ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, a. 185 et 192)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment : Groupe Juste Décision (GAJD)
Nos RÉF. / GAJD : 20221901
ENTRE :
Estelle Lessard-Lacroix
Bénéficiaire
ET :
Groupe Pentian Développements inc/Condos 2050
Entrepreneur
ET :
Garantie de Constructions Résidentielles
Administrateur
DÉCISION INTERLOCUTOIRE
Arbitre : Robert Néron, LL.B., LL.M., C.Arb.
Pour l’Entrepreneur : Tony Amato
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Pour le Bénéficiaire : Estelle Lessard-Lacroix
Date de la décision : Le 7 août 2022
DÉCISION
1. Le présent arbitrage est tenu en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ, Chap. B-1.1, r. 8 ( ci-après le « Règlement »).
2. En date du 11 novembre 2021, l’administrateur rendait la décision suivante :
REJETTE la réclamation de la bénéficiaire à l’égard des points 1, 2, 3, 4 et 5.
3. Il appert de la décision de l’administrateur que les Points précédents ont été rejetés en raison de la tardiveté de la dénonciation.
4. Dans sa demande d’arbitrage datée du 18 janvier 2022, la Bénéficiaire soulève les Points 1 et 2, soit le plancher et la baignoire comme points en litige.
5. Dans un accusé de réception daté du 19 janvier 2022, l’organisme d’arbitrage autorisé notifiait aux parties la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire.
6. Dans cette même lettre, l’organisme d’arbitrage autorisé informait les parties de la nomination du soussigné comme arbitre dans le présent dossier.
7. Deux (2) audiences préliminaires par conférence téléphonique ont été tenues respectivement aux dates du 14 juin et 14 juillet 2022.
8. Aucune objection n’a été soulevée par les parties en égard à la compétence du Tribunal arbitral et la juridiction du Tribunal arbitral est par le même fait confirmée.
9. Afin de déterminer de l’admissibilité de la demande d’arbitrage déposée par la Bénéficiaire, il faut dans un premier temps déterminer si la dénonciation a été faite dans un délai raisonnable.
10. La preuve démontre que la dénonciation a été déposée par la Bénéficiaire le 26 janvier 2021. Cependant, la prise de possession de la propriété a été faite le 7 juin 2019.
11. Or, selon la preuve de la Bénéficiaire, il n’y a pas de documents au soutien de sa dénonciation des problématiques quant aux Points 1 et 2 auprès de l’Entrepreneur. Tout se faisait oralement, dit-elle.
12. Sans reprendre verbatim le témoignage de la Bénéficiaire, il appert qu’elle a soulevé vers la fin de l’été 2019 des problèmes avec les lattes du plancher. D’ailleurs, l’Entrepreneur serait venu faire des réparations à cet égard, mais la problématique serait réapparue à l’automne 2019. La Bénéficiaire aurait fait part du problème aux employés de l’Entrepreneur.
13. Il en va de même avec la baignoire. La Bénéficiaire aurait montré aux employés de l’Entrepreneur la rayure dans la baignoire, occasionnée suite au changement de la porte de la douche. Ainsi, les employés de l’Entrepreneur, M. Michel Landry et M. Jean Narbonne, seraient venus en janvier 2020, lui auraient dit que cela n’avait pas de bon sens et qu’ils allaient revenir. Selon M. Landry, pour régler le problème dans la baignoire, il suffisait de la ‘buffer’.
14. Il est à souligner que M. Landry et M. Narbonne ont témoigné lors de l’audience et qu’ils disent ne pas se souvenir des conversations avec la Bénéficiaire. En outre, ils disent qu’ils ne lui ont jamais dit qu’ils allaient revenir. M. Landry ajoute même qu’il n’y avait aucun problème avec le plancher.
15. Je dois dire qu’au niveau de la crédibilité, je trouve le témoignage de Mme Lacroix plus probant. En effet, je donne plus de poids au témoignage de Mme Lacroix, car même si elle n’avait aucun document pour supporter son témoignage, j’ai trouvé qu’elle était plus crédible que M. Landry et M. Narbonne qui ne se souvenaient pas de leurs interactions avec la Bénéficiaire, disant qu’ils avaient beaucoup de demandes à régler dans le cadre de ce projet. Or, devant l’amnésie de M. Landry et de M. Narbonne quant aux problématiques vécues par Mme Lacroix, je trouve que Mme Lacroix a relaté les faits avec plusieurs détails, et ce sans hésitation.
16. Il est à souligner que Mme Lacroix confirme que la pandémie du COVID-19 est survenue en mars 2020 et que le chantier a été fermé pendant plusieurs mois. Il n’y avait plus d’employés sur le chantier et à l’été 2020, M. Landry était une des seules personnes sur le chantier. Selon elle, M. Landry lui disait qu’il ne l’avait pas oublié, mais il n’avait pas de travailleurs, car ils ne voulaient pas travailler. Elle comprenait la situation et n’était pas pressée, mais souhaitait que cela se règle.
17. Enfin, Mme Lacroix confirme qu’elle n’avait pas dénoncé les Points 1 et 2 auparavant, car elle faisait confiance à M. Landry qui lui disait qu’il allait revenir et s’en occuper. Cependant, après un certain temps, M. Lacroix voyait qu’avec le temps, la date limite de sa garantie s’approchait et elle s’est dit qu’elle allait perdre ses droits. On lui disait que la garantie était de trois ans et, selon elle, il fallait qu’elle dénonce cette situation avant qu’il ne soit trop tard, n’ayant plus de réponse de la part de l’Entrepreneur.
LE FARDEAU DE LA PREUVE
18. Comme mentionné précédemment, les deux Points en litige devant moi ont été dénoncés le 26 janvier 2021. Or, selon les termes de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, plus particulièrement au paragraphe 2 dudit article, le bénéficiaire doit transmettre sa réclamation par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenu lors de l’inspection pré-réception.
19. Ledit article se lit comme il suit :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection pré-réception ;
20. Pour la mise en œuvre de la garantie, et tel que précisé audit article, les bénéficiaires devaient également transmettre par écrit leur réclamation à l’entrepreneur et en transmettre copie à l’administrateur dans un délai raisonnable de la date après la découverte des malfaçons. Je fixe ce délai à mars 2020.
21. Or, la réclamation de la Bénéficiaire n’a été transmise par écrit à l’administrateur qu’en date du 26 janvier 2021, soit un délai de plus d’un an après la découverte de la malfaçon alléguée. Il est à souligner que de façon constante, les tribunaux ont toujours qualifié de tardif un délai excédant le délai de base de six (6) mois.
22. En conséquence, il importe à ce stade-ci d’examiner la preuve afin de déterminer si un délai de plus d’un an est raisonnable dans ces circonstances.
23. Je fixe la date de la découverte de la malfaçon alléguée à septembre 2019. Mme Lacroix a fait part des problématiques au plancher et à la baignoire à M. Landry et à M. Narbonne, mais rien ne se passait. En outre, comme mentionné précédemment, avec la pandémie COVID-19 en mars 2020, les chantiers ont cessé d’opérer ou ont procédé avec des effectifs réduits de mars à août 2020. Je suis donc prêt à ne pas comptabiliser ces dates pour des raisons de force majeure dans les délais de dénonciation.
24. Ainsi, de septembre 2019 à février 2020, nous avons 5 mois. Ensuite, de septembre 2020 à janvier 2021, nous avons une période additionnelle de 5 mois, le tout pour une période minimale totale de 10 mois après la découverte de la malfaçon et la dénonciation écrite.
25. Je comprends que la Bénéficiaire faisait confiance à l’Entrepreneur qui lui disait qu’il allait revenir et le faire et qu’elle ne voulait pas créer de problèmes. Or, cette explication estelle suffisante pour justifier la dénonciation tardive de cette malfaçon apparente alléguée à l’administrateur de dix (10) mois après leur découverte ?
26. Malheureusement pour la Bénéficiaire, cette preuve est insuffisante selon moi pour expliquer ce long délai d’autant plus que cette preuve ne justifie d’aucune manière son inaction durant cette même période.
27. En outre, force est de constater que même si plusieurs échanges verbaux entre la Bénéficiaire et des employés de l’Entrepreneur ont eu lieu depuis l’été 2019, aucune malfaçon n’a été dénoncée par écrit à l’Administrateur avant le 26 janvier 2021.
28. Or, le Règlement est formel. Pour bénéficier de la couverture du plan de garantie, la malfaçon doit être dénoncée par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.
29. Considérant que la Bénéficiaire avait connaissance du problème au plancher à la fin de l’été 2019 et des problèmes de la baignoire dès l’automne 2019 et considérant les multiples communications avec les employés de l’Entrepreneur concernant les Points 1 et 2, soit dans un délai minimal de 10 mois pour la dénonciation de la malfaçon par écrit à l’Administrateur, c’est selon moi déraisonnable.
30. Force est de conclure que la preuve documentaire ou testimoniale au dossier n’a fourni aucune explication suffisante permettant de justifier l’absence d’une dénonciation écrite plus tôt à l’Administrateur.
31. Pour tous ces motifs, la réclamation de la Bénéficiaire n’est pas admissible pour l’arbitrage et, par conséquent, sa demande est rejetée pour délai déraisonnable.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire.
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de l’Administrateur ; La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par GAJD, après un délai de grâce de 30 jours.
Fait ce 7ième jour d’août 2022
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