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ARBITRAGE En vertu du Règlement
sur le plan de garantie |
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Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : |
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Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI) |
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Entre |
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Christiane Provençal et Pierre Alexandre Provençal Joëlle Gosselin et Simon Provençal Joanne Bilodeau et Alain Pérusse |
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Bénéficiaires |
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Et Les Maisons Zibeline Inc. |
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Entrepreneur |
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Et |
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La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. |
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Administrateur mis en cause |
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No dossier Garantie : |
121126-1 |
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No dossier SORECONI : |
070630002-A 070630002-B 070630002-C |
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SENTENCE ARBITRALE |
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Arbitre : |
Alcide Fournier |
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Pour les bénéficiaires : |
Nil |
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Pour l’entrepreneur : |
Nil |
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Pour l’administrateur : |
Me Luc Séguin |
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Date(s) d’audience : |
14 août 2007 |
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Lieu d’audience : |
Anjou, Québec |
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Date de la décision : |
20 août 2007 |
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Identification des parties
Bénéficiaires :
Christiane Provençal
Pierre Alexandre Provençal
4135, rue Sylvio
Laval, Qc
H7R 5V8
Entrepreneur :
Les Maisons Zibeline Inc.
1035, rue Bergar
Chomedey, Laval, Qc
H7L 4Z7
Administrateur :
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou, Qc
H1M 1S7
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 12 juillet 2007.
Historique du dossier :
3 décembre 2006 : Contrat préliminaire et contrat de garantie
3 décembre 2006 : Chèque de 5000. $ à l’ordre de l’entrepreneur
4 décembre 2006 : Attestation d’acompte
9 mars 2007 : Lettre des procureurs des bénéficiaires adressée à l’entrepreneur
16 mai 2007 : Avis de 15 jours de l’administrateur à l’entrepreneur
24 mai 2007 : Lettre de l’entrepreneur à l’administrateur
4 juin 2007 : Décision de l’administrateur
30 juin 2007 : Demande d’arbitrage
12 juillet 2007 : Nomination d’un arbitre
8 août 2007 : Convocation des parties à l’arbitrage
10 août 2007 : Modification de l’avis de convocation
14 août 2007 : Audience dans les locaux de l’administrateur à Anjou
[1] À l’audience sont présentes les personnes suivantes :
-pour les bénéficiaires :
-Mme Christiane Provençal
-Mme Joanne Bilodeau
-M. Pierre Provençal
-M. Alain Pérusse
-pour l’entrepreneur :
-Mme Marie-Josée Leclerc
-M. Réjean Leclerc
-pour l’administrateur :
-M. Jocelyn Dubuc
-Me Luc Séguin
-M. Hamelin, enquêteur à la Régie du Bâtiment du Québec, a été présent au début de l’audience et a quitté immédiatement après son témoignage.
[2] Lors des discussions que l’arbitre soussigné a eues avec les parties pour fixer la date d’audience, il a été convenu que, puisqu’il s'agissait du même litige entre d’une part le même entrepreneur et le même administrateur et d’autre part, les 6 bénéficiaires, la preuve faite à la présente audience serait versée dans les trois dossiers, à savoir :
-Pierre Alexandre Provençal & Christiane Provençal
Et
Simon Provençal et Joëlle Gosselin
Et
Joanne Bilodeau & Alain Pérusse
c.
Les Maisons Zibeline Inc., entrepreneur,
Et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
[3] De plus, Mme Joëlle Gosselin et M. Simon Provençal, même s’ils ne sont pas présents à l’audience, ont consenti par écrit à ce que la preuve faite dans le dossier Christiane Provençal et Pierre Alexandre Provençal soit versée dans leur dossier et qu’une décision soit ainsi rendue. L’entrepreneur et l’administrateur ne se sont pas objectés à cette façon de faire.
[4] En décembre 2006, Christiane Provençal et Pierre Alexandre Provençal ont signé un contrat préliminaire pour l’achat de l’unité 191(3 décembre);
Simon Provençal et Joëlle Gosselin ont signé un contrat préliminaire pour l’achat de l’unité 192 (3 décembre) et Joanne Bilodeau et Alain Pérusse ont signé un contrat préliminaire pour l’achat de l’unité 196 (10 décembre); ces trois unités de logement étant toutes situées dans un immeuble sis au 4469 boul. Dagenais Ouest à Laval.
[5] En s’informant auprès de la Régie du bâtiment et de l’administrateur de la Garantie, les bénéficiaires apprennent que l’accréditation de l’entrepreneur auprès du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ a été annulé à compter du 14 novembre 2006.
[6] Ils apprennent qu’à compter du 12 décembre 2006, l’entrepreneur ne détient plus les catégories de licences appropriées pour construire les unités de logement vendues conformément au règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs. (L.R.Q. c. B-1.1, r 1).
[7] Ils apprennent également de la Ville de Laval qu’aucune infrastructure n’est enregistrée pour ledit projet, que le projet est toujours en attente du certificat de l’environnement et que, par la suite, le tout sera soumis au conseil de ville.
[8] Finalement, ils apprennent de l’entrepreneur lui-même que le chantier est en retard et que les unités d’habitation ne pourront pas être livrées aux dates prévues, soit le 15 mars et le 1er avril 2007.
[9] Compte tenu de l’importance de l’investissement que représente l’achat d’un condo, un sentiment profond d’insécurité et de méfiance s’établit chez les bénéficiaires.
[10] Le 9 mars 2007, le procureur des bénéficiaires avise l’entrepreneur qu’à défaut de rectifier entièrement la situation à la date prévue pour la signature du contrat notarié pour chacune des unités, les bénéficiaires, en se fondant sur l’article 50 de la loi sur le Bâtiment, demandent l’annulation des contrats préliminaires et le remboursement des acomptes de 5000. $ qui ont été versés.
[11] Les 15 mars 2007 et 1er avril 2007, les unités n’étaient pas terminées et les contrats notariés n’ont pu être signés.
[12] L’entrepreneur, quant à lui, admet que la garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. a annulé son accréditation le 14 novembre 2006.
[13] Il soumet qu’il a contesté cette décision de l’administrateur conformément au règlement sur le plan de garantie et a demandé que cette décision soit suspendue jusqu’à ce que l’audition en arbitrage ait lieu.
[14] Cependant, des discussions ont eu lieu avec l’administrateur et sa demande préliminaire de suspension de la décision de désaccréditation n’a pas été entendue en arbitrage.
[15] L’entrepreneur a présenté une demande d’accréditation auprès d’un autre administrateur de plan de garantie.
[16] Le 24 avril 2007, l’entrepreneur était officiellement accrédité auprès de Qualité Habitation Inc., et, en conséquence, il s'est désisté de sa demande d’arbitrage en contestation de la décision du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
[17] Quant à sa licence d’entrepreneur, sans contester qu’il ait perdu les sous-catégories 3031 et 3032, il soumet que durant toute cette période, il était détenteur d’une licence d’entrepreneur général.
[18] L’entrepreneur admet également que les unités de logement n’ont pu être livrées aux dates prévues aux contrats de vente préliminaire.
[19] Selon lui, dans l’industrie de la construction, les retards ne sont pas exceptionnels puisque le règlement sur le plan de garantie prévoit des indemnités pour les bénéficiaires dans de tels cas. De plus, selon lui, des arrangements auraient pu être convenus avec les bénéficiaires.
[20] Quant au problème des infrastructures, il affirme que, même s’ils sont temporaires, ils sont parfaitement fonctionnels et salubres.
[21] Il affirme être prêt, même si l’unité 192 est vendue, à fournir aux bénéficiaires des unités résidentielles tel que convenu aux contrats préliminaires et que la demande d’annulation desdits contrats préliminaires doit être refusée.
[22] Quant au remboursement des acomptes, il estime que leur remboursement doit être refusé parce qu’il subit des dommages suite au refus des bénéficiaires à signer les contrats.
[23] Il estime en effet avoir construit les unités selon les spécifications et les goûts des bénéficiaires qui ne correspondent pas nécessairement aux goûts des acheteurs éventuels.
[24] De plus, certains extras avaient été convenus avec les bénéficiaires puisqu’ils achetaient trois condos, et qu’il ne pourra récupérer nécessairement le coût de ces extra auprès d’acheteurs éventuels.
[25] L’administrateur, quant à lui, soumet qu’il n’a pas juridiction pour annuler un contrat et que lorsque le tribunal compétent aura rendu sa décision, il se comportera en conséquence.
[26] Les principaux articles de loi ou de règlements concernés par le présent litige sont :
-l’article 46 de la loi sur le bâtiment L.R. Q. c. B-1.1
46. Nul ne peut exercer les fonctions d’entrepreneur en construction, ou prendre le titre, ni donner lieu de croire qu’il est entrepreneur en construction, s’il n’est titulaire d’une licence à cette fin.
-règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction
(L.R.Q. c. B-1.1, r 1)
Article 3.
Les sous catégories de la catégorie d’entrepreneur général sont celles énumérées et définies à l’Annexe A.
Annexe A
3032. Entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés par un plan de garantie classe 11 :
C.
Cette sous catégorie comprend les travaux de construction à l’égard d’un bâtiment multifamilial de construction combustible ou d’un bâtiment multifamilial de construction incombustible comprenant au plus 4 parties privatives superposées détenues en copropriété divise.
-Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1. 1)
Article 50
La personne qui n’est pas elle-même un entrepreneur qui a conclu un contrat pour l’exécution de travaux de construction avec un entrepreneur qui n’est pas titulaire de la licence appropriée peut en demander l’annulation.
-Règlement sur le plan de garantie (L.R.Q. c. B-1.1 r 0.2)
26. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1) dans le cas d'un contrat de vente :
a) soit les acomptes versés par les bénéficiaires
b) soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu’une entente à cet effet intervient avec l’administrateur.
Décision
[27] L’achat d’une maison ou d’une unité résidentielle comme dans le présent litige constitue une décision financière très importante pour un consommateur; il n’est pas courant qu’un consommateur soit complètement informé du fonctionnement de l’industrie de la construction résidentielle.
[28] En vue de protéger les consommateurs lors de transaction immobilière résidentielle, le législateur, en vertu de la loi sur le bâtiment, a adopté un règlement rendant obligatoire un plan de garantie.
[29] Il est très compréhensible qu’en apprenant que leur entrepreneur soit désaccrédité auprès du plan de garantie, que sa licence pour construire des condos n’a pas été renouvelée, que les permis de la ville de Laval ne sont pas émis, que les infrastructures permanentes ne sont pas en place, que les bénéficiaires soient très insécures, qu’ils perdent confiance en leur entrepreneur et qu’ils veuillent se sortir le plus rapidement possible de ce guêpier.
[30] « Dans quoi on s’est embarqué? » lancé à l’audience par un bénéficiaire résume bien leur sentiment à l’égard de cette transaction immobilière et qu’ils désirent maintenant l’annuler et se voir remboursés les acomptes.
[31] Cependant, le présent tribunal d’arbitrage est institué en vertu du règlement sur le plan de garantie et il doit rendre ses décisions en vertu de ce dernier.
[32] Il ne peut trancher des litiges de nature civile qui peuvent survenir entre les parties.
[33] Ainsi, même si la loi sur le bâtiment prévoit qu’un consommateur peut, dans certaines circonstances, demander l’annulation d’un contrat ( art.50), l’arbitre soussigné estime qu’il s’agit d’un litige de nature civile qui doit être tranché par un tribunal de droit commun.
[34] Il en va de même pour les dommages intérêts réclamés par l’entrepreneur; il s’agit également d’un litige de nature civile qui devra être tranché par un tribunal de droit commun.
[35] Le règlement sur le plan de garantie (art.26) prévoit que la garantie doit couvrir les acomptes au cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles.
[36] La preuve démontre de façon prépondérante que l’entrepreneur a manqué à son obligation légale de détenir la catégorie de licences appropriées et d’être accrédité à un plan de garantie.
[37] Même si l’entrepreneur a contesté la décision de l’administrateur de révoquer son accréditation, il n’en reste pas moins qu’au moment de la signature des contrats préliminaires, il n’était pas accrédité et que cette accréditation est obligatoire.
[38] Quant à ses obligations contractuelles, l'entrepreneur ne les a pas respectées puisque les unités de logement n’ont pu être livrées aux dates prévues.
[39] Le fait que le règlement prévoit des indemnités pour les bénéficiaires en cas de retard dans la livraison ne constitue pas une justification qui annule le non respect de son obligation contractuelle.
[40] Finalement, le refus de rembourser les acomptes parce que l’entrepreneur a subi des dommages dus au refus des bénéficiaires de signer le contrat ne peut être retenu.
[41] Selon le Petit Larousse Illustré, édition 2007, un acompte est un paiement partiel à valoir sur le montant d’une somme à payer.
[42] En aucun cas, on ne peut considérer dans le présent litige que l’acompte serait le montant de dommages liquidés en cas de refus des bénéficiaires de signer le contrat définitif devant notaire.
[43] Par ailleurs, un principe de justice naturelle énonce que : « Nul ne peut se faire justice à soi-même ».
[44] En conservant les acomptes, l’entrepreneur décide arbitrairement que ses dommages s’établissent à 5000. $ sans qu’il ait besoin de les quantifier ni de les prouver.
[45] Une telle situation est totalement inéquitable pour les consommateurs, qui, pour obtenir justice, devraient avoir recours aux tribunaux civils alors que le législateur a voulu que les litiges en vertu du règlement soient entendus par un tribunal d’arbitrage.
[46] Compte tenu de la preuve prépondérante quant au défaut de l’entrepreneur de respecter ses obligations légales et contractuelles, l’arbitre soussigné en tenant compte de l’équité et des dispositions du règlement, estime que l’entrepreneur doit rembourser les acomptes versés par les bénéficiaires.
[47] Les bénéficiaires ayant eu gain de cause sur au moins un point, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
[48] Après analyse de la preuve, de la loi et des règlements, l’arbitre soussigné :
-annule la décision de l’administrateur,
-condamne l’entrepreneur à rembourser les acomptes aux bénéficiaires dans les 30 jours des présentes,
-condamne l’administrateur à payer les frais d’arbitrage.
Alcide Fournier