SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

 

 

 

 

                                                                         RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

                                                                         DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

                                                                         (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2)

 

 

 

 

 

                                                                         MME JOSÉE LAFRENIÈRE,

 

                                                                                                      bénéficiaire;

 

                                                                         - et -

 

                                                                         LE GROUPE TRIGONE

                                                                         CONSTRUCTION INC.,

 

                                                                                                      entrepreneur;

 

                                                                         - et -

 

                                                                         LA GARANTIE DES BÂTIMENTS

                                                                         RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,

 

                                                                                                      administrateur.

 

 

                                                                             

 

 

 

                                                  M. Claude Dupuis, ing., arbitre

 

 

                                        Audience tenue à Laprairie le 20 mars 2002

 

                                                  Sentence rendue le 16 avril 2002


I : INTRODUCTION

 

À la demande de l’arbitre, l’audience s’est tenue à la résidence de Mme Lafrenière.

 

Aucune objection n’a été soulevée relativement à la juridiction de l’arbitre.

 

Lors de l’enquête, Mme Josée Lafrenière se représentait elle-même, M. Éric St-Pierre représentait l’entrepreneur, tandis que Me Jacinthe Savoie représentait l’administrateur.  Ont témoigné M. Éric St-Pierre, Mme Josée Lafrenière ainsi que M. Pierre Bonneville, inspecteur-conciliateur pour l’APCHQ.

 

Le 25 janvier 2002, l’entrepreneur a fait parvenir au Groupe d’Arbitrage et de Médiation sur Mesure (GAMM) une demande d’arbitrage relativement au point 1 du rapport d’inspection du 21 janvier 2002 de l’administrateur concernant l’unité d’habitation sise au 20, Place des Miliciens, à Laprairie.

 

Le point 1 du rapport d’inspection précité se présente comme suit :

 

EN VERTU DU CONTRAT DE GARANTIE, LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC. DOIT CONSIDÉRER LE POINT 1 QUI SUIT :

 

L’entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés au point 1 d’ici le 31 mai 2002.

 

1.                           BÉTON FISSURÉ AU BALCON DE L’ENTRÉE

                 

                              Correctifs :

Étant donné que nous sommes en présence d’un vice caché qui a été découvert et dénoncé à l’intérieur des délais prescrits à l’article 3.3 du contrat de garantie, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. doit considérer ce point.

 

Par conséquent, afin de corriger le problème de façon définitive, l’entrepreneur devra désolidariser le trottoir de la partie inférieure de l’escalier (les trois premières contremarches).  Il devra également désolidariser la partie inférieure de l’escalier (les trois premières contremarches) de la partie supérieure dudit escalier (les trois dernières contremarches).  En fait, les deux parties de l’escalier devront être complètement indépendantes l’une de l’autre et la partie inférieure devra être complètement indépendante du trottoir.  Un joint approprié, flexible, durable, propre et rectiligne devra être aménagé aux deux endroits qui seront sectionnés.  Évidemment, l’entrepreneur devra s’assurer de la stabilité de tous ces éléments une fois qu’ils auront été désolidarisés.  Pour compléter le travail, l’entrepreneur devra modifier le garde-corps extérieur de façon à ce que celui-ci soit également en trois sections indépendantes.

 

Nous espérons que les travaux mentionnés au présent rapport seront exécutés à l’intérieur du délai accordé et nous vous prions d’agréer, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

 

 

Les parties ont convenu de résumer le litige comme suit : est-ce que la fissure située entre la partie inférieure de l’escalier (situé à l’extérieur, à l’entrée principale) et la partie supérieure de l’escalier constitue un vice caché ou un vice non caché?

 

S’il s’agit d’un vice non caché, les délais de réclamation stipulés au plan de garantie sont expirés et le rapport de l’inspecteur serait ainsi rejeté; s’il s’agit d’un vice caché, le rapport d’inspection serait maintenu.

 

II : LA PREUVE

 

Originalement, la propriété avait été achetée par M. Michel Marcheterre, selon un acte de vente intervenu le 17 mai 1999.

 

Subséquemment, la propriété a été revendue à Mme Josée Lafrenière, selon un acte de vente intervenu le 27 février 2001.

 

Le rapport d’inspection présentement en litige fait suite à une demande écrite de Mme Lafrenière datée du 16 novembre 2001.

 

Position de l’entrepreneur

 

L’entrepreneur indique qu’au moment de la livraison à M. Marcheterre, l’escalier extérieur avant résultait de deux coulées de béton différentes et qu’il y avait un morceau de bois entre les deux sections; c’était donc apparent.

 

Or, un vice caché est un défaut non apparent lors de la prise de possession des biens.

 

M. Marcheterre ne l’a jamais dénoncé; il vend sa propriété et Mme Lafrenière en prend possession; cette fissure était présente bien avant le 16 novembre 2001.  Madame achète en février 2001, elle prend possession de la propriété en avril, elle dénonce en novembre et l’entrepreneur en est avisé en 2002; les délais sont déraisonnables.

 

Dès le premier hiver, il y a eu un mouvement entre les deux parties de l’escalier; ceci aurait dû être dénoncé immédiatement et non six mois plus tard.

 

Position de l’administrateur et de la bénéficiaire

 

Mme Lafrenière indique qu’au moment de l’achat en février 2001, elle n’a pas vu la fissure; sinon, elle n’aurait point acheté cette propriété.

 

Elle a commencé à habiter cette propriété fin avril, début mai 2001.

 

Entre-temps, elle a remarqué la présence de morceaux de ciment par terre; elle trouvait que cette fissure dans la façade et le côté de l’escalier était anormale; c’est vers la fin de juillet 2001 qu’elle aurait constaté qu’il s’agissait d’une situation grave.

 

M. Bonneville a affirmé que lors de son inspection, il avait les deux actes de vente dans son dossier.  Il a donné foi aux propos de la bénéficiaire à l’effet que lors de l’achat, elle n’avait pas vu la fissure; par ailleurs, il est d’avis qu’une telle situation peut échapper au commun des mortels.

 

Il ajoute que l’effet du gel et du dégel peut faire rétrécir ou augmenter la fissure à un moment ou à un autre.

 

 

III : ARGUMENTATION DE L’ENTREPRENEUR

 

Il s’est passé deux hivers avant que Mme Lafrenière devienne propriétaire; elle prend possession de la maison en avril 2001 et fait sa réclamation en novembre 2001.  Or, «cette fissure a été coulée telle quelle; ça ne répond peut-être pas aux normes, mais c’était apparent, d’autant plus qu’en mars 2001, il n’y avait pas de neige».

 

La preuve est que cet escalier est mitoyen et qu’il n’existe point de plainte provenant du voisin.

 

On parle ici d’un délai de trois ans; il s’agit d’un délai déraisonnable.

 

IV : ARGUMENTATION DE L’ADMINISTRATEUR

 

L’entrepreneur indique que la coulée a été faite en deux étapes et que c’était apparent, mais le problème n’est pas là; en fait, le béton a bougé plus que la normale et le problème est apparu quand les morceaux de béton ont tombé.

 

Il peut y avoir eu une fissure au début, mais la situation s’est aggravée par la suite et c’est en juillet 2001 que la bénéficiaire s’en est rendu compte.

 

Il n’existe aucune preuve qu’il s’agisse d’un problème antérieur à la vente; bien au contraire, il existe une preuve postérieure à la vente.  Ce problème était inconnu de l’acheteur initial et le rapport de l’inspecteur est basé sur les témoignages de la bénéficiaire.

 

C’est l’entrepreneur qui avait le fardeau de prouver que cette situation existait avant février 2001.

 

 

 

V : DÉCISION ET MOTIFS

 

Le mandat procuré à l’arbitre par les parties dans le présent litige consiste à déterminer s’il s’agissait d’un vice caché ou apparent.

 

Après enquête, il n’existe point de preuve formelle et concluante à l’effet que cette fissure située entre la partie inférieure et la partie supérieure de l’escalier extérieur de façade constituait ou non un vice caché.

 

L’entrepreneur prétend que c’était apparent dès la coulée; l’administrateur prétend le contraire, se fiant sur la parole de la bénéficiaire; toutefois, l’inspecteur de l’APCHQ a indiqué qu’une telle situation aurait pu échapper au commun des mortels.

 

En présence d’une preuve non concluante, le tribunal est d’avis que le fardeau de cette preuve appartenait à l’entrepreneur, vu que ce dernier est le demandeur et qu’il doit démontrer les fondements de sa prétention.

 

À titre d’exemple, l’entrepreneur aurait pu envisager la possibilité de faire témoigner M. Marcheterre afin de démontrer que cette fissure était apparente bien avant l’acquisition de la propriété par l’actuelle bénéficiaire.

 

Lors de l’audience, l’arbitre a pu constater l’état actuel de cette fissure; en accord avec l’administrateur, le soussigné est d’avis qu’il s’agit d’une situation qui s’est aggravée avec le temps et il est quasi improbable, à moins d’une preuve contraire, que ce problème ait été connu de l’acheteur initial.

 

Ainsi, le tribunal donne foi aux propos de Mme Lafrenière à l’effet qu’elle a pris connaissance de la situation entre avril et juillet 2001.

 

S’agissant d’un vice caché au sens de l’article 10.4° du plan de garantie, les délais ont ainsi été respectés.

Pour ces motifs, le tribunal

 

MAINTIENT le rapport de l’inspecteur-conciliateur daté du 21 janvier 2002; et

 

ORDONNE à l’entrepreneur de respecter les délais prescrits dans ce rapport.

 

Les frais de l’arbitrage seront partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur.

 

 

SENTENCE rendue à Beloeil, ce 16e jour d’avril 2002.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                              Claude Dupuis, ing., arbitre