ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : STEVE CROTEAU
(ci-après le « Bénéficiaire »)
ET : LES HABITATIONS RAYMOND GUAY INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
No dossier SORECONI: 071128001
No bâtiment: 067713-1
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Me Réginald Gagnon
Monsieur Steve Croteau
Monsieur Claude Latulippe, expert en bâtiment
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Raymond Guay
Monsieur Daniel Cournoyer (Matériaux B.P. Canada)
Pour l’Administrateur : Me Luc Séguin
Rénald Cyr, T.P.
Luc Bondaz, T.P.
Date d’audience : 4 novembre 2008
Lieu d’audience : 1111, boul. Jacques-Cartier Est
Salle RC-21
Longueuil (Québec)
Date de la sentence : 14 novembre 2008
Identification complètes des parties
Bénéficiaires : Monsieur Steve Croteau
2673, De La Bussière
Ste-Julie (Québec) J3E 2R2
Et son procureur :
Me Réginald Gagnon
Gagnon Sigouin, avocats
Entrepreneur: Monsieur Raymond Guay
Les Habitations Raymond Guay
2500, du Grand Degré
Sainte-Julie (Québec) J3E 2M2
Administrateur : La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Et son procureur :
Me Luc Séguin
Savoie Fournier
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 2 juin 2008.
3 octobre 2006 : Décision de l’Administrateur et photographies;
19 décembre 2006 : Courriel de l’Administrateur au Bénéficiaire;
16 mars 2007 : Décision de l’Administrateur et récépissés postaux;
9 juillet 2007 : Transmission par télécopieur de l’Administrateur au Bénéficiaire et pièce jointe;
12 juillet 2007 : Lettre de l’Administrateur au Bénéficiaire;
6 août 2007 : Décision de l’Administrateur et récépissés postaux;
14 août 2007 : Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur;
16 août 2007 : Réception des travaux;
22 août 2007 : Photographies;
18 septembre 2007 : Courriel du Bénéficiaire à l’Administrateur;
26 septembre 2007 : Photographies;
15 octobre 2007 : Courriel de l’Administrateur à l’Entrepreneur mandaté;
30 octobre 2007 : Lettre de l’Administrateur au Bénéficiaire;
15 novembre 2007 : Lettre de l’Administrateur au Bénéficiaire;
27 novembre 2007 : Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur;
28 novembre 2007 : Demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
2 juin 2008 : Nomination de l’arbitre;
3 juin 2008 : Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus à venir;
25 août 2008 : Lettre de l’arbitre fixant la séance d’arbitrage au 4 novembre 2008 au Palais de justice de Longueuil.
Après avoir pris connaissance des procédures, entendu la preuve et les arguments des parties, le tribunal d’arbitrage rend la décision suivante :
Objections préliminaires :
[1] Avant le début de l’enquête, le soussigné s’est assuré qu’aucune objection préliminaire n’est formulée par quelque partie que ce soit, je constate que juridiction est acquise et l’enquête débute à 9h30 a.m. au Palais de justice de Longueuil, en salle 1.29.
Admissions :
[2] Les parties font les admissions suivantes :
[2.1] L’adresse du bâtiment est le 2673, rue de la Bussière à Sainte-Julie, Québec;
[2.2] La réception du bâtiment eut lieu le ou vers le 26 août 2004;
[2.3] Une première réclamation écrite fut reçue par l’Administrateur le 6 mars 2006;
[2.4] Une première inspection a eu lieu le 17 août 2006;
[2.5] Il y a eu une deuxième inspection le 7 février 2007;
[2.6] Il y a eu une troisième inspection le 25 septembre 2007;
[2.7] Il y a eu une première décision de l’Administrateur le 16 mars 2007;
[2.8] Une deuxième décision de l’Administrateur a été rendue le 6 août 2007
[2.9] Une troisième décision de l’Administrateur a été rendue le 30 octobre 2007.
[3] La demande d’arbitrage se limite à la décision du 30 octobre 2007, laquelle ne comportait qu’un seul point à savoir la nature et/ou l’étendue des travaux à entreprendre sur la toiture de l’immeuble.
[4] La valeur en litige est de 10 à 12 000,00 $.
[5] De façon quelque peu plus précise, l’Administrateur, au sein de sa décision du 3 octobre 2006 (onglet 1 du cahier de pièces émis par l’Administrateur), considère le point numéro 1 (1 de 6) dans le cadre du contrat de garantie et requiert que des travaux soient adressés pour les versants avant du bâtiment, à savoir :
[5.1] apporter les correctifs requis pour que les bardeaux d’asphalte adhèrent au platelage;
[5.2] remplacer les bardeaux endommagés ou arrachés;
[5.3] revoir les faîtes des versants considérant le sens des vents dominants provenant de l’avant du bâtiment.
[6] Une deuxième décision du 16 mars 2007 de l’Administrateur (onglet numéro 3 du cahier de pièces émis par l’Administrateur), où ce dernier
[6.1] revient sur son premier constat concernant sa décision du 3 octobre 2006;
[6.2] constate l’absence d’intervention de l’Entrepreneur suivant sa décision du 3 octobre 2006
[6.3] s’engage (l’Administrateur) à compléter son intervention au printemps 2007.
[7] Au sein de la troisième décision de l’Administrateur (celle du 6 août 2007, onglet numéro 6 du cahier de pièces émis par l’Administrateur), un constat élargi fut fait (concernant le point numéro 1 - bardeaux d’asphalte) et l’Administrateur inclut (ce qui autrefois était exclus) les versants arrières et droits lesquels, et je cite l’Administrateur :
« Force est de constater (versants arrières et droits) sont affectés du même vice que celui pour lesquels ce point fut considéré, c’est-à-dire décollement généralisé des bardeaux d’asphalte, sujet à arrachement. »
[8] Il ne va sans dire que l’Administrateur inclut et considère dans le cadre du contrat de garantie la toiture, dans son ensemble.
[9] La preuve est ensuite à l’effet qu’une méthodologie de travail est suggérée et subséquemment, acceptée, avec réserves, par le Bénéficiaire en date du ou vers le 14 août 2007 (onglet numéro 7 du cahier de pièces émis par l’Administrateur).
[10] Des travaux furent effectués et en date du ou vers le 16 août 2007, l’Administrateur recherche (du Bénéficiaire) une réception des travaux. Il y eut réception des travaux mais avec réserves, et de façon plus précise, le Bénéficiaire fait mention (onglet numéro 8 du cahier de pièces émis par l’Administrateur):
« (…) il y a plusieurs pattes qui n’adhèrent pas (…) si elles ne collent pas après la prochaine chaleur, le travail doit être révisé et trouvé une autre solution (sic). C’est-à-dire refaire la toiture. »
[11] Le Bénéficiaire ajoute un post-scriptum à l’effet qu’il considère qu’après plusieurs tentatives de réparation, les travaux objet de la réception du 16 août 2007 sont la dernière tentative de réparation et qu’après cette date, il exigera une toiture neuve.
[12] Outre ce que le Bénéficiaire considère être un travail malpropre et/ou artisanal, il constate que des bardeaux de sa toiture se soulèvent encore malgré l’absence de vents importants. Il a donc recours à l’arbitrage et soulève ce qu’il considère être l’ensemble des déficiences (vices) techniques et esthétiques que comportent la toiture incluant le décollement des bardeaux.
La preuve :
[13] Après un bref voir-dire, l’expert Claude Latulippe est reconnu expert et devient subséquemment, habile à témoigner au soutien de l’expertise du 3 juillet 2008 (pièce B-1).
[14] Je n’entrerai avec force de détails au sein de l’expertise, pièce B-1, j’y note par contre deux observations pertinentes aux éléments sous ma juridiction :
[14.1] encore plusieurs bardeaux n’ont pas adhéré l’un à l’autre;
[14.2] les travaux de réparation ont été effectués de façon bâclée (un exemple patent étant dans la photo identifiée numéro 10 de son rapport d’inspection).
[15] L’expert Latulippe ne se compromet avec force de détails quant aux raisons pour lesquelles les bardeaux n’ont pas adhéré l’un à l’autre et/ou pourquoi ils se soulèvent toujours en l’absence de vents forts. L’amorce de réponses se retrouve à une correspondance du fournisseur du matériau (onglet numéro 4 du cahier de pièces émis par l’Administrateur), une correspondance du 5 juillet 2007 sous la plume de Monsieur Cournoyer, représentant des ventes pour La Cie Matériaux de Construction BP Canada Inc.
[16] Le fournisseur de bardeaux suggère que :
[16.1] le manque de clous;
[16.2] la position des clous;
sont la cause principale du problème.
[17] Le témoignage de Monsieur Cournoyer, empreint d’objectivité, lors de l’enquête et audition au mérite (tant en preuve principale qu’en contre-interrogatoire), établit que pour ce qu’il a personnellement constaté, les bardeaux ont été fixés et/ou alignés à quatre (4) clous. Ce qui, sur une toiture avec une pente (pitch) inférieure à 15/12, serait acceptable.
[18] La preuve non-contredite (et corroborée par certains plans soumis mais non cotés séance tenante) établit que toutes les pentes sont supérieures à ce ratio. Il est alors exigé (pour des pentes plus abruptes que les 15/12) d’immobiliser les bardeaux à six (6) clous.
[19] Il ne s’agit par contre qu’un seul élément important. Nous apprenons de plus que l’emplacement des clous est important parce que si le bardeau est cloué trop haut (sur sa feuille), le cloutage d’une feuille :
[19.1] ne peut rejoindre l’autre feuille afin que celle-ci (ainsi que toutes les autres feuilles) soit fixée à douze (12) clous;
[19.2] de plus et tel que dans le cas qui nous concerne, si le clou est positionné trop haut, il peut être responsable pour un manque d’adhésion.
[20] Monsieur Cournoyer témoigne à l’effet que quatre-vingt pourcent (80%) des bardeaux qu’il a personnellement relevés pour examiner était mal cloué.
[21] Donc et si je résume les points saillants et pertinents du témoignage de Monsieur Cournoyer, quatre-vingt pourcent (80%) des bardeaux de la toiture était fixé à quatre (4) clous (puisque le cloutage ne rejoignait adéquatement l’autre feuille) au lieu de douze (12) (considérant les pentes) subsidiairement, l’emplacement des clous était de façon à nuire à la bande adhésive d’où résultait un manque d’adhésion.
[22] Monsieur Cournoyer complète en « obiter » que lorsque des bardeaux « se soulèvent à grandeur » et que subséquemment, un collage est adressé, la pérennité de cette colle peut être affectée par le degré de contamination sous les feuilles.
Jugé :
[23] Je n’aurai pas à me prononcer sur le caractère du vice constaté puisque l’Administrateur s’est déjà prononcé, cette décision a force de chose jugée, et il y a présence et/ou constat de vice caché quant à la toiture. Le débat reste entier sur l’étendue des travaux et/ou la nature des correctifs à apporter.
[24] Il n’y a pas non plus de contestation quant à la surface problématique, l’Administrateur, au sein de son constat élargi du 6 août 2007, et le représentant du fournisseur, Monsieur Cournoyer (qui fait référence à un pourcentage de 80% des bardeaux inspectés comme étant en manque d’adhésion) semblent être du même avis, l’ensemble de la toiture est affectée du même vice c’est-à-dire décollement généralisé des bardeaux d’asphalte, sujet à arrachement.
[25] Le problème à la base est le clouage (30% de ce qui est recommandé) et l’emplacement de ces clous à des endroits qui nuisent considérablement à l’adhésion.
[26] Le procureur de l’Administrateur suggère deux questions en litige :
[26.1] les réparations suggérées sont-elles adéquates et/ou correctes?
[26.2] est-il plus raisonnable d’exiger la réparation ou le changement de la toiture?
[27] Nous savons que le problème ne réside pas dans les matériaux, le problème provient uniquement d’un manquement grave dans l’installation et/ou de la main-d’œuvre lors de l’installation de la toiture.
[28] L’Administrateur considère, et les nombreuses photos du Bénéficiaire et de l’expert confirment que, pour à tout le moins, dix des treize pentes de la toiture, le problème est généralisé.
[29] Considérant que lorsque le tribunal a interrogé Monsieur Cournoyer (fournisseur des matériaux) et Monsieur Bondaz (de l’Administrateur) quant à l’opportunité et/ou la possibilité de simplement déplacer et refixer les feuilles avec des clous en nombre et lieu convenables, ils furent unanimes, il serait moins coûteux de simplement refaire la toiture.
[30] Le problème n’est pas principalement esthétique et plusieurs tentatives se sont révélées infructueuses, l’Administrateur considère la situation généralisée, le Bénéficiaire, son expert et Monsieur Cournoyer appuient ce constat, la situation perdure indépendamment que des travaux aient été adressés à certaines zones sujet aux vents dominants.
[31] Considérant qu’il serait exagéré et inapproprié de procéder autrement que par le changement, je n’aurai donc pas à me prononcer sur les accessoires à la demande principale telle :
[31.1] l’agencement de différents bardeaux;
[31.2] la coupe de nombreuses arrêtes de bardeaux irréguliers;
[31.3] clivage inadéquat et bardeaux fissurés;
[31.4] différence de couleurs;
[31.5] réparation du revêtement.
[32] Je répondrai donc par la négative aux deux questions en litige soulevées par le procureur de l’Administrateur (paragraphes [26.1] et [26.2]).
[33] La loi et le règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel[1]. Enfin, l’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit ». Il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient[2].
[34] Je rappelle que le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litiges qui relèvent de l’application d’autres lois même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige et je rappelle de plus qu’il ne s’agit pas de déterminer la responsabilité de l’Entrepreneur mais bien de déterminer si l’Administrateur doit considérer un point dans le cadre du contrat de garantie.
[35] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment à trancher tout différend découlant du plan de garantie[3]. Bien que ceci inclut toutes questions de faits, de droit et de procédures, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le plan de garantie.
[36] Je précise que le tout est sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est sien (l’Entrepreneur) de porter devant les tribunaux civils ses prétentions ainsi que de rechercher les correctifs, remèdes et/ou compensations qu’il réclame, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile.
[37] En vertu de l’article 123 du Règlement et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les coûts de l’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur du plan de garantie.
[38] L’article 124 du Règlement prévoit de plus que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables de l’expertise pertinents que l’Administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[39] L’expert produit et dépose de consentement deux factures, une première au montant de 1 038,84 $ toutes taxes incluses (pièce B-1.1) et une deuxième représentant un prix forfaitaire (arbitrage d’une journée) au montant de 1 066,67$ toutes taxes incluses (pièce B-1.2).
[40] Considérant que les détails et la ventilation repris à la pièce B-1.1 appert raisonnables, considérant le forfaitaire prévu à la pièce B-1.2 est raisonnable puisque la présence de l’expert fut nécessaire tout au long de la journée de l’enquête, l’Administrateur devra rembourser au Bénéficiaire la somme de 2 105,51 $ toutes taxes incluses.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande du Bénéficiaire;
ORDONNE à l’Entrepreneur de remplacer l’ensemble des bardeaux;
LE TOUT avec dépens contre l’Administrateur incluant les frais d’expertise lesquels se chiffrent à 2 105,51 $ toutes taxes incluses.
Montréal, le 14 novembre 2008
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Me Michel A. Jeanniot
Arbitre / SORECONI