ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98)

 

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no: GAMM :    2007-09-001

                   GQH :         25230

 

 

ENTRE :

ROXANNE CAMPEAU

                                                                                               (ci-après la « bénéficiaire »)

 

ET :

LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION

                                                                                                            (ci-après l’« administrateur »)

 

ET :

LES CONSTRUCTIONS ROBIN INC.

                                                                                                 (ci-après l’« entrepreneur »)

 

 

DEVANT L’ARBITRE :         Me Johanne Despatis

 

 

Pour la bénéficiaire :                 Mme Roxanne Campeau

Pour l’administrateur :  Me Avelino de Andrade

Pour l’entrepreneur :                M. Jonathan Robin

Date d’audience :                     1er, 3 et 24  novembre 2011 et 27 janvier 2012

Date de la sentence :                3 avril 2012

         

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Adjudex inc.

S/A 8095

0702-8264-GAMM

 

I

INTRODUCTION

[1]           Madame Roxanne Campeau, la bénéficiaire, conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, les éléments énumérés plus loin de trois décisions, respectivement datées des
12 janvier 2007, 26 mars 2008 et 7 juin 2010, rendues par la Garantie Qualité Habitation, l’administrateur.

[2]           Pour faciliter l’intelligence de cette sentence, ces décisions sont numérotées de 1 à 3 et présentées dans l’ordre chronologique où elles ont été rendues.

[3]            Les éléments contestés de la décision rendue le 12 janvier 2007, décision no 1, sont les suivants :

En vertu du texte de garantie, la Garantie qualité habitation ne peut reconnaitre le point suivant pour la raison donnée à sa suite :

2. Parement de brique : joint de mitoyenneté

La bénéficiaire nous mentionne avoir constaté, au printemps dernier, des fissures au jointoiement vertical à la mitoyenneté en façade et à l’arrière.

Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation sans toutefois constater aucun désordre structural au parement de brique ou ailleurs.

Il est toutefois recommandé d’utiliser un joint compressible et un produit de scellement à la mitoyenneté comme ceux utilisés aux joints de fissurations ou de contrôle.

Dans ce cas-ci, la situation aurait pu être reconnue comme une malfaçon si celle-ci avait été dénoncée dans la première année.

N’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la prise de possession de l’unité résidentielle par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens de l’article 2103 du Code civil du Québec (article 6.4.2.4 du texte de garantie).

Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice caché.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaitre ce point dans le cadre de son mandat.

3. Trois (3) allèges : jointoiement

(La) bénéficiaire nous mentionne avoir constaté des fissures au jointoiement des trois (3) allèges de fenêtres.

Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation, notamment à la fenêtre arrière et celle de la porte patio, attribuable au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement après la livraison de l’unité résidentielle.

Tel que stipulé à l’article 6.7.2 du contrat de garantie sont EXCLUS de la garantie : Les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements.

De plus, n’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la prise de possession de l’unité résidentielle par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens de l’article 2103 du Code civil du Québec (article 6.4.2.4 du texte de garantie).

[...]

5. Crépi

La bénéficiaire nous mentionne avoir constaté, au printemps dernier, des fissures au crépi, lequel a été parachevé au mois de mai 2005, aux endroits suivants :

-      Coin avant latéral droit, derrière la descente pluviale;

-      Jonction du parement de brique aux trois murs;

-      Coin inférieur droit et haut (milieu) de la fenêtre du sous-sol au mur arrière.

Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation, laquelle est attribuable au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement après la livraison de l’unité résidentielle.

Tel que stipulé à l’article 6.7.2 du contrat de garantie sont EXCLUS de la garantie : Les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements.

N’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la pose du crépi, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens de l’article 2103 du Code civil du Québec (article 6.4.2.4 du texte de garantie).

Or, selon ce qu’il nous été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice caché.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaitre ce point dans le cadre de son mandat.

[...]

7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut

Le bénéficiaire nous mentionne avoir constaté des pentes au terrassement de la cour arrière et de la cour avant favorisant l’accumulation des eaux vers les fondations. Elle craint des infiltrations d’eau par la fenêtre arrière du sous-sol.

Lors de notre inspection, nous n’avons constaté aucun signe d’infiltration d’eau par ladite fenêtre.

Tel que stipulé à l’article 6.7.9 du contrat de garantie sont EXCLUS de la garantie : Les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain.

De plus, n’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la prise de possession de l’unité résidentielle par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens de l’article 2103 du Code civil du Québec (article 6.4.2.4 du texte de garantie).

Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice caché.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaitre ce point dans le cadre de son mandat.

[4]           J’étais initialement saisie de la contestation des points 4. Éclats sur la devanture;
6. Robinet extérieur et 8. Règlement de zonage de la décision no 1 mais la bénéficiaire a déclaré s’en désister en début d’audience.

[5]           L’élément suivant est contesté dans la décision datée du 26 mars 2008, décision no 2 :

En vertu du texte de garantie, la Garantie qualité habitation ne peut reconnaitre le point suivant pour les raisons données à leur suite respective :

1. Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation

La bénéficiaire nous rappelle ne pas savoir où se trouve la sortie d’évacuation de la salle de bain.

Lors de notre inspection, nous avons eu accès au vide sous-toit et avons pu constater que la sortie d’évacuation du ventilateur de salle de bain n’aboutit pas à l’extérieur, sans toutefois constater aucun dommage. Par conséquent, ladite installation ne peut être considérée comme un vice cachée.

N’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la prise de possession de l’unité résidentielle par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens de l’article 2103 du Code civil du Québec (article 6.4.2.4 du texte de garantie).

Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice caché.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaitre ce point dans le cadre de son mandat.

[6]           Les éléments suivants sont contestés dans la décision datée du 7 juin 2010, décision no 3 :

En vertu du texte de garantie, l’entrepreneur devra compléter les travaux ci-dessous mentionnés au point 1 dans un délai de quarante-cinq (45) jours consécutifs suivant la réception du présent rapport. Le délai [précité] exclu s’il y a lieu, les congés fériés chômés.

1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol

[...]

Lors de notre inspection supplémentaire du 17 mars 2008 relative au point 1 (Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation) du rapport émis le 28 mars 2008, à la demande du fils de la bénéficiaire, nous avions constaté des cernes laissant présager un manque d’étanchéité au mur des fondations arrières coïncidant avec le point 5. Crépi du rapport émis le 9 janvier 2007 (coin inférieur droit et haut (milieu) de la fenêtre du sous-sol au mur arrière), et pour laquelle infiltration d’eau le courriel du 19 mars 2008 a été transmis.

Par la suite, après plusieurs entretiens téléphoniques entre les parties, il fut entendu que le soussigné procèderai à une inspection orientée sur la performance du drain français lors de l’audience qui devait être tenue en 2008. Pour les raisons que l’on connait, l’audience a été remise expliquant ainsi le délai encouru entre l’inspection et le présent rapport.

Lors de notre inspection, nous avons constaté la présence d’une fissure et des cernes laissant présager un manque d’étanchéité.

Quant au drain français, nous n’avons constaté aucun signe d’un mauvais fonctionnement.

Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis afin de rendre étanche le mur des fondations arrière plus particulièrement à la fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol, selon les règles de l’art et l’usage courant du marché.

En vertu du texte de garantie, la Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaitre les points 2 et 3 pour les raisons données à leur suite respective :

2. Faits nouveaux

La bénéficiaire nous rappelle avoir dénoncé par télécopieur le 25 avril 2007 (…) des faits nouveaux pour lesquelles des rapports d’experts ont été présentés pour l’audience d’arbitrage à avoir lieu.

Lors de notre inspection, bien que nous n’ayons constaté aucun signe de désordre structurale du bâtiment comme tel, nous croyons ne pas à avoir à statuer depuis la demande d’arbitrage du 30 avril 2008.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation n’a pas à statuer sur ce point dans le cadre de son mandat.

3. Fenêtres au sous-sol

La bénéficiaire nous mentionne avoir reçu (Voir Note A) une lettre du service d’urbanisme de la Ville de Saint-Hyacinthe datée du 20 avril 2007 (Voir Note B) laquelle fait mention des exigences de fenestration pour les pièces aménagés au sous-sol. Elle demande à l’entrepreneur de lui soumettre des plans révisés afin qu’elle puisse les présenter à la division Permis et inspection du service d’urbanisme et ce, suivant cet extrait de lettre (Note B) :

Conséquemment, nous vous prions donc d’entrer en contact avec la division Permis et inspection du service de l’Urbanisme avant le 11 mai 2007 pour présenter une demande de permis autorisant les travaux. Notez que lors de votre visite, vous devrez être en mesure de documenter les aspects suivants :

1) Valeur des travaux effectués;

2) Positionnement des cloisons érigées au sous-sol au moyen d’une esquisse en plan à l’échelle consignant l’emplacement des ouvertures, incluant les portes des cloisons et les fenêtres des murs extérieurs;

3) La dimension des pièces, les appareils de plomberie installés;

4) Les matériaux utilisés.

Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation pour laquelle l’article 6.7.6 s’applique et de toute manière nous n’avons pas juridiction.

Tel que stipulé à l’article 6.7.6 du contrat de garantie sont EXCLUS de la garantie : la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation n’a pas à statuer sur ce point dans le cadre de son mandat.

[7]           L’affaire a été déférée à l’arbitrage avec tous ses éléments à l’été 2010. Des raisons de santé amènent madame Campeau à demander le report de l’arbitrage initialement prévu pour l’automne 2010. L’audience est ainsi reportée de consentement à la fin 2011. En novembre 2011, madame Campeau en demande une nouvelle fois la remise, cette fois contestée. Le 19 octobre 2011, sa demande est alors rejetée dans les termes qu’il m’apparait à propos de rappeler :

J’accuse réception du courriel de madame Campeau du 17 courant me demandant une remise de l’audience prévue pour les 1, 3 et 4 novembre prochain. J’accuse également réception des courriels de Me de Andrade d’hier ainsi que de monsieur Robin d’aujourd’hui en réponse à cette demande.

Je comprends de la correspondance de madame Campeau qu’il y a trois motifs à sa demande de remise :

1)   Son état de santé. À cet égard, je vous réfère à mes correspondances des 28 juin et 21 juillet derniers dans lesquelles j’ai clairement indiqué que toute demande de remise pour raisons médicales devra être accompagnée d’un certificat médical en bonne et due forme complété et signé par le médecin traitant. Aucun tel certificat n’accompagne la demande de madame Campeau.

2)   Monsieur Hosseini, expert retenu par madame Campeau, ne serait pas disponible dans la première semaine de novembre. Je vous rappelle que les dates d’audience dans le dossier en titre ont été fixées de consentement avec les parties lors d’une conférence téléphonique tenue le 28 juin dernier et que je n’ai pas reçu à ce jour quelque correspondance de monsieur Hosseini confirmant qu’il ne serait pas disponible, correspondance que madame Campeau s’était engagée dans son courriel du 31 août dernier à nous transmettre.

3)   Le retrait de son procureur. L’annonce du retrait de Me Legris a été faite le 8 juillet dernier; il y a donc plus de trois mois. N’ayant pas reçu d’opposition à cette demande, j’ai pris acte de ce retrait dans ma lettre du 21 juillet adressée à toutes les parties. Madame Campeau a eu amplement le temps si tel était son choix de se constituer un nouveau procureur.

Cette cause a été mise au rôle et reportée une première fois en octobre 2010. Il s’agit d’une affaire d’une durée prévue de trois jours et je comprends qu’au moins une partie a déjà retenu ses témoins pour l’occasion. Dans les circonstances, j’estime que les motifs allégués au soutien de cette nouvelle demande de report de madame Campeau ne justifient pas la remise de l’audience. Cette demande est donc rejetée et l’audience se tiendra comme prévu les 1er, 3 et 4 novembre prochains.

Quant au déroulement de l’audience et l’ordre de présentation des témoins, je ne suis malheureusement pas en mesure en ma qualité d’arbitre de conseiller madame Campeau à ce sujet sinon en rappelant que l’ordre dans lequel une partie procédera est laissée à sa liberté, étant acquis qu’en sa qualité de partie demanderesse, madame Campeau présentera sa preuve en premier, vu que le fardeau de la preuve lui incombe.

[…]

[8]           L’audience s’est donc tenue sur 4 jours en novembre 2011 et janvier 2012. Madame Campeau initialement représentée par procureur y a comparu personnellement.

 

II

PREUVE

[9]           Le 19 septembre 2004, la plaignante signe une promesse de vente pour l’achat d’une maison avec Les Constructions Robin inc., l’entrepreneur.  Il s’agit d’une maison semi-détachée. On peut lire à la promesse de vente :

7. Livraison de la maison : 10 décembre 2004

[…]

9.1 À la présente est joint le texte de contrat de garantie couvrant la maison, dont nous accusons réception. Ce contrat de garantie est administré et approuvé par les organismes suivants : …

[10]          À l’automne 2004, pendant la construction, la bénéficiaire se rend sur le chantier à raison d’une ou deux fois par semaine, cela, dit la bénéficiaire, en vue de régler les problèmes au fur et à mesure et ne pas arriver chez le notaire avec une pile de réclamations.

[11]          Selon ce que raconte la bénéficiaire, la construction se déroule très bien de sorte qu’elle prend possession de sa maison plus tôt que prévu, le 7 décembre 2004. Ce jour-là, elle signe l’acte de réception de sa résidence après en avoir effectué une inspection avec un dénommé Beaulieu, représentant des ventes de l’entrepreneur. Nous y reviendrons.

[12]          Les éléments à parachever mentionnés au document de réception de la résidence sont les suivants :

Le crépi : à parachever au printemps

Sorties ou prise d’air : 2 sorties a installé au ss

Entrée électrique : boite mélamine a installée

Fenêtre (état et fonctionnement) : 1 fenêtre à ajuster

Ventilation (échangeur d’air) : voir #24

[sic]

[13]          La plaignante reconnait avoir signé la promesse d’achat en septembre 2004. Elle affirme cependant que, contrairement à ce qui y est mentionné à sa clause 9.1, on ne lui aurait pas remis le texte du contrat de garantie à ce moment et qu’elle ne l’aurait reçu qu’après en avoir fait la demande à l’administrateur 10 mois plus tard, soit le 12 octobre 2005.

[14]          Ce n’est qu’après avoir ainsi reçu copie et pris connaissance du texte du contrat de garantie que madame Campeau explique avoir adressé une mise en demeure à l’entrepreneur, le 5 décembre 2005. Elle y dénonce certains problèmes notamment relatifs au nivellement de son terrain, à la ventilation de l’entretoit ainsi qu’à la ventilation mécanique de la salle de bain.

[15]          Bien que sa lettre ait mentionné qu’une copie conforme en était transmise à l’administrateur, madame Campeau reconnait ne pas l’avoir fait à l’époque. Selon ce qu’elle raconte, cette omission résultait d’un coup de téléphone reçu de monsieur Jonathan Robin, le représentant de l’entrepreneur, qui l’aurait appelée sur réception de la mise en demeure en question.

[16]          L’Entrepreneur, qui nie formellement ce fait, lui aurait demandé, selon la bénéficiaire, de ne pas transmettre sa dénonciation à l’administrateur parce que son entreprise était en nomination pour un prix d’excellence décerné par ce dernier et que toute tâche à son dossier pouvait lui faire perdre ce prix tant convoité.

[17]          Selon ce que raconte madame Campeau, cette demande de monsieur Robin était assortie de pressions et même de menaces à son endroit, menaces qui se seraient par ailleurs réalisées par la suite lorsque l’entrepreneur l’a poursuivie en diffamation, en 2010, soit cinq ans plus tard. Cette affaire qui devait procéder en Cour supérieur en janvier 2011 est toujours pendante.

[18]          Au cours de l’audience, la plaignante a laissé entendre ou affirmé à plusieurs reprises que l’entrepreneur était entré chez elle à son insu parce qu’il avait conservé un double des clefs de sa maison. Elle soupçonne qu’il l’aurait fait pour lui subtiliser des documents. Elle dit avoir changé de clefs et même si sa résidence est munie d’un système d’alarme, il y aurait peut-être connivence entre l’entrepreneur, le serrurier et la compagnie de sécurité pour que l’entrepreneur arrive toujours à y entrer.

[19]          Monsieur Robin nie catégoriquement avoir jamais menacé la bénéficiaire de quelque façon et encore moins avoir pénétré par effraction dans la résidence de cette dernière.

[20]          Il ajoute que la poursuite en diffamation, toujours pendante, n’avait rien à voir avec la réclamation faite à l’administrateur mais uniquement avec le fait que la bénéficiaire propageait dans la région de St-Hyacinthe toutes sortes de bruits calomnieux à l’endroit de l’entreprise qui du reste avait effectivement remporté un prix en novembre 2005, bien avant la réception de la mise en demeure.

[21]          Cela dit, monsieur Robin reconnait avoir communiqué le 9 décembre 2005 avec la bénéficiaire suite à la réception de sa mise en demeure mais dans le seul but, dit-il, de répondre aux demandes de cette dernière. Il dépose à l’audience le texte de la lettre qu’il lui envoie le
12 décembre 2005 qui reprend essentiellement la teneur de leur conversation téléphonique :

Cette lettre fait suite à notre entretien téléphonique du 9 décembre dernier concernant la lettre du 5 décembre 2005.

Comme entendu, nous allons s’assurer au printemps 2006, dès que la température le permettra, une pente continue, de l’arrière du terrain vers l’avant de 2%. Avant de procéder, j’irai personnellement vous rencontrer pour valider le travail à faire, si tel est le cas.

Pour la fenêtre de la chambre avant, nous allons procéder à sa correction rapidement.

Je peux vous assurer que le ventilateur de l’entretoit est installé selon les règles de l’art.

Pour la ventilation de la salle de bain, nous allons envoyer l’électricien pour valider si la puissance du ventilateur est assez forte pour la superficie de la pièce. Nous allons vérifier s’il y a assez d’entrée d’air dans la pièce pour que le ventilateur fonctionne correctement.

Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à communiquer avec moi. 

[22]          Selon madame Campeau, l’entrepreneur est venu réparer la fenêtre de la chambre avant mais ne donne pas suite au reste.

[23]          À l’été 2006, se sentant toujours menacée par l’entrepreneur, madame Campeau porte plainte à la Régie du bâtiment mais en vain, l’organisme n’y donnant pas suite. Sous la rubrique Résumé de la plainte, la plaignante écrit :

Problèmes d’éthique (refus de remettre un original signé du contrat, ne remet pas le texte de la garantie sous prétextes, garde clés (dans mon cas, remis une à moi et garde 2). Fausses représentations (remblaiement, terrain arrière et prétend payer des séries de lots « comptant » à la fondation alors que l’entente est différente avec la fondation. De plus les travaux de ventilation de toiture ne sont pas conformes. Le nivellement des terraines n’est pas « légal », i.e. j’ai acheté un terrain planche et maintenant mon voisin est plus haut que mois (problèmes de drainage). De plus les pentes ne sont pas correctes.

[24]          Ce n’est toutefois que le 4 octobre 2006 soit près de deux ans après la signature de l’acte de réception et près d’un an après l’envoi de la mise en demeure que madame Campeau adresse à l’administrateur pour la première fois une dénonciation. Elle affirme à l’audience ne pas l’avoir fait avant en raison de menaces et pressions de l’entrepreneur.

[25]          Sa dénonciation se lit ainsi : 

Suite à notre conversation d'hier, je vous fais parvenir les documents suivants:

1.  Mise en demeure initiale datée du 5 décembre 2005;

2.  Réponse écrite de M. Robin datée du 12 décembre 2005;

3.  lettre de fermeture du dossier à la Régie du bâtiment (processus de médiation).

Voici la  situation actuelle concernant mes réclamations:

1.  En ce qui a trait au terrain, rien n'a été fait: ni renivellement, ni remblayage à l'arrière (il y a un précipice de 6 pieds au bout de mon petit terrain), ni correction des terrains voisins pour empêcher les eaux de ruissellement de s'égoutter chez les voisins. L'implantation des bâtiments devait se faire du Nord vers le Sud (suivant la dénivellation naturelle des terrains) selon les plans d'implantation de la Ville (confirmé par M. G au vin de Ville de St-Hyacinthe cet été), mais les maisons au Sud de la mienne sont implantées plus haut que la mienne d'où le problème du nivellement brut. Si on ne peut pas abaisser les terrains, peut-être l'installation de margelles aux fenêtres de mon sous-sol pourrait permettre de remonter avec de la terre pour faire une pente contraire vers l'extérieur et ainsi éloigner l'eau de mes fondations.

2.  Pour la fenêtre, elle a été réparée en janvier 2006 et semble bien fonctionner depuis.

3.  Pour le ventilateur de salle de bains, madame Louise Roy et monsieur St-Onge (électricien) sont venus chez moi pour examiner la situation au début 2006. Madame Roy m'a suggéré d'utiliser de l'eau moins chaude dans la douche pour régler le problème et monsieur St-Onge m'a proposé d'aller m'acheter un ventilateur plus puissant chez son fournisseur pour bénéficier d'un escompte. Donc il me donnait raison pour la puissance du ventilateur, mais le patron ne veut pas abdiquer. Sur quoi je lui ai répondu que je n'étais pas certaine que la tuyauterie dans le grenier était de 4 pouces puisque les ventilateurs 50pcm de base comme celui installé requièrent un tuyau de 3 pouces. En fait, si j'ai raison, je n'ai pas de raison de m'embarquer dans ces travaux. Si j'ai tort, je ferai installer à mes frais un ventilateur passif d'appoint, dont les palins fonctionnent automatiquement selon le taux d'humidité dans la pièce, dans une sortie complètement indépendante sur le toit. Car plus d'humidité dans le sofite, je ne pense pas que ça aide ma toiture. Et je pense que quand c'est écrit 45 pieds carrés sur la boite, ça ne fait pas pour une pièce de 90 pieds carrés. Finalement, un menuisier est aussi venu enlever un quart de pouce en dessous de la porte de la salle de bains, ce qui n'a rien changé.

4.   Pour la ventilation de l'entretoit qu'on m'assurait être faite "selon les règles de l'art" (voir lettre du 12 décembre de M. Robin), deux individus se sont installés sur mon toit la semaine dernière, sans tambour ni trompette, à 7h30 du matin le 28 septembre 2006, et m'ont affirmé qu'ils refaisaient des ventilations de toitures: "mais on arrête ici pas loin, 1710 en montant je pense qu'on les fait pas, je sais pas pourquoi",  J'ai cru que c'était: une blague, sans plus. Puis j'ai avisé mon voisin mitoyen de la situation (lui qui travaille sur un horaire différent du mien) et je suis partie travailler. Mon voisin mitoyen a donc supervisé les travaux (les miens et les siens, ils ont refait son côté aussi):  il leur aura fallu près de 3 heures pour tout refaire, c'est-à-dire boucher le trou avec du contreplaqué pour réparer l'installation du premier ventilateur a la mauvaise place sur mon toit, et en installer 4 nouveaux à la bonne place sur notre toit commun, en colmatant le tout et replaçant les bardeaux comme il faut sur environ un quart du pan arrière de la toiture, Cela semble maintenant satisfaisant. Peut être une inspection ne ferait pas de tort si un inspecteur devait être dépêché sur les lieux concernant mon dossier.

Suite à notre conversation d'hier, je désire vous faire part que madame Kenny m'avait indiqué que les nivellements de terrains n'étaient pas garantis et c'est pour cette raison que j'avais entrepris d'autres démarches.

Ce n'est qu'en discutant par la suite avec les représentants de l'Urbanisme et des experts que j'ai découvert qu'il s'agit d'un problème grave, qui avait d'ailleurs déjà été discuté entre la Ville et M. Robin. La Ville (M. Furlan, directeur de l'Urbanisme) aurait même suggéré à M. Robin d'installer des drains latéraux de surface entre les terrains pour régler le problème. Nous sommes bâtis dans l'argile presque pure, imagine, la pression sur les fondations quand le sol se gorge d'eau !   Aussi, comme mes problèmes sont apparus après de la construction de la maison au sud de la mienne le printemps suivant ma prise de possession, ce n'était pas visible au moment de l'inspection en 2004, donc il s'agit d'un vice caché puisqu'il est impossible que l'entrepreneur ne savait pas qu'il allait implanter les bâtiments à des hauteurs différentes à cet endroit et qu'il allait faire une pente dans le sens Sud-Nord, donc contraire aux pentes naturelles du terrain (Nord-Sud), car il (.levait, savoir qu'il devait: déniveler ses terrains pour arriver à l'autre bout de la rue à la hauteur qu'il faut. Pour suivre les normes habituelles, nos terrains devraient s'égoutter vers la rue et non sur le voisin. Le côté et l'arrière de mon terrain sont à refaire, aucune pente n'est dans le bon sens. C'est une chose de corriger une pente pas tout à fait correcte, c'en est une autre de devoir faire venir un camion de terre et de la machinerie pour tout refaire autrement et devoir installer des margelles et des drains de surface.

Après discussions, la Régie du bâtiment m'a toutefois recommandé de revenir à votre organisme car ce problème est couvert par le plan de garantie.

[26]          Monsieur Michel Labelle, inspecteur conciliateur au service de l’administrateur, procède à une première visite des lieux le 23 novembre 2006 en vue de vérifier ce qui en est des problèmes dénoncés. Il fait rapport le 12 janvier suivant, décision no 1, dont l’essentiel pertinent à nos fins est reproduit plus haut. Il y retourne en mars 2008 afin de procéder à une inspection de l’entretoit qu’il n’avait pas pu faire en 2006, n’ayant pas pu y accéder. Cette visite se traduit par un second rapport, reproduit plus haut, décision no 2.

[27]          Insatisfaite, madame Campeau porte les décisions nos 1 et 2 en arbitrage.

[28]          La décision no 3 est rendue le 7 juin 2010. Elle concerne notamment la seconde réclamation de la bénéficiaire, présentée le 25 avril 2007. À l’époque, les parties avaient convenu de reporter le traitement de cette réclamation par l’administrateur jusqu’à ce qu’une série d’expertises aient été complétées.

[29]          Cette réclamation allègue en effet que la maison est affectée d’un vice majeur et mentionne que la plaignante a déjà retenu les services de l’ingénieur Mohammad Hosseini afin qu’il procède à une étude géotechnique. Le rapport de celui-ci, daté d’octobre 2007, est transmis aux autres parties le mois suivant.

[30]          Sur réception de ce rapport, l’entrepreneur retient les services des Laboratoires de la Montérégie afin de vérifier si les charges de la résidence causent ou pourront causer à long terme des tassements supérieurs aux normes acceptables. L’ingénieur Maxime Gerbeau à qui est confié ce mandat produit un premier rapport le 19 novembre 2007. 

[31]          Suite à certains échanges avec madame Campeau, monsieur Robin demande un complément d’expertise à son expert. Monsieur Gerbeau procède alors à des sondages le
27 février 2008 et il rend son second rapport le 15 avril 2008. C’est au cours de son inspection des lieux en février 2008, que ce dernier constate et examine la fissure visée au point 1 de la décision no 3 de l’administrateur. C’est la même fissure que la plaignante vient ajouter en mars 2008 à la réclamation qu’elle avait faite en avril 2007.

[32]          Sur réception du second rapport de monsieur Gerbeau, l’entrepreneur y donne suite en retenant les services de l’ingénieur Luc Bergeron aux fins d’effectuer une étude géotechnique comme l’avait suggéré l’ingénieur Gerbeau dans son rapport, cela afin de vérifier le bien fondé de certaines assertions du rapport du docteur Hosseini. Le rapport de l’ingénieur Bergeron est daté du 22 octobre 2009.

[33]          Déjà, à l’été 2008, madame Campeau avait également retenu les services d’un professionnel du bâtiment, monsieur Claude Latulippe dont elle ainsi que les parties reçoivent le rapport en mars 2009.

[34]          Madame Campeau demande ensuite à monsieur Hosseini de compléter son point de vue à la lumière de toutes les expertises effectuées dans un rapport complémentaire rendu en février 2010. 

[35]          Une fois tous ces rapports reçus, l’inspecteur Labelle procède alors à une troisième inspection, le 14 mai 2010. Il rend rapport le 7 juin 2010, décision no 3.

[36]          Insatisfaite, madame Campeau porte également cette décision no 3 en arbitrage.

[37]          Voici l’essentiel de la  preuve pertinente à nos fins présentée l’égard de chacun des points en litige.

Décision no 1

Point 2. Parement de brique : joint de mitoyenneté

[38]          Madame Campeau raconte avoir constaté durant la première année suivant la réception que le joint de mitoyenneté à l'avant et à l'arrière de sa propriété est mal fait et qu'une
fissure est visible d'en haut jusqu'au sol.
 Sa dénonciation de ce problème à
l’entrepreneur se fait dans sa mise en demeure du 5 décembre 2005. Elle y écrivait alors :

Par ailleurs, une inspection extérieure sommaire cet automne nous a démontré que notre bâtiment a travaillé car le joint de brique entre nos deux maisons vis-à-vis le mur mitoyen est craqué de la toiture jusqu’au sol, tant en façade qu’à l’arrière du bâtiment.

[39]          Dans les circonstances décrites plus haut, cette dénonciation n’est communiquée à l’administrateur qu’en octobre 2006, donc près d’un an plus tard.

[40]          Ce délai, explique l’inspecteur Labelle à l’audience, l’amène à examiner ce point uniquement sous l’angle de la garantie contre les vices cachés. Or, reprenant essentiellement en cela ce qu’il écrit dans son rapport, le problème allégué ne constituait pas un vice caché.

[41]           Monsieur Labelle reconnait que si cet élément avait été dénoncé en temps utile, il aurait pu le reconnaitre comme une malfaçon au sens du Règlement mais que cette possibilité était éteinte à la date de la dénonciation à l’administrateur en outre, que de toute façon la dénonciation de la plaignante est tardive.

Point 3. Trois (3) allèges : jointoiement

[42]          Madame Campeau affirme avoir appréhendé ces problèmes dès la réception. Ce n’est toutefois qu’en octobre 2006 même si à l’époque aucun désordre n’est décelable sinon quelques fissures au jointoiement qu’elle le dénonce à l’administrateur.

[43]          Madame Campeau affirme que ces allèges ne lui paraissent pas solides ni le ciment adhérer correctement. Elle reconnait qu’il n’y a eu à ce jour aucune détérioration de ces allèges  mais elle dit toujours éprouver la crainte que celles-ci ne se défassent puisque les joints des allèges se sont complètement défaits à la fenêtre du salon et celle de la salle à manger.   

[44]          À ce sujet monsieur Labelle, réaffirme essentiellement ce qu’il écrit dans son rapport. Ces fissures, dit-il, résultent du comportement normal des matériaux et ne sont pas attribuables à un vice caché. En outre, dit-il, la réclamation de la plaignante est tardive.

Point 5. Crépi

[45]          Madame Campeau explique que ce crépi a été complété au printemps 2005, en période de froid. Elle dit avoir observé pour la première fois des fissures en janvier 2006 et les avoir immédiatement dénoncées à l’entrepreneur mais à l’administrateur seulement en octobre 2006.

[46]          Réitérant là également ce qu’il écrit dans sa décision no 1, monsieur Labelle n’y voit que le résultat du comportement normal des matériaux et donc, rejette la réclamation. Il ajoute également que de toute façon cette dénonciation n’a pas été faite à l’intérieur des délais prescrits au Règlement.

Point 7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut

[47]          Madame Campeau affirme que le nivellement de son terrain a été fait, à son insu, au printemps 2005. Or, selon elle, ce nivellement n’était pas conforme et avant de mettre l’entrepreneur en demeure en décembre 2005, elle lui en avait fait part verbalement à plusieurs reprises depuis mai 2005 mais, elle ne l’a dénoncé à l’administrateur seulement en octobre 2006.

[48]          À l’audience monsieur Labelle reprend son rapport. Il ajoute qu’il était normal et naturel qu’il y ait un certain tassement du sol autour de la résidence suite au nivellement brut. À l’inspection, il affirme par ailleurs n’avoir rien vu d’anormal dans la façon dont le nivellement brut a été fait.

[49]          Il conclut que de toute façon ce point n’a pas été dénoncé à l’intérieur des délais prescrits au Règlement.

 

 

Décision no 2

Point 1. Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation

[50]          La bénéficiaire raconte avoir mis en doute au moment de la réception de sa résidence en décembre 2004, la conformité de l’installation du ventilateur de la salle de bain mais que monsieur Beaulieu, qui n’a pas été cité à témoigné, l'avait rassurée à ce sujet. C’est ce qui explique pourquoi elle affirme ne pas avoir mentionnée cette question dans le rapport de réception.

[51]          Madame Campeau raconte avoir effectivement fait le tour de la résidence avec monsieur Beaulieu, qui l’aurait encouragée à signer le document en lui disant de ne pas s’inquiéter. À ce sujet, elle a demandé de produire à l’audience un enregistrement de la conversation qu’elle avait eue ce jour-là avec monsieur Beaulieu à l’insu de ce dernier, ce à quoi l’administrateur et l’entrepreneur se sont opposés. Leur objection a été accueillie, aucun motif ne justifiant d’autoriser pareil procédé.

[52]          Concrètement, la bénéficiaire a formellement dénoncé cette situation à l’entrepreneur en décembre 2005 puis à l’administrateur, en octobre 2006.

[53]          Monsieur Labelle reprend à l’audience essentiellement ce qu’il écrit dans sa décision, ajoutant que de toute façon, le problème n’avait pas été dénoncé à l’intérieur d’un délai de six mois de sa découverte contrairement à ce qu’exige le Règlement

 

Décision no 3

Point 1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol

[54]          Ce point est reconnu par l’administrateur et l’entrepreneur. La situation avait été constatée par la bénéficiaire à l’hiver 2008 qui l’avait immédiatement dénoncée à l’entrepreneur et à l’administrateur.

[55]          L’ingénieur Gerbeau écrit à ce sujet dans son rapport de Laboratoires de la Montérégie :

Lors des inspections de la résidence, nous avons observé la présence d’une fissure sur le mur arrière partant du coin de la fenêtre. Le 27 février 2008, lors de la seconde inspection, nous avons demandé à madame Campeau d’enlever le panneau de gypse et d’isolant rigide recouvrant le mur de béton de façon à pourvoir observer la fissure. Nous avons effectué une autre visite des lieux le 5 avril 2008. Nous avons observé que la fissure partant du coin de la fenêtre, se dirige diagonalement vers le mur mitoyen. Selon l’angle de la fissure au bas du mur de fondation (presque horizontal), il ressort que la fissure ne rejoint pas les semelles du mur de fondation  (photographies # 4 et 5) ce qui laisse supposer que cette fissure n’a probablement pas été causée par des tassements de sols sous la fondation. De plus, à l’endroit du coin de la fenêtre, aucun dénivelé vertical n’a été observé. Au moment de notre inspection de la fissure, le 5 avril 2008, nous avons observé la présence d’une légère infiltration d’eau dans le bas du mur. Il est possible qu’étant donné la pente du terrain à l’arrière et la nature des sols au dessus du drain, l’eau de ruissellement de surface  crée une pression sur le mur. Il serait recommandé, à l’endroit de la fissure, de remblayer le mur extérieur avec un matériel granulaire perméable de façon à permettre à l’eau de rejoindre les drains sans difficulté.

[56]          L’entrepreneur déclare avoir voulu réparer la fissure observée et s’être présenté à cette fin chez madame Campeau mais que celle-ci lui a refusé l’accès à la propriété.

[57]          Selon madame Campeau, cette fissure ne serait qu’un des multiples indices du fait que sa résidence est affectée du vice majeur visé au point suivant et c’est pourquoi elle conteste la décision de l’administrateur à son sujet.

Point 2. Faits nouveaux et drains français

[58]           En début d’audience, madame Campeau a fait état d’un certain nombre de problèmes qu’elle impute à une cause unique constituant, selon elle, un vice majeur. Les éléments sont les suivants : le plancher du rez-de-chaussée, les joints de brique, les joints de céramique dans la cuisine, la porte au sous-sol qui ne ferme plus, égouttement des terrains voisins, la fenêtre du sous-sol, le mouvement différentiel des murs de fondations.

[59]          Selon ce qu’allègue madame Campeau, ces problèmes attestent de la présence d’un vice majeur à savoir que la capacité portante du sol serait inadéquate et il en résulterait un tassement du sol sous sa résidence d’où les anomalies qu’elle identifie. C’est cette allégation qui a conduit à la série d’expertises évoquées plus tôt.

[60]          Madame Campeau reprend ce qu’elle écrit dans sa dénonciation :

1.   Faits nouveaux

1. Durant la semaine précédant le 2 mars [2007], j’ai constaté que le plancher du sous sol semblait se gonfler un peu, et j’ai mesuré l’écart entre le plancher et le dessous de la porte française qui variait de plus d’un centimètre sur la largeur de la porte et ça se gonflait encore vers le centre de la pièce.

2. Le 2 mars en soirée, la maison a tremblé à quelques reprises, puis la dernière fois d’ensuivit un craquement sourd, qui provenait de la cage d’escalier et a traversé le plafond du sous-sol (où j’étais) pour se terminer dans le mur extérieur sur le côté de la maison. Après quelques secondes, d’autres craquements, cinq ou six, moins forts, se sont aussi fait entendre. Puis plus rien.

3. Le 3 mars au matin, je suis donc sortie dehors pour examiner le mur de brique ou j’avais entendu du bruit la veille et j’ai constaté une fissure en escalier dans le mortier, près de la fenêtre. Je suis alors rentrée et j’ai refait le chemin des craquements que j’avais entendus, pour découvrir qu’il y avait une fissure de près d’un centimètre dans le limon de l’escalier intérieur. Je suis descendue au sous-sol, et j’ai alors constaté tout juste à côté du renvoi d’égout (j’ai pour un moment cru qu’il y avait eu un problème d’égout !!!) que le plancher était extrêmement bombé et que le gypse était brisé près du plancher. Quand on marchait sur la dalle du sous-sol, ça sonnait très creux, comme si le plancher était soulevé de terre, dans le vide. Je suis remontée et j’ai vérifié à l’étage si les portes fermaient, elles fermaient toutes sauf celle de la chambre arrière. La porte d’entrée principale présentait déjà des problèmes depuis quelques semaines, elle était difficile à ouvrier et fermer et il y a une fissure juste au dessus, dans le gypse. Au rez-de-chaussée, onc le plancher était remonté de quelques millimètres près de la chambre arrière empêchant la porte de fermer et le cadrage était crochi.

4. Dans les semaines qui ont suivi, il y a eu quelques secousses très légères (…) mais sans autre conséquence / dommage apparent. J’ai alors consulté plusieurs documents car je ne savais vraiment même plus à quel expert recourir, ne comprenant pas ce qui se passait.

5. Durant le mois de février, j’ai remarqué que mon plancher de salle à manger/salon au rez-de-chaussée semblait s’affaiblir à certains endroits.

6. Au fur et à mesure que la neige a fondu ce printemps, les planchers ont repris leur place peu a peu, sauf qu’à ce jour la dalle au sous-sol est restée un peu bombée et le plancher au rez-de-chaussée empêche toujours la porte de chambre de fermer. Les solives sont maintenant bien appuyées sur les murs de fondations sur le côté de la maison.

[…]

[61]          C’est ainsi que madame Campeau fait appel une première fois à l’ingénieur Mohammad Hosseini. Son rapport d’octobre 2007 résume ainsi son mandat et ses constatations :

[…] L’objectif de l’expertise géotechnique est, après avoir établie la nature des sols de fondation, de déterminer la cause la plus probable des fissures présentes, leur potentiel d’évolution et la solution proposée pour corriger la situation.

[...]

La résidence à l'étude est une maison unifamiliale semi-détachée d'un étage avec un sous-sol. Elle est de forme plus ou moins rectangulaire, mesurant environ 10,5 m de longueur sur 7,3 m de largeur. La figure F074624-1 montre la configuration approximative de la résidence.

La cour arrière de la propriété est adjacente à un champ agricole avec une dénivellation approximative d'environ 1,3 m entre la surface du terrain de la cour arrière et celle du j champ agricole.

L'état des lieux est décrit au moyen de quelques photos prises lors de nos deux (2) visites du 2 avril et du 31 mai 2007. Ces photos sont jointes à l'annexe 2 du rapport.

La photo 1 montre une vue du mur façade principale de la résidence et celle mitoyenne. Les murs de fondation de la résidence sont en béton et les murs de revêtement extérieur en brique. L'entrée principale et le niveau du rez-de-chaussée sont situés à environ 1,2 m au-dessus de la surface du terrain en périphérie des murs de fondation extérieurs. Le sous-sol de la résidence a une hauteur totale d'environ 2,7 m avec environ 1,4 m pour la partie enfouie.

La photo 2 montre le mur latéral de la résidence.

La photo 3 montre la cour et le mur arrière de la résidence. La photo 4 montre la dénivellation mentionnée entre le terrain de la cour arrière et le champ agricole. La photo 5 montre une vue du champ agricole avec des travaux d'excavation en arrière plan.

La photo 6 montre une fissure à la base d'une des fenêtres du sous-sol.

La photo 7 montre une fissure fine dans le coin arrière de la résidence.

La photo 8 montre la présence d'un joint ouvert près de l'escalier menant au sous-sol.

La photo 9 montre l'état de finition d'une des pièces au sous-sol, située en avant-gauche de la résidence, servant de bureau. Un des sondages du présent mandat, sondage S-2, a été réalisé à partir de la dalle sur sol de cette pièce.

La photo 10 montre la même pièce en avant gauche avec des murs de revêtement. La photo 11 montre le détail de jonction entre le revêtement intérieur des murs et les solives du plancher du rez-de-chaussée. La base des solives s'appuie sur le dessus des murs de revêtement.

La photo 12 montre la surface de la dalle de béton dans la pièce mécanique.

La photo 13 montre un des poteaux métalliques visibles au sous-sol. La porte de la chambre arrière du rez-de-chaussée frotte (ne ferme pas) photo 14, et on note un certain bombement localisé au plancher du rez-de-chaussée.

[…] [Caractères gras ajoutés]

[62]          Essentiellement, selon le Dr Hosseini, la capacité portante du sol, de nature argileuse aurait été insuffisante pour soutenir la résidence. Il écrit :

Basé sur les données obtenues lors du présent mandat, nous formulons les commentaires et recommandations suivants :

1) La résidence à l'étude est une maison unifamiliale semi-détachée d'un étage avec un sous-sol construit vers 2004. La surface du terrain de la cour arrière de la propriété est surélevée d'environ 1,3 m par rapport au champ agricole adjacent. On note la présence de fissures fines à la base des fenêtres du sous-sol et les deux coins de la résidence sont fissurés. Une des portes du sous-sol frotte également. La surface de plancher en bois du sous-sol montre localement une dénivellation.

2) Les deux (2) sondages réalisés indiquent la présence d'un coussin granulaire de pierre nette sous la dalle de béton et d'une membrane de polyéthylène. Les sols de fondation de la résidence sont composés d'une mince couche d'argile de croûte suivie d'argile silteuse grise de la mer Champlain. La résistance au cisaillement de l'argile grise mesurée varie entre 35 et 40 kPa. Les teneurs en eau naturelle d'argile de croûte varient entre 46 et 48 %, tandis que celles de l'argile grise de surface sont de 61 et 59 % comparativement aux limites de liquidité et de plasticité d'argile qui sont de 68 et 27 %. Les teneurs en eau naturelle d'argile grise sont proches de sa limite de liquidité, ce qui témoigne de sa haute sensibilité;

3) Les plans consultés exigeaient une capacité portante de 100 kPa pour les sols de fondation. Ils exigeaient la conception des semelles en fonction de la capacité portante des sols, ce qui nécessitait la réalisation d'une étude géotechnique avant la construction. Selon les plans consultés, les semelles filantes des murs de fondation ont une largeur de 750 mm;

4) Selon le relevé effectué, le mouvement différentiel total des murs de fondation extérieurs et des solives de plancher est de 10” ce qui est acceptable pour l'instant. Cependant, il y a lieu de noter que la résidence est de construction récente et que ces mouvements différentiels doivent être interprétés en tenant compte de l'âge de la résidence et de la nature des sols de fondation;

5) Basé sur la résistance au cisaillement d'argile mesurée, sa capacité portante admissible est de 75 kPa. Selon les informations disponibles, le terrain original a été remblayé; la hauteur du remblai est d'environ 1,3 m, ce qui équivaut à une charge unidimensionnelle d'environ 25 kPa. Ainsi, la capacité portante nette résiduelle des sols de fondation de la résidence est estimée d'environ 50 kPa. Cette capacité portante est la moitié de celle indiquée dans les plans de construction. Ce qui exigeait le redimensionnement des semelles par rapport à celles indiquées sur les plans. Il faut se renseigner auprès de l'entrepreneur si de tels changements ont été apportés ou non. Par ailleurs, compte tenu de la nature argileuse des sols de fondation, l'augmentation des dimensions des semelles de fondation devait être réalisée suite à des calculs de tassements pour s'assurer que les tassements admissibles à long terme sont inférieurs à 25 mm. Présentement, le mouvement différentiel mesuré est d'environ 10 mm, ce qui équivaut à un tassement total d'environ 15 mm. Compte tenu de la nature argileuse des sols de fondation, nous sommes d'avis qu'il existe de fortes probabilités que les tassements de sol de fondation, et par conséquent les dommages aux fondations, évoluent avec le temps, si aucune correction acceptable, n'est effectuée  dans les plus brefs délais possibles. Nous recommandons conséquemment qu'on détermine la solution technique acceptable en relation avec le remblayage et la nature des sols de fondation en place afin de corriger immédiatement la situation avant que les dommages s'aggravent. [Caractères gras ajoutés]

[63]          Pour monsieur Hosseini, la situation décrite appelle des travaux correctifs qu’il décrit dans son rapport.

[64]          À l’époque de son expertise, monsieur Hosseini avait mené une étude similaire sur la maison mitoyenne à celle de madame Campeau et il en venait à la conclusion que la capacité portante nette résiduelle des sols de fondation de la résidence est estimée d’environ 25 kPa.  

[65]          La propriétaire de cette résidence, une dame Plante avait alors présenté une réclamation à ce sujet rejetée par l’administrateur. Madame Plante s’était initialement pourvue en arbitrage et sa demande a été jointe à celle de madame Campeau. Le 16 juin 2010, madame Plante s’est désistée de son recours. Sa lettre de désistement a été déposée en preuve de consentement. Elle se lit ainsi : 

La présente a pour objectif de vous demander d'accepter notre retrait dans le litige concernant la propriété du 1720 de Dieppe, St-Hyacinthe.

En 2006, notre voisine mitoyenne du 1710 de Dieppe, nous a approché en nous faisant part d'un problème de fondation de son coté. Grandement influencé par cette dernière que notre situation était la même, nous avons fait faire conjointement en 2008 des rapports d'expertise de sol afin d'analyser la qualité du sol.

Après plusieurs frais engagés, nous avons maintenant réalisé que nous n'avions aucun problème avec la maison et avons décidé de nous retirer du dossier. Nous sommes très satisfaits de notre propriété.

Nous sommes conscients des problèmes que ce litige a pu vous causer en temps et argent, mais comprenez que nous en sommes sincèrement désolé. Sachez que notre ignorance dans le domaine et la grande ténacité de notre voisine à nous influencer en ce sens a biaisé notre jugement négativement.

Nous vous prions d'accepter nos excuses et nous vous demandons d'accepter notre désistement sans frais. [Caractères gras ajoutés]

[66]          On l’a vu le rapport de monsieur Hosseini a amené l’entrepreneur à retenir de son coté les Laboratoires de la Montérégie afin de vérifier si les charges de la résidence causaient ou pouvaient causer dans l’avenir des tassements supérieurs au maximum admissible de
25 millimètres.

[67]          Le premier rapport de l’ingénieur Gerbeau, chargé des calculs est déposé de consentement à l’audience et son auteur dispensé de témoigner. On peut y lire :

[…] Suite à cet entretien, nous avons avisé Monsieur Hosseini que nous réaliserons des calculs de tassement à long terme avec les données de son expertise. Nous avons également effectué une visite de la résidence, le 30 novembre 2007, avec Madame Roxanne Campeau, propriétaire de la résidence, afin d'observer l'état des lieux. Nous avions auparavant mesuré les élévations du bas du revêtement de briques autour de la résidence semi-détachée afin de vérifier les tassements des murs de fondation.

2.0     Description des lieux

Voici les points importants que nous avons retenus de nos visites de la résidence sise au 1710, rue Dieppe à St-Hyacinthe.

1. Maison unifamiliale semi-détachée de 7,3 mètres de largeur par 10,5 mètres de longueur;

2. Remblai d'environ 1,3 mètre d'épaisseur autour de la résidence par rapport au champ agricole situé à l'arrière;

3. Partie enfouie du sous-sol d'environ 1,4 mètre de profondeur par rapport au dessus du remblai;

4. Pente arrière du terrain acheminant l'eau vers la résidence;

5. Présence d'une fissure fine à l'arrière, près d'une fenêtre, sur le mur de fondation (aucun dénivelé vertical observé);

6. Présence d'une fissure fine en escalier, dans le mortier du mur de brique du côté, entre l'allège et une sortie d'air (aucun dénivelé vertical observé);

7. Présence d'une fissure fine sur le mur de fondation et le joint de mortier sur le mur avant,  entre  les deux résidences jumelées  (aucun dénivelé vertical observé);

8. Aucune fissure observée sur la partie visible de la dalle du sous-sol;

9. La dalle de béton du sous-sol présente de légers dénivelés de quelques millimètres (Nous avons observé un dénivelé de l'ordre de 2 mm sur une distance de 1,2 m);

10. Une porte de chambre du rez-de-chaussée fermait mal;

11. Les lectures du bas du revêtement de briques permettent de mesurer un dénivelé maximum de 10 millimètres. Cependant, comme on peut le constater également sur les mesures prises par Labo S.M. inc. (points 2b à 6), les élévations varient de plus ou moins 5 millimètres sur toute la longueur du mur de côté, ce qui laisse croire que le revêtement a été installé comme tel. Nous avons également mesuré les élévations du mur de fondation de la résidence jumelée voisine. Aucun dénivelé notable n'a été détecté;

12. Lors de la rencontre avec Madame Roxanne Campeau, propriétaire de la résidence, elle nous a affirmé que le gonflement au sous-sol à déjà été plus important et que la dalle semble être redescendue, car la porte française du sous-sol ferme maintenant sans frotter la dalle, ce qui n'était pas le cas ce printemps selon ses observations. Selon Madame Campeau, les désajustements de portes sont saisonniers;

13. Madame Campeau nous a également mentionné qu'elle ignorait si les drains français étaient reliés aux égouts pluviaux de la ville. Monsieur Jonathan Robin nous a par la suite confirmé qu'effectivement les drains français acheminaient l'eau aux égouts de la rue.

[…]

4.0     Capacité portante et tassement

Selon le rapport de Labo S.M. inc., la capacité portante admissible du sol est de 75 kPa à laquelle il faut soustraire une charge de 25 kPa dû au remblai, ce qui donne une capacité portante nette résiduelle pour les sols de fondation d'environ 50 kPa. Nous sommes d'avis que cette capacité portante reflète assez bien la réalité, compte tenu des études géotechniques que nous avons réalisées dans le secteur immédiat.

Cependant, la charge estimée du bâtiment de 100 kPa, qui apparaissait sur les plans architecturaux ne représente pas la valeur réelle des charges effectives que l'on retrouve sous les semelles des murs de fondation. En effet, les calculs démontrent une charge maximum de 40,1 kPa pour les murs avant et arrière et des charges variant entre 22,3 et 29,7 kPa pour les autres semelles des murs et colonnes, ce qui est inférieur à la capacité portante de 50 kPa. Selon des calculs effectués par Monsieur Saiim Ghorbel, Ph. D. pour LVM Technisol, les tassements différentiels et totaux à long terme seront inférieurs à 20 et 25 millimètres respectivement.

II est à noter que le tassement différentiel mesuré de 10 millimètres est hypothétique, car il est probable que les murs de fondations aient été construits avec ce dénivelé (II est pratiquement impossible qu'un mur de fondation soit coulé parfaitement horizontalement).

Les tassements à long terme pourraient être calculés avec précision en réalisant un sondage géotechnique et en prélevant des échantillons non remaniés (tube Shelby) afin de les soumettre à des essais de consolidation cedométrique.

Cet essai nous permettrait également de connaître le coefficient de consolidation pour déterminer le pourcentage de consolidation en fonction du temps.

5.0     Conclusion

Suite à l'inspection de la résidence, nous n'avons relevé aucun dommage structural significatif pouvant avoir été causé par des tassements des sols. Cette constatation rejoint le rapport de La Garantie Qualité Habitation qui mentionne que les fissures fines dans le béton ou le mortier sont attribuables au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement. Les fissures observées aux murs de fondation sont fines et fermées et aucun dénivelé vertical n'est détectable à l'endroit de ces fissures.

Les élévations mesurées en dessous des murs de briques révèlent des dénivelés variant de plus ou moins 5 millimètres le long du mur de côté et de 10 millimètres pour le mur arrière. Ces dénivelés ne signifient pas avec certitude que les murs de fondation ont connu des tassements. Il est plutôt probable que les murs aient été construits tel quel.

Les calculs de tassement à long terme démontrent que ceux-ci seront inférieurs au maximum admissible pour une résidence, selon les règles de l'art.

En conclusion, les désordres observés à la résidence sont d'ordre esthétique et n'affectent aucunement l'intégrité structurale de la résidence. Il est normal qu'une nouvelle résidence connaisse des désajustements à différents éléments structuraux dans les premières années (portes désajustées, fissures fines dans les cloisons intérieures, colonnes ajustables au sous-sol, etc.).

 En terminant, nous sommes d'avis qu'il serait recommandé de s'assurer d'un bon drainage autour de la résidence et d'éviter que l'eau s'achemine vers les murs de fondation. Ceci peux créer des poussés d'eau sous la dalle. [Caractères gras ajoutés]

[68]          Monsieur Gerbeau produit un second rapport le 15 avril 2008 suite à certains échanges avec madame Campeau dans lequel les charges sont recalculées. Ce second rapport, toujours déposé de consentement, affirme :

Suite à notre rapport du 19 novembre 2007 et des commentaires apportés par Madame Campeau […], trois (3) sondage dans la dalle du sous-sol afin de vérifier la largeur des semelles des murs périphériques ainsi que pour s’assurer de la présence de bases intérieures sous les colonnes ou mur porteur. Nous avons également pris des relevés d’élévation de la dalle du sous-sol. De plus, une inspection de la structure de la résidence fût réalisée par Monsieur Luciano Fronteddu, ing. Ph. D. pour le Bureau d’études spécialisées inc. (B.E.S. inc.), consultant en structure. Ces travaux ont été effectués dans le but de s’assurer que les hypothèses émises par B.E.S. inc., dans leur rapport de calculs de charges soient certifiées. Les calculs de charges avaient été réalisés en se basant sur un plan de fondation fourni par Monsieur Jonathan Robin du Groupe Robin.

[69]          L’ingénieur Gerbeau y poursuit :

4.0 Charges effectives de la résidence

Suite aux mesures des largeurs des semelles des murs périphériques, des informations obtenues de Madame Campeau lors de l’inspection (plan de localisation de la résidence démontrant que le mur mitoyen possède une largeur de 8”) et de l’inspection de la résidence (balcon et escalier de béton s’appuyant sur la semelle du mur avant), les charges ont été recalculées sous les semelles de la résidence par Monseiur Luciano Fronteddu, ing. De B.E.S. inc. La descente de charge effective démontre une contrainte maximale de 55,4 kPa sur le mur avant. Le mur arrière a une contrainte de 43,3 kPa. Les autres semelles des murs et colonnes intérieures présentent des contraintes variant entre 21,2 et 39,6 kPa. […] Par mesure préventive, les calculs des contraintes des murs périphériques ont été réalisés en prenant 32” comme largeur des semelles bien que le sondage S-2 a permis d’estimer à 34” la largeur de la semelle arrière.

5.0 Capacité portante et tassement

En tenant compte de la capacité portante du sol, qui a été estimé à 50 KPA, il apparait que seul le mur avant, qui a des charges de 55,4 KPA, pourrait à long terme avoir des tassements supérieurs à 25 millimètres […]. Étant donné que la capacité portante admissible du sol a été estimée uniquement à partir des valeurs d’essais scissométriques obtenues à l’aide d’un scissomètre d’inspection, il est possible que les tassements à long terme soient inférieurs à 25 millimètres. Afin de pourvoir aux calculs de tassements de façon plus précise, il serait recommandé de procéder à des prises d’échantillons non remaniés (tube Shelby) et de les soumettre à des essais de consolidation oedométrique.

Dans le cas où les essais supplémentaires recommandés (qui sont relativement onéreux) ne seraient pas retenus, une autre solution serait de décharger le mur avant des contraintes du balcon en béton. Des semelles pourraient être construites sous le balcon, de façon à supporter les murs de béton triangulaires du balcon ainsi que deux (2) nouveaux sonotubes remplis de béton qui seraient installés sous la dernière marche de l’escalier. De cette façon, on pourrait diminuer les contraintes sur le mur avant à 49,7 kPa. Une alternative à la nouvelle semelle serait d’appuyer  le balcon et les marches de béton sur quatre (4) pieux vissés. [Caractères gras ajoutés]

[70]          Subséquemment à ce rapport, et en conformité de la suggestion qui y est faite, malgré les coûts que cela représente, l’entrepreneur retient les services de l’ingénieur Luc Bergeron. Celui-ci procède à une étude géotechnique avec la prise d’échantillons non remaniés soumise à des essais de consolidation oedométrique afin de pousser plus loin l’expertise réalisée par l’ingénieur Hosseini.

[71]          Le rapport de monsieur Bergeron, daté du 22 octobre 2009, conclut ainsi:

5.0   CONCLUSIONS

Les conclusions formulées dans les paragraphes qui suivent sont basées sur l'hypothèse de la représentativité, sur l'ensemble du site à l'étude, des conditions géotechniques relevées au droit du forage implanté dans le cadre du présent mandat; ces recommandations reposent également sur les informations qui nous ont été transmises au moment de la rédaction du présent rapport et dont il est fait état ci-après.

Les résultats des forages montrent la présence d'une mince croûte argileuse, soit jusqu'à un maximum de 2,9 mètres de profondeur, suivie par un dépôt d'argile silteuse grise de consistance molle à ferme faiblement surconsolidé; la présence de matériaux de remblai ou de sols naturels remaniés a été constatée au droit du forage F-1 sur une épaisseur de 2,7 mètres, mais de 1,5 mètre dans F-2.

Selon les plans fournis, la fondation a été construite à 1,5 mètre de profondeur (5'-0") sous la surface du terrain fini; considérant l'épaisseur de l'empattement (250 mm), les calculs ont été faits en considérant une profondeur d'implantation de 1,8 mètre sous la surface du terrain actuel avec une nappe phréatique à une profondeur de 2,4 mètres. Un empattement typique de 760 millimètres de large par 10,0 mètres de longueur a également été considéré, ce qui est typique des fondations avant et arrière du bâtiment jumelé.

Selon les résultats du forage F-1, la capacité portante d'une telle fondation est de 65 kPa cette capacité portante tient compte d'un tassement de 25 millimètres et il s'agit de la contrainte pouvant être ajoutée aux contraintes existantes en place (capacité portante admissible); le facteur de sécurité contre la rupture associé à cette capacité portante est supérieur à 3,0. Une profondeur d'influence de 6 fois la largeur de la fondation a été considérée dans ce calcul.

La capacité portante aux états limites d'utilisation (ELUL) pour une telle fondation est de 140 kPa.

Le cas d'une semelle intérieure a également été étudié; dans ce cas, cependant, ce sont les conditions de rupture qui gouvernent puisque la fondation n'est pas encastrée étant donné qu'elle est construite directement sous la dalle du sous-sol. La capacité portante, dans ces conditions, serait de 60 kPa pour une semelle filante et de 70 kPa pour une semelle carrée; dans les deux cas, les tassements associés à une telle pression sont inférieurs à 15 millimètres.

Les profils scissométriques étant identiques, les capacités portantes sont les mêmes sur la propriété contigüe (forage F-2).

[72]          En mars 2008, l’entrepreneur retient également les services de monsieur Dominique Gingras, arpenteur-géomètre afin de vérifier les variations éventuelles de l’élévation de la fondation. Ce dernier se rend d’abord à la résidence à deux reprises : en mars et juillet 2008. 

[73]          Dans un rapport qu’il fait après sa seconde visite, il écrit :

[…] À l’aide d’un niveau d’arpentage et d’une mire graduée, j’ai mesuré l’élévation de différents points de référence non seulement sur la maison à l’étude mais également sur divers éléments du secteur (lampadaire, borne fontaine, maisons voisines).

J’ai compilé le résultat de mes observations sur le plan ci-joint. Il est important de noter que ces données doivent être appréciées en tenant compte que la méthode de mesurage utilisée ne permet pas d’obtenir une précision absolue. Les écarts négligeables constatés entre les deux mesurages pourraient donc n’être que des variations associées à la précision du  relevé.

[74]          À la demande de l’entrepreneur, monsieur Gingras retourne sur place en octobre 2010. Selon monsieur Gingras, la maison n’a pas bougé.

[75]          Parallèlement madame Campeau retient de son côté les services de monsieur Latulippe, professionnel du bâtiment, membre des technologues professionnels du Québec. Ce dernier procède à une inspection du drain français suite à l’infiltration d’eau survenue au printemps 2008 et à un examen de la capacité portante du sol.

[76]          À l’audience, le procureur de l’administrateur a contesté la qualité de monsieur Latulippe d’agir et de témoigner à titre d’expert sur la question de la qualité portante du sol. Cette objection a été prise sous réserve. J’en dispose plus loin dans mon analyse.

[77]          Dans un rapport qu’il rédige le 11 mars 2009 suite à une visite de la résidence le 11 juillet 2008, monsieur Latulippe décrit ainsi son mandat :

Notre mandat consistait principalement à procéder à des excavations le long des murs de la fondation afin de déterminer l’état du système de drainage périphérique de la fondation, vérifier la configuration des murs de la fondation ainsi que la semelle où reposent ces derniers, et enfin prendre connaissance de l’ensemble de la documentation, soit les rapports d’expertises ayant été réalisés par la firme Labo S.M. inc., du Laboratoire A.B.S. inc. et enfin de Laboratoires de la Montérégie.

Également, nous devions, suivant l’analyse de l’ensemble de cette documentation et la cueillette de données effectuée sur les lieux, déterminer quels sont les travaux que l’immeuble devait subir en fonctions des exigences du Code national du bâtiment et des règles de l’art pour en assurer sa stabilité et la sécurité des occupants.

[78]          Pour son examen du drain, monsieur Latulippe a inséré une caméra dans le système de drainage. Il écrit :

Le système de drainage n’est pas suffisamment revêtu de gravier propre sur le côté droit. Suivant l’insertion d’un boyau d’arrosage, le réseau ne permet pas un écoulement complet étant donné qui se trouve à un niveau inférieur du côté droit par rapport à celui du mur arrière et du mur avant. Cet écoulement est estimé à ± 50%.

[79]          Concernant la capacité portante, même si la qualité du témoin a été remise en question à ce sujet, il m’apparait utile de rapporter ses propos. Il écrit :

II s'agit d'un bâtiment comportant deux immeubles semi-détachés ayant été construits au même moment au cours de l'année 2004. En fait, dans les évaluations effectuées par les différents laboratoires, ni l'un ni l'autre n'a statué que le bâtiment sous étude portant les deux adresses […], possède une fondation monolithique. C'est donc dire que les conséquences d'un vice à la fondation peuvent affecter l'immeuble de droite et de gauche.

Or, il est requis, en fonction des différents travaux qui seront proposés, de concevoir ces derniers en considérant qu'il s'agit d'un seul et unique bâtiment. En fonction des analyses géotechniques effectuées, et considérant la différence des capacités portantes des sols d'un côté et de l'autre, le soussigné est d'opinion que la capacité portante minimale relevée doit être prise en considération. De ce fait, la capacité portante admissible du sol est de 25 kPa, tel que déterminée au second rapport de l'ingénieur Mohammad Hosseini de Laboratoire A.B.S. Inc., du 25 novembre 2008.

Considérant cette valeur, en prenant compte des données du Bureau d'études spécialisées inc., (BES) du 1er avril 2008 sous la gouverne des ingénieurs Walsh et Fronteddu, à la rubrique « 4 - Résultats », nous devons comprendre que l'ensemble des murs du bâtiment sous étude, soit les murs A, B, C et D, ainsi que les colonnes 1 et 2, sont soumis à une contrainte supérieure à la capacité portante du sol, et, de ce fait, il est requis de procéder à des consolidations afin de répartir les charges adéquatement sur les sols, ou de les transmettre à un sol ayant une capacité portante suffisante à l'aide de pieux ou autre construction similaire.

Le rapport de Laboratoires de la Montérégie, précise, à son item « 2.0 - Sondages », estime la largeur des semelles de la fondation à 34 et 35 po. de largeur, et, pour procéder au calcul de répartition des charges effectuées par les ingénieurs Walsh et Fronteddu, ils ont réalisé leurs calculs en fonction d'une largeur de 32 po. Or, nous avons procédé à une vérification du côté extérieur de l'immeuble près des sondages S-l et S-2. Contrairement à ce qui est établi au tableau de la page 2, la distance du bord de la semelle de fondation jusqu'au mur de 13 po. et/ou de 12 po. en fonction de la largeur des murs estimée, a révélé des dimensions de 8 po., ramenant ainsi la dimension des semelles à 30 po. de largeur contrairement à 34 po. vérifié, ou 32 po. estimé pour les calculs.

C'est donc dire que les contraintes admissibles pour le transfert des charges au sol se trouvent encore plus sévères puisque, considérant la largeur des semelles inférieures, cela fait en sorte que le poids devant être réparti s'en trouve plus grand par surface de contact plus petite. Cette situation est un élément qui doit être considéré afin de déterminer les travaux qui seront requis.

Or, puisque les capacités portantes du sol sont nettement inférieures aux charges que le bâtiment transmet et que la semelle de fondation est plus petite que celle estimée, nous en arrivons à la conclusion que trois solutions pourraient être retenues, soit l'élargissement des semelles de fondation, la construction d'une dalle radiée (dalle structurale), et/ou la mise en place de pieux foncés jusqu'au refus. Pour chacune de ces solutions, nous avons procédé à une vérification de leur faisabilité et de leur impact sur le bâtiment ou son environnement.

[…]

[80]          Monsieur Hosseini, on l’a dit, a lui aussi présenté un rapport complémentaire en 2010 à la demande de madame Campeau. Il y écrit :

[…]

Suite à la lecture des rapports consultés, nous présentons les commentaires suivants :

1. La largeur des semelles de fondation des murs périphériques a été surestimée par LM.

Le rapport de la largeur de semelle à la largeur du mur ne respecte pas la pratique usuelle de construction au Québec. Suite à cette surestimation de la largeur des semelles, les contraintes calculées à la base des semelles ont été sous-estimées, ce qui met en doute les résultats des calculs des charges. La recommandation de LM pour mettre en place quatre pieux sous le mur avant n'est pas acceptable, car une telle intervention se traduira par une hétérogénéité géotechnique (une partie de la résidence sur pieux et le reste sur des fondations conventionnelles), ce qui n'est pas acceptable;

2.  M. Latulippe a présenté des commentaires géotechniques dépassant son champ de compétence, de tels commentaires se relèvent du domaine de compétence d'ingénieurs géotechniciens au Québec;

3.  Le rapport de LS décrit l'échantillon CF-4 prélevé dans le forage F-1 comme un remblai probable, ce qui se traduira par la présence d'un sol de fondation constitué de remblai d'argile. Ceci pourrait constituer un vice de construction à cause de la pose des semelles sur un remblai;

4.  Les résistances au cisaillement de l'argile mesurées par LS en laboratoire sont inférieures à celles mesurées au chantier. Basés sur le profil scissométrique rapporté par LS, nous estimons à 45 kPa la capacité portante admissible nette des sols de fondation. Cette capacité portante est inférieure à celle estimée par LS (65 kPa) ainsi que celle estimée dans le rapport de Labo S. M. Par contre, la capacité portante de 45 kPa est proche de celle estimée lors de l'expertise de Laboratoire ABS pour la résidence située au 1720, de Dieppe;

5.  Basés sur les données géotechniques du rapport de LS, nous sommes d'avis que les sols de fondation de la résidence à l'étude constituent des sols problématiques pouvant engendrer de tassements de consolidation à long terme. Les informations géotechniques du rapport de LS indiquent des sols de fondation avec des caractéristiques géotechniques médiocres, similaires à celle des argiles de St-Amable. Compte tenu des propriétés géotechniques fournies dans le rapport de LS, la solution recommandée est de procéder à des travaux de reprise en sous-œuvre complète au moyen de pieux pour porter les charges structurales au roc ou sur un sol dense. En ce qui concerne la dalle sur sol, cette dernière pourrait subir des affaissements différentiels au voisinage des murs de fondation ou des semelles isolées, ce qui pourrait causer sa fissuration à long terme. Les travaux de reprise en sous-œuvre doivent être effectués sur les plans et devis préparés par un ingénieur pour s'assurer que les travaux seront réalisés selon les règles de l'art. Le choix de l'entrepreneur de pieutage doit être effectué en collaboration avec un géotechnicien ayant de l'expérience dans ce domaine.

[81]          Messieurs Hosseini et Latulippe ont été cités à témoigner par la bénéficiaire. L’administrateur a pour sa part fait entendre monsieur Labelle et l’entrepreneur, l’ingénieur Bergeron et l’arpenteur-géomètre Gingras.

[82]          Monsieur Hosseini a longuement expliqué les caractéristiques d’un sol argileux et notamment de l’importance qu’il soit doté d’un bon système de drainage. Généralement, selon cet expert, on doit dans toute construction tenir compte de la composition du sol appelé à la soutenir. Lorsque ce dernier est argileux, comme c'est le cas ici, les fondations doivent être construites en conséquence, de manière à empêcher que son tassement n'entraîne des fissures, des mouvements des murs et plafonds et de là la ruine éventuelle de l’ouvrage.

[83]          Le docteur Hosseini décrit les sondages qu’il a réalisés et les tests effectués ainsi que les travaux d’arpentage décrits dans son premier rapport dont il explique les conclusions. Selon lui, l’insuffisance de la capacité portante du sol qu’il dit avoir constatée provoquera à terme des contraintes et des tassements du sol et de là des dommages à la résidence de la bénéficiaire.

[84]          Le témoin explique ne pas avoir procédé aux tests de consolidation, comme l’a fait l’entrepreneur, en raison de leur coût élevé. Toutefois, explique monsieur Hosseini, sur la foi d’un échantillon recueilli dans le cadre de l’expertise de l’ingénieur Bergeron, monsieur Hosseini affirme avoir calculé que la capacité portante qu’il établie à 45 kPa, comme il le décrit dans son rapport complémentaire. Il reconnait n’avoir à cette occasion qu’utilisé l’échantillon le plus faible des trois recueillis et ne pas avoir fait de calcul avec les autres.

[85]          En contre interrogatoire, il reconnait ne pas avoir vérifié le système de drainage de l’immeuble en outre de ne pas y avoir constaté de problèmes reliés à la nappe phréatique.

[86]          Bien que critique des calculs faits par l’ingénieur Gerbeau, il n’a pas non plus procédé au calcul de charge de la propriété.

[87]          Interrogé à ce sujet, monsieur Hosseini reconnait en effet également que la conclusion de son premier rapport selon laquelle il y aurait insuffisance de la capacité portante du sol repose uniquement sur la note apparaissant au plan d’architecte que lui a remis la bénéficiaire et selon laquelle il y aurait exigence d’une capacité portante de 100 kPa.

[88]          Lorsqu’ils seront interrogés sur le même sujet, tant messieurs Bergeron et Labelle que monsieur Latulippe, ce dernier cité par la bénéficiaire, diront partager l’opinion exprimée au rapport de l’ingénieur Gerbeau à l’effet que la charge estimée du bâtiment de 100 kPa, qui apparaissait sur les plans architecturaux ne représente pas la valeur réelle des charges effectives que l'on retrouve sous les semelles des murs de fondation. Monsieur Latulippe ajoutera même que cette note est inscrite généralement sur tous les plans architecturaux et qu’elle n’est pas en cela concluante. Ultimement monsieur Hosseini finira par en convenir du bout des lèvres tout en se demandant pourquoi on avait pu l’inscrire aux plans si elle n’était pas conforme à la réalité.

[89]          Lorsqu’appelé à commenter les propos de monsieur Latulippe au sujet de la capacité portante, monsieur Hosseini dira en substance de son côté ne pas leur accorder de valeur puisque leur auteur s’y aventure dans un champ de compétence réservé aux ingénieurs. Selon monsieur Hosseini, monsieur Latulippe ne possède pas les compétences pour se prononcer sur la capacité portante des sols et il faut donc rejeter son rapport.

[90]          Contre-interrogé sur l’aspect des fissures évoquées plus tôt, monsieur Hosseini, qui a visité la résidence en avril et mai 2007 puis en juin 2009, refuse tout simplement de les qualifier. Monsieur Hosseini ne se dit pas en mesure d’affirmer s’il s’agit de fissures de retrait ou de nature structurale même s’il est familier avec ce type de classification.

[91]          Également en contre-interrogatoire, monsieur Hosseini dit ne pas être en mesure d’affirmer que les fissure observées à la résidence de madame Campeau sont dues à un tassement du sol ni par ailleurs qu’elles le seraient à l’assèchement des matériaux.

[92]          On l’a interrogé au sujet d’un commentaire fait au sujet d’une porte. Il en dit dans son premier rapport que cette porte frotte et il attribue le phénomène à un bombement localisé au plancher à cet endroit. Il a reconnu que malgré l’affirmation faite dans son rapport à l’effet qu’il avait photographié la chose, aucune telle photo n’y figure, ni mesure. Il reconnait également ne pas avoir vérifié les causes de ce bombement qu’il dit avoir observé sans le mesurer et convient de ne pas pouvoir l’imputer à quelque tassement du sol.

[93]          Lorsque soumis à un contre-interrogatoire serré, l’expert Hosseini se dit incapable d’affirmer malgré ce qu’il laisse entendre dans son rapport que les fissures observées et les indices mentionnés par madame Campeau seraient effectivement le résultat d’un tassement du sol. Il exprime cependant l’avis qu’on ne peut s’en remettre à l'évolution d'une fissure pour décider de la capacité portante du sol et celle-ci ne se mesure réellement qu’au moyen de tests de sol et de calculs.  Il dira aussi qu’en outre des tests de consolidation, le recours à l’arpentage permet aussi d’observer les mouvements dans le temps. 

[94]          Interrogé sur les tassements de 10 mm mesurés à la résidence de la bénéficiaire, monsieur Hosseini situe ceux-ci à l’intérieur des normes acceptables, qui sont de l’ordre de 25 mm. Il concède aussi qu’il est possible que les murs de fondation aient été construits avec un dénivelé et qu’il n’y ait pas eu tassement, i.e. qu’un mur de la fondation n’ait pas été coulé parfaitement horizontalement.

[95]          Quoi qu’il en soit, l’expert Hosseini opine qu’à long terme, peut-être dans 50, voire même 75 ans, il y aura des tassements différentiels importants, tout en convenant ne pas fonder cette hypothèse sur des tests du genre de ceux faits par monsieur Bergeron.

[96]          Interrogé sur l’état de l’ouvrage, monsieur Hosseini reconnait ne pas avoir constaté  lors de ses visites, de manifestations qui lui auraient permis d’affirmer que le bâtiment serait en péril. Il déclare : Je n’ai pas constaté de manifestation mais je me prononce uniquement sur la durée de vie de la résidence. Il en conclut que le sol ne possède pas la capacité portante suffisante pour reprendre les charges provenant de la construction, ni les tassements anticipés sur une période de 50 à 75 ans et, qu'en conséquence, l'installation de pieux est nécessaire pour stabiliser le bâtiment.

[97]          À l’opposé monsieur Luc Bergeron, qui décrit longuement les tests qu’il a effectués affirme que le sol a la capacité portante requise pour supporter les charges de la résidence et qu’il situe celle-ci à 65 kPa.

[98]          Monsieur Bergeron dit s’être étonné en voyant que son collègue l’expert Hosseini avait estimé la capacité portante du sol de la résidence de la bénéficiaire à 50 kPa et seulement à 25 celle du sol de la voisine. Bien qu’il reconnaisse qu’il puisse arriver que la capacité portante de deux terrains adjacents passe du simple au double de l’un à l’autre, il a jugé l’affirmation assez surprenante pour St-Hyacinthe où, selon lui, ça ne varie pas à ce point.

[99]          Monsieur Bergeron distingue les prélèvements qu’il a faits de ceux de l’expert Hosseini. Les siens l’ont été, dit-il, avec des instruments beaucoup plus fiables et précis qui minimisent le remaniement du sol. Il a réalisé des essais de consolidation, une méthode qu’il décrit comme beaucoup plus fiable que celle utilisée par son vis-à-vis. Ses trois essais lui ont permis de calculer la pression limite à ne pas dépasser, un calcul que n’avait pas fait monsieur Hosseini. Selon l’expert Bergeron, les charges du bâtiment sont en deçà de la charge admissible en fonction de la capacité portante du sol évaluée à 65 kPa alors que le bâtiment en exige moins.

[100]          En somme, l’expert Bergeron affirme que les tests en sa possession et calculs, qu’aucun autre n’a faits dans le présent dossier, démontrent que la résidence n’a pas bougé. Selon monsieur Bergeron, monsieur Hosseini qui situe cette capacité à 45 kPa s’appuie sur un prélèvement que lui-même avait mis de côté comme non fiable. Monsieur Bergeron écarte donc ce résultat, basé sur le pire des échantillons, ajoutant que monsieur Hosseini n’a pas jugé bon de faire ses calculs avec les autres échantillons fiables. 

[101]          Il ajoute que si la réalité était celle décrite par monsieur Hosseini, la résidence de la voisine, jouxtée à celle de la bénéficiaire, aurait subi des dommages considérables même catastrophiques. Or, elle n’en a subi aucun et comme pour celle de la bénéficiaire qu’il a inspectée, il n’y a pas eu de tassement.

[102]          Pour sa part, l’inspecteur de l’administrateur reprend à l’audience ce qu’il écrit dans son rapport. Il affirme qu’au moment de son inspection du 14 mai 2010 qui a duré plus de deux heures, madame Campeau lui demandait de revenir sur ses deux premiers rapports. Pour la rassurer, il a fait le tour avec elle et procédé à un examen minutieux de tous les points de la construction de A à Z. Malgré cela, dit-il, madame Campeau demeurait convaincue que sa maison s’affaissait. 

[103]          Monsieur Labelle a témoigné au sujet du bombement allégué du plancher qu’aurait décelé la bénéficiaire. Il explique avoir utilisé un niveau pour faire des vérifications puisqu’il ne voyait rien d’anormal à l’œil nu. Il n’a constaté aucun bombement ni par conséquent aucun signe de désordre structural. Quant à la porte censée mal fermée, tout ce qu’il a vu est que la bénéficiaire y avait installé un crochet à vêtement, crochet qui l’empêchait de fermer.

[104]          Interrogé au sujet de l’affaissement allégué de l’ouvrage, monsieur Labelle raconte avoir visité la résidence à trois reprises et n’y avoir constaté aucun phénomène d'affaissement ni quelque manifestation à l’égard des éléments pointés par la bénéficiaire indicateurs d’inquiétude.  Selon monsieur Labelle, la présence de fissures est fréquente et imputable au sèchement des matériaux. Il n’a donc pas jugé nécessaire de procéder à des analyses plus poussées, et coûteuses, d’autant que l’entrepreneur l’avait déjà fait de son côté.

[105]          Monsieur Labelle rappelle que lors de son inspection de la résidence en mai 2010, il n’avait observé aucun signe ni élément nouveau depuis sa visite précédente en mars 2008, ce que la bénéficiaire a d’ailleurs reconnu. Selon lui, lorsqu’une maison bouge, cela se traduit dans des signes visibles mais qu’il n’en a vu aucun chez la bénéficiaire. Si cela n’avait pas été le cas, il aurait sans hésiter, dit-il, sonner l’alarme.

Point 3. Fenêtres au sous-sol

[106]          Madame Campeau affirme avoir douté dès l’automne 2004 que la fenestration y était suffisante, donc non conforme.

[107]          Au printemps 2007, elle demande à la Ville de Saint-Hyacinthe de procéder à une inspection notamment du sous-sol. Selon madame Campeau, la ville a conclu dans le même sens. Elle produit la lettre que la ville lui adresse le 20 avril 2007 :

La présente fait suite à la visite d’inspection effectuée à votre domicile le 17 avril dernier afin de vérifier la conformité de certains éléments des travaux visés par le permis […] accordé le 16 juin 2004 pour la construction d’une résidence unifamiliale jumelée à l’adresse mentionnée en rubrique.

L’inspection a été effectuée à votre demande […]

[…]

Application des exigences de fenestration pour les pièces aménagées au sous-sol

Les exigences de fenestration des pièces d’un logement sont celle du Code de construction du Québec (Code national du bâtiment - Canada 1995). Principalement, les fenêtres et lanterneaux doivent être conformes à la section 9.7 di Code. Les plans approuvés à l’émission du permis de construction […] ne comptaient pas de pièces aménagées au sous-sol. De plus, pour certaines pièces comme une buanderie, une salle de jeu en sous-sol ou un sous-sol non aménagé, aucune fenêtre n’est exigée.

Le plan du sous-sol approuvé à l’émission du permis de construction […] était donc conforme.

Lors de l’inspection, il a toutefois été constaté que des pièces sont maintenant aménagées au sous-sol : buanderie/rangement, bureau, salle de séjour. Une vérification effectuée à nos dossiers nous confirme qu’aucune demande de permis n’a été formulée pour les travaux d’aménagement du sous-sol effectués à votre résidence ce qui contrevient à l’article 3.6.1 du Règlement d’urbanisme no 1200. L’exigence de l’obtention d’un permis de construction pour ces travaux a d’ailleurs été indiquée au permis […]

Conséquemment, nous vous prions donc d’entrer en contact avec la division Permis et inspection du service de l’Urbanisme avant le 11 mai 2007 pour présenter une demande de permis autorisant les travaux. Notez que lors de votre visite, vous devrez être en mesure de documenter les aspects suivants :

1) Valeur des travaux effectués;

2) Positionnement des cloisons érigées au sous-sol au moyen d’une esquisse en plan à l’échelle consignant l’emplacement des ouvertures, incluant les portes des cloisons et les fenêtres des murs extérieurs;

3) La dimension des pièces, les appareils de plomberie installés;

4) Les matériaux utilisés.

[108]            Madame Campeau dénonce donc la situation à l’administrateur en avril 2007 qui rejette sa demande.

[109]            Pour sa part, monsieur reprend ce qu’il écrit dans son rapport.

 

 

III

PLAIDOIRIES

[110]          Vu la complexité et la nature du dossier, j’avais demandé aux parties de présenter un plan écrit des plaidoiries qu’elles entendaient présenter.

[111]          Le document de 32 pages qu’a produit madame Campeau commente plusieurs éléments ou sujets qui  n’ont pas été présentés en preuve ou qui ne sont pas relatifs aux questions dont je suis saisie. Cela dit, je me suis appliquée dans le résumé que j’en donne à me limiter à l’essentiel des propos des parties pertinents à nos fins.

BENEFICIAIRE

[112]          Avant d’aborder chacun des points en litige, madame Campeau écrit :

Le Plan de Garantie Qualité Habitation est régi par un Règlement établi par décret gouvernemental, qui, tous deux dans leur application respective, ne peuvent restreindre la portée des dispositions du Code Civil du Québec pertinentes en ces matières, lesquelles sont bien expliquées dans le document de recherche ci-joint.

[…]    

Le plan de garantie obligatoire et les procédures et mécanismes en place entourant son application ont été créés pour faciliter la résolution de conflits et ultimement donner un accès plus facile à la justice, et visent d'abord et avant tout à protéger le consommateur et en ce sens, ce dossier doit être considéré dans cette optique et dans le même esprit que celui entourant la Loi sur la protection du consommateur. Puisqu'il s'agit d'un produit neuf, et que le consommateur paie un certain prix pour obtenir ce à quoi il est en droit de s'attendre d'un tel produit, c'est-à-dire qu'il respecte les lois, normes, règlements et règles de l'art, de façon à en assurer sa qualité, sa sécurité et sa jouissance paisible pour la durée de vie utile normale d'une maison. Cela représente bien des décennies...

Avant d'imposer tous les fardeaux à la bénéficiaire, il importait pour Qualité Habitation de déterminer si le travail de l'entrepreneur satisfaisait aux exigences de l'industrie. […]

L'arbitre Morissette, dans une décision arbitrale, indique clairement d'ailleurs les balises que l'inspecteur d'une compagnie accréditée telle que Qualité Habitation devrait suivre pour assurer un travail d'inspection satisfaisant.

[…]

Le Règlement prévoit que les obligations légales et contractuelles sont couvertes par le plan de garantie.

[…]

Dans ce cas-ci, le contrat est soumis aux règles du Plan de garantie, qui lui est soumis aux règles du Règlement, qui lui est ultimement soumis aux dispositions du Code Civil du Québec.

1434. Le contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi.

De plus, le Plan de garantie est un contrat d'adhésion et en ce sens, il doit être interprété en faveur du bénéficiaire. De plus, les contrats ont pour mission de produire des effets :

1428. Une clause s'entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n'en produit aucun.

[113]La bénéficiaire poursuit :

De façon plus générale, les cadres imposés par le plan de garantie, nommément en matière de délais pour donner des avis, sont plus de nature administrative qu'autrement, et ne peuvent être ultimement légalement opposables aux bénéficiaires puisqu'ils restreignent la portée de certaines dispositions du Code Civil du Québec en ce sens. Ces délais imposés visent à faire en sorte que le processus des réclamations soit accéléré, ce qui a des avantages et des désavantages pour toutes les parties : […].

[114]          La bénéficiaire écrit avoir réalisé l'ampleur et la gravité de tous les problèmes affectant sa résidence en mars 2007 lorsque certains dommages aux planchers, aux portes et au parement extérieur sont apparus.

[115]          La bénéficiaire reprend chacun des points en litige.

Décision no 1

Point 2. Parement de brique - joint de mitoyenneté

[116]          La bénéficiaire écrit :

Dès la première année, la bénéficiaire remarque que le joint de mitoyenneté à l'avant et à l'arrière de la propriété est mal fait et qu'une fissure est visible d'en haut jusqu'au sol, et elle y fait allusion dans un paragraphe de sa mise en demeure du 5 décembre 2005 pour en informer l'entrepreneur.

[117]          La bénéficiaire rappelle que l’administrateur a reconnu dans son rapport qu'il s'agit d'une malfaçon et qu'un composé à joints compressible aurait dû être utilisé.

[118]          La bénéficiaire poursuit :

La bénéficiaire n'a pas fait sa réclamation à Qualité Habitation dans le délai d'un an, mais elle l'a fait à l'entrepreneur et de ce fait, son droit à une malfaçon corrigée est toujours valable car elle a été dénoncée à l'entrepreneur dans la première année.

L'arbitre pourra décider si l'esprit de la garantie est de multiplier les procédures en forçant un bénéficiaire à recommencer un procès en d'autres instances, quand c'est l'entrepreneur lui-même qui, par ses agissements, a empêché la bénéficiaire d'ouvrir sa réclamation dans les délais.

Quant à la suggestion de Me De Andrade à l'effet qu'aucune arme à feu ou couteau n'ont été utilisés pour menacer la bénéficiaire pour l'empêcher de faire sa réclamation, il appert que l'entrepreneur a éventuellement mis les menaces qu'elle avait perçues à exécution en la poursuivant en diffamation entre autre pour avoir incité sa voisine mitoyenne, […], à réclamer sa garantie.

[119]          Ainsi, madame Campeau demande de procéder au remplacement du joint avec un matériau flexible approprié.

Point 3. Trois allèges - jointement

[120]          La bénéficiaire écrit :

Il a semblé à la bénéficiaire que les joints des allèges allaient se défaire avec le temps, étant donné qu'il semblait qu'un rétrécissement avait eu lieu, probablement lors du séchage du mortier.

-  Les allèges inspectées ne se sont pas détériorées depuis leur inspection en 2006

- Par contre, les joints des allèges de deux autres fenêtres se sont complètement défaits, soit la fenêtre du salon et celle de la salle à manger, et des signes de mouvement de la fenêtre sont également présents dans les cadrages intérieurs.

[…]

La réparation des joints de mortier suite aux mouvements du bâtiment à cause des problèmes identifiés par les experts est couverte par la garantie et doit être faite après les travaux de stabilisation.

[121]          La bénéficiaire demande de procéder au remplacement des jointements avec un matériau flexible approprié.

Point 5. Crépi                    

[122]          Après avoir passé en revue la preuve, la bénéficiaire écrit :

Le crépi a été parachevé en mai 2005 et les premiers dommages ont été rapportés par écrit à l'entrepreneur en janvier 2006; il s'agissait alors de fissures capillaires et de la finition faite par-dessus les cadrages de fenêtres. De plus, à la jonction du parement de brique aux trois murs il y avait une membrane noire qui dépassait et que quelqu'un est venu couper suite à l'ouverture du dossier, et cela explique pourquoi le crépi est mal fait au jointement, on voit bien la membrane noire encore. De plus, en maints endroits, cela sonne creux, ce qui indique un décollement de la paroi du mur de fondation.

La simple malfaçon n'emporte pas la perte graduelle ou partielle de l'ouvrage, ne diminue ni sa durée de vie, ni son utilité. Or, le crépi se détache du mur en plusieurs endroits et tombe, ce qui en diminue considérablement la qualité et sa destination principale : un crépi est un élément décoratif, qui sert à cacher le ciment un peu moins esthétique des fondations. Ainsi, avec respect pour l'opinion contraire, la perte du crépi constitue une perte de l'ouvrage au sens large de l'article 2118 du Code Civil du Québec.

Le témoignage de la bénéficiaire sur ce point n'a pas été nié ou contredit.

[123]          La bénéficiaire réclame ainsi la réfection complète du crépi.

Point 7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut

[124]          La bénéficiaire rappelle son témoignage selon lequel le terrain n'était pas nivelé lors à la prise de possession et que ce n’est qu’une fois terminée la maison voisine au printemps 2005, que l'entrepreneur a parachevé les travaux de nivellement, mais sans l’en avertir.

[125]          La bénéficiaire réitère l’essentiel de son témoignage à ce sujet, rappelant avoir mis en demeure l’entrepreneur à ce sujet en décembre 2005.

[126]          La bénéficiaire réitère ensuite que le nivellement brut est inclus dans la garantie. Elle écrit :

Lors de la signature du contrat, et lors de la prise de possession, il n'a jamais été question que le terrassement et un système de drainage des eaux de surface du terrain nécessitent des corrections aux frais de la bénéficiaire, le nivelage brut étant inclus dans le prix de vente, il y avait une obligation de résultat pour l'entrepreneur, d'autant plus qu'il était impossible pour la bénéficiaire de savoir à l'avance dans quel état de non-conformité le terrain allait lui être livré.

Suite aux déclarations de l'inspecteur Labelle durant son témoignage, la bénéficiaire a mandaté un arpenteur pour faire la contre-preuve que le terrain présentait effectivement une pente négative qui pouvait difficilement être corrigée pour s'apparenter à ce que Qualité Habitation recommande dans son guide d'entretien, parce qu'il y a trop de terre sur le terrain.

L'arbitre a accepté l'objection de Me De Andrade et refusé d'entendre le témoin expert présenter son rapport en contre-preuve pour la bénéficiaire, au motif qu'il était pris par surprise.

Qualité Habitation ne s'est jamais prononcée sur le fond de cette réclamation, sauf lors de l'audience, et elle a elle-même pris la bénéficiaire par surprise par le témoignage de l'inspecteur Labelle, qui de surcroit a déclaré avoir une formation particulière en arpentage et qui, dans les faits, n'a pris aucune mesure d'arpentage avant de conclure que le terrain ne présentait pas de pente négative vers le bâtiment.

[127]          Dans les conclusions recherchées la plaignante écrit :

Procéder aux mesures d'arpentage ou utiliser celles que la bénéficiaire a fait préparer afin de refaire le nivelage brut pour permettre la finition adéquate du terrain : pentes à inverser, si impossible installation de margelles, terre excédentaire à enlever etc.

Décision no 2

Point 1. Ventilateur de salle de bains

[128]          Elle écrit :

Tout bénéficiaire, lors de l'inspection pré-réception, ne peut être présumé connaître toutes les normes en vigueur.

La bénéficiaire a posé des questions, mais on l'a par déclaration dolosive rassurée que tout était installé comme il fallait.  Elle ne pouvait se rendre compte des inconvénients à long terme qu'en vivant les problèmes causés au quotidien.

[129]          Selon la plaignante, la preuve a largement démontré les problèmes affectant la ventilation, l’entrepreneur les connaissait et il doit donc les réparer. La bénéficiaire invoque ici l’article 1733 du Code civil du Québec.

[130]          La plaignante demande donc le remplacement du ventilateur actuel par un ventilateur de puissance appropriée et l’installation de tuyauterie adéquate, selon les normes du fabricant et les règles de l'art et du CNB 1995.

Décision no 3

Point 1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol

[131]          Selon la bénéficiaire, la preuve démontre que la fissuration du crépi observée à cet endroit est due à la fissuration dans le béton. Elle ajoute :

La fissuration du crépi est due à la fissuration dans le béton.

La bénéficiaire a dénoncé toutes les manifestations dans les six mois de leur apparition, tant dans le cas du crépi que du mur de béton, et en conséquence, les réparations sont couvertes par le plan de garantie.

[132]          Ainsi, la plaignante réclame :

Réparer la fissure tel que recommandé dans le rapport de Qualité Habitation et procéder aux travaux de stabilisation de la maison, sous la supervision de l'ingénieur Hosseini.

La reprise en sous-œuvre doit aussi comprendre soit la réfection complète de la dalle pour un cuvelage, ou un pieutage avec des étriers pour supporter les semelles et une réparation de surface de la dalle pour permettre un plancher droit.

Il faudrait aussi voir à réparer tous les désordres structuraux engendrés tels que ajustement de portes, réfection de joints de céramique, de brique, de gypse, planchers, de fenêtres etc.

Point 2. Faits nouveaux et drain français

[133]          La bénéficiaire signale que les faits nouveaux sont ceux dénoncés dans sa lettre du
25 avril 2007 à toutes les parties. Elle écrit :

Qualité Habitation dans son rapport de juin 2010, estime qu'elle n'a pas à statuer sur ces questions depuis le dernier rapport d'inspection qui lui, portait sur la ventilation de la salle de bains.

Qualité n'a pas à décider si elle statue ou non sur une question : la procédure veut que les bénéficiaires dénoncent des manifestations de problèmes, et que Qualité Habitation les évalue et statue ensuite.

Je vous réfère encore une fois à la décision de l’arbitre Morissette pour savoir ce qu’est une procédure d’inspection sérieuse.

Le Dr. Hosseini a témoigné que tous les symptômes observés correspondaient aux symptômes habituels de sols problématiques qui ont une faible capacité portante par rapport aux ouvrages qu’ils doivent supporter.

[…]

Dans le cas présent, réparer isolément une fissure, redresser un plancher et refaire le crépi sera une solution à court terme pour chacun des problèmes, mais ne règle pas le problème principal. Il importait de trouver la causa causans pour ensuite y remédier de façon définitive. C’est ce que la bénéficiaire a fait en mandatant un expert chevronné en la personne du Dr. Hosseini.

[134]          La bénéficiaire poursuit :

La jurisprudence est abondante en matière de vices de sol : un sol n'est vicié que si on y apporte un élément étranger qui le dénature. Donc, dans cette optique, le sol naturel de Saint-Hyacinthe est ce qu'il est, et il incombait au constructeur de voir à ce que les fondations qu'il y implantait soient adéquates et assurent la solidité, la qualité et la sécurité du bâtiment pour la durée de vie utile de celui-ci.

Or, dans ce cas-ci, l'entrepreneur n'a pas fait de tests de sol pour mesurer la capacité portante, ni fait évaluer son concept de remblai massif pour pallier à une nappe phréatique élevée par rapport à la surface du sol naturel. Il a mis en branle un projet de plusieurs centaines d'unités de résidence sans consulter des experts pour s'assurer que son concept était bon. Et s'il l'a fait, il ne les a pas encore appelés en garantie dans cette affaire.

De plus, ainsi qu'il ressortait du témoignage de la bénéficiaire, qui les avait contactés, les personnes que l'entrepreneur emploie pour dessiner les plans-types ont bien une certaine formation en dessin architectural par ordinateur, mais ne font partie d'aucun ordre professionnel, que ce soit technologue professionnel ou architecte. La loi ne prévoit pas une obligation pour les entrepreneurs, pour les constructions de moins de 300m carrés de plancher, de recourir à des technologues, architectes ou ingénieurs pour préparer les plans, il n'y a aucune exigence légale qui soit applicable à ce chapitre.

[…]

Il faut toujours prendre le temps d'évaluer les conditions les unes par rapport aux autres pour avoir la meilleure vue d'ensemble.

En construction, il existe donc des lois écrites pour encadrer l'industrie de façon juridique, mais il existe aussi des règles et des lois scientifiques qui ne doivent pas non plus être dérogées, sinon l'ouvrage sera affecté de vices compromettant sa solidité. C'est pourquoi dans cette cause, il y a des avocats, et des experts en géotechnique et en construction. Les uns identifient les obligations légales, les autres les exigences scientifiques.

[…]

Il faut regarder la situation dans son ensemble pour bien comprendre les tenants et aboutissants d'étirer un peu trop chaque règle : dans le cas présent, les murs sont excentriques sur les semelles, les semelles ne sont pas conformes en épaisseur, les murs ne supportent pas des charges similaires d'un à l'autre. Tous ces déséquilibres, couplés avec un sol problématique, viennent conjurer un sort scientifiquement prévisible qui sera pitoyable à long terme pour cette maison.

Le Dr. Hosseini a dit dans son témoignage qu'il estimait que de fortes probabilités existent que la sécurité de la maison sera sérieusement mise en péril au fil du temps, que les dommages peuvent prendre plusieurs décennies avant de se réaliser et que l'évaluation à ce stade-ci peut s'étaler sur une période de 50 ans, selon les règles de calculs scientifiques qui existent présentement.

[…]

Pour en revenir au cas de la bénéficiaire, sa maison neuve après seulement deux ans, comportait des dommages que la plupart des maisons de 50 ans ne présentent pas encore : des planchers soulevés, des portes qui ne ferment pas, des fissurations un peu partout, que le Dr. Hosseini a qualifiées de symptômes habituels d'une telle problématique.

Et le Dr. Hosseini, dans son rapport de 2010 indique que les semelles de fondation au fil du temps vont se fissurer et ainsi, il est facile de comprendre de cela que la solidité de l'immeuble sera de plus en plus en péril.

[…]

Il ressort également des différentes expertises présentées par les parties que la maison bouge. Et que sa flexibilité est sollicitée constamment. Car même si cela remonte de 7mm d'un côté, l'autre côté ne démontre pas le mouvement adverse. De surcroit, les points de repères sont, eux aussi, soumis aux mouvements du sol puisqu'ils sont des repères arbitraires, alors les mesures que nous pouvons prendre des mouvements différentiels sont les différences observées entre des objets qui sont tous plus ou moins en mouvement.

On a beau dire que les tassements se mesurent ainsi aux fins de rétablissement de la norme acceptable de tassement, la sollicitation constante ne fera qu'affaiblir la structure, jusqu'à ce qu'un mouvement se produise et que d'autres fissurations et désordres structuraux apparaissent.

Avec un tassement mesuré en 2007 de seulement 15 mm, des désordres structuraux sont déjà observables, ce qui, comme en témoignait M. Latulippe, démontre que les matériaux n'ont pas la flexibilité voulue, puisque les désordres structuraux apparaissent généralement avec des tassements différentiels plus importants. Mais encore là, plusieurs facteurs scientifiques entrent en ligne de compte et ils ont été évalués par le Dr. Hosseini avant qu'il en vienne à la conclusion que la solution est de stabiliser le bâtiment.

Quant au témoignage de l'ingénieur Bergeron concernant ses propres calculs de tassements, il faut en retenir qu'il a refusé de nous fournir ses bases de calculs pour les tassements maximum de 15mm pour toute la vie utile de la maison, qu'il a calculés dans son premier rapport, alors que ces tassements étaient déjà réalisés et mesurés par le Dr. Hosseini après seulement deux ans que la maison a été livrée.

L'ingénieur Bergeron ne nous a pas donné ses bases de calcul, mais il nous a indiqué savoir calculer des charges, savoir que le poids de la terre excavée est souvent remplacé par le poids des fondations et qu'il n'avait pas pris connaissance des travaux du Dr. Hosseini avant de préparer le programme de son expertise. Cela pourrait être une indication de ses bases de calcul.

[…].

Il ne suffit pas de critiquer une preuve scientifique, il faut scientifiquement la contrecarrer. La preuve présentée par M. Hosseini est bien fondée scientifiquement et son opinion repose sur son expertise probante dans le domaine de la stabilisation des bâtiments résidentiels, et la preuve n'a pas été contrecarrée.

[135]          La bénéficiaire poursuit :

Plus des deux tiers des trois jours d'audience ont été consacrés aux experts. Nous ne pouvons donc pas reprendre ici tout ce qui a été dit, mais ce qui s'est dégagé du débat entre l'ingénieur Bergeron et le
Dr Hosseini est que le scissomètre d'inspection est utilisé couramment dans les endroits plus exigus, par opposition au scissomètre que M. Bergeron a utilisé, et qu'on n'utilise pas de calculs de coefficient pour pallier à une éventuelle marge d'erreur, puisqu'il semble que les équipements plus lourds utilisés par M. Bergeron, en remaniant le sol pour faire le travail, se trouvent à compromettre les données et rendent les résultats des calculs encore plus conservateurs, puisque les données recueillies sont faussées a cause du remaniement du sol.

Ainsi donc, les données obtenues avec le scissomètre d'inspection que M. Hosseini a utilisé seraient plus exactes, si tant est que scientifiquement on peut être exactement exact.

Et comme le disait le Dr. Hosseini, si ce n'est pas le cas et que ce sont les mesures de l'ingénieur Bergeron qui sont les plus exactes, en ce qui concerne les mesures de résistance au cisaillement, la maison de la bénéficiaire est encore plus en péril que selon ce que ses propres travaux indiquent, puisque c'est sur la base de la résistance au cisaillement que la capacité portante est établie.

[…]

Le Dr. Hosseini a aussi ajouté qu'on doit toujours prendre la valeur la plus faible et l'extrapoler à l'ensemble pour assurer la sécurité.

[…]

Pour revenir à la propriété de la bénéficiaire, concernant le drain français, il a été décidé de l'expertiser puisque madame Plante avait de graves problèmes d'humidité au sous-sol et que les bénéficiaires voulaient avoir un portrait exact de la situation et qu'il fallait vérifier la dimension des semelles également de toute manière.

[…]

Le rapport d'expertise effectuée chez madame Plante par le Dr. Hosseini a été déposé en preuve par la bénéficiaire.

On y traite des problèmes de drainage et le Dr. Hosseini durant son témoignage a expliqué en quoi le matériel granulaire autour du drain est important pour les fonctions de drainage, surtout dans un sol dense et imperméable comme l'argile.

Les plans annexés au rapport du Dr. Hosseini, en 2007, sont des copies conformes des plans déposés à la Ville par l'entrepreneur et portent l'estampe de la Ville. Ces plans font partie implicite du contrat, et on y voit que le drain français devait comporter une couche de 12 pouces de pierre nette 0-3/4, ce qui est loin d'être le cas selon les trois puits creusés lors de l'expertise de M. Latulippe.

[136]          La bénéficiaire affirme que l'entrepreneur et l’administrateur ont été avisés dans les délais de tous les problèmes signalés par elle-même et ses experts. Le Règlement, dit-elle, couvre les vices de sol, les vices de construction, de conception et de réalisation pour une période de 5 ans. Puis elle ajoute :

Toutes les garanties prévues au Code Civil du Québec obligent l'entrepreneur de réparer la maison pour lui redonner la qualité, la solidité et la jouissance paisible des lieux qu'elle aurait dû procurer à la bénéficiaire.

D'ailleurs, la bénéficiaire, en plus de tous les autres troubles et inconvénients, a perdu un emploi à cause de l'impossibilité pour elle de se relocaliser à la demande de l'employeur. Cet employeur l'avait relocalisée à ses frais à Saint-Hyacinthe en 2004, comme son fils n'avait pas l'âge de conduire en 2004, il leur fallait habiter un endroit avec des transports en commun. En 2007, alors que son fils avait obtenu son permis de conduire l'employeur était disposé à la relocaliser une seconde fois, mais le litige s'éternisant, il y a eu cette fâcheuse conséquence pour elle.

[137]          Madame Campeau résume ainsi les conclusions recherchées à l’égard de ce point :

Qualité Habitation ayant refusé de statuer sur les points soulevés par la bénéficiaire dans sa lettre d'avril 2007, il simplifiera le dossier de déterminer que la toute première manifestation du problème de sol est la première fissure dans le crépi, mais que pour les fins des avis pour le problème de capacité portante, ainsi qu'il est reconnu dans les tribunaux de droit commun, les délais courrent à compter du moment ou la bénéficiaire a soupçonné la gravité du vice31.

Quant au drain français, il a été découvert avant toute manifestation tangible chez madame Campeau. Madame Plante avait des problèmes qui sont expliqués dans l'expertise que le Dr. Hosseini a produite. Ainsi, le vice de construction32 découvert a été divulgué dans les délais.

Il faut donc procéder à la réfection complète du système de drain français puisque les pentes inversées empêchent son plein fonctionnement et le manque de matériel granulaire est un vice qui réduira la durée de vie du drain en plus de n'être pas adéquat pour les besoins actuels, puisque des nappes perchées se forment sous la maison de temps à autre et causent de l'humidité au sous-sol par condensation.

Point 3. Fenêtres

[138]          Contrairement à ce qu’écrirait monsieur Labelle dans sa décision, affirme la bénéficiaire, sa demande n'est pas qu’un nouveau permis soit demandé par l’administrateur mais plutôt que des plans soient faits. La bénéficiaire écrit :

[…], dans les jours qui ont suivi (la signature du contrat), (elle) a indiqué qu'il lui semblait qu'il manquait des fenêtres, et on l'a encore une fois dolosivement rassurée que c'était comme un salon double, de ne pas s'inquiéter, que la lumière allait passer par les carreaux des portes françaises.

Lors de l'inspection pré-réception, n'ayant pas plus d'arguments qu'avant, elle n'a pas soulevé la question.

Lorsque l'inspecteur de la Ville s'est déplacé pour la ventilation mécanique, elle lui a demandé d'inspecter les fenêtres et c'est alors qu'il lui a appris que le sous-sol nécessitait un permis avant que les travaux d'aménagement soient faits, ce qui aurait réglé la question des fenêtres avant la prise de possession.

[139]          Ainsi la plaignante demande que l’entrepreneur procède au calcul de superficie et à la planification des fenêtres et prépare un plan pour soumettre à la Ville et ce afin de rendre le sous-sol conforme aux normes du code national du bâtiment.

[140]          En outre des conclusions recherchées pour chacun des points en litige, la plaignante écrit

DE PLUS, vu les circonstances exceptionnelles de ce dossier, la valeur probante du témoignage de M. Hosseini, l'absence totale de soutien de Qualité Habitation, le bien-fondé des revendications de la défenderesse, plaise au tribunal :

ACCORDER à la bénéficiaire le remboursement de la totalité des frais d'expertise qu'elle a dû encourir dans ce dossier, qui totalisent plus de $15,000 et qui sont soumis sous pli séparé;

ACCORDER $25,000 en compensation des troubles et inconvénients causés à la bénéficiaire ou toute autre compensation que le tribunal jugera opportun d'ordonner; dans l'esprit de la Loi sur la protection du consommateur, ce tribunal a déjà notamment accordé 75% des honoraires de l'avocat et le présent dossier a nécessité des interventions innombrables de la part du procureur de la bénéficiaire au fil des 5 dernières années et elle y a elle-même consacré beaucoup de temps.

 

 

ADMINISTRATEUR

[141]          En réponse aux énoncés de la plaidoirie de la plaignante, le procureur fait valoir que plusieurs affirmations qu’on y trouve ne sont nullement supportées par la preuve.

[142]          Commentant l’étendue de l’obligation de la caution, le procureur affirme que celle-ci a des limites et qu’elle ne s’étend pas sur des décennies. Contrairement à ce que madame Campeau affirme, le procureur nie que quelque déclaration dolosive ait été faite, ajoutant que la bénéficiaire n’en avait fait la preuve d’aucune.

[143]          Selon Me de Andrade, le Règlement, d’ordre public, doit recevoir une interprétation restrictive. Le procureur ajoute que ce règlement est le seul lien juridique entre un bénéficiaire et l’administrateur.

[144]          Le procureur passe ensuite en revue la preuve présentée à l’égard de chacun des points en litige. Il rappelle que celui-ci porte sur trois demandes d’arbitrage qui contestent autant de décisions rendues par l’inspecteur Labelle.

[145]          Pour le procureur, la bénéficiaire, agissant en demande, avait le fardeau de prouver que les décisions attaquées ne sont pas conformes au Règlement. Or, soutient-il, elle ne s’en est pas déchargée.

[146]          Invoquant l’article 10 du Règlement, le procureur rappelle que celui-ci accorde à tout bénéficiaire un délai de six mois de sa découverte pour dénoncer un problème et que ce délai est de rigueur.

[147]          Le procureur a d’abord traité sous l’angle des délais les points suivants :

            Décision no 1 :

Ø  2. Parement de brique : joint de mitoyenneté,

Ø  3. Trois allèges : jointoiement, 

Ø  5. Crépi 

Ø  7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut de la décision no 1

            Décision no 2 :

Ø  1. Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation

            Décision no 3 :

Ø  3. Fenêtres au sous-sol

[148]          Pour le procureur, tous ces points ont été dénoncés à l’extérieur du délai impératif de 6 mois prévu à l’article 10 et que cette raison à elle seule justifie le rejet de son recours à leur égard.

[149]          Le procureur se tourne ensuite vers les deux autres points, soit le point 1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol et 2. Faits nouveaux  de la décision no 3.

[150]          Or, le procureur signale que le point 1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol a déjà été reconnu et que le tribunal n’a pas compétence pour s’en saisir.

[151]          Quant au point 2. Faits nouveaux, Me de Andrade soutient que la bénéficiaire n’a pas démontré la présence de quelque vice caché ni encore moins de quelque vice de construction.

[152]          Se tournant vers les expertises, pour le procureur, les commentaires de monsieur Hosseini à eux seuls, justifient de mettre de côté le témoignage de monsieur Latulippe, celui-ci s’étant immiscé dans un champ de compétence réservé aux ingénieurs.

[153]          Le procureur nous demande ensuite de repousser le témoignage de monsieur Hosseini, parce que sans valeur probante. En effet, poursuit le procureur, le premier rapport de cet expert s’appuie sciemment sur un élément non fondé et son second rapport ne fait montre d’aucune aptitude critique à l’égard des autres rapports en outre de n’apporter aucun élément nouveau autre que de défendre sa position, en disant qu’il faut évaluer la situation sur une période de 50 à 75 ans.

[154]          Le procureur signale que cet expert se serait appuyé sur une situation observée à
St-Amable plutôt qu’à St-Hyacinthe. Certes, reconnait le procureur, son expertise permet de comprendre la composition des sols argileux et leur capacité portante mais, dit le procureur, l’expert est arrivé avec des théories sur une autre région pour justifier sa thèse pour la résidence de la bénéficiaire.

[155]          En substance, selon le procureur, monsieur Hosseini n’a pas fait montre de distance critique, ayant épousé la cause de sa cliente alors que son opinion est contredite par des constatations portant directement sur la propriété, notamment de l’arpenteur-géomètre, selon lesquelles encore en juillet 2010 cet immeuble n’avait pas bougé.

[156]          S’agissant de la dénonciation présentée en 2008 concernant le drain français, elle, dit le procureur, a été faite plus de trois ans après la réception et la bénéficiaire n’a pas démontré qu’il y avait là vice de construction.

[157]          Pour toutes ces raisons, le procureur conclut au rejet des demandes de la plaignante.

 

ENTREPRENEUR

[158]          L’entrepreneur s’en remet pour l’essentiel aux arguments avancés par l’administrateur.

[159]          Ce dernier ajoute toutefois qu’en 2004 au moment de la livraison de cette résidence, les relations avec la bénéficiaire étaient très bonnes jusqu’au moment où cette dernière a demandé que le nivellement de son terrain soit corrigé. Pour monsieur Robin, la plaignante exigeait alors des éléments non compris dans le contrat d’achat.

[160]          Monsieur Robin insiste avoir pris au sérieux toutes les dénonciations de la plaignante et ne pas avoir lésiné en procédant à toutes les expertises requises afin de vérifier ce qu’il en était de chacune des réclamations.

[161]          Monsieur Robin affirme que les frais d’expertises encourus par l’entrepreneur sont certes considérables mais que ces dernières démontrent que la résidence de la plaignante est en bonne santé.

[162]          Il ajoute que lui-même réside à moins de 500 mètres de chez madame Campeau et que sa résidence non plus n’a pas de problèmes.


 

IV

ANALYSE ET DÉCISION

[163]          Le litige porte le bien fondé de trois décisions de l’administrateur dont les points suivants sont contestés :

            Décision no 1 :

Ø  Point 2. Parement de brique : joint de mitoyenneté,

Ø   Point 3. Trois allèges : jointoiement, 

Ø   Point 5. Crépi 

Ø   Point 7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut

            Décision no 2

Ø   Point 1. Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation

            Décision no 3 :

Ø  Point 1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol

Ø  Point 2. Faits nouveaux et drain français

Ø   Point 3. Fenêtres au sous-sol

[164]          Le Règlement énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers un bénéficiaire. C’est donc en vertu de celui-ci que je dois déterminer les droits et obligations de chacun. Cela n’écarte pas que d’autres recours puissent être institués pour les réclamations qui ne seraient pas couvertes par le Règlement mais ma compétence en l’espèce se limite à vérifier si la garantie offerte par ce dernier est respectée.

[165]          Selon le Règlement, l’administrateur se doit d’exécuter certaines obligations de l'entrepreneur si celui-ci n'y satisfait pas et ce, toutefois à l’intérieur des limites qui y sont définies. L’article 10 du Règlement se lit ainsi :

La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

1- le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

2- la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

3- la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

4- la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil. 

5- La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

[166]          Il importe de rappeler que juridiquement toute partie demanderesse a le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au moyen d’une preuve prépondérante. L’article 2804 du Code civil du Québec nous dit en quoi consiste une preuve prépondérante :

 La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. 

[167]          Je dois donc décider du bien-fondé du présent recours suivant les obligations juridiques des parties et à la lumière de la preuve présentée.

[168]          La présente décision comporte deux volets, l’un juridique et l’autre, factuel.

[169]          Je traiterai d’abord des questions juridiques puisqu’elles visent la recevabilité même du recours entrepris à l’égard de 6 des 8 points en litige. Il s’agit des points suivants :

            Décision no 1 :

Ø  2. Parement de brique : joint de mitoyenneté,

Ø  3. Trois allèges : jointoiement, 

Ø  5. Crépi 

Ø  7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut

            Décision no 2 :

Ø  1. Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation

            Décision no 3 :

Ø  3. Fenêtres au sous-sol

[170]          De manière générale, l’administrateur soutient que ces réclamations doivent être rejetées au motif de ne pas juridiquement être couvertes par le Règlement faute d’avoir été entreprises en conformité des exigences de ce dernier. Qu’en est-il?

[171]          Outre de la garantie applicable au moment de la réception, le Règlement comporte trois garanties dont la durée respective est d’un an pour les malfaçons non apparentes; de trois ans pour les vices cachés; et de cinq ans pour les vices de construction. Il ressort de son article 10 que la seule présence d’une malfaçon, d’un vice caché et même d’un vice de construction n’est pas suffisante à elle seule pour ouvrir droit à un recours en faveur d’un bénéficiaire. Il faut aussi que le problème soit découvert puis dénoncé à l’entrepreneur, et à l’administrateur, dans les délais prescrits.

[172]          Plus précisément les malfaçons non apparentes sont couvertes en autant d’avoir été découvertes dans l’année suivant la réception et aussi d’avoir été dénoncées à l’entrepreneur, et à l’administrateur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois de leur découverte.

[173]          Les vices cachés sont également couverts par la garantie en autant d’avoir été découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés à l’entrepreneur, et à l’administrateur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois de leur découverte.

[174]          Finalement les vices de construction sont aussi couverts, là aussi en autant d’avoir été découverts dans les cinq ans suivant la réception et dénoncés à l’entrepreneur, et à l’administrateur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois de leur découverte.

[175]          Selon la jurisprudence constante, ce délai de six mois est de rigueur et il ne peut être prorogé.  Il en résulte que même lorsqu’un problème est qualifié de vice ou de malfaçon au sens du Règlement, un bénéficiaire doit quand même le dénoncer de la façon prévue notamment dans un délai n’excédant pas six mois de sa découverte.

[176]          Le Règlement est explicite : un avis, écrit, doit être donné à l’entrepreneur, et également, par écrit, à l’administrateur dans le délai prévu. La raison de pareilles dispositions est d’assurer que notamment l’administrateur qui s’est engagé à cautionner certaines obligations de l’entrepreneur agisse avec diligence et également de prévenir une dégradation plus grande de l’ouvrage

[177]          Qu’en est-il en l’espèce?

Décision no 1

Point 2. Parement de brique : joint de mitoyenneté

[178]          Madame Campeau raconte avoir constaté la situation à l’automne 2005. Sa mise en demeure à l’entrepreneur de décembre 2005 en fait état ainsi :

Par ailleurs, une inspection extérieure sommaire cet automne nous a démontré que notre bâtiment a travaillé car le joint de brique entre nos deux maisons vis-à-vis le mur mitoyen est craqué de la toiture jusqu’au sol, tant en façade qu’à l’arrière du bâtiment.

[179]          De l’aveu même de la plaignante sa dénonciation de cette question à l’administrateur n’est faite qu’en octobre 2006, soit 10 mois plus tard. Cette dénonciation est donc tardive.

Point 3. Trois (3) allèges : jointoiement

[180]          Madame Campeau déclare à l’audience avoir eu des soupçons à ce sujet dès la réception  mais ce n’est que deux ans plus tard qu’elle le dénonce à l’administrateur et à l’entrepreneur. 

[181]          Ainsi la preuve révèle donc que ce problème allégué était visible à la réception. Or, l’alinéa 2 du premier paragraphe de l’article 10 du Règlement exige que les malfaçons et vices apparents à la prise de possession soient dénoncés par écrit au moment même de la réception du bâtiment ou dans les trois jours qui suivent lorsque le bénéficiaire n’y a pas encore emménagé. Selon la preuve, cet élément ne figure pas à l’acte de réception signé par la bénéficiaire en décembre 2004.

[182]          La jurisprudence constante reconnait une obligation de prudence et de diligence chez tout acheteur d’un immeuble. Cela signifie entre autre que celui-ci doit inspecter le bien qu’il acquiert, comme le ferait toute personne raisonnable qui se porte acquéreur d’un bien et notamment, porter une attention particulière à tout indice laissant présager la présence de quelque vice ou malfaçon. Je rappelle à cet égard, le propos de la Cour du Québec dans l’affaire Roberge c. Roy, 2007 QCCQ 14239 (CanLII) :

[31] Il faut toujours garder à l'esprit l'enseignement de la Cour suprême du Canada selon laquelle le législateur ne vient pas au secours de l'imprudent qui achète les yeux fermés. L'acheteur doit regarder, examiner et même s'informer avant de se décider à acheter. Un vice dont il aurait pu se rendre compte s'il avait pris les précautions requises devient un vice apparent en autant qu'il est concerné [...].

[32] Un vice est aussi considéré comme apparent lorsque, échappant aux yeux d'un acheteur inexpérimenté, son existence peut être constatée de suite par quelqu'un de plus compétent. Dans cette hypothèse, l'acheteur est considéré en faute pour n'avoir pas utilisé les services d'une personne qui s'y connaît mieux que lui: toutefois un vice n'est plus apparent lorsque son existence ne peut être constatée qu'après des recherches minutieuses et d'un caractère spécial.

[183]          Selon cette jurisprudence qui reprend un enseignement de la Cour suprême, en présence de  signes précurseurs d’un possible vice ou d’une malfaçon, l’acheteur prudent et diligent procède à des vérifications. S’il ne le fait pas il pourrait être privé de pouvoir invoqué en avoir ignoré l’existence.

[184]          Cela dit, un acheteur ne peut soutenir qu’une malfaçon n’est pas apparente à la réception s’il ignorait les normes pertinentes à celui-ci dès lors qu’au moment de son examen des lieux, il y avait des signes d’une situation non conforme. Il s’agit en somme d’une question de fait et une affaire de circonstances.

[185]          En l’espèce, la bénéficiaire dit avoir eu des soupçons au moment de son inspection des lieux et avoir même trouvé que cette situation pouvait clocher. Elle reconnait n’avoir pas poussé plus loin son inspection au moment de la réception. Elle a dénoncé la chose deux ans plus tard.

[186]          J’en conclus à la lumière de la preuve et des enseignements de la jurisprudence que cette situation était apparente à la réception et qu’elle n’a pas été dénoncée à cette occasion comme l’exige le Règlement. Cette réclamation est rejetée.

Point 5. Crépi

[187]          Selon la preuve, cet élément est complété au printemps 2005 et madame Campeau dit avoir aperçu les premières fissures en janvier 2006. Celle-ci dénonce immédiatement la chose à l’entrepreneur mais le fait à l’administrateur qu’en octobre 2006, donc neuf mois plus tard. Cette dénonciation est donc non conforme parce que faite tardivement à l’administrateur.

Point 7. Terrassement de la cour arrière et latérale : nivelage brut

[188]          Selon madame Campeau, le nivellement de son terrain s’est fait au printemps 2005. En mai de la même année, elle avise l’entrepreneur qu’elle estime la situation non conforme puis elle le met éventuellement en demeure de corriger la situation en décembre 2005. Elle notifie l’administrateur du problème quelque 10 mois plus tard en octobre 2006.

[189]          Je toucherai un mot de l’allégation des menaces que la bénéficiaire aurait subies à la suite de sa mise en demeure de décembre 2005. Avec égards, cette affirmation n’est pas supportée par la preuve. D’abord, à sa lecture même, la lettre du 12 décembre 2005 transmise de l’entrepreneur à la bénéficiaire ne comporte aucune menace. Ensuite, dans sa plainte à la Régie du bâtiment, la plaignante ne mentionne nulle part aucune menace.

[190]          Ainsi rien ne permet de retenir cette allégation. Conséquemment, cette réclamation est tardive et non conforme puisque faite à l’extérieur du délai de six mois de sa découverte.

Décision no 2 

Point 1. Ventilateur de salle de bain : sortie d’évacuation

[191]          La bénéficiaire affirme ne pas avoir dénoncé cet élément au moment de sa réception de l’immeuble en décembre 2004 en raison de représentations dolosives de monsieur Beaulieu.

[192]           Ce n’est suivant la preuve qu’un an plus tard en décembre 2005 que la bénéficiaire met l’entrepreneur en demeure à ce sujet. Puis un délai de 10 mois s’écoule par la suite avant que la situation ne soit dénoncée à l’administrateur.

[193]          La bénéficiaire a soutenu avoir été trompé par l’entrepreneur au moment de la réception et plaidé que cette circonstance justifiait de la relever de son défaut eu égard aux impératifs de l’alinéa 2 du premier paragraphe de l’article 10 du Règlement.

[194]          Je n’aurai pas à décider si la preuve convaincante d’une telle manœuvre permettrait de relever un bénéficiaire de son défaut. En effet, la preuve largement prépondérante ne permet pas de retenir l’allégation de la bénéficiaire à cet égard. L’entrepreneur a nié avec force les propos qu’on lui prête.

[195]          Pour les mêmes motifs exposés au point 3. Trois (3) allèges : jointoiement, cette dénonciation est tardive puisqu’ils s’étaient écoulés plus de six mois depuis la découverte.

Décision no 3

Point 3. Fenêtres au sous-sol

[196]          Madame Campeau raconte avoir eu des doutes au sujet de la conformité de la fenestration du sous-sol et cela, dès la réception. Elle n’a pas poussé plus loin à l’époque. Ce n’est qu’en avril 2007 qu’elle présente une réclamation à l’administrateur.

[197]          Ainsi la preuve révèle donc que ce problème allégué était visible à la réception. Pour les même raisons que le point 3. Trois (3) allèges : jointoiement de la décision no 1, cette dénonciation est rejetée parce que tardive.

[198]          Cela dit, il reste que le Règlement ne contient aucune disposition qui me permettrait, même si la réclamation n’était pas tardive, de faire droit à une telle demande de la bénéficiaire.

 

[199]          Qu’en est-il des deux autres dénonciations?

Décision no 3

Point 1. Murs des fondations arrière : fissure au coin inférieur droit de la fenêtre du sous-sol

Ce point a été reconnu par l’administrateur.

Point 2. Faits nouveaux et drain français

[200]          Selon ma compréhension de cette dénonciation, la résidence serait affectée d’un vice en raison d’un déficit de capacité portante du sol. Les tassements en résultant auraient entrainé certains dommages à la résidence, dommages décrits par la plaignante sous la rubrique faits nouveaux.

[201]          Un bon segment de l’instruction a porté sur cette question et les parties ont déposés plusieurs rapports d’expertise. Madame Campeau a cité messieurs Hosseini et Latulippe comme experts et l’entrepreneur monsieur Bergeron et un arpenteur-géomètre. J’ai également entendu à ce sujet le témoignage de monsieur Labelle, inspecteur de l’administrateur.

[202]          Me de Andrade a contesté la reconnaissance comme témoin expert de monsieur Latulippe, du moins en ce qui a trait à la partie de son rapport traitant de géotechnique. Selon lui, cette matière relève du champ de pratique et d’expertise réservé aux seuls ingénieurs spécialisés dans le domaine. L’expert Hosseini, témoin cité par madame Campeau, opine dans le même sens. Monsieur Latulippe a reconnu ne pas appartenir à la profession d’ingénieur ni posséder d’expertise en la matière, ce qui ne signifie pas qu’il ne puisse pas la connaitre mais qu’il ne peut pas en témoigner comme témoin expert. Pour ces raisons, il y a lieu de ne pas tenir compte de la partie du rapport de monsieur Latulippe qui traite de ce champ.

[203]          Cela dit, la preuve présentée au sujet de cette réclamation est contradictoire. La bénéficiaire maintient sur la foi de l’expertise de l’ingénieur Hosseini, que le sol n’a pas la capacité portante nécessaire pour supporter les charges de sa résidence. De l’autre côté, l’entrepreneur et l’administrateur, expertises à l’appui, nient cette affirmation en s’appuyant à la foi sur les observations visuelles faites ainsi que sur les tests et mesures effectués par les ingénieurs Gerbeau et Bergeron.

[204]          En ces matières, on l’a vu plus haut, le fardeau de la preuve incombe à la bénéficiaire et même en présence de versions contradictoires, y compris des expertises, le tribunal doit, comme c’est la règle, appliquer la norme de la prépondérance pour décider quelle version retenir.

[205]          En l’espèce, la preuve prépondérante est à l’effet que d’entrée de jeu la prémisse factuelle sur laquelle monsieur Hosseini appuie les conclusions de son premier rapport est erronée. Tous les autres témoins entendus à ce sujet, même monsieur Latulippe bien familier avec la lecture de plans, ont affirmé que la mention d’une charge estimée à 100 kPa, apparaissant sur les plans architecturaux est d’usage mais qu’elle ne représente pas la valeur réelle des charges effectives de l’immeuble qui y figure.

[206]          Avec égards, le rôle d'un expert témoin étant ce qu’il est le fait de se fonder sur une telle fausse prémisse qu’il a du reste ultimement reconnue telle du bout des lèvres ne confère pas au témoignage rendu le degré de détachement et d’objectivité nécessaire à lui donner une valeur probante significative.

[207]          Avec égards, j’estime ne pas pouvoir retenir le point de vue suggéré par monsieur Hosseini. Celui-ci n’a pas témoigné avec le détachement propre au témoin expert dont la mission première est d’éclairer le tribunal et non de servir une partie.

[208]          En revanche, l’expert Bergeron a témoigné avec mesure et avec le détachement nécessaire. Selon ses propos largement soutenu par la preuve matérielle, la situation qu’il décrit présente un caractère de vraisemblance nettement plus élevé ; et de là convaincant.

[209]          Cet expert a utilisé des instruments plus précis et procédé à des essais oedométriques conférant à ses conclusions une valeur de conviction plus grande. 

[210]          En somme, je retiens comme prépondérante la preuve à l’effet que le sol possède une capacité portante suffisante pour supporter les charges de la résidence. Cette conclusion est d’ailleurs supportée par la preuve.

[211]          En effet, ce qui ressort de la preuve largement prépondérante permet d’écarter comme non fondée l’affirmation selon laquelle la résidence de la bénéficiaire aurait subi des dommages résultant d’une insuffisance de la capacité portante du sol. En effet, tant l’ingénieur Gerbeau, Bergeron et l’inspecteur Labelle n’ont, selon la preuve, observé, vu, mesuré aucun dommage structural à cet ouvrage.

[212]          Les éléments invoqués par la bénéficiaire pour soutenir le contraire sont au plus, selon la preuve prépondérante, des éléments mineurs, naturels et aucunement attribuables à une quelconque insuffisance de la capacité portante du sol puisqu’il n’y a pas selon la preuve, de telle insuffisance à cet endroit ni signe d’insuffisance.

[213]          A cet égard, voici ce qu’écrit l’ingénieur Gerbeau :

Suite à l'inspection de la résidence, nous n'avons relevé aucun dommage structural significatif pouvant avoir été causé par des tassements des sols. Cette constatation rejoint le rapport de « La Garantie Qualité Habitation » qui mentionne que les fissures fines dans le béton ou le mortier sont attribuables au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement. Les fissures observées aux murs de fondation sont fines et fermées et aucun dénivelé vertical n'est détectable à l'endroit de ces fissures.

Les élévations mesurées en dessous des murs de briques révèlent des dénivelés variant de plus ou moins 5 millimètres le long du mur de côté et de 10 millimètres pour le mur arrière. Ces dénivelés ne signifient pas avec certitude que les murs de fondation ont connu des tassements. Il est plutôt probable que les murs aient été construits tel quel.

Les calculs de tassement à long terme démontrent que ceux-ci seront inférieurs au maximum admissible pour une résidence, selon les règles de l'art.

En conclusion, les désordres observés à la résidence sont d'ordre esthétique et n'affectent aucunement l'intégrité structurale de la résidence. Il est normal qu'une nouvelle résidence connaisse des désajustements à différents éléments structuraux dans les premières années (portes désajustées, fissures fines dans les cloisons intérieures, colonnes ajustables au sous-sol, etc.).

[214]          D’ailleurs, l’expert Hosseini a reconnu que les dénivelés mesurés à 10 mm se situent à l’intérieur des normes acceptables qui sont de 25 mm et convenu qu’il n’était pas en mesure d’imputer les éléments présentés comme problématiques à une trop faible capacité portante du sol.

[215]          Il faut rappeler que le rapport du Dr Hosseini attribuait le fait qu’une porte ne fermait pas à un bombement du plancher localisé à cet endroit. Le bombement dont il parle n’est pas mesuré. Lorsque monsieur Labelle viendra et cherchera à le mesurer il n’en verra aucune trace et constatera que si la porte ne ferme pas, c’est en raison du crochet qu’y a mis la plaignante. Ces propos ne sont pas contredits.

[216]          Monsieur Labelle a effectué trois visites des lieux sur une longue période de temps. Il a pris le temps de faire un tour avec madame Campeau en 2010. Il affirme n’avoir à aucune occasion observé le moindre élément laissant présager la présence de problèmes structuraux à la résidence. On ne m’a pas donné aucune raison d’écarter ces propos.

[217]          Le témoignage de monsieur Labelle qui a vu et examiné cette maison impute à des causes naturelles et sans conséquence les fissures mineures repérées et confirme l'absence de mouvements différentiels importants. Ses affirmations sont corroborées par les experts Gerbeau et Bergeron ainsi que par les résultats des mesures effectuées par l’arpenteur-géomètre. La preuve a aussi révélé, de l’aveu même de madame Campeau, qu’il n’y avait aucun changement entre 2008 et 2012.

[218]          La preuve prépondérante ne permet aucunement de retenir les allégations de la bénéficiaire concernant la capacité portante du sol.

[219]          Qu’en est-il maintenant du drain français?

[220]          Au moment où madame Campeau a dénoncé la non-conformité du drain français en mars 2008, la garantie contre les vices cachés était expirée. Il reste à l’examiner sous l’angle de la garantie contre les vices de construction.

[221]          La notion de vice de construction au sens du Règlement provient de l'article 2118 du Code civil du Québec qui dispose :

À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.

[222]          Ainsi, il s’agit de voir, si en l’espèce, la preuve démontre la présence d’un vice de construction au sens du Code civil du Québec, i.e. d’un problème grave susceptible d’entrainer la perte de l’ouvrage.

[223]          Interrogé à ce sujet l’expert Hosseini qui a pris connaissance du rapport de monsieur Latulippe qui affirmait qu’il y avait problème, a affirmé n’avoir pour sa part constaté la présence d’aucun problème affectant le système de drainage de l’immeuble. Au surplus, aucune preuve n’a été présentée à l’effet que les constatations qu’a faites monsieur Latulippe attesteraient de la présence d’un vice quelconque susceptible d’entrainer la perte de cet ouvrage.

[224]          Vu la preuve, la réclamation de la bénéficiaire à ce chapitre doit également être rejetée.

 

Les frais d’expertises

[225]          La bénéficiaire demande que lui soient remboursés des frais d’expertise qui totalisent plus de 15 000 $. L’article 123 du Règlement stipule que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[226]          Avec égards, la bénéficiaire n’ayant eu gain de cause sur aucun des points en litige, le Tribunal ne peut donner suite à sa demande.

La réclamation pour troubles et inconvénients

[227]          Qu’en est-il de la réclamation de 25 000 $ de la bénéficiaire pour troubles et inconvénients?

[228]          La bénéficiaire n’a produit aucune preuve à cet égard. Le Règlement est silencieux quant à la possibilité de l’octroi de pareille réclamation Ainsi, faute de preuve et d’arguments, la réclamation de la bénéficiaire à ce sujet est rejetée.

Les frais d’arbitrage

[229]          L’article 124 du Règlement prévoit :

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

[230]          Il m’apparait justifié dans les circonstances, vu tous les frais engagés par la bénéficiaire, que les frais des présentes soient à la charge de l’administrateur.

 

V

CONCLUSIONS ET DISPOSITIF

[231]          Pour toutes les raisons qui précèdent, le tribunal :

            REJETTE                     les réclamations de la bénéficiaire concernant les points 2, 3, 5 et 7 de la décision no 1, le point 1 de la décision no 2 ainsi que les points 1, 2 et 3 de la décision no 3. 

            PREND ACTE            du désistement de la bénéficiaire à l’égard des points 4, 6 et 8 de la décision no 1.

            REJETTE                     la réclamation de la bénéficiaire à l’égard des frais d’expertise

            REJETTE                     la réclamation de la bénéficiaire à l’égard de sa réclamation pour troubles et inconvénients

            DÉCLARE                   que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.

Montréal, le 3 avril 2012

                                                                                              ________________________

                                                                                              Johanne Despatis, avocate

                                                                                              Arbitre

           

Adjudex inc.

S/A 8095

0702-8264-GAMM