(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)
ENTRE: Madame Sylvie Simpson
(ci-après « la Bénéficiaire »)
ET
Construction Brumarg Inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET :
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.
(ci-après « l’Administrateur »)
Décision rendue le 26 novembre 2010
L'Arbitre : Guy Pelletier
Pour la Bénéficiaire : Sylvie Simpson;
Pour l’Entrepreneur : aucun représentant;
Pour l’Administrateur : Me Stéphane Paquette, Savoie Fournier;
Joanne Tremblay;
Mark Richardson.
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 4 août 2010
CCAC S10-260701-NP
Historique et pièces :
17 janvier 2008: |
Déclaration de copropriété; |
25 février 2008: |
Formulaire d'inspection préréception; |
3 mars 2008: |
Réclamation à l'Entrepreneur (copie à l'Administrateur); |
29 avril 2008: |
Réclamation à l'Administrateur; |
17 décembre 2008: |
Lettre de l'Administrateur à la Bénéficiaire; |
10 février 2009: |
Lettre de l'Administrateur à l'Entrepreneur; |
10 février 2009: |
Lettre de l'Administrateur à la Bénéficiaire; |
4 août 2009 : |
Décision de l'Administateur; |
27 août 2009: |
Demande d'arbitrage de l'Entrepreneur; |
3 septembre 2009: |
Demande de provision par l'organisme d'arbitrage; |
26 avril 2010: |
Désertion de la demande d'arbitrage; |
21 juin 2010: |
Proposition de travaux correctifs par l'Administrateur; |
19 juillet 2010: |
Demande d'arbitrage de la Bénéficiaire; |
4 août 2010 : |
Nomination de l'arbitre; |
24 septembre 2010 : |
Audition préliminaire par conférence téléphonique; |
22 octobre 2010: |
Audition par conférence téléphonique; |
17 novembre 2010: |
Audition et visite des lieux; |
Introduction :
[1] La Bénéficiaire demande l'arbitrage près d'un an après avoir reçu une décision qui lui est favorable au motif que les travaux que veut réaliser l'Administrateur, à titre de caution de l'Entrepreneur, seront partiels et inadéquats pour corriger les malfaçons reconnues.
[2] En mars 2008, la Bénéficiaire demande à l'Entrepreneur d'apporter des correctifs aux planchers de son unité détenue en copropriété divise qui sont hors niveau "dans des proportions démesurées". Une copie de cette réclamation est transmise à l'Administrateur.
[3] Le 29 avril 2008, la Bénéficiaire fait une réclamation à l'Administrateur.
[4] Le 17 décembre 2008, l'Administrateur déclare la fin des travaux aux parties communes et ce à titre de caution de l'Entrepreneur, par lettre adressée à la Bénéficiaire. Il informe cette dernière que le syndicat doit procéder à l'étape de réception des parties communes. À défaut de voir compléter le document d'inspection, l'Administrateur indique que la réception des parties communes sera présumée avoir eu lieu 6 mois plus tard, soit le 17 juin 2009.
[5] Le 14 mai 2009, l'Administrateur procède à l'inspection de l'unité privative appartenant à la Bénéficiaire et rend, le 4 août suivant, une décision qui lui est favorable. Dans cette décision, la date de la réception du bâtiment est indiquée, vraisemblablement par erreur, comme étant le 17 juin 2008.
[6] Le 27 août suivant, l'Entrepreneur conteste la décision de l'Administrateur et demande l'arbitrage. Il ordonne alors à l'Entrepreneur d'exécuter les travaux correctifs
[7] Le Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) constate la désertion de la demande en avril 2010, l'Entrepreneur n'ayant pas donné suite aux conditions requises pour le traitement de sa demande.
[8] L'Entrepreneur n'étant plus en affaires, l'Administrateur prend en charge la suite du dossier et remet à la Bénéficiaire, le 21 juin 2010, une proposition décrivant l'étendue et la nature des travaux qu'il entend réaliser lui-même, à titre de caution de l'Entrepreneur, ci-après: la Proposition.
[9] Insatisfaite de la Proposition, la Bénéficiaire demande l'arbitrage le 19 juillet suivant.
[10] En conférence préparatoire, l'Administrateur soulève une objection préliminaire au motif que la demande d'arbitrage est tardive puisqu'elle a été déposée, par la Bénéficiaire, onze mois après la décision qu'il a rendue, ordonnant à l'Entrepreneur d'exécuter les travaux correctifs aux planchers.
[11] Les points en litige à ce moment-là sont les suivants:
· La recevabilité de la demande d'arbitrage;
· La portée incomplète des travaux correctifs contenue dans la Proposition par rapport à ceux reconnus dans la décision.
Les auditions :
[12] Une audition préliminaire est tenue par conférence téléphonique, le 24 septembre 2010 au cours de laquelle Me Paquette, procureur de l'Administrateur, soulève une objection au motif que la demande d'arbitrage de la Bénéficiaire a été faite tardivement, soit près d'un an après la décision rendue par l'Administrateur, et que de ce fait elle n'est pas recevable.
[13] Une audition est tenue par conférence téléphonique le 22 octobre 2010 pour disposer de l'objection préliminaire .
[14] À ce moment-là, madame Simpson argumente qu'elle n'avait pas de motif pour faire une demande d'arbitrage dans les jours qui ont suivi la décision de l'Administrateur, car celle-ci lui était favorable. Ce n'est que plusieurs mois plus tard, après avoir pris connaissance de la Proposition qui lui a été faite pour la réalisation des travaux, qu'elle dit avoir constaté que la solution présentée ne corrigeait que partiellement les malfaçons reconnues antérieurement dans la décision.
[15] Il est alors apparu nécessaire de faire une visite des lieux pour cerner la problématique et établir si, effectivement, la Proposition faite par l'Administrateur, en juin 2010, avait la même portée que la décision, quant à l'étendue des travaux correctifs à être exécutés.
[16] La visite des lieux et l'audition se sont tenues le 17 novembre 2010, au domicile de la Bénéficiaire.
[17] Madame Tremblay, inspecteur-conciliateur signataire de la décision, présente ses observations quant aux dénivellations à l'aide d'un niveau de menuisier et d'un niveau laser.
[18] Elle fait le constat que le plancher de la cuisine, de la salle à manger et du salon ne sont pas de niveau. Il en est ainsi du plancher de la chambre à coucher située sur la mezzanine.
[19] Elle témoigne alors sur le contenu de la décision qu'elle a rendue le 4 août 2009 et qui se lit ainsi:
L'inspection a permis d'observer que des dénivellations importantes affectent les planchers, principalement dans la section cuisine et sur la mezzanine au-dessus de la cuisine...
La poutre du plafond du premier étage présente également une dénivellation non acceptable...
Nous constatons également que le problème observé est dû à une malfaçon relevant des parties communes du bâtiment, problème que l'administrateur doit considérer et pour lequel des travaux correctifs devront être exécutés par l'entrepreneur, tant au plancher qu'à la poutre, à la suite de quoi les lieux devront être remis à leur état d'origine...
Par conséquent, l'administrateur doit accueillir la demande de réclamation du syndicat à l'égard de ce point.
(les soulignements sont de l'arbitre)
[20] Monsieur Richardson, a présenté lors de la visite des lieux, l'étendue des travaux correctifs contenue dans la Proposition remise à la Bénéficiaire, le 21 juin 2010. La Proposition se lit ainsi:
Enlever le plancher (céramiques) et les armoires du bas dans la cuisine pour effectuer un nivelage du plancher...
Enlever une partie de gypse au plafond du salon.
Reposer, en s'assurant d'être de niveau au niveau de la poutre...
Enlever le revêtement de plancher au niveau de la mezzanine.
Niveler le plancher à l'aide d'un produit auto-nivelant. Reposer le tout tel qu'à l'origine une fois le nivellement terminé.
[21] Madame Tremblay témoigne à l'effet que la décision qu'elle a rendue est moins précise en regard des "dénivellations importantes" qui affectent les planchers comparativement à la Proposition soumise par monsieur Richarson qui se limite aux dénivellation dans la cuisine et la chambre. Elle constate aussi que les malfaçons qu'elle a observées ne visent pas la "poutre du plafond" mais plutôt le plafond lui-même à la jonction de la poutre.
[22] Madame Tremblay argumente à l'effet qu'il n'y a pas lieu de faire des travaux correctifs dans toutes les pièces de l'unité compte tenu des tolérances reconnues dans l'industrie de la construction. Pour soutenir son témoignage elle dépose deux extraits de documents à savoir:
Guide de performance de l'APCHQ
Structure de plancher hors niveau
performance minimale attendue
Un écart maximum de 3/4 po (20 mm) sur une longueur de 20 pi (6m)...est considéré comme normal.
et
Construction Performance Guidelines, Ontario new home warranty program.
Finished floor above grade is out of level.
Acceptable Performance/Condition
Where a floor framed with dimensional lumber appears sloped, a maximum tolerance ratio of 25 mm in 3600 mm applies, when measured between the opposite walls or defined limits of the room or area.
[23] Elle explique que les mesures prises quant aux dénivellations dans la salle à manger et le salon sont inférieures aux tolérances jugées acceptables dans ces guides et qu'en conséquence, il n'est pas requis de faire des correctifs.
[24] Madame Simpson argumente que la mise à niveau du plancher dans seulement deux pièces, soit la cuisine et la chambre, va créer des écarts importants au niveau des seuils, à la rencontre des autres planchers et à la dernière contremarche de l'escalier à la mezzanine.
[25] Pour ce qui est de la cuisine et de la chambre, Monsieur Richardson explique qu'il pourra corriger les dénivellations avec un produit auto-nivelant en minimisant les écarts de niveau entre les pièces. Selon son estimation, la hauteur maximale du seuil entre la cuisine et la salle à manger sera d'environ 10 mm sur une longueur d'environ 1500 mm et pourra être atténuée par un seuil en bois posé avec une légère pente.
[26] Quant à la réparation du plafond dans le salon, monsieur Richardson note qu'il est actuellement difficile de confirmer la solution qui sera retenue tant qu'il n'aura pas pratiqué une ouverture pour constater le problème qui se cache sous la finition. Pour corriger la dénivellation, il pourra éventuellement baisser une partie du plafond et modifier la configuration de la poutre pour éviter que le changement ne soit apparent.
[27] Me Paquette argumente qu'il s'agit d'un problème esthétique et qu'il faut tenir compte du caractère de raisonnabilité des frais à engager lorsqu'on corrige une telle situation. Il souligne que l'Administrateur, à titre de caution de l'Entrepreneur, a une obligation de résultat mais, par ailleurs, qu'il a le choix des moyens pour y parvenir.
[28] Madame Simpson argumente que les dénivellations importantes au plancher et au plafond, ne constituent pas simplement une question d'esthétisme, mais causent un préjudice financier qui affecte la valeur marchande de l'unité.
[29] Se référant à la Déclaration de copropriété, Me Paquette plaide à l'effet que les travaux qui doivent être exécutés concernent les parties communes, puisqu'il faut étendre une couche de béton auto-nivelant sur la structure du plancher, sous la finition.
[30] À cet effet, il rappelle que la Bénéficiaire ne peut faire une réclamation qui porte sur les parties communes.
[31] Dans les circonstances et puisque l'Administrateur est disposé à faire les travaux pour réparer les malfaçons qu'il a reconnues, Me Paquette demande à la Bénéficiaire d'obtenir auparavant l'autorisation du syndicat.
[32] Mme Simpson répond qu'elle croit possible d'obtenir cette autorisation.
[33] Me Paquette dépose plusieurs décisions[1] arbitrales soutenant son argumentation, à l'effet que l'Administrateur n'est pas tenu de faire des travaux correctifs lorsque la situation dénoncée rencontre les tolérances reconnues dans l'industrie.
Analyse:
[34] Le Tribunal doit disposer des questions suivantes:
· Est-ce que la demande d'arbitrage de la Bénéficiaire est recevable?
· Est-ce que la Proposition soumise par l'Administrateur en regard des travaux correctifs qu'il entend réaliser, à titre de caution de l'Entrepreneur, est conforme à la décision rendue en août 2009 et doit être maintenue?
· Est-ce que la Bénéficiaire doit obtenir l'autorisation du syndicat avant que l'Administrateur fasse les travaux correctifs?
[35] À l'examen de la preuve documentaire contenue au dossier, il appert nécessaire, au préalable, de faire ressortir certaines particularités du dossier pour répondre adéquatement à ces questions.
[36] En avril 2008, la Bénéficiaire a fait une réclamation à l'Administrateur, avant la fin des travaux des parties communes, tel qu'il appert dans la lettre de ce dernier, datée du mois de décembre 2008.
[37] En février 2009, 10 mois après la réclamation, l'Administrateur envoie un avis de 15 jours à l'Entrepreneur conformément à l'article 34.30 du Règlement pour qu'il intervienne dans le dossier et l'informe des mesures qu'il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire.
[38] Trois mois plus tard, soit le 14 mai 2009, l'Administrateur procède à l'inspection de la propriété.
[39] L'Administrateur rend sa décision en août 2009, après la réception présumée des parties communes, soit 16 mois après la réclamation de la Bénéficiaire, et constate que le problème relève des parties communes.
[40] Même si elle n'a pas été déposée par le syndicat des copropriétaires, l'Administrateur accueille toutefois la réclamation de la Bénéficiaire de la partie privative.
[41] L'Administrateur ordonne à l'Entrepreneur d'exécuter les travaux pour corriger les malfaçons résultant d'un défaut des parties communes.
[42] Insatisfait de la décision, l'Entrepreneur demande l'arbitrage pour les motifs suivants:
" l'ingénieur qui avait préparé les plans,...avait expliqué et démontré que c'était un problème structural relié au poids que le propriétaire mettait sur le plancher et qu'aucun correctif à sa connaissance pouvait remédier à ce problème de dénivellation.
Dans les circonstances, à moins de démolir tout le troisième étage incluant le toit, il est impossible de remédier à cette situation: à l'impossible nul n'est tenu."
[43] L'Entrepreneur n'ayant pas répondu aux exigences de la société d'arbitrage pour le traitement de sa demande d'arbitrage, celle-ci est considérée comme désertée plusieurs mois après son dépôt.
[44] En juin 2010, soit près d'un an après sa décision, l'Administrateur soumet une Proposition à la Bénéficiaire pour la réalisation des travaux correctifs. Ceux-ci concernent le nivellement du plancher de la cuisine, celui de la chambre sur la mezzanine ainsi que la réparation partielle du plafond du salon.
[45] Quelque 39 jours plus tard, la Bénéficiaire dépose une demande d'arbitrage pour que les travaux soient exécutés correctement et non de façon partielle ou inadéquate comme le projette l'APCHQ.
La recevabilité de la demande d'arbitrage
[46] En conférence préparatoire, l'Administrateur a soulevé une objection préliminaire quant à la recevabilité de la demande d'arbitrage.
[47] Pour les bâtiments détenus en copropriété divise auxquels s'applique la garantie, il y a lieu d'examiner les articles suivants du Règlement:
V. Recours
35. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur ...
35.1. Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 33, 33.1, 34, 66, 69.1,132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou, à moins que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
IV. Mécanisme de mise en oeuvre de la garantie
33. Chaque partie privative visée par la garantie doit être inspectée avant la réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur et le bénéficiaire à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur. Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.
L'inspection doit être différée lorsque la réception de la partie privative intervient après la fin des travaux des parties communes.
Les parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur.
34. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 27:
...
2° au moins 15 jours après l'expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l'administrateur s'il est insatisfait de l'intervention de l'entrepreneur ou si celui-ci n'est pas intervenu; il doit verser à l'administrateur des frais de 100 $ pour l'ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;
3° dans les 15 jours de la réception de l'avis prévu au paragraphe 2, l'administrateur demande à l'entrepreneur d'intervenir dans le dossier et de l'informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu'il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;
4° dans les 15 jours qui suivent l'expiration du délai accordé à l'entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l'administrateur doit procéder sur place à une inspection;
5° dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l'entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu'il indique, convenu avec le bénéficiaire ;
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.
(les soulignements sont de l'arbitre)
[48] L'Administrateur n'a pas plaidé son objection et s'en remet à la décision de l'Arbitre sur ce sujet.
[49] L'analyse de la preuve documentaire fait ressortir des manquements de l'Entrepreneur relativement à la procédure de réception des travaux et des délais considérables dans le traitement de la demande d'arbitrage par l'Administrateur contrairement aux prescriptions des article 33 et 34 du Règlement.
[50] Dans les circonstances, le Tribunal est d'avis que l'Administrateur ne peut opposer à la Bénéficiaire, le non-respect d'un délai en vertu de l'article 35.1 du Règlement.
[51] Deuxièment, l'Administrateur a reconnu que la portée des travaux contenue dans la décision du mois d'août 2009 était "moins précise" que la Proposition préparée par Mark Richardson en juin 2010.
[52] Il y a lieu de se questionner sur la chaîne des évènements qui laisserait croire que l'Administrateur a modifié sa décision du mois d'août 2009 en présentant une proposition plus limitative de l'étendue des travaux.
[53] L'Entrepreneur a contesté la décision de l'Administrateur au motif qu'il n'existait pas de solutions pour corriger le problème de dénivellation de la structure, à moins de tout démolir et de reconstruire.
[54] La Bénéficiaire a déposé sa demande d'arbitrage 40 jours après la réception de la Proposition de l'Administrateur, soit 10 jours de plus que le délai de 30 jours prescrit à l'article 35 du Règlement.
[55] Depuis la décision rendue en appel par l'Honorable juge Ginette Piché, le 9 juillet 2003 ,de nombreuses décisions arbitrales[2] ont fait jurisprudence en retenant que le délai prescrit aux articles 19 et 35 du Règlement doit être considéré comme un délai de procédure et non pas comme un délai de déchéance ou de rigueur.
[56] Considérant la réaction démesurée de l'Entrepreneur, appuyé par son ingénieur, le Tribunal est d'avis que la Bénéficiaire, qui n'est pas expert en construction, a eu raison de considérer la Proposition comme étant une nouvelle décision de l'Administrateur et de déposer une demande d'arbitrage à ce moment-là.
[57] Considérant les circonstances, toute la jurisprudence, les articles 33, 34 et 116 du Règlement et le court délai entre la Proposition détaillée sur l'étendue des travaux et la demande d'arbitrage, le Tribunal rejette l'objection de l'Administrateur et déclare recevable la demande d'arbitrage.
L'étendue des travaux et la décision rendue en août 2009
[58] Sans déterminer la méthode corrective ni préciser de façon détaillée l'étendue des travaux, l'Administrateur a ordonné à l'Entrepreneur, dans sa lettre du 4 août 2009, de donner suite à la décision rendue à défaut de quoi il "devra faire intervenir un autre entrepreneur".
[59] La décision est formulée ainsi:
L'inspection a permis d'observer que des dénivellations importantes affectent les planchers, principalement dans la section cuisine et sur la mezzanine au-dessus de la cuisine...
La poutre du plafond du premier étage présente également une dénivellation non acceptable...
Nous constatons également que le problème observé est dû à une malfaçon relevant des parties communes du bâtiment, problème que l'administrateur doit considérer et pour lequel des travaux correctifs devront être exécutés par l'entrepreneur, tant au plancher qu'à la poutre, à la suite de quoi les lieux devront être remis à leur état d'origine...
[60] L'Entrepreneur a déposé une demande d'arbitrage au motif qu'aucun correctif à sa connaissance pouvait remédier à ce problème de dénivellation... à moins de démolir tout le troisième étage incluant le toit.
[61] Il faut comprendre de la décision et de la réaction impulsive de l'Entrepreneur, que les malfaçons affectent l'ensemble des planchers et la structure vu que la poutre du plafond du premier étage présente également une dénivellation non acceptable.
[62] Lors de l'audition madame, Joanne Tremblay, expert de l'Administrateur et signataire de la décision, atténue cette interprétation de la décision en démontrant par des mesures que les dénivellations excèdent les tolérances reconnues en ce qui concerne la cuisine et la chambre sur la mezzanine seulement.
[63] Elle note aussi que la poutre du plafond n'est pas hors niveau contrairement à ce qui est écrit, mais seulement une partie du plafond sur laquelle il vient buter.
[64] Lors de cette visite des lieux, il est constaté toutefois que tous les planchers sont inclinés en partant du mur extérieur vers l'intérieur. Cette dénivellation s'atténue lorsqu'on s'éloigne de la cuisine formant une surface gauchie.
[65] Sur la mezzanine, qui comprend une chambre à coucher à aire ouverte et une salle de bain, il est possible d'observer une dénivellation similaire du plancher.
[66] S'appuyant sur les guides de tolérance, la Proposition soumise à la Bénéficiaire le 21 juin 2010, vient limiter la correction des malfaçons au plancher de la cuisine, à celui de la chambre sur la mezzanine et à une partie du plafond du salon.
[67] Pour limiter la hauteur des seuils ainsi créés au premier étage (salle à manger / cuisine) et à la mezzanine (chambre / salle de bain adjacente), le nivellement devra se faire progressivement et de façon imparfaite en respectant les tolérances acceptables, selon le témoignage de Mark Richardson.
[68] Une interprétation restrictive de la preuve documentaire pourrait laisser croire que l'Administrateur a décidé de ne pas corriger toutes les malfaçons qu'il a reconnues dans sa décision.
[69] Le litige que l'Arbitre doit trancher, résulte des attentes créées chez la Bénéficiaire par une décision de l'Administrateur qui est formulée de façon manifestement imprécise.
[70] Dans ces circonstances, la Bénéficiaire était justifiée de questionner et contester la solution proposée.
[71] L'Arbitre est d'avis cependant que la solution proposée est raisonnable si elle permet d'obtenir un résultat limitant les dénivellations à l'intérieur des règles de tolérance contenues dans le Guide de performance de l'APCHQ.
[72] Pour ce faire, l'Administrateur devra assurer un contrôle serré du résultat attendu durant la réalisation des travaux et émettre à la Bénéficiaire une attestation de performance confirmant la correction des malfaçons, de telle sorte que la valeur marchande de la propriété ne puisse être remise en question par la suite.
L'autorisation du syndicat
[73] L'Administrateur a accueilli la réclamation de la Bénéficiaire en indiquant toutefois que les malfaçons dénoncées résultaient d'un problème de structure.
[74] Dans les circonstances, le litige concerne les parties communes de telle sorte que la réclamation aurait dû être faite par et au nom du syndicat de copropriété.
[75] Par contre en mai 2008, au moment où la Bénéficiaire a fait sa réclamation, la réception des travaux des parties communes n'avait pas été faite et le syndicat provisoire, en principe, était encore sous le contrôle de l'Entrepreneur. La réception présumée a eu lieu en juin 2009, soit plusieurs mois plus tard. Il appartenait donc à l'Entrepreneur d'apporter les correctifs requis aux malfaçons.
[76] L'arbitre Chartier, dans une décision[3] relative à un problème similaire a écrit:
Il est du ressort de l'Entrepreneur de communiquer avec le Syndicat des condos, s'il y a lieu, pour les parties communes, et non pas du ressort de Bénéficiaire qui ne s'y connaît pas en correctifs. Il revient à l'Entrepreneur de prendre les dispositions qui s'imposent pour faire les correctifs, comme par exemple, les permissions ou les permis.
[77] Bien que la Bénéficiaire se soit montrée disposée à obtenir l'autorisation du syndicat et considérant l'historique du dossier, le soussigné est d'avis qu'il est de la responsabilité ultime de l'Administrateur, à titre de caution de l'Entrepreneur, d'obtenir cette autorisation du syndicat pour faire les travaux.
Le remboursement des frais d'expertise
[78] Après l'audition la Bénéficiaire a fait une réclamation pour les frais d'expertise qu'elle a encourus.
[79] L'Administrateur s'est objecté au remboursement des frais, arguant qu'il n'a pas eu l'opportunité de questionner l'expert.
[80] Le Règlement prévoit à l'article 124 que l'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur.
[81] Le soussigné est d'avis que le rapport et le témoignage de l'expert aurait dû faire partie de la preuve de la Bénéficiaire lors de l'audition pour qu'ils puissent être appréciés quant à leur pertinence.
[82] Le rapport d'expertise préparé par Effitech n'ayant pas été présenté et le signataire du rapport n'ayant pas été invité à témoigner lors de l'audition, l'Arbitre ne juge pas approprié de condamner l'Administrateur au remboursement des frais d'expertises.
DÉCISION:
[83] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.» (art. 116)
[84] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec (art. 107) à trancher tout différend découlant de l'application du plan de garantie.
[85] La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[86] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que la Bénéficiaire était justifiée de déposer une demande d'arbitrage suite à la réception de la Proposition.
[87] Considérant que l'Arbitre n'est pas parfaitement convaincu que la Proposition, telle que libellée, corrigera toutes les malfaçons.
[88] Considérant la bonne foi de l'Administrateur, malgré la formulation douteuse et parfois erronée (la poutre) de la décision, les soussigné maintient la Proposition aux conditions suivantes:
· L'Administrateur devra assurer une surveillance et un contrôle serré des travaux;
· À la fin des travaux, comme il a le choix des moyens, il devra émettre une attestation de résultat et de performance à l'effet que les malfaçons affectant l'ensemble des planchers et le plafond du salon ont toutes été corrigées, en conformité des tolérances énoncées dans le Guide de performance de l'APCHQ.
[89] Considérant le fait que l'Administrateur a accueilli la réclamation de la Bénéficiaire et la confusion qui enveloppe ce dossier, l'Arbitre est d'avis qu'il appartient à l'Administrateur de prendre les mesures nécessaires pour obtenir l'autorisation du syndicat des copropriétaires et exécuter les travaux.
[90] Considérant le libellé de la décision, la Bénéficiaire a eu raison de demander l'arbitrage pour faire clarifier et justifier l'étendue des travaux contenue dans la Proposition, de telle sorte que l'arbitre considère qu'elle a eu gain de cause. Ainsi, les frais d'arbitrage sont à la charge de l'Administrateur en vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[91] REJETTE l'objection préliminaire de l'Administrateur;
[92] REJETTE la demande de la Bénéficiaire quant au remboursement des frais d'expertises.
[93] MAINTIENT la solution proposée (la Proposition) pour la réalisation des travaux correctifs sous conditions que l'Administrateur assure une surveillance et un contrôle serré de l'exécution des travaux et émette par la suite, une attestation de résultat et de performance pour l'ensemble des planchers, en conformité des règles de tolérance prévues au Guide de performance de l'APCHQ, de telle sorte que la valeur marchande de la copropriété ne puisse être remise en cause par l'existence de malfaçons résiduelles;
[94] ORDONNE à l'Administrateur de faire lui-même les démarches qui pourraient être nécessaires pour obtenir du syndicat des copropriétaires, l'autorisation d'exécuter les travaux qui devront être terminés au plus tard le 1ier mai 2011, à moins qu'une entente entre les parties n'en convienne autrement;
[95] CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage;
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 26 novembre 2010
[1]Kulwant Sing Minhas et Surjit Kaur Parmar c. Nader Construction et La Garantie desbâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 7 mai 2010, par Me Jeffrey Edwards:
Angèle Gosselin c. Construction G. Carrier inc. et La Garantie qualité habitation de québec inc., sentence arbitrale rendue le 23 décembre 2009, par Me Reynald Poulin:
Stéphen Gallant c. Samcon Masson inc. et La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 14 décembre 2009, par Me Jeffrey Edwards:
Rénald Rivest et Diane Lafond c. Démon S.L. inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 22 février 2010, par Claude Dupuis:
Pasqualina Maietta et Miguel Enrique Berreondo Gamez c. Groupe immobilier Clé d'or inc. et la Garantie Habitation du Québec inc., sentence rendue le 20 avril 2998, par Guy Pelletier.
[2] Notamment:
C. Leduc et S. Daigneault c. Les Résidences Pro-Fab Inc. et La Garantie Qualité Habitation inc., sentence rendu par Alcide Fournier, le 19 octobre 2004; Tania Parient-Muller et Nathalie Perreault c. Pronotech construction Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., sentence rendue par Me Suzanne Chartier, le 16 mar2005; Les maisons Zibeline Inc. c. François Gagnon et Me Jeffrey Edwards, sentence rendue par Me Jeffrey Edwards; Patrick Malboeuf et Maude Tremblay c. Construction Paveton Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., sentence rendue par Me Marcel Chartier, le 28 décembre 2007; Karl Boivin et Susan Brown c. Les Constructions Xaloma inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., sentence rendue par Me Marcel Chartier, le 3 février 2008.
[3] Marcel Aubin c. Habitation Chambord inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ, 10 décembre 2004.