ARBITRAGE

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

((Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)


Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________

 

Entre

Justyna Lizotte et Robin Mongeau

Bénéficiaires

Et

Excellence Construction Inc.

Entrepreneur

Et

La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ (« GMN »).

Administrateur

 

 

No dossier Garantie :

154733-1

No dossier GAMM :

2012-19-001

No dossier Arbitre :

13 185-87

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

_______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards, Arb. A.

 

 

Pour la Bénéficiaire :

Madame Justyna Lizotte

Monsieur Robin Mongeau

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Monsieur Sylvain Savoie

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Élie Sawaya

 

Dates d’audience :

20 juin 2012

 

 

Visite des lieux et lieu d’audience :

Au domicile des Bénéficiaires  

 

 

Date de la décision :

Le 4 juillet 2012

___________________________________________________________________

 

APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DE TOUTES LES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

 

1.      LA DEMANDE D’ARBITRAGE

 

[1]       Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage émanant des Bénéficiaires suite à une décision rendue par l’Administrateur (signée par Jocelyn Dubuc, inspecteur) le 5 décembre 2011 (ci-après la « Décision »).


2.      LES FAITS ET LES PROCÉDURES DE L’INSTANCE ARBITRALE

 

[2]       Les pièces produites dans ce dossier par l’Administrateur sont les suivantes :

   A-1 :       Contrat préliminaire et annexes en date du 6 mai 2008;

 

  A-2 :       Déclaration de réception en date du 9 février 2009;

 

  A-3 :       Demande de réclamation en date du 17 mai 2011;

 

   A-4 :       Courriel de l’Administrateur;

 

   A-5 :       Correspondance des Bénéficiaires à l’Entrepreneur en date du 5 mai 2011;

 

   A-6 :       Correspondance des Bénéficiaires à l’Entrepreneur en date du 9 mai 2011;

 

  A-7 :       Correspondance des Bénéficiaires à l’Entrepreneur en date du 10 mai 2011;

 

  A-8 :       Correspondance des Bénéficiaires;

 

  A-9 :       Correspondance des Bénéficiaires à l’Administrateur en date du 17 mai 2011;

 

  A-10 :     Document des Bénéficiaires;

 

  A-11 :     Photographies;

  A-12 :     Décision de l’Administrateur en date du 5 décembre 2011 et preuves de réception;

 

  A-13 :     Demande d’arbitrage en date du 17 janvier 2012.

 

[3]       Les pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :

E-1 :         Facture de Top Couvreurs datée du 18 décembre 2008;

 

E-2 :         Facture de Matériaux Laurentiens Inc. datée du 18 décembre 2008;

 

E-3 :         Devis d’Excellence Construction Inc. daté du 13 septembre 2008;

 

E-4 :         Demande de service après vente daté du 26 avril 2011.

 

[4]       Les pièces produites par les Bénéficiaires sont les suivantes :

B-1 :         En liasse Informations sur la garantie et fiche technique relativement aux bardeaux BP.

 

 

3.    LE PROBLÈME SOULEVÉ PAR LES BÉNÉFICIAIRES CONCERNANT LA TOITURE

 

[5]       Les Bénéficiaires énoncent ce qui suit à la Pièce A-10 :

« 2010-03-25 : Courriel pour aviser Excellence Construction Inc. pour réparer toit car nombreux morceaux tombés du toit.

2010-04-06 : Nous renvoyons un courriel pour aviser Excellence Construction de venir réparer.

2010-05-17 : Nous envoyons un autre courriel pour aviser Excellence Construction car personne n’est venu réparer notre toit et ce malgré 2 courriels.  Excellence Construction nous informe qu’ils vont vérifier avec le couvreur et retourner l’appel avec de service avec mention urgente.

2010-05-18 : Nous renvoyons un courriel à Excellence Construction car nous constatons que la compagnie de bardeaux vient faire les réparations chez ma voisine et à ce jour, ils ne sont pas venus effectuer les réparations.  Nous avisons par courriel nos constatations à Excellence Construction.

2010-05-31 : La compagnie de bardeaux vient réparer notre toit.  Par contre, ne le répare pas au complet.  Nous voyons encore des trous de bardeaux manquants sur le toit.  Nous refaisons un courriel à Excellence Construction afin de communiquer avec la compagnie de bardeaux car ils ont encore des réparations à faire.

2010-06-01 : Courriel de la part d’Excellence Construction nous disant qu’ils vont vérifier ce qui se passe avec Daniel, le maître de chantier.

2010-06-10 : Excellence Construction m’écrit pour savoir si les réparations ont été effectuées.  

2010-06-14 : Nous écrivons à Excellence Construction qu’en date de ce jour, la compagnie de bardeaux n’est pas venue terminer les réparations de notre toit.

2010-06-16 : Nous sommes témoins de la réparation effectuée.  La compagnie de bardeaux remplace les deux bardeaux manquants et quitte.

2011-04-20 : Nous retransmettons un courriel à Excellence Construction car nous avons encore un problème de toiture.  À plusieurs reprises au courant de l’année, les bardeaux tombent du toit.  Nous voulons une solution car ce n’est pas normal.  Je demande à Excellence Construction de me remettre le nom et les coordonnées de la compagnie qui fait notre toit.  Nous n’avons jamais eu ces informations.  Excellence Construction nous renvoie un courriel comme quoi qu’ils vérifient la problématique avec M. Brunelle, le gérant de projet.

2011-04-28 : Vidéo pris de notre toit pour prouver que les bardeaux lèvent.  Nous voyons sur Météomédia que les vents s’élèvent à 65 Km avec les rafales d’inclus.  Et pourtant les bardeaux sont supposés de supporter des vents de 80 - 100 km…

2011-05-06 : Madame Catherine Trévil d’Excellence Construction inc. communique avec nous pour nous dire verbalement que la compagnie de bardeaux va venir réparer les bardeaux endommagés.

2011-05-09 : Ouvrons un dossier à l’APCHQ car aucunes démarches sérieuses auprès de l’entrepreneur.  Transmettons par poste recommandée une lettre à Excellence Construction Inc. concernant nos problématiques de toiture.  En date du 2011-11-06 : nous n’avons jamais eu les réponses aux questions posées dans la lettre tel que le nom de la compagnie qui fait notre toit ainsi que les modèle/marques de nos bardeaux.  Après quatre réparations, le problème persiste.

2011-08-25 : Nous rencontrons le propriétaire de la compagnie de bardeaux car il vient constater la problématique du toit de nos voisins.  Nous l’interpellons suite à nos problèmes de toit.  Il mentionne que c’est un problème de type de bardeaux.  C’est-à-dire que le bardeau n’est pas approprié pour être face aux grands vents.  De plus, il nous confirme que maintenant sa compagnie n’utilise plus ce type de bardeaux.  Notre modèle est discontinué.  Selon lui, c’est un problème avec ce modèle précis de bardeaux sur notre toit car les bardeaux ne collent tout simplement pas à la toiture. »

« Selon nos connaissances, le modèle de notre bardeau de toit, c’est le BP Rempart qui est maintenant discontinué car il se fait maintenant avec deux bandes adhésives.

Prendre note que j’ai tenté encore aujourd’hui, en date du 2011-11-17 à avoir des informations concernant ma toiture en appelant Excellence Construction Inc.  Sans succès car ils me répondent qu’ils ne veulent pas me donner l’information.  Cela va faire un an que j’essaie d’avoir des informations concernant mon bardeau tel que le nom du produit et le nom du couvreur.

Un spécialiste de chez BP, Monsieur Denis (# agent 772) me mentionne tout d’abord que le toit n’est pas garanti dès qu’il commence à faire des temps froids.  Même à ce temps-ci de l’année, ce n’est pas garanti (2011-11-15).  Notre toit a été fait à la fin de décembre 2008.

Pour que les bardeaux soient conformes ils doivent ASOLUMENT être posés avec 6 clous et collés manuellement.  Selon le spécialiste, en sachant que nous étions dans les grands vents, notre constructeur Excellence Construction est en devoir de nous installer les bardeaux correctement.

J’ai rempli une demande pour qu’un inspecteur vienne vérifier le toit afin de voir qui est dans le défaut.  Et le spécialiste m’assure que même si je suis au grand vent et face au champ, les bardeaux ne devraient pas lever.

Donc une pose de 6 clous et recollage de chacun des bardeaux un à un est de mise pour respecter la garantie de 25 ans. »

[6]       Les Bénéficiaires ont pris possession de leur propriété le 9 février 2009.

[7]       Le 9 mai 2011, ils ont fait une autre plainte écrite à l’Entrepreneur, cette fois envoyée en copie conforme à l’Administrateur (Pièce A-6).  Ainsi ils sont à l’intérieur de la période de trois (3) ans de la garantie couvrant la présence de vices cachés.

[8]       L’inspecteur de l’Administrateur n’est pas monté sur le toit et n’en a pas fait une inspection et/ou vérifié la qualité des matériaux.  Il ne s’est pas prononcé sur la présence ou non d’une malfaçon, d’un vice caché concernant la qualité des bardeaux ou leur installation.

[9]       L’inspecteur a décidé que les Bénéficiaires n’ont pas respecté l’avis concernant le délai de dénonciation de six (6) mois à partir de la découverte du vice caché au sens de l’Article 1739 du Code civil du Québec[1] qui est incorporé comme délai à l’Article 10 (4)[2] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[3] (ci-après «Règlement»).

[10]    Avec égards, nous ne partageons pas cet avis.  Le point de départ du délai en vertu de l’Article 1739 est la découverte du vice.  Cette découverte implique la connaissance du problème par l’acheteur.  Selon la jurisprudence[4] en vertu de l’Article 1739 C.c.Q., les réparations du vendeur et les discussions en vue de régler le problème prolongent le délai raisonnable.  Il est normal dans les relations humaines que l’acheteur de bonne foi attende le résultat des démarches proposées par le vendeur professionnel pour régler le problème.  Il est également normal que l’acheteur de bonne foi, une fois les réparations effectuées par le vendeur-entrepreneur, attende pour voire si les réparations effectuées ont eu le résultat promis par le vendeur et escompté par l’acheteur.

[11]    Il est clair que dans ce dossier, l’Entrepreneur n’a pas fait un travail diligent de maintenir une communication adéquate avec les Bénéficiaires.  Les demandes d’informations élémentaires des Bénéficiaires en vue de régler le problème, telle que la demande de connaître le type de bardeaux utilisés et le nom de l’entreprise du couvreur n’ont pas obtenu réponses, malgré les demandes répétées.  Or, l’Entrepreneur avait ces informations et, à l’audition, a produit les documents attestant de ces informations.

[12]    Devant cette absence de transparence, les Bénéficiaires ont néanmoins fait confiance à l’Entrepreneur et ont attendu pour voir si les travaux promis allaient régler le problème des bardeaux qui se soulèvent avec un vent d’une certaine intensité.

[13]    Selon le témoignage des Bénéficiaires, encore le 6 mai 2011, l’Entrepreneur a promis que le couvreur viendrait faire des réparations.  Or, les Bénéficiaire ont finalement perdu patience et on fait leur plainte écrite avec copie conforme à l’Administrateur le 9 mai 2011, soit trois (3) jours plus tard.

[14]    Le soussigné voit difficilement comment il pourrait être considéré que cette plainte est hors délai.  À notre avis, les Bénéficiaires ont été très diligents dans tout ce processus et, en particulier, ont respecté le délai de dénonciation prévu à l’article 10 (4) du Règlement.  Or, étant donné le rejet de la demande des Bénéficiaires par l’Administrateur au motif présumé du défaut de respecter ce délai, l’inspecteur de l’Administrateur n’a pas tranché la question de l’existence ou non d’une malfaçon ou d’un vice caché en vertu du Règlement.  Pour l’évaluation de ce point et compte tenu de notre décision quant au délai et à la recevabilité de la plainte des Bénéficiaires, le Tribunal d’arbitrage décide de renvoyer le dossier à l’Administrateur pour qu’il rende une décision sur le fond technique de l’affaire.

[15]    Compte tenu que les Bénéficiaires ont eu gain de cause quant à leur contestation de la Décision, l’Administrateur assumera les frais de la présente demande d’arbitrage (article 123, alinéa 2 du Règlement[5]).

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCUEILLE la demande d’arbitrage;

DÉCLARE que la demande des Bénéficiaires est recevable et a été faite à l’intérieur du délai prévu à l’Article 10 (4) du Règlement;

RENVOIE le dossier à l’Administrateur pour qu’il prenne une décision sur le fond technique de la plainte des Bénéficiaires concernant l’état des travaux sur la toiture des Bénéficiaires;

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.

(s) Me Jeffrey Edwards

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

Copie conforme

 

 

__________________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 



[1] Article 1739 , Code civil du Québec : L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

[2] Article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B.1.1, r. 0.2 (ci-après le «Règlement») : La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:  la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil.

[3] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B.1.1, r. 0.2

[4] Morency c. Mitchell, EYB. 2005-94599, J.E. 2005-1747 (C.Q.). J. Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, p. 241.

[5] Article 123 du Règlement : Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.