En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
ENTRE MME MEDGINE JEAN ET M. HERTEL BRUNACHE
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET GOYETTE DUCHESNE & LEMIEUX INC.,
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie: 08-308LS
No dossier SORECONI : 081020002
Arbitre : Guy Pelletier
Pour le Bénéficiaire : Mme Medgine Jean et M. Hertel Brunache
Pour l’Entrepreneur : Monsieur André Desjardins
Pour l’Administrateur : Me Luc Séguin
Date de la décision: Le 26 janvier 2009
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 30 octobre 2008.
Historique et pièces :
23 mai 2005 : Contrat préliminaire et contrat de garantie
3 mars 2006 Réception du bâtiment
14 mai 2007 : Liste de travaux à effectuer transmise à l’Entrepreneur
11 avril 2008 : Dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur
7 mai 2008 : Demande de réclamation à l’Administrateur
22 septembre 2008 : Décision de l’Administrateur
20 octobre 2008: Demande d’arbitrage
12 janvier 2009 : Audition de la demande d’arbitrage
Introduction :
[1] Le 3 mars 2006, le Bénéficiaire procède à la réception du bâtiment et signe l’acte de vente le 17 mars suivant.
[2] À l’hiver 2006-2007, le Bénéficiaire signale à l’Entrepreneur divers problèmes, notamment une infiltration importante d’air par les fenêtres coulissantes. Il transmet à l’Entrepreneur, le 14 mai 2007, une liste de travaux à effectuer.
[3] En avril 2008, le Bénéficiaire demande à l’Entrepreneur de procéder à des réparations et met l’Administrateur en copie.
[4] Le 7 mai 2008, le Bénéficiaire fait une réclamation à l’Administrateur portant sur 5 points :
[4.1] Point 1: Infiltration d’air par les fenêtres et hotte de cuisinière
[4.2] Point 2: Décollement du crépi
[4.3] Point 3: Fuite aux robinets du garage et extérieur
[4.4] Point 4: Dommages au gazon
[4.5] Point 5: Dommage à la clôture
[5] Le 22 septembre 2008, l’Administrateur rejette en entier la réclamation du Bénéficiaire, sa décision se lisant ainsi : (extrait de la décision)
[6] Insatisfait de la décision, le Bénéficiaire demande l’arbitrage le 20 octobre 2008 sur quatre des cinq points :
[6.1] Point 1: Infiltration d’air par les fenêtres et hotte de cuisinière
[6.2] Point 2: Décollement du crépi
[6.3] Point 3: Abandonné
[6.4] Point 4: Dommages au gazon
[6.5] Point 5: Dommage à la clôture
L’audition :
Point 1 : Infiltration par les fenêtres et la hotte de la cuisinière;
[7] Madame Jean témoigne à l’effet que les fenêtres coulissantes installées à l’arrière et sur les cotés de la résidence ne sont pas étanches et laissent l’air s’infiltrer anormalement contrairement aux fenêtres à battant posées en façade.
[8] Elle ajoute qu’elle a avisé l’Entrepreneur dès le premier hiver et que ce dernier lui a demandé d’attendre la prochaine saison froide. Entretemps, elle dit avoir ajouté des plastiques pour couper les infiltrations d’air froid. Elle mentionne que le sous-traitant en fenêtres, Vimat, est venu vérifier l’horizontalité des fenêtres et qu’il lui a dit que les contacts du système d’alarme ajoutés sur les fenêtres pouvaient être la source du problème.
[9] Le Bénéficiaire déclare qu’il a alors enlevé les contacts, mais que cela n’a pas atténué le problème d’infiltration d’air.
[10] Suite à une question de Me Séguin, le Bénéficiaire confirme qu’il a fait la dénonciation de la situation à l’Administrateur en mai 2008.
[11] Sur ce point, monsieur Yves Gagnon, représentant de l’Entrepreneur, dit avoir appris du sous-traitant Vimat que l’installation des fenêtres était conforme. Il est alors venu mesurer la température sur le cadre des fenêtres et n’a rien remarqué d’anormal.
[12] Madame Jean précise que monsieur Gagnon lui a dit que les fenêtres n’étaient pas de niveau et qu’on lui a dit que le sous-traitant Vimat reviendrait faire des vérifications, mais il n’est jamais revenu selon elle.
[13] Quant à la hotte de la cuisinière, madame Jean témoigne à l’effet qu’il a dû installer un plastique pour couper le froid et qu’il a dénoncé le problème d’infiltration d’air à l’entrepreneur en 2006.
[14] Monsieur André Desjardins, contremaître de l’Entrepreneur, dit que le produit installé est un peu au-dessus du standard qu’on retrouve dans l’industrie. Il comporte un volet antiretour en métal qui peut laisser entrer de l’air par grands vents mais que pour stabiliser les volets, il est possible d’y ajouter des poids.
[15] À la demande de Me Séguin, monsieur Luc Bondaz, conciliateur pour l’Administrateur, explique qu’il a rejeté la réclamation du Bénéficiaire car la dénonciation a été faite seulement à l’Entrepreneur en 2007 et ce n’est qu’en 2008 que la plainte a été reçue chez l’Administrateur.
[16] En argumentation, monsieur Brunache mentionne qu’il pourrait laisser tomber la réclamation concernant la hotte de la cuisinière si on lui démontre que l’installation est conforme aux normes.
Point 2 : Décollement du crépi
[17] Le Bénéficiaire témoigne à l’effet que le crépi de ciment décolle sur le mur arrière et sur les cotés et que «ça sonne creux lorsqu’on frappe dessus». Il mentionne qu’il y aurait eu des retouches à certains endroits.
[18] Par contre, monsieur Desjardins précise que l’Entrepreneur n’est pas venu faire de réparations sur le crépi. Il explique que le terrain s’affaisse avec le temps et que c’est normal de voir l’endroit où se termine le crépi près du sol. Il ajoute que l’eau se dirige alors vers le crépi et s’infiltre sous la surface, entraînant ainsi le décollement observé.
[19] À la demande de Me Séguin, monsieur Luc Bondaz, conciliateur pour l’Administrateur, explique qu’il a rejeté la réclamation du Bénéficiaire pour la même raison que mentionnée précédemment, à savoir que le délai prescrit pour dénoncer un problème est de 6 mois de sa découverte, ce qui n’a pas été respecté dans ce cas-ci.
[20] Monsieur Brunache argumente à l’effet que ce n’est pas normal que le crépi décolle après 2 ou 3 ans.
Points 4 et 5 :Dommages au gazon et dommage à la clôture
[21] Le Bénéficiaire dit que l’Entrepreneur a enlevé sans permission une partie de la clôture lorsqu’il a entrepris les travaux de construction sur le terrain voisin et qu’il n’a pas remis, à la fin de ceux-ci, le terrassement et la clôture dans le même état qu’ils étaient initialement. Il mentionne que le terrain s’enfonce sur une distance d’environ 8 pieds et que le poteau de la clôture qui bougeait a été stabilisé avec du béton sans que le gazon n’ait été replacé autour de celui-ci.
[22] Monsieur Desjardins dit qu’il ne sait pas pourquoi les corrections n’ont pas été faites et qu’il n’a rien vu d’anormal.
[23] Se référant à l’article 4.6 du Contrat de garantie (l’onglet 1 de son cahier des pièces), l’Administrateur rappelle qu’il s’agit d’une situation extra-contractuelle et que ces points, découlant de la responsabilité civile, sont exclus de la garantie. Il ajoute que de toute façon, les travaux situés à l’extérieur du bâtiment sont exclus de la garantie tel que mentionné à l’article 4.9 du même document.
[24] Sur ce point, l’argumentation du Bénéficiaire porte sur le fait que l’Entrepreneur n’a pas respecté son engagement de remettre la clôture et le gazon dans le même état qu’ils étaient avant que ne débutent les travaux chez le terrain voisin.
[25] De façon générale, Me Séguin plaide à l’effet que la garantie offerte est limitée et que les règles ont été établies par le législateur. Il rappelle que la dénonciation doit se faire dans le délai prescrit de 6 mois de la connaissance du problème, ce qui, manifestement n’a pas été respecté dans ce dossier.
[26] Me Séguin dépose trois décisions[1] supportant son argumentation à l’effet que le délai de 6 mois pour dénoncer un problème est un délai de rigueur comme en fait foi la jurisprudence.
[27] L’arbitre fait remarquer à Me Séguin que le Contrat de garantie auquel il se réfère n’est pas signé par l’Entrepreneur et lui demande sa position sur ce fait.
[28] Me Séguin mentionne qu’il s’agit du Contrat préliminaire et que le Bénéficiaire l’a signé en toute connaissance de cause, de sorte qu’il ne peut ignorer ses obligations.
Analyse :
[29] Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si le Bénéficiaire a respecté les obligations qui lui sont dictées par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[30] Il convient de rappeler le droit applicable dans le cas où le Bénéficiaire découvre des malfaçons ou des vices cachés. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se lit ainsi à l’article 10:
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
…
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
(les soulignements sont de l’arbitre)
[31] La Section IV du même règlement précise ce qui suit :
135. La signature de l'entrepreneur doit être apposée sur la dernière page des doubles du contrat de garantie à la suite de toutes les stipulations.
D. 841-98, a. 135.
136. La signature apposée par l'entrepreneur lie l'administrateur.
D. 841-98, a. 136.
137. L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.
D. 841-98, a. 137.
138. Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
[32] À la page 4 du document intitulé Contrat préliminaire et Contrat de garantie, on lit ce qui suit :
« Le contenu du présent contrat de garantie a été approuvé par la Régie du bâtiment du Québec en date du 5 octobre 1998… »
[33] À la page 6 de ce document, les règles relatives au contrat de garantie sont les suivantes :
1. L’entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l’Administrateur.
2. Le bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l’entrepreneur qu’à compter du moment où il est en possession d’un double du contrat de garantie dûment signé
3. Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs étant obligatoire, le bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits qui lui sont conférés par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[34] L’Administrateur, appuyé par la jurisprudence, a plaidé que le délai de 6 mois pour dénoncer un problème est de rigueur et que le Bénéficiaire a l’obligation de respecter cette exigence.
[35] Le document déposé en preuve par l’Administrateur ne comporte pas la signature de l’Entrepreneur et il n’a pas été prouvé qu’il existait un autre document respectant les exigences réglementaires.
[36] Avec respect, le Tribunal reconnaît les obligations du Bénéficiaire quant au délai de dénonciation prescrit à l’article 10, mais doit aussi considérer les obligations imposées à l’Entrepreneur aux articles 133 à 137 ainsi que la protection accordée au Bénéficiaire à l’article 138 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et conclure, dans le présent cas, que le non-respect de l’article 10 par le bénéficiaire ne peut lui être opposé.
[37] Par contre, le non-respect de cet article ne vient pas changer la portée du règlement quant aux exclusions de la garantie prévues à l’article 12 :
12. Sont exclus de la garantie:
…
6° la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l'entrepreneur;
…
9° les espaces de stationnement et les locaux d'entreposage situés à l'extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvragé situé à l'extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain;
[38] L’arbitre considère donc que les Points 4 et 5 relatifs aux dommages au gazon et à la clôture ne sont pas couverts par la garantie.
[39] Quant aux Points 1 et 2, le Tribunal considère que des vérifications doivent être faites par l’Administrateur pour déterminer si les travaux ont été faits conformément aux normes et règles de l’art et dans le cas contraire, qu’il exige que des correctifs soient apportés par l’Entrepreneur.
DÉCISION :
[40] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»
[41] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[42] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que le délai tardif pour dénoncer les problèmes par le Bénéficiaire ne peut lui être opposé conformément aux exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[43] En vertu de l’article 123 de ce règlement et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[44] MAINTIENT la décision de l’Administrateur quant aux Points 4 et 5;
[45] REJETTE la décision de l’Administrateur quant aux Points 1 et 2;
[46] ORDONNE QUE l’Administrateur procède à des vérifications de conformité concernant les Points 1 et 2 et fasse exécuter les correctifs requis le cas échéant;
[47] CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage;
[48] RÉSERVE les recours du Bénéficiaire devant un Tribunal civil, s'il y a lieu.
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 26 janvier 2009
[1] Syndicat de copropriété “Au pied du pont 2” c. Services d’immeubles Groupe Xpansion inc., 21 février 2008.
Niki Apôllonatos & George Karounis c. Habitations Luxim inc., 4 juin 2008
Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc., 5 mai 2008