TRIBUNAL D’ARBITRAGE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GAJD : 20221101
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DEVANT L’ARBITRE : Robert Néron, LL.B, LL.M., Arb.A.
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Mei Hong Yu & Chiu Yuen Hung
Bénéficiaires
- Et -
Groupe Pentian Développements/Condos 2050
Entrepreneur
- Et -
La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
Administrateur
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[1] Le 11 janvier 2022, le soussigné était nommé arbitre dans le dossier identifié en rubrique.
[2] Après avoir reçu divers documents traitant dudit dossier et ceux du Groupe d’Arbitrage Juste Décision (GAJD), le soussigné a entrepris de contacter les parties et/ou leur procureur afin de commencer l’arbitrage.
[3] Le 31 août 2022, une conférence préparatoire à l’arbitrage a eu lieu en présence du procureur de l’Administrateur et de la Bénéficiaire, Mme Yu. En revanche, malgré qu’il eût été consulté pour ses dates de disponibilité et après avoir été dûment signifié par courriel de la date de la conférence préparatoire, le représentant de l’Entrepreneur n’était pas présent.
Valeur du litige
[4] La valeur du litige est de plus de $ 15,000.
[5] La réception du bâtiment a eu lieu le 25 janvier 2018 et la réclamation du Bénéficiaire par l’Administrateur a été reçue le 11 janvier 2022. Une décision initiale a été rendue le 19 décembre 2018, une autre décision le 30 janvier 2020 et une décision supplémentaire aussi datée du 30 janvier 2020.
[6] Le 5 janvier 2022, le Conciliateur a fermé le dossier des Bénéficiaires, car l’Entrepreneur ne pouvait pas les rejoindre afin de faire les réparations comme lui demandait l’Administrateur dans les diverses décisions précitées du dossier 133173-
1527.
[7] Le Bénéficiaire a déposé une demande d’arbitrage à l’encontre de la décision de l’Administrateur le 11 janvier 2022 de fermer le dossier auprès de GCR.
[8] Étant donné que la présente demande d’arbitrage constitue une question procédurale, il a été déterminé de procéder par écrit dans cette affaire, et ce afin de déterminer de la recevabilité de la demande d’arbitrage.
Question en litige
[9] Est-ce que la demande d’arbitrage est admissible ?
[10] Lors de la conférence préparatoire, la Bénéficiaire Mme Yu a témoigné qu’elle était disponible pour que l’Entrepreneur fasse les réparations dont l’Administrateur lui a ordonné de faire les 30 janvier 2020 et 19 décembre 2018. Cependant, Mme Yu affirme que l’Entrepreneur lui a fait des promesses qu’il allait faire les travaux, mais il ne les a jamais complétés.
[11] Or, suite à la décision rendue en 2018, en faveur de Mme Yu, le chef de chantier est venu effectuer des réparations sans les finaliser, et s’est abstenu des rendez-vous ultérieurs. En outre, Mme Yu dit qu’elle n’a pas reçu la décision du GCR du 30 janvier 2020. Cela est l’objet de l’appel par Mme Yu, ainsi que quatre points liés aux infiltrations non rétablies.
[12] Mme Yu a donc exprimé une nouvelle demande sur 4 points concernant les infiltrations d’eau à M. Pitre en décembre 2021. Des interventions ont été faites sans régler définitivement les infiltrations d’eau, et cela concerne la salle de bain, la chambre froide et la salle mécanique. Une infiltration au niveau du garage a été traitée par madame Yu et nécessite un test pour confirmer son efficacité.
[13] Selon Mme Yu, le promoteur et le chef de chantier lui ont affirmé que le confinement dû au covid-19 les avait obligés de reporter des réparations. Alors, Mme Yu attendait pour des dates figées d’interventions après le déconfinement, mais n’a eu aucune suite. Hors le confinement, le décès de sa mère l’a empêché de suivre son dossier pendant une certaine période.
[14] Mme Yu affirme qu’elle a compté sur M. Pitre pour la contacter au sujet de sa réclamation, jusqu’au jour où il l’a informée que le dossier est clos, et lui a confirmé la décision de sa fermeture rendue le 5 janvier 2022, pour laquelle elle fait appel.
[15] En somme, Mme Yu conteste cette décision de fermeture de son dossier de réclamation, et la fonde sur la base suivante :
▪ Les preuves qu’elle a mises à disposition de monsieur Pitre au sujet des points de réserve ;
▪ Sa demande auprès du chef de chantier qui s’est engagé à la contacter dès la réouverture des chantiers;
▪ Les courriels qu’elle a envoyés à monsieur Pitre (les courriels ont été dûment fournis).
[16] Mme Yu affirme en outre que son dernier voyage en Chine remonte à janvier 2019, son passeport en fait preuve, alors elle était toujours disponible depuis cette période. Elle ajoute qu’elle laissait accès au personnel du promoteur et c’est eux qui ne venaient pas, et ils n’ont aucune preuve de leur passage. En outre, elle n’a loué son unité qu’à partir du mois de juillet 2020.
[17] Dans le bail, elle aurait précisé que des visites de réparations auront lieu pour que les locataires donnent accès aux agents de l’entrepreneur, en échange d’un loyer réduit. Pourtant, aucun contact entre les locataires et monsieur Pitre n’a eu lieu. Quand un courriel est reçu par madame Yu fixant un rendez-vous pour les réparations, elle se présente aux lieux avec sa fille, mais l’équipe de l’entrepreneur s’abstient.
[18] Après la décision rendue en 2018, une visite de réparation a eu lieu, mais Mme Yu ne se rappelle pas si c’était en 2020 ou en 2021.
[19] Mme Yu considère que l’absence du promoteur reflète un manque de crédibilité de sa part.
[20] M. Baillargeon se réfère à un courriel de M. Pitre[1] en date du 5 janvier 2022 confirmant la clôture du dossier, intervenue après de multiples tentatives de l’entrepreneur à entrer en contact avec Mme Yu et accéder à son unité, demeurées sans réponse, ainsi que son non-respect du devoir de diligence. Ce courriel tient, Mme Yu responsable de la détérioration de son unité, compte-tenu de :
▪ Son voyage en Chine pendant un an, durée pendant laquelle elle a loué son unité ;
▪ Son refus à laisser l’entrepreneur accéder et procéder aux réparations en raison du covid-19.
[21] Ces circonstances rendent donc impossible l’intervention de l’entrepreneur. En outre, étant donné que la réglementation stipule qu’un arbitrage peut avoir lieu dans les 30 jours suivant une décision rendue, la demande de madame Yu est hors délai vis-à-vis des décisions rendues en 2018 et 2020.
[22] Je suis d’accord avec l’Administrateur sur le fait qu’il y a bel et bien un délai de 30 jours afin de déposer une demande d’arbitrage, mais il y a des conditions exceptionnelles qui pourraient justifier la prorogation dudit délai procédural.
[23] En effet, le deuxième alinéa de l’article 19.1 du Règlement stipule que : « Le nonrespect d’un délai ne peut non plus être opposé au Bénéficiaire, lorsque les circonstances permettent d’établir que le Bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’Entrepreneur ou de l’Administrateur.
[24] Or, en l’espèce, nous avons un Administrateur qui a accueilli la dénonciation des Bénéficiaires, mais sur la foi de ce que lui dit l’Entrepreneur affirmant qu’il n’a pas accès à l’unité des Bénéficiaires qu’il ferme le dossier.
[25] Force m’est de constater que rien ne s’est passé dans cette affaire, malgré que l’entrepreneur eût presque quatre ans dans l’une des décisions et de deux ans dans une autre décision pour le faire. Or, j’ai deux versions des faits en l’espèce. D’une part, la preuve documentaire démontre que l’Entrepreneur a essayé de faire les travaux et d’autre part, j’ai le témoignage de Mme Yu, que l’Entrepreneur ne les ait pas contactés, sauf pour une visite de réparation, malgré qu’elle fût disponible.
[26] Je dois dire que je préfère le témoignage de Mme Yu, qui a non seulement témoigner en personne dans cette affaire, et ce de façon crédible et digne de foi, mais elle a fait les efforts nécessaires afin de contester la décision de l’Administrateur de fermer son dossier.
[27] En l’espèce, je trouve cette situation complètement inacceptable, car le Législateur en adoptant le Règlement ne voulait sûrement pas que les Entrepreneurs et même les Administrateurs ne fassent pas les travaux qui sont tenus de faire dans les délais prescrits et qu’ils argumentent par la suite que les Bénéficiaires sont hors délais afin de faire valoir leurs droits.
[28] Nous avons aussi un Entrepreneur qui affirme qu’il veut faire les travaux, mais trouve des excuses pour ne pas les compléter en affirmant la non-disponibilité des Bénéficiaires, qui a contrario affirment pour leur part qu’ils sont dûment disponibles.
[29] En outre, je suis d’avis que si l’Entrepreneur n’est pas en mesure de faire les travaux, alors l’Administrateur devrait faire exécuter les travaux par un autre entrepreneur, et ce aux frais de l’Entrepreneur.
[30] En outre, il est raisonnable de conclure que les Bénéficiaires ont outrepassé les délais de déposer leur demande d’arbitrage en raison de l’ordonnance de l’Administrateur, ordonnant les corrections nécessaires, mais rien ne s’est passé depuis. Combien d’années doivent-ils attendre avant que les travaux soient effectués ? Je trouve la situation complètement inacceptable.
[31] Cela dit, je vais accepter la demande tardive de la demande d’arbitrage compte tenu du caractère exceptionnel de cette affaire, soit dans le cas d’un Entrepreneur qui ne respecte pas la décision de l’Administrateur et dans le cas d’un Administrateur qui n’a pas fait faire les travaux, comme il se devait. Il est raisonnable de conclure que les Bénéficiaires s’appuyaient sur l’ordonnance et des dires de l’Administrateur pour faire le travail, mais rien n’est fait, et ce malgré que leur disponibilité.
[32] Cependant, étant donné qu’il n’est pas nécessaire de traiter la demande des Bénéficiaires, car ils demandent que les ordonnances de l’Administrateur soient respectées et exécutées, il n’est donc pas nécessaire pour moi de considérer ces Points qui sont sans objet (moot), ayant reçu une réponse positive par l’Administrateur quant aux points en litige, mais qui n’ont pas été corrigés par l’Entrepreneur, malgré qu’il était tenu de le faire.
DÉCISION
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage ;
ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à l’Administrateur de procéder aux mesures correctives qui s’imposent quant aux points 1 à 12, 14 et 16 à 21, tel que dicté dans sa décision initiale datée du 19 décembre 2018[2] ainsi que dans sa décision du 30 janvier 2020 quant aux points 1 à 4, et ce dans les 45 prochains jours. À défaut de quoi, l’Administrateur
devra choisir un autre entrepreneur pour faire lesdits travaux, mais aux frais de l’Entrepreneur.
ORDONNE aux Bénéficiaires d’être disponibles dans les prochaines semaines, et ce afin que les travaux puissent être effectués.
ORDONNE à l’Administrateur de procéder au paiement des frais d’arbitrage encourus dans le cadre du présent arbitrage, conformément au Règlement avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce à compter de la date de la facture émise par GAJD, après un délai de grâce de 30 jours.
EN FOI DE QUOI, j’ai signé ce 7e jour du mois de novembre 2022.
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[1] Cahier de pièce - A9, page 122 de 256
[2] Dossier 133173-1527.