Gabarit EDJ

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Syndicat de copropriété 105 de la Rabastalière

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

Sovima Habitations inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 89440 - 10660

No dossier GAMM : 2017-16-002

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis

 

Pour le bénéficiaire :

M. Pierre-Paul Léger

 

Pour l'entrepreneur :

M. Stéphane Lévesque

 

Pour l'administrateur :

Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :

15 mai 2017

 

Lieu d’audience :

Saint-Bruno-de-Montarville

 

 

Pièces reçues jusqu’au :

29 mai 2017

 

 

Date de la sentence :

21 juin 2017

I : INTRODUCTION

[1]           Il s’agit ici d’un bâtiment détenu en copropriété divise, situé en Montérégie; l’immeuble comprend 27 unités d’habitation, chacune étant munie d’un système d’interphone avec communication audio et vidéo.

[2]           Les ventes des unités se sont échelonnées d’avril 2013 à avril 2016.

[3]           L’avis de fin des travaux est daté du 15 janvier 2014.

[4]           À partir du 10 février 2014, le syndicat n’était plus sous le contrôle de l’entrepreneur.

[5]           La date de réception des parties communes est le 9 mai 2014.

[6]           Le 18 août 2016, le syndicat dénonçait à l’administrateur ainsi qu’à l’entrepreneur le mauvais fonctionnement du système d’interphone dans au moins cinq unités d’habitation, soit aucune communication audio ou vidéo possible, impossibilité de déclencher le loquet de la porte d’entrée, impossibilité d’obtenir des pièces de rechange, etc.

[7]           À la suite de cette réclamation du syndicat, l’administrateur, dans un rapport de conciliation daté du 7 décembre 2016, concluait comme suit :

●          Décision

Considérant que la situation des écrans défectueux est connue depuis la réception des parties communes;

Considérant que certains écrans n’ont jamais fonctionné;

Considérant la date de dénonciation à l’administrateur du plan de garantie le 18 août 2016;

Tel que stipulé aux articles 6.4.2.3, 6.4.2.4 et 6.4.2.5 du contrat de garantie obligatoire de condominium, les situations décrites doivent être dénoncées par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices et des malfaçons. Entre la situation observée et la dénonciation, il s’est écoulé plus de 26 mois.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.

[8]           Insatisfait de cette décision de l’administrateur, le syndicat, en date du 15 janvier 2017, adressait au GAMM (Groupe d’Arbitrage et de Médiation sur Mesure) une demande d’arbitrage.

[9]           En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

        M. Pierre-Paul Léger, président du syndicat de copropriété

        M. René Cloutier, copropriétaire

        M. Francis Boucher, directeur technique chez Cossette & Touchette inc., expert retenu par le syndicat

        M. Michel Arès, T.P., conciliateur pour l’administrateur

        M. Stéphane Lévesque, entrepreneur

[10]        Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’administrateur a soumis la jurisprudence suivante :

        Syndicat des copropriétaires lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin Limitée et La Garantie Abritat inc., sentence arbitrale rendue le 24 avril 2015 par M. Jean Morissette (GAMM).

        Martine Boivin et Guy Poulin et Champsblais Constructions inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., sentence arbitrale rendue le 3 octobre 2013 par M. Claude Dupuis (GAMM).

II : DÉCISION ET MOTIFS

[11]        Il est admis, du moins par le bénéficiaire ainsi que l’administrateur, que le système d’interphone n’est pas fonctionnel et qu’il nécessite des réparations, peut-être même un remplacement intégral.

[12]        Toutefois, l’administrateur refuse la présente réclamation uniquement sur une question de délai de dénonciation.

[13]        La situation décrite en cours d’audience constitue, selon le tribunal, un vice caché. Pour en venir à cette conclusion, le soussigné s’appuie sur le rapport d’expertise, non contredit, de Cossette & Touchette inc., daté du 19 avril 2017. Je cite :

1.1 - Mise en contexte

[…]

Les différents problèmes rencontrés sont les suivants;

       Système d’interphone non fonctionnel. Appareil éteint (intérieur des logements),

       Difficulté ou incapacité d’utiliser l’écran tactile (intérieur des logements),

       Affichage de l’interphone déficient (intérieur des logements).

1.2 - Observations

Lors de l’inspection, nous avons confirmé que 11 appareils, soit 38 % des interphones, ne fonctionnent pas bien. Un peu plus de la moitié des appareils défectueux (6/11) sont hors fonction, c’est-à-dire, l’écran de ces appareils est noir et il nous a été impossible de les mettre en fonction. Les écrans tactiles de trois interphones ne fonctionnent pas, c’est-à-dire que rien ne se passe lorsque nous appuyons sur une fonction. […]

[14]        L’expert recommande le remplacement intégral de tous les systèmes, à un coût de l’ordre de 30 000 $.

[15]        En ce qui a trait au délai, je cite l’article 27.4° du plan de garantie applicable au présent dossier :

27.      La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

[…]

4°         la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

[…]

[16]        Les administrateurs ainsi que les arbitres en général insistent beaucoup sur la rigueur du délai de six mois et sur la déchéance qui en résulte; je soumets que toutes les parties sont d’accord à ce sujet, puisque cette exigence découle d’une loi.

[17]        La divergence réside plutôt sur le moment où le délai commence à courir.

[18]        À cet égard, l’article 1739 du Code civil nous vient en aide :

1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive de l’acheteur s’il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

[19]        Dans le présent dossier, l’administrateur situe la découverte de la présente situation à la réception des parties communes le 9 mai 2014, soit la date indiquée sur le Rapport de réception des parties communes préparé par Cossette & Touchette inc. (pièce A-6 de l’administrateur).

[20]        À cet égard, le procureur de l’administrateur renvoie le tribunal à la page 119 du rapport précité, sous Commentaires recueillis lors de l’inspection, notamment au paragraphe 14.3 ci-après reproduit :

14.3 - Généralisé - Lorsque quelqu’un appel [sic] dans un [sic] unité d’habitation à l’aide de l’interphone, la sonnerie se fait entendre longtemps avant que les propriétaires puissent accéder au système.

[21]        L’on remarque qu’il s’agit dans ce rapport d’une généralité sans aucune recommandation spécifique de la part de l’auteur.

[22]        La situation rapportée en ce 9 mai 2014 est loin de celle que l’on connaît aujourd’hui.

[23]        En effet, il s’agit alors d’une sonnerie paresseuse qui prend trop de temps à se faire entendre, problème qui, dans l’esprit d’un non-initié, ne sera pas difficile à résoudre; à  la lecture de ce rapport, on ne pouvait en soupçonner la gravité telle que reconnue présentement.

[24]        Aujourd’hui, on parle plutôt de communication impossible et d’écran noir.

[25]        Pour une période donnée, il n’y a pas eu de plainte adressée au syndicat, puisque l’entrepreneur avait procédé au remplacement ou à la réparation du système d’interphone dans plusieurs unités, et ce, de mars 2015 à avril 2016.

[26]        D’ailleurs, le syndicat débute sa dénonciation du 18 août 2016 comme suit :

Bonjour,

Depuis plusieurs mois, quelques copropriétaires se plaignent auprès de Sovima Habitations du non-fonctionnement de leur écran d’intercom. Les problèmes sont :

[…]

[27]        Le syndicat a donc soupçonné la gravité et l’étendue du problème plusieurs mois avant la dénonciation, et non plusieurs années comme le prétend l’administrateur, ce qui coïncide avec les interventions de l’entrepreneur qui se sont terminées en avril 2016.

[28]        Selon le soussigné, le délai entre la découverte au sens de l’article 1739 du Code civil et la dénonciation se situe entre quatre et six mois.

[29]        Également, il existe une preuve prépondérante à l’effet que les produits du système d’interphone présentement installé (de marque Lanbon) ne sont pas distribués au Canada, rendant très difficiles l’acquisition des pièces de rechange ainsi que le service après-vente. L’entreprise Desjardins Sécurité du bâtiment a par ailleurs confirmé la difficulté ou l’impossibilité de réparer ou remplacer les pièces de ce système.

[30]        Je rappelle que la situation décrite en cours d’audience constitue un vice caché qui a été découvert dans les trois ans suivant la réception.

[31]        Pour ces motifs, la présente réclamation est favorablement ACCUEILLIE.

III : RÉSUMÉ

[32]        Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :

ACCUEILLE              favorablement la présente réclamation; et

ORDONNE                à l’entrepreneur de procéder, suivant les recommandations de la firme Cossette & Touchette inc., au remplacement intégral du système problématique par un système offrant des caractéristiques initiales semblables, le tout selon les règles de l’art; et

ACCORDE                à l’entrepreneur un délai de soixante (60) jours à compter de la date de la présente pour compléter ces travaux.

[33]        À défaut d’agir de la part de l’entrepreneur, le tribunal :

ORDONNE                à l’administrateur de procéder, suivant les recommandations de la firme Cossette & Touchette inc., au remplacement intégral du système problématique par un système offrant des caractéristiques initiales semblables, le tout selon les règles de l’art; et

ACCORDE                à l’administrateur un délai de cent vingt (120) jours à compter de la date de la présente pour compléter ces travaux.

Coûts de l’arbitrage

[34]        Conformément à l’article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont entièrement à la charge de l’administrateur.

Frais d’expertise

[35]        Une certaine partie seulement (mise en contexte et estimation) du rapport d’expertise du 19 avril 2017 de la firme Cossette & Touchette inc., dont les services ont été retenus par le syndicat, a servi à la conclusion de la présente affaire; le reste de ce rapport constituait plutôt un inventaire des défectuosités.

[36]        Ainsi, conformément à l’article 38 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le tribunal ORDONNE à l’administrateur de rembourser au bénéficiaire un montant de quatre cent quatre-vingt-huit dollars et soixante-cinq cents (488,65 $) sur les deux factures de l’expert totalisant neuf cent soixante-dix-sept dollars et vingt-neuf cents (977,29 $).

 

BOUCHERVILLE, le 21 juin 2017.

 

                                                                                                                                              

 

 

 

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Claude Dupuis, arbitre