ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec: CCAC

 

 

ENTRE :                                                        CHRISTINA YIP YU CHUNG

                                                                        DICKSON FUNG

                                                                       

                                                                                  (ci-après les « Bénéficiaires »)

 

 

 

ET :                                                                HABITATION A & A INC.

                                                                        GESTION IMMOBILIÈRE NRS

 

(ci-après l’ « Entrepreneur »)

 

 

 

ET :                                                                LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE

 

(ci-après l’« Administrateur »)

Dossier CCAC : S19-112502-NP

 

 

DÉCISION

 

 

 

Arbitre :                                                          Me Jacinthe Savoie

 

Pour les Bénéficiaires :                                Madame Christina Yip Yu Chung

                                                                        Monsieur Dickson Fung

 

Pour l’Entrepreneur :                                     Madame Alina Nicolescu

 

Pour l’Administrateur :                                  Me Pierre-Marc Boyer

 

Date de l’audition :                                        25 février 2020 et 29 octobre 2020

                                                                       

Date de la Décision :                                   14 décembre 2020


 

 

Identification complète des parties

 

 

 

 

 

Bénéficiaires :                                              Madame Christina Yip Yu Chung

                                                                       Monsieur Dickson Fung

                                                                       [...]

                                                                       Brossard (Québec)  [...]

 

 

 

Entrepreneur :                                               Habitation A & A inc.

                                                                       Gestion Immobilière NRS

                                                                       7755, rue Lebourg

                                                                       Brossard (Québec)  J4Y 0B8

 

Et sa représentante :

                                                                       Madame Alina Nicolescu

 

 

 

Administrateur :                                            La Garantie de Construction Résidentielle

                                                                       4101, rue Molson, 3e étage

                                                                       Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

Et son procureur :

                                                                       Me Pierre-Marc Boyer

 

 


Mandat

 

L’Arbitre a reçu son mandat du CCAC le 6 décembre 2019.

 

 

Historique du dossier

 

25-11-2019             Réception de la demande d’arbitrage par le greffe du CCAC

06-12-2019             Notification d’arbitrage transmise aux parties

20-01-2020             Réception du cahier de pièces de l’Administrateur

25-01-2020             Réception de quatre (4) vidéos de la part des Bénéficiaires

28-01-2020             Conférence téléphonique tenant lieu et place de conférence préparatoire

03-02-2020             Émission du procès-verbal de la conférence du 28 janvier 2020 et Avis de convocation pour l’enquête et audition fixée le 25 février 2020

25-02-2020             Visite et poursuite de l’enquête et audition sur les lieux. Fixation de la deuxième journée d’audition le 19 mars 2020

12-03-2020             Remise de l’audition du 19 mars 2020 en raison d’un malentendu ayant pour conséquence que la citation à comparaître adressée à l’inspecteur municipal n’a pas été signifiée à ce dernier

13-03-2020             Transmission d’un avis de convocation pour la poursuite de l’audition au 16 avril 2020

19-03-2020             En raison de la crise sanitaire, l’audition du 16 avril 2020 a été remise et le dossier suspendu

26-08-2020             Conférence téléphonique tenant lieu et place de conférence préparatoire

27-08-2020             Émission du procès-verbal de la conférence du 26 août 2020

31-08-2020             Avis de convocation pour la poursuite de l’enquête au 30 septembre 2020

29-09-2020             Transmission d’une correspondance de l’Arbitre afin de proposer aux parties de tenir l’audition du 30 septembre 2020 à distance ou de la reporter pour la tenir en personne et ce, étant donné les directives du gouvernement émises en date du 28 septembre 2020

29-09-2020             Les Bénéficiaires n’ayant pas signifié la citation à comparaître à l’inspecteur municipal et l’Administrateur préférant procéder en personne, l’audition du 30 septembre 2020 est remise

07-10-2020             Avis de convocation pour la poursuite de l’enquête au 29 octobre  2020

29-10-2020             Deuxième journée d’audition à l’Hôtel Escad Quartier Dix 30

14-12-2020             Décision

 

                                

Admissions

 

[1]       Il s’agit d’un bâtiment isolé, non détenu en copropriété divise et situé au [...] à Brossard (Bâtiment).

 

[2]       Le 17 mai 2018, la réception du Bâtiment est intervenue.

 

[3]       Le 30 août 2019, les Bénéficiaires transmettaient le courriel suivant à l’Entrepreneur :

 

«Je vous envoie un courriel concernant notre plomberie qui fait des bruits chaque fois qu’on utilise l’eau.

 

Suite aux réparations effectués [sic] pour corriger la fuite d’eau dans la chambre froide, la plomberie dans le sous-sol fait maintenant de [sic] bruit quand on utilise l’eau dans la maison. L’intensité de ce bruit est plus fort [sic] si on utilise plusieurs consommateurs d’eau en même temps (ex : toilette, lave-vaisselle, douche, etc). On peut même entendre ce bruit à partir du 3ieme [sic] étage (le bruit sort du conduit d’air du système de climatisation).

 

Comme vous m’avez suggéré, j’ai contacté la ville pour qu’ils vérifient le compteur d’eau pour voir si c’est ça qui cause ce bruit et leur plombier n’a trouvé aucun problème avec le compteur. Voir son courriel ci-bas. Il m’a dit que ce bruit est causé par les tuyaux qui cognent contre l’intérieur du mur quand l’eau passe à travers. Pour tester, il a tenu le tuyau pour l’empêcher de bouger pendant que [sic] qu’on laisse l’eau coulé [sic] et on n’entendait plus les vibrations.

 

Je soupçonne que lorsque le plombier que tu as envoyer [sic] pour réparer la fuite d’eau dans la chambre froide a fait sa réparation(en fin Juin passé), il a décollé le tuyau de l’isolation (en mousse) dans le mur. Je l’ai vu tirer sur le tuyau lorsqu’il voulait changer une pièce. On entends [sic] ce bruit depuis cette journée.

 

Est-ce que tu pourrais envoyer un plombier pour examiner et corriger ce problème? Cette vibration des tuyaux pourrait entraîner plus de problèmes.»

 

[4]       Le 30 octobre 2019, l’Administrateur émettait une décision comprenant 28 points (Décision).

 

[5]       Dans cette Décision, l’Administrateur rejette la réclamation des Bénéficiaires quant au bruit provenant du compteur d’eau, de la façon suivante :

 

1.         «BRUIT EN PROVENANCE DU COMPTEUR D’EAU

 

Les bénéficiaires dénoncent entendre un bruit dans toute la maison lorsque qu’ils ouvrent une alimentation en eau, situation qu’ils ont constatée en juin 2019, après quoi ils l’ont dénoncée par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur le 30 août 2019.

 

Lors de notre visite, la bénéficiaire a ouvert diverses sources d’eau (robinet, etc.), ce qui a permis à l’administrateur d’entendre un son trouvant son point de départ au compteur d’eau et se propageant à travers les conduits de ventilation de chacun des étages.

 

La bénéficiaire mentionne avoir de la difficulté à trouver le sommeil puisque dans ses habitudes de vie, elle fait fonctionner les lave-vaisselle, laveuse etc. durant la nuit.

 

Elle nous a de plus indiqué que le compteur d’eau a été vérifié par un employé municipal, lequel a établi que le compteur d’eau fonctionnait.

 

Il importe de spécifier que ce n’est pas le fonctionnement du compteur d’eau qui est remis en cause mais plutôt le clappement qu’il émet lors de son fonctionnement, lequel nous sommes en mesure d’entendre à la grandeur du bâtiment puisque le son circule sans obstacle et s’amplifie par l’effet de résonnance, par les conduits de ventilation.

 

Analyse et décision (point 1)

 

En ce qui concerne le point 1, la visite des lieux nous a permis de constater qu’il s’agit d’une situation qui découle de la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur.

 

En effet, il demeure la responsabilité de la ville de fournir des équipements de contrôle qui n’entachent pas la quiétude des bénéficiaires, tout en conservant leur fonction première, dans le cas présent, un compteur d’eau.

 

Or, voici ce que le paragraphe 6 de l’article 12 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit dans de telles circonstances :

 

« 12. Sont exclus de la garantie :

6o la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur; »

 

Dans les circonstances, l’administrateur doit rejeter la réclamation des bénéficiaires à l’égard du point 1.

 

POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :

 

REJETTE la réclamation des bénéficiaires à l’égard du point 1.»

 

[les soulignés sont de l’Administrateur]


 

[6]       Le 25 novembre 2019, les Bénéficiaires ont porté le point 1 de la Décision en arbitrage.

 

 

Visite des lieux et audition

 

[7]       Les parties, le procureur de l’Administrateur ainsi que l’Arbitre ont procédé à la visite des lieux le 25 février 2020.

 

[8]       Étaient présents lors de l’audition:

 

          Pour les Bénéficiaires :         Madame Christina Yip Yu Chung

                                                           Monsieur Dickson Fung

                                                           Monsieur Normand Diotte, inspecteur de la ville de Brossard (présent seulement pour une partie de l’audition)

 

Pour l’Entrepreneur :              Madame Alina Nicolescu, représentante de                                                                     l’Entrepreneur

 

Pour l’Administrateur :           Madame Camille Bélanger, conciliatrice

                                                 Me Pierre-Marc Boyer

 

 

Position des Bénéficiaires

 

Christina Yip Yu Chung

 

[9]       Madame Chung explique que l’Entrepreneur a effectué des travaux correctifs au Bâtiment suite à un problème de fuite d’eau dans la chambre froide située au sous-sol du Bâtiment. Notamment, le sous-traitant de l’Entrepreneur a ouvert le gypse et a remplacé une partie du tuyau raccordé au compteur d’eau. Pour ce faire, il a décollé ledit tuyau de l’isolant en styromousse qui le recouvrait.

 

[10]    Depuis ce temps, lorsque quelqu’un utilise de l’eau, elle entend des claquements assez bruyants. L’intensité de ces claquements augmente en fonction du nombre de sources d’eau utilisées. Elle précise que le bruit se fait entendre même au deuxième étage du Bâtiment, par les trappes d’aération.

 

[11]    À la suggestion de l’Entrepreneur, elle a communiqué avec la ville de Brossard. Cette dernière a dépêché un inspecteur afin qu’il procède à la vérification du compteur d’eau.

 

[12]    Elle rappelle qu’avant la modification du tuyau, elle n’a jamais entendu de bruit de claquements.

 

[13]    La semaine dernière, les Bénéficiaires ont fait un test soit de tenir le compteur d’eau. Il appert que le son était atténué près du compteur mais aussi soutenu qu’avant dans le reste du Bâtiment.

 

 

Dickson Fung

 

[14]    Monsieur Fung est le fils de madame Chung. Il réitère le témoignage de cette dernière. De plus, il invite l’Arbitre à visionner quatre (4) vidéos transmises au soutien des prétentions des Bénéficiaires.

 

[15]    Il ajoute que le bruit de claquements est plus fort en été notamment lors du fonctionnement des gicleurs extérieurs.

 

 

Normand Diotte

 

[16]    Monsieur Diotte explique qu’il est à l’emploi de la ville de Brossard depuis 23 ans. Il est plombier et la majeure partie de son temps est dédiée aux compteurs d’eau. Il change de 400 à 500 compteurs d’eau par année et ce, « surtout en raison de leur âge ».

 

[17]    Il indique qu’il est vraiment inhabituel pour lui de remplacer un compteur défectueux. Il évalue ces remplacements à moins de 1 pourcent (1%).

 

[18]    Il ajoute qu’un compteur d’eau bruyant est plutôt rare. Il mentionne que si un tuyau relié au compteur d’eau est situé à l’intérieur d’un mur de bois et qu’il n’y a pas suffisamment d’espace, il arrive qu’il entende des claquements.

 

[19]    Monsieur Diotte confirme qu’il a inspecté le compteur d’eau installé dans le Bâtiment. Il a procédé au changement dudit compteur pour écarter l’hypothèse du compteur défectueux.

 

[20]    Ce changement n’a pas eu d’impact sur le bruit de claquements entendu. Selon monsieur Diotte, il est impossible que les 2 compteurs d’eau installés dans le Bâtiment soient à l’origine de ce problème de bruit. Un seul compteur défectueux est une situation exceptionnelle mais 2, « ça ne se peut pas!  ».

 

[21]    Il a essayé de bouger le tuyau mais il n’y avait aucun jeu.

 

[22]    Selon lui, la problématique s’explique soit par le tuyau qui est appuyé sur l’ossature de bois des murs ou par l’absence d’espace pour le tuyau.

 

[23]    Habituellement, un compteur ne fait pas de bruit de claquements.

 


 

Position de l’Entrepreneur

 

Alina Nicolescu

 

[24]    Madame Nicolescu explique que:

 

[24.1]     le compteur d’eau a été fourni par la ville de Brossard. Toutefois, c’est l’Entrepreneur qui l’a installé et qui a choisi son emplacement, lequel emplacement est approuvé par la ville;

 

[24.2]     le tuyau annexé au compteur se situait dans l’isolation et il a été décollé de cette isolation pendant les travaux correctifs;

 

[24.3]     s’il y a un problème de tuyau, il existait avant la date de la réparation dudit tuyau;

 

[24.4]     le bruit s’explique puisque le compteur est détaché, cette situation produit de la réverbération;

 

[24.5]     normalement, les tuyaux ne sont pas dans l’isolation et il n’y a pas de problème;

 

[24.6]     c’est normal d’entendre le compteur lorsque l’on se situe à côté de ce dernier. En effet, les compteurs de la ville de Brossard ne sont pas les plus silencieux;

 

[24.7]     en fonction de l’emplacement du compteur, il peut arriver qu’il y ait du bruit. Les murs des maisons en bois sont vides donc il y a plus de réverbérations;

 

[24.8]     il se peut que si le compteur n’avait pas été installé à cet endroit, il n’y aurait pas eu ce bruit de claquements;

 

[24.9]     l’Entrepreneur a installé ce type de compteur dans environ 300 maisons et il n’y a jamais eu de problème;

 

[24.10]  les règles du Code de construction et toutes les autres règles ont été respectées;

 

[24.11]  les Bénéficiaires ne peuvent pas alléguer que d’un côté le tuyau n’est pas assez serré puisqu’il a été détaché de la mousse isolante et d’un autre côté, qu’il est trop serré puisqu’il n’y a pas assez de place dans le mur;

 

[24.12]  malgré son affirmation à l’effet qu’il est normal d’entendre ce type de son dans une maison, elle admet par la suite que le bruit de claquements dans le Bâtiment est anormal.

Position de l’Administrateur

 

Camille Bélanger

 

[25]    Madame Bélanger, conciliatrice, explique le bien-fondé de sa Décision relativement au point 1, de la façon suivante :

 

[25.1]     le son entendu dans le Bâtiment prend naissance dans le compteur d’eau. En effet, il s’agit de la même fréquence et du même rythme que le «tic, tic» entendu en se collant l’oreille sur le mur de la salle mécanique;

 

[25.2]     il ne s’agit pas d’un mauvais fonctionnement du compteur d’eau;

 

[25.3]     le claquement entendu est anormal. Il ne s’agit pas d’un son courant;

 

[25.4]     l’Entrepreneur n’est pas responsable de fournir ce type d’appareil;

 

[26]    À la question relative à l’hypothèse de l’emplacement du tuyau pour expliquer le son entendu, elle répond que si on élimine le compteur d’eau, on élime le son entendu dans tout le Bâtiment. Il faut éliminer le problème à sa source.

 

[27]    Selon madame Bélanger, il ne s’agit pas d’un son de tuyau qui cogne contre le bois.

 

[28]    Elle n’est pas en mesure d’expliquer la raison pour laquelle elle invoque l’exclusion stipulée à l’article 12.6 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (Règlement) dans le cadre de la Décision au regard du point 1.

 

[29]    Madame Bélanger ne peut non plus fournir d’explication quant aux faits qu’il n’y avait pas de claquement avant les travaux correctifs de l’Entrepreneur et que le son anormal entendu a débuté après l’exécution de ces travaux.

 

 

Arguments des Bénéficiaires

 

[30]    Monsieur Fung rappelle que l’Entrepreneur et les Bénéficiaires déclarent que le son problématique a débuté après l’exécution des travaux correctifs effectués sur le tuyau annexé au compteur d’eau. Auparavant, il n’y avait aucun problème.

 

[31]    La problématique ne peut provenir du compteur d’eau puisque celui-ci a été changé et le problème de bruit persiste.

 

 


Arguments de l’Entrepreneur

 

[32]    Madame Nicolescu soulève la question suivante : pourquoi le bruit de claquements est apparu suite aux travaux correctifs alors même que la seule partie du Bâtiment touchée par lesdits travaux est un tuyau attaché au compteur?

 

 

Arguments de l’Administrateur

 

[33]    Me Boyer rappelle que ce sont les Bénéficiaires qui ont le fardeau de la preuve.

 

[34]    Il rappelle également qu’il y a plusieurs questions qui ont été soulevées lors de l’audition mais qu’aucune réponse n’a été fournie.

 

[35]    Il souligne qu’aucune expertise n’a été produite. Les Bénéficiaires tentent de renverser la décision d’une conciliatrice d’expérience qui a expliqué que le bruit provenait du compteur d’eau et qu’il ne s’agit pas d’un son de bois qui frotte.

 

[36]    Il souligne que monsieur Diotte n’est pas un expert au sens du Code de procédure civile et, qu’en conséquence, il ne pouvait donner son point de vue sur la situation. Il ajoute que monsieur Diotte est en conflit d’intérêt puisqu’il travaille pour la ville de Brossard.

 

[37]    Par la suite, il admet que pour les fins de son témoignage, il faut prendre en considération son expertise acquise dans le cadre de son travail.

 

[38]    En conclusion, il réitère qu’aucune expertise n’a été produite, qu’il n’y a que des questions sans réponse et que les Bénéficiaires ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve.

 

 

DÉCISION

 

[39]    Le Tribunal rappelle que les Bénéficiaires ont soumis la demande d’arbitrage et qu’ils ont le fardeau[2] de prouver le caractère erroné de la Décision de l’Administrateur relativement au point en litige.

 

[40]    C’est la règle de la prépondérance de preuve qui s’applique, soit la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence[3].

 

[41]    Dans l’année de la réception du Bâtiment, un problème de fuite d’eau est apparu dans la chambre froide au sous-sol du Bâtiment. L’Entrepreneur a corrigé l’origine de cette fuite en remplaçant une petite portion d’un tuyau raccordé au compteur d’eau. Pour ce faire, il a tiré sur le tuyau afin de le décoller de la mousse isolante qui l’enrobait.

 

[42]    La preuve non contredite est à l’effet que la problématique de bruit de claquements a débuté suite à ces travaux correctifs.

 

[43]    Toutes les parties admettent que ce bruit de claquements est anormal. De plus, il est audible au sous-sol, au rez-de-chaussée et au deuxième étage du Bâtiment.

 

[44]    Tant l’Entrepreneur que l’Administrateur cible le compteur d’eau pour expliquer la problématique du bruit. Ainsi, l’Administrateur conclut que sans compteur d’eau, il n’y aurait pas de bruit.

 

[45]    La décision de l’Administrateur se fonde sur l’exclusion découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l’Entrepreneur, sans toutefois pouvoir en expliquer le bien fondé. De plus, madame Bélanger n’est pas en mesure d’éclairer le Tribunal sur les raisons expliquant pourquoi le bruit anormal a débuté après les travaux correctifs.

 

[46]    Il appert du témoignage de madame Bélanger et de la Décision de l’Administrateur que ce dernier n’a aucune idée de la cause du problème.

 

[47]    Or, la jurisprudence, sous la plume de l’arbitre Morissette[4], nous enseigne que le rôle de l’inspecteur est le suivant :

 

« [36]    Le devoir de l’Administrateur lorsqu’il est appelé à vérifier une dénonciation d’un bénéficiaire du Plan de garantie n’est pas de faire peser sur le consommateur le principe de droit du fardeau de la preuve. Son rôle est de sauvegarder les droits des personnes qui bénéficient d’une protection décrite dans le Règlement. Il doit prendre toutes les mesures qui s’imposent pour rendre une décision objective et neutre, basée sur les règles de l’art et technique [sic] du monde de la construction. (…)

 

[37]        (…) La personne qui procède à l’inspection doit toujours faire une enquête objective et complète des divers points dont se plaint un consommateur. Les bénéficiaires sont pour la plupart des gens qui ne connaissent pas les prescriptions et techniques de construction. Le Règlement a été justement adopté et laissé sous la férule de la Régie du Bâtiment pour mettre en place un processus pour la protection des acheteurs de bâtiments résidentiels neufs. L’inspection sert à la protection d’acheteurs de bâtiments résidentiels neufs et à l’application du plan de garantie;

 

[38]        Inspecter est synonyme de contrôler, examiner, explorer, fouiller, prospecter, scruter, surveiller. L’inspecteur doit faire ce travail et en venir à une décision éclairée en fonction de ses propres trouvailles et après une analyse complète et sérieuse de toute la documentation qu’il a en main, que cette documentation lui ai [sic] été remise par un Bénéficiaire, un Entrepreneur ou que son travail lui a permis d’obtenir. L’inspecteur doit être une personne connaissant les méthodes et règles de construction et s’il ne connaît pas un produit ou les causes d’un désordre, son enquête doit lui permettre de rendre une décision éclairée, objective et dénuée d’intérêt; »

 

« [109]  (…) L’administrateur est chargé d’examiner le bâtiment en vertu d’une mission spécifique et de vérifier la qualité du travail de l’Entrepreneur sur le désordre trouvé. Il contrôle, examine, surveille et fait une enquête objective de la situation soumise à son appréciation. Arrivé à sa décision, il détermine de la couverture en fonction des exclusions et conditions d’application du règlement. Il s’agit d’examiner avec soin. Pour inspecter, il ne faut pas que se satisfaire des représentations de l’Entrepreneur, il faut contrôler ces représentations. Il n’y a pas de fardeau de preuve, il y a un devoir de vérification qui permet aux bénéficiaires du Règlement de bénéficier du Plan de Garantie. »

 

[48]    Rappelons, le compteur d’eau n’émettait pas de bruit anormal avant les travaux correctifs. Après les travaux, afin d’écarter l’hypothèse d’un compteur défectueux, il a été remplacé.

 

[49]    Quant au témoignage de monsieur Diotte, le conflit d’intérêt soulevé par l’Administrateur en raison de son lien d’emploi avec la ville de Brossard, ne peut avoir d’impact que sur la valeur probante du témoignage et non sur son exclusion.

 

[50]    Le Tribunal tient compte du témoignage très crédible de monsieur Diotte non pas du point de vue d’un expert reconnu par le Tribunal mais bien comme un inspecteur ayant une expérience de 23 ans dans le domaine des compteurs d’eau.

 

[51]    En conséquence, le Tribunal ne considérera pas les hypothèses de monsieur Diotte quant aux bruits entendus dans le Bâtiment mais retiendra son témoignage quant au faible pourcentage de compteurs défectueux sur une période de 23 ans, et à l’invraisemblance de 2 compteurs défectueux installés dans le même Bâtiment.

 

[52]    Le Tribunal ne croit pas qu’une expertise est absolument nécessaire afin qu’une partie soit en mesure de remplir son fardeau de preuve.

 

[53]    L’Entrepreneur a soulevé la question suivante lors de la présentation de ses arguments : pourquoi le bruit de claquements est apparu suite aux travaux correctifs alors même que la seule partie du Bâtiment touchée par lesdits travaux est un tuyau attaché au compteur?

 

[54]    En considérant la balance des probabilités, la réponse est que les modifications de l’Entrepreneur ont causé le problème de bruit. La seule autre hypothèse soumise par l’Administrateur et l’Entrepreneur a été écartée par le Tribunal, soit le fonctionnement défectueux du compteur d’eau.

 

[55]    Dans la présente affaire, les faits mis en preuve, soit que le bruit a débuté après les correctifs de l’Entrepreneur et que le compteur n’est pas défectueux, sont suffisants pour convaincre le Tribunal du bien-fondé des prétentions des Bénéficiaires. Rappelons de plus que l’Entrepreneur a une obligation de résultat.

 

 

Conclusions

 

[56]    Suivant l’appréciation des faits, des témoignages et de la preuve offerte à l’audience ainsi que de la compréhension du Règlement, de la jurisprudence connue, le Tribunal se doit d’accueillir la demande d’arbitrage des Bénéficiaires concernant le point 1 de la Décision.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires quant au point 1 de la décision du 30 octobre 2019 de l’Administrateur;

 

RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemniser par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) actions(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;

 

LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de l’Administrateur conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

 

 

       Boucherville, le 14 décembre 2020

 

 

       ______________________________

       Me Jacinthe Savoie

       Arbitre / CCAC



[1] RLRQ c. B-1.1, r.8

[2] Article 2803 du Code civil du Québec

[3] Article 2804 du Code civil du Québec

[4] Lefrançois c. 9125-3575 Québec inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc., GAMM 2009-10-001, 7 octobre 2010