et ce, du sous-sol jusqu'à l'étage. Si la situation n'est pas maitrisée, il se peut fort bien que la résidence des Bénéficiaires soit irrémédiablement affectée par les conséquences du vice du sol. D'ailleurs, les experts ayant été entendus au sujet des qualités de ce sol sont d'avis que celui-ci ne comporte pas les qualités requises pour supporter le bâtiment. En effet, tous ont pu constater, du moins ceux qui s'y ont attardé, un affaissement au-delà des normes acceptables et un affaissement possible ultérieur à des niveaux que personne n'a cru opportun d'analyser précisément avec une étude de capacité de sol. Les experts entendus n'ont jamais eu ce type de mandat et il est fort probable que l'immeuble continue à s'affaisser avec, comme conséquences, des désordres additionnels importants sans parler d'un point de rupture possible éventuel de la structure même du bâtiment. Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'en arriver à une semblable probabilité, le Tribunal estime que la preuve révèle aisément la présence d'un vice du sol qui est grave. La preuve de l'expert Briand de Héneault et Gosselin et de Yves Gilbert est concluante à ce sujet. Quant à la preuve de l'arpenteur Gravel et de l'expert G&S Consultants, celle-ci apparaît au Tribunal incomplète et non probante quant à la présence d'un vice de sol.
[65] Enfin, l'argument du procureur de l'Administrateur à l'effet que la demande d'arbitrage des Bénéficiaires doit être rejetée puisque seuls des travaux de minime envergure, et par surcroît de nature esthétique, devraient être exécutés, n'est pas recevable. Il ressort de la preuve que le secteur des Constellations est affecté de plusieurs demandes similaires à celle sous étude, que le représentant de Héneault et Gosselin a suggéré une remise à niveau avec un système de pieutage et que l'expert Gilbert prétend à des affaissements additionnels qu'il anticipe mineurs sans avoir analysé et avoir eu le mandat d'expertiser davantage le sol à cet égard. D'ailleurs, ce dernier recommande un suivi des affaissements et que les travaux de réparation suggérés pourraient être à recommencer si des manifestations additionnelles survenaient. En fait, la source du problème est l'instabilité du sol qui a été suffisante pour que soit dépassée toute norme applicable dans le présent dossier. Nous ne pouvant qu'anticiper que cela soit encore pire dans le futur si de nouveaux tassements différentiels se manifestaient. Dans les circonstances, des travaux en sous-œuvre sont nécessaires afin de corriger l'affaissement de l'immeuble et stabiliser celui-ci.
[66] La demande d'arbitrage des Bénéficiaires est donc accueillie.
[67] Quant aux coûts de l'arbitrage, ceux-ci devront être supportés, conformément à l'article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, par l'Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:
[68] ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
[69] ANNULEla décision de l’Administrateur rendue le 31 janvier 2011;
[70] DÉCLARE que la demande de réclamation des Bénéficiaires qui se plaignaient d'affaissement de leur résidence est accueillie;
[71] DÉCLARE que le problème d’affaissement de la résidence des Bénéficiaires constitue un vice de construction prévu à l’article 2118 C.c.Q. et ainsi, est couvert par l’article 10 alinéa 5 du Règlement sur le plan de garantie sur les bâtiments résidentiels neufs;
[72] ORDONNE à l’Entrepreneur de procéder aux travaux correctifs requis, soit des travaux en sous-œuvre par pieutage de même que tous les travaux accessoires afin de remédier aux problématiques reliées à l’affaissement de la résidence des Bénéficiaires incluant tous les travaux intérieurs et extérieurs découlant de l’exécution desdits travaux correctifs et ce, selon les règles de l’art et à l’intérieur d’une période de trois (3) mois de la date de la présente décision arbitrale;
[73] À DÉFAUT par l’Entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, ORDONNE à la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. de procéder aux travaux correctifs requis aux termes des présentes;
[74] CONDAMNE l'Administrateur à payer les coûts de l'arbitrage conformément à l'article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
Québec, le 5 juillet 2013
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Me Reynald Poulin
Arbitre / Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC)