Gabarit OA

ARBITRAGE

En vertu d’un certificat de garantie émis par l’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec Inc.

Organisme d’arbitrage autorisé:

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

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Entre

Syndicat de la Copropriété Carrefour Renaissance 3410

Bénéficiaire

Et

4032802 Canada Inc. (Condos Carrefour Renaissance)

Entrepreneur

Et

Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec Inc. (APCHQ)

Administrateur

 

No dossier Garantie :

10-452FL

No dossier GAMM :

2010-19-007

No dossier Arbitre :

13 185-69

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

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Arbitre :

Me Jeffrey Edwards, Arb. A.

 

 

Pour le Bénéficiaire :

Monsieur Pierre Goupil

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Monsieur Yvon Robert

 

 

Pour l’Administrateur :

Me François Laplante

 

Date(s) d’audience :

Les 5 octobre 2011 et 30 mai 2012

 

 

Lieu d’audience :

Au domicile des Bénéficiaires et aux bureaux de l’Arbitre

Date de réception par l’arbitre de documents promis par les parties à l’audience :

 

18 juin 2012

 

 

Date de la décision :

Le 15 août 2012

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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES ET DES PIÈCES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DE TOUTES LES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

 

1.         LA DEMANDE D’ARBITRAGE ET LES POINTS EN ARBITRAGE

[1]       Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage conventionnelle concernant une décision de l’Administrateur (signée par Marc-André Savage) rendue le 15 octobre 2010 (Pièce A-13) (ci-après la « Décision »).  Plus précisément, en date du 1er novembre 2010, le Bénéficiaire a fait une demande d’arbitrage en vertu de l’article 6.7 du Certificat de garantie émis par l’Administrateur (Pièce A-2), relativement aux Points 1, 6, 7 et 8 de ladite Décision (Pièce A-13).  Le 5 octobre 2011, a eu lieu une première audition dans le cadre de ce dossier.  Toutefois, celle-ci a dû être suspendue jusqu’au 30 mai 2012 afin de permettre aux parties de compléter leur preuve.  Suite à cette première audition, le Bénéficiaire a retiré le Point 7 de sa demande d’arbitrage.  Ainsi, seuls les points suivants restent à être tranchés par la présente sentence :

Point 1 : « Refoulement aux conduits de plomberie »;

Point 6 : « Drainage des toits-terrasses »; et

Point 8 : « Revêtement de toiture ».

 

2.         LES PIÈCES

[2]       Les pièces produites dans ce dossier sont les suivantes :

Pour l’Administrateur :

Pièce A-1 :     Déclaration de copropriété datée du 30 août 2004, publiée le 1er septembre 2004;

Pièce A-2 :     Certificat de garantie;

Pièce A-3 :     Rapport de la réunion du conseil d’administration du Bénéficiaire daté du 16 avril 2009;

Pièce A-4 :     Lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur datée du 19 mai 2009;

Pièce A-5 :     Demande d’ouverture de dossier datée du 7 août 2009;

Pièce A-6 :     Lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur datée du 18 août 2009;

Pièce A-7 :     Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur datée du 18 septembre 2009;

Pièce A-8 :     Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur daté du 29 octobre 2009;

Pièce A-9 :     Lettre de l’Entrepreneur à l’Administrateur datée du 12 novembre 2009;

Pièce A-10 :   Lettre de l’Entrepreneur à l’Administrateur datée du 2 décembre 2009;

Pièce A-11 :   Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur datée du 10 mai 2010;

Pièce A-12 :   En liasse, photographies prises en date du 16 juin 2010;

Pièce A-13 :   Décision de l’Administrateur datée du 15 octobre 2010;

Pièce A-14 :   En liasse, échange de courriels entre Rénald Carrier, représentant du Bénéficiaire et Marc-André Savage, représentant de l’Administrateur, datés du 20 et 31 octobre 2010;

Pièce A-15 :   Demande d’arbitrage du Bénéficiaire datée du 1er novembre 2010;

Pièce A-16 :   Rapport d’expertise de Toitech (signé par Jean Désormeaux, T.P.) daté du 30 décembre 2011;

Pour l’Entrepreneur :

Pièce E-1 :     Rapport d’Équation Groupe Conseil (signé par Marc Desbiens, ing.) daté du 7 novembre 2011.

Pour le Bénéficiaire :

Pièce B-1 :     Lettre d’Équation Groupe Conseil (Marc Desbiens) datée du 23 février 2005;

Pièce B-2 :     En liasse, factures d’AL Plomberie Inc. datées respectivement des 26, 30 et 31 mars 2009 et du 10 novembre 2010;

Pièce B-3 :     En liasse, lettre et chèque d’Atlas Roofing Corporation au montant de 9 289,50 $ datés respectivement des 27 et 29 juillet 2011;

Pièce B-4 :     En liasse, rapport d’expertise (signé par Robert Goupil, ing.) daté du 2 octobre 2011 et facture datée du 18 novembre 2011;

Pièce B-5 :     En liasse, rapport d’expertise d’Ingetec (signé par Benoit Chapdelaine) et facture datée du 14 novembre 2011;

Pièce B-6 :     Extraits du plan de l’architecte A-06;

Pièce B-7 :     Devis pour les travaux correctifs aux toits-terrasses de Les Toitures Mario Dicaire Inc.daté du 17 novembre 2011;

Pièce B-8 :     En liasse, description des bardeaux et instructions d’installation publiées sur le site d’Atlas Roofing Corporation;

Pièce B-9 :     En liasse, devis pour les travaux correctifs au revêtement de la toiture de Toitures Bélanger & Filles daté du 19 juillet 2011 et d’A.S. Filiatreault Inc. daté du 28 mars 2012;

3.         LES FAITS ET LES PROCÉDURES DE L’INSTANCE ARBITRAGE

[3]       Le 1er septembre 2004, une Déclaration de copropriété (Pièce A-1) a été publiée sur l’immeuble situé au 3410 boulevard Carrefour à Laval, Québec (ci-après la « Propriété »).  Le 19 mai 2009, le Bénéficiaire a dénoncé plusieurs problèmes à la Propriété (Pièce A-4).  À cette date, seuls les vices de construction majeurs, tel que définis à l’article 2118 du Code civil du Québec (ci-après le « C.c.Q. »)[1], étaient encore susceptibles d’être couverts par le Certificat de garantie (Pièce A-1).

[4]       Les articles pertinents du Certificat de garantie (Pièce A-2) se lisent comme suit :

« 2.1.2             L’APCHQ réparera les malfaçons existantes et dénoncées au moment de la réception de l’unité résidentielle, ainsi que les malfaçons cachées découvertes dans les douze (12) mois suivant la réception (telle que définie aux présentes [soit suivant la date de publication de la déclaration de copropriété divise]), de l’unité résidentielle.

2.1.4                L’APCHQ réparera les malfaçons cachées originant des parties communes lorsque lesdites malfaçons auront été découvertes dans les deux (2) années suivant la date de publication de la déclaration de copropriété divise.   

 2.1.5               L’APCHQ réparera au regard des parties communes, tout vice de construction visé par l’article 2118 du Code civil du Québec, apparu au cours des cinq (5) années suivant la date de publication de la déclaration de copropriété divise. »

[5]       Ainsi, il y a lieu de distinguer entre « malfaçons » et « vices de construction » au sens du certificat de garantie.  Dans le premier cas, la réclamation du Bénéficiaire est irrecevable puisque hors délai, les délais étant largement dépassés au moment de la dénonciation des problèmes par le Bénéficiaire.  Il en va autrement dans le deuxième cas, car la réclamation du Bénéficiaire a été faite dans le délai imparti à l’article 2.1.5 du Certificat de garantie (Pièce A-2).  Toutefois, cet article référant à la définition de vice de construction de l’article 2118 du C.c.Q., le Bénéficiaire a le fardeau de prouver, par prépondérance de la preuve, non seulement l’existence d’un vice de construction, mais également que celui-ci répond aux critères d’un vice au sens de l’article 2118 du C.c.Q.

[6]       C’est donc à l’intérieur des paramètres fixés par l’article 2118 du C.c.Q. que le Tribunal d’arbitrage doit déterminer si les problèmes dénoncés par le Bénéficiaire sont couverts par le Certificat de garantie (Pièce A-2).  Or, l’Administrateur considère qu’aucun des points portés en arbitrage par le Bénéficiaire ne rencontre les critères de l’article 2118 du C.c.Q.  Examinons les trois points qui restent à être tranchés par la présente sentence arbitrale à la lumière de la jurisprudence sur le sujet et de la preuve entendue par le Tribunal d’arbitrage.

Point 1 : « Refoulement aux conduits de plomberie »

[7]       Plusieurs problèmes de refoulement d’égout sont survenus à la Propriété engendrant d’importants dégâts, le tout tel qu’il appert des factures datées des 26, 30 et 31 mars 2009 et du 10 novembre 2010 (Pièce B-2).  Selon le Bénéficiaire, ces problèmes seraient dus à une inclinaison inadéquate des conduits de drainage.  En effet, les pentes de drainage à la Propriété seraient inférieures aux normes prévues par les règles applicables, voire nulles ou inversées, le tout tel qu’il appert du rapport d’expertise de Monsieur Robert Goupil, ing. (Pièce B-4).  L’Administrateur et l’Entrepreneur ne contestent pas qu’il y ait des problèmes relativement à certaines pentes de drainage.  Voir notamment le rapport de Monsieur Marc Desbiens, ing. (Pièce E-1), retenu par l’Entrepreneur.

[8]       Cependant, à la lumière de la preuve présentée devant le Tribunal d’arbitrage et de la jurisprudence, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que ce problème ne constitue pas un vice revêtant la gravité requise pour satisfaire aux critères de l’article 2118 du C.c.Q.  En effet, bien que la jurisprudence donne une interprétation large à la notion de « perte d’ouvrage », le Bénéficiaire devait prouver que le préjudice subi satisfait à la notion de « perte » partielle, actuelle ou potentielle du bâtiment[2].

[9]       Par exemple, constituent une « perte d’ouvrage » les dommages causés par une infiltration d’eau suite à un bris de tuyauterie[3].  Or, en l’espèce, il n’y a pas de bris des tuyaux, mais seulement une obstruction de ceux-ci, ce qui ne constitue pas une « perte d’ouvrage » au sens de l’article 2118 du C.c.Q., même partielle.  Ainsi, la Décision de l’Administrateur (Pièce A-13) est bien fondée sur ce point.  Le Tribunal d’arbitrage rejette donc la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à cet égard.

Point 6 : « Drainage des toits-terrasses »

[10]    Le Bénéficiaire se plaint également d’un problème de drainage aux toits-terrasses de la Propriété.  Selon Monsieur Benoit Chapdelaine, l’expert du Bénéficiaire, il a pu confirmer lors de sa visite qu’il y a une rétention d’eau anormale sur la membrane d’étanchéité des toits en question, quatre (4) jours suivant la dernière pluie, le tout tel qu’il appert de son rapport d’expertise (Pièce B-5).  Ainsi, l’inclinaison des pentes de drainage sont inadéquates, l’eau étant dirigée vers le centre au lieu d’être dirigée vers le bord de la toiture.  De plus, contrairement aux plans de l’architecte (Pièce B-6), le drain aurait été installé à l’horizontal au lieu d’être installé verticalement et il n’y a pas de trappe en « P » (voir Pièces B-5 et B-6).  Les coûts estimés pour les travaux correctifs aux toits-terrasses seraient de l’ordre de 47 848.50 $, le tout tel qu’il appert du devis daté du 17 novembre 2011 (Pièce B-7).  Ce montant ne tient cependant pas compte de la dépréciation desdits toits-terrasses, soit une dépréciation de cinq (5) ans, la durée de vie utile de ce type de toit étant d’environ vingt (20) ans.

[11]    Malheureusement pour le Bénéficiaire, même s’il existe des malfaçons relativement au drainage des toits-terrasses, la preuve ne démontre pas que la situation est susceptible d’entraîner une « perte d’ouvrage ».  En effet, aucune infiltration d’eau n’a été constatée à l’intérieur de la Propriété (Pièce B-5) et le Tribunal d’arbitrage n’est pas convaincu qu’il y en aura dans le futur par rapport à la durée prévue de vie utile de la couverture.  Selon la preuve, il est tout à fait possible, voir probable, qu’il n’y ait pas de réduction de la durée de vie utile de la toiture.  Or, selon la jurisprudence, même si la situation observée contrevient aux normes de construction, comme en l’espèce, il n’y a « perte d’ouvrage » que lorsque le vice est d’une gravité propre à affecter la solidité ou à limiter substantiellement l’utilisation de la Propriété :

« En l’espèce, la preuve révèle que les problèmes observés n’ont pas entrainé de conséquences sérieuses. [Les parties] conviennent certes que les situations observées contreviennent aux normes de construction mais aucune d’elle n’est décrite comme susceptible de mettre en péril la solidité de l’ouvrage ou encore d’entrainer des troubles graves d’utilisation.

En somme, la preuve ne démontre pas que les problèmes en litige, qui manifestement n’ont pas amené la destruction de l’ouvrage, puissent non plus en compromettre dans sa solidité.[4]»

[Nos soulignés]

[12]    Le Bénéficiaire ne s’est donc pas déchargé de son fardeau de preuve, à savoir de démontrer, par la prépondérance de la preuve, que le problème de drainage des toits-terrasses constitue un vice de construction majeur au sens de l’article 2118 du C.c.Q.  Le Tribunal d’arbitrage rejette donc la demande d’arbitrage du Bénéficiaire également sur ce point.

Point 8 : « Revêtement de toiture »

[13]    Toutes les parties conviennent que l’installation du revêtement de la toiture est non conforme aux recommandations du fabricant, soit aux instructions d’Atlas Roofing Corporation concernant l’installation des bardeaux (Pièce B-8).  En effet, une mauvaise adhésion des bardeaux a été constatée à plusieurs endroits de la toiture à mansarde, le tout tel qu’il appert du rapport d’expertise de Monsieur Jean Désormeaux, expert de l’Administrateur (Pièce A-16), p. 2-3 :

« Les exigences de pose du bardeau Straford n’ont pas été respectées et compromettent la résistance à l’arrachage au vent. 

L’alignement des bardeaux et leur chevauchement présentent de nombreuses lacunes. Les rives des flancs des bardeaux sont superposées par endroit et soulèvent les pureaux favorisant l’emprise au vent.  [...]  Le clouage est très hétérogène au niveau de l’emplacement des clous (au-dessus de la bande adhésive et dans la bande adhésive.)  Ces localisations ne permettent pas de clouer adéquatement le rang de bardeau inférieur le long de sa rive supérieure réduisant la résistance à l’arrachage au vent.

L’adhésion entre les bardeaux est faible.  Plusieurs bardeaux sont non adhérés. Les bardeaux soulevés sur la marquise du côté nord démontraient l’absence de colle sous le pureau du bardeau.  Cet état peut être relié à une combinaison de phénomène telle que la période de pose, la faible exposition au soleil du versant nord, la forte pente de la mansarde ou d’un problème de la bande adhésive.

Le manufacturier exigeait cependant le collage manuel du bardeau.  Cette procédure ne fut pas réalisée par l’entrepreneur couvreur.  La pose des bardeaux d’asphalté fut généralement mal réalisée et compromet la résistance à l’arrachage au vent des bardeaux sur les mansardes

Une problématique avec le bardeau lui-même pourrait engendrer des problèmes d’adhésion et de vieillissement prématurés

 

[Nos soulignés]

[14]    Ainsi, l’installation des bardeaux n’a pas été effectuée selon les règles de l’art et constitue donc un vice de construction.  Selon les deux experts entendus, le problème ne peut être réglé par des travaux partiels.   Pour éliminer les malfaçons, le revêtement de la toiture doit être refait au complet, le coût des travaux correctifs variant entre 41 013 $ et 73 923 $ plus taxes, le tout tel qu’il appert des devis communiqués par le Bénéficiaire (Pièce B-9). 

[15]    Or, selon la preuve non-contredite, en l’espèce, un nombre important de bardeaux ont déjà été arrachés par le vent et un autre nombre significatif sont brisés.  De plus, l’expert de l’Administrateur a conclu à des risques d’infiltrations d’eau pouvant entraîner des dommages importants à la Propriété et affecter la solidité de celle-ci, le tout tel qu’il appert de son rapport d’expertise (Pièce A-16), p. 3 :

« Les dégâts d’eau sont potentiels dans le cas d’une toiture contaminant l’isolant de l’entretoit, les finis des plafonds et des murs intérieurs.  Des travaux de colmatage ou de remplacement des bardeaux endommagés doivent être réalisés rapidement pour prévenir les dommages intérieurs.  L’infiltration d’eau dans une mansarde […] peut à long terme s’avérer dommageable à la structure et aux composantes des soffites

Le remplacement complet d’asphalte est à notre avis la seule et unique façon, dans le cas présent, de corriger d’une manière permanente la situation actuelle, qui risque de se détériorer au cours des années.» 

[Nos soulignés]

[16]    Selon la jurisprudence et la doctrine, il n’est pas nécessaire d’attendre qu’une propriété s’écroule pour considérer qu’il y a « perte d’ouvrage »:

«  Pour se prévaloir de l’article 2118 C.c.Q., il n’est pas nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler.  Il suffit de démontrer que le défaut de construction constituait un vice important et sérieux qui risquait de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment, c’est-à-dire une perte potentielle.  La simple menace de perte d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité. [5]»

« [L]a jurisprudence n’exige pas qu’un édifice s’écroule pour qu’il y ait perte de l’ouvrage au sens du Code civil du Québec.  La simple présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner la perte de l’ouvrage suffit pour ouvrir droit à cette garantie.  En somme, on dira qu’il y a perte  de l’ouvrage lorsqu’est démontrée la présence d’un vice d’une gravité propre à affecter la solidité.  Autrement dit, pour qu’une déficience soit qualifiée de grave ou sérieuse, selon l’article 2118, elle doit présenter une gravité susceptible de mettre en péril la solidité ou la stabilité de l’immeuble.[6]»

[Nos soulignés]

[17]    Considérant la preuve entendue, le Tribunal d’arbitrage considère qu’il y a lieu d’intervenir dans la Décision de l’Administrateur (Pièce A-13) par rapport à ce point.  L’Entrepreneur a proposé de revenir chaque année pour remplacer les bardeaux de la toiture qui seraient tombés.  Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que ceci n’est pas acceptable comme solution et ce n’est pas du tout ce à quoi les Bénéficiaires, acheteurs d’un bâtiment neuf, sont en droit de s’attendre concernant l’installation des bardeaux.  Il y a présentement un problème grave.  Les bardeaux tombent.  Cela ouvre déjà la structure du toit aux intempéries et au pourrissement de la structure et de ses composantes.  La chute des bardeaux constitue déjà un réel danger actuel pour la sécurité des copropriétaires et des autres personnes pouvant être présentes sur les lieux.

[18]    Selon le Tribunal d’arbitrage, les différentes malfaçons affectant l’installation et la composition des bardeaux ont déjà occasionné une perte partielle de l’ouvrage en droit et les vices de construction par rapport au revêtement de la toiture mansarde constituent des vices rencontrant les critères de l’article 2118 du Code Civil du Québec.  

[19]    Par conséquent, l’Entrepreneur devra effectuer tous les travaux correctifs requis pour éliminer les vices et problèmes relativement au revêtement de la toiture visée par le présent point.  À cet égard, la somme de 9 289,50 $, reçue par le Bénéficiaire de la part du fabricant Atlas Roofing Corporation pour la réparation des bardeaux, devra être déposée dans le compte en fidéicommis de l’Administrateur et remise à la fin des travaux correctifs à l’Entrepreneur suite à l’approbation conjointe par le Bénéficiaire et l’Administrateur de la réalisation des travaux concernant ce point.

 3.     FRAIS D’ARBITRAGE ET D’EXPERTISE

[20]    Étant donné que le Bénéficiaire a eu gain de cause sur au moins un des points en arbitrage, l’Administrateur devra payer les frais d’arbitrage de cette instance selon le certificat de garantie (Pièce A-2).

[21]    Concernant le remboursement des frais d’expertise, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que, compte tenu de la preuve, il serait normal que certains frais encourus par les Bénéficiaires pour faire valoir leurs droits soient remboursés. 

[22]    Par rapport au compte de Monsieur Robert Goupil (2 551,50 $, Pièce B-4), le Tribunal accordera la moitié (1 275,75 $) car son témoignage a été très utile pour le Tribunal d’arbitrage pour statuer sur le sort du Point 1.  Le Point 1 a été bien fondé en faits mais rejeté uniquement sur une question de délai.  

[23]    Quant à la facture de Monsieur Benoit Chapdelaine (1 085,14 $, Pièce B-5), le Tribunal ordonnera le remboursement intégral, car le rapport et le témoignage de ce dernier a été très utile pour le Tribunal d’arbitrage pour décider du sort des points 6 et 8.

[24]    Ainsi, l’Administrateur devra assumer en partie les frais d’expertise encourus par le Bénéficiaire dans le cadre du présent dossier, soit la somme totale de 2 360,89 $.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

ACCEUILLE en partie la demande d’arbitrage du Bénéficiaire.

ORDONNE à l’Entrepreneur, sur confirmation écrite du dépôt par le Bénéficiaire d’un montant de 9 289,50 $ chez l’Administrateur, de réaliser dans un délai de trente (30) jours, selon les règles de l’art, les travaux requis pour éliminer les vices et problèmes traités au Point 8 de la présente sentence arbitrale;

À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer lesdits travaux dans ledit délai, ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer ces travaux dans les trente (30) jours suivants;

ORDONNE à l’Administrateur de rembourser en partie au Bénéficiaire les frais d’expertise payés par ce dernier dans le cadre du présent dossier, soit la somme totale de 2 360,89 $; et

ORDONNE à l’Administrateur de payer tous les frais d’arbitrage de la présente instance d’arbitrage.

 

(s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

 

Copie conforme

 

 

_________________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre



[1] Article 2118 du Code civil du Québec : À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.

[2]Voir notamment :

Syndicat des copropriétaires la Champêtre-Andante c. Maisons de Ville Laurentiennes Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., décision arbitrale rendue par Me Jean-Philippe Ewart, le 9 avril 2009, p.18

[3] Union canadienne, compagnie d’assurances c. Plomberie Denis Turcotte Inc., REJB 2002-34281 (C.Q.), par. 1, 12-21.

[4] Syndicat de la copropriété les Jardins du parc c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision de Me Johanne Despatis, rendue le 18 décembre 2010, p. 14.

[5] Me Sylvier Rodrigue et Me Jeffrey Edwards, « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons », dans La construction au Québec : perspectives juridiques, sous la direction de Me Olivier F. Kott et Me Claudine Roy, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal, 1998, p. 434.

[6] Syndicat de la copropriété les Jardins du parc c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision de Me Johanne Despatis, rendue le 18 décembre 2010, p. 13-14.