TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
SORECONI : 172606001
GARANTIE ABRITAT : 309090-2
309090-3 ENTRE :
NATASIA MELISA RAMAUTAR
Et
DENNIS CABRAL
« Bénéficiaires »
c.
VENTE ET GESTION E.C.C.B. INC.
« Entrepreneur »
Et
LA GARANTIE ABRITAT INC.
« Administrateur »
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 11 DÉCEMBRE 2017
YVES FOURNIER ARBITRE
IDENTIFICATION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRES : NATASIA MELISA RAMAUTAR
Et
DENNIS CABRAL
[...]
LAVAL, (QUÉBEC)
[...]
ENTREPRENEUR : VENTE ET GESTION E.C.C.B. INC.
184, RUE PLAISANCE
TERREBONNE, (QUÉBEC)
J6Y 0E3
NON REPRÉSENTÉ
ADMINISTRATEUR : LA GARANTIE ABRITAT INC.
5930, BOUL. LOUIS-H. LAFONTAINE
MONTRÉAL, (QUÉBEC)
H1M 1S7
REPRÉSENTÉE PAR
Me MARC BAILLARGEON
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DÉCISION
MANDAT ET COMPÉTENCE
[1] Le Tribunal fut saisi de deux dossiers suite à des demandes d’arbitrage formulées par les bénéficiaires les 29 juillet 2015 et 30 mai 2017. Le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) nomma le soussigné à titre d’arbitre les 2 et 30 juin 2017 afin de disposer de deux décisions du conciliateur.
[2] Les parties n’ont formulé aucune objection préliminaire et/ou touchant la compétence du Tribunal.
HISTORIQUE DES PROCÉDURES
DOSSIER SORECONI : 173 005001 (2)
[3] La réception du bâtiment situé au [...], à Laval se fit en date du 28 juin 2012. La dénonciation des bénéficiaires fut reçue le 26 février 2017 par l’administrateur. L’inspection par le conciliateur prit place le 9 juin 2015 en l’absence de l’entrepreneur.
[4] La décision de l’administrateur est signée du 6 juillet 2015. L’entrepreneur fit faillite le 6 avril 2016. Le 2 juin 2017 le soussigné est désigné comme arbitre par SORECONI.
[5] Deux conférences téléphoniques préparatoires prirent place le 22 août et le 6 septembre 2017.
[6] L’arbitrage s’est tenu à Laval le 15 novembre 2017 en l’absence de l’entrepreneur.
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DOSSIER SORECONI : 173 005001 (3)
[7] À la différence du dossier précédent, il faut noter que la réception de la dénonciation est en date du 15 mars 2017 suivie de l’inspection par le conciliateur le 13 avril 2017. Celui-ci rendit sa décision le 8 mai 2017.
QUESTIONS EN LITIGE
[8] Les parties ont convenu que les points en litige étaient les points 1 à 6 de la décision du conciliateur Robert Roberge rendue le 6 juillet 2015 et les points 1 à 3 de la décision de ce dernier rendue le 8 mars 2017. Monsieur Roberge a rejeté chacun des points sur la base des délais des dénonciations qui doivent prendre place dans les situations des malfaçons ou de vices cachés en construction. L’usure normale et l’aspect sécuritaire furent également analysés.
Ces décisions sont-elles bien fondées en faits et en droit, telle est la question.
PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES
NATASIA MELISA RAMAUTAR
[9] La bénéficiaire, en date de l’audition, est l’unique propriétaire de l’immeuble en cause. Elle y habite depuis la prise de possession.
[10] En date de la réception du bâtiment, le 28 juin 2012 (A-2), elle fut contrainte par la représentante de l’entrepreneur, madame Bock, de procéder rapidement à la visite des lieux laquelle s’effectua sur uniquement trente (30) minutes. Dennis Cabral qui se présenta sur le tard fut sommé par madame Bock de signer sous peine de refus de pouvoir prendre possession des lieux. Elle précise que le camion de déménagement était alors sur place.
[11] Madame Bock leur proposa de prendre en note les différentes déficiences ou malfaçons rattachées au bâtiment et de lui transmettre les détails afin qu’elle puisse les faire corriger ultérieurement par ses employés.
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[12] Au cours des trente (30) premiers jours, madame Bock s’est exécutée en faisant appel à l’un de ses ouvriers afin de donner suite aux demandes des bénéficiaires.
[13] Par la suite, ce fut anémique pour ne pas dire inexistant en ce qui regarde l’exécution. Elle dira :
« Elle est revenue parfois pour dire, oui, oui, je vais faire terminer puis elle disparaissait. »
[14] Fort souvent lorsque les bénéficiaires signalaient une quelconque problématique, madame Bock qualifiait la situation de normale, ajoutant « dans la construction, c’est comme ça … ». Madame Ramautar se qualifie de néophyte en construction. Elle prenait pour acquis que l’entrepreneur savait ce qu’il faisait et qu’il s’exécuterait.
[15] Elle présumait que sa résidence avait été construite selon les lois et les règles de l’art puisque madame Bock lui avait souligné que cette construction lui était attribuée initialement.
[16] Elle passe ensuite en revue les différents points en litige en traitant initialement de la décision du 6 juillet 2015 :
1. Pour les marches instables, madame Bock lui avait promis à l’origine qu’elle allait régler la situation lorsqu’elle procèderait au nivellement du terrain. Une brique avait été déposée temporairement. La situation ne fut jamais corrigée.
2. Pour l’espace vide près du soffite de la toiture cela avait été noté dès les premiers mois. Des nids d’abeilles s’y installaient et elle et son conjoint devaient les éliminer et nettoyer inévitablement. Encore là, madame Bock lui avait dit que c’était « normal ».
3. Pour l’ouverture dans un conduit de ventilation, ils n’ont pas remarqué cette situation au début. Pour madame Ramautar seuls des experts pouvaient déceler une telle problématique. C’est un préposé engagé plus tard qui leur a fait remarquer la malfaçon et elle l’a aussitôt dénoncée à l’administrateur.
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Pour le crépi de ciment sur les marches avant, elle l’a dénoncé à madame Bock qui lui rétorqua que c’était « normal puisque la maison bouge ».
4. Quant au tube d’eau du système de ventilation, elle associe cette situation au point 3, en ce sens que seul l’œil d’un expert peut y voir une problématique. Le tube d’eau n’était plus retenu par une gaine de plastique.
5. Relativement à la prise électrique extérieure, les bénéficiaires l’ont réparée eux-mêmes suite à la décision de l’administrateur. Il y avait de l’infiltration d’eau dans la prise, et cette situation ne pouvaient se voir.
DÉCISION DU 8 MAI 2017
[17] Relativement à la décision du 8 mai 2017, la bénéficiaire apporte les commentaires suivants :
1. Elle ne fait que signaler que le poteau de coin d’escalier ballotte et n’est pas stable, ce qui est anormal et non conforme. C’est une situation qui touche à la sécurité.
2. Relativement au revêtement de bois extérieur qui se décolore et se détache elle admettra que pour la décoloration c’est un phénomène naturel et qu’elle ne peut contester cet effet du temps. Quant au détachement du revêtement, la ‘’situation dépasse ce qui se doit d’être acceptable’’.
3- Relativement aux barreaux d’escaliers qui sont non sécuritaires, elle ignorait la norme de sécurité prescrite. Elle présumait que l’escalier répondait aux normes du Code de construction. Elle en fut avisée par un ouvrier spécialisé qui l’informa qu’il ne devait y avoir une absence d’éléments formant des échelons sur lesquels il serait possible pour des enfants de grimper.
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CONTRE-INTERROTATOIRE
[18] Elle admet avoir reçu le contrat de garantie lors de sa signature mais elle doit reconnaître ne pas l’avoir lu. Elle indique qu’elle privilégiait communiquer avec Garantie Abritat pour obtenir des renseignements. Lors de la visite du conciliateur, ce dernier l’invita à formuler une dénonciation sur les points qu’elle lui ciblait.
[19] Elle soutient que l’entrepreneur (madame Bock) leur déconseillait d’avoir recours à l’inspecteur puisqu’elle ‘’allait de toute façon corriger la situation’’.
[20] L’entrepreneur ne lui a, en aucun temps, expliqué le plan, non plus, a-t-elle requis qu’on lui explique.
[21] Madame Bock lui répondait presqu’en toutes circonstances : « Rappelle-moi, rappelle-moi ». Curieusement, la bénéficiaire ajoutera plus tard : « On avait une bonne relation avec elle ».
[22] Elle justifie le long délai pour dénoncer l’escalier instable par le fait que madame Bock ne cessait de lui répéter qu’elle viendrait corriger la situation.
[23] Selon madame Ramautar, l’entrepreneur collabora jusqu’au printemps 2013 puisque madame Bock souhaitait que les bénéficiaires « signent pour les taxes ».
[24] Lorsque le conciliateur se présentait sur les lieux, il se montrait «très honnête » avec les bénéficiaires. Il expliquait qu’il fallait dans un premier temps contacter l’entrepreneur et s’il se montrait non coopératif, il fallait alors s’adresser à la Garantie.
[25] Elle a revu madame Bock en 2016. « Elle venait et après elle disparaissait, c’était toujours comme ça », fait valoir la bénéficiaire pour expliquer le comportement de madame Bock. Elle était le prototype d’un procrastinateur.
[26] La détérioration du crépi fut remarquée à l’automne 2013.
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[27] Questionnée par le Tribunal, elle reconnaîtra n’avoir jamais lu le contrat de garantie jusqu’à ce jour. Elle aurait communiqué avec une préposée de la garantie qui lui aurait dit de 1 an à 3 ans qu’elle pouvait tout déclarer et que par la suite les points étaient restrictifs dont notamment l’électricité.
[28] Une vingtaine de fois, madame Bock lui aurait dit qu’un ouvrier viendrait, mais sans résultat en bout de piste et d’ajouter :
«Many times. The only time she responded it’s when she needed something from us ».
[29] Questionnée par Me Baillargeon quant à savoir si elle comprenait la décision, i.e. ce qui fut décidé et pourquoi, madame Ramautar répondit par la négative.
[30] Elle comprend qu’il puisse exister des délais mais selon elle il aurait fallu qu’on lui dise.
[31] À la signature, il lui fut remis la brochure explicative de la Régie du Bâtiment du Québec qu’elle n’a jamais lu puisque son réflexe est de toujours communiquer par téléphone et non de faire lecture du document.
[32] Elle n’a pas consulté un avocat par manque d’argent. Toutefois, elle ne devrait pas être pénalisée pour des manquements imputables uniquement à l’entrepreneur. Elle conclut qu’elle s’est exécutée dans les cinq années de la garantie.
DOMENIC AMBROSIO
[33] Mandaté par les bénéficiaires, monsieur Domenic Ambrosio a rédigé un « rapport d’expertise » daté du 21 septembre 2017 suite à une visite des lieux en date du 18 septembre 2017. Le rapport vise notamment à traiter des points en litige mais malheureusement sans jamais déterminer s’ils étaient considérés comme des malfaçons, des vices cachés ou des vices de construction, ni si les décisions de l’administrateur étaient mal fondées, et si oui, sur quelle base. Cela est fort désolant pour la bénéficiaire qui aurait pu être mieux encadrée et mieux conseillée pour la suite des choses.
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[34] Le témoin fut membre de l’ordre des architectes de 1982 à 1984. Par la suite, il pratiqua notamment comme ‘’agent de projet’’ et estimateur en bâtiment. Il se qualifie d’expert professionnel dans le domaine de la construction.
[35] Il dira avoir agi à trois reprises comme expert en bâtiment à la Cour du Québec avant 1990 sans se souvenir particulièrement des années.
[36] Le Tribunal rapportera la qualification des points en litige tels que livrés par monsieur Ambrosio lors de son témoignage.
DÉCISION DU 6 JUILLET2015 :
1. Marches instables au balcon arrière : malfaçon.
2. Espace vide près du soffite de toiture : vice caché.
[37] Il dira que selon la bénéficiaire ce n’était pas apparent lors de la livraison. Questionné par le Tribunal, il devra reconnaître que ceci n’est pas inscrit dans son rapport et qu’il ne lui a pas demandé si elle l’avait constaté à ce moment-là.
3. Ouverture dans un conduit de ventilation : malfaçon.
4. Crépi de ciment sur les marches avant : malfaçon.
5. Tube d’eau du système de ventilation : malfaçon.
6. Prise électrique extérieure : malfaçon.
[38] Questionné par Me Baillargeon, il concèdera qu’il ne sait pas la différence entre un vice caché et la malfaçon sous l’angle légal.
DÉCISION DU 8 MAI 2017
[39] Quant à la seconde décision de l’administrateur datée du 8 mai 2017, monsieur Ambrosio traite ainsi de chacun des trois points en litige.
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1. Poteau de cour d’escalier : malfaçon.
2. Revêtement de bois extérieur qui se décolore et se détache : vice caché. Il reprend lors de son témoignage le commentaire écrit du rapport que le Tribunal se permet de rapporter :
Commentaires :
Suite aux inspections visuelles nous ne voyons pas de moulure de départ ventilés sous le revêtement de bois, qui cause un manquement dans la ventilation du mur. Même la manque d’ouverture dans le bois cause l’accumulation d’eau derrière le revêtement et cette présence d’humidité causent la ondulation/gonflement du bois, résultat ils se détachent de son support. Cette humidité peut causer la pourriture du bois et même la moisissure. (SIC)
3. Barreaux d’escalier non sécuritaire : malfaçon.
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
ROBERT ROBERGE
[40] Depuis l’âge de 16 ans Robert Roberge œuvre dans le domaine de la construction. En 2014 il devient conciliateur par la Garantie Abritat. Il fut entrepreneur en plomberie de 1975 à 1986, puis entrepreneur général de 1986 à 1995 sous le nom des Habitations du Croissant, à Laval. De 1995 à 2005, il fut directeur du service aux immeubles pour l’office municipal de St-Jérôme (SHQ). De 2005 à 2014 il est de nouveau entrepreneur général sous l’appellation Rénovations R. Roberge.
[41] Monsieur Roberge fut déclaré expert pour la Cour du Québec à plusieurs reprises et la dernière fois remonte à il y a quatre mois. Il a traité près de 500 dossiers avec Garantie Abritat dont 12 ont débouché sur un arbitrage.
[42] Il traite les points en litige pour la décision du 6 juillet 2015 de façon précise et succincte.
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DÉCISION DU 6 JUILLET 2015
1. La marche d’escalier : « on la voit, c’est d’une évidence. C’est une malfaçon »
2. L’espace vide près du soffite de toiture : malfaçon. Que ce soit une malfaçon ou vice caché apparent les bénéficiaires se devaient de le dénoncer à la réception ou dans les trois jours suivant la réception.
3. Ouverture dans un conduit de ventilation : « Ce fut dénoncé à l’extérieur de trois mois. Cette ouverture ne peut être qualifiée de vice caché ».
4. Le crépi de ciment sur les marches avant : « C’est une malfaçon dénoncée dans un délai raisonnable. »
5. Tube d’eau du système de ventilation : « Il y avait là un collet qui a cédé. C’est uniquement un manque d’entretien. »
6. Prise électrique à l’extérieur : « Toutes les prises étaient et sont raccordées. On les réembranche. Ça peut se produire encore. Il n’y avait pas de scellement. C’est une malfaçon ».
DÉCISION DU 8 MAI 2017
[43] Quant à la décision du 8 mai 2017, il s’exprime ainsi :
1. Poteau du coin d’escalier qui se détache : « C’est le fruit d’une utilisation journalière, situation constatée en début de 2017 ».
2. Revêtement extérieur de bois qui se décolore et qui se détache : « La situation fut découverte en 2017, il ne s’agit pas ici d’un vice majeur de construction. Elle est hors délai ».
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3. Pour les barreaux d’escalier qui ne sont pas sécuritaires : « il s’agit d’une malfaçon visible à la réception. Malheureusement, l’ignorance de cette non-conformité pour les bénéficiaires ne palie pas au fait de dénoncer dans les délais prévus au Règlement ».
CONTRE PREUVE
[44] Le bénéficiaire impute la faute sur les épaules de l’entrepreneur et ajoute que la Garantie Abritat devrait la défendre. Elle a toujours présumé que madame Bock était de bonne foi, et d’ajouter « je n’ai rien choisi dans cette maison » faisant référence à ce qu’elle devait être attribuée à madame Bock.
ANALYSE ET DÉCISION
[45] Puisque les bénéficiaires contestent le bien-fondé des décisions de l’administrateur, le fardeau de preuve repose sur leurs épaules. Quel est le niveau de preuve que doit offrir les bénéficiaires? À l’article 2803 du Code Civil du Québec, le législateur indique :
2803 - Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
[46] L’article 2804 C.c.Q. définit la preuve prépondérante dans ces termes :
2804 - La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[47] Il suffit pour les bénéficiaires, en l’espèce, que leur preuve soit prépondérante. La Cour suprême, dans l’arrêt Montréal Tramways Co. C. Léveillé(1), nous enseignait :
« This does not mean that he must demonstrate his case. The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon.”
_____________________
(1) (1993) R.C.S. 456
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[48] Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités. Rien ne peut être mathématiquement prouvé(2). La décision doit être rendue judiciairement, par conséquent, en conformité des règles de preuve généralement admises devant les tribunaux civils ou administratifs.
[49] Il convient de souligner le droit applicable dans le cas où le bénéficiaire dénonce des malfaçons, des vices cachés ou des vices de construction ou de réalisation. Le législateur l’a ainsi formulé à l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs : (3)
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
...
3o la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons :
4o la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5o la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés
_________________________
(2) Rousseau c. Bennett, [1956] R.C.S. 89
(3) Décret 841-98, 17 juin 1998
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par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vide ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
(Je souligne)
[50] L’article 1739 du Code civil du Québec auquel réfère le Règlement stipule :
1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.
(Je souligne)
[51] Ajoutons que le délai de six mois entraîne la déchéance du recours. L’article 2878 du Code civil du Québec le confirme :
2878. Le Tribunal ne peut suppléer d’office le moyen résultant de la prescription. Toutefois, le tribunal doit déclarer d’office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas, elle résulte d’un texte exprès.
(Je souligne)
[52] Le rôle de l’arbitre est d’analyser la preuve soumise quant à un différend découlant d’une décision du conciliateur (Administrateur) touchant une dénonciation et, par conséquent, de reconnaître ou pas si ce dernier a correctement analysé la dénonciation dans le cadre de la Garantie et, par voie de conséquence, d’évaluer et de conclure si l’entrepreneur ou le bénéficiaire a manqué à ses obligations tant contractuelles que légales.
[53] Le Tribunal analysera les points en litige dans l’ordre soumis par le conciliateur Robert Roberge à l’intérieur de ses deux (2) décisions.
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DÉCISION DU 6 JUILLET 2015 (309090-2)
1) Marche instable au balcon arrière
[54] De toute évidence, cette situation fut constatée à la prise de possession par les bénéficiaires. Monsieur Domenic Ambrosio, l’inspecteur des bénéficiaires a lui-même considéré qu’il s’agissait d’une malfaçon. La dénonciation fut reçue le 26 février 2015.
[55] Les auteurs Mes Jeffrey Edwards et Sylvie Rodrigue traitent ainsi de la malfaçon (4) :
« Comme son nom l’indique, « une malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employés pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art aussi que le travail non fait, ou incomplet constitue également, de manière implicite, une malfaçon, car il est tout autant contraire aux règles de l’art et non conforme aux stipulations contratuelle6. »
[56] Le second alinéa de l’article 10 du Règlement est ainsi rédigé :
«10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
….
_________________
(4) La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons. « La construction au Québec : perspectives juridiques ». Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal, à la page 453 : cités, entre autres, par : Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse et Montcan Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., CCAC S09-030701-NP, 17 novembre 2009, Me Albert Zoltowski, arbitre; Polat c. Construction D’Astous Ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., SORECONI, 27 juin 2014, Me Lydia Milazzo, arbitre (cité en partie)
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2o la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, ou moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection pré réception; »
(Je souligne)
[57] Par conséquent, le Tribunal maintient la décision du conciliateur Robert Roberge puisque le délai de dénonciation ne fut pas respecté.
2) Espace vide du soffite de toiture
[58] Tant le conciliateur que monsieur Ambrosio avancent qu’il s’agit d’un vice caché apparent pour l’un et non apparent pour le second. C’est le bénéficiaire qui viendra trancher la situation.
[59] En effet, sa lettre du 29 juillet 2015 (A-10) adressée à SORECONI par laquelle elle demandait l’arbitrage, madame Ramautar écrivait à son point 2 :
2. L’espace vide entre la brique et le soffite n’apparût qu’en 2013. Nous l’avons dénoncé à plusieurs reprises l’entrepreneur car il y a des abeilles qui s’infiltrent par écrit et celui-ci nous répond que c’est normal car c’est le style de brique. Nous l’avons dénoncée à l’APCHQ car lors d’une conversation avec le chargé de projet, celui-ci nous confirme que c’est une anomalie et que graduellement le soffite tombe. (SIC)
(Je souligne)
[60] Le vice est devenu apparent en 2013 et la dénonciation, faut-il le rappeler, fut connue de l’administrateur le 26 février 2015. L’alinéa 4 de l’article 10 du Règlement exige que la dénonciation pour les vices cachés découverts dans les trois (3) ans suivant la réception du bâtiment doivent être dénoncés dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil du Québec.
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[61] A ce stade, le Tribunal considère qu’il est utile et important de traiter de ce délai de déchéance de 6 mois.
[62] Le Tribunal souligne dans un premier temps que le Règlement est d’ordre public. La jurisprudence est unanime sur ce point.
[63] Multiples décisions récentes, (5) à l’effet que le délai maximum de six (6) mois pour les fins de dénonciation aux paragraphes 3e, 4e et 5e de l’article 10 du Règlement, confirment qu’il est autant un délai de rigueur que de déchéance et ne peut :
« … conséquemment être sujet à extension, et si ce délai n’est pas respecté, le droit d’un bénéficiaire à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés. »(6)
[64] Le législateur n’a pas donné de pouvoir discrétionnaire à l’arbitre lui permettant de prolonger ce délai de six mois (art. 166 du Règlement). L’exercice d’un quelconque pouvoir discrétionnaire quant au délai prescrit à l’article 10 du Règlement ne saurait permettre l’extension ou la suspension du même délai.
[65] Un parallèle intéressant peut se faire avec certaines dispositions du Code civil du Québec quant à la notion de délai de déchéance, en regard avec la déclaration de sinistre en matière d’assurances. L’ancien juge en chef, Michel Robert, de la Cour d’appel du Québec l’élaborait ainsi :
_________________
(5) SDC 7000 Chemin Chambly et Landry et Pépin Construction, SOQUIJ AZ 50496494, Me Michel Jeanniot arbitre, 17 nov. 2008; Bertone et Scafuro c. 9116-7056 Québec Inc., SORECONI 090206002, 29 octobre 2009, Guy Pelletier, Arbitre; Côté et Clermont c. Les Constructions E.D.Y. Inc. CCAC S09-030301-NP, 12 janvier 2010; Me Pierre Boulanger, Arbitre; au même effet, et citant en note 2 autres décisions arbitrales; Carrier c. Construction Paul Dargis Inc. et APCHQ, CCAC S09-061001-NP, 9 avril 2010, Me Reynald Poulin, Arbitre; Danesh c. Solico Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. SORECONI, 070821001, 5 mai 2008. Me J.P. Stewart, Arbitre; Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitation Signature Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., SORECONI no. 080730001, 14 janvier 2009, Me J.P. Stewart, Arbitre.
(6) Office Municipal d’habitation de Montréal c. Consortium M. R. Canada Ltée et La Garantie Abritat, SOQUIJ AZ- 51018704, Me J. P. Ewart arbitre, 24 avril 2012.
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« En matière d’assurance de dommages, l’obligation d’informer l’assureur est prévue à l’article 2470 C.c.Q. celui-ci requérant de l’assuré qu’il déclare le sinistre avec célérité dès qu’il en a connaissance [ndlr « … doit déclarer à l’assureur tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, dès qu’il en a connaissance »]. Les tribunaux ont conçu que cette obligation naissait au moment où se produit le fait dommageable, et non au moment où l’étendue des dommages est constatée, la seule exception étant lorsqu’il est déraisonnable pour l’assuré de penser qu’il existe un lien entre le fait dommageable et la perte qui en résulte. » (7)
(Je souligne)
[66] Certes, la célérité et la diligence s’avèrent des considérants à retenir dans l’appréciation du moment de la dénonciation.
[67] L’évaluation de l’existence potentielle d’un dommage, d’un vice ou de sa présomption ne s’analyse pas uniquement en fonction du bénéficiaire mais de tout acheteur raisonnable.
[68] Dans toutes les situations où l’article 10 du Règlement prend place dans la présente décision, cette notion de délai (6 mois) de rigueur et de déchéance doit s’appliquer, le Tribunal ne disposant d’aucune discrétion en vertu de la règlementation et de la jurisprudence.
[69] En conséquence, l’arbitre doit maintenir la décision du conciliateur.
3) Ouverture dans un conduit de ventilation
[70] Le Tribunal présente sous quel angle la situation concernant le conduit de ventilation a été rapportée par la bénéficiaire au conciliateur lors de la visite des lieux le 9 juin 2015 et tel que décrit dans sa décision.
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(7) Bourcier c. Citadelle (La), compagnie d’assurances générales, 2007 QCCA 1145, para 27
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Les bénéficiaires dénoncent une ouverture dans le conduit de retour d’air de la pièce mécanique du système de ventilation, laquelle serait visible depuis la réception du bâtiment et qui fut dénoncée par un professionnel au cours du mois de décembre 2014.
[71] L’expert de la bénéficiaire a reconnu qu’il s’agissait d’une malfaçon. Le soussigné a visité les lieux au matin de l’audition de l’arbitrage et ce, en présence des parties, leur témoin et leur procureur. La situation, bien que non nécessairement évidente pour un profane ou un non initié dans le domaine de la construction était apparente lors de la livraison. Au plus tard, les bénéficiaires se devaient de dénoncer la malfaçon dans les trois (3) jours suivant la prise de possession.
[72] L’ignorance de la loi ou du Règlement ou du Code de la construction n’est pas une défense. Le Juge François Marchand de la Cour du Québec en disposait ainsi dans La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Gestion HJ Projet Immo Inc. et Guy Montagne et Mireille Joly. (8)
[25] La défenderesse Mirelle Joly reconnaît qu’elle a signé le cautionnement et rien dans la preuve ne permet de conclure que sa signature a été obtenue par fraude, crainte ou menace.
[26] La défense de la défenderesse est basée sur son inexpérience et sa méconnaissance des règles et procédures en matière de projet immobilier. Ce type de défense n’est pas recevable en droit. Son ignorance de certaines dispositions de la loi et dès règlements ne peut constituer une défense valable.
[73] Malgré leur manque de connaissance et le sachant évidemment eux-mêmes, pourquoi n’ont-ils pas retenus les services d’un inspecteur lors de la prise de possession? Toujours présumer de la bonne foi et de la compétence exceptionnelle des entrepreneurs et de leur juste exécution relève d’un manque de prudence évident.
[74] Dans les circonstances, le Tribunal maintient la décision de l’administrateur sur ce point.
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(8) 2115 QCCQ 3995 (CAN LII)
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4) Le crépi de ciment sur les marches avant
[75] Ce point se veut une malfaçon (de l’aveu de tous les témoins). Dans la lettre de la bénéficiaire datée du 29 juillet 2015 (A-10), celle-ci, à son point 4, n’indique pas à quel moment la situation fut constatée. Elle s’exprime ainsi :
4. Le crépi du ciment a été dénoncé à l’entrepreneur dès que nous l’avons constaté. L’entrepreneur a réparé les méfaits à moitié, et ce malfaçon se reproduit et s’empire. Nous n’avons aucun contact avec l’entrepreneur depuis notre première dénonciation.
[76] La « réparation » remonte donc avant la première dénonciation qui fut reçue par l’administrateur le 18 février 2013. La bénéficiaire dénonça donc la problématique du crépi plus de deux (2) ans après son constat.
[77] Il faut conclure que le délai de six mois est largement éclipsé. Dès lors, la décision de l’administration doit être maintenue.
5) Le tube d’eau du système de ventilation
[78] Tous conviennent qu’il s’agit d’une malfaçon, à l’exception de la bénéficiaire qui à l’encontre de son expert soutient qu’il s’agit d’un vice caché dans sa dénonciation (A-10), ajoutant :
Selon le professionnel, cette tube étais brisée depuis l’installation et qu’ils l’ont caché sachant que celui-ci ne serais pas visible que par un connaisseur d’un tel système. Ce point se réfère au point numéro 3. (SIC)
(Je souligne)
[79] Le dictionnaire français Larousse définit ainsi le terme visible :
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Qui est perceptible par la vue. Qui apparaît de manière manifeste, qu’on peut constater objectivement.
[80] Si le tube est perceptible par la vue pour l’un, il doit l’être pour un autre. La connaissance de ce qui est conforme où pas est une toute autre notion qui n’est d’aucune connexité avec ce qui est « visible ».
[81] L’existence de cette malfaçon devait être dénoncée au maximum dans les trois (3) jours de la réception, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[82] Par conséquent, la décision du conciliateur doit être maintenue.
6) La prise électrique
[83] Monsieur Domenic Ambrosio considère qu’il s’agit d’une malfaçon. La bénéficiaire prit connaissance de la défectuosité (absence de scellement) dans la seconde année de la prise de possession. Dans sa lettre du 29 juillet 2015, elle écrit au point 6 :
Cette prise fonctionnait la première année mais dû à l’infiltration d’eau, la prise devint défectueuse. (SIC)
[84] C’est donc en 2013 que le constat prit place. Le délai de six mois pour les malfaçons existantes et non apparentes est largement prescrit.
[85] Dans ces circonstances, la décision du conciliateur doit être maintenue.
DÉCISION DU 8 MAI 2017.
1) Le poteau de coin d’escalier qui se détache au deuxième étage
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[86] Dans sa demande d’arbitrage du 30 mai 2017 (A-9), la bénéficiaire s’exprime ainsi :
De plus, le poteau de coin d’escalier ne peut pas se détacher sous prétexte d’une utilisation journalière surtout que cela est au deuxième étage ou il y a moins de trafic et qu’elle sert à la sécurité d’autrui.
[87] À l’audition elle soutient que cette situation touche à la sécurité et qu’elle « n’est pas conforme ».
[88] Son expert fait valoir qu’il s’agit d’une malfaçon.
[89] Le Tribunal souscrit entièrement à l’interprétation du conciliateur qu’il faut considérer la situation comme le fruit d’une utilisation journalière.
[90] Dès lors, je dois maintenir la décision de l’administrateur.
2) Le revêtement de bois extérieur qui se décolore et se détache
[91] Il s’agit par conséquent d’une situation découverte dans la cinquième année de la garantie. Lorsque la manifestation prend place après la troisième année, le Tribunal doit déterminer s’il s’agit bien d’un vice majeur, d’un vice de construction et non d’un vice caché.
[92] Monsieur Ambrosio a fait valoir qu’il s’agit d’un vice caché qui par la loi et le Règlement doit être dénoncé à l’intérieur de trois ans.
[93] Le Tribunal se doit de décider conformément au droit et à la jurisprudence. L’auteur J.L. Baudoin, anciennement juge à la Cour d’Appel du Québec s’est penché sur les conditions d’application de l’article 2118 C.c.Q. en ces termes (9) :
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(9) J.L. Baudoin et P. Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Y. Blais, volume 11, La responsabilité professionnelle.
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« 2-273. Extension. La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage. Constitue donc une perte, toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destination. En d’autres termes, le défaut qui en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime […] (p.257,258).
2-274. Perte partielle. En cas de perte partielle, la jurisprudence, en pratique, se montre relativement sévère. Elle exige que celle-ci soit grave et sérieuse et refuse de considérer comme rentrant dans cette catégorie de simples dégradations mineures qui ne compromettent ni la solidité globale de l’ouvrage, ni la solidité d’une partie importante de celui-ci, ni son utilisation normal ou sa destination.
…
2-280. Preuve de vice - La preuve de la perte de l’ouvrage n’est pas suffisante pour donner naissance à la présomption que cette perte a bel et bien été causée par un vice. Le propriétaire doit, en effet, démontrer que cette perte est attribuable à un vice, démonstration qui relève essentiellement de l’expertise. […] Toutefois, la présomption dont bénéfice le propriétaire lui évite d’avoir à démontrer la cause technique exacte de la perte de l’édifice. […] p.262 et 263) »
Malgré les nombreux points soulevés par l’expert, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas de vice de construction, mais bien de vices cachés. »
[94] Me Johanne Départis s’exprimait ainsi dans SDC. Les Jardins du Parc et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ. (10)
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(10) GAMM 2009-09-003, 28 janvier 2010
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« [52] En somme, la preuve ne démontre pas que les problèmes en litige, qui manifestement n’ont pas amené la destruction de l’ouvrage, puissent non plus en compromettre dans sa solidité. Il est vrai que la durée de vie du toit sera possiblement réduite mais rien ne permet de voir là un problème affectant la solidité de cet ouvrage ou de le mettre en péril ou encore une situation pouvant entrainer des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble au sens de l’article 2118.
[53] Il en résulte que les défauts dénoncés ne peuvent pas malheureusement pour le bénéficiaire être qualifiés de vices de construction. »
(Je souligne)
[95] Il ne saurait s’agir en l’espèce d’un vice de construction. Celui-ci doit entraîner un inconvénient sérieux et doit rendre le bâtiment impropre à sa destination. Conséquemment, le soussigné maintient la décision de l’administrateur.
3) Barreaux d’escalier non sécuritaires
[96] Les normes de sécurité n’ont pas été appliquées par l’entrepreneur et cela, tous en conviennent, tout comme le fait que cette situation prévalait à l’origine.
[97] Mon collègue, Me Michel A. Jeannot écrivait dans l’affaire Céline Demers Brisson et Pierre Brisson c. 9141-1074 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc. (11)
[33] La seule existence d’une malfaçon apparente au moment de la réception ou encore, l’inachèvement des travaux observables au moment de la réception, ne sont pas suffisants pour donner ouverture à un recours des bénéficiaires en faveur de l’administrateur. En effet, il faut que ces situations aient été dénoncées par écrit au moment même de la réception du bâtiment (ou dans certains cas, trois (3) jours qui suivent si le bénéficiaire n’avais pas encore emménagé). Il est possible que la réclamation ait été valablement faite à l’entrepreneur, c’est à regret que je me dois de constater que fut présenté hors délai à l’administrateur, ce qui la rend irrecevable pour ce dernier.
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(11) CCAC 58-280301-NP, 18 septembre 2008
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[34] Nous savons que l’ignorance de la loi ne peut y faire échec d’autant plus que cette exigence n’apparaît à la réglementation, elle apparaît au plan de garantie et elle se retrouve aux fascicules et/ou documents remis aux bénéficiaires de façon contemporaine à leur engagement vis-à-vis l’acquisition de leur propriété (cette information est de plus accessible sur les différents sites Internet de l’administrateur et de la Régie du bâtiment du Québec).
[35] Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi et de la jurisprudence qui me sont connues, je suis d’opinion que les explications soumises pour proposer que les délais puissent être ignorés ne sont pas raisonnables dans les circonstances et ne peuvent être retenues (nul ne peut plaider sa propre turpitude) et puisqu’aucune représentation m’est faite à l’effet que la déclaration de réception du bâtiment (l’étape 5 du 7 septembre 2007) soit inclusive de ces points, je ne pourrai faire droit à la demande d’arbitrage des bénéficiaires quant aux points numéro [26] à [31] inclusivement ainsi que les points numéros [33] et [34].
[98] Le soussigné endosse sans réserve ce raisonnement et conclut que la décision de l’administrateur doit être maintenue.
[99] La bénéficiaire a fait grand état que l’administrateur aurait dû l’informer des délais et/ou qu’elle fut mal informée.
[100] Il est trop commode et trop facile d’imputer la faute à l’administrateur ou à l’entrepreneur. Suggérer que les informations reçues lors de ses conversations téléphoniques avec une préposée de l’administrateur m’apparaît mal fondé, du moins de la façon que l’information est traduite par la bénéficiaire.
[101] Les deux bénéficiaires qui achètent une résidence au prix de 430,000.00$ n’osent pas lire le contrat de garantie ou le pamphlet qui vulgarise la garantie à la réception ou ultérieurement. Même en face d’une ou de plusieurs problématiques on n’ose pas y recourir.
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[102] L’argument fondé sur le manque d’argent pour consulter un avocat en cours de route est peu crédible d’autant que la bénéficiaire retient les services d’un expert après coup.
[103] La négligence ou le refus systématique de l’entrepreneur de s’exécuter aurait dû minimalement inciter les bénéficiaires à dénoncer après un ou deux refus.
[104] La personne raisonnable placée devant une telle situation doit réagir et doit agir.
[105] En matière d’assurance de voiture, de biens mobiliers ou immobiliers, l’assuré doit respecter certaines règles, certaines conditions et certains délais. Ceci se rencontre dans bien autres domaines. On ne signe pas un contrat sans le lire ou minimalement le lire par la suite, surtout lorsqu’il porte sur 2½ pages.
[106] Après avoir analysé la preuve de l’état du droit et de la jurisprudence, le Tribunal rejette les demandes d’appel des bénéficiaires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
CONSTATE l’absence de l’entrepreneur;
REJETTE les deux (2) demandes d’arbitrage des bénéficiaires;
MAINTIENT en tout point les décisions de l’administrateur;
LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de l’administrateur conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours, sous réserve de la conclusion suivante;
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RÉSERVE à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur, pour toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (para. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement :
CONDAMNE les bénéficiaires à payer une première tranche de 75.00$ et ce, dans ce même délai de 30 jours.
LAVAL, CE 11 DÉCEMBRE 2017
Yves Fournier
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YVES FOURNIER
ARBITRE