ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2, 

Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada) Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD

ENTRE

JOANIE LUNEAU et RACHEL DUBÉ-LUNEAU Bénéficiaires

Et

MAISON ECO FAB INC.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR) Administrateur

Nos dossiers / Garantie   :  145658-1581

No dossier / GAJD   :  20182112

No dossier / Arbitre   :  35304-25

SENTENCE ARBITRALE

Arbitre

:

Me Pierre Brossoit

Pour l’Entrepreneur

:

Me Alexandre Tourangeau

Pour les Bénéficiaires

:

Me Louis Bigué

Pour l’Administrateur 

:

Me Éric Provençal

Date d’audience

:

Le 26 février 2020

Lieu

:

À l’immeuble des Bénéficiaires et au Centre JoachinTremblay de Macamic

Immeuble concerné 

:

[...], Macamic, Qc

Date de la décision

:

Le 10 mars 2020

LES PIÈCES

[1]  Les pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :

E-1: Lettre datée du 16 octobre 2018 sans préjudice adressée à Me Louis Bigué, avocat des Bénéficiaires et Mme Martine Lambert de la GRC;

E-2: Lettre du 2 novembre 2018 de Mme Claude Chamberland de l’étude Bigué Avocats;

E-3: Échange de correspondance entre Maison Éco Fab inc. (Guillaume Lord) et l’arbitre M. Normand Pitre;

E-4: Plan de construction signé par les Bénéficiaires pour la résidence sise au [...], Macamic (Qc);

E-5: Échange de courriels entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires jusqu’au 14 juillet 2017 et de juin 2017;

E-6: Échange de courriels entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires du 29 janvier 2018;

E-7: Échange de courriels entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires du 15 février 2018;

E-8: Lettre du procureur des Bénéficiaires et l’Entrepreneur datée du 31 juillet 2018;

 E-9: Plans de l’ingénieur Christina Bélanger;

 E-10: Curriculum vitae de Christina Bélanger, ing.

[2]               Les pièces produites par les Bénéficiaires sont les suivantes :

 B-1: Liste des témoins;

 B-2: Courriels échangés entre les Bénéficiaires et M. Lord;

 B-3: Extrait du rapport Grepco : fermes de toit;

B-4: Extrait du rapport Grepco : hauteur de dégagement des fenêtres du sous-sol;

 B-5: Extrait du rapport Grepco : accessibilité des regards de plomberie;

 B-6: Extrait du rapport Grepco : emplacement du luminaire;

 B-7: Extrait du rapport Grepco : fixation mécanique de la poutre au sous-sol;

B-8:

Extrait du rapport Grepco : composition de la poutre au sous-sol;

B-9:

Extrait du rapport Grepco : parement de maçonnerie

B-10:

Extrait du rapport Grepco : ondulation du revêtement de vinyle à l’arrière et à l’avant;

B-11:

Extrait du rapport Grepco : isolation et étanchéité des fenêtres du soussol;

B-12:

Extrait du rapport Grepco : porte coupe-feu;

B-13:

Extrait du rapport Grepco : continuité de la séparation coupe-feu;

B-14:

Extrait du rapport Grepco : hauteur des comptoirs de cuisine;

B-15:

Extrait du rapport Grepco : finition des armoires;

B-16:

Extrait du rapport Grepco : escalier intérieur;

B-17:

Avis d’hypothèque légale de la construction en faveur de Maison Éco Fab inc.;

B-18:

Rapport de Grepco.

[3]               Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :

A-1:

En liasseDevis de soumission no. 12969 pour le 1er module signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 24 août 2016, ainsi que 4 ordres de modifications signés par les Bénéficiaires et datés respectivement des 24 octobre 2016, 20 décembre 2016, 12 janvier 2017 et 11 avril 2017; le devis de soumission no. 12968 pour le 2e module signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 15 décembre 2016 et 2 ordres de modifications signés par les Bénéficiaires les 19 janvier 2017 et 11 avril

2017;

A-2:

Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 20 décembre 2016;

A-3:

Formulaire d’inspection pré-réception signé par l’Entrepreneur le 21 février 2018;

A-4:

Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 23 août 2018;

A-5:

En liasseCourriel de l’avis de 145 jours transmis par l’Administrateur à l’Entrepreneur daté du 14 septembre 2018, auquel est jointe une lettre du procureur des Bénéficiaires datée du 31 juillet 2018 à laquelle est

joint un rapport d’inspection de la société Grepco daté du 5 juillet 2018 et l’accusé de remise par courriel à l’Entrepreneur daté du 23 août 2018;

A-6:

Courriel émis par les Bénéficiaires à l’Administrateur et daté du 27 octobre 2018 auquel est joint le plan de construction de la résidence des Bénéficiaires;

A-7:

Échanges de courriels entre l’Administrateur, les Bénéficiaires et le directeur des travaux de la Ville de Macamic datés des 23, 31 octobre et 2 novembre 2018;

A-8:

En liasseéchanges de courriels entre l’Administrateur, l’Entrepreneur et les Bénéficiaires datés des 28(4) novembre 2018, 4(10) et 5(2), 6 et 11(2) décembre 2018 auxquels sont joint un devis de soumission signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 24 août 2016, ainsi que 4 ordres de modifications signés par les Bénéficiaires et datés respectivement des 24 octobre 2016, 20 décembre 2016, 12 janvier 2017 et 11 avril 2017 déjà soumis en A-1, un devis de soumission signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 15 décembre 2016 et 2 ordres de modifications signés par les Bénéficiaires les 19 janvier 2017 et 11 avril 2017 déjà soumis en A-1, une lettre du procureur de l’Entrepreneur datée du 16 octobre 2018 et le plan de construction de la résidence des Bénéficiaires déjà soumis en A-6;

A-9:

L’État de renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises du Québec de Maison Eco-Fab inc. daté du 28 janvier 2018;

A-10:

En liasseDécision de l’Administrateur datée du 28 novembre 2018 et l’accusé réception de Postes Canada des Bénéficiaires, daté du 12 décembre 2018;

A-11:

En liasseCourriels de notification de l’organisme d’arbitrage datés des 12 et 18 janvier 2019, auquel sont joints l’accusé réception de la demande d’arbitrage, le devis de soumission signé par les Bénéficiaires le 24 août 2016 déjà soumis en A-1, la lettre du procureur de l’Entrepreneur datée du 11 avril 2018 déjà soumise en A-8, le devis de soumission signé par les Bénéficiaires daté du 15 décembre 2016 déjà soumis en A-8, la décision de l’Administrateur datée du 28 novembre 2018 déjà soumise en A-10, le plan de construction déjà soumis en A-6, et la lettre de redésignation de l’arbitre;

A-12:

Curriculum vitae de M. Normand Pitre.

LES TÉMOINS

[4]  Le Tribunal a entendu le témoignage des personnes suivantes :

      Pour l’Entrepreneur :

         Christina Bélanger, ing.

      Pour les Bénéficiaires :

         Andréanne Bédard, technologue;

         Benny Morin, maçon.

      Pour l’Administrateur :

         Normand Pitre, technologue.

LES FAITS

[5]               Le 24 août 2016, les Bénéficiaires retiennent les services de l’Entrepreneur pour la construction et l’aménagement d’un immeuble de type modulaire

(l’ « Immeuble »);

[6]               Le ou vers le mois de mai 2018, les Bénéficiaires prennent réception de l’Immeuble;

[7]               Le 23 août 2018, les Bénéficiaires présentent une réclamation (A-5) à l’Administrateur, alléguant plusieurs malfaçons dans les travaux de l’Entrepreneur;

[8]               À l’appui de leur prétention, les Bénéficiaires déposent le rapport d’inspection de l’Immeuble (B-18) daté du 5 juillet 2018 d’Andrée-Anne Bédard, technologue de Grepco, entreprise de construction se spécialisant dans les travaux de charpente, structure d’acier et maçonnerie;

[9]               Mme Bédard constate notamment plusieurs malfaçons apparentes au mur de maçonnerie de l’Immeuble et exposées en détail à son rapport (B-18) : 

         Une partie de la finition de maçonnerie est appuyée complètement sur la fondation et un solin a été installé pour permettre à l’eau de s’écouler. La pente actuelle de ce solin ne permet pas l’écoulement de l’eau vers

l’extérieur;

         Une partie de la maçonnerie est appuyée sur des éléments de bois. Ceuxci ne sont pas recommandés comme un support pour la maçonnerie. L’installation d’un fer angle en acier, ancré à la charpente ou à la fondation, recouvert d’un solin souple et d’un revêtement d’aluminium, est recommandée;

         Une partie du solin souple dépasse la maçonnerie, celui-ci devrait être recouvert d’un crépi de fondation afin de ne pas être abimé par les rayons UV et les intempéries;

         Éléments de bois sous la maçonnerie, mauvaise installation de la membrane et aucun support adéquat pour la maçonnerie.

[10]           Le 5 juillet 2018, Mme Bédard fait parvenir par courriel (A-5) aux Bénéficiaires son estimé des travaux correctifs de maçonnerie à exécuter. Elle mentionne à son courriel ce qui suit :

« Enlever la maçonnerie et refaire les façades (avant et arrière) avec fer angle membrane et pierre ainsi que les solins : 45$ du pied carré (évaluer 510 pieds carrés) 22 950 $. (…)

Voilà une évaluation grossière des travaux. J’ai mis le pire selon moi. »

(Onglet 5 du Cahier de pièces de l’Administrateur)

[11]           Le 26 octobre 2018, le conciliateur de l’Administrateur, Normand Pitre, visite l’Immeuble et constate également sur place les malfaçons rapportées par Mme Bédard à son rapport (B-18);

[12]           Le 28 novembre 2018, M. Pitre accueille par décision (la « Décision ») (A-10) 14 des 15 items de la réclamation des Bénéficiaires;

[13]           Le 21 décembre 2018, l’Entrepreneur demande l’arbitrage (A-11) de la Décision de l’Administrateur (A-10);

[14]           L’arbitrage ne porte toutefois que sur l’item 7 « Parements de maçonnerie », les autres points en litige ayant fait l’objet d’une entente entre les parties ou de travaux correctifs déjà exécutés par l’Entrepreneur;

[15]           L’Entrepreneur admet la non-conformité de ses travaux de maçonnerie, mais il conteste la méthode de réparation de M. Pitre qui conclut que :

« le revêtement de maçonnerie devra être complètement démoli et refait, le tout dans le respect des normes en vigueur des règles de l’art » (p. 12, A-10)  (nos soulignés)

[16]           L’Entrepreneur propose plutôt la solution de réparation présentée aux plans (E-9) de son expert, l’ingénieur Christina Bélanger, dont la méthode est selon lui suffisante pour corriger les malfaçons de maçonnerie et à moindre coût;

QUESTION EN LITIGE

[17] La méthode de réparation décidée par l’Administrateur à l’item 7 « Parements de maçonnerie » de la décision (A-10) est-elle appropriée?

MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]           Mme Bélanger n’a pas constaté sur place les malfaçons, mais juge suffisantes pour la préparation de ses plans (E-9) les photos mises à sa disposition (B-18 et A-10);

[19]           Mme Bélanger propose une réparation par section du mur de maçonnerie, à raison de deux (2) pierres de maçonnerie à la fois et que pour la première rangée de pierres qui repose sur le mur de fondation;

[20]           Pour corriger l’angle inverse d’une partie du mur de fondation, Mme Bélanger suggère de meuler en angle le rebord du mur de fondation pour permettre un écoulement des eaux vers l’extérieur plutôt qu’à l’inverse, comme c’est actuellement le cas;

[21]           À l’audition, Mme Bélanger ne peut évaluer le coût des réparations que pour une partie de la solution qu’elle propose et qu’elle évalue à 4 000 $;

[22]           Le témoignage de M. Pitre convainc toutefois le Tribunal de ne pas retenir la proposition de réparation de l’Entrepreneur et la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur est ainsi rejetée;

[23]           M. Pitre a constaté sur place les malfaçons relevées au rapport Grepco (B-18) et il a jugé appropriée la solution de Grepco de démolir le revêtement de maçonnerie et de le refaire complètement;

[24]           Au moment de rendre sa Décision, M. Pitre n’avait pas le bénéfice de connaître les plans de correction (E-9) proposés par Mme Bélanger à l’Entrepreneur et réalisés en janvier 2020;

[25]           Lors de l’audition, M. Pitre a soulevé plusieurs doutes au sujet de la proposition de Mme Bélanger (E-9), dont notamment :

         Coloration différente des joints de mortier si seulement la première rangée de pierres concassées au-dessus du mur de fondation est remplacée;

         Lors de l’enlèvement de la première rangée de pierres concassées, possibilité de décollement des pierres situées au-dessus et fissuration des joints de mortier;

         Considérant les nombreuses malfaçons dans l’exécution des travaux de maçonnerie, la solution de Mme Bélanger de meuler le rebord du mur de fondation pour empêcher l’infiltration d’eau vers l’intérieur est incertaine;

         Il remet en cause la durabilité de la méthode proposée aux plans (E-9);

         Il remet en cause le prix suggéré par Mme Bélanger pour exécuter les travaux de maçonnerie.

[26]           Le Tribunal est convaincu que M. Pitre n’aurait pas hésité à approuver la solution présentée par Mme Bélanger à l’audition, si telle était selon lui la meilleure solution;

[27]           M. Pitre n’a aucun intérêt dans ce dossier et le Tribunal constate d’ailleurs que si l’Entrepreneur n’exécute pas les travaux correctifs exigés, c’est à l’Administrateur que reviendra le fardeau de les exécuter et d’en supporter le coût, dont la solution la plus onéreuse est celle proposée par Grepco et approuvée par M.

Pitre;

[28]           Le Tribunal s’appuie également sur les nombreuses années d’expérience de M. Pitre en matière de construction (A-12); 

[29]           Le Tribunal est d’avis que la proposition de Mme Bélanger est une solution possible, mais néanmoins non conforme aux attentes légitimes des Bénéficiaires qui ont acheté une construction neuve;

[30]           Les travaux de l’Entrepreneur devront s’exécuter aux conditions suivantes :

a)                 Les travaux seront exécutés par un sous-traitant spécialisé en maçonnerie;

b)                 L’Entrepreneur aura le choix du sous-traitant qui exécutera les travaux;

c)                 L’Entrepreneur devra communiquer au sous-traitant choisi le rapport Grepco (B-18) et la Décision (A-10) de l’Administrateur;

d)                 15 jours avant le début des travaux, ou sur autre entente entre les parties, l’Entrepreneur devra remettre aux Bénéficiaires le détail de la méthode d’exécution des travaux du sous-traitant;

e)                 Les travaux du sous-traitant ne débuteront que suivant l’accord écrit des Bénéficiaires;

f)                   Les travaux devront être exécutés au plus tard le 31 mai 2020 ou sur toute autre entente entre les parties.

LES FRAIS D’EXPERTISE

[31] Le Tribunal condamne l’Entrepreneur à payer aux Bénéficiaires les frais d’experts au montant de 763,43 $ pour la préparation du rapport d’expert de Grepco (B-18) et la présence à l’audition de Mme Bédard;

LES FRAIS D’ARBITRAGE

[32] Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur Maison Eco Fab inc.;

ORDONNE à l’Entrepreneur de procéder à la démolition complète du revêtement de maçonnerie à l’Immeuble des Bénéficiaires situé au [...] à Macamic, Québec et de le refaire en respect avec les normes en vigueur et les règles de l’art;

ORDONNE à l’Entrepreneur de faire exécuter les travaux par un sous-traitant spécialisé en maçonnerie de son choix et de lui communiquer au préalable le rapport de Grepco (B-18) et la Décision (A-10) de l’Administrateur;  

ORDONNE à l’Entrepreneur, 15 jours avant le début des travaux, ou sur autre entente entre les parties, de communiquer aux Bénéficiaires le détail de l’exécution des travaux du sous-traitant retenu par l’Entrepreneur et de débuter les travaux que suivant l’accord écrit des Bénéficiaires;

ORDONNE à l’Entrepreneur d’exécuter les travaux au plus tard le 31 mai 2020 ou sur toute autre entente entre les parties et à défaut de se conformer aux conditions ci-avant détaillées, ORDONNE à l’Administrateur de réaliser les travaux dans les 45 jours suivants ou selon tout autre délai convenu entre l’Administrateur et les Bénéficiaires;

CONDAMNE l’Entrepreneur à payer aux Bénéficiaires, au plus tard le 20 mars 2020, la somme de 763,43 $, pour les frais de préparation du rapport Grepco (B18) et la présence à l’audition de Mme Bédard et à défaut de s’exécuter, CONDAMNE l’Administrateur à payer aux Bénéficiaires, au plus tard le 30 mars 2020, ladite somme de 763,43 $;

CONDAMNE l’Administrateur et l’Entrepreneur à payer, à parts égales, les frais du présent arbitrage, conformément à l’article 123 du Règlement.

À Montréal, le 10 mars 2020

 

Me Pierre Brossoit, arbitre