Lallier c. Placements Falica inc.

2012 QCCS 4227

 

JS1145

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE FRONTENAC

 

235-05-000011-107

 

DATE :

Le 31 août 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE ALICIA SOLDEVILA, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

JEAN LALLIER

Requérant

c.

 

LES PLACEMENTS FALICA INC.

Intimée

et

 

APCHQ INC.

Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

sur requête en révision judiciaire

______________________________________________________________________

 

[1]           Le requérant, Jean Lallier (« Lallier »), demande l’homologation d’une sen­tence arbitrale[1] rendue le 5 août 2010 par l’arbitre, Me Bernard Lefebvre, pour trancher le différend des parties dans le cadre de l’application du programme de garantie des maisons neuves prévu au contrat de garantie intervenue avec la défenderesse, Placements Falica inc. (« Falica »), le 17 novembre 2005[2].

[2]           Falica, par demande reconventionnelle, recherche l’annulation de la sentence arbitrale et invoque les articles 946.4(3) et (4) du Code de procédure civile. Elle soutient d’abord qu’elle n’a pas eu droit à une défense pleine et entière, n’ayant pas pu faire valoir ses moyens de défense, mais également que l’arbitre a outrepassé sa juridiction (son mandat) en révisant la décision du premier décideur (l’administrateur Yvan Gadbois)[3] sur les questions relatives aux réclamations présentées hors délai qui ne lui avaient pas été soumises.

[3]           Après l'audition qui s'est tenue le 18 janvier 2012 et au cours de laquelle une preuve par témoignages a été autorisée dans le cadre du recours intenté sous l'article 946.4(3) et (4) du Code de procédure civile, le Tribunal s'est penché sur les questions soumises et a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de plaider sur la norme de contrôle applicable, estimant que la procédure indiquée était celle de la révision judiciaire selon l'article 846 C.p.c.[4]

1.-                       LES FAITS

[4]           Les parties ont convenu que la description des faits contenue à la sentence arbitrale est exacte. Il convient de reproduire cet extrait :

[1]         Le 26 février 2010, le GAMM désigne le soussigné pour décider de la plainte du bénéficiaire contre la décision rendue par l’administrateur le 15 janvier 2010, et révisée le 10 mars suivant.

[2]         La décision de l’administrateur porte sur les dénonciations du bénéficiaire adressées à l’entrepreneur et à l’administrateur les 16 juin 2008 et 14 décembre 2009.

[3]         Les dénonciations du 16 juin 2008 et du 14 décembre 2009 concernent :

            1. La réfection complète de la toiture;

            2. Bardeaux arrachés par le vent;

            3. Infiltration d’eau à la salle de bain des enfants;

            4. Infiltration d’eau au salon;

            5. Infiltration d’eau près du foyer;

            6. Infiltration d’eau sous la galerie avant;

            7. Dommages aux gouttières;

            8. Infiltration d’eau au mur du sous-sol;

            9. Modification de la structure d’origine pour le plancher du rez-de-chaussée.

[4]         Le 15 janvier 2010, M. Yvan Gadbois, inspecteur de l’administrateur :

-  accueille la réclamation du bénéficiaire au regard de la toiture - point 1 -, mais il ... « est d’avis que la réfection complète de la toiture n’est pas requise »...

-  accueille sans réserve les points 2 à 5, et,

-  il ordonne à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait aux points 1 à 5, lesquels devront être complétés au plus tard le 1er juin 2010, et,

-  il rejette les réclamations relatives aux dénonciations portant sur les points 6 à 9.

[5]         M. Gadbois appuie sa décision sur les termes et conditions de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. (Contrat de garantie), adoptée conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, L.R.Q., c. B-1, 1 r. 0.2 et approuvée par la Régie du bâtiment du Québec.

[6]         Dans sa demande d’arbitrage, le bénéficiaire réclame la réfection complète de la toiture - point 1 - et il conteste le rejet des points 6, 7, 8 et 9.

2.-          LA DÉCISION DE L’ARBITRE

[5]           Dans sa décision, l’arbitre a regroupé les points 1 à 5, tous reliés à des problèmes de la toiture, sous une seule rubrique, le point 1 : LA TOITURE.

[6]           Les conclusions de l’arbitre relativement aux questions associées aux problèmes de toiture ne sont pas contestées par Falica. Elle a déjà procédé aux travaux de réfection visés par la décision de l’administrateur. Ce dernier a d’ailleurs considéré que ces réparations étaient convenables et il a procédé à fermer le dossier sur cet aspect des travaux par sa décision du 24 novembre 2011[5].

[7]           En conséquence, cette partie de la sentence arbitrale du 5 août 2010, vu l’absence de contestation et le fait qu’elle peut être dissociée du reste de la décision, sera homologuée.

[8]           De la même façon, puisqu’en regard des points 6 : l’infiltration d’eau sous la galerie et 7 : les dommages aux gouttières, tranchés par l’arbitre, il n’y a pas eu de contestation, il y a lieu, également, pour le Tribunal, d’homologuer cette partie de la décision.

[9]           Falica a reconnu, dans ses échanges postérieurs à la sentence arbitrale, sa détermination à faire en sorte que les correctifs nécessaires soient effectués, dans une lettre du 15 août 2010[6] adressée à l’arbitre :

Nous accueillons favorablement les points 1, 5, 6 et 7 et ferons en sorte que les correctifs nécessaires soient effectués.

[10]        La décision de l’arbitre sur les points 6 et 7 ainsi que 8 et 9 se retrouve aux paragraphes 21 à 24 de la décision :

[21]       Au cours de l’arbitrage tenu le 7 juillet 2010, l’entrepreneur s’est engagé formellement à vérifier et à réparer les dommages relatifs aux points 7, 8 et 9 et il demande à l’arbitre de fixer un délai raisonnable pour s’exécuter.

DÉCISION SUR LES POINTS 7. DOMMAGES AUX GOUTTIÈRES, 8. INFILTRATION D’EAU AUX MURS DU SOUS-SOL ET 9. MODIFICATION DE LA STRUCTURE D’ORIGINE POUR LE PLANCHER DU REZ-DE-CHAUSSÉE.

[22]       L’arbitre donne acte aux engagements de l’entrepreneur de vérifier et de réparer les dommages relatifs aux points 7, 8 et 9 ci-haut.

[23]       Il est entendu que l’entrepreneur s’engage à corriger les défauts afférents à ces points et de réparer les dommages qui en résultent de façon à ce que les gouttières, le sous-sol et le plancher du rez-de-chaussée soient conformes à l’usage auquel ils sont destinés.

[24]       Le tribunal accorde un délai de 30 jours ouvrables pour ce faire. Ce délai court à compter du 23 août 2010.

[11]        Les questions relevant des points 8 et 9 de la sentence arbitrale font initialement l’objet de la demande d’annulation et sont maintenant visés par la demande de révision judiciaire par Falica. Ces points concernent l’infiltration d’eau aux murs du sous-sol (8), dont la conséquence financière pour Falica serait peu importante, et le point (9) « Modification de la structure d’origine pour le plancher du rez-de-chaussée » dont les répercussions financières sont au contraire sérieuses pour celle-ci.  L'arbitre ne motive pas sa décision sur ces points et il se limite à donner acte à l'entrepreneur de son engagement à en réparer les dommages.

3.-          LA POSITION DES PARTIES

3.1       La position du requérant

[12]        Lallier estime que la décision de l'arbitre est raisonnable et qu'elle est supportée par les échanges et la preuve qui lui ont été soumis.

3.2       La position de Placements Falica inc.

[13]        Falica soutient qu'il y a eu manquement aux règles de justice naturelle car elle n'a pas pu être entendue ni faire valoir ses droits. Elle avance également que l'arbitre a outrepassé sa compétence en se penchant sur les points 8 et 9 qui ne lui avaient pas été soumis et que l'inspecteur n'avait pas reconnus comme des vices cachés en raison du délai de plus de six mois pris par Lallier à les dénoncer par écrit, comme l'exigent le contrat de garantie et le Règlement sur le plan de garantie de bâtiments résidentiels neufs[7] (le « Règlement »).

4.-          LES DISPOSITIONS CONTRACTUELLES ET RÉGLEMENTAIRES PERTINENTES

Ø    CONTRAT DE GARANTIE R-1

Sous-section I = :

Garantie relative au bâtiment non détenu en copropriété divise

3 : Dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment et sous réserve de la clause 4 quant aux limites de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. garantit ce qui suit :

3.1        Parachèvement des travaux

[...]

3.2        Malfaçon.

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil du Québec et dénoncés, par écrit, par le bénéficiaire, au moment de la réception ou tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception.

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec et dénoncées par écrit à l’entrepreneur et à la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six mois de la découverte des malfaçons.

3.3        Vice caché.

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les vices qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices au sens de l’article 1739 du Code civil du Québec.

3.4        Vice majeur.

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les vices majeurs qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux et qui sont dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou en cas de vice ou de perte graduelle de leur première manifestation.

SECTION C : MÉCANISME DE MISE EN ŒUVRE DE LA GARANTIE

1.          PROCÉDURE DE CONCILIATION

La procédure suivante s’applique à toute réclamation faite en vertu du plan de garantie :

1.1        dans le délai de garantie d’un, trois ou cinq ans, selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. en vue d’interrompre la prescription;

1.2        au moins quinze jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; il doit verser à l’administration des frais de 100$ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;

1.3        dans les quinze (15) jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 1.2, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les quinze (15) jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;

1.4        dans les quinze (15) jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 1.3, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. doit procéder sur place à une inspection;

1.5        dans les vingt (20) jours qui suivent l’inspection, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et il en transmet copie, par poste recommandée aux parties impliquées;

1.6        en l’absence de règlement, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. statue sur la demande de réclamation et, le cas échéant, elle ordonne à l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire pour les réparations conservatoires nécessaires et urgentes, de parachever ou de corriger les travaux dans le délai qu’elle indique et qui est convenu avec le bénéficiaire;

1.7        à défaut par l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l’absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. par l’une des parties, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. fait le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections dans le délai convenu avec le bénéficiaire et procèdent notamment, le cas échéant, à la préparation d’un devis correctif, à un appel d’offres, au choix des entrepreneurs et à la surveillance des travaux.

2.          Recours

2.1        Procédures d’arbitrage et de médiation.

2.1.1     Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., doit soumettre le différend à l’arbitrage, à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre le différend à un médiateur afin de tenter d’en arriver à une entente.

2.1.2     Le demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec, dans les quinze (15) jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.

2.1.3     La demande de médiation doit être adressée à un médiateur choisi par le bénéficiaire et l’entrepreneur à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par le Ministre du travail, dans les quinze (15) jours par poste recommandée de la décision de l’administrateur.

[...]

2.3        Arbitrage

2.3.1     Advenant que le bénéficiaire ou l’entrepreneur décide de soumettre le différend à l’arbitrage, le bénéficiaire, l’entrepreneur et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. sont liés par la décision arbitrale dès qu’elle est rendue par l’arbitre.

2.3.2     La décision arbitrale est finale et sans appel.

2.3.3     Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

2.3.4     Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.

2.3.5     L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

2.3.6     Les dépenses effectuées par le bénéficiaire, l’entrepreneur et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. pour la tenue de l’arbitrage sont supportées par chacun d’eux.

2.4        La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. qui indemnise un bénéficiaire en vertu de la présente section est subrogée dans ses droits jusqu’à concurrence des sommes qu’elle a déboursées.

 

Ø    Règlement sur le plan de garantie des bâtiments rési­dentiels neufs[8]

2.  Le présent règlement s'applique aux plans de garantie qui garantissent l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:

[...]

3.  Tout plan de garantie auquel s'applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui y sont établis et être approuvé par la Régie.

7.  Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.

10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

19.  Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

19.1.  Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.

106.  Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.

Peut demander l'arbitrage, toute partie intéressée:

  1°    pour une réclamation, le bénéficiaire ou l'entrepreneur;

  2°    pour une adhésion, l'entrepreneur.

La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement.

112.  Seules les personnes physiques ayant de l'expérience dans les plans de garantie ou la formation professionnelle dans les matières se rapportant aux questions soulevées par l'arbitrage notamment en finance, en comptabilité, en technique de la construction ou en droit peuvent être accréditées comme arbitres auprès de l'organisme d'arbitrage.

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

120.  La décision arbitrale, dès qu'elle est rendue, lie les parties intéressées et l'administrateur.

La décision arbitrale est finale et sans appel.

121.  La décision arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée suivant la procédure prévue aux articles 946 à 946.6 du Code de procédure civile (L.R.Q., c. C-25).

 

(Soulignement du Tribunal)

5.-          ANALYSE DE LA PREUVE SOUMISE AU TRIBUNAL

[14]        La preuve révèle que peu après la réception de la sentence arbitrale, soit le 15 août, Michel Doyon (« Doyon »), président de la défenderesse, s’adresse à l’arbitre pour lui signifier qu’il accueille favorablement ses décisions sur les points 1, 5, 6 et 7, mais qu’il demande des corrections relativement aux points 8 et 9, indiquant à l’arbitre que le rapport de monsieur Gadbois (l’administrateur) relativement aux points 8 et 9 avait écarté la réclamation de Lallier pour le motif que les dénonciations avaient été faites au-delà du délai maximum prévu à la garantie de six mois. Il convient de reproduire le passage pertinent de cette lettre :

Nous n’acceptons donc pas cette partie du rapport. Aussi, l’entrepreneur n’a pris aucun engagement face à ces aspects qui ont été dénoncés après le délai prescrit. De plus, Me Séguin avait présenté, lors de la séance d’arbitrage, deux décisions constituant une jurisprudence pour ce type de situation. [...]

Nonobstant le délai, nous considérons qu’il n’y avait pas de malfaçon de la part de Falica pour ces points, ce que nous serions en mesure de justifier. En conclusion, Les Placements Falica inc. demande à ce que l’arbitre statut [sic] sur les points 8 et 9 selon la preuve et l’argumentation effectuées au cours de la séance d’arbitrage.[9]

[15]        Me Luc Séguin, représentant l’APCHQ lors de l’arbitrage, s’adresse lui aussi à l’arbitre, le 16 août 2010; il écrit :

À l’instar de l’entrepreneur, nous vous soumettons qu’une erreur matérielle s’est glissée dans votre sentence arbitrale quant aux points 8 et 9. En effet, ces points n’ont fait l’objet d’aucun engagement de l’entrepreneur lors de l’audience. Bien au contraire, ces points ont fait l’objet d’une visite, d’un débat et d’une argumentation (c’est à ce moment que nous vous avons soumis des autorités quant à la dénonciation tardive des troubles allégués par le bénéficiaire).

Conséquemment, nous vous prions également de statuer sur ces points, et ce, selon la preuve et l’argumentation présentées lors de l’audience. [10]

(Soulignement du tribunal)

[16]        La demande formulée ici par Me Séguin fait référence aux dispositions de l’article 945.5 C.p.c. qui permet à un arbitre, dans les trente jours de la sentence arbitrale, de rectifier une erreur d’écriture ou de calcul ou quelque autre erreur matérielle contenue dans la sentence.

[17]        Clairement, ce n’est pas d’une erreur matérielle dont les parties se sont plaintes à l’arbitre dans leurs lettres.     

[18]        Le 22 octobre 2010, l’arbitre adresse une réponse courriel aux parties[11] et les renvoie au paragraphe 21 de sa décision (reproduit plus haut par le tribunal, au paragraphe 10 de ce jugement) qui, selon lui, reflète exactement les engagements pris par l’entrepreneur au cours de la visite des lieux et réitérés en session plénière :

En tout respect, le paragraphe 21 reproduit plus haut reflète exactement les engagements pris par l’entrepreneur au cours de la visite des lieux et réitérées [sic] en session plénière. L’arbitre a tranché le différend conformément aux règles de droit applicables à l’espèce et, comme vous le savez sans doute, l’arbitre n’est pas liée par l’argumentation.

En conséquence, la sentence arbitrale du 5 août 2010 n’est entachée d’aucune erreur de quelque nature que ce soit.[12]

[19]        Le 11 janvier 2011, la requête du requérant pour homologuer la sentence arbitrale est signifiée à l’intimée et à la mise en cause, celle-ci réplique par une demande d’annulation de la sentence arbitrale, la mise en cause s’en remet à la décision du tribunal.

[20]        Les motifs soulevés par Falica ont-ils été démontrés et permettent-ils au Tribunal d’annuler les points 8 et 9 de la sentence arbitrale?

1.-        Premier moyen, violation des règles d'équité procédurale

[21]        Falica soutient qu’elle a été placée dans une situation où il lui a été impossible de faire valoir ses moyens. Considérant l’absence de notes sténographiques, le tribunal a permis le témoignage de deux témoins présents lors de la séance d’arbitrage qui s’est déroulée le 7 juin 2010 à la résidence de Lallier. [Une mise en garde importante a été servie par le Tribunal à Falica relativement au fait que le Tribunal ne pouvait d’aucune façon se pencher sur le fond du différend (art. 946.2 C.p.c.)[13], l’homologation n’étant pas une procédure d’appel.] Rappelons que lorsque cette preuve a été soumise, le Tribunal siégeait sur une demande d'homologation contrée par une demande d'annulation de certaines parties de la sentence arbitrale.

[22]        Me Luc Séguin a relaté les circonstances du déroulement de l’arbitrage qui a été conduit de façon informelle, comme une table ronde (ce qui n’est pas inhabituel, selon lui). D’entrée de jeu, il a admis que l’arbitrage visait à débattre des neuf points en litige décrits dans la sentence arbitrale, alors que ceci est nié par Falica au paragraphe 7 de sa défense et demande reconventionnelle.

[23]        Lors de l’arbitrage, Me Séguin représente le Plan de garantie inc. qui, souligne-t-il, agit à titre de caution de l’entrepreneur lorsque celui-ci refuse d’exécuter les travaux déterminés par l’arbitre. Les autres personnes présentes à l’arbitrage étaient Lallier et sa conjointe, et, pour l’entrepreneur, Daniel Grégoire (« Grégoire ») et un sous-traitant en toiture, Bédard.

[24]        Toutes les parties ont consenti à ce que l’arbitrage se tienne chez Lallier. Il y a eu discussion sur les neuf points soumis à l’arbitrage. Aucune des parties n’a eu recours à des experts.

[25]        Les parties se sont déplacées à l’intérieur de la résidence de Lallier pour examiner chacun des problèmes de construction et ont exprimé leur position tour à tour.

[26]        Au sujet de la question des points 8 et 9, elles se sont déplacées au sous-sol afin de voir le plancher du rez-de-chaussée par en dessous. Elles sont par la suite remontées au rez-de-chaussée pour continuer les discussions et Séguin a alors présenté des autorités à l’arbitre relativement à la « prescription » des éléments 8 et 9 soulevés par Lallier.

[27]        Me Séguin a réitéré au Tribunal ce qu’il avait exprimé dans son courriel à l’arbitre, le 5 août (D-5), soit que les points 8 et 9 n’avaient fait l’objet d’aucun engagement de l’entrepreneur lors de la séance d’arbitrage. Il a par contre ajouté devant le Tribunal qu’il y avait bel et bien eu un engagement de l’entrepreneur relativement au point 7, ce dont il n’est pas fait mention dans son courriel à l’arbitre. Soulignons que la décision de l’administrateur relativement au point 7 est qu’il ne peut être retenu en raison du délai de plus de six mois à soulever cette question[14]. Ceci n’a pas empêché Falica d’accepter sur ce point la décision de l’arbitre (D-4).

[28]        Grégoire est chargé de projet pour Falica depuis sept ans. Il est surtout responsable des travaux de toiture. Il affirme s’être rendu à l’arbitrage pour discuter uniquement de cette question. Selon lui, les autres points ne devaient pas être discutés en raison de la tardiveté des dénonciations de Lallier.

[29]        À son arrivée chez Lallier et alors que l’arbitre s’est enquis auprès de tous si toutes les parties devant assister à l’arbitrage étaient présentes pour pouvoir débuter, Grégoire a indiqué que Gaétan Doyon, actionnaire de Falica, était en route et qu’il y avait donc lieu de l’attendre. Lallier se serait formellement opposé à la présence de Gaétan Doyon. Grégoire a alors contacté ce dernier pour l’en aviser et il n’y a pas assisté. L’arbitrage a procédé, Grégoire a agi comme le représentant de Falica.

[30]        En contre-interrogatoire, il a reconnu avoir discuté de la façon de réparer le plancher du rez-de-chaussée, mais ne pas s’être engagé à effectuer les réparations.

6.-          ANALYSE ET DÉCISION

6.1       Les principes de droit applicables

[31]        Comme discuté plus haut, la procédure introduite par Falica selon l'article 946 C.p.c. n'était pas la procédure indiquée et le Tribunal doit trancher le débat selon les règles de la révision judiciaire prévues à l'article 846 C.p.c. Il est utile de citer ici l'analyse de l'honorable Yves-Marie Morissette, j.c.a., dans l'arrêt Construction Réal Landry c. Rae[15], selon laquelle une sentence prononcée en vertu du Règlement est sujette au pouvoir de révision de la Cour supérieure :

[16]       Ni la Loi ni par conséquent le Règlement ne contiennent de clause privative applicable aux décisions arbitrales. Néanmoins, il est clair que le processus de résolution des différends mis en place par le Règlement en est un à l’égard duquel les tribunaux de droit commun doivent observer une mesure de déférence. Dans l’arrêt Desindes, la juge Rayle, auteure des motifs unanimes de la Cour, notait ce qui suit :

[43]       … L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel (articles 19, 20, 106 et 120 du Règlement). Enfin, il doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient » (article 116 du Règlement).

En outre, le Règlement prévoit explicitement que seules des personnes versées en semblables matières peuvent assumer la fonction d’arbitre :

111. Seules les personnes physiques ayant de l'expérience dans les plans de garantie ou la formation professionnelle dans les matières se rapportant aux questions soulevées par l'arbitrage notamment en finance, en comptabilité, en technique de la construction ou en droit peuvent être accréditées comme arbitres auprès de l'organisme d'arbitrage.

Enfin, l’assujettissement de la décision arbitrale au processus d’homologation des articles 946 à 946.6 C.p.c. par l’article 121 du Règlement est une autre indication de la volonté de préserver une marge suffisante d’autonomie décisionnelle pour l’arbitre.

[17]       Le juge de première instance a estimé avec raison qu’il était lié par l’arrêt Desindes. Selon cet arrêt, c’est la raisonnabilité de la décision arbitrale qui fait l’objet du débat en révision judiciaire. Sur cette notion, je rappelle deux brefs passages de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick :

[46]       En quoi consiste cette nouvelle norme de la raisonnabilité?  Bien que la raisonnabilité figure parmi les notions juridiques les plus usitées, elle est l’une des plus complexes.  La question de ce qui est raisonnable, de la raisonnabilité ou de la rationalité nous interpelle dans tous les domaines du droit.  Mais qu’est-ce qu’une décision raisonnable?  Comment la cour de révision reconnaît-elle une décision déraisonnable dans le contexte du droit administratif et, plus particulièrement, dans celui du contrôle judiciaire?

[47]       La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

L’arrêt Desindes, bien qu’il soit antérieur à l’arrêt Dunsmuir, conserve toute sa pertinence ici et il met bien en lumière le caractère particulier mais obligatoire de l’arbitrage prévu par le Règlement.

[Citations omises - soulignement du Tribunal]

[32]        Ajoutons que, dans cette affaire, la révision judiciaire avait été logée par les bénéficiaires du plan de garantie insatisfaits des mesures retenues par l'arbitre pour résoudre le problème d'infiltration d'eau dans le sous-sol de leur résidence. La norme d'intervention appliquée par la Cour supérieure, soit celle de la décision raisonnable, a été également retenue par la Cour d'appel comme la norme de révision applicable dans une telle situation[16].

6.2       La détermination de la norme de contrôle

[33]        Le Tribunal reproduit ci-après les principes rappelés par l'honorable juge Guylaine Beaugé dans l'affaire Sobeys Québec inc. c. Commission des lésions professionnelles[17] qui résument l'exercice auquel doit se prêter le Tribunal dans l'établissement de la norme de contrôle :

[23]       La détermination de la norme de contrôle applicable s'impose comme première étape de la révision judiciaire. L'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[18] réforme la démarche jusqu’alors suivie par les tribunaux. Désormais, il convient de procéder à l'analyse relative à la norme de contrôle et au recours à deux normes : celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Néanmoins, la jurisprudence antérieure peut demeurer pertinente.

[24]       Dunsmuir[19] définit comme suit la raisonnabilité :

[47] (…) Certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[25]       En principe, la norme de la décision raisonnable s’imposera :

·        en présence d’une clause privative ou d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique;

·        lorsque le droit et les faits ne peuvent aisément se dissocier;

·        lorsque le tribunal administratif interprète sa loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie;

·        dans les cas d’application d’une règle générale de common law ou de droit civil envers laquelle le tribunal administratif a acquis une expertise;

·        devant une question de droit qui ne revêt pas une importance capitale pour le système judiciaire, lorsqu’existe une clause privative et que le décideur œuvre dans un régime à l’égard duquel il possède une expertise.

[26]       En revanche, la norme de la décision correcte s'appliquera aux questions :

·        touchant au partage des compétences;

·        de compétence (vires) et de constitutionnalité;

·        de droit générales qui revêtent une importance capitale pour le système juridique, et étrangères au domaine d’expertise du décideur;

·        de délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents.

[34]        Tenant compte des questions soulevées par Falica, la norme que doit appliquer le Tribunal est celle de la décision correcte. En effet, Falica conteste le mérite de la décision de l'arbitre pour des motifs de violation de l'équité procédurale et de compétence.

[35]        Le contrat de garantie et le Règlement comportent un délai de déchéance (plutôt que de prescription comme l'ont plaidé devant l'arbitre Falica et l'APCHQ). En effet, l'article 3.3 du contrat de même que l'article 10.4 du Règlement prévoient que la garantie couvre la réparation des vices cachés découverts dans les trois ans suivant la réception du bâtiment qui sont dénoncés par écrit à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable qui ne peut excéder six mois de leur découverte, au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec.

[36]        Avec égard, l'article 2878 C.c.Q. est clair :

2878. Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.

Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès

[37]        Aussi, l'arbitre devait se prononcer sur cette question et décider si le droit du demandeur à la garantie existait toujours ou était éteint[20].

[38]        De l'avis du Tribunal, l'arbitre aurait dû d'abord expliquer les motifs qui lui permettaient d'écarter la décision de l'administrateur relative aux points 8 et 9, lesquels n'avaient pas été retenus en raison du délai de déchéance qui privait le demandeur de toute garantie à cet égard aux termes du contrat et du Règlement. Faute de motifs justifiant qu'il se soit prononcé sur cette question et Falica niant s'être engagée à faire les travaux, celle-ci a raison de se plaindre.

[39]        D'une part, son principal actionnaire a été écarté de l'arbitrage et, bien que Falica était représentée par Grégoire, celui-ci concède avoir discuté des réparations mais ne pas s'être engagé à ce que Falica les réalise, ce que confirme Me Séguin.

[40]        Faute d'enregistrement des débats, le Tribunal ne peut trancher; aussi, il y a lieu de retourner le dossier devant l'arbitre afin qu'il se prononce sur la question préliminaire de sa compétence à entendre les questions 8 et 9 et clarifie ses motifs sur le fond, s'il y a lieu. Le Tribunal ne trouve pas de circonstances particulières ici qui lui permettent de décider autrement[21].

[41]        Le Tribunal rappelle aux parties que les recours civils du demandeur lui sont toujours ouverts pour ce qui n'est pas couvert par la garantie, comme le soulignait l'honorable juge Johanne Mainville dans Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[22] :

[63]       Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.

[64]       Cependant, selon l'article 19 du Règlement pour que la garantie s'applique, le bénéficiaire ou l'entrepreneur insatisfait d'une décision de l'administrateur doit soumettre le litige à l'arbitrage. 

[65]       De plus, la clause 4.17 du contrat de garantie prévoit spécifiquement que «subject to the review procedure provided herein for claims made under the guarantee », si un différend ou un litige survient à la suite ou à l'occasion du contrat il doit être référé devant le tribunal de droit commun. La clause 4.17 est claire et ne souffre d'aucune ambiguïté. Elle oblige le bénéficiaire à se pourvoir devant les tribunaux de droit commun pour les différends ou litiges découlant du contrat, autres que ceux relatifs à la garantie.

[66]       En d'autres termes, en ce qui concerne l'exécution de la garantie, le Règlement n'offre pas un choix entre l'arbitrage et le recours aux tribunaux de droit commun. Il attribue une compétence exclusive à l'arbitre en regard de l'exécution de la garantie et sa décision à cet égard est finale et sans appel.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[42]        ACCUEILLE en partie la requête en homologation, HOMOLOGUE la sentence arbitrale du 5 août 2010 rendue par l'arbitre Bernard Lefebvre quant aux points 1, 5 et 7 et lui donne force exécutoire;

[43]        ACCUEILLE la requête en révision judiciaire et ANNULE la décision de l'arbitre Bernard Lefebvre rendue le 5 août 2010 relativement aux points 8 et 9;

[44]        RENVOIE le dossier à l'arbitre Me Bernard Lefebvre pour que celui-ci se prononce sur sa compétence à traiter des points 8 et 9 et sur le fond, s'il y a lieu;

[45]        Le tout frais à suivre la décision finale de l'arbitre.

 

 

_______________________________

ALICIA SOLDEVILA, J.C.S.

 

Me Brigitte Carrier

Procureure du requérant

 

Me Ghislain Dionne

Paradis Dionne inc.

Procureur d’intimée

 

Date d’audience :

Le 18 janvier 2012

 



[1]     Pièce D-3

[2]     Pièce R-1

[3]     Décision du 15 janvier 2010, pièce R-5

[4]     Les Habitations Sylvain Ménard inc. c. Henri P. Labelle, 2008 QCCS 3274; APCHQ inc. c. Desindes, J.E. 2005-132 (C.A.); Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc., 2009 QCCS 1941; Garantie Habitation du Québec inc c. Jeanniot, 2009 QCCS 909; 9056-1457 Québec inc. c. Chartier, 2010 QCCS 5270; 2984583 Canada inc. (Jobiko Construction) c. Despatis, 2010 QCCS 222; Construction Réal Landry inc. c. Rae, 2011 QCCA 1851

[5]     Pièce D-7

[6]     Pièce D-4

[7]     R.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2, art. 10

[8]     R.Q., c. B-1.1, r. 8

[9]     Pièce D-4

[10]    Pièce D-5

[11]    Pièce D-6

[12]    Id.

[13]    Jean-Denis GAGNON, « La convention d'arbitrage : les arbitres ou la cour? », (2010) 69 R. du B. 1, par. 14; Denis FERLAND et Benoit EMERY (dir), Précis de procédure civile, 4e éd., vol. 2, Cowansville, Édifions Yvon Blais, 2003, p. 839; Sylvette GUILLEMARD, L’affaire Chouette : l’arbitre et l’interprétation d’un contrat en matière de droit d’auteur selon la Cour suprême du Canada, (2003) 44 C. de D. 99, 103

[14]    Pièce D-3

[15]    2011 QCCA 1851

[16]    Id., par. 17

[17]    2012 QCCS 3110; Voir également : Smith c. Alliance Pipeline Ltd., [2011] 1 R.C.S. 160, par. 26

[18]    [2008] 1 R.C.S. 190

[19]    Précité à la note 12.

[20]    Julie McCANN, Prescriptions extinctives et fins de non-recevoir, Montréal, Wilson & Lafleur, 2006, p. 104, 106, 157

[21]    Spooner c. Fournier, 2009 QCCS 1652; Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes, 2009 QCCA 405; Montréal (Ville de) (arrondissement Côte-St-Luc-Hampstead-Montréal-Ouest) c. Syndicat canadien des cols bleus regroupés de Montréal, 2006 QCCA 412; Bon L. Canada inc. c. Béchard, [2004] R.J.Q. 2359 (C.A.); Commissaire à la déontologie policière c. Bourdon, [2000] R.J.Q. 2239 (C.A.)

[22]    Précité, note 4, par. 63 à 66