ARBITRAGE
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE CHICOUTIMI
No : 192102001
Normand Villeneuve
Bénéficiaires
c.
Les Constructions Berchard Inc.
Entrepreneur
Et :
Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc.
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Roland-Yves Gagné
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Normand Villeneuve
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Yvan Bergeron
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date de l’audience : 18 juin 2019
Date de la décision : 10 juillet 2019
DESCRIPTION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRES:
Madame Danielle Huard
Monsieur Normand Villeneuve
[...]
Jonquière, Qc. [...]
ENTREPRENEUR:
Les Constructions Berchard Inc.
3845 Colbert
Jonquière, Qc. G7X 0 E6
ADMINISTRATEUR:
Me Marc Baillargeon
Contentieux des garanties Abritat/GMN
7333 Place des Roseraies, 3ième étage
Anjou, Qc. H1M 2X6
Liste des pièces
A l’audience, l’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 Contrat préliminaire et contrat de garantie en date du 5 avril 2013;
A-2 Contrat de vente en date du 6 juin 2013;
A-3 Formulaire d’inspection pré-réception en date du 18 juillet 2013;
A-4 Lettre de dénonciation en date du 4 juillet 2018;
A-5 Avis de 15 jours en date du 26 novembre 2018;
A-6 Décision de l’administrateur en date du 14 janvier 2019 et lettres;
A-7 Demande d’arbitrage en date du 22 février 2019.
. MANDAT ET JURIDICTION
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier à la suite d’une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires, reçue par SORECONI le 21 février 2019 et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 22 février 2019.
[2] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal d’arbitrage n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal d’arbitrage est alors confirmée.
LE DROIT
[3] Les Bénéficiaires ont produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :
19. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
LA PREUVE
[4] Le 5 avril 2013, les Bénéficiaires ont signé un contrat préliminaire et contrat de garantie avec l’Entrepreneur (pièce A-1) pour leur bâtiment résidentiel.
[5] Le 6 juillet 2013, les Bénéficiaires ont signé le contrat de vente devant notaire (pièce A-2).
[6] Le 18 juillet 2013, les Bénéficiaires ont signé le formulaire de préréception des travaux, indiquant que la date prévue de fin des travaux sera le 29 août 2013 (pièce A-3).
[7] Par lettre datée du 4 juillet 2018, reçue par l’Administrateur au plus tard le 9 juillet 2018 (d’après le sceau de réception sur cette lettre, pièce A-4), les Bénéficiaires réclament ce qui suit :
Nous avons pris possession du bâtiment le ou vers le 19 juillet 2013. Certaines déficiences ont été réglées au fil des semaines suivantes. Une dernière conciliation monétaire a été effectuée le 13 décembre 2013 même s’il restait certaines déficiences considérées mineures et suite à l’engagement verbal de l’entrepreneur de les régler à notre satisfaction. Malgré cela, nous avons retenu en garantie une somme d’environ 5% du montant des travaux, ce qui représente environ 14 000$, que nous comptions remettre à l’entrepreneur après une année d’utilisation et une fois toutes les déficiences réglées.
Dès le premier hiver, des problèmes importants de condensation et de glace dans toutes les fenêtres et portes de notre résidence sont apparus. Nous en avons informé par écrit l’entrepreneur dès le 6 janvier 2014 avec photos à l’appui; l’entrepreneur a confirmé le même jour avoir pris connaissance du problème. L’entrepreneur n’a pas nié le problème et il s’est montré ouvert à investiguer le cas car il avouait ouvertement ne pas comprendre et qu’il ne pouvait présenter aucune solution. Ainsi, différentes actions ont été entreprises par lui
• (2014) Rééquilibrage du système d’échangeur d’air par une firme externe.
• (2014) Test d’infiltrométrie par une firme externe.
• (2015) Vérification du niveau d’humidité dans le bas des murs du sous-sol par les employés de l’entrepreneur.
• 27 mai 2016 : Vérification par l’intérieur du montage des fenêtres et de la pose d’isolant; suite à la découverte de défauts, des employés de l’entrepreneur les ont corrigés.
• 26 novembre 2016 : Changement d’un verre thermos par une firme externe, pour vérification de la qualité des verres thermos.
• (2017) Vérification par l’extérieur du montage des fenêtres et de la pose d’isolant; suite à la découverte de défauts, des employés de l’entrepreneur les ont corrigés.
Malgré la bonne volonté de l’entrepreneur, ces actions n’ont eu aucun effet sur le niveau de condensation et de glace dans les fenêtres et les portes.
De notre côté, nous avons sans arrêt cherché à maintenir en hiver le niveau d’humidité relative à l’intérieur de la maison plus bas que ceux suggérés dans le Guide d‘utilisation et d’installation de l’échangeur d’air (Aides, Aéromatic, modèle H150-TR), tiré des normes de l’ASHRAE. Nous avons acheté un hygromètre numérique portatif pour comparer les lectures avec celles indiquées par le moniteur de l’échanger d’air et pour vérifier le niveau d’humidité relative dans les différentes pièces de la maison. Nous avons emprunté au Cégep de Jonquière deux hygromètres portatifs multifonctions pour comparer encore les différents instruments.
Pendant toutes ces années, nous avons dû nous absenter à maintes reprises de notre travail pour donner accès à notre résidence pour effectuer les différentes investigations, vérifications et réparations. Les défauts trouvés par l’entrepreneur concernant le montage et l’isolation des cadres des fenêtres nous font douter de la qualité globale de la construction. Mais par-dessus tout, cette glace qui s’accumule dans les fenêtres et les portes diminue considérablement la valeur de notre résidence si nous voulons vendre notre résidence, nous devrons montrer les photos des fenêtres et des portes glacées aux futurs acheteurs sous peine d’être accusé de cacher ce vice, et aucun acheteur ne consentira à payer le prix régulier dans ces conditions.
Nous réclamons donc la réparation des vices ou malfaçons existantes pour redonner à notre résidence sa pleine valeur.
[8] Le 26 novembre 2018, l’Administrateur envoie l’avis de quinze jours à l’Entrepreneur, avis prévu à l’article du 18 3e alinéa du Règlement[1] (pièce A-5).
[9] Le 19 décembre 2018, l’inspecteur conciliateur de l’Administrateur procède à une inspection des lieux et rend une décision le 4 janvier 2019 (pièce A-6) :
1. FORMATION DE GLACE SUR LES FENÊTRES
Lors de l’inspection, le bénéficiaire nous explique que la glace se formait au bas des fenêtres de la maison et sur les portes dès que les températures froides se manifestaient, et ce depuis l’hiver 2013-2014. Pour démontrer la situation, le bénéficiaire nous a fait voir de nombreuses photos prises à différentes dates.
L’entrepreneur a été informé de la situation dès le mois de janvier 2014 et a tenté à quelques reprises de corriger en utilisant différents moyens tels que tests d’infiltrométrie, rééquilibrage de l‘échangeur d’air, remplacement d’un verre thermos, vérification de l‘isolant au pourtour des fenêtres, etc. Malgré toutes les tentatives de l’entrepreneur, le problème demeure entier.
Ce n’est que le 9 juillet 2018 que Le bénéficiaire dénonça la situation par écrit à l’administrateur, soit plus de quatre ans après l’avoir constaté pour la première fois.
Malgré la décision de l’administrateur, l’entrepreneur et son sous-traitant en ventilation se sont engagés formellement à régler la situation.
ANALYSE ET DÉCISION (point 1)
Le bénéficiaire a déclaré avoir découvert la situation décrite au point 1 au cours du mois de janvier 2014.
Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de cette situation pour la première fois le 9 juillet 2018.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, les paragraphes 3e, 4e ou 5e de l’article 10 ou 27 du Règlement selon le type de bâtiment, stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Dans le cas présent, II appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable de six (6) mois et par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR:
REJETTE la demande de réclamation des bénéficiaires pour le point 1.
[10] Le soussigné a été désigné comme arbitre le 22 février 2019 suite à la réception de la demande d’arbitrage le 21 février 2019 par l’organisme d’arbitrage et, suite à la réception des pièces de l’Administrateur le 26 mars 2019, l’arbitre soussigné a envoyé le courriel suivant aux parties le 27 mars 2019, considérant que d’après la décision, l’Entrepreneur « Malgré la décision de l’administrateur, l’entrepreneur et son sous-traitant en ventilation se sont engagés formellement à régler la situation. » :
Monsieur Normand Villeneuve
c.c. Monsieur Yvan Bergeron, Me Marc Baillargeon
Le soussigné préside le Tribunal spécialisé créé par le Gouvernement pour entendre les litiges entre les Bénéficiaires (comme vous) et les Administrateurs des plans de garantie, et est saisi du dossier.
La décision rapporte que l’entrepreneur désirait régler ce dossier, il est écrit qu’il s’est engagé formellement.
Nous demandons aux Bénéficiaires de nous informer de la situation.
Roland-Yves Gagné arbitre
[11] Malgré les deux conférences de gestion par conférence téléphonique du 3 mai et du 15 mai 2019, les parties ne se sont pas entendues.
PREUVE ET PLAIDOIRIES À L’AUDIENCE
Normand Villeneuve
[12] Le Bénéficiaire a déclaré que lui et son épouse ont constaté une grande quantité de glace au bas de leurs fenêtres au cours de leur premier hiver sur les lieux, soit en janvier 2014.
[13] Ils en ont informé verbalement l’Entrepreneur qui est venu constater les faits rapidement et s’est engagé à régler le cas.
[14] Il leur a dit que c’était normal le premier hiver qu’il y ait de l’humidité vu l’asséchement des différents matériaux.
[15] Il a effectué plusieurs interventions, tout comme le Bénéficiaire (voir la lettre du 4 juillet 2018, paragraphe [7] ci-haut) lui-même, mais comme cette déficience ne se manifestait qu’en hiver, il devait attendre à l’hiver suivant pour constater les résultats de leurs interventions, « le processus s’est étalé sur plusieurs hivers ».
[16] Pour les Bénéficiaires, ce n’était ni une malfaçon, ni un vice caché, ni un vice majeur, c’était une déficience à laquelle l’Entrepreneur s’attaquait.
[17] Ce n’est que quand l’Entrepreneur a dit ne pas avoir de solution pendant l’été 2018 que cela s’est transformé en problème.
[18] Le Bénéficiaire a lu dans son dépliant explicatif du Plan de Garantie émis par la Régie du Bâtiment qu’il devait dénoncer le problème dans les six mois de la connaissance qu’il l’a dénoncé et il l’a dénoncé le 4 juillet 2018, à l’intérieur du délai de six mois.
[19] Le dépliant explicatif explique que le vice majeur est un défaut, apparent ou non, au moment de l’acquisition affectant la solidité de la maison ou entraînant des inconvénients sérieux.
[20] Donc à partir du moment qu’il a été informé qu’il avait un problème qu’il l’a dénoncé à l’Administrateur.
[21] La présence de la glace est un inconvénient sérieux car cela diminue considérablement la valeur de la maison.
[22] Si les Bénéficiaires doivent la vendre, ils devront montrer aux acheteurs potentiels les photos des fenêtres sous peine d’être accusés de cacher le vice et aucun acheteur ne consentira à payer la valeur de l’immeuble dans ces conditions, sans compter les efforts sans cesse à recommencer pour assécher les fenêtres et les cadres pour assurer la longévité et éviter les moisissures.
[23] Pendant ce temps, ils ont agi en client honnête et transparent avec l’Entrepreneur et avec le Plan de Garantie, ils ont pris tous les moyens raisonnables pour éviter les dégâts éventuels.
[24] Il plaide avoir payé des frais pour obtenir une garantie dont le contenu est obligatoire, contenu qu’il ne pouvait pas changer, leur adhésion était obligatoire, c’est donc un contrat d’adhésion.
[25] Comme la déficience ne s’est transformée en vice majeur qu’à l’été 2018, et qu’ils ont informé l’Administrateur à l’été 2018, et qu’ils ont produit leur formulaire de réclamation avec tous les documents requis le 21 novembre 2018, les Bénéficiaires considèrent avoir informé l’Administrateur dans le délai requis.
[26] Dans le doute, le contrat d’adhésion doit s’interpréter en faveur des Bénéficiaires et ils demandent au Tribunal d’arbitrage de renverser la décision de l’Administrateur en leur faveur.
Yvan Bergeron
[27] Yvan Bergeron témoigne pour l’Entrepreneur.
[28] Il affirme que le Bénéficiaire a bien expliqué le dossier, ce qu’il dit est véridique et c’est pour cela qu’il avait fait abstraction de la garantie.
[29] « On a fait tout ce qui nous semblait possible de faire pour trouver une solution, pour régler le problème. »
[30] Ça fait trente ans qu’il est en affaires et c’est la première fois qu’il a un débat avec la garantie, lui qui a toujours réglé ses affaires.
[31] Il demande que la décision de l’Administrateur soit révisée « comme on vous l’a expliqué au début ».
[32] Il affirme que la cause du problème a été établie en mars 2019 alors que le Bénéficiaire affirme que la cause du problème n’a toujours pas été établie.
L’Administrateur
[33] L’Administrateur plaide que vu la preuve, le Bénéficiaire n’a pas démontré en quoi la décision doit être renversée
[34] Il conteste qu’il s’agisse d’un contrat d’adhésion, la jurisprudence en a décidé autrement.
[35] Il y a un processus obligatoire, le Règlement dit qu’on détermine un désordre, une problématique, cela doit être dénoncé pour éviter que l’entrepreneur disparaisse avec le temps (ce qui n’est pas le cas ici), pour éviter une aggravation du problème, pour trouver une solution rapidement.
[36] C’est à l’honneur du Bénéficiaire d’admettre qu’il a vu la problématique dès le premier hiver, il l’a dénoncé tout de suite à l’Entrepreneur, sauf que le Règlement prévoit que l’Administrateur doit aussi être au courant et l’obligation de lui dénoncer n’a pas été respectée.
[37] L’article 18 du Règlement affirme qu’il faut dénoncer le défaut de construction à l’Entrepreneur et l’Administrateur
[38] La décision de l’Administrateur est conforme au Règlement et la demande d’arbitrage doit être rejetée.
Réplique
[39] Le Bénéficiaire réplique avoir toujours fait des listes pour l’Entrepreneur de menues déficiences et de plus grandes déficiences, et ça se réglait tout le temps sans avoir à en informer l’Administrateur, pour lui, la glace n’a jamais été un défaut ou un vice, seulement une déficience qui allait se régler comme les autres déficiences.
[40] La première année l’Entrepreneur lui a dit que les maisons neuves étaient humides, le bois est humide, c’est normal, l’année suivante, la déficience est revenue, on s’est dit que peut-être, un problème d’isolation en bas de la fenêtre, toujours, ce n’était pas un problème, seulement une déficience jusqu’à quand l’Entrepreneur a dit qu’il n’était pas capable de régler le problème dans l’esprit de l’Entrepreneur, « je n’ai pas agi mal le délai je l’ai su dès que l’Entrepreneur a considéré que c’était un problème, j’ai consulté la garantie et j’ai vu que je devais dénoncer dans les six mois ce que j’ai fait. »
DÉCISION
[41] Le Tribunal d’arbitrage souligne que la réclamation des Bénéficiaires avait été rejetée par l’Administrateur pour la seule raison que le délai de dénonciation de six mois de la découverte prévu à la version applicable à leur bâtiment de l’article 10 du Règlement n’avait pas été respecté.
[42] Vu les faits et le droit et malgré les arguments soulevés par le Bénéficiaire, et malgré toute sympathie que sa situation pourrait soulevée, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de rejeter sa demande de renverser la décision de l’Administrateur du 4 janvier 2019, pour les motifs qui suivent.
[43] Le Bénéficiaire et l’Entrepreneur ont tous les deux témoigné de bonne foi.
[44] Avant de discuter de la preuve, voici d’abord trois éléments de droit, soit :
1. les conditions du Plan de Garantie imposées;
2. la version applicable du Règlement; et
3. la rigueur du délai de dénonciation de six mois.
1. Plan de Garantie « imposé »
[45] Le Bénéficiaire a mentionné avoir payé des frais pour obtenir une garantie dont le contenu est obligatoire, contenu qu’il ne pouvait pas changer, son adhésion était obligatoire, c’est donc un contrat d’adhésion.
[46] Cette allégation de contrat d’adhésion a déjà été rejetée par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[2]: pour la Cour d’appel, le Plan de garantie n’est pas un contrat d’adhésion soumis aux règles de l’article 1432 du Code civil du Québec, mais un « contrat réglementé, c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur » :
[37] Mon désaccord se situe également au niveau de l’importance que le juge accorde au contrat de garantie […] Le juge y voit […] un contrat d’adhésion qui l’autorise, par application de la règle contenue à l’article 1432 C.c.Q., à laisser de côté les limites de couverture au motif qu’il peut interpréter le contrat « dans tous les cas en faveur de l’adhérent ».
[38] Avec égards pour l’opinion contraire, je suis d’avis que l’article 1432 C.c.Q. ne s’applique pas en l’espèce. Les droits des parties et les difficultés d’interprétation susceptibles de se poser, le cas échéant, ne découlent pas du contrat mais du Règlement lui-même, ce qui exclut le recours à une règle d’interprétation qui ne s’applique qu’à certains types de contrats. […]
[39] Au mieux, nous sommes en présence d’un contrat réglementé, c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur et non par l’appelante [notre ajout : l’administrateur], elle est aussi obligée de se plier aux volontés du législateur et de faire approuver son plan par la Régie. Cet élément de subordination est ce qui distingue la situation de l’appelante, en tant qu’administrateur d’un plan de garantie réglementé, de celle de la société publique dans l’arrêt Hydro-Québec c. Surma où notre Cour qualifiait de contrat d’adhésion le contrat de fourniture d’électricité. […]
[47] La Cour d’appel du Québec réitère ce principe dans l’arrêt Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL[3] :
[15] Pour reprendre l'expression de la juge Rayle dans l'arrêt Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes, nous sommes en présence de contrats (garantie et adhésion) fortement réglementés dont le contenu est dicté par voie législative et réglementaire.
[48] À trois reprises, la Cour d’appel du Québec a statué que le Règlement était d’ordre public :
[48.1] en 2013 dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[4]:
[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public, le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie.
[48.2] en 2011 dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL[5]:
[13] Le Règlement est d'ordre public. Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers. Le contrat doit de plus être approuvé par la Régie du bâtiment (art. 76);
[48.3] en 2004 dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[6]
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […];
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.
[49] Vu les arrêts de la Cour d’appel du Québec, le Tribunal d’arbitrage se doit d’appliquer le Règlement, il ne peut pas juger au-delà des limites fixées par le Législateur, même si son contenu est « imposé » aux Bénéficiaires.
[50] Le Tribunal d’arbitral rejette la prétention des Bénéficiaires qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion au sens du Code civil.
[51] Dans l’affaire Daigle c. Le Marquis Concept et La Garantie Habitation du Québec[7], notre collègue, Claude Dupuis, arbitre, écrit :
[73] […] il s’agit d’un règlement d’ordre public, et tout consommateur le moindrement averti doit s’informer lors de l’achat auprès d’un fournisseur des conditions minimales de la garantie du produit. […]
2. La version applicable du Règlement
[52] L’article 10 du Règlement sur lequel l’Administrateur s’est basé pour rendre sa décision a été modifié et compte une nouvelle version depuis le 1er janvier 2015.
[53] Cette version amendée en vigueur le 1er janvier 2015 ne mentionne pas de délai maximal de six mois comme dans la version en vigueur en 2013 lors de l’achat du bâtiment résidentiel par les Bénéficiaires; voici la version de 2013 applicable au dossier :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir;
[…]
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[54] Puisque la réception des travaux par les Bénéficiaires a lieu le 18 juillet 2013, donc avant le 1er janvier 2015, c’est la version du Règlement d’avant le 1er janvier 2015 qui s’applique au présent arbitrage.
[55] La question de la rétroactivité de la nouvelle version du Règlement a déjà été tranchée par plusieurs décisions arbitrales[8].
[56] Le Tribunal d’arbitrage conclut qu’à défaut de dispositions transitoires exprimées par le Législateur, le nouvel article 10 du Règlement tel qu’amendé n’est pas applicable pour le contrat de construction objet du présent arbitrage, conclu entre des particuliers avant l’entrée en vigueur du nouvel article le 1er janvier 2015.
[57] Le 5 avril 2013, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont conclu un contrat appelé Contrat préliminaire et contrat de garantie, l’Entrepreneur a accepté de leur construire un bâtiment résidentiel pour un prix précis, et les Bénéficiaires ont payé un montant précis, à même le prix payé, pour obtenir la couverture du Plan de garantie géré par l’Administrateur, selon le Règlement d’ordre public alors en vigueur.
[58] Le Règlement alors en vigueur « gouvernait le contenu des plans de garantie et des contrats qu’offre l’entrepreneur ». Dans l’affaire La Garantie habitation du Québec c. M[9], la Cour supérieure affirme:
3. La Loi sur le bâtiment, (L.Q. ch. B-1.1), oblige les entrepreneurs à détenir une licence et à adhérer à un plan qui garantit l'exécution de leurs obligations légales et contractuelles pour la vente ou la construction d'un bâtiment résidentiel. C'est le « Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs », (B-1.1, R. 0.2), qui gouverne le contenu des plans de garantie et des contrats qu'offre l'entrepreneur. Le contrat de garantie comporte des mentions obligatoires quasi identiques à celles du règlement, bien qu'avec une numérotation différente. (nos soulignés)
[59] Il n’y a aucune disposition précise dans le Règlement amendé en vigueur depuis le 1er janvier 2015 qui stipule que l’article 10 amendé est applicable aux contrats de construction et de garantie conclus avant cette date.
[60] Le Tribunal d’arbitrage soussigné considère que, faute de disposition précise à ce sujet de la part du Législateur, il ne peut ajouter cette disposition au Règlement.
[61] Si le Législateur, par action ou par omission, ne dit pas que son Règlement en vigueur le 1er janvier 2015 change le contenu de contrats entre particuliers, soit les Bénéficiaires, l’Entrepreneur, l’Administrateur, signés avant le 1er janvier 2015, le soussigné considère qu’il ne revient pas au Tribunal d’arbitrage d’en changer le contenu.
[62] L’article 116 du Règlement permet au Tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité en cas de silence du Législateur pour interpréter le Règlement.
[63] Le Tribunal d’arbitrage soussigné considère qu’il serait contre l’équité pour les parties en présence d’essayer d’interpréter l’article 10 du Règlement pour ajouter des dispositions de rétroactivité non stipulées par le Législateur, car il considère qu’il serait contre l’équité de changer
[63.1] le contenu des obligations de l’Administrateur, alors qu’il a accepté de couvrir les Bénéficiaires selon un Règlement d’ordre public en échange d’un prix précis;
[63.2] le contenu des obligations de l’Entrepreneur, alors qu’il a accepté de construire un bâtiment résidentiel neuf selon un Règlement d’ordre public en échange d’un prix précis.
[64] Cette position a été maintenue récemment par la Cour supérieure dans Syndicat de la copropriété 400 Place du Louvre c. La Garantie Habitation du Québec Inc. et 9119-3557 Québec Inc.[10] :
[59] Le Tribunal est d’avis que l’Arbitre n’a pas commis une erreur révisable en décidant que le Règlement applicable est celui en vigueur avant les modifications apportées à l’article 27 [notre ajout : équivalent de l’article 10 pour les copropriétés] par l’adoption du Décret 156-2014, le 1er janvier 2015. […]
3. Le délai de dénonciation de six mois est de rigueur et ne peut pas être prolongé
[65] La version applicable de l’article 10 du Règlement stipule :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir;
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[66] Comme le soussigné le rappelait dans l’affaire Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation[11], le délai de dénonciation de six mois est un délai de déchéance:
[64] […] l’état du droit à cet effet est clair : le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement est un délai de rigueur et de déchéance.
[65] Dans l’affaire Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, écrit :
[31] Le Tribunal est d’avis […] que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 (…) du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension.
[36] En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et à le (sic!) droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés
[66] Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[12]
Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé. Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.). Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.
[67] L’avis doit être donné par écrit dans les délais fixés par le Règlement à l’Administrateur qui cautionne les obligations contractuelles de l’Entrepreneur pour qu’il puisse intervenir à brève échéance.
[68] Malgré tous les pouvoirs qui sont dévolus à l’arbitre en vertu du Règlement et selon la jurisprudence à cet effet[13], le Tribunal d’arbitrage ne peut pas faire appel à l’équité pour faire réapparaître un droit déchu qui n’existe plus, il ne s’agit pas ici de suppléer au silence du Règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie, malgré toute la sympathie qu’il pourrait avoir envers le Bénéficiaire.
[69] Dans l’affaire Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis[14], l’honorable juge Michèle Monast de la Cour supérieure affirme :
[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.
[76] L'équité est un concept qui fait référence aux notions d'égalité, de justice et d'impartialité qui sont les fondements de la justice naturelle. Dans certains cas, l'application littérale des règles de droit peut entraîner une injustice. Le recours à l'équité permet, dans certains cas, de remédier à cette situation.
[77] Les propos tenus par la professeure Raymonde Crête dans un article récent permettent de mieux saisir la nature et les limites du pouvoir de l'arbitre en matière d'équité:
« PRELIMINARY REMARKS ON THE CONCEPT OF EQUITY
[…] 11. […] As mentioned by Philippe Jestaz, the auxiliary function of equity is possible, "when the legislator refuses to give a precise command and leaves in the hands of the judges the task of preceding individual treatment (within certain legal limits).» [CRETE, Raymonde: «Dealing with Unfairness: Some observations on the Role of the Courts in Designing a Fair Solution», (2003) 36 U.B.C.L. Rev.519-540].
[70] D’autre part, qu’un vice se manifeste seulement pendant une saison sur quatre au cours d’une année ne change pas le contenu de la version applicable du Règlement qui n’a pas prévu d’interruption de délai de dénonciation en cas de changement de saison.
[71] Dans l’affaire Evangelista et Lamolinara c. Construction Trilikon et la Garantie Abritat[15] entendue par le soussigné, il s’agissait de glace qui ne se manifestait que l’hiver :
[160] Le Règlement à l’article 10 dit très clairement que le délai de dénonciation est de six mois de la découverte, les Bénéficiaires ont attendu trois hivers avant de le dénoncer par écrit à l’Administrateur et à l’Entrepreneur.
[72] Dans l’affaire Domaine c. Construction Robert Garceau Inc. et la Garantie Qualité Habitation[16], notre collègue Me Michel A. Jeanniot, arbitre, écrit:
[58] Le Tribunal comprend qu’il ne s’agit pas ici de plaider sa propre turpitude mais, l’ignorance du délai de six (6) mois prévu aux articles 3.2, 3.3 et/ou 3.4 du contrat de garantie et/ou de l’article 10 du Règlement ainsi que la bonne foi des parties ne constituent pas des éléments en droit qui habilitent le décideur à faire fi d’un délai de déchéance. Tout motif, quel qu’il soit, (si noble soit-il) ne peut reposer sur un fondement juridique puisque même si la preuve révèle qu’il pouvait s’agir de l’erreur ou de la négligence d’un tiers mandataire et/ou conseiller, il s’agit ici d’un délai de déchéance; sitôt le calendrier constaté, l’arbitre est dans l’impossibilité d’agir. (nos soulignés)
[73] Notre collègue Me Johanne Despatis, arbitre, affirme dans Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc.[17] :
[28] Il est vrai que l’audience m’a permis de constater que le point 3 concerne un problème qui, s’il avait été dénoncé à temps, aurait pu être corrigé en conformité du Plan. Force est toutefois de constater, après analyse du Plan, qui est clair et impératif au sujet de ces questions, et à la lumière de toute la jurisprudence pertinente à la sanction de ce délai de six mois, qu’il s’agit d’un délai impératif qu’il n’est tout simplement pas possible d’ignorer ni de contourner en invoquant l’équité.
La preuve
[74] Le Bénéficiaire avait le fardeau de prouver avoir rempli son obligation légale, soit d’avoir dénoncer sa « problématique » au plus tard six mois avoir l’avoir découverte ou après sa survenance.
[75] Le Bénéficiaire a affirmé qu’au premier hiver, l’Entrepreneur lui a dit que c’est l’assèchement des matériaux d’une maison neuve.
[76] Le Tribunal d’arbitrage conclut comme le Bénéficiaire qu’à ce moment il ne croit pas avoir de problème de défaut de construction, croyant à la cause naturelle de ses ennuis.
[77] Cependant, la situation est toute autre à la lecture de la lettre du 4 juillet 2018, car on apporte des correctifs dès 2015 pour ce qui ne peut pas être associé à une cause naturelle.
[78] Notre collègue Jean Philipe Ewart affirme dans sa décision Syndicat de copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[18] :
[87] Divers éléments de l’affaire Coloccia c. Trilikon (citée ci-haut), décision de juillet 2010, ont aussi été plaidés. Cet arrêt a été rendu par le soussigné et certains des principes élaborés ou analysés trouvent application aux présentes, mais qu’il suffise de dire que la connaissance du bénéficiaire dans cette cause [Coloccia c. Trilikon[19]] ne fut cristallisée que suite à une réalisation que le problème n’était pas ce qui avait été décrit comme ‘étant un phénomène normal’ tant par l’entrepreneur que sous la documentation de l’administrateur, mais un vice.
[79] Ainsi donc, le Bénéficiaire a connaissance avant l’été 2018 que ce n’est pas l’assèchement des matériaux son problème, mais bien, que l’Entrepreneur ne pourra pas régler son problème et si l’Entrepreneur dit qu’il ne peut pas régler le problème, alors c’est là qu’ils se sont dit qu’ils ont un problème.
[80] Le Bénéficiaire plaide qu’il a été raisonnable, « client honnête et transparent envers l’Entrepreneur et l’Administrateur du Plan de Garantie et qu’il a pris tous les moyens raisonnables pour éviter les dégâts éventuels ».
[81] La nouvelle version d’après le 1er janvier 2015 parle de délai raisonnable, sans mettre de limite de temps, permettant ainsi au décideur de pouvoir conclure si le Bénéficiaire a été raisonnable ou non, comme le Bénéficiaire le plaide.
[82] Toutefois, la version applicable en 2013 a mis un « bâillon » en stipulant que le délai maximal est de six mois et qu’après six mois, son droit est déchu.
[83] Pour résumer en une phrase la position du Tribunal, même si le Tribunal d’arbitrage en venait à la conclusion que le Bénéficiaire avait bien expliqué pourquoi il a agi de façon raisonnable et pourquoi son délai de dénonciation était raisonnable, le Tribunal d’arbitrage a les mains liées par la version applicable du Règlement applicable au bâtiment résidentiel des Bénéficiaires, Règlement que trois arrêts de la Cour d’appel ont jugé comme étant d’ordre public, puisque ce délai raisonnable ne peut pas excéder six mois et le Bénéficiaire n’a pas rempli son fardeau de preuve qu’il l’a respecté.
[84] A la lumière des interventions de 2015, 2016, 2017 décrites à la lettre du 4 juillet 2018, pour corriger une problématique qui, à l’évidence, n’est plus considérée comme causée par de l’asséchement naturel des matériaux, il n’appartient pas au Tribunal d’arbitrage de déterminer la date de calendrier exacte et précise à laquelle les Bénéficiaires ont eu connaissance de la présence d’une problématique, puisque le fardeau de prouver qu’ils ont respecté le délai de six mois prescrit à l’article 10 du Règlement leur appartient, ils n’ont pas rempli ce fardeau d’autant plus que la preuve est à l’effet qu’ils ne l’ont pas respecté.
[85] La Cour d’appel dans l’affaire Desindes (citée ci-haut) a affirmé:
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.
[86] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires ne peut pas être accueillie.
RÉSERVE DES DROITS
[87] Vu la conclusion du Tribunal d’arbitrage quant au délai de dénonciation, la présente décision ne porte que sur ce délai de dénonciation limité à six mois dans la version du Règlement applicable au bâtiment des Bénéficiaires, à supposer que la problématique était couverte par le plan de garantie, et non sur le fond de la problématique, sans que cette affirmation puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre quant à la problématique elle-même.
[88] L’article 11 de la Loi sur le bâtiment[20] stipule :
11. La présente loi n'a pas pour effet de limiter les obligations autrement imposées à une personne visée par la présente loi.
[89] Le Tribunal rappelle la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[21]:
[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.
[90] Dans la décision arbitrale Syndicat de la Copropriété Les Jardins du Parc c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[22], alors que l’administrateur avait admis l’existence d’un vice (ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier), mais dénoncé hors les délais, notre collègue Me Johanne Despatis, arbitre, écrivait :
[56] Cela est certes regrettable mais je ne peux pour ma part aller au-delà des limites que le législateur a fixées à la juridiction de l’arbitre.
[91] Dans la décision arbitrale Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc[23], notre collègue Me Jean Robert LeBlanc rappelle :
Enfin, le Tribunal souligne que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits d’une Partie d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
[92] Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits des Bénéficiaires de porter leurs prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie, le tout, sujet aux règles de la prescription civile et de droit commun, sans que cette affirmation ne puisse être interprétée comme étant une opinion, dans un sens ou dans l’autre, sur le bien-fondé de la réclamation des Bénéficiaires quant au fond.
FRAIS
[93] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[94] Chaque cas est un cas d’espèce.
[95] Vu tous les faits, vu que la demande d’arbitrage fut produite de bonne foi, vu l’article 116 du Règlement, le Tribunal départage les frais d’arbitrage de la façon suivante, soit $50.00 pour les Bénéficiaires et le solde à l’Administrateur.
[96] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE
[97] REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires et RÉSERVE le droit des Bénéficiaires, à supposer qu’ils aient un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, leur réclamation objet des présentes, contre toute personne autre que l’Administrateur et sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[98] MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 4 janvier 2019 à toutes fins que de droit;
[99] CONDAMNE les Bénéficiaires à payer la somme de $50.00 à SORECONI pour leur part des frais d’arbitrage;
[100] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, moins le montant de $50.00, à la charge de Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. (« l’Administrateur ») conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par SORECONI, après un délai de grâce de 30 jours ;
[101] RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. (« l’Administrateur ») ses droits à être indemniser par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 10 juillet 2019
__________________________
ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / SORECONI
Autorités citées :
Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56.
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.).
Daigle c. Le Marquis Concept et La Garantie Habitation du Québec GAMM 2012-08-033, 17 juin 2013, Claude Dupuis, arbitre.
Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Roland-Yves Gagné, arbitre.
3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
Rénovation Michel Robert Inc. c. SDC du 325 et 327 Ovila-Rhéaume et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-051602-NP, 23 mars 2017, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
Ovila-Rhéaume et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-051602-NP, 23 mars 2017, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
La Garantie habitation du Québec c. M, REJB 2002-33076 (Denis Desrochers, j.c.s.).
Syndicat de la copropriété 400 Place du Louvre c. La Garantie Habitation du Québec Inc. et 9119-3557 Québec Inc. 2018 QCCS 881 (Élise Poisson, j.c.s.).
Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation Soreconi 100508001, 26 novembre 2010, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ Soreconi 070424001, 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre
Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Jacques Dufresne J.C.S.)
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Gilles Hébert J.C.S.).
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis 2007 QCCS 4701 (Michèle Monast J.C.S.).
Evangelista et Lamolinara c. Construction Trilikon et la Garantie Abrita CCAC S15-101101-NP, Roland-Yves Gagné, arbitre, 19 avril 2017.
Domaine c. Construction Robert Garceau Inc. et la Garantie Qualité Habitation CCAC S13-091201-NP, 16 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc. GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
Syndicat de copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S09-240701-NP, 12 mai 2011, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre.
Coloccia c. Trilikon CCAC S09-231001-NP, 30 juillet 2010, Me Jean Philippe Ewart, arbitre.
Spooner c. Fournier 2009 QCCS 1652 (Chantal Massé, J.C.S.).
Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot:2009 QCCS 909 (Johanne Mainville, J.C.S.).
Syndicat de la Copropriété Les Jardins du Parc c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ GAMM 2009-09-0003 28 janvier 2010, Me Johanne Despatis, arbitre.
Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc, CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014, Jean Robert LeBlanc, arbitre.
[1] 18 3° dans les 15 jours de la réception de l'avis prévu au paragraphe 2, l'administrateur demande à l'entrepreneur d'intervenir dans le dossier et de l'informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu'il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;
[2] AZ-50285725, 15 décembre 2004.
[3] 2011 QCCA 56.
[4] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211.
[5] 2011 QCCA 56.
[6] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).
[7] GAMM 2012-08-033, 17 juin 2013.
[8] Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [128] et seq. 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [446] à [467]; voir aussi au même effet, entre autres, Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre; Rénovation Michel Robert Inc. c. SDC du 325 et 327 Ovila-Rhéaume et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-051602-NP, 23 mars 2017, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[10] 2018 QCCS 881 (Hon. Élise Poisson, j.c.s.).
[11] Soreconi 100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[12] La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447.
[13] Voir, par exemple, Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E.
2002-1514 (Jacques Dufresne J.C.S.) : 97. L'article 116 du
Règlement est une autre manifestation de la volonté du législateur d'accorder
une grande latitude à l'Arbitre appelé à décider d'un différend : «Un arbitre
statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l'équité
lorsque les circonstances le justifient.»
98. Il n'est pas fréquent de retrouver une disposition expresse autorisant un
décideur à faire appel à l'équité. Cette mention est significative d'une
volonté de mettre en place, au bénéfice des parties visées par le Règlement, un
mécanisme de règlement des différends qui soit efficace. ; Garantie des
bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Gilles Hébert J.C.S.) :
[26] En équité et à l'égard de Charles qui s'est toujours conformé aux
directives de l'APCHQ, l'arbitre juge bon de rappeler à la Garantie que
l'entrepreneur a souscrit un engagement qui a causé problème et qui peut encore
causer problème et il rappelle à la Garantie son devoir moral d'intervenir.
[27] Le but de la Loi sur le bâtiment et du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs est d'assurer que l'acquéreur d'une maison
neuve auprès d'un entrepreneur faisant partie de l'APCHQ a une assurance que la
maison neuve sera en bon état. Il serait naïf de croire que le prix de vente
établi par un entrepreneur ne tient pas compte des coûts reliés au contrat de
Garantie. [28] Le tribunal conclut que l'arbitre a exercé une certaine
discrétion en faisant appel à l'équité comme la loi le lui permet et il n'a pas
excédé sa juridiction.
[14] 2007 QCCS 4701.
[15] CCAC S15-101101-NP, Roland-Yves Gagné, arbitre, 19 avril 2017.
[16] CCAC S13-091201-NP, 16 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[17] GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
[18] CCAC S09-240701-NP, 12 mai 2011, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre.
[19] CCAC S09-231001-NP, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, 30 juillet 2010.
[20] B-1.1
[21] 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, J.C.S.).
[22] GAMM 2009-09-0003 28 janvier 2010, Me Johanne Despatis, arbitre.
[23] CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014.