Le 16 septembre 2005
ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT
SUR LE PLAN DE GARANTIE DES
BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
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Monsieur Jacques E. Ouellet
Arbitre
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Organisme d’arbitrage autorisé par
La Régie du bâtiment du Québec
SORECONI
(Société pour la résolution des conflits inc.)
Dossier numéro PG 050518001
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Monsieur Pierre Brodrique
Bénéficiaire appelant
ET
Damy Construction
Entrepreneur intimé
ET
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ
Administrateur du plan de garantie
Mise en cause
APPEL DE LA DÉCISION DE L’ADMINISTRATION DU PLAN DE GARANTIE
DÉCISION DE L’ARBITRE
IDENTIFICATION ET REPRÉSENTANTS DES PARTIES
Pour l’appelant Monsieur Pierre Brodrique
3079, Laurin
Sainte-Marthe sur le Lac (Québec)
J0N 1P0
Pour l’intimé Monsieur Stéphane Auger,
19, rue de Dolbeau,
Blainville (Québec) H7L 4Z7
Administrateur du plan Me François Caron et
Monsieur Rénald Cyr,
5930, boul. Louis-H. Lafontaine,
Anjou ( Québec ) H1M 1S7
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI en date du 7 juillet 2005. D’emblée, les parties reconnaissent que l’arbitre aura à statuer sur les décisions 17,18,20 et 25 des Rapports de décision de M. Rénald Cyr, Inspecteur-conciliateur au Service d’inspection et de conciliation de l’Administrateur du plan, soit :
17- Jonction céramique de plancher et cadres de porte.
18- Finition (Têtes de clous) des marches de l’escalier menant à l’étage ainsi que celui entre le rez-de-chaussée et le vestibule.
20- Qualité des jonctions du recouvrement de vinyle et de la brique aux coins droit et gauche en façade du bâtiment.
25- Bardeaux tachés de mortier au toit avant.
HISTORIQUE DU DOSSIER
Demande d’arbitrage 18 mai 2005
Nomination de l’arbitre 7 juillet 2005
Audition et visite des lieux 18 août 2005
CONSIDÉRATION PRÉLIMINAIRE
Les parties présentes ne formulent aucune objection quant à la recevabilité de la demande d’arbitrage, ainsi qu’à la nomination du soussigné comme arbitre.
Aucun témoin ne sera entendu.
L’arbitre entendra la preuve et les arguments des parties. il statuera conformément aux règles de droit; il pourra faire appel à l’équité si les circonstances le justifient.
VISITE, PREUVE ET ARGUMENTATION
[1] Toutes les personnes présentes procèdent d’abord à la visite des lieux. Les situations reliées aux décisions en litige rendues par l’inspecteur-conciliateur, Monsieur Cyr, sont identifiées et constatées.
[2] L’audience débute ensuite et le procureur représentant l’Administrateur du plan établit les qualifications professionnelles de Monsieur Cyr. Celui-ci indique qu’il a fait une première inspection le 9 mars 2005, et qu’il a émis un rapport le 22 avril suivant. Un addenda à ce rapport fut émis le premier juin suivant.
[3] Décision 17- Jonction céramique de plancher et cadres de porte. M. Cyr dit n’avoir pu reconnaître cette réclamation car, à son point de vue ce qui a été fait, est correct en fonction de l’usage courant du marché. Il affirme que l’ouvrage ne peut être considéré comme une malfaçon. Les problèmes soulevés sont mineurs; ils ne sont pas apparents et ne portent pas atteintes à la qualité du bâtiment.
[4] Décision 18- Finition (Têtes de clous) des marches de l’escalier menant à l’étage et de celui entre le rez-de-chaussée et le vestibule. L’inspecteur affirme que les correctifs apportés sont acceptables et conformes aux pratiques utilisées dans le marché.
[5] Il enchaîne en disant qu’au début seules les têtes de clous constituaient le problème, et que maintenant il y avait une encoche. Il dit ne pas pouvoir déterminer quand ce fut fait ou si c’était là.
[6] Décision 20- Qualité des jonctions du recouvrement de vinyle et de la brique aux coins droit et gauche en façade du bâtiment. L’inspecteur mentionne que la pose de la brique fut faite en parachèvement après le revêtement de vinyle. Ceci occasionna une ouverture verticale. Le correctif apporté, soit l’application d’un excédant de scellant et la pose de moulures, était à son point de vue contraire aux règles de l’art. Néanmoins, il conclut que l’ouvrage ne portait pas atteinte à la qualité et à la sécurité du bâtiment.
[7] Décision 25- Bardeaux tachés de mortier au toit avant- L’inspection fut faite plus tard, après la fonte des neiges. Cependant, le bénéficiaire intervient pour affirmer qu’il acceptait dorénavant la coloration des bardeaux.
[8] L’ inspecteur enchaîne en signalant qu’il n’y avait pas de taches de mortier sur le solin. Il croit, par ailleurs, qu’il est très difficile d’installer la tôle (solin) après un remplacement des pureaux. Il dit ne pas croire qu’il soit possible de réparer avec des clous sans causer des gondolements. Fin de la preuve de l’Administrateur du plan.
[9] Le bénéficiaire présente lui-même sa cause. Il établit qu’il est au service d’une importante compagnie du Québec, en tant que gestionnaire des propriétés de cette firme. Il ajoute qu’il œuvre dans le domaine de l’immobilier depuis vingt (20) ans. Il possède enfin un diplôme en menuiserie et de l’expérience dans ce domaine, sans toutefois pouvoir se présenter comme expert.
[10] Décision 17- Jonction céramique de plancher et cadres de porte. Il affirme qu’il s’agit de malfaçons. L’exécution des travaux sur ce point n’est pas constante. La position de la céramique n’est pas toujours au même endroit, parfois au dessus de la moulure et parfois en dessous.
[11] Se référant au rapport de l’inspecteur, il indique que le coin droit de la porte de la salle de bain à l’étage, n’est pas bien fait. Salle d’eau au rez-de-chaussée, le coin gauche intérieur diffère de l’autre. Vestiaire, finitions différentes des coins droit et gauche des portes. Coins droite et gauche de la porte donnant au garage, coulis pas bien fait. Même chose pour les coins droite et gauche de la porte donnant au sous-sol.
[12] Décision 18- Têtes de clous. Les clous ne sont pas posés de façon constante . Les correctifs apportés par l’entrepreneur ne sont pas adéquats. Escalier vers l’étage, égratignures à l’endroit de la 4e marche, là depuis le début; pâte à bois dissimulant les têtes de clous de la 7e marche ainsi qu’un trou comme au vestibule. Escalier vers le vestibule, pâte à bois de la 2e marche et 4e contremarche afin de masquer les trous de clous.
[13] Décision 20- Qualité des jonctions du recouvrement de vinyle. Le bénéficiaire appelant affirme que la logique veut qu’un revêtement de vinyle doive rejoindre le mur transversal et être fixé de façon à n’être pas apparent. Il ajoute que ce n’est certainement pas le cas ici.
[14] Décision 25- Bardeaux tachés de mortier- Il s’agit sûrement d’une malfaçon. Le solin a été installé et de bonne façon. Le problème est que le joint est plié de l’autre sens.
[15] L’entrepreneur présente sa preuve. Décision 17- Jonction céramique. Il dit ne voir aucune malfaçon aux joints.
[16] Décision 18- Têtes de clous. Il affirme que le bois travaille. Il n’y a pas deux (2) morceaux identiques. Si çà ne colle pas bien, il faut mettre des clous. Enfin, il ne croit pas que l’égratignure à la 4e marche était là.
[17] Décision 20- Qualité des joints du recouvrement de vinyle et de la brique aux coins droit et gauche en façade du bâtiment. Si de la brique est utilisée, on a de beaux joints. Si on utilise de la pierre, on a des problèmes; mais la situation en cause ici est acceptable.
[18] Décision 25- Bardeaux tachés de mortier. L’entrepreneur dit que son couvreur n’était pas un gars d’aluminium; quelqu’un d’autre est venu plier le morceau.
[19] Répondant à une question du procureur de l’Administrateur du plan, l’entrepreneur affirme que le solin n’avait pas été modifié; le coin plié était comme cela originalement.
[20] La présentation des preuves étant close, les parties passent aux argumentations, dans le même ordre que pour la preuve.
[21] D’emblée, le procureur de l’Administrateur du plan fait état de l’importance du Règlement sur le plan de garantie. Il affirme que le plan n’est pas un cautionnement; il est imposé à toutes les parties qui s’en prévalent.
[22] Conséquemment, le bénéficiaire appelant devait prouver en prépondérance ses réclamations et démontrer que ses points portés en appel constituaient réellement des malfaçons au sens du Règlement, i.e. en fonction des règles de l’art ou des normes de construction en vigueur.
[23] Si ces prémisses doivent être reconnues, il faut établir à savoir si le bénéficiaire s’est acquitté pleinement de la tâche qui était sienne. Non, affirme-t-il, particulièrement en vertu de l’ Article 10, 5e paragraphe. Il ne croit pas que le bénéficiaire appelant ait satisfait à ses obligations de faire une preuve adéquate.
[24] Le procureur demande donc de confirmer le bien-fondé de ses prétentions, ajoutant par ailleurs qu’advenant une décision favorable au bénéficiaire, l’arbitre statue que celui-ci devait se conformer à l’article 11 du Règlement.
[25] Le bénéficiaire croit fermement que les quatre (4) décisions qu’il conteste, sont réellement des malfaçons. Il réfère à ce sujet à l’article 3.2, Malfaçon, du Contrat de garantie ainsi qu’à l’article 2111 du Code civil du Québec.
[26] Il enchaîne en disant qu’il avait consulté le Petit Robert afin de vérifier quelle était la définition qu’on y retrouvait. Il conclut que dans son cas, il y a eu « imperfections ou défauts », et qu’on ne peut pas qualifier une malfaçon de « négligeable. »
[27] Concernant le point 17, il est fortement d’avis que ces situations sont à l’évidence même, des imperfections ou des défauts, et qu’elles constituent assurément des malfaçons au sens du Règlement. L’exécution des travaux de finition est parfois correcte et parfois incorrecte.
[28] Au point 18, le bénéficiaire dit avoir signalé ces situations dans le rapport complété lors de l’inspection de réception du bâtiment le 25 septembre 2004 ainsi que dans sa lettre à l’entrepreneur datée du 7 novembre suivant.
[29] Le bénéficiaire signale que l’inspecteur conciliateur, dans son rapport du 22 avril 2005 relativement au point 20, reconnaît qu’il s’agit de malfaçons, mais négligeables.
[30 Enfin, relativement au point 25, il affirme qu’il n’a pas la finition qu’il devait avoir, et qui était démontrée par la maison modèle. Il se dit en désaccord avec les affirmations faites à l’effet qu’il était impossible de replier correctement sur la façade latérale de la maison, la tôle (solin) présentement repliée sur la façade avant.
[31] L’entrepreneur ayant dit n’avoir rien à ajouter, l’audition prend fin.
DÉCISION
[32] D’emblée, l’arbitre est d’avis qu’il doit statuer sur les décisions de l’administrateur du plan en appel devant lui, principalement en conformité avec le 2e alinéa de l’article 10 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, lequel se lit comme suit :
« Le défaut de se conformer aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment, notamment celles contenues au Code national du bâtiment du Canada, au Code canadien de l’électricité et au Code de plomberie, constitue une malfaçon sauf s’il ne porte pas atteinte ou n’est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l’utilisation du bâtiment. »
[33] En corollaire, aucun élément de preuve et d’argument ne fut avancé quant à l’application du paragraphe 2 du même article 10.
[34] Par conséquent, le soussigné doit d’abord décider à savoir si les points en litige sont bien des malfaçons apparentes. Je conclus positivement et que dans ces quatre (4) situations, les travaux exécutés ne le furent pas selon les règles de l’art.
[35] En effet, selon les auteurs bien reconnus, Mes Doyon et Crochetière, les règles de l’art « doivent s’entendre comme étant le principe de la bonne construction». A mon avis, les travaux exécutés portant sur les points en litige, soit originalement ou en correctifs, ne le furent pas.
[36] En ce qui a trait au 2e alinéa de l’article 10, il faut établir que les situations qui nous intéressent dans le présent arbitrage, sont reliées au critère « qualité ». Il n’y eut aucune évidence de présenter à l’effet que la sécurité ou l’utilisation du bâtiment puisse être affectée.
[37] Le procureur de l’Administrateur du plan déposa en évidence une décision arbitrale rendue par un arbitre d’une autre firme d’arbitrage accréditée pour agir également dans le contexte du Règlement sur le Plan de garantie.
[38] Il est important de noter que l’arbitre auteur de cette décision citait deux (2) fois un de ses confrères arbitre ayant rendu des décisions reliées au 2e alinéa du même article 10.
[39] Dans les deux (2) cas, les arbitres décidèrent que les appels des bénéficiaires respectifs, n’affectaient aucunement la qualité du bâtiment et ils rejetèrent les réclamations.
[40] Avec respect, le soussigné est d’avis que ces évidences, ou opinions, ne sont pas significatives dans le cas qui nous occupe.
[41] Les points en litige ici ont définitivement un degré d’impact sur la qualité du bâtiment faisant objet de notre arbitrage, beaucoup plus significatif que la pose de fenêtres non quadrillées au lieu de fenêtres quadrillées.
[42] En l’occurrence, je suis convaincu que la qualité du bâtiment serait affectée si les malfaçons devant nous n’étaient pas corrigées. Il y a eu mauvaise construction en ce qui a trait aux points 17 et18. Il y a eu mauvaises réparations en ce qui a trait aux points 20 et 25.
[43] Conséquemment, le soussigné reconnaît le bien-fondé de l’appel des bénéficiaires dans sa totalité. L’entrepreneur intimé devra procéder à la correction des malfaçons identifiées, selon les règles de l’art, et ceci dans les trente (30) suivant immédiatement la date de réception par courrier recommandé de la décision de l’arbitre.
[44] Les bénéficiaires ayant eu gain de cause sur au moins une de leur demande, la totalité des coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
Jacques E. Ouellet, arbitre
Montréal le 16 septembre 2005