ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec: CCAC
ENTRE : NANCY PÉPIN
SYLVAIN RACETTE
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : Habitations Robert Inc.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S18-071101-NP
DÉCISION
Arbitre : Me Jacinthe Savoie
Pour les Bénéficiaires : Me Sylvain Racette
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Philippe Robert
Pour l’Administrateur : Me Éric Provençal
Date de l’audition : 29 novembre 2018
Preuve close : 5 décembre 2018
Date de la Décision : 27 mai 2019
Identification complète des parties
Bénéficiaire : Madame Nancy Pépin
Me Sylvain Racette
[...]
St-Lazare (Québec) [...]
Entrepreneur: Habitations Robert Inc.
Monsieur Philippe Robert
700, Cité des Jeunes, local 2
St-Lazare (Québec) J7T 2B5
Administrateur : Garantie Construction Résidentielle
7171, Jean Talon Est, bur. 200
Anjou (Québec) H1M 3N2
Et son procureur :
Me Éric Provençal
Mandat
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 13 juillet 2018.
Historique du dossier
11-07-2018 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe du CCAC
13-07-2018 Notification d’arbitrage transmise aux parties et nomination de l’arbitre
15-08-2018 Transmission du cahier de pièces de l’Administrateur
05-09-2018 Conférence téléphonique tenant lieu et place de conférence préparatoire
07-09-2018 Transmission aux parties du procès-verbal de la conférence téléphonique, lequel comprend également l’avis de convocation à l’audition
09-10-2018 Transmission des pièces des Bénéficiaires B-1 à B-5
19-10-2018 Demande de remise par les Bénéficiaires de l’audition fixée le 23 octobre 2018
22-10-2018 Acceptation de la demande de remise et report de l’audition
29-10-2018 Nouvel avis de convocation pour l’enquête et audition
29-11-2018 Enquête et audition à la résidence des Bénéficiaires
30-11-2018 Transmission par le Bénéficiaire de la facture de monsieur Dupuis
05-12-2018 Transmission par l’Administrateur de la norme A440.4 ainsi que les commentaires relativement à la facture de monsieur Dupuis
Admissions
[1] Il s’agit d’une maison unifamiliale isolée non détenue en copropriété divise et située au [...] à St-Lazare (Bâtiment).
[2] Le 23 décembre 2016, la réception du Bâtiment est intervenue, avec réserve.
[3] Le 21 avril 2017, les Bénéficiaires transmettaient une liste de déficiences à l’Entrepreneur.
[4] Le 14 juillet 2018, l’Administrateur émettait une décision traitant de 33 points (Décision no 1).
[5] Quant au point 33 de la Décision no 1 intitulé «formation de givre autour des fenêtres du sous-sol», l’Administrateur a conclu qu’«en ce qui concerne ce point, les conditions climatiques prévalant lors de notre inspection n’ont pas permis de constater la situation dénoncée par le bénéficiaire. Dans les circonstances, l’administrateur devra procéder à une inspection supplémentaire dès que les conditions climatiques seront favorables».
[6] En conséquence, en date du 12 juin 2018, l’Administrateur émettait une deuxième décision (Décision no 2).
[7] Cette décision disposait du point 33 en ces termes:
«Le bénéficiaire mentionne que du givre se forme autour des fenêtres du sous-sol et que le risque de formation de moisissure à cet endroit est élevé.
Lors de notre visite, nous avons constaté qu’une section du béton des fondations n’a pas été isolée, situation qui permet la formation de condensation et de givre. Des cernes ont d’ailleurs été observés sur le cadre en bois des fenêtres.
L’entrepreneur a quant à lui mentionné que la finition du sous-sol était exclue du contrat, signifiant par le fait même que l’isolation du pourtour des fenêtres devait être complétée lors de l’installation du cadre intérieur de finition, responsabilité qui ne lui incombait pas.
Nous sommes d’avis, malgré les prétentions de l’entrepreneur, que puisque l’isolation de la propriété était incluse au contrat, elle aurait dû être complète partout, ce qui n’est évidemment pas le cas autour des fenêtres du sous-sol.
Il importe également de préciser que le coupe vapeur [sic] se doit d’être continu, rôle joué dans le présent cas par l’uréthane, incomplet toutefois autour des fenêtres.
En conclusion, bien que le bénéficiaire demande que les fenêtres soient remplacées, nous sommes d’avis que seuls l’isolation et le coupe-vapeur doivent être corrigés autour des fenêtres.
Analyse et décision (point 33)
En ce qui concerne le point 33, l’inspection nous a permis de constater qu’il s’agit d’une malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
Les informations que nous avons au dossier révèlent que cette malfaçon a été découverte et dénoncée par écrit dans les délais mentionnés à l’article 10 (3) du Règlement.
«10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visée aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;»
Dans les circonstances, l’administrateur doit accueillir la réclamation du bénéficiaire à l’égard de ce point.»
[8] Les Bénéficiaires ont porté le point 33 de la Décision no 2 en arbitrage.
Valeur en litige
[9] La valeur en litige est de classe II (7 001$ à 15 000$).
Visite des lieux et audition
[10] Une visite des lieux et une audition ont eu lieu le 29 novembre 2018.
[11] Étaient présents:
Pour les Bénéficiaires : Me Sylvain Racette
Monsieur Gaétan Dupuis, ingénieur
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Philippe Robert
Pour l’Administrateur : Monsieur Normand Pitre
Me Éric Provençal
Position des Bénéficiaires
[12] En premier lieu, Me Racette explique au Tribunal que :
- Le 21 avril 2017, il a notamment dénoncé que les «fenêtres du sous-sol ne sont pas triple verre et il manque un bris thermique pour éviter le contact béton/bois»;
- Les vidéos produites montrent bien la formation de givre au pourtour des fenêtres du sous-sol;
- Les Bénéficiaires avaient compris que le béton des fondations serait coulé autour des fenêtres, scellant ainsi celles-ci. Ce qui n’a pas été le cas;
- Le Bâtiment a déjà été décontaminé suite à une infiltration d’eau dans la cave à vin;
- Il y a un espace entre le cadre des fenêtres et le béton. En conséquence, il y a une poche d’air et de l’humidité. De plus, l’on peut voir des cernes et de la pourriture au pourtour des fenêtres;
- Les fenêtres doivent être retirées pour être décontaminées, et ce, puisqu’il n’y a pas suffisamment d’espace pour une décontamination adéquate. À cet effet, il fait référence au courriel du 6 avril 2018 qu’il a adressé à l’Administrateur;
- Thermiquement, cette installation ne rencontre pas les standards puisqu’il n’y a rien entre l’extérieur et l’intérieur de la maison. Dans les faits, le scellement des fenêtres est nul;
- Il a exigé le changement des fenêtres puisque la solution alternative proposée par l’Administrateur revient à masquer le problème;
- Il fait référence au plan d’élévation du Bâtiment et ajoute que la construction n’est pas conforme aux plans et ne permet pas le dégagement de 6 pouces prévu;
- Il a consulté la fiche d’informations émise par l’Administrateur et intitulée «installation d’une fenêtre dans un mur de fondation de béton» (Fiche technique). Selon le Bénéficiaire, cette fiche s’applique à une fenêtre en PVC et non aux fenêtres avec un cadre de bois.
[13] En contre-interrogatoire, le Bénéficiaire précise qu’il n’était pas présent lors de l’excavation mais que sa conjointe y était.
[14] Suite à une question de Me Provençal, le Bénéficiaire ajoute que l’analyse effectuée suite à la décontamination du Bâtiment était acceptable.
[15] Par la suite, Me Racette fait entendre monsieur Gaétan Dupuis, ingénieur œuvrant au sein de la firme Technorm. La qualification d’expert de monsieur Dupuis est admise.
[16] Monsieur Dupuis rappelle le mandat qui lui a été confié, soit de vérifier la conformité des six fenêtres du sous-sol du Bâtiment, en se basant sur des photographies explicites transmises par les Bénéficiaires.
[17] Monsieur Dupuis explique que la construction du Bâtiment est assujettie au Code national du bâtiment - Canada 1995 modifié (CNB 1995).
[18] Tout d’abord, il traite de l’article 9.15.4.3. du CNB 1995 et de l’objectif de cet article, qui se lisent comme suit :
«Article 9.15.4.3 partie hors sol
1) Les murs de fondation extérieurs doivent dépasser d’au moins 150 mm le niveau du sol fini.»
Objectif
«L’objectif visé par cet article est de prévenir les infiltrations d’eau de ruissellement et d’eau de fonte de la neige dans le bâtiment et de protéger contre une exposition prolongée à l’eau les matériaux perméables s’appuyant sur les murs de fondation. Pour ce faire, on construit ces murs de manière que leur partie hors sol dépasse sur une hauteur suffisante le niveau du sol.»
[19] Ainsi, il faut un dégagement de 6 pouces entre le sol et les fenêtres du sous-sol pour prévenir les infiltrations d’eau.
[20] Dans le présent cas, malgré un profilage du terrain effectué du mieux possible, le dégagement est inférieur aux 6 pouces exigés.
[21] De plus, il précise que n’y a pas de membrane de protection contre l’humidité entre le béton et les pièces de bois non traitées des cadres de fenêtres, contrevenant ainsi à l’article 9.23.2.3 du CNB 1995 et à son objectif, à savoir :
«Article 9.23.2.3 Protection contre l’humidité
1) Sous réserve du paragraphe 2), les éléments d’ossature en bois qui n’ont pas subi de traitement préventif par injection sous pression et qui reposent sur du béton en contact avec le sol ou avec du remblai, doivent être isolés du béton par une membrane de polyéthylène d’au moins 0,05 mm ou par un matériau de couverture en rouleau de type S.
2) La protection contre l’humidité exigée au paragraphe 1) n’est pas nécessaire si l’élément en bois se trouve à au moins 150 mm au-dessus du sol.»
Objectif
«Le béton en contact avec le sol se maintient en général à une température plus fraîche que l’air ambiant et, de ce fait, peut se couvrir de condensation en été. En outre, l’humidité du sol peut migrer jusqu’à la surface du béton. Les éléments en bois qui reposent directement sur le béton (comme la lisse des murs intérieurs des sous-sols, les poteaux ou les fourrures fixées aux murs des sous-sols) peuvent absorber cette humidité et pourrir s’ils n’ont pas été traités avec un produit de préservation. La pose d’une membrane de protection contre l’humidité entre le béton et les éléments de bois a pour but d’empêcher le transfert de l’humidité superficielle dans le bois et de réduire le risque de pourrissement. Par contre, si la surface du support de béton se trouve au-dessus du niveau où agit l’humidité, comme la lisse d’assise en partie supérieure d’un mur de fondation, cette protection n’est pas nécessaire.»
[22] En conséquence, dès qu’une pièce de bois est en contact avec du béton, à moins de 6 pouces du sol, il y a un risque de migration de l’eau vers ladite pièce de bois.
[23] De plus, il ajoute que les fenêtres sont installées pratiquement en ligne avec la face extérieure de la fondation. Ce positionnement «va à l’encontre de certains principes généraux de l’installation des fenêtres car il ne permet pas de contrôler la condensation et la transmission de la chaleur». En effet, les fenêtres devraient être placées vers le centre de la fondation.
[24] Il conclut que l’installation des fenêtres du sous-sol du Bâtiment n’est pas conforme aux exigences du CNB 1995.
[25] À une question de monsieur Robert, monsieur Dupuis confirme que les margelles sont une option afin de corriger le manque de dégagement entre le sol et les fenêtres.
Position de l’Administrateur
[26] Monsieur Normand Pitre, l’auteur de la décision en litige, témoigne à l’effet que la Fiche technique émise par l’Administrateur, n’est pas règlementaire mais a pour but d’amener les entrepreneurs à adopter de meilleures pratiques.
[27] Relativement à l’installation des fenêtres et à leur positionnement, Monsieur Pitre explique que :
- La Fiche technique précise que «hormis les objectifs et énoncés fonctionnels liés à limiter la condensation, soulignons que ni la norme CSA A440.4, ni le Code de construction 2010 ne traitent de l’installation des fenêtres de sous-sol dans les murs de fondation de béton et laissent ainsi un vide quant aux prescriptions d’installation liées à ce type de fenêtres». Donc, il n’y a aucune spécification pour l’installation des fenêtres dans les murs de fondation;
- Le principe est l’alignement d’une surface vitrée avec un plan d’isolation, lequel est reconnu pour les murs à charpente de bois. Toutefois, en ce qui a trait au mur de fondation, il n’est pas possible d’aligner le plan thermique avec l’isolation du mur. Dans ce cas, l’isolation doit se situer à l’intérieur, jusqu’au cadrage;
- L’absence de coupe-vapeur est un problème. L’humidité de la maison va entrer en contact avec le béton;
- Peu importe où se situe la surface vitrée, pourvu que l’isolation soit jusqu’au cadrage de la fenêtre. L’important est que la ligne thermique soit continue jusqu’audit cadrage.
[28] Quant au dégagement entre le sol et les fenêtres du sous-sol, monsieur Pitre ajoute que ce sont les Bénéficiaires qui ont procédé à l’aménagement du terrain. Selon lui, l’Administrateur est uniquement responsable du nivellement du terrain.
[29] Dans la mesure où le nivellement n’était pas adéquat, les Bénéficiaires devaient aviser l’Administrateur avant d’effectuer l’aménagement paysager. En effet, aujourd’hui, on ne peut que constater le résultat final.
[30] Il fait référence au point 3 de la Décision no 1 intitulé «nivellement du terrain». Il a traité cet aspect de la réclamation des Bénéficiaires de la façon suivante :
«Le bénéficiaire nous mentionne que de la terre en surplus est demeurée sur le terrain.
L’entrepreneur pour sa part mentionne que la terre laissée sur place est à la demande du bénéficiaire.
Lors de la visite, nous avons constaté qu’en majeur [sic] parti [sic] le nivellement était acceptable. Pour cette raison l’amas de terre doit être retiré ou étendu sur le terrain. De plus, l’amas de terre laissée [sic] sur le côté gauche de la résidence dirige les eaux vers la fondation.»
En conséquence, l’Administrateur a accueilli cette réclamation.
[31] Monsieur Pitre indique au Tribunal que le niveau final du terrassement doit correspondre à la ligne d’imperméabilisation de la fondation. Au soutien de cette allégation, il fait référence à la photographie produite la page 7 de la Décision no 1 qui montre ladite ligne d’imperméabilisation.
[32] Toutefois, il précise qu’il ne sait pas quel nivellement a été effectué par l’Administrateur, ni quel terrassement les Bénéficiaires ont fait. Il confirme qu’aujourd’hui, le dégagement est insuffisant pour certaines fenêtres du sous-sol.
[33] Selon lui, l’origine du problème est que les Bénéficiaires n’aimaient pas le type de fenêtres installées, et ce, nonobstant l’absence de mention à ce sujet au contrat préliminaire.
[34] À cet effet, les Bénéficiaires ont fait une réclamation au regard du type de fenêtres, laquelle a été rejetée par l’Administrateur.
[35] Il explique que, dans la mesure où le dégagement de 6 pouces n’est pas possible, d’autres mesures auraient dues être mises en place comme l’installation de margelles. Il termine en affirmant qu’il est difficile de prévoir sur les plans la conjonction finale du terrain.
Position de l’Entrepreneur
[36] Monsieur Philippe Robert, président de l’Entrepreneur, témoigne des faits suivants :
- Le premier principe à considérer dans l’implantation d’une maison est la validation de la position de la nappe phréatique;
- Les Bénéficiaires ont demandé de baisser le niveau du Bâtiment le plus possible;
- L’Entrepreneur a proposé l’option des margelles pour pallier au problème de dégagement;
- Le nivelage du terrain a été effectué de façon «la plus propice pour protéger les fenêtres»;
- Ce type de fenêtres a été installé dans tout le projet. La seule différence ici, c’est que l’isolation des cadres de fenêtres n’a pas été effectuée lors de la coulée puisqu’elle était exclue du contrat d’origine. L’isolation et l’installation du gypse ont été convenues par la suite.
[37] En contre-interrogatoire, monsieur Robert réitère que, dans la mesure où une maison est basse, il lui faut des margelles et que cet aspect a été expliqué aux Bénéficiaires. De plus, il admet que l’installation du pare-vapeur était comprise dans le contrat de construction.
Contre preuve des Bénéficiaires
[38] Monsieur Dupuis revient sur le témoignage de monsieur Pitre. Il affirme être en accord avec le principe de la continuité du pare-vapeur.
[39] Il explique également que l’épaisseur minimale de l’uréthane, pour être considérée comme un pare-vapeur, est de 1 ½ pouce. Dans la mesure où la fenêtre est située plus vers l’intérieur, il sera permis de mettre moins d’isolant.
[40] Il précise qu’il faut faire une analyse pour dire si oui ou non, il y a assez de place pour l’isolant. Selon lui, il n’est pas possible ou peu probable d’être en mesure de mettre de l’isolant sur le cadrage des fenêtres dans le sous-sol du Bâtiment.
[41] Il ajoute que le dégagement vise à éviter l’écoulement d’eau à l’intérieur du Bâtiment. Dans la mesure où les margelles sont acceptables pour les Bénéficiaires, elles régleraient le problème de dégagement.
[42] Par la suite, Me Racette témoigne de nouveau et précise les éléments suivants :
- La solution proposée par monsieur Pitre est impossible à réaliser puisqu’il n’y a pas un espace libre de 1 ½ pouce entre le cadre de bois et le béton. En conséquence, il n’y aura pas d’effet de pare-vapeur;
- Il revient sur sa volonté d’obtenir des fenêtres à triple verre;
- Il est surpris que l’Administrateur accepte un nivellement qui ne permet pas de respecter le dégagement et, qu’ensuite, on lui dise qu’il aurait dû s’en plaindre auprès de l’Administrateur;
- Pour le côté droit du Bâtiment, à l’époque de la Décision no 1, l’Administrateur a corrigé du mieux qu’il a pu. Toutefois, il n’a pu obtenir le dégagement requis, et ce, en raison d’un arbre en place;
- L’absence de dégagement adéquat résulte de l’implantation trop basse du Bâtiment par l’Entrepreneur et les Bénéficiaires n’ont pas «à payer pour ça»;
- Le niveau du sol fini doit permettre le dégagement de 6 pouces et les Bénéficiaires n’ont rien fait de «bizarre» lorsqu’ils ont aménagé le terrain. Ils ont fait du mieux possible pour que le dégagement soit respecté;
- L‘implantation de la maison devait permettre la pente douce de l’entrée du garage. Toutefois, personne ne lui a expliqué, à ce moment, que la maison serait implantée trop basse et que des margelles seraient nécessaires;
- Au contraire, il ne voulait pas de margelle et il a travaillé en ce sens avec le vendeur de l’Entrepreneur. En effet, le plan d’origine comportait des margelles et il a été modifié pour les retirer. Toutefois, le vendeur n‘aurait pas transmis le plan modifié au gérant de chantier. Lors d’une réunion en présence de monsieur Robert, du vendeur de l’Entrepreneur et du Bénéficiaire, ledit gérant a admis qu’il n’avait pas reçu l’information concernant l’absence de margelles et qu’effectivement, le plan modifié n’en comportait pas;
- Une proposition a alors été faite aux Bénéficiaires pour régler la situation soit l’installation de pierre de rivière;
- Tous les efforts ont été fournis par les Bénéficiaires afin de respecter le dégagement de 6 pouces, en vain.
Contre preuve de l’Administrateur
[43] Monsieur Pitre explique que s’il n’y a pas de place pour mettre 1 ½ pouce d’uréthane, il faut uniquement ajouter un pare-vapeur par-dessus.
[44] De plus, il précise que du bois sur du béton : «on voit ça depuis 40 ans». Sur une surface horizontale, il y a effectivement un problème mais pas sur une surface verticale. Il n’a jamais vu de l’humidité migrer par capillarité sur des surfaces verticales qui affecterait le bois et ne voit pas pourquoi cette situation se produirait dans le présent dossier.
[45] La crainte des Bénéficiaires que le cadre de fenêtre pourrisse n’a jamais été constatée. Le bois lui-même a une valeur thermique. Pour preuve, les anciennes fenêtres étaient en bois et elles étaient exposées aux intempéries. Le seul problème est lorsque isolant n’est pas continu jusqu’au cadrage.
[46] Il réitère qu’il n’y pas de dégagement de 6 pouces. La seule solution est l’ajout de margelles. En effet, il ne sait pas si on peut corriger le nivellement.
[47] Il confirme que le type de fenêtres, en bois ou en PVC, ne modifie en rien la règle du dégagement de 6 pouces, et ce, en raison des possibles infiltrations d’eau. Et même si le bois n’est pas en contact avec le béton, des margelles devront tout de même être installées.
[48] Les normes d’installation de fenêtres ne sont pas les même qu’il y a 40 ans mais il n’y a aucune norme pour ce type de matériel.
[49] Il a noté les cernes sur le cadre des fenêtres et c’est évident puisque le béton est non isolé. C’est également clair qu’il y a eu de la condensation et de la glace.
[50] Il explique l’existence d’interstices au pourtour des fenêtres par le retrait du béton.
Argumentation des Bénéficiaires
[51] Le Bénéficiaire soumet tout d’abord qu’il est en droit d’avoir des fenêtres en bonne condition et neuves. En effet, la solution proposée par monsieur Pitre n’est pas suffisante pour régler le problème.
[52] Il traite ensuite du positionnement des fenêtres qui comporte, selon lui, trois problématiques soit : la non-conformité aux plans, le non-respect du dégagement de 6 pouces et la non-conformité de l’emplacement du vitrage.
[53] Il continue en soulignant que le pourtour des fenêtres est déficient à plusieurs niveaux. Le premier problème en est un d’isolation, lequel a été noté par l’Administrateur. Le deuxième problème est l’absence de pare-vapeur, lui aussi reconnu par l’Administrateur. Cette situation pourrait difficilement être réglée en ajoutant de l’isolant sur les parties du cadrage actuellement visibles.
[54] En effet, le Bénéficiaire ne croit pas qu’il y a l’espace suffisant pour obtenir le facteur thermique nécessaire. De plus, il n’y a rien à faire avec le cadrage de bois en raison de la condensation qui a déjà affecté le matériel. La situation ne peut que se dégrader.
[55] Il rappelle que même monsieur Pitre n’est pas affirmatif quant à sa solution en ce qui concerne le mince espacement entre le béton et le cadre de bois.
[56] Selon le Bénéficiaire, d’un point de vue visuel, il est clair que les cadres de bois ont été décollés manuellement après la cure du béton, et ce, tant au-dessus qu’en dessous des fenêtres. Cette situation entraîne un défi additionnel puisque des poches d’air très minces et difficilement accessibles, ne font pas partie de la méthode normale d’installation de ce type de fenêtres, comme le spécifie monsieur Pitre.
[57] Il trouve étonnant qu’on lui demande de se satisfaire de fenêtres cernées ayant manifestement été l’objet de condensation et de dégradation par l’eau.
[58] Sa demande de changer les fenêtres est loin d’être déraisonnable et représente plutôt une solution simple et efficace au problème rencontré. Le bricolage envisagé n’a aucune commune mesure avec ce qu’un client de maison neuve est en droit de s’attendre.
Argumentation de l’Administrateur
[59] Me Provençal débute son argumentation en soulevant que le seul point porté en arbitrage est le point 33 intitulé «formation de givre autour des fenêtres du sous-sol». Effectivement, le point 23 intitulé «fenêtres du sous-sol» et traitant du type de fenêtre installée a été refusé par l’Administrateur, sans toutefois être porté en arbitrage par les Bénéficiaires.
[60] Il rappelle qu’il n’y a pas de norme applicable aux fenêtres installées dans les fondations de béton.
[61] Selon lui, le nivellement du terrain est une autre problématique, laquelle ne peut être reprochée à l’Entrepreneur puisque ce n’est pas lui qui a effectué ledit nivellement.
[62] Il semblerait que ce sont les Bénéficiaires qui ont procédé à l’installation d’un pavé uni. En conséquence, cet aspect est exclu de la garantie en vertu de l’article 12 alinéa 1 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (Règlement).
[63] Le conciliateur n’a pas rendu de décision sur l’état du nivellement. Ainsi, le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur cet aspect.
[64] Le problème d’isolation des fenêtres a été reconnu par l’Administrateur. L’isolation et le nivellement sont deux choses différentes.
[65] Par la suite, il rappelle que la méthode corrective appartient à l’Entrepreneur, lequel a une obligation de résultat. En conséquence, le Tribunal ne doit pas imposer une méthode corrective mais uniquement rendre une décision sur le bien-fondé de la décision de l’Administrateur.
[66] Il conclut en demandant de maintenir la décision de l’Administrateur et laisse le partage des frais d’arbitrage à la discrétion du Tribunal.
Réplique des Bénéficiaires
[67] Selon le Bénéficiaire, puisque la demande concerne le changement de fenêtres, le Tribunal peut ordonner ledit changement. Il réitère qu’il est en droit d’avoir des fenêtres neuves et n’a pas à se faire imposer l’isolation des fenêtres.
DÉCISION
[68] Je rappelle que ce sont les Bénéficiaires qui ont soumis la demande d’arbitrage et, en conséquence, le fardeau de preuve leur incombe.
[69] Ainsi, les Bénéficiaires ont l’obligation de convaincre le Tribunal du caractère erroné de la décision de l’Administrateur relativement au point 33 de la Décision no 2 porté en arbitrage.
[70] En effet, le Tribunal ne se prononcera ni sur le point 3 de la Décision no 1 intitulé «nivellement», ni sur le point 23 de la Décision no 1 intitulé «Fenêtres du sous-sol», soit sur le type de fenêtres installées. Ces deux points n’ayant pas été portés en arbitrage, les Bénéficiaires ne peuvent revenir sur ceux-ci et, indirectement, faire modifier ces décisions finales rendues.
[71] Les Bénéficiaires ont dénoncé la formation de givre autour des fenêtres du sous-sol et le risque de formation de moisissure à cet endroit.
[72] L’Administrateur a accueilli cette réclamation en précisant que le pourtour des fenêtres devait être isolé et que le coupe-vapeur devait être continu. Il a conclu en ces termes : «bien que le bénéficiaire demande que les fenêtres soient remplacées, nous sommes d’avis que seuls l’isolation et le coupe-vapeur doivent être corrigés autour des fenêtres».
[73] D’un côté, l’Administrateur demande à l’Entrepreneur d’ajouter de l’isolant et du pare-vapeur autour des fenêtres. De l’autre, les Bénéficiaires ne croient pas à la solution avancée par l’Administrateur et demandent plutôt le remplacement des fenêtres du sous-sol.
[74] Tous conviennent du problème de givre au pourtour des fenêtres. Toutefois, il y a un conflit entre les solutions soumises pour corriger cette malfaçon.
[75] La première question à laquelle le Tribunal doit répondre : a-t-il le pouvoir de statuer sur le choix des travaux à effectuer?
[76] Tout d’abord, il est opportun de revenir sur le principe du choix de la méthode corrective par l’entrepreneur, principe reconnu par la jurisprudence arbitrale. Pour nos fins, nous ne citerons que deux exemples.
[77] Dans Marleau et Mordentaler c. Trinité construction inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, Me Michel A. Jeanniot, arbitre, traite de cette question de la façon suivante : «L’Entrepreneur (ou le prestataire de services), a le libre choix des moyens d’exécution et il n’existe entre ce dernier et l’Administrateur et les Bénéficiaires, aucun lien de subordination; le chois [sic] des correctifs et/ou la méthode de correction, par défaut, appartient à l’Entrepreneur (in fine article 2099 du Code civil du Québec), sujet à l’obligation de résultat de ce dernier;
Si, une fois les travaux terminés, les Bénéficiaires sont insatisfaits, pour quelque raison que ce soit du produit fini, ils devront s’enquérir de la possible intervention de l’Administrateur du Plan et à défaut, porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament, toujours sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile».[2]
[78] Me Bernard Lefebvre, quant à lui, a décidé que «le tribunal ne peut se substituer à l’Entrepreneur concernant la méthode à utiliser pour corriger les manquements puisque c’est l’entrepreneur qui assume la responsabilité de la réalisation et du résultat des travaux correctifs. Mais il est entendu que les travaux correctifs devront être exécutés selon le code du bâtiment, les règles de l’art et les normes applicables en l’espèce».[3]
[79] Ceci étant dit, nous pouvons concilier le principe du choix de la méthode corrective par l’entrepreneur avec le pouvoir de l’Administrateur de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.
[80] À cet effet, nous faisons nôtres les propos de Me Johanne Despatis, arbitre, tenus dans l’affaire Nutter soit : «puisque l’administrateur a le pouvoir de statuer sur la malfaçon, il a aussi, selon la jurisprudence, celui de choisir les travaux (à faire) pour corriger la malfaçon. En cela, choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoient à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.»[4]
[81] En conséquence, l’Administrateur pouvait cibler les travaux à faire pour corriger la malfaçon, soit l’ajout d’isolant et de pare-vapeur au pourtour des fenêtres, laissant ainsi les moyens pour y arriver à l’Entrepreneur.
[82] Dans la mesure où l’Administrateur peut statuer sur les travaux à faire, le Tribunal a le pouvoir de se prononcer sur lesdits travaux.
[83] Afin de réussir dans leur demande d’arbitrage, les Bénéficiaires devaient prouver, selon la balance des probabilités[5], que la solution avancée par l’Administrateur ne corrigerait pas la malfaçon reconnue.
[84] Encore une fois, le Tribunal fait sien les propos de l’arbitre Despatis : «La question, selon le Plan, à l’examen, n’est pas pour l’administrateur de retenir une solution qui serait idéale, qu’on l’appelle permanente ou autrement, mais bien de s’assurer de la conformité au Plan de la solution retenue, i.e. celle qui réparera la malfaçon ou le vice. Concrètement, il ne s’agit donc pas de rechercher et de choisir la solution parfaite ni celle qui paraitrait parfaitement satisfaisante mais plutôt celle qui assurera la réparation de la malfaçon ou du vice décelé. C’est là le sens et la portée de la garantie offerte par le Plan contre les malfaçons et les vices.
Ainsi, ce que les bénéficiaires devaient démontrer est que les solutions retenues par l’administrateur ne rencontrent pas ces attentes du Plan.
J’ai indiqué déjà que le rôle de l’arbitre est d’assurer la conformité des décisions de l’administrateur, non de s’y substituer. Pour intervenir, l’arbitre doit dans un premier temps avoir été convaincue de l’à-propos en vertu du Plan d’écarter comme mal fondée la décision de l’administrateur.
Concrètement ici, cela signifie que l’arbitre doit être convaincu au moyen d’une preuve prépondérante que les solutions retenues par l’administrateur, ne sont pas conformes au Plan en ce qu’elles ne débarrasseront pas l’immeuble du vice ou de la malfaçon l’affligeant.»[6]
[85] La seule preuve technique au soutien des prétentions des Bénéficiaires est le témoignage de l’expert Dupuis ainsi que le rapport de ce dernier.
[86] En ce qui a trait au givre au pourtour des fenêtres, Monsieur Dupuis a fait référence à l’article 9.23.2.3. du CNB 1995 qui édicte notamment que : «les éléments d’ossature en bois qui n’ont pas subi de traitement préventif par injection sous pression et qui reposent sur du béton en contact avec le sol ou avec du remblai, doivent être isolés du béton par une membrane de polyéthylène d’au moins 0,05 mm ou par un matériau de couverture en rouleau de type S».
[87] De plus, il a admis être en accord avec le principe de la continuité du pare-vapeur et a précisé que l’épaisseur minimale de l’uréthane, pour être considéré comme un pare-vapeur, est de 1 ½ pouce.
[88] Toutefois, il a également indiqué au Tribunal qu’il fallait faire une analyse pour dire si oui ou non, il y a assez de place pour l’isolant. Sans avoir procédé à ladite analyse, il a affirmé qu’il n’est pas possible ou peu probable d’être en mesure de mettre de l’isolant sur le cadrage des fenêtres dans le sous-sol du Bâtiment.
[89] Monsieur Pitre, de son côté, a attesté que dans la mesure où il n’y avait pas assez de place pour ajouter 1 ½ pouce d’isolant, la solution était de mettre un pare-vapeur.
[90] Les Bénéficiaires n’ont pas prouvé, selon la balance des probabilités, que la solution avancée par l’Administrateur ne corrigerait pas la malfaçon reconnue.
[91] Point n’est besoin de rappeler que l’Entrepreneur doit corriger la malfaçon selon les normes applicables et qu’il doit satisfaire à son obligation de résultat[7]. Il devra également respecter le paragraphe 7 de l’article 10 du Règlement en remettant le Bâtiment en état et en réparant les dommages matériels causés par les travaux correctifs.
[92] Une fois les travaux correctifs terminés, si les Bénéficiaires sont insatisfaits, ils devront de nouveau demander l’intervention de l’Administrateur.
[93] Les Bénéficiaires n’ayant pas eu gain de cause, ils devront assumer les frais de l’expert Dupuis[8].
[94] Suivant l’appréciation des faits, des témoignages et de la preuve offerte à l’audience ainsi que de la compréhension du Règlement, de la jurisprudence connue, le Tribunal se doit de maintenir le point 33 de la décision du 12 juin 2018 de l’Administrateur, le tout sans préjudice et sous toute réserve du droit des parties de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions;
[95] Après avoir pris connaissance des pièces, des témoignages et des arguments des parties, le Tribunal d’arbitrage, sur demande, rend les conclusions suivantes :
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
MAINTIENT le point 33 de la décision du 12 juin 2018 de l’Administrateur;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemniser par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) actions(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT avec les frais de l’arbitrage conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours, lesquels frais se départagent de la façon suivante :
Boucherville, le 27 mai 2019
______________________________
Me Jacinthe Savoie
Arbitre / CCAC
[1] RLRQ c. B-1.1, r.8
[2] 27 juillet 2010, CCAC : S09-081201-NP, [14] et [15]
[3] Denis Leclerc c. Les Constructions G.S. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 17 février 2007, GAMM : 2006-04-001, [73]
[4] Lisa Rae et Michael Nutter c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Constructions Réal Landry inc., 10 juin 2008, GAMM : 2007-09-013, Me Johanne Despatis, arbitre, [117] (sentence arbitrale annulée par jugement de la Cour Supérieure sur révision judiciaire, jugement infirmé par la Cour d’Appel Constructions Réal Landry inc. c. Rae, 2011 QCCA 1851, qui rétablit la sentence arbitrale)
[5] Article 2804 du Code civil du Québec
[6] Idem note 4, [135] à [138]
[7] Article 2100 du Code civil du Québec
[8] Article 124 du Règlement