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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie

des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)

 

 


 

ENTRE                SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES LE VIGNOBLE DU 4370 DU CATAMARAN, LAVAL

 

(ci-après « le Bénéficiaire »)

 

ET                       LE GROUPE CAMA INC.

 

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

 

ET :                       LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

 

No dossier Garantie:          08-099.1SP

No dossier SORECONI :   080603001

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                             Guy Pelletier

 

Pour le Bénéficiaire :                           Monsieur Pierre Bélanger

 

Pour l’Entrepreneur :                           (aucun représentant)

 

Pour l’Administrateur :                          Me Stéphane Paquette

 

Date d’audience :                                 2 octobre 2008

 

Lieu d’audience :                                105-4370 du Catamaran, Laval (en partie)

                                                           et Palais de justice de Laval

 

Date de la décision:                             15 octobre 2008

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 6 juin 2008.

 

Historique et pièces :

 

 

10 juillet 2006 :              Déclaration de réception du bâtiment; (A-2)

 

1 mars 2008 :                Dénonciation des problèmes à l’Entrepreneur; (A-6)

 

5 mars 2008 :                Demande de réclamation du Bénéficiaire; (A-7)

 

5 mai 2008 :                  Décision de l’Administrateur; (A-10)

 

4 juin 2008:                   Demande d’arbitrage; (A-11)

 

6 juin 2008:                   Nomination de l’arbitre;

             

12 août 2008 :               Convocation à l’audition transmise aux parties;

 

2 octobre 2008 :            Audition du dossier.

 

 Introduction :

 

[1]            Le 10 juillet 2006, le Groupe Cama Inc. sous la signature de monsieur Serge Mathieu signe le formulaire Étape 5A, Avis de fin des travaux des parties communes . Le même jour, monsieur Serge Mathieu, au nom du syndicat des copropriétaires, signe le formulaire  Étape 5B , déclarant avoir reçu l’avis de fin des travaux des parties communes et une copie de la Déclaration de réception des parties communes du bâtiment . (A-2)

[2]            Le 17 octobre 2007, Me Martin Janson, procureur du Bénéficiaire, dénonce à l’Entrepreneur le problème de l’ascenseur qui a cessé de fonctionner et met en copie l’Administrateur. (A-4)

[3]            Le 1ier mars 2008, le syndicat des copropriétaires dénonce à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, 21 problèmes constatés aux espaces communs. (A-6)

[4]            Le 5 mars 2008, le syndicat des copropriétaires dépose une réclamation auprès de l’Administrateur. (A-7)

[5]            L’Administrateur rend sa décision le 5 mai 2008 sur les 21 points relatifs aux parties communes. Il accueille la demande de réclamation du syndicat sur 6 points et la rejette sur les 15 autres. (A-10)

[6]            Le 4 juin 2008, le Bénéficiaire demande l’arbitrage sur 4 des 15 points rejetés par l’Administrateur soit :

Le point 11 : Ventilation de la cage d’escalier requise;

Le point 12 : Accumulation de glace près de la gouttière au coin du garage;

Le point 20 : Condensation démesurée à la verrière -absence de chauffage;

Le point 21 : Accumulation de glace sur le balcon extérieur de la mezzanine de l’unité 105.

[7]            Le 20 juillet 2008, le Bénéficiaire demande que le point 7 de la décision de l’Administrateur soit aussi traité dans sa demande d’arbitrage :

Le point 7 :   Ascenseur de l’édifice non fonctionnel;

Objection préliminaire :

 

[8]            En début d’audition, le procureur de l’Administrateur, Me Stéphane Paquette s’est objecté à ce que le point 7, « Ascenseur de l’édifice non fonctionnel » soit traité en arbitrage, argumentant que le Bénéficiaire a ajouté ce point à sa demande d’arbitrage dans un délai tardif, soit plus de 30 jours après la décision de l’Administrateur.

[9]            L’arbitre a pris note de l’objection, soulignant qu’il en disposerait dans sa décision.

[10]        Le 4 juin 2008, le Bénéficiaire insatisfait de la décision de l’Administrateur rendue le 5 mai 2008, a déposé une demande d’arbitrage auprès de la société SORECONI, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[11]        Le Bénéficiaire a indiqué dans sa demande d’arbitrage adressée à la société d’arbitrage, qu’il souhaitait voir traités les points 11, 12, 20 et 21 de la décision. Plus tard, soit le 20 juillet 2008, le Bénéficiaire informe l’Administrateur, l’arbitre et la société d’arbitrage qu’il désire que le point 7, qui a été rejeté par l’Administrateur, soit aussi traité lors de l’audition.

[12]        La question soulevée par l’objection de l’Administrateur est donc la suivante :

Est-ce que le fait pour le Bénéficiaire d’amender sa demande d’arbitrage avant l’audition constitue une nouvelle demande hors délai?

[13]        Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit qu’une réclamation peut comporter plusieurs aspects tel que libellé à l’article 37;

« 37. … Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation… »

(Les soulignements sont de l’arbitre)

[14]        Lorsque le bénéficiaire soumet le différend à l’arbitrage, le règlement n’exige pas que celui-ci indique de façon détaillée et définitive, chacun des points pour lesquels il est insatisfait de la décision de l’administrateur.

« 35. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur… »

[15]        Dans la cause Josée Pedneault et Yves Gagnon vs Groupe Immobilier Farand Inc., l’arbitre Me Johanne Despatis[1] a rendu une décision bien documentée relativement à une objection soulevée par un administrateur qui soutenait qu’un « bénéficiaire ne peut en aucune circonstance amender sa demande d’arbitrage pour y ajouter la contestation de points du rapport qui n’auraient pas été contestés au départ. »   Comme dans la présente cause, il soutenait qu’« essentiellement, (…) les ajouts annoncés sont des amendements irrecevables au motif qu’ils constitueraient une demande nouvelle et présentée hors délai. 

[16]        L’arbitre Despatis rappelle l’article 199 du Code de procédure civile qui porte sur cette question et se lit ainsi :

« Une partie peut, en tout temps avant jugement, amender leurs actes de procédure sans autorisation et aussi souvent que nécessaire en autant que l’amendement n’est pas inutile, contraire aux intérêts de la justice ou qu’il n’en résulte pas une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande originaire.

L’amendement peut notamment viser à modifier, rectifier ou compléter les énonciations ou conclusions, invoquer des faits nouveaux ou faire valoir un droit échu depuis la signification de la requête introductive d’instance. »

[17]        Dans le cas présent, le désir du bénéficiaire d’amender sa demande et de voir traité  en arbitrage le point 7 contenu dans la décision de l’Administrateur, a été annoncé aux parties le 20 juillet 2008, plusieurs semaines avant l’audition qui s’est tenue le 2 octobre 2008, leur laissant ainsi suffisamment de temps pour se préparer à débattre du litige.

[18]        Le Tribunal considère, dans les circonstances, que l’ajout du point 7 est un amendement permis au sens de l’article 199 du Code de procédure civile et ne contrevient pas à l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[19]        En conséquence, l’arbitre juge recevable la demande d’amendement du Bénéficiaire et rejette l’objection de l’Administrateur.

 

L’audition:

 

[20]        Les pièces du cahier de l’Administrateur sont identifiées A-1 à A-11 tandis que les documents déposés par le Bénéficiaire ont été codifiés B-1 à B-5.

[21]        L’audition s’est tenue au Palais de justice de Laval et a été précédée d’une visite des lieux. Lors de cette visite, outre l’arbitre soussigné, les personnes suivantes étaient présentes :

               Monsieur Pierre Bélanger, représentant du Bénéficiaire;

               Monsieur Claude Guertin, expert du Bénéficiaire;

                           Monsieur Robert Périnet et Me Stéphane Paquette, représentants de l’Administrateur.

[22]        Afin de libérer le témoin, monsieur Claude Guertin a témoigné sur les lieux, pour y présenter son rapport d’expertise concernant le point 11, la ventilation de la cage d’escalier (B-1). Le tribunal s’est ensuite déplacé au Palais de justice de Laval pour la suite de l’audition.

 

Le point 7 : Ascenseur de l’édifice non fonctionnel

[23]        Monsieur Pierre Bélanger, représentant du Bénéficiaire, explique que l’ascenseur n’est plus fonctionnel depuis l’été 2007 suite à l’intervention d’un technicien en ascenseur qui a demandé l’accès à la salle de mécanique. Croyant que des travaux d’entretien ou de réparation de l’ascenseur étaient en cours, ce n’est qu’un mois plus tard que le Bénéficiaire a appris que le sous-entrepreneur aurait décidé, à cause des problèmes financiers de l’Entrepreneur, de se faire justice en retirant une pièce essentielle au bon fonctionnement de l’équipement.

[24]        Questionné par le procureur de l’Administrateur sur les actions prises par le Bénéficiaire suite à ce constat de  « vol », ce dernier confirme qu’il n’y a eu aucune démarche faite auprès des assureurs ou de la police mais qu’une mise en demeure a été transmise à l’Entrepreneur par Me Martin Janson, procureur du syndicat des copropriétaires, le 17 octobre 2007.

[25]        Sur ce point, monsieur Robert Périnet, inspecteur de l’Administrateur, a rendu la décision suivante :

« L’administrateur ne peut cautionner un geste illégal et se voit dans l’obligation de refuser la demande du syndicat en ce qui a trait au point 7.

Par conséquent, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ces points (sic) ».

[26]        Monsieur Bélanger rappelle qu’il a demandé plus tard que ce point soit traité en arbitrage parce que la décision de l’Administrateur n’est pas claire et que suite à des vérifications complémentaires, il a appris que ses voisins au 4380 du Catamaran vivaient la même situation. Après vérifications auprès de l’Administrateur, monsieur Bélanger a appris que celui-ci traitait le dossier de façon différente chez ses voisins en acceptant d’intervenir. Ce comportement lui paraît inéquitable et demande à l’Administrateur d’accepter la réclamation pour le 4370 du Catamaran de la même façon qu’il l’a fait pour ses voisins

[27]        En réponse à cette demande, monsieur Périnet explique que les dossiers sont différents en ce sens que la réception des parties communes n’avait pas été faite au 4380 du Catamaran au moment des évènements contrairement à la situation qui prévaut dans le présent dossier. En conséquence, l’Entrepreneur n’a pas livré un ascenseur fonctionnel au 4380 du Catamaran et a contrevenu ainsi à ses obligations. Il rappelle  que dans le présent dossier du 4370 du Catamaran, la réception des travaux a eu lieu en juillet 2006 et qu’à ce moment-là l’ascenseur était fonctionnel; l’arrêt de l’ascenseur s’est produit à l’été 2007, après la réception des travaux. Selon le témoignage de monsieur Périnet, l’Entrepreneur a donc livré  au 4370 du Catamaran un équipement en bon état de marche et a rempli ses obligations,  ce qui explique une décision différente de l’Administrateur.

 

Le point 11 : Ventilation de la cage d’escalier requise

[28]              Le Bénéficiaire fait la description suivante du problème constaté dans la cage d’escalier :

« Une ventilation de la cage d’escaliers (sic) est requise pour atténuer le degré de chaleur excessive qu’on retrouve aux étages, particulièrement lors des mois d’été. »

[29]        La visite des lieux permet de constater que la cage d’escalier de l’entrée principale est accessible de l’extérieur par une porte simple surmontée d’une section vitrée dont toutes les parties sont fixes. Monsieur Claude Guertin, ingénieur et expert dont les services ont été retenus par le Bénéficiaire, présente son rapport (B-1) et témoigne à l’effet que la cage d’escalier de l’entrée principale n’est pas  conforme aux articles 6.2.2.1 et 6.2.2.2 du Code de construction du Québec 1995 quant aux exigences de ventilation. « Il faut prendre note qu’il n’existe aucun système de ventilation pour les aires communes (cage d’escalier). Cette condition ne rencontre donc pas plusieurs exigences du Code à cet égard », note monsieur Guertin dans son rapport.

[30]        Interrogé par Me Paquette, monsieur Guertin reconnaît que la partie 9 du code s’applique à un petit bâtiment. À la question de Me Paquette, à savoir pourquoi il n’a pas utilisé cette partie du Code pour faire son expertise, monsieur Guertin, explique, qu’il est question d’un espace commun alors que la partie 9, article 9.32.1.1 s’applique à une habitation qui dessert un seul logement. Monsieur Guertin rappelle que, malgré tout, les exigences de la partie 9 ne seraient pas respectées car la porte ne peut servir pour la ventilation naturelle.

[31]        Interrogé par Me Paquette, monsieur Périnet témoigne, pour sa part, que c’est la partie 9 du Code qui doit être utilisée pour établir les exigences de ventilation. Sans nier le problème de chaleur élevée, il considère que les entrepreneurs ne sont pas tenus de ventiler ces espaces, puisque la porte permet de répondre aux exigences du tableau 9.32.2.2. car la surface minimale requise pour la ventilation « des corridors, pièce de rangement et autre pièce ou espace commun semblable est de 2% de l’aire de plancher. »

[32]        Monsieur Guertin souligne que les usagers du bâtiment circulent par les stationnements intérieurs et que la porte d’entrée n’est pratiquement jamais ouverte. Il réfute l’interprétation de l’Administrateur voulant qu’une porte d’entrée desservant plusieurs unités d’habitation puisse être considérée comme un moyen de ventilation.

 

Le point 12 : Accumulation de glace près de la gouttière au coin du garage

[33]        Le Bénéficiaire dénonce qu’une « importante accumulation de glace de 8-10 pouces est notée près de la gouttière située au coin du premier garage intérieur de l’édifice. Cette accumulation anormale de glace menace le bon fonctionnement de la porte de garage. »

[34]        Les photos déposées par le Bénéficiaire (A-6) garage1, garage 2 et garage 3, illustrent le problème de formation de la glace qui s’accumule près de la porte de garage, l’empêchant de fonctionner normalement.

[35]        Sans nier le problème, monsieur Périnet explique à la demande de Me Paquette, qu’il ne s’agit pas d’un vice caché et que ce problème n’a pas de conséquences graves. Les codes n’exigent pas l’installation de gouttières et le choix d’en installer sur un bâtiment peut entraîner ce genre de problème en raison de nos conditions hivernales.

[36]        Lors de la visite des lieux, l’arbitre a remarqué l’existence d’une autre descente de gouttières sur le même mur du garage. Celle-ci, installée un peu plus loin au centre du mur, ne cause pas de problème selon le témoignage du représentant du Bénéficiaire. Selon monsieur Périnet, la localisation de la descente de la gouttière est un facteur qui peut expliquer la formation de glace selon qu’elle est plus ou moins affectée par les conditions climatiques (soleil, froid ou vent).

 

Le point 20 : Condensation démesurée à la verrière -absence de chauffage

[37]        Le Bénéficiaire dénonce « la condensation démesurée sur toutes les parois de la verrière de l’unité 105 en hiver, au point de créer des coulisses d’eau et de glace. »

[38]        À l’appui de sa réclamation, le Bénéficiaire a déposé une série de photos illustrant le givre qui se forme sur les parois de la verrière (A-9). Lors de la visite des lieux, il a été possible de constater l’installation d’un système de chauffage à air chaud dans la partie haute de la verrière.

[39]        Il a été reconnu par les parties que la verrière était considérée comme étant l’une des parties communes du bâtiment tel qu’il en est fait état dans la déclaration de copropriété (A-1). Le contrat de la verrière a été conclu le 19 janvier 2007 (B-5). L’installation de celle-ci a été réalisée plusieurs mois après les autres travaux de construction des parties communes. La verrière n’était donc pas comprise dans la déclaration de réception des parties communes du 10 juillet 2006.

[40]        Monsieur Bélanger a déménagé dans l’unité 105 en août 2007 et s’est aperçu immédiatement du problème au début de la saison froide,  soit en novembre 2007. Il prétend que l’installation du système de chauffage à air chaud, en haut du mur, n’est pas adéquate et que des plinthes chauffantes auraient dû être installées à la base du mur sous la verrière. En mars 2008, il a alors mis l’Entrepreneur en demeure de corriger la situation et les autres problèmes rencontrés.

[41]        Interrogé par Me Paquette, monsieur Bélanger reconnaît que le problème de condensation s’atténue de façon significative lorsque l’humidificateur central est inopérant. Cependant, monsieur Bélanger signale qu’il a acheté un tel système pour maintenir une bonne qualité de l’air dans son unité et qu’il n’aurait pas payé pour cette installation  s’il avait su qu’il ne pourrait l’utiliser durant une période de 6 mois par année.

[42]        Interrogé par Me Paquette, monsieur Périnet ne nie pas les faits mais témoigne à l’effet qu’une verrière expose à un risque élevé de condensation de sorte que l’ajout de plinthes de chauffage au bas de la verrière n’est qu’une façon de gérer le risque. Il dit qu’avec les systèmes en place, on atteint toutefois un niveau de confort acceptable; cependant, avec une surface de verre froide de cette dimension, il faut s’attendre à devoir faire de l’entretien. La condensation, à son avis, n’est pas un vice caché.

[43]        Monsieur Bélanger réplique que ce n’est pas normal d’avoir trois pieds de glace sur la surface de la verrière et d’être obligé de fermer complètement l’humidificateur durant la période hivernale. L’installation de chauffage à la base du mur est, selon lui, nécessaire et ce n’était pas une option au contrat qu’il a refusée.

[44]        Monsieur Bélanger dépose des photos prises dans le bâtiment voisin au 4380 du Catamaran qui montrent l’installation de filage et de plinthes de chauffage électriques à la base du mur sous une verrière semblable à la sienne. Il souligne aussi que, sur les photos prises chez lui (B-4), lors de la construction, on remarque que des fils ont été posés dans le mur sous la verrière en vue de l’installation d’un système de chauffage par plinthes. Il fait remarquer qu’à cette époque, l’Entrepreneur le pressait pour qu’il prenne rapidement possession de son unité, car il avait des problèmes financiers. Il conclut de ce constat que des plinthes chauffantes étaient prévues sous la verrière mais que, pour diverses raisons, elles n’ont pas été installées.

 

 

Le point 21 : Accumulation de glace sur le balcon extérieur de la mezzanine de l’unité 105

[45]        Le Bénéficiaire dénonce, « sur le balcon extérieur du second étage, une accumulation de glace entre le mur et le climatiseur pouvant atteindre jusqu’à 15-18 pouces de hauteur en raison de l’écoulement défectueux du toit. Une accumulation de glace de 5-10 pouces est aussi constatée sur le climatiseur. »

[46]        Selon monsieur Bélanger, l’accumulation de glace sur le balcon fait en sorte que l’accès à l’issue n’est pas sécuritaire, elle nuit à l’ouverture de la porte et endommage le climatiseur installé à cet endroit.

[47]        À l’appui de sa réclamation, le Bénéficiaire a déposé une série de photos illustrant la formation de glace qui s’accumule sur le balcon (A-10).

[48]        M. Périnet explique, à la demande de Me Paquette, la raison pour laquelle cette réclamation a été rejetée. Selon son témoignage, le problème observé est une conséquence de l’installation de gouttières et ne crée pas de dommages à l’immeuble faisant en sorte que ça ne peut être considéré comme un vice caché.

[49]        La décision de l’Administrateur en regard des points 11, 12, 20 et 21 se lit comme suit :

« On constate que les points 8 à 21 ont été dénoncés par écrit dans la deuxième année de la garantie laquelle porte sur les vices cachés.

Or l’administrateur est d’avis que ces points ne rencontrent pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’ils ne sont pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

Par conséquent, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ces points. »

 

Analyse :

Le point 7 : Ascenseur de l’édifice non fonctionnel

[50]        L’Administrateur a rejeté la réclamation du Bénéficiaire sur le point 7 en invoquant le fait qu’il ne peut cautionner un geste illégal. Selon le témoignage de monsieur Périnet, la réception des travaux des parties communes a eu lieu le 10 juillet 2006, avant que le sous-traitant ne vienne retirer une pièce essentielle au fonctionnement de l’ascenseur. Au moment de la survenance du problème, l’Entrepreneur avait donc livré un ascenseur fonctionnel de sorte qu’il a respecté ses obligations. La décision aurait pu être différente si la réception des travaux des parties communes n’avait pas été faite au moment où la pièce d’équipement essentielle au bon fonctionnement de l’ascenseur, fut retirée, comme c’est le cas pour le bâtiment voisin au 4380 du Catamaran.

[51]        Vu sous cet angle, l’arbitre doit se demander s’il y a bien eu réception des parties communes au 4370 du Catamaran, le 10 juillet 2006, puisque l’Administrateur s’appuie sur cette date pour statuer qu’il s’agit d’un acte illégal.

[52]        Selon les documents déposés en preuve, Étape 5A, Avis de fin des travaux des parties communes et Étape 5B Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception des parties communes du bâtiment (A-2), il appert que monsieur Serge Mathieu a signé la déclaration de réception du bâtiment à la fois comme Entrepreneur et comme représentant du syndicat des copropriétaires.

[53]              La lecture des autres documents déposés par l’Administrateur nous donne une indication additionnelle de la démarche suivie par l’Entrepreneur en juillet 2006 pour procéder à la réception des parties communes :

[53.1]            A-3 : Lettre de Me Martin Janson, procureur du syndicat des copropriétaires en date du 16 octobre 2007 :

Me Martin Janson, informe l’APCHQ que le syndicat s’est « vu remettre la gestion de leur propriété au cours du mois de mars 2007 » et demande qu’une copie de tout document relatif à la fin des travaux et à la réception des travaux qui serait en sa possession, lui soit remis.

[53.2]            A-5 : Résolution du syndicat des copropriétaires en février 2008 :

La résolution fait état de l’intention du syndicat de procéder à une inspection des parties communes : « Considérant que le Syndicat souhaite procéder, dès qu’il le pourra au printemps, à une inspection formelle de l’immeuble par un professionnel… »

[53.3]            A-6 : Lettre du syndicat des copropriétaires à Mme Anne Marie Spezza de l’APCHQ-inspection et conciliation. en date du 5 mars 2008 :

À la demande de madame Spezza, monsieur Pierre Bélanger, au nom du syndicat, a transmis à l’Administrateur les documents qu’il détenait dans le dossier et quant à la déclaration de réception des parties communes, il apporte les précisions suivantes : « Déclaration de réception du bâtiment pour les parties communes (Étapes 5A et 5B) : tel qu’expliqué, selon mes vérifications auprès des officiers du Syndicat, ce dernier n’a pas reçu une copie de ces documents. »

[54]        Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs définit comme suit la réception des parties communes pour les travaux ayant débuté avant le 7 août 2006 :

«25.

réception des parties communes»: l'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires. »

[55]              Le règlement précise aussi à l’article 33, le mécanisme de mise en œuvre de la garantie :

« 33.   …

Les parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur. »

[56]        La procédure établie par règlement doit avoir été respectée pour que la réception des travaux des parties communes soit valide.

[57]        Dans sa décision du 7 juin 2006, Syndicat de copropriété MRLH, l’arbitre Edwards[2], rappelle les conditions essentielles qui doivent être rencontrées pour la réception des parties communes :

« De plus, selon la jurisprudence arbitrale en la matière, l’Entrepreneur ne peut pas mandater un professionnel aux fins de l’article 25 du Règlement en sa qualité de représentant du syndicat de copropriété et ne peut pas signer le formulaire de l’Étape 5B en sa qualité d’Entrepreneur et de représentant du syndicat de copropriété : le formulaire de l’Étape 5B complété ainsi n’est pas conforme à l’article 25 du Règlement. »

[58]        Le seul document déposé en preuve relativement à la réception des travaux des parties communes Étape 5B est celui du 10 juillet 2006 signé par monsieur Serge Mathieu en sa qualité d’Entrepreneur et de représentant du syndicat de copropriété. De l’avis du Tribunal, la procédure suivie pour établir la réception des travaux des parties communes au 10 juillet 2006 n’est pas conforme au règlement.

[59]        Aucun autre document ne prouve qu’il y aurait eu une réception des travaux des parties communes conforme au règlement avant de l’arrêt de l’ascenseur à l’été 2007; l’arbitre doit donc en arriver à la seule conclusion que l’entrepreneur n’a pas livré un ascenseur fonctionnel au syndicat des copropriétaires.

 

[60]        Les points 11, 12, 20 et 21

La décision de l’Administrateur en regard des points 8 à 21 se lit comme suit :

« On constate que les points 8 à 21 ont été dénoncés par écrit dans la deuxième année de la garantie laquelle porte sur les vices cachés.

Or l’administrateur est d’avis que ces points ne rencontrent pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’ils ne sont pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

Par conséquent, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ces points. »

[61]              Pour ces quatre points, la question en litige est la suivante :

Les problèmes ont-ils été dénoncés dans la deuxième année de la garantie et le cas échéant, constituent-ils des vices cachés au sens de l’article 27 de Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs?

[62]              Il convient de rappeler le droit en vigueur. Le règlement stipule que :

« 27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:

  a)      par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;

  b)      par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »

 

Le point 11 : Ventilation de la cage d’escalier requise

[63]        Parmi les articles du Code déposés par l’Administrateur, l’arbitre réfère particulièrement à l’article 9.32.2.2 Ventilation naturelle qui se lit ainsi :

« 3) Les orifices de ventilation naturelle, à l’exception des fenêtres, doivent être protégés contre les intempéries et les insectes. »

[64]        Considérant qu’il n’y a aucune autre façon de ventiler la cage d’escalier qu’en utilisant la porte d’entrée principale et que celle-ci ne rencontre pas les exigences de l’article 9.32.2.2, l’arbitre retient l’argument de l’expert Guertin, à l’effet qu’on ne peut interpréter, au sens du Code, que la porte d’entrée principale de ce bâtiment peut servir à la ventilation naturelle de la cage d’escalier.

[65]        La réception des parties communes n’ayant pas eu lieu au moment de la dénonciation de ce problème, tel que décidé précédemment au point 7, l’article 27.4° du règlement ne s’applique pas.  Le tribunal n’a pas alors à déterminer s’il s’agit d’un vice caché.

[66]        Par contre, pour être couvert par l’article 27 du règlement, le problème qui est dénoncé avant la réception des travaux ou dans la première année de garantie doit être assimilé à un vice apparent ou à une malfaçon.

[67]        La Régie du bâtiment du Québec nous fournit dans ses publications-grand public[3] une définition des termes vices ou malfaçons

Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants:

·         les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements

·         ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;

·         les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

·         les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires

·         relativement à l’ouvrage à construire;

·         les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins

·         d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant

·         à la diffusion du savoir le plus récent.

« Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs. » 

[68]        Le Tribunal considère que la non-conformité au Code quant à la ventilation de l’escalier est une malfaçon et, en ce sens, elle est couverte par l’article 27 du règlement.

 

Le point 12 : Accumulation de glace près de la gouttière au coin du garage

[69]        La visite des lieux a permis de constater qu’une localisation différente de la descente de la gouttière aurait pu permettre d’éviter ce problème d’accumulation de glace nuisible au bon fonctionnement de la porte de garage.

[70]        La réception des parties communes n’ayant pas eu lieu au moment de la dénonciation de ce problème, tel que décidé précédemment au point 7, l’article 27.4° du règlement ne s’applique pas.  Le tribunal n’a pas alors à déterminer s’il s’agit d’un vice caché.

[71]        Cependant, l’accumulation de glace causée par la mauvaise localisation de la descente de la gouttière qui entraîne un mauvais fonctionnement de la porte de garage est une malfaçon et, en ce sens, elle est couverte par l’article 27 du règlement.

 

Le point 20 : Condensation démesurée à la verrière -absence de chauffage

[72]        L’arbitre souscrit à la conclusion du Bénéficiaire à l’effet que la pose de fils électriques à la base du mur sous la verrière laisse croire que l’installation de plinthes de chauffage était prévue à cet endroit et ne constituait pas une option compte tenu du faible coût de tels équipements.

[73]        Les travaux d’installation de la verrière ont été réalisés en 2007 et la réception des travaux pour cette partie du bâtiment n’ayant pas eu lieu, l’article 27.4° du règlement ne s’applique pas.  Le tribunal n’a pas alors à déterminer s’il s’agit d’un vice caché.

[74]        Cependant, l’accumulation excessive de glace sur la verrière qui ne peut être contrôlée par une installation de chauffage appropriée et normalement conçue pour ce type d’équipement est une malfaçon et, en ce sens, elle est couverte par l’article 27 du règlement.

 

Le point 21 Accumulation de glace sur le balcon extérieur de la mezzanine de l’unité 105

[75]        L’Administrateur a rejeté ce point car il considère qu’il ne rencontre pas les critères d’un vice caché découvert dans les 3 ans suivant la réception des travaux.

[76]        La réception des parties communes n’ayant pas eu lieu au moment de la dénonciation de ce problème, tel que décidé précédemment au point 7, le tribunal n’a pas à déterminer si le problème dénoncé constitue un vice caché dénoncé dans la deuxième année de la garantie.

[77]        Cependant, l’accumulation excessive de glace sur le balcon qui bloque l’ouverture de la porte et s’infiltre dans le climatiseur est une malfaçon et, en ce sens, elle est couverte par l’article 27 du règlement.

 

DÉCISION :

[78]        L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»

[79]        À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie.  La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[80]        Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à  l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que les problèmes dénoncés par le Bénéficiaire en regard des points 7, 11, 12, 20 et 21 ne peuvent être rejetés par l’Administrateur sur la base qu’ils ont été dénoncés dans la deuxième année de garantie et de ce fait, ne rencontrent pas les critères de vices cachés. Pour que les problèmes dénoncés soient considérés comme étant des vices cachés, il aurait fallu démontrer que la réception des travaux des parties communes signée le 10 juillet 2006 par monsieur Serge Mathieu, l’Entrepreneur, a été réalisée en conformité avec les exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ce qui n’est pas le cas.

 

 

 

 

 

 

 

POUR  CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[81]        ACCUEILLE l’appel du Bénéficiaire;

[82]        REJETTE la décision de l’Administrateur en date du 5 mai 2008;

[83]        ORDONNE à l’Entrepreneur de réaliser les travaux nécessaires à la solution des problèmes dénoncés dans les trente (30) jours ouvrables de la réception de la présente sentence;

[84]        À DÉFAUT par l’Entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, ORDONNE à l’Administrateur de procéder aux travaux correctifs requis;

[85]        CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.

 

 

 

 

 

 

Guy Pelletier

Architecte et arbitre

Laval, ce 15 octobre 2008

 

 

 



[1] Josée Pedneault et Yves Gagnon vs  le Groupe Immobilier Farand Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., 21 novembre 2005

 

[2] Syndicat de copropriété MRLH vs Les constructions G. Mélatti Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Me Jeffrey Edwards, 7 juin 2006.

[3] Site internetRBQ, http://www.rbq.gouv.qc.ca/dirPublication/dirGrandPublic/dirPlanGarantie/web_condo_fr.pdf, Les mesures à prendre pour votre « condo »