ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier : GAMM : 2015-16-015
QH : 70942-8143
ENTRE :
JEAN-FRANÇOIS JOYAL ET CATHERINE ROY
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET :
3858081 CANADA INC./LES MAISONS DOMINUS
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET :
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Karine Poulin
Pour l’Entrepreneur : Absent
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Jean-François Joyal
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date d’audience : 18 février 2016
Date de la sentence : 24 août 2016
SENTENCE ARBITRALE
I
LE RECOURS
[1] Les bénéficiaires, Monsieur Jean-François Joyal et Madame Catherine Roy (ci-après appelés les « Bénéficiaires »), contestent en vertu des articles 106 et suivants du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (ci-après appelé le « Règlement ») le point 2 du rapport de conciliation supplémentaire de l’Administrateur émis le 2 novembre 2015 et qui se lit comme suit :
POINT 2 : PAREMENT EXTÉRIEUR : RÊVEMENT DE BOIS USINÉ DE MARQUE ST-LAURENT
Les Bénéficiaires nous mentionnent avoir dénoncé le 28 septembre dernier, par courriel, la situation suivante :
(…)
Nous avons découvert de nouvelles moisissures à une fenêtre de la maison située sur le mur latéral (voir photos en attaché). En fait, c’est la fenêtre d’entrée sur le côté de la maison.
(…)
Il faut comprendre que ces moisissures proviennent du même problème que nous avons révélés (sic) à l’ouverture de notre dossier l’an passée (sic). Au passage de votre inspecteur en janvier, ce dernier a constaté certains problèmes aux moulures, mais sans toutefois déposer un ordre de travaux à cet effet. Mais s’il y avait eu au moment de sa visite la présence de champignon tel que vue (sic) à la fenêtre en saillit (sic), peut-être aurait-il inclus la réfection des moulures aux pourtours de la maison en plus de la fenêtre en saillit (sic)….
Bref, c’est un problème connu depuis le début mais que les véritables dégâts visuelles (sic) sont apparus seulement dernièrement….
En gros, toutes les moulures aux fenêtres devront être refaites de toutes façons (sic).
(…)
• Constatations du conciliateur :
Lors de ma visite, j’ai fait les observations suivantes au revêtement extérieur de bois usiné de marque St-Laurent au mur Nord :
Ø Présence de champignons au coin inférieur gauche de l’ouverture de la fenêtre du vestibule ;
Ø L’état du revêtement ne s’est pas dégradé depuis la visite du 9 janvier 2015
Suivant mes observations, je maintiens la décision rendue à mon rapport de conciliation émis le 2 février dernier pour les mêmes raisons.
• Décision
Considérant mes observations;
Considérant que la situation dénoncée ne s’apparente pas à un vice de construction;
Considérant que le soussigné maintient sa décision rendue le 2 février dernier;
Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation n’a plus à statuer sur ce point dans le cadre de son mandat.
[2] Pour fins de compréhension, indiquons que la décision du 2 février 2015 à laquelle on réfère rejette la réclamation des Bénéficiaires relative au parement extérieur au motif que la situation dénoncée ne rencontre pas les critères du vice de construction. Cette décision n’a pas été portée en appel.
[3] En septembre 2015, les Bénéficiaires ont demandé à l’Administrateur de vérifier de nouveau la situation du parement extérieur dénoncée antérieurement, situation qu’ils prétendent aggravée par rapport à la situation qui prévalait l’année précédente. L’Administrateur a maintenu sa décision du 2 février 2015 et cette décision fait aujourd’hui l’objet de la contestation des Bénéficiaires.
II
LES FAITS
[4] Le 10 septembre 2010, les Bénéficiaires ont procédé à l’inspection pré réception de leur propriété située au [...], dans la ville de Beloeil (ci-après appelée la « Propriété »).
[5] À l’été 2014, une propriété voisine est mise en vente et les Bénéficiaires sont informés que celle-ci échoue l’inspection pré achat à 2 reprises.
[6] Inquiets, les Bénéficiaires procèdent à une inspection visuelle de leur propre Propriété, ayant alors des doutes sur la qualité de leur construction, celle-ci émanant du même Entrepreneur, aujourd’hui en faillite. Ils y constatent alors la présence de champignons et de moisissure sur la moulure de la fenêtre en saillie à l’avant de leur Propriété. Estimant cette situation anormale, le 22 septembre 2014, les Bénéficiaires ont dénoncé la situation à l’Administrateur.
[7] Le 9 janvier 2015, Monsieur Michael Labelle, au nom de l’Administrateur, effectue une première inspection de la Propriété. Au total, sept (7) points sont traités par Monsieur Labelle dont le point numéro 2 relatif au parement extérieur.
[8] Le 2 février 2015, Monsieur Labelle signe et transmet son rapport de conciliation lequel refuse de donner suite à la réclamation des Bénéficiaires relative au parement extérieur (point numéro deux (2) de ce premier (1er) rapport) puisque la situation dénoncée ne rencontre pas le degré de gravité requis au sens du Règlement et de l’article 2118 du Code civil du Québec[2] pour être considéré comme un vice de construction. Les Bénéficiaires n’en ont pas appelé de cette décision.
[9] Par la suite, le 28 septembre 2015, les Bénéficiaires communiquent de nouveau avec l’Administrateur afin de dénoncer une aggravation de la situation traitée au point numéro 2 de la décision du 2 février précédent et demandent à ce qu’une inspection supplémentaire ait lieu.
[10] Ainsi, le 22 octobre 2015, Monsieur Labelle effectue une deuxième (2e) visite de la Propriété d’où le rapport supplémentaire du 2 novembre 2015 dans lequel il déclare maintenir sa décision du 2 février 2015.
[11] Suivant la réception de cette nouvelle décision, les Bénéficiaires demandent l’arbitrage de celle-ci le 4 novembre 2015. C’est de cette décision dont le Tribunal est saisi.
III
LA PREUVE
Bénéficiaires
[12] Monsieur Joyal témoigne avoir pris possession de la Propriété le 10 septembre 2010. Il explique les circonstances ayant menées à la découverte des problèmes dénoncés en septembre 2014, soit les visites préachat échouées par une propriété voisine.
[13] Par la suite, il indique qu’ils n’ont pas porté la décision du 2 février 2015 en appel pour des raisons qui leur sont personnelles mais que néanmoins, lorsqu’au mois de septembre 2015 ils constatent l’apparition de champignons mais cette fois-ci, à la moulure de la fenêtre en façade latérale, ainsi que la dégradation plus avancée du revêtement extérieur, ils contactent de nouveau l’Administrateur le 28 septembre 2015.
[14] Ainsi, le 28 septembre 2015, les Bénéficiaires dénoncent la situation par écrit conformément au Règlement. Monsieur Joyal indique qu’à cette époque, des travaux avaient lieux sur leur Propriété suite à la reconnaissance de leur réclamation quant au point numéro 1 de la décision du 2 février 2015.
[15] Suite à cette seconde dénonciation, Monsieur Labelle effectue une deuxième visite de la Propriété.
[16] Monsieur Joyal rapporte que Monsieur Labelle lui aurait dit lors de cette visite que si les champignons à la moulure de la fenêtre latérale étaient apparus en même temps que ceux à la fenêtre en saillie, il aurait reconnu la présence d’un vice de construction. Le Bénéficiaire souligne que l’Administrateur reconnaît les problèmes de dégradations au revêtement.
[17] Par ailleurs, n’ayant pas demandé de visite des lieux, le Bénéficiaire montre au Tribunal les photos qui se trouvent dans le rapport de l’Administrateur. Il admet que sur ces photos, le gondolement du parement n’est pas très apparent. Par contre, il indique qu’il s’attendait à ce que les photos soient prises sous le même angle afin de bien voir l’évolution du gondolement. Il dit que le gondolement est pire que lors de la première visite.
[18] Il mentionne que plusieurs voisins ont les mêmes problèmes que lui. Il se dit préoccupé par le fait que lorsqu’ils voudront vendre leur Propriété, le prix de vente en sera affecté.
[19] En contre-interrogatoire, Monsieur Joyal confirme qu’il était au courant des vices en septembre 2014, mais qu’il en ignorait la cause. De plus, bien que l’Administrateur lui ait donné raison pour le Point 1 uniquement dans sa décision du 2 février 2015, il affirme que le Point 1 et le Point 2 sont le même problème.
[20] Monsieur Joyal explique également qu’il n’a pas porté la décision du 2 février 2015 en appel pour des raisons personnelles dont notamment l’arrivée d’un deuxième enfant et le manque de fonds pour procéder à une expertise.
[21] Il indique qu’il croyait que, lors de la deuxième (2e) visite de Monsieur Labelle, il pourrait renchérir. En somme, il n’a pas voulu tout répéter dans sa deuxième (2e) dénonciation mais il croyait que la situation du gondolement serait de nouveau évaluée. Il est déçu que Monsieur Labelle se soit limité à sa deuxième (2e) demande pour faire le deuxième (2e) rapport. Il dit espérer que le Tribunal en tiendra compte.
[22] Il ajoute qu’au moment de faire la 2e dénonciation, il se disait que « comme des travaux étaient en cours relativement au point numéro 1 reconnu dans la décision du 2 février 2015 », l’Administrateur accepterait peut-être d’ajouter les travaux pour la situation aggravée « tant qu’à y être ».
[23] Le Bénéficiaire affirme que le problème est connu depuis le début, mais qu’il n’est devenu visuel et apparent que récemment. En effet, il soutient qu’étant donné que de nouveaux champignons sont apparus en septembre 2015, il s’agit du même problème. Selon lui, il y a un lien avec les autres champignons présents sur la fenêtre en saillie en septembre 2014.
[24] Monsieur Joyal admet que le seul problème visible est celui relié au revêtement extérieur. Par contre, il soutient que lors de la réfection de la fenêtre en saillie ils se sont rendu compte que la membrane pare-intempéries était affectée. Il n’est donc pas impossible, selon lui, que le même type de découverte soit faite lorsque le revêtement extérieur sera retiré et remplacé.
[25] Finalement, le Bénéficiaire indique que le coût de réparation, selon l’estimation la plus récente, est de 15 000,00 $.
[26] Par la suite, Monsieur Mathieu Landry témoigne pour les Bénéficiaires. Monsieur Landry est expert en bâtiment. L’Administrateur n’a pas contesté sa qualité et le Tribunal a reconnu la qualité d’expert du témoin et c’est à ce titre qu’il témoigne devant le Tribunal.
[27] Il confirme être l’auteur du rapport d’inspection visuelle daté du 9 novembre 2015 et déposé au dossier.
[28] Le Tribunal retient du témoignage de Monsieur Landry ainsi que de son rapport que le principal problème consiste en un manque de ventilation entre les deux (2) plans de protection du bâtiment. Selon son témoignage, le dégagement au bas du parement extérieur, près de la fondation, est insuffisant. Il y a également absence de solin et présence de scellant à des endroits où l’on ne devrait pas en trouver. Même si la présence de chantepleure peut contribuer à la ventilation, ceux présents sur la Propriété des Bénéficiaires sont souvent obstrués.
[29] En somme, selon le témoignage de l’expert, les dommages à la Propriété sont causés par l’absence de lame drainante derrière le revêtement St-Laurent.
[30] De plus, Monsieur Landry indique que les champignons sur la façade latérale sont sensiblement pareils à ceux existants à la fenêtre en saillie.
[31] En contre-interrogatoire, Monsieur Landry admet de pas avoir constaté de dégradation à la structure.
[32] À la demande de l’Administrateur, il réitère que les champignons observés semblent être pareils, mais admet ne pas être microbiologiste. Il indique que selon ses connaissances, les champignons ont besoin d’un taux d’humidité récurrent pour pousser.
[33] Il indique que pour corriger le problème de lame drainante insuffisante, il suffit de doubler les fourrures.
[34] Appelé à comparer la situation du revêtement extérieur qui se trouve sur les faces arrière et latérale du bâtiment par rapport au revêtement se situant à la façade du bâtiment (point 1 du rapport du 2 février 2015 qui a été reconnu), il indique que la problématique que l’on retrouve à la fenêtre en saillie (point 1) est plus grave puisqu’à cet endroit, il y avait absence totale de fourrure alors qu’ici, il y a des fourrures. Il insiste pour dire que malgré tout, l’espace d’air est insuffisant, bien qu’il existe. Il admet néanmoins n’avoir jamais vu l’état de la fenêtre en saillie.
[35] Monsieur Landry confirme qu’il n’a procédé à aucune inspection intrusive, c’est-à-dire qu’il n’a retiré aucun matériau pour voir ce qui se trouve à l’arrière. Il confirme également n’avoir procédé à aucun test d’air. Il n’a pris aucun relevé des taux d’humidité sur la structure du bâtiment, celle-ci n’étant pas accessible sans intrusion. Il admet n’avoir aucune preuve de la détérioration de la structure bien qu’il affirme dans son rapport et dans son témoignage que la structure pourrait être affectée.
[36] Selon son témoignage, il y aurait lieu de débuter les travaux au revêtement extérieur en commençant par la façade arrière, près de la porte patio, afin de vérifier l’état des matériaux. Il ajoute que son mandat consiste uniquement à vérifier et commenter la pose du revêtement extérieur afin de prouver la présence d’un vice de construction.
[37] Il admet que pour parler d’aggravation des dommages, il doit d’abord y avoir des dommages. Toutefois, il indique qu’il y a des dommages à la fenêtre en saillie.
[38] Toujours selon Monsieur Landry, les risques en l’instance concernent la dégradation prématurée du parement. Il se dit concerné par la présence de champignons également.
[39] Il confirme que le rôle du premier (1er) plan de protection qu’est le revêtement extérieur consiste à protéger des intempéries et protéger le deuxième (2e) plan de protection. Il admet n’avoir vu le deuxième (2e) plan de protection qu’à un seul endroit et il admet ne pouvoir indiquer si celui-ci est affecté ou non. Il aurait été souhaitable de faire les vérifications du deuxième (2e) plan, mais des coûts supplémentaires auraient été engendrés pour une telle vérification.
Administrateur
[40] Monsieur Michel Labelle, inspecteur-conciliateur, témoigne pour l’Administrateur. Il est l’auteur du 1er rapport de conciliation émis le 2 février 2015 ainsi que du deuxième rapport émis le 2 novembre 2015.
[41] Monsieur Labelle témoigne d’abord sur sa première décision. Il explique avoir traité séparément le point 1 du point 2 en raison, d’une part, de la méthode de fabrication. Contrairement au reste de la Propriété, qui est une maison préfabriquée, la fenêtre en saillie a été fabriquée sur le chantier.
[42] D’autre part, il indique avoir observé, à la fenêtre en saillie (point 1), une fissure inquiétante de sorte qu’il a vérifié la nature et l’origine de la fissure pour découvrir, en-dessous de ladite fenêtre, des champignons. Il indique que la présence de champignons peut s’expliquer par le manque de ventilation. Néanmoins, il explique que puisque le Bénéficiaire avait retiré le soffite à cet endroit, il a tiré sur la membrane pare-intempéries pour voir ce qu’il y avait derrière. Il indique avoir noté sous celle-ci la présence de champignons et de moisissure. Il dit aussi avoir noté la dégradation non seulement du parement mais également de la structure à cet endroit. C’est en raison de l’atteinte à la structure du bâtiment à cet endroit qu’il a reconnu le point 1.
[43] Quant au Point 2, soit le parement extérieur, il admet qu’il y a un problème de ventilation. Toutefois, il est en désaccord avec la conclusion des Bénéficiaires voulant qu’il s’agisse d’un vice de construction. Étant donné qu’il n’a constaté aucun signe laissant croire que la structure du bâtiment est atteinte ou le sera, Monsieur Labelle est d’avis qu’il s’agit d’un vice caché et non d’un vice de construction.
[44] De plus, informé des inquiétudes des Bénéficiaires quant à la qualité de l’air à l’intérieur de leur Propriété, Monsieur Labelle a visité l’intérieur de la Propriété et suggéré que soient déplacés certains meubles. Il a également pris des mesures de taux d’humidité à certains endroits. Il dit n’avoir rien noté d’anormal à ce titre qui aurait pu modifier sa conclusion tel qu’énoncée au paragraphe ci-devant.
[45] Il explique sa décision de retourner sur les lieux suite à la seconde dénonciation des Bénéficiaires en septembre 2015 par le fait que, lors de sa première visite, il faisait tempête de neige. Il a voulu s’assurer de ne pas être passé à côté d’un élément non visible en raison des conditions climatiques.
[46] Au cours de sa 2e visite, le 22 octobre 2015, il explique avoir demandé au Bénéficiaire de lui montrer ce qu’il voulait qu’il observe. Selon son témoignage, le Bénéficiaire Monsieur Joyal lui a montré uniquement des champignons sur une moulure en façade latérale. Selon lui, le Bénéficiaire lui a confirmé qu’il n’avait rien d’autre à lui montrer. Il a tout de même pris une photo du revêtement extérieur et noté aucune dégradation aggravée du parement. Il quitte ensuite les lieux et rend sa décision.
[47] Interrogé sur la présence des champignons, Monsieur Labelle explique que selon son expérience, il s’agit de champignons de surface. Il dit que ce n’est pas le type de champignons que l’on retrouve lorsque la structure est attaquée. Il explique que c’est la raison pour laquelle il a maintenu sa première décision.
[48] Monsieur Labelle confirme avoir lu le rapport de l’expert des Bénéficiaires. Il est d’accord avec la conclusion qu’il faille remplacer le parement extérieur. En revanche, il est en désaccord avec l’existence d’un risque d’atteinte à la structure, contrairement à la situation qui prévaut à la fenêtre en saillie, d’où son refus de la réclamation des Bénéficiaires quant au point 2.
[49] En contre-interrogatoire, il indique que les champignons à la fenêtre n’ont aucun lien avec la ventilation déficiente. À son avis, il y a des champignons parce qu’il y a un interstice entre la moulure et la fenêtre. Selon lui, les microorganismes peuvent se loger dans l’interstice et croître avec le temps et les eaux de pluie.
[50] La conséquence du manque de ventilation est que la durée de vie utile du parement extérieur sera réduite.
IV
PLAIDOIRIES
Bénéficiaire
[51] Les Bénéficiaires soutiennent que l’enjeu dans le dossier est le délai de 3 et 5 ans.
[52] Ils plaident qu’un vice caché a un caractère d’unicité (unique). Ils indiquent que toutes les propriétés érigées sur la rue ont le même problème, bien qu’ils ne puissent prouver cette prétention. Ainsi, il serait très surprenant que les voisins aient rencontré les mêmes problèmes qu’eux, aux mêmes endroits, sans qu’il n’y ait de connexité. Par conséquent, si le problème se répète d’une résidence à l’autre, il s’agit nécessairement d’un vice de conception et donc, de construction.
[53] Au soutien de leur position, ils déposent des décisions jurisprudentielles[3] et notamment l’affaire Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia c. 3858081 Canada inc. et La Garantie Habitation du Québec inc.[4] qui traite du dossier de l’un de leur voisin. Plus spécifiquement, ils citent les paragraphes suivants :
[15] On peut aisément apercevoir des gonflements, des gondolements, des joints disloqués, de la détérioration de calfeutrage, des bordures de fenêtre dégradées, etc.
(…)
[31] Or, on y indique qu’une perte potentielle suffit pour l’application de l’article 2118 du Code civil du Québec et que la menace de perte d’un ouvrage constitue un préjudice actuel (voir Syndicat de la copropriété Les Jardins du Parc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2010 par Me Johanne Despatis).
[32] On y indique aussi que la perte sous 2118 C.c.Q. n’a pas à être totalement réalisée, le danger suffit (voir Fatima-Zohra Tiksrail et Amar Boumassi c. Bâti-Concept Plus inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 13 septembre 2011 par Me Roland-Yves Gagné).
[33] Enfin, dans une sentence déposée cette fois par le procureur de l’administrateur (voir Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., sentence arbitrale rendue le 26 décembre 2006 par Me Johanne Despatis), l’arbitre affirme, et je cite :
[32] […] La présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage ouvre droit à la protection. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’est démontré un vice de construction grave propre à affecter la solidité de l’ouvrage.
[34] Dans le présent dossier, il n’existe pas de preuve matérielle à l’effet que la structure ait déjà été affectée par l’humidité ou autre.
[35] Toutefois, les deux (2) experts, soit celui des Bénéficiaires ainsi que l’inspecteur conciliateur de l’administrateur, affirment que le danger potentiel existe, et ce, à cause de l’installation non conforme du revêtement, et tout particulièrement l’absence de ventilation.
[36] En effet, en ce qui a trait à ces murs extérieurs, la dégradation est constante et elle ne s’arrêtera pas.
[37] La menace de la perte d’ouvrage existe réellement et est même appuyée par le témoignage du conciliateur de La Garantie Qualité Habitation au cours de l’audience, lorsque ce dernier affirme qu’à long terme, il y aura un problème à la structure; comme souligné précédemment, la perte sous 2118 C.c.Q. n’a pas à être totalement réalisée, le danger suffit, ce qui est exactement notre cas.
[54] Les Bénéficiaires prétendent, à la lecture de ce passage, que leur situation est la même.
[55] Ils déposent également un article rédigé de la main du procureur de l’Administrateur et daté du 4 décembre 2015 dont un extrait est reproduit ci-après :
« La présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle, même partielle l’ouvrage suffit[7]. (…) La jurisprudence arbitrale tend aussi à considérer la possibilité d’un risque pour la santé des occupants comme un facteur aggravant permettant de donner ouverte à la couverture[8][5] ».
[56] Les Bénéficiaires évoquent également que les problèmes rencontrés avec leur Propriété leur causent un préjudice financier. Ils soutiennent qu’ils ne pourront vendre leur Propriété dans son état actuel sans devoir en diminuer grandement le prix. Les Bénéficiaires indiquent d’ailleurs que leurs voisins ont des problèmes pour vendre leurs maisons. Selon eux, le préjudice financier est suffisant au sens du Règlement et de l’article 2118 du Code civil du Québec. Ils déposent, à ce titre, la décision Syndicat de la copropriété les jardins du parc[6] dont le paragraphe suivant attire leur attention :
[45] Dans Argonal inc. c. Sector Barbacki Shemie & Associés ltée, AZ-50081857, la Cour supérieure écrit : [paragraphes 23 et ss]
[23] La notion de « perte » [...] doit donc recevoir une interprétation large et s'étendre notamment à tous dommages sérieux subis par l'ouvrage immobilier.
[24] [...], il n'est pas nécessaire d'établir ni le fait que l'ouvrage a péri ni le moment auquel il va s'écrouler. Il suffit de démontrer que le défaut de construction constituait un vice important et sérieux qui risquait de nuire à la solidité et à l'utilité du bâtiment, c'est-à-dire une perte potentielle. La simple menace de perte d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité. (nos soulignements)
[57] Les Bénéficiaires demandent par conséquent au Tribunal d’accueillir leur demande.
Administrateur
[58] L’Administrateur est en désaccord avec les Bénéficiaires en ce qui concerne le caractère d’unicité du vice caché. Il indique qu’il ne s’agit aucunement d’un critère et qu’au surplus, le même vice pourrait exister partout et malgré tout, être un vice caché. Pareillement, le même vice caché peut être répété avec le même constructeur.
[59] Me Godin souligne que Monsieur Labelle reconnaît que le revêtement extérieur a été mal installé. Toutefois, il ne s’agit pas pour autant d’un vice de construction.
[60] Il rappelle qu’à la fenêtre en saillie, il y avait présence d’un désordre structural alors que le reste du bâtiment ne présente pas un tel désordre. Quant aux propriétés voisines, aucune d’elles n’a démontré la présence d’un vice affectant la structure du bâtiment.
[61] En ce qui concerne le risque au niveau de la qualité de l’air, Me Godin souligne l’absence de preuve à cet effet. Il souligne également l’absence de prise de mesures de taux d’humidité par l’expert des Bénéficiaires sur des éléments structuraux. Aussi, bien qu’alarmant, le rapport dudit expert n’apporte aucune preuve au soutien des problèmes potentiels qu’il soulève. Il n’a procédé à aucune ouverture, s’agissant d’une inspection visuelle.
[62] Quant aux coûts de réparation, l’Administrateur soutient qu’il s’agit d’un critère d’évaluation parmi tant d’autres aux fins de déterminer la gravité du vice en présence. En l’espèce, les coûts de réparation qu’engendreraient les travaux représentent environ 5 % de la valeur de la Propriété, ce qui selon lui est insuffisant pour conclure au vice de construction.
[63] Il rappelle que le fardeau de preuve appartient aux Bénéficiaires et non à l’Administrateur et que même en présence d’un témoin expert, le Tribunal doit décider, selon la prépondérance de la preuve, laquelle des versions il doit retenir[7].
[64] Il souligne que les Bénéficiaires ont dénoncé deux (2) fois le même problème. Or, ceux-ci ont fait défaut de contester la première (1re) décision. De ce fait, l’Administrateur plaide la chose jugée. Il comprend et reconnaît que le problème existe, que c’est dérangeant et que la dégradation prématurée du revêtement engendrera des coûts. Bien que le refus de l’Administrateur de reconnaître la réclamation des Bénéficiaires puisse paraître peu sympathique, il n’en demeure pas moins que la décision découle de l’application du Règlement.
Bénéficiaires - réplique
[65] Les Bénéficiaires indiquent qu’il est rare, en jurisprudence, d’avoir deux (2) cas identiques. Or, en l’espèce, c’est le cas ici. La situation a déjà été analysée par l’arbitre Dupuis[8] et alors que l’Administrateur a déposé toute sa jurisprudence, il n’a pas gagné.
[66] Dans cette affaire, il n’y avait pas de preuve d’atteinte à la structure et la situation a été reconnue à titre de vice majeur en raison de la présence de moisissure et des risques de perte. La différence ici réside dans le fait que les bénéficiaires dans cette affaire ont contesté dès la première décision alors qu’eux ne l’ont pas fait. Ici, la situation s’est aggravée et c’est à juste titre qu’ils ont demandé la révision de cette décision.
Administrateur - supplique
[67] Me Godin souligne que le concept de révision n’existe pas en vertu du Règlement, contrairement à ce qui prévaut avec, par exemple, le rôle foncier qui est révisé à tous les trois (3) ans. Il indique que lors d’une réclamation, l’Administrateur statue sur l’applicabilité ou non de la garantie et que cette décision est finale sous réserves du droit d’en demander l’arbitrage. Soit la situation est couverte, soit elle ne l’est pas. Il est normal que la situation s’aggrave avec le temps mais ce n’est pas pour autant un motif de révision.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[68] Le Tribunal doit d’abord disposer de l’argument voulant qu’il y ait chose jugée.
[69] La décision du 2 février 2015, qui est confirmée dans la décision dont appel, refusait de reconnaître, dans le cadre de la garantie, le point dénoncé par les Bénéficiaires relatif au parement extérieur au motif que la situation dénoncée ne rencontre pas le degré de gravité requis du vice de construction. Les Bénéficiaires n’ont pas porté cette décision en appel. Par conséquent, elle a maintenant force de chose jugée et les parties, comme le Tribunal, sont liés par cette décision.
[70] Cependant, les Bénéficiaires dénoncent ici une aggravation de la situation préalablement dénoncée.
[71] L’Administrateur a-t-il raison lorsqu’il plaide que les Bénéficiaires ne peuvent demander la révision de la décision rendue même si la situation s’est détériorée?
[72] De l’avis du Tribunal, les Bénéficiaires ne peuvent demander la révision de la décision rendue. Cependant, ils peuvent, à certaines conditions, dénoncer de nouveau une situation préalablement soumise à l’Administrateur.
[73] En effet, il arrive qu’une situation qui, à première vue, semble banale, puisse s’aggraver. Tel serait le cas par exemple d’une fissure qui, au départ, s’apparente à une fissure de retrait pour se révéler, plus tard, être d’une toute autre nature. Dans une telle éventualité, il serait contraire à l’esprit du Règlement de refuser de considérer la réclamation des bénéficiaires qui dénoncent de nouveau la situation au motif qu’il y a chose jugée.
[74] Ainsi, le Tribunal est d’avis que dans une telle éventualité, les bénéficiaires doivent d’abord démontrer l’aggravation de la situation pour justifier l’Administrateur, comme le Tribunal d’arbitrage par la suite, de rendre une nouvelle décision qui pourrait être différente de la première à la lumière de nouveaux éléments.
[75] Le Tribunal rappelle que le Règlement est d’ordre public et qu’il fût édicté pour la protection du consommateur.
[76] De plus, le Règlement stipule que pour se prévaloir de la garantie, le bénéficiaire doit dénoncer la situation par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable[9]. À défaut de dénoncer dans un tel délai, l’administrateur peut refuser la réclamation du bénéficiaire.
[77] Par ailleurs, l’administrateur du plan de garantie étant la caution des obligations légales et contractuelles de l’entrepreneur, il a le droit d’être informé promptement de toute situation pour laquelle sa responsabilité peut être recherchée et ce, afin de minimiser ses dommages en intervenant rapidement au dossier. Tel est l’objectif de l’exigence de dénonciation écrite à la fois à l’entrepreneur et à l’administrateur, dans un délai raisonnable.
[78] Dès lors, il serait absurde que l’aggravation d’un problème préalablement dénoncé et refusé fasse perdre des droits à un bénéficiaire qui a été diligent en dénonçant rapidement. En dénonçant promptement un problème qui, en définitive, ne présente pas la gravité requise pour être couverte au moment de ladite dénonciation, le bénéficiaire s’acquitte de son obligation. On ne saurait par la suite lui refuser la protection à laquelle il a droit au motif qu’en raison de sa propre diligence une décision négative a été rendue de sorte qu’il ne peut désormais plus se plaindre de cette situation en cas d’aggravation.
[79] Admettre cette éventualité placerait le bénéficiaire dans une position précaire et vulnérable. En effet, celui-ci devrait choisir entre a) son devoir de dénonciation diligente dans un délai raisonnable dès les premières manifestations et b) la protection ultérieure de la garantie si la première dénonciation ne révèle pas l’ampleur de la problématique.
[80] Dans cette éventualité, s’il choisit de dénoncer immédiatement la situation, il faut alors nécessairement conclure que de ce fait, le bénéficiaire renonce implicitement, dès la première dénonciation, à la protection ultérieure du Règlement relative à l’élément faisant l’objet de la dénonciation advenant que celle-ci soit rejetée.
[81] Par ailleurs, s’il choisit de ne pas dénoncer immédiatement le problème et d’attendre de voir si la situation se détériore, le bénéficiaire s’expose au risque que l’administrateur lui reproche son manque de diligence à dénoncer la situation.
[82] Au final, le bénéficiaire ne s’en sort pas : il doit dénoncer promptement tout problème, tel que l’exige le Règlement.
[83] Le Tribunal ne peut admettre qu’un bénéficiaire soit privé de la protection du Règlement en raison de sa diligence. Il serait contraire à l’esprit du Règlement de reprocher au bénéficiaire sa propre diligence pour justifier le refus de sa réclamation lors de la détérioration de la situation. Ajoutons à cela que l’article 140 interdit au bénéficiaire de renoncer à un droit que lui confère le Règlement.
[84] Néanmoins, ceci étant dit, il faut aussi éviter qu’un bénéficiaire dénonce à maintes reprises le même problème à l’administrateur dans l’espoir d’obtenir gain de cause à force d’acharnement.
[85] Le Tribunal rappelle que lors d’une inspection, le conciliateur procède à une inspection visuelle des lieux. Cette inspection n’est ni invasive, ni destructive. Il est donc possible que l’ampleur d’un problème ne puisse être révélée par cette inspection.
[86] Par ailleurs, suite à la décision de l’inspecteur-conciliateur, le bénéficiaire peut procéder à une expertise et, le cas échéant, en appelé de la décision rendue dans le délai prescrit. Le Tribunal d’arbitrage peut alors renverser la décision rendue par l’Administrateur.
[87] Par conséquent, le Tribunal est d’avis que le bénéficiaire qui dénonce de nouveau une situation pour laquelle une décision a déjà été rendue doit démontrer l’aggravation de la situation et démontrer que cette aggravation est telle qu’il s’agit d’une situation qui ne s’apparente plus à la première. Il s’agit ici de prendre en compte les droits de toutes les parties, incluant ceux de l’administrateur du plan de garantie. Il ne saurait donc être question pour un bénéficiaire qui a laissé expiré le délai d’appel de dénoncer de nouveau la même situation afin d’obtenir une nouvelle décision dont il pourra en appeler ultérieurement.
[88] Autant le bénéficiaire a droit à la protection de la loi et du Règlement, autant son droit est circonscrit dans le temps.
[89] Qu’en est-il dans le cas présent?
[90] Le Tribunal a analysé les témoignages entendus de même que les pièces déposées au soutien des prétentions de chacun.
[91] Le Tribunal reconnaît que la Propriété est atteinte d’un vice. Il est facile d’épouser une telle position étant donné les témoignages de toutes les parties, y compris celui de Monsieur Labelle.
[92] Néanmoins, les Bénéficiaires qui ont le fardeau de la preuve n’ont pas démontré que la situation s’était aggravée à un point tel depuis la dénonciation précédente qu’elle justifiait l’Administrateur de rendre une nouvelle décision.
[93] Sauf l’apparition de champignons à la moulure de la fenêtre latérale, les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve d’une aggravation du gondolement ou d’une prolifération importante de champignons ou encore, d’un problème à l’intérieur du bâtiment qui n’existait pas au moment de la première visite de Monsieur Labelle.
[94] Les Bénéficiaires n’ont fait procéder à aucune expertise qui ait été contemporaine à la première décision en février 2015 et qui aurait permis d’apprécier l’aggravation de la situation depuis celle-ci. Ils n’ont pas non plus requis de visite des lieux le matin de l’audience, bien que l’opportunité d’une telle visite ait été discutée en conférence préparatoire. Enfin, ils n’ont pas démontré en quoi l’apparition des champignons à un autre endroit, soit à la moulure de la fenêtre latérale, constituait une aggravation de la situation qui autoriserait aujourd’hui le Tribunal à procéder à l’analyse complète de la situation, tel que cette analyse aurait pu être faite si les Bénéficiaires en avaient appelé de la décision du 2 février 2015.
[95] Les Bénéficiaires ont indiqué que tous leurs voisins ont les mêmes problèmes, que l’Administrateur est au courant de la problématique, et que la seule différence entre leur cas et celui de leurs voisins est leur défaut d’avoir contesté la première décision. S’ils voient dans cette différence un élément de peu d’importance, ils apprennent aujourd’hui que tel n’est pas le cas.
[96] Par ailleurs, que la situation soit similaire voire même identique à celle de leurs voisins, et même si l’Administrateur avait reconnu la situation chez chacun de ces dits voisins, le Tribunal ne peut faire fi du défaut d’avoir contesté la première décision en temps utile pour faire droit à la réclamation des Bénéficiaires. Il est également impossible de verser la preuve des autres dossiers dans le présent dossier.
[97] Chaque cas étant unique, il faut se garder de rendre des décisions sur la foi d’une situation généralisée et connue dans un secteur donné. Il est essentiel que chaque cas soit analysé individuellement et fasse l’objet d’une décision motivée qui reflète les éléments mis en preuve dans le dossier sous étude.
[98] Pour contester les décisions de l’Administrateur, les bénéficiaires des propriétés du secteur [...] ont retenu les services d’experts différents et certains ont choisi d’être représentés par avocat alors que d’autres ont fait le choix contraire. Les parties sont maîtres de leur preuve et le Tribunal ne saurait intervenir pour combler des lacunes si les bénéficiaires ont fait de mauvais choix.
[99] Ainsi, il pourrait arriver que pour un même secteur, pour un problème similaire, voire même identique, des décisions différentes soient rendues par le même arbitre et ce, en raison des faits particuliers de chaque dossier ainsi que de la nature et de la qualité de la preuve offerte.
[100] Même si le Tribunal possède le pouvoir de juger en équité lorsque les circonstances le justifient[10], une assise factuelle et juridique est tout de même requise pour que le Tribunal puisse se prévaloir de cette prérogative. L’équité doit intervenir pour éviter que des résultats injustes et inéquitables découlent d’une application littérale du Règlement et qui manifestement, sont incohérents avec ses objectifs, et non pour pallier des problèmes de preuve.
[76] L'équité est un concept qui fait référence aux notions d'égalité, de justice et d'impartialité qui sont les fondements de la justice naturelle. Dans certains cas, l'application littérale des règles de droit peut entraîner une injustice. Le recours à l'équité permet, dans certains cas, de remédier à cette situation[11].
[101] Certes, le vice dénoncé est important, désagréable et de nature à inquiéter les Bénéficiaires. Cependant, Monsieur Labelle a procédé à une première inspection et il a estimé que le vice n’était pas suffisamment important pour être qualifié de vice de construction. Lorsqu’il en a eu l’opportunité, à la fenêtre en saillie, il a reconnu le vice. Rien ne permet de croire qu’il ne l’aurait pas fait si la même situation avait été observée ailleurs sur le bâtiment. Pareillement, si les photos contenues au rapport de l’expert avaient démontrées une aggravation telle que la situation est maintenant différente au point de conclure à un vice de construction, le Tribunal est convaincu qu’il n’aurait pas hésité à le déclarer dans son témoignage.
[102] Le Tribunal ne voit donc aucun motif de donner préséance au témoignage de l’expert sur celui de Monsieur Labelle.
[103] En conséquence, et même s’il est difficile pour le Tribunal de rejeter la demande des Bénéficiaires, le Tribunal abonde dans le sens de l’Administrateur quant au sort du litige, faute par les Bénéficiaires d’avoir démontré au Tribunal que la situation s’est aggravée à un point tel qu’elle justifie une analyse au mérite de la nature du vice en présence.
[104] Par ailleurs, et puisque les parties ont malgré tout administré une preuve sur la nature du vice en l’espèce, le Tribunal souligne que la nature de la preuve offerte dans le présent dossier et notamment l’absence d’ouvertures auraient rendu difficile la tâche du Tribunal de déclarer la présence d’un vice de construction.
Frais
[105] Les Bénéficiaires ont demandé le remboursement de leurs frais d’expertise.
[106] Or, le Tribunal ne peut faire droit à cette demande. En effet, l’expertise déposée n’a pas été utile dans le cadre du présent arbitrage.
[107] Par ailleurs, et considérant le sort quant aux frais d’expertise, compte tenu des articles 116 et 123 du Règlement, le Tribunal déclare que les frais du présent arbitrage sont à la charge complète de l’Administrateur.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
ORDONNE que les frais du présent arbitrage soient à la charge complète de l’Administrateur.
Montréal, ce 24 août 2016
Me Karine Poulin, arbitre
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ c B-1.1, r. 8.
[2] Code civil du Québec, RLRQ c C-1991.
[3] Fatima-Zohra Tiksrail et Amar Boumassi c. Bâti-concept plus inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 2011 CanLII 86360 (QC OAGBRN); Syndicat de la copropriété les jardins du parc c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, 2010 CanLII 36092 (QC OAGBRN).
[4] Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia. c. 3858081 Canada inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., GAMM, 17 juin 1998, Claude Dupuis, arbitre.
[5] SDC Jardins de Grenoble (3 683 432) et 9232-6941 Québec Inc. (Habitation Classique), CCAC S11-120903-NP.
[6] Syndicat de la copropriété les jardins du parc c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, 2010 CanLII 36092 (QC OAGBRN).
[7] Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps c. La garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., 2006 CanLII 60513 (QC OAGBRN).
[8] Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia. c. 3858081 Canada inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., précit. note 4.
[9] Règlement, art. 10.
[10] Règlement, art. 116.
[11] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701.