_

 

 

 

 

 

 

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Entre

 

CONSTRUCTION RAYMOND ET PAUL INC.

 

Entrepreneur

 

Et

 

FRANCIS MARANDA ET SERINA OSHRIYEH

 

Bénéficiaires

 

Et

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

Administrateur

 

 

 

 

 

No dossier Garantie :

123953-1

 

No dossier GAMM :

2008-12-024

 

No dossier Arbitre :

13 185-46

______________________________________________________________________

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

 

 

Pour les bénéficiaires :

Me Roucha Oshriyeh

 

 

 

 

Pour l’entrepreneur :

M. Paul Pennino, trésorier

 

 

 

 

Pour l’administrateur :

Me Élie Sawaya

(Savoie Fournier)

 

 

 

Date(s) d’audience :

15 mai 2009

 

 

 

 

Lieu d’audience :

2550 rue Honoré-Beaugrand

Montréal, Québec

 

 

 

 

Date de la décision :

22 juin 2009

 

______________________________________________________________________

 

 

APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET Les ARGUMENTS DES parties, le Tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:

 

 

[1]                Le soussigné a été désigné par le centre d’arbitrage le GAMM et l’audience a été fixée pour le 15 mai 2009.

[2]                L’audience s’est tenue à l’adresse des Bénéficiaires et une visite des lieux a été effectuée par le soussigné et toutes les parties.

[3]                Les témoins ont été assermentés avant leur déposition.

[4]                Les cahiers de pièces produits par l’Administrateur (A-1 et suivantes) et par les Bénéficiaires (B-1 et suivantes) sont reçus en preuve. L’Entrepreneur n’a pas produit un tel cahier de pièces.

LES FAITS

[5]                Les Bénéficiaires ont conclu un contrat avec l’Entrepreneur pour la construction et l’achat de la propriété sise au 2550 rue Honoré-Beaugrand, numéro 105 (la « Propriété »), à Montréal le 15 janvier  2008 (Pièce A-1).  La passation de titre a eu lieu le 27 février 2008 (Pièce A-3).

[6]                La réception du bâtiment a eu lieu le 27 février 2008 et les Bénéficiaires emménagent par la suite le 1er mars 2008 (Pièce A-4).

[7]                Le ou vers le 11 mars 2008, les Bénéficiaires constatent d’importants gondolements, écaillements et fissures sur environ 75% de la surface de leur plancher de bois du salon. Il est à noter qu’il s’agit d’un plancher usiné haut de gamme fait de bois dur exotique.

[8]                Selon l’Entrepreneur, cet état des choses serait la résultante d’une infiltration d’eau préalable à la pose du revêtement de bois du plancher, par le dessous de la  porte patio de la Propriété, attenante au salon, et qui aurait été calfeutrée inadéquatement. Le béton aurait été trop humide au moment de la pose du revêtement de lattes de bois usinées du plancher du salon, occasionnant les gondolements et autres problèmes observés par les Bénéficiaires.

[9]                Le 17 mars 2008, les Bénéficiaires mettent l’Entrepreneur en demeure d’effectuer les réparations qui s’imposent (Pièce A-8), et envoient également copie de cette lettre à l’Administrateur.

[10]            Sans nouvelles de l’Entrepreneur, les Bénéficiaires le mettent à nouveau en demeure le 8 avril 2008 (Pièce A-7 b)).

[11]            Suite à ces mises en demeure, il s’avère d’une preuve non-contredite et admise par les Bénéficiaires que le plancher de bois a été entièrement remplacé par l’Entrepreneur sur toute la surface du salon entre le 15 avril et le 22 avril 2008 (Pièce A-12).

[12]            Cependant, dans les mois qui suivent, les Bénéficiaires remarquent certains défauts affectant l’ensemble du revêtement de leur plancher de bois franc dans différentes pièces, qui sont de la nature de plissements, de longueurs variables, affectant certaines lattes sur l’ensemble de la surface du plancher de bois de la Propriété.

[13]            Par une lettre du 4 août 2008, les Bénéficiaires ont mis en demeure l’Entrepreneur de procéder aux correctifs qui s’imposent, en en faisant encore une fois également parvenir une copie à l’Administrateur (Pièce A-7 a)).

[14]             Le 6 août 2008, l’Administrateur demande à l’Entrepreneur d’intervenir dans le dossier  et de remédier à la situation dans les 15 jours (Pièce A-10).

[15]            Le 20 août 2008, les Bénéficiaires contactent à nouveau l’Administrateur pour l’aviser de nouveaux problèmes affectant les jointures de ciment de la salle de bain et le plancher de bois franc. Il est à noter que des travaux correctifs ont été apportés à la satisfaction des Bénéficiaires quant à la salle de bain le 14 août 2008 (Pièce A-11).

[16]            Le 8 septembre 2008, l’Entrepreneur communique par lettre avec l’Administrateur et demande qu’une  inspection des lieux soit effectuée (Pièce A-12).

[17]            L’Entrepreneur estime que les problèmes affectant le plancher de bois sont dus à des marques de talons hauts portés négligemment sur le plancher de bois ainsi que par un entretien inadéquat du plancher par les Bénéficiaires impliquant des produits trop forts et une trop grande quantité d’eau.

[18]            Le 15 octobre 2008, Michel Hamel, technologue professionnel et inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, procède à son inspection et rend sa décision le 29 octobre.

[19]            La décision datée du 29 octobre 2008 (A-14) analyse 8 points dont la question des plissements à la surface du vernis de certaines lattes du plancher (point numéro 1).  Ce n’est que sur ce chef que la décision accueille la réclamation des Bénéficiaires, les autres points étant rejetés. L’inspecteur-conciliateur constate que l’ensemble des dénonciations reçues par l’Administrateur de la part des Bénéficiaires ont été faites dans la première année suivant la réception de la Propriété qui a eu lieu le 27 février 2009. L’inspecteur-conciliateur en conclut également que la situation observée sur le plancher de bois rencontre le double critère de la malfaçon, soit (1) un manquement aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment (2) qui était caché au moment de la réception du bâtiment.

[20]            Il est à noter que l’inspecteur-conciliateur rejette la réclamation concernant le problème de poinçonnements affectant le plancher dénoncé par les Bénéficiaires. L’inspecteur-conciliateur considère qu’il s’agit de la conséquence de l’usure normale du plancher.

[21]            Le 21 novembre 2008, l’Entrepreneur demande à ce que le différend soit soumis à l’arbitrage (A-17), étant insatisfait de la décision de l’inspecteur-conciliateur sur la question des plissements sur la surface du plancher de bois franc.

[22]            D’un commun accord entre toutes les parties, la seule question débattue au moment de l’audience est celle du problème affectant les plissements à la surface du  plancher de bois.

QUESTION EN LITIGE

[23]            Le problème de plissement affectant le vernis à la surface de certaines lattes et observé à certains endroits sur l’ensemble de la surface du plancher de bois de la Propriété constitue-t-il une malfaçon eu égard au critère applicable et la décision de l’Administrateur à ce sujet est-elle bien fondée?


LA PREUVE, ANALYSE ET DÉCISION

[24]            Monsieur Paul Pennino est le trésorier de la l’Entrepreneur et détient une licence d’entrepreneur général. La thèse générale de M. Pennino est à l’effet que les Bénéficiaires ont maintenu un niveau d’humidité trop bas dans leur logement et qu’il s’agirait là de la source des problèmes de plissements constatés sur certaines lattes du plancher de la Propriété. De plus, M. Pennino ajoute que l’utilisation d’un produit de nettoyage trop puissant et d’une trop grande quantité d’eau aurait altéré le plancher de bois.

[25]            Messieurs Sergio Chiossone et Tony Pennino, employés de l’Entrepreneur, ont eu l’occasion de témoigner et soutiennent ce qui a été allégué par Monsieur Paul Pennino.

[26]            Monsieur Pennino produit Mme Donna Allen comme témoin expert. Mme Allen est représentante des ventes sénior pour la compagnie MGA Commodities Inc., laquelle est spécialisée en planchers usinés et en revêtements de sol. MGA Commodities Inc. est le fournisseur de l’Entrepreneur pour ce qui est des planchers de bois. Suite à certaines questions sur les qualifications de Mme Allen par l’avocate des Bénéficiaires, sa qualité d’experte est reconnue.

[27]            Mme Allen témoigne au sujet d’une lettre qu’elle a envoyée à M Pennino en date du 20 novembre 2008 (Pièce A-16), laquelle présente, on ne peut que le remarquer, un certain nombre de contradictions. La lettre produite est à l’effet que les problèmes constatés sur certaines lattes du plancher sont le fruit d’un manque d’humidité dans la Propriété, lequel est entièrement attribuable aux Bénéficiaires. Le document préparé par Mme Allen pose ensuite qu’une lecture de l’humidité prise « on the floor » indique un niveau d’humidité de 20%, lequel est, au contraire, beaucoup trop élevé et découle d’un entretien du plancher avec une trop grande quantité d’eau. Mme Allen admet par la suite que cette lecture de l’humidité est inexacte et elle ne peut expliquer ce que signifie dans le contexte de sa lettre une lecture de l’humidité prise « on the floor ».

[28]            Monsieur Pennino produit par la suite comme témoin expert M. Christian Martineau, présenté par M. Pennino comme étant celui qui était affecté à la pose du plancher de la Propriété. M. Martineau témoigne à l’effet qu’il a pu constater personnellement un chauffage trop élevé dans la Propriété lors de la pose du plancher entre le 15 avril et le 22 avril 2008 et considère que c’est le manque d’humidité qui serait la source des problèmes constatés.

[29]            Monsieur Michel Hamel est inspecteur-conciliateur pour l’Administrateur. Son témoignage porte à l’effet que la situation observée rencontre tous les critères de la malfaçon quant à la qualité du plancher de bois et sa pose. D’une part, M. Hamel témoigne à l’effet qu’un manque d’humidité occasionne dans les planchers de bois un rétrécissement du matériau qui occasionne des fissures caractéristiques entre les lattes, lesquelles fissures n’ayant d’ailleurs jamais été constatées sur le plancher de la Propriété. D’autre part, M. Hamel précise qu’un entretien de planchers de bois usinés impliquant une trop grande quantité d’eau ne saurait avoir de résultats tels que ceux observés sur les lattes de bois. Un surplus d’humidité, ajoute-t-il, aurait pour effet d’engendrer l’expansion du matériau et le manque d’espace horizontal entre les lattes aurait suscité un gondolement généralisé du plancher, lequel n’a pas été observé. Enfin, M. Hamel précise qu’il n’est pas possible, à son avis, qu’un produit d’entretien ait pour effet d’engendrer les problèmes constatés et, par ailleurs, aucune preuve n’a été apportée par l’Entrepreneur sur le caractère inadéquat des produits spécifiques utilisés par les Bénéficiaires pour l’entretien de leur plancher. Au contraire, les Bénéficiaires, Serina Oshriyeh et Francis Maranda affirment dans leur témoignage avoir communiqué à l’Administrateur la fiche signalétique préparée par le manufacturier du produit qu’ils utilisent régulièrement, connu sous la marque « Aquashine », laquelle précise que ce produit est sans danger pour les planchers de bois et ne contient en somme que de l’eau et un peu d’alcool.

[30]            Les Bénéficiaires témoignent à l’effet qu’ils n’ont pas utilisé une quantité déraisonnable d’eau pour l’entretien de leur plancher et qu’ils se sont par ailleurs assurés que le produit utilisé était sans danger pour les planchers de bois. Les Bénéficiaires ajoutent que la présence d’un humidificateur dans la Propriété ne leur a jamais été présentée par l’Entrepreneur comme une prérequis indispensable à la durabilité et au maintien du bon état général de leur plancher.

[31]            M. Richard Forcier est produit comme témoin expert des Bénéficiaires. M. Forcier travaille comme technicien en revêtement de sol depuis plus de trente ans et il a eu l’occasion de témoigner à titre d’expert dans une douzaine de procès et environ deux cent arbitrages. Sa qualité d’expert est reconnue. Le rapport de M. Forcier est produit sous la cote B-2. Les principaux constats mentionnés par M. Forcier dans son témoignage sont à l’effet qu’une infiltration d’eau antérieure par la porte patio de la Propriété aurait eu pour effet d’imbiber le béton sous le plancher. Par évaporation, l’humidité se serait répandue dans l’ensemble du logement et aurait eu les effets constatés. Pour M. Forcier, lors du retrait du plancher suite au dégât d’eau antérieur, l’Entrepreneur aurait omis de faire sécher le béton à l’aide d’équipement industriel approprié et de prendre une mesure du niveau d’humidité avant de poser la nouvelle section du plancher. Ce serait l’humidité résiduelle située au centre du béton qui, s’étant répandue à l’ensemble du logement, aurait occasionné les problèmes constatés.

[32]            Face à une preuve contradictoire et des témoignages d’experts aux thèses inconciliables, le Tribunal se doit de retenir les témoignages les plus crédibles et la preuve d’expert qui s’appuie sur la preuve constatée lors de la visite des lieux et également sur la preuve administrée devant le Tribunal d’arbitrage. Le Tribunal se rallie à la thèse de M. Hamel à l’effet que les problèmes constatés sur certaines lattes du plancher des Bénéficiaires sont occasionnés par une malfaçon présente dans la fabrication des planchers mais également dans les conditions de leur entreposage préalables à la pose ainsi que dans la pose elle-même du plancher.

FRAIS D’ARBITRAGE

[33]            En vertu de l’article 123 du Règlement et le fait que la demande d’arbitrage est de l’Entrepreneur, les frais d’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage de la décision rendue le 29 octobre 2008;

ORDONNE à l’Entrepreneur de procéder, selon les règles de l’art, aux travaux correctifs requis en ce qui a trait aux malfaçons mentionnées au point 1 de la décision rendue le 29 octobre 2008, dans les trente jours de la réception de la présente sentence arbitrale;

À DÉFAUT, ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer ces travaux dans les trente jours suivants;

 

 

CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur solidairement à payer à parts égales les frais d’arbitrage.

 

 

(s)  Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre