TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

ENTRE :                                                      SDC HABITATS SAINT-DENIS PHASE I

 

Bénéficiaire

 

c.

 

LES HABITATIONS DEVLER INC.

 

L’Entrepreneur

                                                                      

Et :                                        

 

LA GARANTIE ABRITAT INC.

 

L’Administrateur

 

No dossier S14-100901-NP

 

           

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Me Roland-Yves Gagné

 

Date de la décision :                                   18 septembre 2015


Description des parties

 

Bénéficiaire

 

SDC Habitats Saint-Denis Phase I

a/s Monsieur Philippe Crevier

[…] Montréal, Qc. […]

 

 

Entrepreneur

 

Les Habitations Devler Inc.

a/s Me Étienne Bisson Michaud

Gascon & associés

Édifice Gare Windsor

1100, avenue des Canadiens de Montréal

Bureau 280

Montréal, Qc. H3B 2S2

 

 

Administrateur

 

Me Marc Baillargeon

Contentieux des garanties Abritat/GMN

7333 Place des Roseraies, 3e étage

Anjou, Qc.

H1M 2X6

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

LES FAITS

[1]       Le 15 septembre 2014, l’Administrateur rendait une décision portant, entre autres, sur les points suivants :

5. Pente au Plancher

6. Fissures et déformations aux finis architecturaux

Les faits (points 5 et 6)

Selon un professionnel ayant inspecté le bâtiment voisin, la présence de pente au plancher des unités ainsi que la présence de fissures aux finis architecturaux pourraient être liées à un déplacement de la structure du bâtiment.

L’inspection n’a pas permis de constater les situations dénoncées, celles-ci ne s’étant pas manifestées aux unités du présent bâtiment.

[2]       Le Bénéficiaire demanda de contester cette décision par arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »).

[3]       L’immeuble du Bénéficiaire est la Phase I des travaux immobiliers de l’Entrepreneur, qui a construit également la Phase II, soit un immeuble adjacent.

[4]       Le bénéficiaire de la Phase II vit également sa réclamation rejetée auprès de l’Administrateur, mais pour d’autres raisons.

[5]       Le bénéficiaire de la Phase II demanda de contester cette décision par arbitrage (Habitats St-Denis Phase 2 c. Les Habitations Devler et La Garantie Abritat S14-061301-NP).

[6]       L’Administrateur informa le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) qu’un seul arbitre devrait être désigné pour entendre les deux dossiers et le même arbitre soussigné fut assigné aux deux dossiers; il en informa les parties par courriel daté du 24 novembre 2014.

[7]       En réponse à ce courriel, l’Entrepreneur écrit le 24 novembre 2014 :

Bien qu’il s’agit d’immeuble mitoyen, il s’agit néanmoins d’un syndicat différent et d’une copropriété différente. Dans ce sens je crois qu’il serait important que les 2 dossiers soient traités de façon indépendante.

[8]       En réponse à ces courriels du 24 novembre, le Bénéficiaire envoyait le courriel suivant le 25 novembre 2014:

Pour notre part, le dossier n’est pas aussi avancé que dans le cas de la phase II. Tel que précisé dans le rapport d’expertise préparé pour la phase II, la problématique faisant l’objet d’une plainte est aussi présente dans notre phase. Toutefois, pour compléter notre dossier, nous sommes actuellement à évaluer l’opportunité de procéder à une inspection et à une analyse qui porterait spécifiquement sur notre phase. Le tout devrait être décidé lors d’une rencontre des administrateurs de notre phase dans les prochains jours et, le cas échéant, nous aurons besoin d’un minimum de 30 jours ouvrables avant d’avoir en main l’expertise. Une fois cette expertise en main, nous  réévaluerons notre dossier ainsi que l’opportunité d’être représenté ou non par un avocat.

Toutefois, dans tous les cas, il serait peut-être opportun de procéder dans un premier temps avec le dossier de la phase II, tout en vous assurant de demeurer saisi de notre dossier pour lequel vous réserveriez alors votre compétence. Ainsi, en fonction de vos conclusions dans le dossier de la phase II, il y aura peut-être lieu de réévaluer notre dossier. Cela éviterait peut-être à chacun des procédures inutiles. De notre côté, cette question sera discutée au cours de notre rencontre d’administrateurs prochaine.

[9]       Le 17 décembre 2014, le Bénéficiaire faisait part des points soumis à l’arbitrage :

[1.1] le Bénéficiaire a mentionné

[1.1.1] que sa demande d’arbitrage de la décision du 15 septembre 2014 portait sur les deux points suivant :

[1.1.1.1] point    5 :    Pente au plancher

[1.1.1.2] point 6 : Fissures et déformations

 aux finis  architecturaux

[10]    Le 9 mars 2015, le Bénéficiaire écrivait ce qui suit :

Comme la problématique semble trouver son origine dans la phase II, nous pensons que nous pourrions ainsi éviter d’éventuels coûts à toutes les parties. En effet, s’il s’avérait que la plainte du syndicat de copropriété de la phase II ne soit pas accueillie, il sera alors inutile pour notre phase de poursuivre les procédures.  Au contraire, s’il s’avérait que la plainte du syndicat de copropriété de la phase II était accueillie, les parties pourraient mener des discussions à savoir si la méthode correctrice de la problématique de la phase II ne règle pas du même coup la problématique pour l’ensemble de l’immeuble et/ou s’il ne convient pas de nous entendre sur une méthode correctrice. À défaut d’entente, il conviendrait alors de procéder.

En somme, dans plusieurs scénarios, il pourrait s’avérer inutile de mener les deux procédures en parallèle.

[11]    Le 9 mars 2015, le soussigné écrivait ce qui suit et demandait à l’Administrateur et à l’Entrepreneur s’ils s’objectaient à cette demande de suspension de l’instance : l’Entrepreneur n’a envoyé aucun commentaire :

Me Marc-André Baillargeon

Monsieur Benoît Leroux,

Nous demandons aux représentants des autres parties, Me Marc […] Baillargeon et Monsieur Benoît Leroux, de nous indiquer d'ici et au plus tard, lundi prochain le 16 mars 2015 à 16:00 s'ils ont objection à la demande de suspension contenue dans le courriel du représentant du Bénéficiaire, et pour quels motifs, à défaut de quoi, nous comprendrons qu'aucune partie n'a d'objection et il n'y aura pas lieu de tenir de conférence téléphonique le 7 avril.

 

[12]    Seul l’Administrateur a répondu à cette demande d’objection ou non, l’Entrepreneur n’a fait aucun commentaire à ce sujet; par courriel du 13 mars 2015, l’Administrateur écrit :

L’Administrateur vous confirme qu’il n’a pas d’objection à la suspension du dossier, telle que demandée par le Syndicat Bénéficiaire, et ce, pour les motifs déjà exprimés par monsieur Crevier, représentant du SDC.

[13]    Le 16 mars 2015, le Tribunal d’arbitrage rendait la décision qui suit (extraits):

[13.1]    Vu la demande du Bénéficiaire, vu l’absence d’objection des autres parties, vu l’état actuel du dossier Phase II (Syndicat des copropriétaires des condos Habitats St-Denis Phase 2 c. Les Habitations Devler et La Garantie Abritat S14-061301-NP) pour lequel le soussigné a été désigné comme arbitre, le Tribunal d’arbitrage : […]

[13.2]    ORDONNE la suspension de l’instance dans le présent dossier d’arbitrage, jusqu’à ce qu’une décision finale ait été rendue, ou la survenance d’un désistement ou d’un règlement hors cour, dans le dossier de la phase II - Syndicat des copropriétaires des condos Habitats St-Denis Phase 2 c. Les Habitations Devler et La Garantie Abritat S14-061301-NP, SOUS RÉSERVES, d’ici ces échéances, du droit des parties de demander, et du soussigné de sa propre initiative d’ordonner, l’arrêt de la suspension et la reprise, temporaire ou définitive, de l’instance, si les fins de la justice le requièrent.

[14]    Le 13 juin 2015, le Tribunal d’arbitrage rendait une décision finale dans l’autre dossier (Phase II), ce qui mettait fin à la suspension de l’instance d’arbitrage du présent dossier (Phase I).

[15]    Le dernier paragraphe de la décision du 13 juin 2015 se lit ainsi :

[235] Pour ces motifs, et considérant les faits particuliers de cette cause et le droit applicable, les frais d’arbitrage, selon les articles 116 et 37 du Règlement, seront partagés entre le Bénéficiaire pour la somme de cinquante dollars ($50.00) et le solde des frais de l’arbitrage sera assumé par l’Administrateur du Plan de Garantie.

[16]    Le 29 août 2015, le Bénéficiaire informait par courriel le soussigné et les autres parties de ce qui suit :

Maître Gagné,

Maître Baillargeon,

Monsieur Leroux,

Par la présente, nous vous informons que nous nous désistons du dossier cité en objet. Toutefois, nous vous demandons de maintenir votre compétence advenant qu’il y ait mésentente sur le partage des frais relatifs au dossier.

[17]    Le 31 août 2015, l’arbitre soussigné envoyait un courriel aux parties, qui contenait l’extrait suivant sur la question des frais:

nous vous signalons que c'est une question de droit et nous attirons votre attention sur nos conclusions quant à la phase deux sur les frais. Avez-vous un autre argument à soumettre avant que nous devions trancher?

[18]    Le 31 août 2015, l’Administrateur, à supposer qu’il fût condamné aux frais, ou à une partie de ces frais, fit la requête suivante :

Après relecture des par. 225 à 235 de votre Décision arbitrale du 13 juin 2015, concernant la Phase II de ce même projet, nous comprenons que vous avez l’intention de condamner l’Administrateur aux frais d’arbitrage, à l’exception d’une somme de 50 $, payable par le Syndicat demandeur, Phase I.

Afin de faciliter le recouvrement de ces frais auprès de l’entrepreneur conformément à l’article 78, 3e par. du Règlement & annexe II, auriez-vous l’obligeance de décréter une «condamnation solidaire» entre l’Administrateur (Garantie Abritat Inc.) et l’Entrepreneur Les Habitations Devler Inc.

[19]    Le 1er septembre 2015, l’Administrateur ajoute :

En réponse à votre question concernant l’article applicable du Règlement permettant de demander une condamnation solidaire pour les frais (incluant frais du CCAC + coût de l’arbitrage (honoraires et dépenses de l’arbitre) il n’y a aucune mention précise au Règlement. (Voir cependant l’art. 78, 3e par. & annexe II, 5e & 19e par., prévoyant l’engagement de l’entrepreneur de rembourser à l’Administrateur « (…) les coûts exigibles pour l’arbitrage») […] Votre collègue Me Jeanniot a accepté récemment de rendre une décision en ce sens. (Voir SDC Pimbina c. Const. Nomade Faubourg Boisbriand, en date du 9 juillet 2015, CCAC # S13-052401). Il y en a d’autres mais je n’ai pas les références sous la main […]

[20]    Le 2 septembre 2015, l’Entrepreneur s’objecte à être condamné aux frais :

[…] je comprends que la facture risque de m’être refilé pour une cause dont je ne suis pas l’initiateur qui plus est que la partie adverse se désiste selon sa propre décision […] je m’explique mal pourquoi je devrais assumer ces frais.

[21]    Le 16 septembre 2015 avant-midi, l’Administrateur accepta d’assumer les frais, ajoutant ce qui suit :

L’Administrateur paiera les frais d’arbitrage dans ce dossier et procédera par la suite à récupérer ladite somme pour frais de l’Entrepreneur, et ce, conformément à la Convention d’adhésion signée entre l’Entrepreneur et l’Administrateur.

Aucune décision de votre part n’est donc requise.

[22]    Le 16 septembre, par l’entremise de son procureur, l’Entrepreneur s’objecte en ces termes :

Nous représentons les intérêts de Les Habitations Devler Inc. (« Entrepreneur »), laquelle nous a remis copie de la correspondance échangée entre SDC Habitats Saint-Denis, Phase 1 (« Bénéficiaire »), La Garantie Abritat Inc. (« Administrateur ») et Me Gagné (« Arbitre ») relativement aux frais de l’arbitrage suite au désistement du Bénéficiaire.

Nous comprenons que le Bénéficiaire se désiste de sa demande d’arbitrage et s’oppose à être responsable des frais de l’arbitrage. De son côté, l’Administrateur, malgré le désistement, accepte d’acquitter les frais de l’arbitrage puisqu’il se retournera vers l’Entrepreneur afin d’être indemnisé.

Puisque l’Administrateur semble accepter d’acquitter les frais d’arbitrage pour ensuite les réclamer auprès de l’Entrepreneur, l’Entrepreneur est en droit de s’opposer à ce que les frais d’arbitrage soient acquitté par toute autre personne que le Bénéficiaire.

Avec respect pour l’opinion contraire, nous sommes d’avis que l’Administrateur, et encore moins l’Entrepreneur, ne devraient être condamnés aux frais de l’arbitrage. Ceux-ci devraient être assumés en totalité par le Bénéficiaire.

Le présent dossier a été suspendu à la demande du Bénéficiaire et ce, afin d’attendre le dénouement du dossier d’arbitrage portant le numéro S14-061310-NP qui concernant un immeuble voisin.

Le présent dossier et le dossier S14-061301-NP n’ont aucunement fait l’objet d’une décision permettant de bénéficier d’une preuve commune. De plus, au début de l’audition du dossier S14-061301-NP, dont le soussigné représentait les intérêts de l’Entrepreneur, il a été discuté que malgré l’existence du présent dossier, ces dossiers étaient traités de façon distincte.

Dans le dossier S14-061301-NP, l’Arbitre, après avoir entendu les parties, leurs témoins de fait, leurs témoins experts et leurs procureurs, a détaillé aux paragraphes 225 à 235 les raisons pour lesquelles il était justifié de se servir de l’article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs afin de faire appel à l’équité pour partager les frais d’arbitrage.

Dans le présent dossier, aucune des parties n’a été entendue et la preuve présentée dans le dossier S14-061301-NP ne peut être utilisé afin de justifier un quelconque partage de frais ou une condamnation envers l’Administrateur et/ou l’Entrepreneur. En se désistant, le Bénéficiaire n’obtient gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation. Par conséquent, aux termes des articles 37 et 123 du Règlement, le Bénéficiaire est ainsi le seul responsable des coûts de l’arbitrage. D’ailleurs, le Règlement ne prévoit aucunement que les frais d’arbitrage suivant un désistement par un Bénéficiaire doivent assumés par l’Administrateur et/ou l’Entrepreneur.

Dans l’éventualité où vous arriviez à la conclusion que l’article 116 du Règlement pourrait être appliqué afin de condamner l’Administrateur et/ou l’Entrepreneur aux paiement des frais d’arbitrage suivant le désistement du Bénéficiaire, nous demandons au tribunal d’arbitrage de détailler et justifier cette décision.

Enfin, si le tribunal d’arbitrage condamne l’Administrateur au paiement des frais suite au maintien de l’acceptation de celui-ci à les acquitter et ce, malgré l’opposition de l’Entrepreneur, nous demandons au tribunal d’arbitrage de bien indiquer dans la décision que la condamnation de l’Administrateur aux frais est faite suite à sa demande malgré l’opposition de l’Entrepreneur. Si telle est la volonté de l’Administrateur, il ne pourra exiger de l’Entrepreneur un remboursement des frais par la suite : l’Entrepreneur se réserve ses droits à cet effet.

[23]    Suite à ce courriel, l’Administrateur change sa position et annonce maintenant qu’il n’accepte plus d’assumer les frais par courriel du 16 septembre:

Vu l’opposition de l’Entrepreneur à être forcé, conformément à la Convention d’adhésion, à rembourser à l’Administrateur, toute somme payée par lui à titre de frais d’arbitrage, et tel que mentionné initialement, nous sommes également d’avis que les frais devraient être assumés par le Syndicat bénéficiaire, seul responsable des demandes d’arbitrage et de suspension du dossier.

Nous laissons le tout à la discrétion du Tribunal d’arbitrage, que vous présidez.

Nous sommes en accord avec les arguments de Me Bisson Michaud, à l’effet que l’article 123 devrait trouver application puisque «le Bénéficiaire n’obtient gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation» ayant choisi de se désister de sa demande d’arbitrage.

[24]    Le 16 septembre 2015, le Bénéficiaire écrit :

À notre avis, le consentement de l'Administrateur, tel que communiqué clairement aux parties plus tôt aujourd'hui devrait être constaté. Par la suite, tout ce qui concerne les rapports entre l'Administrateur et l'Entrepreneur relève de la convention qui les lie, ce qui ne nous concerne pas.

De plus, les nombreuses correspondances survenues depuis le 31 août, entre l'Administrateur et vous, ont été faites alors qu'il semblait acquis que l'Administrateur allait devoir débourser les frais d'arbitrage, ce qu'il a lui-même reconnu dans une correspondance échangée le 31 août. C'était aussi notre compréhension et c'est conformément à cette compréhension que nous avons agit depuis.

Par ailleurs, nous estimons bien entendu que les conditions particulières relatives au présent dossier doivent être prises en compte. D'abord, l'Administrateur a demandé conjointement avec nous une remise dans le dossier, convenant que le fait que l'immeuble soit identique, adjacent et construit sur le même terrain rendait superficiel la tenue en parallèle de deux instances. Cette décision s'est avérée, au final, être profitable tant pour l'Entrepreneur que l'Administrateur. Dans les deux dossiers, la même question était au coeur du litige et lors de la conférence préparatoire, bien que l'Entrepreneur ait annoncé son intention de demander que les deux dossiers soient traités distinctement (ce qui devenu sans objet au moment où vous avez consenti à remettre l'audience), il n'a pas été contredit lors de cette même conférence préparatoire que les immeubles sont identiques et construits sur le même terrain. En somme, on parle du même problème, du même entrepreneur, du même terrain et d'immeubles identiques. N'eût été de cette remise, nous aurions tout aussi bien pu vous demander de joindre les dossiers, raison pour laquelle nous avons demandé que vous soyez nommé aux deux dossiers.

Ainsi, les arguments sur lesquels vous vous appuyez dans votre décision rendue dans le dossier de la phase II sont valables pour notre dossier et font en sorte que nous ne sommes pas dans un cas de figure où un arbitrage aurait été demandé futilement ou abusivement par un Bénéficiaire. Dans notre dossier comme dans celui de la phase II, l'Entrepreneur ne nous a pas fait parvenir l'étude de Solroc. Il ne l'a d'ailleurs pas encore fait à ce jour.

 Nous vous demandons donc, comme vous le permet l'article 116 du Règlement et comme vous l'avez fait dans le dossier de la Phase II, de tenir compte des conditions particulières de ce dossier et de faire appel à l'équité.

[25]    Le 17 septembre 2015, l’Administrateur écrit :

Avec respect pour l’opinion contraire, je vous fais remarquer que la position de l’Administrateur est la même depuis le début de notre échange de courriels.

Notre position se justifie par le fait que vous avez-vous-même sous-entendu, dans votre courriel réponse qui m’était adressé le 31 août à 9 :22, que vous aviez l’intention de condamner l’Administrateur aux frais (comme vous l’aviez fait dans l’autre dossier pour la phase II). Dès lors, nous avons requis à ce que cette condamnation soit solidaire avec l’Entrepreneur, afin de nous faciliter le recouvrement auprès de ce dernier.

Vous nous avez mentionnez également, suite à la réponse du greffe du CCAC, qu’une demande de condamnation solidaire aux frais requiert une décision de votre part. Afin de minimiser les coûts du dossier, nous avons préférez accepter de payer les frais, tout en indiquant clairement dans nos échanges de courriels, et pour éviter à l’entrepreneur toute surprise ou motif pour refuser de payer, que l’Administrateur allait lui refacturer les sommes payées.

Dans les circonstances, et si vous avez toujours l’intention de condamner l’Administrateur aux frais d’arbitrage, nous vous demandons à ce que cette condamnation soit solidaire avec l’entrepreneur.

De plus, nous n’avons toujours pas reçu, de votre part, le coût approximatif de vos honoraires et frais dans le présent dossier. Je pose donc la question à savoir si tout ce débat en vaut vraiment la peine ??

Je suis d’accord avec monsieur Crevier que le procureur de l’Entrepreneur se joint tardivement à nos échanges à ce sujet, mais je vous soumets que l’Entrepreneur a droit de se faire entendre puisque, ultimement il devra payer la facture, si vous choisissez de condamner l’Administrateur aux frais…

Pour la décision ultime, à savoir qui devra payer, je vous laisse trancher la question, puisqu’il en va de votre rôle à titre d’Arbitre au dossier.

Je vous réitère, comme l’a fait également Me Bisson Michaud, que l’article 123 du Règlement indique que l’arbitre départage les coûts lorsque le demandeur est le bénéficiaire, et que le «bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation» Peut-on assimiler un désistement au fait que le bénéficiaire n’a pas eu gain de cause ?, je vous laisse trancher la question.

[26]    Le Tribunal doit trancher un différend dont la valeur sans les taxes est inférieure à $1,750.00.


DÉCISION

[27]     Les dossiers Phase I et Phase II concernent des immeubles mitoyens, comme l’Entrepreneur le mentionne lui-même dans son courriel du 24 novembre 2014 (voir paragraphe [7] ci-haut).

[28]    Les dossiers Phase I et Phase II concernent donc deux immeubles adjacents construits par le même Entrepreneur.

[29]     L’Administrateur a demandé à l’organisme d’arbitrage CCAC qu’un seul arbitre soit désigné pour les deux dossiers Phase I et Phase II.

[30]    Quand le Bénéficiaire a demandé, avec l’accord de l’Administrateur (ou du moins, absence d’opposition signalée au soussigné), la suspension du présent dossier Phase I jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue dans le dossier de la Phase II, l’Entrepreneur n’a émis aucun commentaire, alors que le Tribunal d’arbitrage lui a demandé s’il avait une objection.

[31]    L’Entrepreneur a été entendu lors d’une conférence préparatoire du 15 décembre 2014 dans le présent dossier (Phase I) à laquelle ont participé les personnes suivantes, le tout en présence de l’arbitre soussigné :

Pour la Bénéficiaire :                           Monsieur Philippe Crevier

Pour l’Administrateur :                         Me Manon Cloutier

Pour l’Entrepreneur :                            Monsieur Benoit Leroux

[32]    L’Entrepreneur, représenté par procureur, a eu l’occasion de témoigner à l’audience d’arbitrage de la Phase II, avec ses deux représentants et ses témoins experts.

[33]    En ajoutant les courriels cités dans la présente décision, dans ces circonstances, le Tribunal d’arbitrage rejette respectueusement l’argument de l’Entrepreneur contenu dans sa lettre du 16 septembre à l’effet que « aucune partie n’a été entendue ».

[34]    Le dossier Phase II a fait l’objet d’une décision détaillée sur 235 paragraphes, cités au long comme s’ils étaient ici reproduits, et pour les motifs exposés aux paragraphes 225 à 235, qui font suite aux centaines de paragraphes précédents, le Tribunal d’arbitrage soussigné a conclu dans le dossier de la Phase II :

CONDAMNE le Bénéficiaire à payer la somme de $50.00 au CCAC pour sa part des frais d’arbitrage;

CONDAMNE l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier moins le montant de $50.00.

[35]    Suite aux conclusions rendues dans la décision arbitrale dans le dossier Phase II, le Bénéficiaire déclare se désister de sa demande d’arbitrage.

[36]    Considérant les articles 37 et 123 du Règlement :

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

[37]    Considérant l’arrêt Centre canadien d'arbitrage commercial c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., où la Cour d’appel écrit[1] :

[17] La Loi sur le bâtiment et le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ont prévu un ensemble de mécanismes qui sont censés favoriser, à peu de frais, et de manière expéditive, la résolution des différends découlant d’un Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[38]    Considérant l’affaire Garantie Habitation du Québec c. Jeanniot où la Cour supérieure écrit[2] :

[66] En d'autres termes, en ce qui concerne l'exécution de la garantie, le Règlement n'offre pas un choix entre l'arbitrage et le recours aux tribunaux de droit commun. Il attribue une compétence exclusive à l'arbitre en regard de l'exécution de la garantie et sa décision à cet égard est finale et sans appel. (Nos soulignés)

[39]    Considérant l’affaire Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ où la Cour supérieure écrit[3] :

[25] Bref, en adoptant le Règlement précité il est clair que le législateur désirait soumettre les différends concernant le plan de garantie à un régime d'arbitrage autonome permettant d'accélérer le processus de réclamation et de diminuer les frais qui y sont reliés.[…]

[40]    Considérant que le Règlement a établi (Article 127) que l’organisme d’arbitrage doit être autorisé par la Régie du Bâtiment et qu’il n’est donc pas un tribunal de droit commun.

[41]    Considérant que la présente demande de désistement de la demande d’arbitrage en vertu du Règlement entraîne qu’une décision arbitrale doit être rendue quant aux frais puisque les frais font l’objet d’un différend.

[42]    Considérant le différend entre les parties dans le présent dossier quant aux frais.

[43]    Considérant que les immeubles Phase I et Phase II sont adjacents et que les faits allégués dénoncés pour la Phase II ont entrainé une dénonciation à l’Administrateur et une demande d’arbitrage dans la Phase I.

[44]    Considérant que le Bénéficiaire, qui n’est pas la partie qui a construit le bâtiment ou qui cautionne la partie qui a construit le bâtiment, demande son désistement sans demander quoique ce soit susceptible d’occasionner des frais supplémentaires (appel conférence ou autres) à part de trancher la question des frais.

[45]    Considérant, entre autres, la décision récente de notre confrère Me Philippe Patry suite à un désistement dans l’affaire 7713673 Canada et La Garantie de Construction Résidentielle[4] :

[6] […] Il est à noter que pour les appels d’arbitrage où le Bénéficiaire est le demandeur, le deuxième paragraphe de l’article 123 du Règlement traite de la question du paiement des frais d’arbitrage et laisse une discrétion à l’arbitre en la matière.

[46]    Considérant que l’Administrateur demande une condamnation solidaire avec l’Entrepreneur, vu la manifestation de l’arbitre soussigné de ses premières intentions d’une conclusion quant aux frais qui soit similaire à celle rendue dans la décision rendue dans la Phase II.

[47]    Considérant que suite à l’analyse des arguments des parties, cités ci-haut dans cette décision, et faisant siens les arguments du Bénéficiaire cités comme si reproduits ici au long,  le Tribunal d’arbitrage considère qu’il y a lieu de maintenir ses premières intentions à ce sujet.

[48]    Considérant l’arrêt de la Cour d’appel dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[5], qui rappelle le rôle de caution de l’Administrateur des obligations de l’Entrepreneur : 

 [12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

 

[49]    Considérant que la demande d’arbitrage découle des faits et de l’expertise rapportés au dossier Phase II, cités ici comme reproduits au long.


 

[50]    Considérant qu’un témoin ingénieur produit comme expert par l’Entrepreneur lors du dossier Phase II a affirmé que l’immeuble mitoyen Phase II avait été construit d’une façon, pour paraphraser, qui n’est pas conforme à la règle de l’art, il est impossible de conclure que le recours du Bénéficiaire de l’immeuble adjacent Phase I soit manifestement mal fondé ou qu’il y ait lieu de lui faire un reproche.

[51]    Le Tribunal, s'autorisant de l'article 116 du Règlement qui édicte: “Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient” en plus de l’article 123 du Règlement et des jugements de la Cour d’appel et de la Cour supérieure ci-haut cités, est d'opinion qu’en l’instance dans les circonstances particulières de ce dossier les frais de l'arbitrage se doivent d'être à la charge de l'Administrateur solidairement avec l’Entrepreneur, sauf à distraire 50$ à la charge des Bénéficiaires.

 

PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

[52]    PREND ACTE du désistement du Bénéficiaire de sa demande d’arbitrage dans ce dossier;

[53]    CONDAMNE le Bénéficiaire à payer la somme de $50.00 au CCAC pour sa part des frais d’arbitrage;

[54]    CONDAMNE l'Administrateur du Plan de Garantie solidairement avec l’Entrepreneur à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier au CCAC moins le montant de $50.00.

[55]    DÉCLARE le dossier d’arbitrage clos.

 

Montréal, le 18 septembre 2015

 

 

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Me ROLAND-YVES GAGNÉ

ARBITRE/CCAC


Jurisprudence citée :

SDC Pimbina - Phase 1 c. Construction Nomade Faubourg Boisbriand et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (CCAC S13-052401-NP, 9 juillet 2015, Me Michel A. Jeanniot, Arbitre)

Centre canadien d'arbitrage commercial c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc, 2005 QCCA 728

:

Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909 (Johanne Mainville, J.C.S.)

Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ 2009 QCCS 1941 (Marc Lesage JCS).

7713673 Canada et La Garantie de Construction Résidentielle CCAC S15-031302-NP, 13 juillet 2015, Me Philippe Patry, arbitre.

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause  AZ-50285725, 15 décembre 2004.



[1] 2005 QCCA 728 (19 août 2005) (Pierrette Rayle, j.c.a.) 

[2] 2009 QCCS 909 (Johanne Mainville JCS).

[3] 2009 QCCS 1941 (Marc Lesage JCS).

[4] CCAC S15-031302-NP, 13 juillet 2015, Me Philippe Patry, arbitre.

[5] AZ-50285725 du 15 décembre 2004.